II. LES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR AVIS

A. LE SECTEUR VITICOLE ET SA RÉFORME

1. Un secteur en crise malgré des atouts de poids

a) Une filière viti-vinicole en situation de crise

La campagne 2005/2006 , qui s'est achevée au 31 juillet 2006, a été morose . Elle a en effet été marquée par une récolte moyenne évaluée à 53 millions d'hectolitres, en légère hausse par rapport aux cinq dernières années. Le niveau élevé des stocks a pesé sur les cours des vins de table et de pays: les vins de table rouge et rosé, par exemple, ont atteint des niveaux de prix qui n'ont jamais été aussi bas depuis 1997. Le marché des vins d'appellation est tout aussi morose: en mai de cette année, le niveau moyen des prix y était de 17 points inférieur à celui des cinq précédentes campagnes pour ce même mois. A de rares exceptions près, tous ces produits ont vu leur vente reculer depuis le début de l'exercice. Le revenu net d'entreprise agricole (RNEA) en viticulture a baissé de 56 % en 2005. Et les prévisions établies au 1 er août de cette année par le Service central des enquêtes et des études statistiques (SCEES) du ministère de l'agriculture et de la pêche font état d'une poursuite de cette situation.

Ces mauvais résultats s'inscrivent dans une tendance historique négative , même si contrastée, sur les cinq derniers exercices. La situation de la filière s'est en effet dégradée en 2000 et les difficultés se sont accrues au cours de l'année 2001 et au début de l'année 2002. Si la situation s'est ensuite améliorée pour les vins de table et de pays, notamment du fait des faibles récoltes en 2002 et 2003, la campagne 2004/2005 a de nouveau été marquée par une nette dégradation, alliant excédents de récolte, stagnation de la consommation, chute des prix et accroissement des produits invendus.

Cette morosité de la filière viti-vinicole s'explique par deux facteurs principaux . Elle réside tout d'abord dans la régression de la consommation intérieure de vin . Le marché national est le premier marché mondial et le principal débouché de la production viticole française. Or, il connaît une régression depuis les années 60. Ainsi, selon les études de l'Onivins, la consommation de vin des français âgés de plus de 14 ans serait passée de 135 à 57 litres par habitant et par an depuis 1960. Cette tendance s'expliquerait par une modification de comportement dans les habitudes alimentaires, notamment en termes de fréquence de consommation, et ce particulièrement chez les populations jeunes, délaissant le vin au profit d'alcools plus forts. Elle trouverait également sa source dans un changement de statut du produit lui-même, qui recule dans son créneau traditionnel qu'est celui de la boisson d'accompagnement du repas.

L' intensification de la concurrence des nouveaux pays producteurs sur les marchés extérieurs constitue le second grand facteur explicatif. Par le biais d'une politique active de développement de leurs vignobles, l'Australie, le Chili, les États-Unis, l'Argentine et l'Afrique du Sud sont entrés en quelques années dans le classement des plus gros producteurs mondiaux, mais aussi des principaux exportateurs. Ainsi, ces pays assurent aujourd'hui 20 % du commerce mondial vinicole, alors que leur part était marginale dans les années 70. Cet essor des pays non traditionnels dans les exportations mondiales a coïncidé avec une régression du poids des pays historiquement producteurs, tels que l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la France. Cette dernière a ainsi vu la part de ses exportations mondiales tomber à 22,7 % en 2002, alors qu'elle était de 31 % en 1987.

b) Des atouts indéniables

La viticulture occupe une place substantielle dans l'économie française, et même prépondérante au sein de la filière agricole.

Cette importance apparaît tout d'abord en termes géographiques . Présente dans 80 départements, la vigne couvre en 876.000 hectares. Le tiers de ce vignoble est situé dans le Languedoc-Roussillon, région qui compte par ailleurs le plus d'exploitations.

D'un point de vue économique , la France est le principal producteur européen: avec 55 millions d'hectolitres annuels, elle représente 30,6 % de la production de l'Union européenne en volume et la moitié en valeur. Le secteur des vins et spiritueux a contribué à l'excédent agroalimentaire français à hauteur de 6,5 milliards d'euros en 2004, constituant ainsi, et de loin, le premier poste excédentaire de la balance commerciale agricole et alimentaire nationale.

Sur le plan de l' image , la France demeure une référence internationale dans le secteur du vin, lui permettant de disposer d'un réseau de distribution important, d'une solide connaissance des marchés et d'une reconnaissance de la part de nombreux consommateurs étrangers.

D'un point de vue qualitatif , le système d'appellation français, en cours de révision, propose une diversité unique de produits rattachés au terroir :

- vins de table , provenant d'une même région ou de l'assemblage de vins de différentes régions, ne faisant l'objet ni de critères qualitatifs particuliers, ni d'un agrément spécifique, mais devant répondre à des conditions de production minimales :

- vins de pays , qui sont des vins de table soumis à des règles plus contraignantes, faisant l'objet d'un agrément identique à celui des vins AOC et ne pouvant provenir que de la zone de production dont ils portent le nom ;

- vins de cépage , obéissant à des règles identiques à celles des vins de pays, élaborés à partir d'un ou de deux cépages ;

- vins de qualité supérieure , catégorie de vins intermédiaire entre les vins de pays et les vins AOC, contrôlée et règlementée par l'Institut national des appellations d'origine (INAO), devant répondre à des conditions fixées par décret ;

- vins d'appellation d'origine contrôlée (AOC), tirant leur authenticité et leur typicité de leur origine géographique et de conditions de production déterminées.

Ce système de protection des appellations a connu un important succès et a été copié par de nombreux pays producteurs. La France est ainsi présente dans toutes les catégories de vins, la diversité de ses terroirs et son savoir-faire traditionnel représentant l'un de ses atouts majeurs.

Enfin, et malgré les efforts restant à réaliser, le secteur viticole français s'est progressivement adapté , ces dernières années, à l'évolution de la demande. Sous l'impulsion des primes d'abandon définitif, des primes de restructuration et des droits de plantation accordés prioritairement pour la production de vins AOC, le vignoble a été affecté par une double modification :

- quantitative . Depuis la fin des années 90, le nombre d'exploitations viticoles s'est considérablement réduit, celles-ci étant maintenant moins nombreuses mais plus grandes: quand le nombre d'unités de moins de cinq hectares chutait de 44 %, celui des exploitations d'au moins 30 hectares a cru de 41 %  ;

- qualitative . Les producteurs ont progressivement délaissé les vignes destinées à la production de vin de table, au profit des vignobles d'appellation (passés de 43 % à 55 % entre la production nationale de la campagne 1990/1991 et celle de 2002/2003) et des vins de pays (passés de 23 à 31 % durant la même période).

