N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 e législ . ) : 421, 445, et T.A. 61

Sénat : 119, 127 (2007-2008)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le dernier rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), consacré au périmètre et au financement de la protection sociale 1 ( * ) , a émis une série de propositions destinées, en particulier, à améliorer le pilotage des finances publiques.

Parmi celles-ci figure la possibilité pour la commission des affaires sociales de s'impliquer davantage dans le suivi des lois de finances initiales et rectificatives, afin de mieux coordonner les sphères budgétaire et sociale .

Le présent avis met en oeuvre, pour la première fois, cette préconisation. En effet, le projet de loi de finances rectificative pour 2007 comporte plusieurs mesures ayant un impact direct sur les finances sociales. Il est donc légitime que la commission des affaires sociales puisse faire part de ses observations sur ces dispositions.

Trois séries de dispositions qui figurent dans le collectif motivent cette saisine :

- les ouvertures de crédits effectuées sur des lignes budgétaires destinées à la sécurité sociale ;

- la majoration des sommes prévues au titre de la compensation, d'une part, des allégements Fillon, d'autre part, des allégements de charges au titre des heures supplémentaires (articles 5 et 6 du projet de loi) ;

- la reprise par l'Etat de la dette ancienne du Bapsa (article 30 du projet de loi).

Un motif supplémentaire justifie la saisine de la commission des affaires sociales : l'absence de dispositions qui auraient pourtant dû figurer dans ce projet de collectif.

En effet, contrairement aux engagements du Gouvernement, seules quelques lignes budgétaires insuffisamment dotées sont mises à niveau. La commission estime ainsi qu'il manque au moins 200 millions d'euros au titre de l'aide médicale d'Etat et entre 1,1 et 1,3 milliard d'euros pour la compensation des exonérations de charges ciblées.

Par ailleurs, le reliquat de certaines dettes de l'Etat n'est toujours pas soldé, comme celle contractée à l'égard des régimes obligatoires de base autres que le régime général, soit 1,3 milliard d'euros à la fin de 2007 .

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales estime indispensable de maintenir un contrôle vigilant sur les arbitrages du Gouvernement en matière financière. Elle s'y emploiera, notamment dans le cadre de la Mecss, et à chaque fois que l'occasion se présentera. C'est en effet le principal moyen dont elle dispose pour encourager le Gouvernement à prendre des décisions vertueuses et s'assurer que les futures réformes seront établies sur des bases financières assainies.

I. LA CONSOLIDATION DE L'AMÉLIORATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le rétablissement de la clarté et de la sincérité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale est indispensable car la sécurité sociale ne doit pas être la variable d'ajustement du budget de l'Etat, comme cela a trop souvent été le cas par le passé.

Aussi votre commission salue l'effort récemment engagé pour améliorer ces relations. Le projet de loi de finances rectificative pour 2007 y contribue pour une large part. Cet effort devra néanmoins être conduit jusqu'à son terme.

A. UNE VOLONTÉ SUIVIE D'EFFETS

Quatre séries de décisions vont incontestablement dans le sens d'une réelle amélioration des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

1. Le remboursement par l'Etat de la dette contractée à l'égard du régime général

Début octobre, l'Etat, conformément aux engagements pris par le ministre des comptes publics dès l'été dernier, a repris la dette contractée à l'égard du régime général de la sécurité sociale, telle qu'établie au 31 décembre 2006, soit un montant de 5,1 milliards d'euros .

Cette décision était en effet nécessaire. Elle contribue naturellement à pacifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il faut toutefois noter que cette reprise de dette s'est faite par le biais d'une simple opération de trésorerie sans qu'aucune trace ne soit visible en loi de finances, de façon notamment à ne pas affecter la norme de progression des dépenses de l'Etat.

2. L'apurement par l'Etat du reliquat de la dette à l'égard du Bapsa

Cet apurement intervient, comme prévu, dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative pour 2007.

Selon les dispositions de l'article 30, l'Etat se substitue, dans un premier temps, au Ffipsa vis-à-vis des établissements bancaires auprès desquels est placée la dette. Après l'entrée en vigueur de la loi, il remboursera ceux-ci à hauteur de 619 millions d'euros .

