B. LA PRISE EN COMPTE DE L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE RECONFIGURER LES RÉSEAUX DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES

Une des principales missions confiée à la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France est, d'après la lettre de mission rédigée le 27 août par le Président de la République, « d'identifier de manière opérationnelle :

• les missions prioritaires assignées à notre appareil diplomatique dans le contexte d'un monde en pleine évolution ;

• les aménagements à apporter à l'organisation et aux structures du ministère des Affaires étrangères et européennes, pour qu'il se concentre sur ces missions ;

• les conséquences à en tirer sur les métiers spécifiques de ce ministère, tant au niveau du recrutement, de la formation professionnelle, du déroulement des carrières, que de l'ouverture vers l'extérieur ».

D'ici aux propositions qui seront rendues en juin 2008, un état des lieux des actions déjà effectuées en matière d'adaptation des réseaux diplomatiques et consulaires fait apparaître les orientations suivantes :

Le ministère des Affaires étrangères considère, à juste titre, que le regroupement, sur un même site, des services français à l'étranger constitue une priorité, d'abord pour renforcer la sécurité des personnels, ensuite pour dégager des économies de fonctionnement, enfin pour assurer la proximité des ambassadeurs avec les services de l'Etat placés sous leur autorité. Les services du MAE commentent ainsi cet objectif :

« Le regroupement des différents services de l'Etat sur un même site fait partie des conclusions du Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), réuni en 2006. C'est donc l'une des priorités de la politique immobilière du MAE et don c l'une des priorités de la politique immobilière de l'Etat à l'étranger, dont la Commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur les opérations immobilières de l'Etat à l'étranger suit l'exécution.

Les regroupements des missions économiques avec d'autres services de l'Etat sur un même site sont déjà pratiqués. Ainsi, sur ses 140 implantations à l'étranger (hors postes à agents isolés), les services de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) sont regroupés avec les services du ministère des affaires étrangères dans 78 cas (55 en propriété et 23 en location). Une dizaine de regroupements supplémentaires sont en cours d'étude.

Mais le regroupement ne constitue pas une fin en soi : il doit être utile, nécessaire, générateur d'économie, et ne pas constituer une entrave pour l'accomplissement des missions des services. Un bilan coût/avantage doit donc précéder chaque projet de regroupement, qui doit prendre en compte les conditions financières du regroupement, ainsi que les impératifs fonctionnels des services, ce qui suppose une concertation préalable entre les administrations impliquées dans un projet de regroupement.

a) Les projets de regroupements suivants sont en cours de réalisation dans le réseau diplomatique

• Pékin : un terrain a été acheté pour y construire la résidence et un bâtiment qui regroupera la chancellerie et tous les services.

• Tokyo : construction sur un terrain domanial d'une nouvelle ambassade, capable d'accueillir l'ensemble des services. Le projet se fait en procédure innovante, type PPP 3 ( * ) à coût nul pour l'Etat.

• Jakarta : regroupement des services sur un terrain déjà acheté. La phase de programmation des besoins est en cours.

• Rabat : le regroupement du SCAC avec les services diplomatiques (hors consulaires) sur le site de la chancellerie sera effectué, avec la construction d'un nouveau bâtiment, et la vente du SCAC actuel.

• Vienne : regroupement des différents services dans un bâtiment propriété de l `Etat, avec des aménagements.

• Dublin : recherche d'une implantation pour y regrouper l'ensemble des services, après la vente de l'actuelle chancellerie.

Sont à l'étude les projets suivants :

• Madrid : regroupement des services, aujourd'hui éclatés entre la chancellerie et le site de « Marques de Ensenada ».

• Séoul : cession du campus diplomatique abritant la chancellerie, le consulat et la résidence, et des logements, ainsi que les bureaux occupés par la mission économique et par l'institut culturel ; acquisition d'un plateau de bureaux pouvant accueillir l'ensemble des services et une résidence pour l'Ambassadeur.

• Londres : l'immeuble qui abrite l'ambassade se compose de deux bâtiments jumelés, dont l'un est détenu en pleine propriété, et l'autre fait l'objet d'un bail de longue durée. Le consulat général, le service culturel, le service scientifique, le centre culturel, l'institut culturel, la trésorerie, l'attaché maritime sont installés sur six sites en propriété. Il est prévu de regrouper tous ces services sur un même site.

• La Haye : la municipalité souhaite réaménager le quartier dans lequel se situe la chancellerie, notamment pour y installer la Cour Suprême, ce qui impliquerait la destruction du bâtiment abritant la Chancellerie. Une nouvelle implantation doit donc être proposée, qui permettrait de regrouper les services du MAE avec ceux de la mission économique, et s'effectuer à coût nul.