2. Des plans d'aide conjoncturels à l'efficacité limitée

a) Les mesures d'aide décidées par le Gouvernement français

Annoncées par le Premier ministre au congrès de la FNSEA le 23 mars dernier, la dernière série de mesures d'aides nationales, qui vise à soutenir les exploitations viticoles fragilisées, représente une enveloppe d'environ 90 millions d'euros imputable sur l'exercice budgétaire 2006, et n'ayant donc pas d'impact sur celui de 2007.

LE PLAN D'AIDE EXCEPTIONNEL DU GOUVERNEMENT POUR 2006

- 15 millions d'euros réservés pour les aides exceptionnelles de trésorerie aux exploitations fragilisées ;

- 5 millions d'euros de crédits dégagés au titre de la procédure Agridiff ;

- 4 millions d'euros pour le FAC ;

- 6 millions d'euros de prise en charge de cotisations sociales ;

- 30 millions d'euros de prêts de consolidation pour les exploitations viticoles ;

- 10 millions d'euros de prêts de consolidation réservés pour les coopératives viticoles ;

- 1,5 million d'euros pour des aides au départ en préretraites financées dès 2005 ;

-1,5 million d'euros pour des congés formation ;

- 12 millions d'euros pour stimuler les ventes de vins français à l'étranger par un soutien aux entreprises exportatrices ;

- 5 millions d'euros pour les aides à la restructuration de l'aval de la filière ;

- des mesures d'aménagement des dettes fiscales.

b) Les mesures d'aide décidées ou autorisées par l'Union européenne

L'actuelle OCM vin, représentant un budget communautaire de 1,27 milliard d'euros en 2005, permet à la Commission européenne d'intervenir à un triple niveau :

- en encourageant les entreprises du secteur à se restructurer (35 % des dépenses en 2005) ;

- en octroyant des primes d' arrachage définitif de vignobles (2 %) ;

- par des mesures d' intervention sur les marchés telles que la distillation et le stockage public (40 %), l'aide à l'utilisation des moûts enrichis (16 %), l'aide au stockage privé de vins et de moûts (5 %), et les restitutions à l'export (1 %).

La France bénéficie naturellement de ces trois types de mesures :

- en ce qui concerne la restructuration du vignoble, elle disposera pour la campagne 2006/2007 d'une enveloppe communautaire de près de 106 millions d'euros ;

- afin de résorber l'excédent de production par rapport aux potentialités de vente, près de 15.000 hectares de superficies viticoles auront été arrachées d'ici la fin de l'actuel exercice, ce qui représente une très forte hausse par rapport au précédent (1.738 hectares). Ces mesures seront reconduites pour la campagne 2006-2007 ;

- enfin, s'agissant de la distillation , 1,271 million d'hectolitres de vins de table ont été portés à la distillation alcool de bouche en 2005/2006, contre 8.000 hectolitres seulement durant le précédent exercice. Par ailleurs, des distillations de crise ont été ouvertes en 2005, pour un volume de 1,5 million d'hectolitres, et en 2006, pour un volume total de 3 millions d'hectolitres. Un soutien national complémentaire de 22,5 millions d'euros a permis de porter ce dernier chiffre à 4 millions d'hectolitres pour les viticulteurs français.

3. Une organisation commune de marché archaïque en passe d'être révisée

a) L'inadaptation de l'actuelle organisation commune de marché

Comme évoqué précédemment, l'OCM vin comprend des mesures visant à gérer le potentiel de production par une limitation des droits de plantation et par un soutien à l'amélioration structurelle au moyen, d'une part, de l'arrachage définitif et, d'autre part, de programmes de restructuration/reconversion axés sur l'adaptation de la qualité et de la quantité en fonction de la demande des consommateurs.

Cette OCM a permis, depuis le milieu des années 70, de juguler les excédents par la limitation du potentiel de production et par l'encouragement de l'abandon définitif des superficies de production, contribuant à leur diminution de 4,5 millions d'hectares en 1976 à 3,4 millions d'hectares en 2005.

Cependant, les ajustements successifs du système n'ont pas permis de l'adapter aux évolutions actuelles , marquées par :

- la baisse de la consommation de vin dans l'Union européenne de quelques 750.000 hectolitres par an (soit environ 0,65 % de la production), du fait d'une évolution des habitudes de consommation et des modes de vie ;

- l' augmentation des stocks de vin dépassant la production d'une année, qu'il est peu probable d'écouler, laquelle exerce une pression à la baisse sur les prix et les revenus des producteurs ;

- l' accroissement des importations à un rythme plus soutenu que les exportations , lesquelles pourraient, à ce rythme, leur être prochainement inférieures ;

- la montée en flèche de la production et des ventes de vin du nouveau monde , mettant en évidence le fait que les producteurs de vin de l'Union doivent accroître leur compétitivité ;

- l' utilisation désormais habituelle de mesures autrefois conjoncturelles telles que la distillation de crise, destinée à prendre en charge des excédents ponctuels, ou encore les aides au stockage privé.

b) Les propositions de réforme avancées par la Commission européenne

Prenant acte de ces tendances, la Commission européenne a publié, le 22 juin 2006, une communication sur la réforme de l'OCM vin. Quatre scenarios de réforme y sont distingués :

- première option : un statut quo s'accompagnant d'adaptations limitées ;

- deuxième option : une réforme en profondeur ;

- troisième option : une intégration de l'OCM dans le modèle de la PAC réformée ;

- quatrième option : la déréglementation du marché du vin.

Sur la base d'une étude d'impact publiée à l'appui de ses propositions, la Commission en est arrivée à écarter les options 1, 3 et 4 pour ne retenir que l'option 2, qu'elle conçoit comme articulée autour de deux variantes :

- la variante A , réalisable en une étape, consisterait en une abolition rapide des droits de plantation et du programme d'arrachage, au 1 er août 2010, laissant les exploitants libres de procéder à des arrachages, mais à leurs propres frais ;

- la variante B s'articulerait quant à elle en deux étapes. La première consisterait en la réalisation d'un vaste programme quinquennal d'arrachage, portant sur 400.000 hectares -soit 12 % du vignoble communautaire- et budgété à hauteur de 2,4 milliards d'euros. Destinée, selon la Commission, à assainir le marché, cette phase initiale serait suivie d'une seconde consistant à restaurer la productivité des producteurs.