Pour l'avenir, le ministre a indiqué son souhait de préparer, dans le courant du premier semestre 2008, un schéma de financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles. Il a d'ores et déjà indiqué que la branche vieillesse relèverait de la solidarité nationale, tandis que plusieurs options seront soumises à concertation pour la branche maladie, comme l'adossement au régime général ou la création d'une structure commune regroupant la mutualité sociale agricole (MSA), le régime général et le régime social des indépendants (RSI).

3. La mise à niveau du panier fiscal

L'insuffisance, constatée dès avant le vote de la loi Tepa, du rendement du panier de recettes fiscales, destiné à compenser à la sécurité sociale les allégements généraux de cotisations sociales patronales dits Fillon, atteint, en 2007, près de 900 millions d'euros et serait d'environ 500 millions d'euros en 2008.

Par ailleurs, du fait de cette même loi Tepa, l'Etat doit désormais également couvrir le coût de la mesure de neutralisation des heures supplémentaires dans la formule de calcul des allégements généraux de cotisations patronales, ce qui représente un milliard d'euros en année pleine et une centaine de millions sur les deux derniers mois de 2007.

Le présent projet de loi de finances rectificative pour 2007 vise à combler ce « trou » en totalité en affectant au panier la part du produit de la taxe sur les salaires (500 millions d'euros) et la part du produit des droits sur les tabacs (500 millions d'euros également) encore perçues par l'Etat.

En ce qui concerne 2008, l'insuffisance du panier devrait atteindre 1,5 milliard d'euros (un milliard au titre de la neutralisation des heures supplémentaires et 500 millions de ressources manquantes). L'article 29 du projet de loi de finances pour 2008 confirme l'attribution à la sécurité sociale des parts revenant à l'Etat des droits tabacs et de la taxe sur les salaires (1,2 milliard d'euros, soit 600 millions pour chacune des deux taxes) et ajoute à ce total une nouvelle ressource, le droit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs, pour un revenu attendu de 300 millions d'euros.

4. La compensation des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires

La compensation, distincte du mécanisme du « panier fiscal » prévu pour les allégements généraux, est effectuée pour un montant prévisionnel de 300 millions d'euros en 2007 et de 4,1 milliards en 2008 grâce à l'affectation de trois nouvelles recettes à la sécurité sociale : une fraction du produit de la taxe sur les véhicules de société, pour 300 millions en 2007, puis 600 millions à partir de 2008 ; le produit, en totalité, de la contribution sociale sur les bénéfices, pour 1,4 milliard à partir de 2008 seulement ; enfin, la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée sur les producteurs de boissons alcoolisées, avec un rendement de 2,1 milliards d'euros à partir de 2008 également.

L'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative comme l'article 28 du projet de loi de finances pour 2008 prévoient qu'en cas d'écart constaté entre le produit des impôts et taxes affectés et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations et de contributions sociales sur les heures supplémentaires, cet écart fera l'objet d'une régularisation par la plus prochaine loi de finances. Le mécanisme proposé comporte donc une compensation à l'euro près des pertes de ressources imposées aux organismes de sécurité sociale .

B. UN EFFORT À POURSUIVRE

S'il faut saluer cette attitude extrêmement positive du Gouvernement, l'effort engagé n'en devra pas moins être poursuivi dans les mois qui viennent. En effet, plusieurs points demeurent encore non résolus.

1. Le respect des échéances de versement par les gestionnaires de programmes

D'après les renseignements fournis à votre commission, l'échéance non honorée de 100 millions d'euros, qui aurait dû être acquittée au 10 octobre dernier pour compenser le coût de certaines exonérations ciblées en faveur de l'emploi, pourrait être réglée d'ici à la fin de l'année et aucun nouvel incident ne devrait intervenir. Les dotations mises en réserve en début d'année sur les lignes de compensation des exonérations ciblées et de couverture du coût des prestations versées par la sécurité sociale pour le compte de l'Etat devraient également être débloquées avant la fin de l'exercice.