• New Delhi : les modalités de regroupement des services de l'Etat sont à l'étude.

b) Le regroupement des fonctions consulaires en Europe

La transformation de consulats généraux de plein exercice en postes « à gestion simplifiée », entreprise à partir de 2004 à Hambourg, puis à Liège, Anvers, Düsseldorf, Sarrebruck et Cracovie (2005), à Stuttgart et Séville (2006), et à Turin, Naples, Bilbao et Porto (2007) a conduit au regroupement des fonctions consulaires principales sur quelques postes principaux.

Des pôles consulaires régionaux,  regroupant notamment les services de l'administration des Français, de l'état-civil et de délivrance des visas ont été constitués à Berlin, Francfort et Munich en Allemagne ; Rome et Milan en Italie ; Madrid et Barcelone en Espagne ; Genève et Zurich en Suisse ; Bruxelles en Belgique ; Varsovie en Pologne.

Les consulats généraux à gestion simplifiée ont vocation à devenir des représentations polyvalentes de l'ensemble des services du ministère des Affaires étrangères, voire d'autres départements ministériels, et de l'ambassade.

Si ces regroupements sont, naturellement, de bon augure, ils n'apportent pas, et n'en ont d'ailleurs pas l'ambition, de réponse à la hauteur du défi posé par un réseau consulaire composé de 96 consulats généraux et consulats, 128 sections consulaires, 4 chancelleries détachées et 4 antennes consulaires.

La création des consulats généraux à gestion simplifiée est une autre évolution positive.

La transformation d'un poste en consulat général à gestion simplifiée répond au souci du ministère des Affaires étrangères d'améliorer l'efficacité du réseau consulaire. L'objectif suivi est de renforcer la présence française dans les métropoles régionales, afin de valoriser les missions d'analyse, de contact et de promotion de nos intérêts politiques, économiques et culturels, et donc, de faire de ces postes des représentations polyvalentes de l'ensemble des services du ministère des affaires étrangères.

Cependant, le nécessaire redéploiement du réseau consulaire vers les grands pays émergents tarde à se traduire dans les faits. Les évolutions récentes du réseau sont les suivantes :

Année

Pays - Postes

Redéploiement

2003

Grèce - Athènes

Transformation du Consulat général en section consulaire

2004

Allemagne - Hambourg

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Brésil - Recife

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Égypte - Alexandrie

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Gabon - Port-Gentil

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Madagascar - Diego-Suarez

Consulat général transformé en chancellerie détachée

Pakistan - Karachi

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Italie - Gênes

Fermeture de l'antenne consulaire

Suisse - Lausanne

Fermeture de la chancellerie détachée

Togo - Lomé

Transformation du consulat en section consulaire

2005

Allemagne - Sarrebruck et Düsseldorf

Postes transformés en consulats généraux à gestion simplifiée

Belgique - Anvers et Liège

Postes transformés en consulats généraux à gestion simplifiée

Portugal - Lisbonne

Transformation du Consulat général en section consulaire

Pologne - Cracovie

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Suisse - Berne

Fermeture du consulat général

Canada - Ottawa

Fermeture de la section consulaire

Tunisie - Sfax

Poste transformé en « Maison de France »

Chine - Chengdu

Ouverture d'un consulat général

2006

Espagne - Séville

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Allemagne - Stuttgart

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

2007

Italie - Naples et Turin-Gênes

Postes transformés en consulat général à gestion simplifiée

Portugal - Porto

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Espagne - Bilbao

Poste transformé en consulat général à gestion simplifiée

Russie - Ekaterinbourg

Ouverture d'un consulat général

Chine - Shenyang

Ouverture d'un consulat général

Algérie - Oran

Réouverture du consulat général

Lors de son audition par la commission, le 25 octobre 2007, le ministre, M. Bernard Kouchner a souligné que, si le réseau diplomatique ne pouvait être réduit, car « la fermeture des 40 plus petites ambassades françaises ne produiraient qu'une économie représentant 1 % du budget du ministère ; le réseau consulaire devait être redéployé en priorité vers les pays émergents.Dans cette perspective, de nombreuses tâches accomplies actuellement par les agents consulaires, notamment en matière d'établissement de pièces d'état civil ou de certificats de nationalité, devront être allégées par une simplification de la réglementation, en concertation avec les services de la chancellerie et du ministère de l'intérieur. »

Le Comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger (CIMEE) avait déjà approuvé, le 25 juillet 2006, un plan de redéploiement interministériel des effectifs de l'État à l'étranger vers les pays émergents. Ce redéploiement diplomatique, consulaire, culturel et de coopération toucherait, entre 2006 et 2008, près de 1500 postes de travail, soit 12 % de l'effectif à l'étranger.

Les effectifs en Afrique subsaharienne baisseront dès 2006 de 4 %, augmenteront de 1,4 % en Europe orientale et dans la communauté des États indépendants, notamment en Russie.