Parallèlement à ces deux variantes, certaines dispositions leur seraient communes :

- la suppression des moyens d'intervention sur les marchés considérés comme inefficaces , tels que la distillation, l'aide au stockage et à l'utilisation des moûts, s'accompagnant d'une interdiction de la chaptalisation ;

- l'octroi d'enveloppes financières nationales permettant aux États de restructurer et moderniser leur appareil productif ;

- la promotion de mesures de développement rural : aides à l'installation et à la préretraite, aides aux pratiques contribuant à l'amélioration des paysages et à la conservation du patrimoine, aides à l'investissement et à la modernisation, mise en cohérence du cadre règlementaire sur la qualité du vin au niveau communautaire, autorisation des pratiques oenologiques admises au niveau internationales, simplification des règles d'étiquetage, autorisation de la mention du cépage sur l'étiquette des vins sans indication géographique.

Sur la base de cette proposition de réforme, des groupes de travail du Conseil des ministres se sont réunis les 5 et 10 juillet derniers, tandis que le sujet a été inscrit à l'ordre du jour des Conseils du 18 juillet et 25 octobre 2006. La Commission prévoit de poursuivre les discussions sur les principes de la réforme jusqu'en décembre de cette année, puis de transmettre ses projets de règlement au début de l'année 2007.

4. Une hostilité légitime des acteurs français à la proposition de réforme

a) La critique émise par le Gouvernement

Dès le jour de l'annonce par la Commission de son projet de réforme, le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Dominique Bussereau, a vivement réagi en jugeant le document « inacceptable », car « s'appuyant sur une analyse partiellement erronée du marché, conduisant à des propositions mal adaptées ».

Trois niveaux d'analyse du projet de réforme ont ainsi été distingués par le Gouvernement , en fonction de leur degré d'acceptabilité :

- le choix de la mise en place d'une OCM spécifique, dépourvue de mesure de découplage, exprimé au mois de mars par les principaux pays producteurs (France, Italie, Espagne, Portugal et Grèce), est considéré de façon positive ;

- d'autres dispositions sont jugées potentiellement acceptables à condition d'être adaptées : le maintien du régime de restructuration et de reconversion du vignoble, l'engagement d'une réflexion en profondeur sur les pratiques règlementaires, notamment oenologique, et l'inversement de l'équilibre entre mesures « passives », correctrices du marché, et les mesures « actives », propres à dynamiser la filière, au profit de ces dernières ;

- enfin, certaines mesures sont considérées comme rigoureusement inacceptables : la suppression des outils actuels de gestion du marché tels que les distillations, la libéralisation des droits de plantation, l'autorisation d'importation de la matière première, l'arrachage massif et définitif de 400.000 hectares de vignes, et la réduction du budget de l'OCM.

Le Gouvernement français n'est pas seul à critiquer le projet de la Commission : l'Espagne et l'Italie, les deux autres principaux producteurs européens, mais aussi l'Allemagne, l'Autriche, le Portugal, la République tchèque, la Slovénie, la Slovaquie, le Luxembourg, Chypre et Malte s'y sont également montrés hostiles, notamment s'agissant de la mesure d'arrachage.

b) La critique des professionnels du secteur

Les diverses organisations concernées par la réforme 10 ( * ) ont dénoncé , dans un communiqué commun, les orientations proposées par la Commission. Considérant qu'elle « n'apporterait aucun moyen significatif supplémentaire à la filière sur la promotion et les aides à la commercialisation », elles ont déploré sa « vision extrêmement libérale (...) et le risque de dérive vers une viticulture de type industriel ».

Au-delà de ces critiques, ces organisations ont avancé des propositions communes de réforme de l'OCM s'articulant autour de plusieurs grands points: une gestion du potentiel de production passant par des autorisations de planter encadrées, un suivi du potentiel existant et un arrachage temporaire ciblé ; la garantie d'une production de qualité à travers une interdiction des moûts importés et des coupages, le respect des cahiers des charges pour certaines mentions et la protection des indications géographiques ; le maintien de mécanismes de régulation du marché afin de gérer des crises exceptionnelles ; une responsabilisation des États membres passant par la présentation de plans d'équilibre entre offre et demande ; une réorientation des aides vers des activités de nature à relancer la filière.

Votre rapporteur partage les critiques émises, tant par le Gouvernement que par les organisations professionnelles, à l'encontre du projet de réforme de la Commission . Il estime notamment inconséquent de proposer l'arrachage de 400.000 hectares de vignes alors que plusieurs dizaines de milliers d'hectares ont été plantés, dans le Sud de l'Union européenne, sans droits, et donc en toute illégalité. Par ailleurs, il juge totalement contradictoire de proposer en même temps la libéralisation de ces droits et un plan d'arrachage massif.

S'il convient de la nécessité de réformer une OCM aujourd'hui partiellement inadaptée à son environnement, il ne peut que souhaiter le maintien d'un équilibre des marchés passant par des mesures de gestion de l'offre adaptées, ainsi que la garantie d'une qualité de production nécessitant un encadrement minimum des pratiques oenologiques et des règles d'étiquetage . Il note avec satisfaction toutefois l'infléchissement de la position de la Commission suite au dernier Conseil « Agriculture» et encourage les principaux pays producteurs à s'associer, autour de la France, pour avancer des contre-propositions communes.

B. LA NOUVELLE PROGRAMMATION DE DÉVELOPPEMENT RURAL 2007-2013

1. La nécessité d'une nouvelle programmation

a) Le développement des territoires ruraux doit être conforté

L'espace rural a considérablement évolué ces dernières années, offrant une physionomie nouvelle à laquelle doivent s'adapter les politiques de soutien des espaces ruraux. La France rurale, autrefois répulsive pour les citadins, a laissé place à une ruralité attractive, sans pour autant effacer ses fragilités structurelles.

L'exode rural, tout d'abord, s'est arrêté depuis le milieu des années 70 pour laisser place à un véritable regain démographique , grâce à la « poussée » des grandes métropoles. Durant la décennie 90, le « rural sous influence urbaine » a ainsi vu sa population croître de 8,8 à 12,25 millions d'habitants. Mais cette dynamique a également touché les territoires plus éloignés des espaces urbains, que l'on nomme parfois « rural profond » : le solde migratoire y était, lors du dernier recensement de 1999, légèrement positif. Au total, 39 % de la population métropolitaine réside dans des espaces ruraux et périurbains, créant de nouvelles opportunités, mais également de nouvelles attentes. Car si le territoire est globalement en voie de rééquilibrage, les spécificités régionales et infrarégionales restent fortes entre les zones les plus fragiles continuant de perdre des résidents, les nouvelles campagnes en recherche d'équilibre et les zones périurbaines à forte attractivité résidentielle.