Dans ce contexte, votre commission estime indispensable que soient définies des règles applicables aux gestionnaires des différents programmes afin de prévoir le versement effectif des dotations destinées à ces dispositifs de compensation (prestations et exonérations) et à interdire de les consacrer à un autre objet en fonction des aléas de l'exécution budgétaire.

Ces points feront l'objet d'une vigilance forte de la part de la commission des affaires sociales au cours des prochains mois.

2. L'apurement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes de base autres que le régime général

L'Etat reste redevable de sa dette à l'égard des organismes de base de sécurité sociale, autres que le régime général, pour un montant qui devrait atteindre 1,3 milliard d'euros à la fin de l'année, selon les estimations fournies en septembre par la commission des comptes de la sécurité sociale.

3. La reconstitution de la dette de l'Etat à l'égard du régime général

En 2007, la dette de l'Etat s'est partiellement reconstituée, le versement de 5,1 milliards n'ayant porté que sur la dette établie au 31 décembre 2006 : les sous-dotations des crédits budgétaires consacrés aux prestations versées par le régime général pour le compte de l'Etat et à la compensation des exonérations spécifiques, étaient estimées par la commission des comptes à 1,5 milliard d'euros et à 1,6 ou 1,7 milliard par l'Acoss au 31 décembre prochain.

Or, dans le présent projet de loi de finances rectificative, on ne compte que très peu d'ouvertures de crédits à ces divers titres.

En effet, si pour l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), les ouvertures atteignent, respectivement, 100 millions et 68 millions d'euros, ce qui correspond à peu près aux besoins identifiés, il n'en est pas de même pour l'aide médicale de l'Etat (AME) pour laquelle aucune dotation supplémentaire n'est inscrite.

Le Gouvernement justifie cette situation par le fait que des mesures de meilleure maîtrise des dépenses doivent prochainement entrer en vigueur. Mais ces mesures ne sont toujours pas prises et ne pourront donc produire des effets en 2007. Aussi, en recoupant diverses données, votre commission estime qu' il manquera au minimum 200 millions d'euros au titre de l'AME pour boucler l'exercice 2007 .

Elle salue néanmoins le fait que cette dotation a été sensiblement revue à la hausse dans le budget pour 2008, à hauteur de 180 millions d'euros, ce qui devrait permettre d'éviter une « reconstitution » de la dette à ce titre, surtout si les mesures d'économie prévues sont enfin mises en place, mais seulement à partir de 2008.

A cette insuffisance de crédits au titre de l'AME s'ajoute celle de la compensation des exonérations de charges spécifiques ou ciblées.

En effet, répartie entre plusieurs missions budgétaires - principalement les missions travail et emploi et outre-mer - cette compensation se révèle, année après année, sous-évaluée.

Pour 2006, l'insuffisance constatée a été de près de 1 milliard d'euros. Pour 2007, elle devrait se situer, compte tenu des prévisions des régimes, entre 1,1 milliard et 1,3 milliard d'euros .

Dans ces conditions, les prévisions budgétaires pour 2008, quasiment identiques à celles de 2007, risquent, en dépit des mesures d'économie figurant dans les projets de loi de financement et de finances pour 2008, estimées à 500 millions d'euros, de ne pas permettre de faire face, en totalité, aux besoins financiers de la compensation.

En conséquence, les créances détenues à ce titre par les régimes de sécurité sociale sur l'Etat ne pourront que perdurer et la dette de l'Etat se « reconstituer ».

4. La compensation des allégements généraux de charges sociales

Si le Gouvernement a prévu une compensation à l'euro près en cas d'insuffisance des ressources versées à la sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires, il n'a pas proposé de rétablir un dispositif similaire pour les cas d'insuffisance du panier fiscal lié aux allégements généraux dits Fillon, aussi bien pour l'exercice 2007 que pour l'exercice 2008, ainsi qu'en attestent les articles 5 du présent projet de loi de finances rectificative et 29 du projet de loi de finances pour 2008.

Une telle situation conduira votre commission à rester particulièrement vigilante pour que toute insuffisance constatée à ce titre soit bien compensée dans les meilleurs délais.

* 1 Rapport n° 66 (2007-2008) fait par Alain Vasselle - « Protection sociale : trouver la ressource juste, promouvoir les bons usages ».

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