L'objectif d'adaptation du réseau consulaire à l'évolution des communautés françaises à l'étranger à déjà conduit à une amorce de réorganisation du réseau consulaire en Europe, avec le regroupement des fonctions d'administration des communautés vers quelques postes : Berlin, Francfort et Munich en Allemagne ; Rome et Milan en Italie ; Madrid et Barcelone en Espagne ; Genève et Zurich en Suisse ; Bruxelles en Belgique. Ces « pôles de compétence », centralisant les services d'état civil et de délivrance de visas, sont particulièrement bien dotés en moyens de traitement des demandes du public, et font largement appel à la « télé-administration ». Ces regroupements ont permis la transformation de consulats généraux en postes à gestion simplifiée qui, tout en continuant d'assurer des responsabilités en matière de protection consulaire de nos ressortissants, ont évolué vers un rôle politique, culturel ou économique plus marqué.

Le redéploiement du réseau consulaire vers les zones géographiques prioritaires entrepris en 2004, a conduit au renforcement des postes soumis aux plus fortes pressions en matière de visas, nationalité, état civil en Afrique subsaharienne, en Afrique du nord et au Moyen-Orient.

Les pays en fort développement, où l'on peut anticiper une forte augmentation de la population française et des demandes de visas, ont bénéficié de l'ouverture en Chine de 2 nouveaux consulats (Chengdu en 2005 et Shenyang en 2007), de l'ouverture d'un consulat à Ekaterinbourg en Russie et de la réouverture du consulat à Oran.

Un redéploiement des emplois a été effectué , pour un tiers en Afrique du nord et au Moyen-Orient, pour un tiers en Asie (pour l'essentiel en Chine et en Inde) ; les autres agents se répartissant entre l'Afrique (et notamment l'Afrique francophone) et les pays européens hors Union européenne. Lorsque le mouvement prévu en 2007 sera achevé, ce sont plus de 110 postes de travail qui auront été créés dans ces zones prioritaires. Pour l'essentiel, ces emplois auront été pris en Amérique et surtout en Europe .

Un net renforcement de cette évolution pourrait être recommandé par la commission du Livre blanc diplomatique.

Un accord a été conclu avec l'Allemagne, en juillet 2007, pour ouvrir la possibilité de construire des consulats français situés dans les mêmes locaux que des consulats allemands. Cet accord est positif, mais d'impact très limité, puisqu'il se limitera à des pays où de tels consulats restent à ouvrir, notamment en Asie centrale. La colocalisation de services, culturels par exemple, se pratique déjà dans un petit nombre de pays : citons les exemples du Pakistan (Lahore) ou des territoires palestiniens (Ramallah).

Ces quelques initiatives sont positives, tant du point de vue pratique que symbolique. Il ne faut cependant pas penser qu'elles pourraient, en se multipliant, résoudre le problème de fond qui tient à un net surdimentionnement de notre réseau consulaire dans l'Europe à quinze. Ces pays ne peuvent, objectivement, être considérés comme « étrangers », et ce réseau devrait y être fortement allégé au profit de pays lointains et difficiles.

La restructuration du réseau consulaire :
l'exemple du Portugal

Une dépêche AFP du 27 octobre 2007 est consacrée, en ces termes, à cette action :

« Lisbonne confirme une restructuration de son réseau consulaire en France

Paris, 27 octobre 2007 (AFP) - Le Portugal entend mener à bien une restructuration de son réseau consulaire en France, avec des regroupements de services et un recours accru à l'internet, a confirmé à l'AFP le secrétaire d'Etat aux communautés portugaises, Antonio Braga.

Ce projet a provoqué au cours des derniers mois plusieurs manifestations de protestation à Lisbonne ainsi qu'en France, où la communauté portugaise est estimée à près d'un million de personnes.

M. Braga, présent à Paris pour une rencontre samedi au Sénat avec cette communauté, a souligné qu'il fallait « moderniser un réseau conçu il y a plus de trente ans », en France comme ailleurs dans le monde. Cette opération entre dans le cadre d'une « réforme profonde de notre administration publique » et vise à « fournir un meilleur service aux personnes », a-t-il déclaré.

En région parisienne, où vivent près de 500 000 Portugais, les consulats de Versailles et Nogent-sur-Marne doivent être absorbés par le consulat général de Paris, dont les services sont renforcés.

Les consulats d'Orléans et Tours (centre) deviendront des consulats honoraires, avec pour certains services des permanences assurées par des agents faisant la navette depuis Paris.

Les consulats de Toulouse (sud-ouest), Clermont-Ferrand (centre) et Nantes (ouest) doivent devenir des vice-consulats, et celui de Lille un office consulaire.

Lisbonne, a expliqué M. Braga, veut aussi développer le concept de « consulat virtuel » sur internet, pour permettre à ses ressortissants d'avoir accès en ligne à des services comme l'obtention d'extraits de naissance ou d'autres documents, sans avoir à se déplacer. »

* 3 Partenariat public-privé

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