Si l'agriculture continue d'occuper une place essentielle dans l'aménagement de ces territoires, elle n'y est plus hégémonique . Certes, l'activité agricole continue de s'étendre sur plus de la moitié du territoire national (60 %), suivie par la forêt (27 %), tandis que l'ensemble agriculture et agroalimentaire, sylviculture et industries du bois génère 72 milliards d'euros de valeur ajoutée brute et emploie près de 2 millions de personnes. Cependant, le patrimoine agricole est devenu en partie urbain : 40 % de la surface agricole utile (SAU) se situe désormais dans des zones proches de villes. Par ailleurs, des « conflits d'usage » apparaissent entre l'activité agricole et les besoins émanant d'autres types d'usagers de l'espace rural. Dans ces « nouvelles campagnes » en effet, les habitants revendiquent l'accès à des services diversifiés et de qualité : administration, commerce, éducation, soins, services à la personne, ainsi naturellement que des infrastructures de transport et de communication adaptées à la vie moderne.

b) La programmation 2000-2006 est arrivée à son terme

Au gré de ses réformes successives, et notamment avec l'accord de Berlin du 25 mars 1999, la PAC a fait émerger, aux côtés d'une action principale de soutien des marchés agricoles, un « deuxième pilier » consacré au développement rural . Bien qu'essentielle dans les espaces ruraux, l'activité agricole est en effet apparue comme insusceptible d'assurer à elle seule leur développement harmonieux. Au total, l'enveloppe communautaire octroyée pour la période 2000-2006 en faveur du développement rural de la France s'est chiffrée à 6,4 milliards d'euros.

Durant cette période, la politique communautaire de développement rural a cherché à atteindre trois grands objectifs stratégiques : promouvoir un secteur agricole et forestier viable et durable au coeur de la communauté rurale ; mettre en place les conditions territoriales, économiques et sociales nécessaires au maintien de la population rurale ; enfin, préserver et améliorer l'environnement, les paysages et le patrimoine naturel des zones rurales. Les quatre principes directeurs soutenant cette politique européenne de développement rural ont été la multifonctionnalité de l'agriculture, une approche multisectorielle et intégrée de l'économie rurale, la déconcentration et la décentralisation de la prise de décision, ainsi que la simplification et la flexibilisation des procédures.

Sur le plan institutionnel, quatre fonds structurels européens intervenant dans le cadre de la politique de cohésion européenne sont intervenus en matière de développement rural : le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section orientation (FEOGA-O), finançant les mesures concernant les régions en objectif 1 (les plus défavorisées) et en soutien transitoire ; le Fonds européen de développement régional (FEDER), dont un quart des crédits intervient dans des zones rurales dans le cadre de l'objectif 2 ; le Fonds social européen (FSE), soutenant des programmes de formation et de création d'emplois, dont un quart également concerne de telles zones en objectif 3 ; ainsi que l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP).

Les mesures financées par ces fonds et prévues dans des règlements successifs 11 ( * ) , font l'objet de trois niveaux complémentaires de programmation : le Plan de développement rural national (PDRN) au niveau national, cofinancé par le FEOGA-G ; les documents uniques de programmation (DOCUP) pour les zones d'objectif 2 et en soutien transitoire, soutenu par le FEOGA-G et articulé avec le FEDER et le FSE ; ainsi que les DOCUP pour les régions d'objectif 1 et en soutien transitoire, cofinancés par le FEOGA-O.

2. Le cadre nouveau fourni par le Fonds européen agricole pour le développement rural

a) Une nouvelle approche stratégique

Le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) marque une importante inflexion dans la politique communautaire de développement rural pour la période 2007-2013. Il consacre en effet l'existence d'un fonds y étant dédié , le FEADER, tout en maintenant la possibilité de soutenir des actions en territoire rural avec les fonds structurels existants. En pratique, les objectifs retenus par le FEADER paraissent largement complémentaires avec ceux du premier pilier de la PAC, du FEDER, du FSE ou du FEP ; une étroite coordination est à ce titre assurée entre eux.

Ce fonds doit intervenir en complément des actions nationales, régionales et locales, mais également en cohérence avec les priorités définies par la Commission. Le Conseil établit, en tenant compte de ces éléments, les orientations stratégiques en matière de développement rural pour la mise en oeuvre des trois grands axes thématiques développés ultérieurement. Chaque État membre définit ensuite, sur cette base, un plan stratégique national où il définit ses priorités d'action et leurs modalités de financement. La mise en oeuvre de ces plans stratégiques nationaux s'effectue par des programmes de développement rural présentant un ensemble de mesures cible assorties d'une étude d'impact et d'un plan de financement.

D'un point de vue financier , le montant du soutien communautaire au développement rural et sa ventilation annuelle sont fixés par le Conseil. Celui-ci statue à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, conformément aux perspectives financières pour la période 2007-2013 et à l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire. Dans le cadre de la gestion partagée entre la Commission et les États membres, ces derniers doivent mettre en place, pour chaque programme de développement rural, les organismes et procédures propres à en assurer la bonne exécution et le suivi.

Enfin, en vue de renforcer l'efficacité de leur mise en oeuvre, la politique et les programmes de développement rural font l'objet d'une évaluation en trois étapes . Une première , conduite sous la responsabilité de l'État, identifie et apprécie notamment les besoins à moyen et long terme, les objectifs à atteindre et la qualité des dispositifs mobilisés. La deuxième évaluation, effectuée en cours de mise oeuvre du programme, prendra la forme d'un rapport d'évaluation à mi-parcours, en 2010, complété par un rapport d'évaluation ex-post en 2015. Enfin , une synthèse de ces dernières évaluations devra être conduite sous la responsabilité de la Commission et finalisée au plus tard le 31 décembre 2016.

b) Trois axes de développement rural prioritaires

Dans les formes et selon les procédures précédemment évoquées, le but du fonds est d'aider à la réalisation des trois objectifs correspondant aux trois axes de développement rural définis au niveau communautaire.

? Le premier consiste en l' amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier . Il s'agit de fournir une aide pour toute mesure visant à améliorer :

- l'amélioration du potentiel humain , ce qui peut passer par des actions d'information et de formation professionnelle en matière technique et économique, des mesures facilitant l'installation de jeunes agriculteurs et la retraite anticipée des plus anciens, ou encore l'utilisation des services de conseil par les exploitants agricoles et forestiers ;

- la restructuration du potentiel physique , qui passe par la modernisation des exploitations agricoles et forestières, l'accroissement de la valeur ajoutée des productions primaires, le développement des infrastructures, ainsi que la reconstitution du potentiel de production agricole endommagé par des catastrophes naturelles et la mise en place de mesures de prévention appropriées ;

- l'augmentation de la qualité de la production et des produits , impliquant d'aider les agriculteurs à s'adapter aux normes exigeantes imposées par la législation communautaire et de les encourager à participer à des process en faveur de la qualité alimentaire.

? Le second axe de développement concerne l' amélioration de l'environnement et de l'espace rural . Il s'agit d'encourager les exploitants agricoles et forestiers à gérer leurs terres selon les méthodes préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Dans ce cadre, le règlement prévoit notamment des aides liées aux handicaps naturels dans les régions de montagnes et les autres zones à handicap, ou des paiements agroenvironnementaux couvrant des engagements excédant les normes obligatoires correspondantes.

? Enfin, le troisième axe se rapporte à la qualité de la vie en milieu rurale et à la diversification de l'économie rurale . Sont envisagées à ce titre la rénovation et la mise en valeur des villages et du patrimoine rural ; le soutien à la création de microentreprises, au développement d'activités touristiques et à la valorisation du patrimoine naturel l'amélioration de la qualité de vie en milieu rural ; ainsi que la formation professionnelle des acteurs économiques dans les domaines précités.

3. Le programme soumis par la France aux institutions communautaires

a) Une volonté de déconcentration affichée

Dans ce cadre nouveau constitué par le FEADER, le Gouvernement a arrêté , lors du Comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (CIACT) du 6 mars 2006 , l' architecture de la programmation française 2007-2013 de développement rural , qu'il va soumettre à la Commission européenne pour validation.

Ce programme se caractérise essentiellement par sa déconcentration : les spécificités propres à chaque territoire doivent y être mieux prises en compte grâce à la mise en oeuvre du principe de subsidiarité. Parallèlement à la définition d'une stratégie à un niveau national, en lien avec les orientations communautaires, l'intervention publique doit être adaptée en fonction des enjeux locaux et en partenariat avec les acteurs y évoluant. Il s'agit ainsi de prendre en compte le constat, déjà évoqué, d'une ruralité française aux multiples dimensions.

Le niveau de programmation et les modes de gestion choisis répondent à cet objectif de différenciation , à travers :

- un programme dit « hexagonal » (PDRH), doté de 5,3 milliards d'euros , couvrant l'ensemble du territoire métropolitain hors Corse. Il se compose d'un socle national, au sein duquel sont programmées des mesures comme la compensation des handicaps naturels, le soutien à l'installation en agriculture ou la poursuite des aides de reconstitution des forêts. Il intègre également un volet régional confié aux préfets de région et contenant des mesures visant à favoriser le développement économique et la modernisation (qualité des produits, formation, bâtiments ...), à préserver l'état de la ressource naturelle (mesures agroenvironnementales, soutien à l'agriculture biologique ...) et à maintenir l'attractivité des territoires ;

- un programme pour chacun des départements d'outre-mer , dont les caractéristiques géographiques (insularité, éloignement et climat), économiques et sociales déterminent des enjeux spécifiques, doté de 630 millions d'euros ;

- enfin, un programme pour la région Corse , dont les caractéristiques conduisent également à définir des enjeux propres, doté de 83 millions d'euros .

b) Une hiérarchisation des niveaux d'intervention

L'enveloppe d'environ 5,3 milliards d'euros allouée par le FEADER à la France pour le programme « hexagonal » -le seul actuellement finalisé- durant la période 2007-2013 sera ventilée en différentes mesures regroupées autour de quatre axes principaux. Le taux de cofinancement national sera de 50 % pour les axes 1 et 3, et de 55 % pour les axes 2 et 4.

? Consacré à la compétitivité de l'agriculture et de la sylviculture , l' axe 1 sera doté à hauteur de près de 1,7 milliard d'euros de la part du FEADER, soit 32 % de l'enveloppe globale . Il comporte des actions de soutien à :

- la formation et l'innovation . Si la population agricole française bénéficie d'un rééquilibrage progressif de la pyramide des âges et d'un niveau de formation initiale supérieur à la moyenne communautaire, cette dimension reste capitale dans un secteur soumis à des modifications rapides de l'environnement juridique et de la demande sociale. 56 millions d'euros seront mobilisés à cet effet ;

- l'installation en agriculture . La taille moyenne des exploitations et le montant des capitaux mobilisés ayant augmenté, il est primordial d'accompagner la transmission des exploitations. Plus de 600 millions d'euros seront ainsi consacrés à l'installation des jeunes en agriculture ;

- la modernisation des exploitations agricoles . Alors que la libéralisation des échanges exige des agriculteurs une compétitivité renforcée, et compte tenu de la part croissante de l'actif immobilisé, il est essentiel d'accompagner les exploitations dans leur efforts de modernisation. Il est ainsi prévu de programmer 607 millions d'euros dans ce but, principalement au titre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et du plan végétal pour l'environnement, sans que le départ entre les deux n'ait été encore réalisé ;

- la compétitivité des industries agro-alimentaires et des filières de qualité . Si ce type d'industrie enregistre de bons résultats, il doit aujourd'hui répondre aux nouveaux défis que sont la globalisation de l'économie, l'émergence des biotechnologies et l'accroissement des exigences des consommateurs. Près de 143 millions d'euros y seront consacrés ;

- la mobilisation de la ressource forestière et l'amélioration de la valeur économique des forêts . 35 millions d'euros seront mobilisés sur la desserte forestière et 29 sur les investissements forestiers.

? L' axe 2 , consacré à la gestion de l'espace et à la protection de l'environnement , sera doté à hauteur de 3 milliards d'euros , soit 58 % de l'enveloppe globale . Il comportera des mesures soutenant :

- les zones de montagne et défavorisées . L'évaluation à mi-parcours de la programmation 2000-2006 ayant montré l'importance que revêtent les soutiens aux exploitations situées dans les zones de montagne ou à handicap, la politique de solidarité à l'égard de ces zones sera confortée puisque l'ICHN constituera la première mesure du programme et représentera une dépense sur la période de près de 2 milliards d'euros ;

- la préservation du cadre naturel . L'enjeu est tout à la fois de préserver les espaces remarquables et de reconquérir la qualité de l'eau dans certaines zones sensibles, mais aussi d'améliorer les pratiques agricoles en vue d'un effet global sur l'environnement « ordinaire ». La PHAE, ouverte au plus grand nombre, sera financée à hauteur de 1,5 milliard d'euros, mais sur le seul budget national à compter de 2008, car sortie du FEADER faute de crédits suffisants. Par ailleurs, près de 400 millions d'euros seront mobilisés pour des mesures plus ciblées sur des zones à enjeux ;

- la forêt . Constituant tout à la fois une richesse économique, sociale et environnementale, elle bénéficiera de 263 millions d'euros pour la reconstitution de son potentiel sa protection.

? Consacré à la diversification de l'économie et à la qualité de vie en milieu rural , l' axe 3 sera doté de 536 millions d'euros , destinés à soutenir :

- la création d'emplois . 151 millions d'euros seront mobilisés en accompagnement des activités de diversification, afin de soutenir le développement et le maintien des micro-entreprises, et de promouvoir le tourisme rural ;

- la qualité de la vie en zone rurale . 161 millions d'euros seront consacrés à l'adaptation de l'offre de services et à la valorisation du patrimoine naturel et culturel.

? L' axe 4 , axe LEADER, traduit une approche de développement local fondée sur la participation des acteurs et la mise en oeuvre de stratégies intégrées et partagées. Si les 260 millions d'euros mobilisés à ce titre ont vocation à irradier les trois axes, ils devraient en pratique rester très liés aux mesures de l'axe 3.

4. Des interrogations subsistant en matière de financement

a) La baisse de l'enveloppe allouée par l'Union européenne

L'enveloppe communautaire globale de FEADER allouée à la France sera de près de 6 milliards d'euros sur la période 2007-2013. A titre de comparaison, les dépenses correspondantes pour la période 2000-2006 se sont élevées à 6,4 milliards d'euros. La future programmation s'inscrit donc dans un cadre budgétaire contraint, où les crédits communautaires disponibles diminuent de 400 millions d'euros .

S'il comprend les contraintes financières induites par l'élargissement de l'Union, votre rapporteur s'inquiète des conséquences d'un tel désengagement financier de l'Union européenne en matière de développement rural , alors que l'accent devait être mis sur ce second pilier durant la programmation à venir. L'entretien et la promotion des espaces ruraux dans leurs multiples dimensions, dont l'agriculture n'est qu'un des aspects, constitue en effet typiquement une question d'intérêt communautaire dont la renationalisation sous-jacente n'est pas sans interroger sur la garantie d'un développement harmonieux et équilibré du territoire communautaire.

b) Les ajustements prévus par le Gouvernement

Lors de la tenue du comité stratégique national, le 24 octobre dernier, le Gouvernement a toutefois assuré qu'au-delà de cette baisse apparente des crédits affectés au développement rural, les financements totaux devraient être confortés et représenter plus de 12 milliards d'euros pour la période 2007-2013.

Ceci grâce à la mobilisation de cofinancements multiples : pour le seul programme « hexagonal », en contrepartie des 5,3 milliards d'euros, l'État apportera une contribution de 3,7 milliards et les collectivités territoriales de 900 millions d'euros.

Par ailleurs, sont prévus des financements nationaux sans contrepartie communautaire , à hauteur de près de 2,5 milliards d'euros. Ils porteront pour une large part sur la PHAE, qui bénéficiera d'une dotation de 260 millions d'euros sur le budget de l'État.

C. LE CONTRÔLE DES PÊCHES ET SA RÉFORME

1. Le constat de l'insuffisance du dispositif de surveillance et de contrôle

a) Le dispositif antérieur à la réforme de 2002

Instaurée en 1983 et réformée une première fois en 2002, la politique commune de la pêche (PCP) vise essentiellement à favoriser la conservation et la gestion durables des ressources halieutiques. Or, si une réglementation étoffée a été élaborée en ce sens dès son origine, il est resté acquis que la surveillance de l'activité de pêche et les activités de contrôle , régies notamment par le règlement n° 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique de contrôle de la pêche, étaient de la responsabilité des États membres .

Dans un premier temps, les mesures d'application des règles ont porté presque exclusivement sur les règlements en matière de conservation , couvrant des domaines tels que la gestion des quotas et l'application de mesures techniques. Les inspections devaient permettre de vérifier si les engins de pêche à bord des navires étaient conformes aux normes officielles, si les informations consignées dans les journaux de bord étaient correctes et si le poisson respectait les tailles minimales.

Il fallait également contrôler les niveaux des captures , pour vérifier s'il restait encore une part de quota disponible pour les espèces présentes à bord, et en examiner la composition pour déterminer si les règles régissant les quantités d'espèces cible à bord avaient été respectées. Toutes ces dispositions visaient à assurer l'utilisation d'engins de pêche adéquats pour les activités de pêche concernées.

De telles inspections existent encore et continueront d'être utiles. Cependant, le renforcement de la politique commune de la pêche et l'instauration de la réduction de l'effort de pêche ont fait ressentir la nécessité d'une consolidation et d'une extension de la réglementation en matière d'application des règles .

b) Les critiques émises à son encontre

Dans son Livre vert sur l'avenir de la politique commune de la pêche, rendu public en 2001 en vue d'en préparer la réforme, la Commission européenne a dressé un véritable constat de carence de la PCP, notamment au niveau de sa mise en oeuvre . Plusieurs éléments à charge étaient ainsi relevés.

Considérées comme insuffisantes et discriminatoires par les différents acteurs, les actions de surveillance et de contrôle requerraient un processus de centralisation et d'harmonisation au niveau européen, propre à assurer une véritable égalité de traitement. Du fait du caractère national des sanctions et de la limitation des pouvoirs des inspecteurs de la Communauté, ceux-ci ne pouvant mener des inspections indépendantes , la possibilité d'une action au niveau européen était grandement restreinte.

L'hétérogénéité des systèmes juridiques conduisait ainsi à de profondes disparités entre États membres quant au traitement des infractions, qu'il s'agisse des procédures de suivi ou bien des sanctions imposées. L' étroitesse des prérogatives reconnues aux instances communautaires en matière de contrôle empêchait par ailleurs la Commission d'engager les poursuites adéquates devant les États membres ne respectant pas leurs obligations communautaires. L'organisation du contrôle et de la surveillance apparaissait comme excessivement compartimentée . Les ressources disponibles pour mener à bien cette tâche étaient loin d'être optimales, tant s'agissant de la Commission européenne que des États membres eux-mêmes.

La Communauté n'était pas parvenue davantage à arrêter une position sur le contrôle des activités de pêche dans le cadre des organisations régionales de la pêche (ORP). Cette absence de stratégie communautaire univoque en matière de surveillance des activités de pêche dans les eaux internationales prive en partie de leur efficacité les efforts accomplis en vue d'assurer le respect des obligations internationales de l'Union et de garantir le maintien de sa flotte de pêche dans lesdites eaux.

A titre prospectif , le Livre vert préconisait de « continuer à progresser en ce qui concerne la coordination des politiques nationales, l'harmonisation des sanctions, le suivi des infractions et la définition des responsabilités respectives des États membres et de la Commission quant à la mise en oeuvre des programmes de contrôle ». Il suggérait également en creux la création « au sein de la Communauté (d')une structure commune d'inspection qui coordonnerait les politiques et les actions des États membres et de la Communauté à cet égard ». Il concluait que la révision de la PCP ouvrait une occasion de mener à bien ces améliorations et que l'absence de réforme en ce sens « porterait un coup fatal à (sa) crédibilité ».

2. Les adaptations réalisées à l'occasion de la réforme de la politique commune de la pêche

a) Un effort notable en termes d'harmonisation et de coopération

S'agissant de l'organisation générale du contrôle des pêches, la réforme a clarifié les responsabilités des diverses parties impliquées, en distinguant entre :

-  les États membres , qui sont responsables de la mise en oeuvre des règles de la PCP sur leur territoire et dans leurs eaux ainsi que par les navires battant leur pavillon en dehors de ces eaux ;

-  la Commission , qui doit faire en sorte que les États membres honorent leurs responsabilités, tant en termes d'équité que d'efficacité ;

-  et les acteurs impliqués dans tous les secteurs d'activité de la pêche, de la capture à la commercialisation, en passant par le transport et la transformation.

Afin de renforcer l'efficacité des contrôles et d'éviter la duplication des structures et des tâches, a été instaurée une coopération accrue :

- entre la Commission européenne et les États membres . Ces derniers doivent ainsi fournir aux instances communautaires des informations complètes, comparables et régulières sur les résultats des contrôles auxquels ils ont procédé ;

- entre États membres . Il est ainsi reconnu à chacun compétence pour contrôler, sous certaines conditions, les navires battant son pavillon, mais aussi celui d'un autre État membre, dans les eaux d'autres États membres au-delà de la limite territoriale des 12 milles avec l'accord de l'État côtier concerné. Par ailleurs, les navires de l'UE qui opèrent dans les eaux internationales sont désormais susceptibles d'être soumis à des inspections d'un État membre.

Est par ailleurs recherchée une harmonisation dans l'application des règles de la PCP. Afin de pallier les inconvénients liés à la disparité des systèmes de contrôle, le Conseil prévoit d'établir un catalogue des procédures à suivre, des infractions relevables et des sanctions applicables. Il ne s'agit pas de standardiser les modes nationaux de contrôle, mais d'en garantir l'équité et l'uniformité.

Davantage d'autonomie doit être conférée à la Commission dans son pouvoir de contrôle. Conservant son pouvoir d'évaluation de l'application des règles de la PCP au niveau national, elle voit reconnaître à ses inspecteurs le droit de contrôler les navires ainsi que les locaux des entreprises ou toute autre entité liée à la PCP, sans être accompagnés par les inspecteurs nationaux concernés. Si ce pouvoir accru est limité aux navires ou endroits de premier débarquement et de première vente, ainsi qu'aux zones et stocks de poisson soumis à une surveillance spécifique, il s'agit là tout de même d'une évolution importante.

b) Une modernisation des matériels de contrôle

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont à même de renforcer substantiellement l'efficacité des procédures de contrôle. Parmi elles, les instruments satellitaires occupent une place prépondérante. Innovatrice en la matière, l'Union européenne a décidé la mise en place d'un système de surveillance des navires par satellite (VMS) s'appliquant, depuis le 1 er janvier 2005, à tous les navires communautaires de plus de 15 mètres, à certaines exceptions près.

Ce dispositif permet d'établir, à intervalles réguliers, des rapports sur la position, la vitesse et la trajectoire des navires. Depuis le 1 er janvier de cette année, des dispositifs électroniques ou « boîtes bleues » sont installés à bord des bateaux de pêche, afin de transmettre automatiquement au centre de surveillance des pêcheries compétent, via satellite, des informations recoupées avec d'autres catégories de données. Sur demande expresse, la Commission européenne peut avoir accès à des données pour s'assurer que les États membres remplissent leurs obligations de contrôle.

Cette méthode de surveillance, qui ne remplace pas celles plus traditionnelles, doit permettre de planifier plus précisément et de mieux cibler les contrôles aériens et maritimes. Elle a d'ores et déjà contribué à réduire significativement les frais de fonctionnement liés au contrôle des pêches, évalués à plus de 250 millions d'euros pour l'ensemble des États membres. Depuis une dizaine d'années, les États membres sont éligibles à une aide au financement d'instruments de contrôle, et notamment aux projets liés au système VMS.

Le Conseil « Pêche » du 21 novembre 2006 a par ailleurs décidé de doter la flotte communautaire d'un nouveau dispositif électronique d'enregistrement et de communication des activités de pêche . Un carnet de bord électronique remplacera à terme l'actuel carnet papier, pour l'ensemble des bateaux de pêche de plus de quinze mètres. La Commission cofinancera jusqu'à 50 % du coût d'investissement que cette mesure impliquera pour les pêcheurs.

3. La mise en place de l'Agence communautaire de contrôle des pêches

a) Le statut de l'agence

La création d'une telle agence, prévue par le règlement (CE) n° 768/2005 du Conseil du 26 avril 2005 instituant une agence communautaire de contrôle des pêches (ACCP) et modifiant le règlement (CE) n° 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche, répond aux préconisations précitées du Livre vert de la Commission de 2001, ainsi qu'à sa communication de mars 2003 intitulée « Vers une application uniforme et efficace de la politique commune de la pêche ».

L'agence est un organisme de la Communauté, doté d'une personnalité juridique et dont le siège , actuellement à Bruxelles, sera transféré en 2008 à Vigo, en Espagne. Son financement provient de trois sources : le budget communautaire, la rémunération des services rendus aux États membres et celle perçue pour les publications, les formations et les autres services qu'elle effectue. Elle sera dotée de 5 millions d'euros en 2007.

L'agence est dotée d'un conseil d'administration qui adopte les procédures nécessaires pour qu'elle puisse s'acquitter de sa mission. Il est composé de six représentants de la Commission européenne et d'un représentant par État membre, nommés sur la base de leur expérience. Le personnel est composé de fonctionnaires temporairement détachés ou affectés ainsi que d'autres agents recrutés par l'agence en fonction de ses besoins.

Une évaluation externe doit être réalisée à la demande du conseil d'administration dans les cinq ans suivant l'entrée en fonction de l'agence, et tous les cinq ans ensuite. Chaque évaluation examinera l'impact du règlement pour jauger l'utilité, la pertinence et l'efficacité de l'agence et la mesure dans laquelle cette dernière contribue à l'objectif d'assurer l'application efficace et uniforme de la PCP.

b) Les missions de l'agence

L'ACCP est chargée d'une mission générale de coordination opérationnelle des opérations de contrôle nationales dans l'espace communautaire . A ce titre, elle doit organiser le déploiement commun des moyens nationaux d'inspection, conformément à une stratégie européenne. Des plans de déploiement communs seront ainsi établis, en concertation avec les États membres, les premiers devant concerner le cabillaud et le thon rouge. Des équipes multinationales seront mises en place pour réaliser des inspections en mer et à terre sur des zones, pêcheries et flottes déterminées.

L'agence aidera les États membres à assumer leurs responsabilités non seulement dans les eaux communautaires mais également en application d'accords de pêche conclus avec des pays tiers. Elle interviendra également en haute mer au titre de programmes internationaux de contrôle et d'inspection adoptés dans le cadre d'organisations régionales de pêche telles que l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) ou la Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE).

L'agence sera également chargée de la formation d'inspecteurs, de la fourniture d'équipements et de services de contrôle et d'inspection, de la coordination de la mise en oeuvre de projets pilotes communs ou de procédures de contrôle opérationnelles communes, ainsi que de l'établissement de critères pour l'échange de moyens de contrôle et d'inspection. En outre, elle pourra fournir, à la demande et aux frais des États membres, des services pouvant comprendre l'affrètement et l'exploitation de navires de surveillance et le recrutement d'observateurs à bord des navires de pêche.

Le 27 octobre de cette année, l'agence a adopté son premier programme annuel de travail . Trois priorités y sont retenues : protéger les stocks soumis à un plan de reconstitution ou à d'autres plans pluriannuels, travailler à la réalisation des objectifs du Plan d'action communautaire pour la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée, et réduire l'impact des pratiques de pêche destructrices et des rejets de poissons. Elles commenceront d'être mises en oeuvre dès que l'agence sera devenue officiellement opérationnelle, c'est-à-dire au 1 er janvier 2007.

4. La réorganisation du dispositif de contrôle au niveau national

a) La nécessité de se mettre en conformité avec les exigences communautaires

La France est, depuis le milieu des années 80, en contentieux avec l'Union européenne du fait de captures illégales de poissons de petite taille , notamment de merlus du Golfe de Gascogne, espèce protégée très appréciée des Espagnols. Suite à de nombreuses inspections, notre pays a été condamné une première fois en 1991. N'ayant pas pour autant mis fin à ces pratiques, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a été saisie de l'affaire.

Dans un arrêt du 12 juillet 2005, elle a considéré que la France avait commis une infraction au droit communautaire et jugé ce comportement « particulièrement grave et persistant », estimant qu'elle n'avait « pas encore pris toutes les mesures nécessaires pour s'acquitter pleinement de ses obligations ». En conséquence, elle l'a soumise au paiement d'une amende de 20 millions d'euros, assortie d'une astreinte de 57,7 millions d'euros . Ces sanctions, d'un montant considérable, restent cependant en deçà de celles initialement envisagées : la Commission avait réclamé une astreinte de 316.500 euros par jour, tandis que l'avocat général requerrait une amende de 115 millions d'euros.

Si cette amende et une première astreinte ont bien été payées, le Gouvernement français s'est cependant inscrit en faux par rapport à ces analyses, estimant que son plan renforcé de contrôles avait augmenté ces derniers de près de 50 %, que la pêche et la commercialisation de poissons de petite taille n'avait qu'un caractère résiduel et que les pêcheurs ayant commis de telles infractions avaient été soumis à de sévères sanctions. Devant l'importance des montants en jeu et l'inflexibilité des instances communautaires, il devenait cependant impératif de réviser la réglementation nationale.

b) Le réaménagement des procédures de contrôle des pêches

Le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Dominique Bussereau, a annoncé dans le courant du mois d'avril à l'ensemble des services de l'État concernés les aménagements au dispositif de contrôle des pêches qu'il convenait de mettre en oeuvre pour lever l'astreinte semestrielle pesant sur la France. Ainsi, il a recommandé aux préfets de région et aux préfets maritimes ainsi qu'aux responsables nationaux des administrations régaliennes, d'employer de façon plus efficace les moyens de l'État et de les orienter vers la recherche des trafics organisés de pêche illégale.

Il a notamment insisté sur la nécessité d'améliorer la forme des contrôles en mettant en oeuvre des procédures standardisées et en s'assurant que la communauté des pêcheurs ne fasse pas l'objet de mesures disproportionnées. Tous les services recevront à cet effet un guide méthodologique du contrôle. Il a annoncé le renforcement des cellules de coordination des pêches au sein des centres régionaux opérationnels et de sauvetage (CROSS). Il a également demandé aux préfets de région et aux préfets maritimes de veiller à un bon emploi des moyens afin d'éviter une multiplication des contrôles.

Le ministre a annoncé par ailleurs la mise en place d'une charte du contrôle des pêches maritimes destinée à s'assurer que les contrôles se déroulent dans le respect des droits des contrôlés sans désorganiser leur activité économique, dans un climat serein et de respect mutuel. Des plans de contrôle doivent être définis par les inspecteurs au niveau national, puis régional (pour les contrôles réalisés à terre), et complétés par des plans de façade (pour les contrôles réalisés en mer et au débarquement). Les contrôles doivent porter à la fois sur les droits d'accès, sur les instruments de pêche et sur les captures, avec une attention particulière portée à leur taille.

Des garanties procédurales sont prévues :

- avant le contrôle . Les différents plans de contrôle sont présentés chaque année aux représentants de la filière. Des visites peuvent avoir lieu à la demande du patron de pêche afin de s'assurer de son respect de la réglementation. Les inspections sont préparées en amont afin d'être adaptées à chaque situation ;

- pendant le contrôle . La présence des responsables du bateau est encouragée. L'arrivée des corps d'inspecteur doit se faire avec courtoisie et de telle façon que l'activité du navire de pêche soit la moins perturbée. Le déroulement des contrôles suit une procédure formellement prédéfinie ;

- après le contrôle . Le responsable du navire est informé des résultats du contrôle et invité à viser le rapport en découlant. En cas d'infraction, les mesures conservatoires prises doivent être proportionnées. Des procédures administrative et judiciaire, susceptibles d'appel ou de recours, peuvent être ensuite engagées.

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Réunie le mercredi 8 novembre 2006, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007, M. Gérard César, rapporteur pour avis, ayant appelé à voter en ce sens et MM. Jean-Marc Pastor et Gérard Delfau, rapporteurs pour avis, à voter en sens inverse. Le groupe socialiste s'est abstenu et le groupe communiste a voté contre.

* 10 La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), les Jeunes agriculteurs (JA), la Confédération des coopératives vinicoles de France (CCVF), la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux de vie à appellation d'origine contrôlée (CNAOC) et la Confédération française des vins de pays (CFVP).

* 11 Règlement (CE) n° 1257/1999 du 17 mai 1999 ou règlement de développement rural (RDR), modifié par le règlement (CE) n° 1783/2003 du 29 septembre 2003, et règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural.