EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PRÉLIMINAIRE - Objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche maritime et de la forêt
Article 1er (articles L. 1 et L. 2 [nouveaux], L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime, article L. 121-1 du code forestier, article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole) - Principes généraux de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation

Objet : cet article définit les objectifs de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation et les moyens à déployer pour y parvenir.

I. Le droit en vigueur

L'article 1 er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole énumère les principes généraux de la politique agricole, alimentaire et sylvicole. Avant d'en énoncer les objectifs, l'article indique que cette politique « prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. »

Les objectifs de la politique agricole fixés par l'article 1 er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole

- L'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;

- L'amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général ;

- La revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;

- La production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés, répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et des activités agroalimentaires et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;

- Le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement ;

- Le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agroalimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables en s'appuyant sur des entreprises dynamiques ;

- Le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;

- La mise en valeur des productions de matières à vocation énergétique ou non alimentaire dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays et les débouchés de la production agricole ;

- La valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

- Le maintien de conditions favorables à l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du code rural ;

- La préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages, l'équilibre économique des exploitations ne devant pas être mis en péril par les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage, sans qu'il en résulte des charges supplémentaires pour l'Etat ;

- L'entretien des cours d'eau et la prévention des inondations et de l'érosion des sols ;

- La poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;

- La promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification de produits agricoles ;

- Le renforcement de la recherche agronomique et vétérinaire dans le respect des animaux et de leur santé ;

- L'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre les agriculteurs et les autres actifs ruraux, dans le respect d'une concurrence loyale entre les différents secteurs économiques.

II. Le dispositif proposé

L'article actualise les principes généraux de la politique agricole, alimentaire et sylvicole.

Il abroge l'article 1 er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole et insère un titre préliminaire au sein du code rural et de la pêche maritime. Intitulé « objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche maritime », ce titre est composé de deux articles, L. 1 et L. 2.

Il complète également l'article L. 121-1 du code forestier, qui pose les principes de la politique forestière.

Le nouvel article L. 1 du code rural et de la pêche maritime définit les objectifs de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, ainsi que les axes d'intervention de la politique de l'Etat dans ce domaine.

Les objectifs de la politique agricole fixés par l'article L. 1

1° Dans le cadre de la politique de l'alimentation définie par le Gouvernement, assurer à la population, dans des conditions économiquement acceptables par tous et en quantité suffisante, l'accès à une alimentation sûre, diversifiée et de bonne qualité, produite dans des conditions favorisant la protection de l'environnement et des paysages et contribuant à la lutte contre le changement climatique ;

2° Renforcer la compétitivité des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation, en vue de soutenir le revenu et l'emploi des agriculteurs et des salariés ;

3° Veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses ;

4° Participer au développement des territoires de façon équilibrée, diversifiée et durable, en métropole comme dans les outre-mer.

Pour mettre en oeuvre ces objectifs, la politique de l'Etat doit « favoriser le développement de filières de production et de transformation alliant performance économique, performance sociale et performance environnementale capables de relever le double défi de la compétition internationale et de la transition écologique, en mettant sur le marché une production de qualité » . A cette fin, l'Etat encourage les actions de recherche et développement, l'organisation collective des acteurs, le développement des dispositifs de prévention et de gestion des risques en agriculture ainsi que l'équilibre des relations commerciales.

Les buts de la politique d'installation et de transmission en agriculture sont détaillés.

Les objectifs de la politique d'installation et de transmission en agriculture

1° Favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial et hors cadre familial ;

2° Promouvoir la diversité des systèmes de production sur les territoires, en particulier ceux générateurs d'emplois et de valeur ajoutée et ceux permettant d'associer performance économique et environnementale, notamment ceux relevant de l'agroécologie ;

3° Accompagner l'ensemble des projets d'installation ;

4° Encourager des formes d'installation progressive permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant au fur et à mesure un projet d'exploitation.

Dans ce cadre, l'État « veille à faciliter l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, ainsi que le renouvellement des générations, en prenant en compte le caractère progressif de l'installation et l'individualisation des parcours professionnels. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, et à ceux qui leur sont liés, de façon adaptée aux évolutions économiques, environnementales et sanitaires, ainsi qu'au développement des territoires. »

L'article indique que la politique agricole tient compte des spécificités des outre-mer, ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. Elle a pour objectif de favoriser la satisfaction de la demande alimentaire locale par des productions locales, le développement des énergies renouvelables, les démarches de qualité et l'agriculture familiale, ainsi que de répondre aux spécificités de ces territoires en matière de santé des animaux et des végétaux.

Le nouvel article L. 2 du code rural et de la pêche maritime indique que la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture et des activités halioalimentaires concourt à la politique de l'alimentation et au développement des régions littorales, en favorisant la compétitivité de la filière et la mise sur le marché de produits de qualité, dans le cadre d'une exploitation durable de la ressource.

L'article L. 121-1 du code forestier est complété de façon à souligner l'importance d'une gestion durable et multifonctionnelle des forêts françaises. Il précise en effet que l'Etat veille :

1° À l'adaptation des essences forestières au milieu ;

2° À l'optimisation du stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois ;

3° Au maintien de l'équilibre et de la diversité biologiques et à l'adaptation des forêts au changement climatique ;

4° À la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes d'équilibre sylvo-cynégétique, au sens de l'article L. 425-4 du code de l'environnement ;

5° À la satisfaction des besoins des industries du bois, notamment par l'équilibre des classes d'âge des peuplements forestiers au niveau national ;

6° Au renforcement de la compétitivité des filières d'utilisation du bois ;

7° Au développement des territoires.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a introduit des objectifs supplémentaires pour la politique agricole et agroalimentaire, tels que le développement de l'information des consommateurs relative aux lieux de production et de transformation des produits, la prise en compte des situations spécifiques à chaque région, le renforcement de la capacité exportatrice de la France, la promotion de la conversion à l'agriculture biologique, la participation à la transition énergétique ou le développement de l'aide alimentaire.

Les députés ont également mentionné que la politique de l'État favorise l'ancrage territorial de la promotion et de la transformation agricoles, les actions menées en faveur de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique ou la protection des terres agricoles.

À la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement, la volonté de développer l'agro-écologie a été réaffirmée. Le présent article indique désormais que les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agricole et les pratiques agronomiques permettant d'associer performance économique et performance environnementale, en précisant que ces politiques privilégient les démarches collectives et s'appuient sur les pratiques de l'agro-écologie, dont le mode de production biologique fait partie.

Le même amendement intègre une définition des systèmes de production agro-écologiques , en affirmant que ces derniers « privilégient l'autonomie des exploitations agricoles et l'amélioration de leur compétitivité en diminuant la consommation d'énergie, d'eau, d'engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l'utilisation des potentiels offerts par les agro-écosytèmes. Ils utilisent les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l'air, en les préservant du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ses effets. »

Les députés ont par ailleurs précisé que l'Etat soutient les acteurs professionnels dans les solutions de biocontrôle et veille à ce que les processus d'autorisation et de mise sur le marché de ces produits soient accélérés.

Ils ont complété les dispositions relatives au programme national de l'alimentation, en prévoyant que ce dernier encourage le développement des circuits courts et en introduisant la notion de projets alimentaires territoriaux.

En ce qui concerne la politique d'installation et de transmission en agriculture, un nouvel objectif a été ajouté, celui de « maintenir sur l'ensemble des territoires un nombre d'exploitants agricoles en adéquation avec les enjeux que ces derniers représentent en matière d'accessibilité, d'entretien des paysages, de biodiversité ou de gestion foncière ».

Les députés ont adopté un alinéa pour prévoir que la politique agricole tient compte des spécificités des territoires de montagne. A cette fin, « elle reconnaît la contribution positive des exploitations agricoles à l'entretien de l'espace et à la préservation des milieux naturels montagnards, notamment en termes de biodiversité. Elle concourt au maintien de l'activité agricole en montagne, majoritairement constituée d'élevages extensifs, en pérennisant les dispositifs de soutien spécifiques qui lui sont accordés et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs. »

Enfin, l'Assemblée nationale a complété l'article L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime, qui définit les objectifs de la politique d'aménagement rural, en y ajoutant celui de « maintenir et développer les secteurs de l'élevage et du pastoralisme en raison de leur contribution essentielle à l'aménagement et au développement des territoires ».

Les dispositions relatives à la forêt n'ont pas fait l'objet de modifications majeures.

IV. La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'accent donné à l'objectif de double performance économique et environnementale et au développement de l'agro-écologie dans cet article, comme dans l'ensemble du projet de loi.

Elle a adopté trois amendements du rapporteur.

Le premier vise à ajouter la recherche d'équilibres sociaux justes et équitables aux objectifs de la politique agricole, afin d'en renforcer le caractère social.

Le deuxième intègre la promotion des notions de produits locaux et de saison parmi les objectifs assignés au programme national de l'alimentation dans les domaines de l'éducation et de la formation. En effet, la sensibilisation au cycle saisonnier des produits agricoles est un moyen de favoriser des réflexes de consommation plus vertueux, écologiquement plus sobres, respectueux de la biodiversité et des rythmes naturels. Il s'agit en outre d'une mesure cohérente avec le développement de l'approvisionnement de la restauration collective en produits de saison et produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine que prévoit le présent article.

Le troisième amendement vise à encourager l'approvisionnement de la restauration collective en produits locaux, afin de garantir l'accès des publics scolaires aux produits issus des terroirs de leur région.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

TITRE IER - Performance économique et environnementale des filières agricoles et agroalimentaires
Article 2 (articles L. 611-1, L. 621-2, L. 621-3, L. 621-5, L. 621-8, L. 621-8-1 et L. 932-6 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Adaptation de la composition et des missions du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) et de FranceAgriMer

Objet : Cet article adapte la composition et les missions du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole
et alimentaire (CSO) et de FranceAgriMer, afin de prendre en compte les dernières évolutions du secteur.

I. Le droit en vigueur

1. Le conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO)

Créé par l'article 4 de la loi d'orientation agricole n° 80-502 du 4 juillet 1980, et codifié à l'article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime, le conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire participe à la définition, à la coordination, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la politique d'orientation des productions et d'organisation des marchés . Il est compétent pour l'ensemble des productions agricoles, agroalimentaires, agro-industrielles et forestières.

Il est composé de représentants des ministres intéressés, de la production agricole, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, de l'artisanat et du commerce indépendant de l'alimentation, des consommateurs et des associations agréées pour la protection de l'environnement, de la propriété agricole et des syndicats représentatifs des salariés des filières agricoles et alimentaires.

Le conseil veille notamment :

a) A la cohérence des actions économiques sectorielles conduites par FranceAgriMer 1 ( * ) et les organisations interprofessionnelles reconnues et à l'équilibre entre les différents secteurs de production. Il contribue à la détermination des priorités et des arbitrages, en particulier en ce qui concerne les moyens budgétaires affectés ;

b) A la cohérence nationale des projets départementaux au regard notamment de la politique d'orientation des productions et d'organisation des marchés. Il est consulté sur les orientations données dans le cadre de l'élaboration des contrats de projets État-régions ;

c) A la cohérence des actions menées en matière de recherche, d'expérimentation et de développement agricole, financées par le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Le CSO peut également rendre des avis sur un certain nombre de sujets.

Liste des sujets sur lesquels le CSO examine et rend des avis
(article L. 611-1 du code dural et de la pêche maritime)

1° Les orientations économiques de la politique agricole et agroalimentaire et les orientations relatives à l'utilisation non alimentaire des produits agricoles, notamment en matière d'investissements, de développement agricole et de commerce extérieur ;

2° Les orientations de la politique de qualité dans le domaine agroalimentaire et agro-industriel, notamment les orientations en matière de soutien financier, de protection et de promotion des signes de qualité ;

3° (Abrogé) ;

4° La coordination et la cohérence des activités de FranceAgriMer et des organisations professionnelles reconnues ;

5° Les orientations en matière d'organisation économique des producteurs, d'organisation interprofessionnelle et de relations contractuelles unissant la production à son aval ainsi que d'environnement économique au sein duquel évoluent les exploitations agricoles et les entreprises d'aval ;

6° La cohérence de la politique d'adaptation des structures d'exploitation avec la politique d'orientation des productions ;

7° Les règles de mise en marché et de commercialisation lorsqu'elles sont définies par l'autorité administrative compétente.

Certaines attributions du conseil peuvent être exercées par des commissions techniques spécialisées comprenant pour partie des personnalités extérieures au CSO.

L'article L. 611-1 indique que le CSO délègue normalement ses compétences en matière de forêt et de transformation du bois au Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers. Lorsque les problèmes de la forêt et de la transformation du bois sont évoqués au sein du Conseil supérieur d'orientation et de coordination, le Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers y est représenté.

De la même façon, lorsque les problèmes de qualité agroalimentaire sont évoqués au sein du conseil, la Commission nationale des labels et des certifications des produits agricoles et alimentaires et l'Institut national de l'origine et de la qualité y sont représentés à titre consultatif.

2. L'établissement public FranceAgriMer

Etablissement public administratif placé sous la tutelle de l'Etat, FranceAgriMer est né le 1 er avril 2009 de la fusion de cinq offices agricoles (l'office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture ou Ofimer, l'office de l'élevage, l'office national interprofessionnel des grandes cultures ou ONIGC, l'office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinale ou Onippam et l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture ou Viniflhor).

a) Missions

Ses missions, énumérées à l'article L. 621-2 du code rural et de la pêche maritime, consistent à favoriser la concertation au sein des filières de l'agriculture et de la forêt, à assurer la connaissance et l'organisation des marchés, ainsi qu'à gérer des aides publiques nationales et communautaires. Il participe en outre à la mise en oeuvre de l'aide aux personnes les plus démunies, depuis l'adoption définitive de la proposition de loi présentée par nos collègues Bernadette Bourzai et Renée Nicoux en décembre 2013 2 ( * ) .

Les missions de FranceAgriMer
(article L. 612-2 du code rural et de la pêche maritime)

1° Assurer la connaissance des marchés ;

2° Améliorer le fonctionnement des marchés de façon à assurer, en conformité avec les intérêts des consommateurs, une juste rémunération du travail des professionnels et des conditions normales d'activité aux différents opérateurs des filières ; à cette fin, l'établissement :

- favorise l'organisation des producteurs ainsi que l'organisation des relations entre les diverses professions de chaque filière ;

- encourage l'organisation de la mise en marché au niveau national et international et participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures relatives à l'amélioration des conditions de concurrence et à la protection et à l'information des consommateurs ;

3° Renforcer l'efficacité économique des filières, notamment en contribuant à la mise en place d'une politique de développement durable et de qualité ;

4° Mettre en oeuvre les mesures communautaires afférentes à ses missions ;

5° Recueillir et évaluer l'information sur tout risque susceptible de porter préjudice aux intérêts des filières dont l'établissement a la charge ;

6° Alerter les pouvoirs publics en cas de crise, faire toute proposition appropriée et concourir à la mise en oeuvre des solutions retenues par l'autorité administrative pour y faire face ;

7° Assurer des fonctions de veille économique et contribuer à des actions de coopération internationale ;

8° Transmettre les données économiques nécessaires à l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pour l'exercice de ses missions ;

9° Mettre à la disposition des organisations interprofessionnelles reconnues, des instituts et centres techniques et des établissements publics intervenant dans le domaine de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture les données relatives aux filières, aux marchés et à la mise en oeuvre des politiques publiques.

b) Gouvernance

L'établissement est doté d'un conseil d'administration et de conseils spécialisés par filière. Comme l'énonce l'article L. 621-5 du code, le conseil d'administration comprend, d'une part, des représentants du Parlement, des administrations et établissements publics de l'État et des consommateurs, ainsi que, le cas échéant, au plus deux personnalités choisies en raison de leurs compétences, d'autre part, en majorité, des représentants de la production, de la transformation et de la commercialisation et des représentants des salariés des filières.

Les conseils spécialisés sont composés en majorité de représentants de la production, de la transformation et de la commercialisation. Les pouvoirs publics, les salariés de la filière et les consommateurs y sont également représentés.

Le conseil d'administration est compétent pour l'examen des questions d'intérêt commun à l'ensemble de l'établissement, notamment en matière budgétaire, ainsi que pour la définition des orientations stratégiques de l'établissement.

c) Moyens juridiques

Pour exercer ses missions, FranceAgriMer obtient auprès des producteurs, des négociants, des courtiers de marchandises, des agents commerciaux, des transformateurs, des importateurs et des exportateurs de produits agricoles et alimentaires les informations nécessaires à la connaissance des productions et des marchés et à l'établissement des calendriers d'importations prévisibles, conformément à l'article L. 621-8 du code.

II. Le dispositif proposé

1. L'adaptation de la composition et des missions du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO)

Le I du présent article modifie la composition et les missions du CSO.

Pour tenir compte de la fusion des offices agricoles et du rôle dévolu à l'établissement public qui les remplace, l'article prévoit la participation de FranceAgriMer au CSO , et supprime ou adapte certaines des missions du CSO.

Des représentants des régions sont aussi intégrés au CSO , dans la mesure où les régions sont, depuis 2014, autorités de gestion des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Elles interviennent en outre de plus en plus en faveur des filières agricoles.

L'article ajoute les productions halio-alimentaires et halio-industrielles au champ de compétences du CSO, mais supprime la production forestière . Il lève ainsi une ambiguïté relative aux rôles respectifs du CSO et du Conseil supérieur de la forêt et du bois, ce dernier étant confirmé dans son rôle d'instance de pilotage de la politique forestière nationale. Lorsque des questions sur lesquelles les CSO doit se prononcer ont une incidence sur les productions forestières, le Conseil supérieur de la forêt et du bois 3 ( * ) y est représenté à titre consultatif.

L'article remplace aussi la référence à la Commission nationale des labels et des certifications, qui n'existe plus, par celle de l'Institut national de l'origine et de la qualité.

2. L'adaptation des missions et du fonctionnement de FranceAgriMer

Le II du présent article modifie la composition et le fonctionnement de FranceAgriMer.

Suivant la même logique qu'au I, il prévoit la participation des régions au conseil d'administration de l'établissement public et indique que ce dernier veille à l'articulation des actions qu'il met en oeuvre avec celles déployées par les régions, en prenant en compte l'objectif de double performance économique et environnementale des filières de production.

L'articulation avec la politique de l'État est aussi précisée , puisqu'il est expressément indiqué que FranceAgriMer exerce ses missions conformément aux orientations des politiques de l'État.

L'article actualise, enfin, les obligations des opérateurs intervenant dans la production, la transformation ou la commercialisation de produits agricoles et alimentaires, définies à l'article L. 621-8 du code.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. L'adaptation de la composition et des missions du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO)

Les députés ont ajouté la participation de représentants du Conseil national de la montagne au CSO. Ils ont également précisé que le CSO devait prendre en compte le travail de l'Office de développement de l'économie agricole dans les départements d'outre-mer.

2. L'adaptation des missions et du fonctionnement de FranceAgriMer

L'Assemblée nationale a ajouté une nouvelle mission à FranceAgriMer, qui est d'accompagner, d'encourager et de valoriser l'innovation et l'expérimentation dans le domaine de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture.

Elle a également adopté un amendement d'origine gouvernementale concernant le fonds national de cautionnement des achats de produits de la mer (FNCA).

Depuis sa création par décret en 1999 4 ( * ) , ce fonds est géré par FranceAgriMer. Il est destiné à compléter le cautionnement constitué par les acheteurs en halle à marée pour garantir les achats auxquels ils procèdent ou envisagent de procéder. L'amendement vise à restaurer la possibilité, pour les collectivités territoriales ou leurs groupements, de participer à ce fonds, par le versement de dotations, possibilité supprimée à la suite d'une modification du code général des collectivités territoriales.

Une convention passée avec FranceAgriMer devra préciser les conditions dans lesquelles la collectivité territoriale est informée de l'état des engagements du fonds ainsi que des conditions de restitution des dotations versées en cas de modification substantielle des règles de fonctionnement du fonds ou de cessation de son activité.

IV. La position de votre commission

Cet article répond aux dernières évolutions du secteur, à savoir la fusion des offices agricoles et la création de FranceAgriMer, d'une part, le rôle croissant exercé par les régions, d'autre part.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 3 (articles L. 311-4 à L. 311-7, L. 325-1-1 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) - Création des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE)

Objet : cet article crée les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) et détermine les conditions de leur reconnaissance ainsi que leurs modalités de fonctionnement.

I. Le contexte

Lors de la conférence nationale « Produisons autrement » du 18 décembre 2012, le Gouvernement, par la voix du Ministre de l'agriculture, s'est engagé dans la promotion de l'agro-écologie.

Il s'agit de faire évoluer le regard porté sur la problématique du développement durable dans le monde agricole, aujourd'hui souvent perçue comme un frein à l'activité économique, en raison de la récente multiplication des normes réglementaires dans ce domaine. Or, nombre d'expériences ont montré que cet impératif peut être transformé en atout pour la compétitivité économique et que performance économique et environnementale ne sont pas incompatibles.

L'agro-écologie, dont une définition a été introduite à l'article 1 er du présent projet de loi à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement 5 ( * ) , renvoie ainsi à des pratiques agricoles ayant pour objectif d'atteindre une double performance économique et environnementale. Pour y parvenir, les exploitants agricoles procèdent à une diversification de leur production, en l'adaptant au milieu pédoclimatique et agro-écologique, afin de réduire la dépendance de leur exploitation en eau, énergie, engrais et produits phytosanitaires.

Dans cette perspective, le Ministre a demandé en septembre 2012 à Marion Guillou, ancienne présidente-directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et présidente du conseil d'administration du consortium national de recherche et de formation pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement Agreenium, de faire le point sur les bonnes pratiques agricoles et l'expertise développée dans ce domaine. Remis en mai 2013, son rapport dresse un bilan des expériences menées en France et à l'étranger et formule un certain nombre de recommandations.

Il indique que le recours à l'agro-écologie est un mouvement « universel », rendu nécessaire par l'augmentation des besoins alimentaires résultant de l'accroissement démographique mondial, d'une part, et l'impératif d'une gestion durable des ressources naturelles, d'autre part. Ainsi, « sur tous les continents et selon les contraintes propres à chaque pays, des pratiques nouvelles ou renouvelées ont déjà pris en compte, en même temps que l'objectif de la compétitivité, ceux de l'atténuation du changement climatique et de la protection du sol, des eaux et/ou d'autres ressources rares ; elles ont aussi cherché à mieux valoriser les services des milieux naturels dans la fonction de production agricole. »

En France, un équilibre reste encore « à trouver » . Si notre agriculture a su s'adapter très efficacement aux demandes de la société au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en augmentant sa productivité de façon significative, elle possède aussi des faiblesses : sa forte dépendance aux énergies fossiles, via les engrais azotés de synthèse et l'alimentation du bétail, et son impact négatif sur l'environnement, qu'il concerne le sol, l'eau, l'air ou la biodiversité. En outre, les prix des céréales et des oléagineux très élevés sur les marchés renforcent la tendance à la simplification des successions culturales, au raccourcissement des rotations, à la spécialisation et à l'agrandissement des exploitations, autant de facteurs qui accroissent leur dépendance à des ressources que l'on cherche à préserver.

Pour autant, de nombreux pionniers se sont engagés dans des démarches innovantes permettant de concilier performance économique et environnementale. Il en ressort qu'outre les innovations techniques mises en oeuvre, le caractère collectif de ces démarches est bien souvent un facteur de succès de ces initiatives . Marion Guillou cite l'exemple des Landcare Associations en Allemagne, associations locales au sein desquelles les agriculteurs, mais aussi les collectivités ou les organisations non gouvernementales travaillent ensemble dans le but d'établir des mesures de conservation environnementale et paysagère. Elle mentionne aussi les coopératives environnementales créées aux Pays-Bas, « qui ont permis de mettre en mouvement les agriculteurs autour des questions environnementales perçues jusqu'à lors uniquement comme des contraintes (du fait de normes réglementaires toujours plus nombreuses) et d'ouvrir le monde professionnel agricole aux acteurs ruraux non agricoles. »

Le rapport met en lumière l'intérêt de déployer certaines méthodes agricoles dans un périmètre plus large que celui d'une seule exploitation . Les groupements favorisent par ailleurs la mutualisation des expertises , d'autant plus importante que l'agro-écologie ne peut être déployée avec succès sans le développement d'une formation et d'un conseil conséquents auprès des agriculteurs .

En effet, l'auteur du rapport met en garde contre la tentation de vouloir plaquer un modèle préétabli d'agriculture, alors que les enjeux territoriaux sont capitaux. Les exploitations agricoles ne peuvent être considérées indépendamment de leur environnement territorial et de leurs partenaires économiques directs. Dans le domaine de la politique de l'eau par exemple, il a été reconnu depuis longtemps que la gestion quantitative (irrigation et ruissellement érosif) et qualitative (traitement des pollutions diffuses) doivent être traités dans un périmètre approprié (aires d'alimentation de captage, bassins versants, etc.) et de façon concertée. Ainsi, « il ne faut pas laisser penser qu'il suffit d'assurer le transfert et la généralisation de ces bonnes pratiques . Il convient en particulier d'analyser la dépendance de celles-ci aux particularités locales du milieu physique et socio-économique, les risques potentiellement générés et la sensibilité face aux aléas, les conséquences en termes de temps de travail, d'investissement, etc. L'accompagnement des agriculteurs, sous la forme d'un conseil essentiellement stratégique plutôt que de préconisations tactiques, est vital pour réussir la transition agro-écologique à grande échelle de l'agriculture française. »

Le rapport mentionne plusieurs démarches territoriales collectives lancées en France, à l'initiative des conseils régionaux. En parallèle, l'Etat a cherché, avec les plans régionaux de l'agriculture durable (PRAD) institués par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche maritime, à inscrire son action dans une perspective durable dans les territoires.

Une première concrétisation des enseignements du rapport de Marion Guillou a vu le jour avec le lancement en 2013 de l'appel à projets « mobilisation collective pour l'agro-écologie » , dans le cadre du programme national de développement agricole et rural 2009-2013 financé par le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR). Cet appel à projets a pour ambition de « préparer la mise en place des groupements d'intérêt économique et environnemental, en soutenant et amplifiant la diffusion de démarches collectives territoriales ascendantes en faveur de l'agro-écologie et de formes d'agricultures performantes sur les plans économique et environnemental. »

Il a rencontré un certain écho, puisque 469 projets ont été déposés en quatre mois. D'après les services du ministère, les aspects les plus fréquemment développés ont été les suivants : la recherche de nouvelles rotations et de nouvelles techniques culturales minimisant les impacts sur l'environnement (au moins 85 dossiers), l'agriculture biologique (au moins 55 dossiers), l'autonomie protéique et alimentaire des troupeaux (au moins 50 dossiers). La qualité de l'eau a aussi été un thème de mobilisation important (au moins 27 dossiers).

103 projets ont été retenus. Compte tenu du nombre important de dossiers reçus et de leur qualité, le ministère a porté le budget de cet appel à projets, initialement fixé à 2,7 millions d'euros, à 6,7 millions d'euros , afin de permettre à 3 300 exploitations agricoles d'expérimenter durant deux ou trois ans de nouveaux processus favorisant l'agro-écologie.

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à reconnaître les groupements d'intérêt économique et environnemental et à déterminer le régime juridique qui leur est applicable.

Il insère quatre nouveaux articles dans le code rural et de la pêche maritime, les articles L. 311-4 à L. 311-7.

L'article L. 311-4 introduit la notion de groupement d'intérêt économique et environnemental. Sa composition relève d'un cadre volontairement souple, puisque tout groupement, doté ou non de la personnalité morale et comprenant plusieurs exploitants agricoles et le cas échéant, d'autres personnes, pourra être reconnu comme GIEE. Ses membres s'engageront collectivement à mettre en oeuvre un projet pluriannuel de modification durable de leurs systèmes de production en visant une double performance économique et environnementale.

L'article L. 311-5 fixe les conditions à remplir pour être reconnu comme GIEE. Son projet pluriannuel doit :

1° Associer plusieurs exploitations agricoles ;

2° Proposer des actions permettant d'améliorer la performance économique et la performance environnementale des exploitations ;

3° Répondre aux enjeux économiques et environnementaux pour le territoire auquel appartiennent les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l'agriculture durable.

Un décret détermine les conditions de présentation à l'autorité administrative du projet pluriannuel du groupement, la procédure de reconnaissance de la qualité de GIEE, les modalités de suivi et les critères d'évaluation du projet pluriannuel ainsi que les conditions dans lesquelles la qualité de GIEE peut être retirée.

L'article L. 311-6 prévoit que les actions menées dans le cadre du GIEE sont présumées relever du régime de l'entraide agricole, plus favorable que celui d'une relation commerciale ou salariale.

L'article L. 311-7 permet aux actions relevant d'un GIEE de bénéficier de majorations dans l'attribution des aides publiques.

Enfin, une dérogation à l'article L. 666-1, qui réserve la commercialisation des céréales à des collecteurs de céréales, est introduite pour le commerce des céréales opéré dans le cadre d'un GIEE : le commerce direct de céréales entre les membres du GIEE pourrait ainsi être facilité.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'issue du vote des députés, seuls les groupements dotés de la personnalité morale pourront être reconnus en tant que GIEE . Comme l'a exposé le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Germinal Peiro, il s'agit d'identifier un porteur de projet, capable d'agir au nom des membres, en matière budgétaire ou juridique. Le texte précise que les exploitants agricoles détiennent ensemble la majorité des voix au sein des instances décisionnelles.

Les députés ont complété le dispositif, en précisant que le projet pluriannuel peut porter sur la modification ou la consolidation durable des systèmes de production comme des pratiques de ses membres. Une référence explicite à l'agro-écologie a été introduite.

Une nouvelle obligation concernant le projet pluriannuel du GIEE a été introduite, qui est de prévoir les modalités de capitalisation des résultats obtenus sur les plans économiques, environnementaux et, le cas échéant, sociaux, afin de permettre leur diffusion.

Il est précisé que le projet pluriannuel peut comporter une dimension sociale en mettant en oeuvre des mesures de nature à améliorer les conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, à favoriser l'emploi ou à lutter contre l'isolement en milieu rural.

L'ancrage territorial des GIEE a été renforcé . L'association des exploitations agricoles doit intervenir sur un territoire cohérent facilitant les synergies. A la mention du plan régional de l'agriculture durable s'ajoute celle des projets territoriaux de développement local existants.

Un cadre national relatif aux types de critères économiques, environnementaux et le cas échéant, sociaux pouvant être pris en compte dans le cadre de la procédure de reconnaissance, est établi par décret. Il est enfin précisé que la qualité de GIEE n'est reconnue que pour la durée du projet.

La dérogation relative à la commercialisation des céréales a été supprimée , ce qui fait entrer le commerce des céréales entre membres d'un GIEE dans le droit commun.

Les députés ont toutefois ajouté, à l'initiative de Germinal Peiro, une disposition relative à l'entraide agricole , qui ne concerne pas seulement les GIEE. Elle prévoit que les échanges entre agriculteurs de semences ou de plants n'appartenant pas à une variété protégée par un certificat d'obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés sont présumés relever du régime de l'entraide, sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable.

IV. La position de votre commission

Votre commission se félicite de la création des GIEE, qui offre un cadre favorable au développement de l'agro-écologie. Inspiré d'expériences étrangères et françaises qui ont fait leurs preuves, cette mesure inscrit de façon réaliste l'agriculture française dans une perspective de développement durable, en la combinant avec l'impératif de compétitivité économique.

L'écho rencontré par l'appel à projets « mobilisation en faveur de l'agro-écologie » témoigne des fortes potentialités de ce modèle agricole, élaboré à partir des territoires, qu'il faut désormais soutenir et encourager.

Votre commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteur , visant à remplacer la notion de « capitalisation des résultats » par celles, plus explicites, « de diffusion et de réutilisation des résultats ».

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 4 (article L. 211-3 du code de l'environnement, articles L. 411-27, L. 411-37, L. 411-38, L. 461-4 et L. 820-1du code rural et de la pêche maritime) - Déclaration de l'azote commercialisé et extension du bail environnemental

Objet : Cet article comporte plusieurs dispositions répondant à un objectif de développement durable en agriculture, concernant les fertilisants azotés, les baux environnementaux et les objectifs de la politique du développement agricole.

I. Le droit en vigueur

1. Déclaration de l'azote commercialisé

L'azote est un élément nutritif indispensable à la croissance des végétaux. Il est présent dans le sol et dans les fertilisants utilisés en agriculture, qu'ils soient organiques ou minéraux. Les fertilisants organiques sont essentiellement les effluents d'animaux, tandis que les fertilisants minéraux, de synthèse, sont fabriqués à partir de l'ammoniaque et nécessitent une consommation importante d'énergies fossiles.

Très utilisée en agriculture, la fertilisation azotée peut entraîner des pertes d'azote importantes, dans l'eau, sous forme de nitrates, comme dans l'air. Les émissions d'oxydes d'azote contribuent par ailleurs fortement à l'effet de serre. Les territoires sont inégaux devant ce phénomène : certains sont confrontés à des excédents d'azote organique causés par les effluents d'élevage, d'autres s'appuient principalement sur des engrais minéraux.

Des mesures ont été prises pour limiter les pertes d'azote et lutter contre la pollution qu'il engendre. A l'échelle européenne, les directives n° 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles et la directive-cadre sur l'eau n° 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissent un cadre réglementaire pour préserver ou restaurer la qualité des eaux.

Elles se sont traduites en droit français par la définition de zones vulnérables 6 ( * ) qui s'étendent, en 2012, sur 74 départements et environ 56 % de la surface agricole utile nationale. Elles touchent les zones d'élevage intensif (toute la Bretagne est classée en zone vulnérable) et 70 % des zones de grandes cultures.

Un programme d'action national définit les mesures obligatoires à mettre en oeuvre dans ces zones. Des programmes d'actions régionaux sont établis de façon spécifique pour chaque zone ou partie de zone vulnérable.

La Commission européenne a toutefois engagé deux contentieux contre la France en 2009, considérant, d'une part, que les zones vulnérables étaient trop restreintes, d'autre part, que les mesures prises n'étaient pas suffisantes.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a redéfini la délimitation des zones vulnérables en décembre 2012 et engagé une réforme des programmes d'action. Dans cet objectif, il a confié au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) la mission d'étudier un plan d'action susceptible d'améliorer l'efficacité des fertilisants azotés et de faciliter la substitution de l'azote d'origine fossile par de l'azote organique. Le rapport de cette mission a été remis en juin 2013 7 ( * ) .

Parmi les onze actions proposées, figure celle d' « améliorer la connaissance des flux d'azotes ». Le rapport relève en effet que « les données disponibles utilisées par le service de l'observation et des statistiques du MEDDE pour établir la balance globale azotée sont incomplètes et insuffisamment précises », avant de conclure que « les transferts de fertilisants ne sont pas connus, ni estimés. »

Le 8° du II de l'article L. 211-3 et les articles R. 211-81-1 et suivants du code de l'environnement permettent au préfet d'imposer la déclaration annuelle des quantités d'azote de toutes origines épandues ou cédées ainsi que celle de leurs lieux d'épandage sur des zones délimitées, à savoir les bassins connaissant d'importantes marées vertes sur les plages ou dans certaines parties des zones vulnérables appelées zones d'action renforcées.

Cette mesure ne s'impose toutefois qu'aux utilisateurs et producteurs d'azote , toutes origines (organique ou minérale) confondues, au premier chef les exploitants agricoles. Elle ne s'applique pas aux distributeurs de matières fertilisantes azotées ni aux opérateurs spécialisés dans le traitement et le transport d'effluents d'élevage. Dès lors, comme le relève l'étude d'impact annexée au projet de loi, il est impossible de vérifier la vraisemblance des déclarations des exploitants agricoles en comparant les quantités qu'ils déclarent épandues ou cédées, d'une part, aux quantités vendues par les distributeurs (en particulier s'agissant des fertilisants minéraux) ou transportées et traitées par des opérateurs spécialisés, d'autre part.

2. Bail environnemental

L'article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime prévoit que des clauses dites « environnementales » , par lesquelles le bailleur impose au preneur des mesures de préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, de prévention des risques naturels et de lutte contre l'érosion, peuvent être incluses dans les baux dans deux cas :

- lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, une association agréée de protection de l'environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation ;

- si les parcelles sont situées dans des espaces protégés délimités par le code de l'environnement ou le code de la santé publique (parcs nationaux, zones de protection de l'eau, etc.)

En contrepartie de ces clauses, le prix du fermage à la charge du preneur peut être diminué.

L'article R. 411-9-11-1 du code énumère les types de clauses susceptibles d'être introduites dans les baux.

Les clauses environnementales
susceptibles d'être introduites dans les baux ruraux
(article R. 411-9-11-1 du code rural et de la pêche maritime)

1° Le non-retournement des prairies ;

2° La création, le maintien et les modalités de gestion des surfaces en herbe ;

3° Les modalités de récolte ;

4° L'ouverture d'un milieu embroussaillé et le maintien de l'ouverture d'un milieu menacé par l'embroussaillement ;

5° La mise en défens de parcelles ou de parties de parcelle ;

6° La limitation ou l'interdiction des apports en fertilisants ;

7° La limitation ou l'interdiction des produits phytosanitaires ;

8° La couverture végétale du sol périodique ou permanente pour les cultures annuelles ou les cultures pérennes ;

9° L'implantation, le maintien et les modalités d'entretien de couverts spécifiques à vocation environnementale ;

10° L'interdiction de l'irrigation, du drainage et de toutes formes d'assainissement ;

11° Les modalités de submersion des parcelles et de gestion des niveaux d'eau ;

12° La diversification de l'assolement ;

13° La création, le maintien et les modalités d'entretien de haies, talus, bosquets, arbres isolés, mares, fossés, terrasses, murets ;

14° Les techniques de travail du sol ;

15° La conduite de cultures suivant le cahier des charges de l'agriculture biologique.

3. Objectifs du développement agricole

Défini à l'article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime, le développement agricole a pour mission de contribuer à l'adaptation permanente de l'agriculture et du secteur de la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des produits, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de maintien de l'emploi en milieu rural.

Relèvent du développement agricole :

- la mise en oeuvre d'actions de recherche finalisée et appliquée ;

- la conduite d'études, d'expérimentations et d'expertises ;

- la diffusion des connaissances par l'information, la démonstration, la formation et le conseil ;

- l'appui aux initiatives locales entrant dans le cadre de sa mission.

La politique est définie et mise en oeuvre par concertation entre l'État et les organisations professionnelles agricoles.

Les actions de développement agricole sont réalisées de façon concertée avec le concours de l'État et éventuellement des collectivités territoriales par des organismes publics ou privés, les chambres d'agriculture, les établissements d'enseignement agricole et les groupements professionnels à caractère technique, économique et social. La participation de l'État s'effectue au moyen du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

II. Le dispositif proposé

1. Déclaration de l'azote commercialisé

Pour permettre le croisement des données relatives aux quantités d'azote produites ou utilisées, le I du présent article autorise le préfet à mettre en place un dispositif complémentaire à la déclaration annuelle des quantités d'azote produites ou utilisées dans les bassins connaissant d'importantes marées vertes sur les plages ou dans les zones d'action renforcées des zones vulnérables.

Il pourra l'assortir d'une mesure similaire, applicable à tous les acteurs professionnels concernés, notamment les transporteurs de ces matières , afin de connaître l'azote de toute nature (organique ou minéral) traité, reçu et échangé dans la zone concernée ou livré à partir de cette zone . Une telle déclaration pourra aussi être exigée de toute autre personne qui expédie ou livre dans cette zone des matières fertilisantes azotées en vue d'un usage agricole, afin de connaître les quantités d'azote qu'elle y a expédiées ou livrées.

Outre la volonté d'établir des données précises et vérifiables, cette mesure répond au souci d'appréhender la gestion de l'azote de façon globale . Le suivi du seul azote organique issu des effluents d'élevage n'est en effet pas suffisant pour prévenir les risques de détérioration de la qualité de l'eau. Comme l'énonce l'étude d'impact annexée au projet de loi, la limitation de la production d'azote issu des animaux d'élevage pourrait être adossée au dépassement sur la zone d'une quantité d'azote total épandu et non d'une quantité d'azote organique issu des effluents d'élevage comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui répondrait à une demande forte des éleveurs.

2. Bail environnemental

Pour favoriser le développement des baux environnementaux, le II du présent article modifie l'article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime afin de généraliser la possibilité d'inclure des clauses environnementales dans les baux ruraux , quelles que soient l'identité du bailleur et la surface concernée.

3. Objectifs du développement agricole

Le III du présent article complète l'article L. 820-1 afin de préciser que l'accompagnement des démarches collectives vers des pratiques et des systèmes permettant de combiner performance économique et environnementale, en particulier ceux de l'agro-écologie, relève du développement agricole.

Il élargit à d'autres personnes publiques, en particulier les collectivités territoriales, la concertation au cours de laquelle cette politique est définie.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Les députés n'ont modifié qu'à la marge les dispositions initiales du présent article.

Ils l'ont en revanche complété en adoptant un amendement relatif au statut du fermage , destiné à prendre en compte les nouvelles formes de regroupement agricole. Cet amendement ouvre, à l'article L. 411-37, à d'autres personnes morales que les sociétés à objet principalement agricole, par exemple des coopératives ou des associations, la possibilité de bénéficier d'une mise à disposition de bail rural.

IV. La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'effort réalisé pour fiabiliser les données relatives aux quantités d'azote produites ou utilisées, compte tenu de l'enjeu qu'elles représentent en termes de pollution par les nitrates, pour laquelle la France est en contentieux avec la Commission européenne.

En outre, la mesure proposée n'emporte aucune conséquence pour les agriculteurs, déjà soumis à une telle obligation de déclaration. Elle permettra en revanche d'appréhender cette problématique dans une logique globale, qui prend en compte l'azote d'origine minéral autant que celui d'origine organique. Ainsi, la limitation de la production d'azote issu des animaux d'élevage pourra ne plus dépendre seulement de la quantité d'azote issu des effluents d'élevage comme aujourd'hui, ce qui va dans le sens de ce que souhaitent les agriculteurs.

Votre commission est aussi favorable à la généralisation de la possibilité de conclure des baux environnementaux, afin de préserver l'état écologique de certains terrains mis en fermage. Le bail étant librement négocié entre le bailleur et le preneur, et en contrepartie d'une diminution du prix du fermage, cette mesure ne devrait pas se traduire dans l'immédiat par un développement massif des baux environnementaux, comme certains acteurs entendus par votre rapporteur l'ont craint.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 10 bis (article L. 643-3-1 du code rural et de la pêche maritime et article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle) - Droit d'opposition des organismes de gestion d'une AOC ou d'une IGP à l'enregistrement d'une marque

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, étend le bénéfice du droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque aux appellations d'origine protégées et indications géographiques protégées, en cas d'atteinte à leur nom, image, réputation ou notoriété.

I. Le droit en vigueur

1. La protection des signes d'identification de la qualité et de l'origine

La mondialisation entraîne une standardisation des produits et la perte de l'identité liée au lieu de production. Pour lutter contre ce phénomène, les signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) permettent, essentiellement dans le domaine alimentaire, de valoriser le lien entre une qualité particulière de produit et le territoire de fabrication.

La France a été précurseur en matière de protection de noms géographiques, avec la loi du 6 mai 1919 qui a créé les appellations d'origine contrôlée (AOC). Ce système national a perduré et largement inspiré le dispositif européen, mis en place en 1992, qui s'articule autour de deux éléments principaux :

- l'appellation d'origine protégée (AOP) qui désigne la dénomination d'un produit dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté ;

- l'indication géographique protégée (IGP) qui désigne des produits agricoles et des denrées alimentaires étroitement liés à une zone géographique, dans laquelle se déroule au moins leur production, leur transformation ou leur élaboration.

Le système de l'AOP est plus contraignant que celui de l'IGP, qui n'impose pas une aire unique d'élaboration d'un produit, mais simplement que quelques étapes du processus de production s'effectuent sur la zone géographique concernée. Les AOP remplacent concrètement les AOC nationales, à l'exception du domaine viticole où l'ancienne terminologie peut être conservée.

Jusqu'ici, les AOP et IGP étaient régies par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires. Le nouveau règlement (UE) n°1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires modernise en profondeur leur régime. Il modifie et harmonise notamment les dispositions relatives à l'enregistrement, à la protection et au contrôle des AOP et des IGP, et renforce le rôle des groupements chargés de la défense et de la gestion des signes. Ce règlement ne s'applique toutefois qu'aux produits agroalimentaires, les vins et boissons spiritueuses faisant l'objet d'une réglementation particulière 8 ( * ) .

Sur le plan technique, c'est l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) qui est la cheville ouvrière du dispositif. Les demandes de reconnaissance d'AOC/AOP et d'IGP sont adressées à l'INAO par les organismes de défense et de gestion (ODG) des produits concernés. L'INAO propose la reconnaissance, sur la base d'un cahier des charges. L'enregistrement de l'AOC et de l'IGP se fait ensuite au niveau européen.

En 2012, l'INAO estime que le chiffre d'affaires à la première mise en marché des produits sous signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) s'élève à 20 Mds€ environ , dont 16 Mds€ pour les vins et eaux-de-vie.

Les signes de l'origine et de la qualité en France en 201 2 9 ( * )

- 329 AOC/AOP dans le secteur du vin, des cidres et eaux-de-vie, dont 308 AOC/AOP viticoles

- 74 IGP viticoles

- 50 AOC laitières

- 45 AOC agroalimentaires

- 113 IGP agroalimentaires

2. L'opposition à l'enregistrement d'une marque

Le droit de la propriété intellectuelle permet à chacun de déposer, et ainsi de protéger une dénomination comme marque, pour ensuite en faire une exploitation exclusive .

La marque est protégée dans un périmètre que choisit le déposant : en vertu du système de Madrid, administré par l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), la marque peut produire ses effets à l'échelle internationale. À l'échelle de l'Union européenne, l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) assure la protection des marques sur l'ensemble du territoire de l'Union. Enfin, au niveau national, les marques protégées doivent faire l'objet d'une procédure de dépôt auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Le dépôt de marque s'accompagne d'une indication des classes de produits pour lesquelles la protection est demandée.

Le dépôt d'une marque est parfois susceptible d'entrer en concurrence avec d'autres intérêts de protection de la propriété intellectuelle. Pour éviter un recours systématique à la procédure contentieuse, relativement incertaine, deux solutions peuvent être envisagées.

a) La procédure d'observation

Pour les produits agroalimentaires sous SIQO, une procédure fonctionne déjà correctement, sur le fondement du b) de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose qu'un signe « dont l'utilisation est légalement interdite » ne peut être adopté comme marque. Or l'article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) dispose que « l ' utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties ».

La combinaison de ces deux dispositions permet ainsi à l'INAO de demander à l'INPI le rejet de l'enregistrement d'une marque portant atteinte à un SIQO. La mise en oeuvre de cette procédure est relativement simple puisqu'il s'agit d' une simple lettre d'observation . Environ mille lettres d'observation sont adressées chaque année à l'INPI, dont 300 à 400 lettres pour les seuls AOP/AOC et IGP alimentaires. Dans 90 % des cas, la décision de l'INPI est conforme à l'avis de l'INAO.

b) La procédure d'opposition

L'article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle définit les modalités d'exercice, à titre préventif, d'un droit d'opposition à une demande d'enregistrement de marque . Ce droit peut être exercé auprès du directeur de l'INPI par le propriétaire d'une marque enregistrée ou déposée antérieurement, le propriétaire d'une marque antérieure notoirement connue ou le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation.

L'exercice de ce droit est payant (310 euros) et le traitement administratif de cette procédure est plus lourd que dans le cadre de la procédure d'observation, en raison d'un plus grand formalisme (rédaction de mémoires, échange contradictoire).

L'article 23 du projet de loi relatif à la consommation, en instance de promulgation, étend ce droit d'opposition à la protection des noms des collectivités territoriales et aux indications géographiques pour les produits manufacturés , nouvellement créées. Au cours des débats, le Gouvernement s'est engagé à étudier la possibilité d'inclure les AOP et IGP alimentaires.

À l'heure actuelle, vingt-cinq juristes de l'INPI traitent environ 5 000 demandes d'opposition à l'enregistrement d'une marque par an , soit en moyenne une demande par jour par agent. L'élargissement de cette procédure (collectivités territoriales, SIQO pour les produits manufacturés et agroalimentaires) pourrait entraîner une hausse de l'ordre de 20 % de la charge de travail de l'INPI .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, introduit par la commission des affaires économiques et complété par des amendements du Gouvernement, étend l'exercice du droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque aux AOP/AOC et IGP . Il prolonge donc le dispositif du projet de loi relatif à la consommation et anticipe les évolutions à venir dans le cadre de la révision du droit européen des marques, engagée par la Commission européenne depuis mars 2013.

Un nouvel article L. 643-3-1 est inséré dans le code rural et de la pêche maritime. Il prévoit que tout organisme qui a pour mission de contribuer à la protection d'une AOP/AOC ou d'une IGP peut solliciter le directeur de l'INAO pour qu'il exerce le droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque auprès de l'INPI. Deux conditions doivent être réunies pour formuler une telle demande : il doit y avoir un risque d'atteinte au nom, à l'image, à la réputation ou à la notoriété d'un de ces signes ; le produit faisant l'objet de la demande d'enregistrement de marque doit être similaire au produit protégé par l'AOP/AOC ou l'IGP.

Ainsi, le droit d'opposition ne peut pas être exercé directement par l'organisme de protection de l'AOP/AOC ou de l'IGP : il doit nécessairement passer par le filtre du directeur de l'INAO . Ce mécanisme en deux temps, introduit par le Gouvernement en séance publique, permet de répondre à la critique formulée à l'occasion des débats sur le projet de loi consommation : l'INPI n'est pas suffisamment dimensionné pour analyser directement toutes les demandes éventuelles d'opposition des AOP/AOC et IGP sans nuire à l'efficacité de la procédure.

Le filtrage par l'INAO, qui assure la gestion quotidienne de ces droits, apporte une garantie opérationnelle et permet de soulager l'INPI , d'autant plus que la collaboration entre les deux instituts est ancrée de longue date .

En conséquence, l'article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle est complété afin d'ouvrir explicitement l'exercice du droit d'opposition au seul directeur de l'INAO. Cette démarche peut ainsi être effectuée sur saisine d'un ODG ou de sa propre initiative . Ce dernier cas de figure permet de garantir une surveillance minimale et un effet dissuasif dont bénéficieront surtout les plus petites appellations , qui n'ont pas toutes les mêmes moyens que l'appellation « champagne » pour se défendre.

Il est également précisé que le surcoût de cette procédure pour l'INPI est pris en charge par l'INAO dans le cadre d'une convention entre les deux instituts , toujours dans le but de préserver les moyens de l'INPI.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur salue l'introduction de ce dispositif attendu, qui envoie un signal fort pour protéger et valoriser la qualité de nos productions de terroir. Ce mécanisme est cohérent avec le discours porté par la France à l'échelle européenne et internationale. Ce droit d'opposition existe en effet dans de nombreux pays, dont certains, comme les États-Unis ou la Chine, sont réputés pour ne pas être les plus fervents partisans des indications géographiques et appellations d'origine. Dans ces conditions, il apparaît paradoxal que la France, pionnière dans ce domaine, n'en soit pas dotée.

Cette procédure a davantage vocation à compléter la procédure d'observation , beaucoup plus souple, qu'à s'y substituer. Son effet est surtout dissuasif et pédagogique . Sa mise en oeuvre repose sur la bonne coopération entre l'INAO et l'INPI, et ne devrait recouvrir que cinq à dix cas par an, pour un coût total de l'ordre de 5 000 euros. L'INPI estime en effet à 800 euros le coût d'une procédure d'opposition, auxquels il convient de retrancher les 310 euros de droit de timbre. Pour rappel, le budget annuel de l'INPI avoisine les 200 millions d'euros, et celui de l'INAO est de l'ordre de 23 millions d'euros.

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur estime que la restriction aux seuls produits « similaires » n'est pas justifiée . Il a donc proposé à votre commission qui l'a suivi de la supprimer.

Le détournement de notoriété peut en effet concerner des produits non similaires. Dans un arrêt célèbre du 15 décembre 1993, la Cour d'appel de Paris a ainsi condamné la société Yves Saint Laurent, au motif qu' « en adoptant le nom Champagne pour le lancement d'un nouveau parfum de luxe, en choisissant une présentation rappelant le bouchon caractéristique des bouteilles de ce vin et en utilisant dans les arguments promotionnels l'image et les sensations gustatives de joie et de fête qu'il évoque, la société Yves Saint Laurent a voulu créer un effet attractif emprunté au prestige de l'appellation Champagne ». Il paraît donc opportun que le droit d'opposition puisse également être mis en oeuvre à titre préventif dans le cas de catégories de produits différentes.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

TITRE II - Préserver les terres agricoles et favoriser le renouvellement des générations
Article 11 (article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcement des prérogatives du conseil régional dans l'élaboration du plan régional de l'agriculture durable

Objet : cet article renforce le rôle des régions en matière de programmation des politiques agricoles en leur confiant la coresponsabilité de l'élaboration du plan régional d'agriculture durable (PRAD), aux côtés du préfet de région.

I. Le droit en vigueur

Le plan régional d'agriculture durable est un document d'orientation créé par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (MAP). Il remplace le document de gestion de l'espace agricole et forestier ; son régime juridique est défini à l'article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

L'objectif du PRAD est d'éviter la perte d'espaces agricoles en assurant une meilleure coordination entre les grandes orientations de l'État en matière de politique agricole au niveau régional et l'action des autres acteurs locaux.

Ainsi, le PRAD est élaboré et arrêté par le préfet de région , en association avec les collectivités territoriales, les chambres d'agriculture concernées, les organisations syndicales agricoles représentatives, et après consultation du public.

Il prend en compte les documents prévus dans le code de l'environnement (schéma régional de cohérence écologique et schéma directeur d'aménagement de gestion des eaux) et dans le code de l'urbanisme (directives territoriales d'aménagement et de développement durable).

Le PRAD est ensuite mis à disposition des collectivités territoriales, qui sont invitées à en tenir compte pour élaborer leurs documents d'urbanisme, le plan n'ayant qu'une valeur indicative .

Treize PRAD ont été signés entre 2012 et 2013 - quatorze en comptant la Bretagne, où le projet agricole et agroalimentaire régional (PAAR) fait office de PRAD. Deux PRAD (Basse-Normandie et Lorraine) ont achevé la phase de consultation du public et les travaux d'élaboration sont en cours dans les autres régions.

II. Le dispositif proposé

L'article L. 111-2-1 du CRPM est modifié selon deux axes :

- en termes de contenu, le PRAD ne définit plus seulement les grandes orientations de l'État en matière de politique agricole, mais également celles des régions ;

- en termes de procédure, il est désormais élaboré sous la direction conjointe du préfet de région et du président du conseil régional, et approuvé par le conseil régional avant d'être arrêté par le préfet de région.

Au titre des dispositions transitoires, le I de l'article 39 du présent projet de loi prévoit que la révision des PRAD qui ont déjà été arrêtés , ou pour lesquels la consultation du public est achevée, doit intervenir avant le 31 décembre 2015 afin d'y intégrer les actions de la région.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Une attention particulière a été accordée, en séance publique, à la programmation de la politique agricole dans les zones de montagne : il a été précisé, dans ces zones, que le projet de PRAD ne peut être soumis à l'approbation du conseil régional qu' après avis du comité de massif compétent .

IV. La position de votre commission

Cet article prolonge la démarche de régionalisation de la politique agricole. À partir du moment où le conseil régional participe à hauteur de 25 % à 40 % au financement du développement de l'agriculture, il paraît normal qu'il puisse émettre un avis conforme sur l'élaboration du projet de PRAD. Le préfet de région conserve cependant le dernier mot : il peut toujours refuser d'arrêter le PRAD, ce qui incite davantage au dialogue constructif qu'à l'instrumentalisation de l'avis conforme.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 bis (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales) - Renforcement de la dimension spatiale des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à intégrer une cartographie des terres agricoles dans les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT).

I. Le droit en vigueur

L'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que la planification économique de la région est constituée par le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADDT).

Créé par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ce schéma fixe les orientations fondamentales du développement régional à moyen terme.

Il définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.

Il veille à la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'État et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional.

Il est élaboré et approuvé par le conseil régional après avis des collectivités et de l'ensemble des acteurs locaux concernés.

Le SRADDT n'a aucun caractère prescriptif vis-à-vis des autres documents d'aménagement et d'urbanisme. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional. Il intègre le schéma régional des infrastructures de transports (SRIT).

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Sur proposition unanime de la commission du développement durable, la commission des affaires économiques a complété l'article L. 4251-1 du CGCT en intégrant une cartographie recensant les espaces naturels, agricoles et forestiers dans les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT).

L'objectif est de préserver les terres agricoles en évitant qu'elles ne soient considérées comme une réserve foncière pour l'urbanisation future.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur salue cette démarche pédagogique qui incitera à mieux intégrer les enjeux liés à la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dans les projets de développement régional.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 12 (articles L. 112-1-1, L. 112-2, L. 135-3, L. 135-5 du code rural et de la pêche maritime et articles L. 122-1-5, L. 122-3, L. 123-1-2, L. 123-6, L. 124-2, L. 143-1, L. 145-3 du code de l'urbanisme) - Préservation du foncier agricole

Objet : cet article vise à renforcer le dispositif institutionnel de préservation des terres agricoles et à mieux intégrer la lutte contre l'artificialisation des terres dans les démarches de zonage.

I. Le droit en vigueur

1. L'évaluation de la consommation des espaces agricoles

Pour lutter contre la déprise agricole, la connaissance de ses multiples causes est nécessaire, à l'échelle locale et nationale.

a) L'observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA)

La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (MAP) a créé un outil statistique dédié à la mesure du changement de destination des espaces agricoles . L'observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA) est chargé d'élaborer des outils pertinents et d'homologuer des indicateurs d'évolution.

Son régime juridique est défini à l'article L. 112-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Il a été installé le 17 avril 2013 .

b) Les commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA)

La loi MAP a également institué, à l'échelon local, une commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) dont le régime juridique est fixé à l'article L. 112-1-1 du CRPM. Présidée par le préfet, elle rassemble les acteurs concernés du milieu rural : État, collectivités, professions agricoles, propriétaires fonciers, notaires et associations de protection de l'environnement.

Cette commission peut être consultée par le préfet sur toute question relative à la régression des surfaces agricoles et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l'espace agricole. Elle est obligatoirement consultée pour avis sur les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) non couverts par un SCoT, dès lors qu'ils prévoient une réduction des zones agricoles. Cet avis est simplement consultatif.

Lors de l'examen du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), plusieurs amendements ont proposé d'étendre le champ de compétence de la CDCEA aux espaces naturels et forestiers. Le gouvernement a demandé le retrait de ces amendements, s'engageant à ce que cette disposition figure dans le présent projet de loi.

2. La prise en compte des espaces naturels et agricoles dans les documents d'urbanisme

a) Le schéma de cohérence territoriale (SCoT)

Depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (loi ENE dite « Grenelle II »), l'article L. 122-1-2 du code de l'urbanisme prévoit que le rapport de présentation du SCoT doit comporter une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant son approbation . Il doit également justifier les objectifs chiffrés de limitation de cette consommation exposés dans le document d'orientation et d'objectifs.

b) Le plan local d'urbanisme (PLU)

L'article L. 123-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi « Grenelle II », dispose que le rapport de présentation du PLU comporte une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers.

Le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) précise, à l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, que les zones à urbaniser ne faisant pas l'objet d'un projet de construction depuis plus de neuf ans seront reclassées en zones naturelles et donc rendues à l'activité agricole pour la plus grande part.

3. Les dispositifs dédiés à la protection des surfaces agricoles

a) Les zones agricoles protégées (ZAP)

L'article L. 112-2 du CRPM prévoit une technique de zonage particulier afin de protéger certaines zones agricoles menacées dont la préservation présente un intérêt général en raison soit de la qualité de leur production, soit de leur situation géographique.

Certaines parcelles peuvent ainsi être classées comme zones agricoles protégées (ZAP) par arrêté préfectoral pris sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées . Lorsqu'un établissement public compétent en matière de SCoT ou de PLU en est à l'initiative, il doit préalablement recueillir l'accord des conseils municipaux des communes intéressées.

Une procédure de contrôle vise à réguler les évolutions du mode d'exploitation de ces zones : tout changement d'affectation ou de mode d'occupation du sol qui altère durablement le potentiel agronomique, biologique ou économique d'une ZAP doit être soumis à l'avis de la chambre d'agriculture et de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. En cas d'avis défavorable de l'une d'entre elles, le changement ne peut être autorisé que sur décision motivée du préfet.

D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, 29 ZAP étaient approuvées au 1 er mars 2013, pour une surface totale de 15 708 ha, et 34 sont à l'étude.

b) Les périmètres d'intervention pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN)

La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (DTR) a introduit, aux articles L. 143-1 à L. 143-6 du code de l'urbanisme, des périmètres d'intervention pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (dits PAEN) mis en oeuvre par les conseils généraux .

Il s'agit de délimiter, en secteur non constructible, des périmètres d'intervention associés à des programmes d'action permettant de favoriser l'exploitation agricole, la gestion forestière ainsi que la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages.

À l'intérieur de ce périmètre, le département ou, avec son accord, une autre collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), peut réaliser des acquisitions foncières à l'amiable, par expropriation ou par préemption .

D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, seulement 4 PAEN sont approuvés à ce jour, pour une surface totale de 3 780 ha, et 20 sont à l'étude.

c) Les associations foncières pastorales (AFP)

En zone de montagne, les parcelles agricoles sont très morcelées et appartiennent à un grand nombre de propriétaires dont un certain nombre ne sont pas connus. La loi n° 72-12 du 3 janvier 1972 relative à la mise en valeur pastorale a introduit les associations foncières pastorales (AFP) pour remédier à cette situation et lutter contre la déprise agricole. Leur régime juridique est aujourd'hui défini aux articles L. 135-1 à L. 135-9 du code de l'urbanisme.

Les AFP ont pour objet de regrouper des terres dispersées entre de multiples propriétaires en une unité de gestion adaptée , permettant en particulier l'exploitation extensive et les pratiques pastorales. Pour cela, elles réalisent et gèrent des ouvrages collectifs pour la bonne utilisation des fonds, font exécuter des travaux contribuant à la protection des sols ou à la desserte des parcelles ; elles assurent rarement l'exploitation directe , mais concèdent la jouissance des biens à des exploitants individuels ou à des groupements pastoraux. Elles sont autorisées par décision préfectorale lorsque la moitié au moins des propriétaires dont les terres situées dans le périmètre proposé, représentant la moitié au moins de la superficie des terres incluses, a adhéré à l'association.

D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, on dénombre, fin 2011, 292 associations autorisées regroupant 31 567 propriétaires et couvrant 196 249 ha.

Deux difficultés freinent les possibilités d'investissement de ces associations : d'une part, l'inclusion dans le périmètre géré par l'association de parcelles dont le propriétaire n'a pas été retrouvé limite leur durée à cinq ans, ce qui n'offre pas la visibilité nécessaire ; d'autre part, les conditions de vote (deux tiers des propriétaires possédant plus des deux-tiers de la surface requise) pour réaliser des investissements à des fins autres qu'agricoles sont difficiles à réunir.

II. Le dispositif proposé

1. Les enjeux agricoles sont mieux affirmés dans les documents d'urbanisme

À l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme, la ventilation par secteur géographique des objectifs chiffrés de consommation économe de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain est rendue obligatoire dans les SCoT . Elle s'accompagne d'une description des enjeux propres à chaque objectif. Ces dispositions sont opposables aux documents de rang inférieur.

En matière de plan local d'urbanisme (PLU), des réflexions sur le développement agricole sont explicitement intégrées au rapport de présentation dont le contenu est précisé à l'article L. 123-1-2 du code de l'urbanisme.

Enfin, le rôle de l'intercommunalité dans la lutte contre l'artificialisation est davantage affirmé :

- l'article L. 143-1 du code de l'urbanisme permet désormais aux structures intercommunales compétentes en matière d'élaboration de SCoT de mettre en place, sur le territoire des communes qui les composent, des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN)  en y associant des programmes d'action ;

- l'article L. 112-2 du CRPM est complété pour permettre aux intercommunalités compétentes en matière d'élaboration de PLU de mettre en place des zones agricoles protégées (ZAP) sans l'accord préalable des conseils municipaux des communes ayant transféré leur compétence.

2. Le droit de regard des CDCEA sur les documents d'urbanisme est systématisé

L'article L. 112-1-1 du CRPM est modifié pour étendre les compétences des CDCEA aux espaces naturels et forestiers , en complément des espaces à vocation ou à usage agricole. Elles sont renommées « commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers » (CDPENAF) et leur composition est adaptée : des représentants de la profession forestière y siègent désormais.

À l'article L. 122-3 du code de l'urbanisme, il est précisé que l'avis des CDCEA concerne désormais tous les schémas de cohérence territoriale (SCoT) portant réduction des espaces naturels, agricoles et forestiers , au lieu des seules « zones agricoles ». L'article L. 123-6 est complété afin d'élargir l'avis des CDPENAF au même motif en matière de PLU, pour les communes ou EPCI non couverts par un SCoT approuvé . Cette logique est déclinée aux projets de révision des cartes communales en l'absence de SCoT, par une modification de l'article L. 124-2.

Le pouvoir d'initiative des CDPENAF est également renforcé puisqu'elles peuvent demander à être consultées sur tout autre projet de document d'aménagement ou d'urbanisme. Afin de renforcer la portée utile de leurs avis, il est explicitement prévu qu'ils soient inclus dans le dossier d'enquête publique .

3. Les attributions de l'ONCEA sont étendues

À l'article L. 112-1 du CRPM, la compétence de l'ONCEA est étendue aux espaces forestiers et naturels, en sus des espaces à vocation ou à usage agricole. La dénomination de l'observatoire est adaptée en conséquence.

Les missions de l'observatoire sont également enrichies : il est explicitement chargé d'évaluer la consommation de ces espaces et apporte un soutien méthodologique aux collectivités territoriales pour effectuer cette analyse à l'échelle locale.

4. La protection des appellations d'origine est adaptée à leur enjeu économique

Toute modification du zonage d'une aire géographique de production, de transformation et d'élaboration d'un produit sous appellation d'origine, peut porter atteinte à la viabilité des opérateurs et entraîner un abandon de l'activité et des pertes d'emplois, en particulier en cas de faible tonnage.

Il est ainsi prévu, à l'article L. 112-1-1 du CRPM, qu' un représentant de l'Institut national de la qualité et de l'origine (INAO) participe avec voix délibérative à la réunion de la CDCEA , dès lors qu'un projet de document d'aménagement ou d'urbanisme envisage une réduction de la superficie de productions bénéficiant d'une d'appellation d'origine.

Lorsque cette réduction est substantielle ou porte une atteinte substantielle aux conditions de production, le projet ne peut être adopté qu'après avis conforme de la CDCEA .

Le préfet, président de la CDPENAF, devra apprécier, en fonction des informations qui pourront notamment lui être données par l'organisme de défense et de gestion de l'appellation, l'impact de la réduction de surface pour la production sous appellation et informera les membres de la commission de la portée de leur avis.

Seuls les plans locaux d'urbanisme (PLU), les cartes communales ou les documents en tenant lieu sont concernés par cette disposition compte tenu de leur caractère opérationnel . En particulier, les demandes d'autorisation au titre du droit des sols et les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ne font pas l'objet d'avis conforme de la commission compte tenu respectivement, de leur impact limité en matière de consommation d'espace généralement déjà planifiée et du caractère non opérationnel du SCoT pour lequel un avis conforme n'aurait pas de sens.

Cette procédure ne s'applique pas non plus quand les modifications des documents d'urbanisme sont induites par une mise en compatibilité avec d'autres documents ou projets d'aménagement , c'est-à-dire :

- lorsque la révision d'un PLU a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou est de nature à induire de graves risques de nuisance (article L. 123-13-II du code de l'urbanisme) ;

- lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme (article L. 123-14 du code de l'urbanisme) ;

- lorsqu'un PLU doit être rendu compatible avec une directive territoriale d'aménagement (DTA) ou avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral, ou pour permettre la réalisation d'un nouveau projet d'intérêt général (article L. 123-14-1 du même code).

5. Les zones de montagne font l'objet d'une attention particulière

L'article L. 135-3 du CRPM est modifié pour améliorer le caractère opérationnel des associations foncières pastorales (AFP). L'inclusion des propriétés des propriétaires non retrouvés dans le périmètre des AFP n'est plus limitée à cinq ans. Celles-ci peuvent désormais définir librement leur durée . Elles ont également la possibilité de conclure un bail avec leurs utilisateurs et non plus uniquement des conventions pluriannuelles de pâturage.

À l'article L. 135-5 du CRPM, les conditions de majorité requises au sein des AFP pour réaliser des investissements à des fins autres qu'agricoles ou forestières sont également assouplies : l'accord de la majorité des propriétaires représentant plus des deux tiers de la superficie ou des deux tiers des propriétaires représentant plus de la moitié des superficies est désormais requis, au lieu des deux tiers des propriétaires représentant les deux tiers de la superficie. Ce régime est ainsi aligné sur celui prévu à l'article 14 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1 er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Enfin, l'avis de la CDPENAF est désormais requis pour autoriser, par arrêté préfectoral, certains travaux sur des chalets d'alpage et bâtiments d'estive , qu'il s'agisse de leur restauration et de leur reconstruction, ou de leur extension limitée lorsqu'ils sont destinés à une activité professionnelle saisonnière.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. La création d'observatoires régionaux des espaces naturels agricoles et forestiers

Par souci de cohérence avec la démarche de régionalisation de la politique agricole, des observatoires régionaux ont été introduits à l'article L. 112-1 du CRPM. Ils ont vocation à travailler en étroite collaboration avec l'ONCEA, en particulier pour l'évaluation de la consommation et l'homologation des indicateurs d'évolution des espaces naturels, agricoles et forestiers.

2. L'élargissement des prérogatives des CDPENAF

Les députés ont prévu, à l'article L. 112-1-1 du CRPM, que l'observatoire apporte son appui méthodologique aux CDPENAF , et non uniquement aux collectivités territoriales.

Les CDPENAF se voient également confier le soin d'élaborer, tous les cinq ans, un inventaire des friches , afin de mieux connaître les possibilités de reconversion agricole ou forestière de ces zones.

Leur composition doit inclure au moins un représentant des collectivités situées en zone de montagne dans les départements concernés.

L'article L. 123-6 du code de l'urbanisme a également été modifié afin que tout projet de PLU non couvert par un SCoT qui entraînerait une réduction des surfaces naturelles, agricoles ou forestières, donne lieu à la rédaction d'un rapport sur la fonctionnalité de ces espaces. Le document d'urbanisme et le rapport sont ensuite soumis pour avis à la CDPENAF .

3. Le renforcement de la protection des terroirs

À l'article L. 112-2 du CRPM, la valeur agronomique des parcelles est reconnue comme critère d'intérêt général, aux côtés de la qualité de la production et de la situation géographique, pour le classement en zone agricole protégée (ZAP).

À l'article L. 641-6 du CRPM, la possibilité d'inclure des mesures destinées à favoriser la préservation des terroirs dans le cahier des charges définissant les conditions de production des AOC est explicitement introduite. Ces mesures deviennent ainsi opposables à l'ensemble des producteurs.

4. Des mesures de simplification administrative

À l'article L. 112-3 du CRPM, le délai à l'issue duquel les avis des chambres d'agriculture, de l'INAO ou du Centre national de la propriété forestière (CNPF) sur les documents d'urbanisme qui leurs sont soumis, sont réputés favorables est allongé de deux à trois mois , par souci d'harmonisation avec des dispositions similaires du code de l'urbanisme.

Afin d'éviter les redondances, une modification de l'article L. 143-1 du code de l'urbanisme fait coïncider les enquêtes publiques préalables à l'établissement d'un PAEN et à l'approbation du SCoT qui en est à l'initiative.

IV. La position de votre commission

La lutte contre l'artificialisation des sols nécessite à la fois un renforcement du dispositif institutionnel et une meilleure intégration dans les démarches de zonage. Le présent projet de loi prolonge les travaux déjà engagés dans la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), en accordant une attention particulière à la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers.

Votre rapporteur soutient pleinement cette démarche. Il aurait pu être intéressant de la compléter afin de prendre en compte le potentiel agronomique des surfaces agricoles dans le diagnostic joint au rapport de présentation des SCoT et les PLU. Certes, une telle démarche pourrait engendrer à court terme une légère augmentation des coûts et introduire un peu plus de complexité administrative dans l'élaboration de ces documents. Mais l'intérêt général commande de s'intéresser non pas uniquement à la quantité de parcelles agricoles consommées, mais également à leur qualité . Pour des raisons à la fois écologiques et économiques, il sera en effet intéressant, à long terme, de pouvoir protéger les terres les plus productives en reportant les projets d'urbanisme sur les surfaces à moindre potentiel agronomique.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 12 bis (articles L. 123-4-2, L. 126-5 et L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime) - Mise en conformité de procédures de participation du public avec la Charte de l'environnement

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à mettre en conformité avec l'article 7 de la Charte de l'environnement, trois procédures particulières de participation du public : pour les projets de remembrement foncier agricole et forestier, les périmètres des communes comprises dans des espaces boisés, et les servitudes d'établissement de canalisations d'eau potable et d'évacuation d'eaux usées ou pluviales.

I. Le droit en vigueur

L'article 7 de la Charte de l'environnement, issu de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 er mars 2005, dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi , d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement . »

Actuellement, seules des dispositions réglementaires du code rural et de la pêche maritime (CRPM) prévoient que les projets d'aménagement foncier agricole et forestier décidés par les conseils généraux (article R. 123-9 du CRPM) ainsi que les périmètres des communes comprises dans les zones de réglementation des boisements décidés par les conseils généraux (article R. 126-4 du CRPM) sont soumis à une enquête publique organisée conformément au chapitre III du titre II du livre I er du code de l'environnement.

De même, seules des dispositions règlementaires prévoient que la servitude pour l''établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales est soumise à enquête publique, dans les conditions définies au chapitre Ier du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (articles R. 11-4 à R. 11-14).

Or, en l'absence de procédure particulière définie par la loi, la procédure de droit commun définie à l'article L. 120-1 du code de l'environnement s'applique, alors même qu'elle n'est pas nécessairement la plus adaptée aux projets concernés.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique, le CRPM a ainsi été modifié pour élever au niveau législatif les modalités réglementaires de participation du public dans le cadre des trois procédures précitées.

Un nouvel article L. 143-4-2 est inséré pour soumettre les projets de remembrements parcellaires agricoles et forestiers décidés par les conseils généraux à la procédure d'enquête publique organisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.

La détermination des zones de réglementation des boisements et les périmètres des communes comprises dans ces zones sont soumis au même régime, dans le cadre d'une réécriture de l'article L. 126-5 du CRPM.

Enfin, l'article L. 152-1 du CRPM est complété pour renvoyer au chapitre Ier du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique les modalités d'enquête publique applicables dans le cadre des servitudes pour l''établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales.

III. La position de votre commission

Cet article technique opère des modifications de statut juridique bienvenues.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 12 ter - Rapport au Parlement sur les mesures d'impact agricole

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre d'un dispositif d'étude d'impact agricole et de compensation agricole.

I. Le droit en vigueur

La version actuelle de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, issue de la réforme de l'évaluation environnementale introduite par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (loi ENE dite « Grenelle II »), consacre le passage d'un système de liste « négative », imposant en théorie une étude d'impact à tous les projets mais multipliant en pratique les exceptions et les dérogations, à un système de liste « positive » , indiquant très précisément les projets qui sont soumis à une telle étude, permettant ainsi une mise en conformité avec le droit communautaire.

Le principe général qui guide les études d'impact est la prise en compte de « critères » et de « seuils » , et ce n'est que par exception que l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement (la direction régionale de l'environnement - DIREN) procède à un « examen au cas par cas ».

Pour autoriser la réalisation d'un projet, l'administration prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public.

La décision fixe ensuite les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par un amendement du Gouvernement en séance publique, prévoit la remise d'un rapport au Parlement avant le 30 juin 2015 .

Ce rapport devra présenter des propositions en matière d' étude d'impact agricole et de mesures de compensation agricole . Il s'agit schématiquement d'évaluer la possibilité d'étendre le dispositif d'étude d'impact environnementale et de compensation environnementale aux enjeux de consommation des espaces agricoles.

III. La position de votre commission

L'introduction d'un principe d'étude d'impact agricole en droit français faciliterait à la fois le dialogue entre la profession agricole et les maîtres d'ouvrage, et la codéfinition des mesures de compensation agricole qui peuvent se traduire par diverses actions (financement d'actions d'animation foncière, de projets d'investissement ou d'équipements collectifs, d'outils de transformation ou de commercialisation, d'aménagements agricoles) permettant à l'agriculture de retrouver, sous une autre forme, la valeur ajoutée qui lui est retirée du fait des emprises.

Cependant, cette mesure entre d'une certaine manière en concurrence avec le dispositif existant en matière d'évaluation environnementale et de compensation écologique. Par construction, l'urbanisation consomme soit des espaces naturels, soit des espaces agricoles et forestiers. Limiter la consommation d'un type d'espace revient à reporter la charge sur l'autre.

Votre rapporteur préconise donc de s'en tenir à la sage solution du Gouvernement, qui souhaite mieux approfondir l'articulation de ces dispositifs à court terme, plutôt que d'inscrire dans la loi un mécanisme dont les effets de second tour seront nécessairement mal appréhendés.

Il paraît dès lors raisonnable d'attendre la remise d'un rapport détaillé, la proximité de la date du 30 juin 2015 soulignant le volontarisme du Gouvernement sur cette question. Le travail a d'ailleurs d'ores et déjà été engagé en interministériel.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 13 (articles L. 141-1, L. 141-1-1, L. 141-1-2, L. 141-6, L. 142-5-1, L. 143-1, L. 143-2, L. 143-7 et L. 143-7-2 du code rural et de la pêche maritime) - Améliorer l'efficacité de l'intervention des SAFER

Objet : cet article étend les possibilités d'intervention des SAFER en améliorant leur information préalable, en élargissant leur champ d'intervention et en facilitant l'usage du droit de préemption.

I. Le droit en vigueur

Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ont été créées par la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole, comme outil d'amélioration des structures des exploitations agricoles et forestières, en particulier pour l'installation, ainsi que de régulation et de maîtrise du marché foncier rural.

1. Missions

Leurs missions d'intérêt général, définies à l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), ont été progressivement élargies au développement local ainsi qu'à la préservation de l'environnement, notamment par une contribution à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique.

Elles ont également pour mission d'assurer la transparence du marché foncier, avec un rôle qui s'est élargi depuis la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (MAP) à la transmission aux services de l'État des données d'évolution des prix du marché foncier rural et de consommation des terres agricoles.

2. Statut

Les SAFER n'ont pas vu leur forme précisée par la loi ni par des statuts types, à la fois pour éviter de créer une forme « d'étatisation des terres » et pour leur permettre de jouir d'un cadre de gestion souple. En pratique, les SAFER se sont toutes constituées sous la forme de sociétés anonymes , mais ne peuvent avoir de buts lucratifs (article L. 141-7 du CRPM).

Elles sont soumises au contrôle de l'administration :

- un agrément est octroyé pour une durée limitée : il détermine la zone d'action de la SAFER (qui jouit d'un monopole géographique) et précise ses conditions d'activité ;

- un contrôle permanent de leur action est mis en oeuvre par deux commissaires du gouvernement : ils sont constamment informés du fonctionnement de la SAFER et sont appelés à autoriser un grand nombre d'opérations foncières.

3. Périmètre

Au nombre de vingt-six (dont trois outre-mer), les SAFER sont, pour la plupart, constituées au niveau régional. Toutefois, certaines d'entre elles ont des périmètres différents, regroupant seulement une partie des départements d'une même région.

4. Gouvernance

L'article L. 141-6 du CRPM impose la présence de représentants des conseils régionaux, généraux et municipaux de leur zone d'action (un tiers au moins de leurs membres) dans leur conseil d'administration.

Depuis quelques années, les instances d'administration et de gestion des SAFER se sont progressivement ouvertes aux associations environnementales et à l'ensemble des syndicats représentatifs .

Ce mouvement n'est toutefois pas uniforme, appliqué différemment selon les SAFER d'une part, et selon l'instance, conseil d'administration ou comités techniques départementaux, d'autre part.

5. Financement

Chaque SAFER dispose de moyens de fonctionnement propres. Pour l'accomplissement de leurs missions de service public, elles peuvent bénéficier d'une subvention de l'État (3,99 millions d'euros en 2012), proportionnelle aux opérations réalisées et à leur nature. Toutefois, ces subventions sont en diminution progressive et ne correspondent qu'à un pourcentage très faible de leur budget de fonctionnement.

La situation financière des SAFER est variable, dépendant essentiellement de l'état du marché foncier local : pour équilibrer leur budget, ces sociétés sont parfois amenées à faire des choix qui ne correspondent pas forcément à leurs missions prioritaires en matière agricole.

6. Modalités d'intervention

Pour accomplir leurs missions, les SAFER disposent de plusieurs moyens comme l'acquisition foncière directe ou la contribution à des opérations locatives, soit comme bailleur, soit comme mandataire pour permettre des opérations de louage. Elles peuvent également substituer un attributaire dans toute promesse de vente qui leur serait consentie.

En complément, les SAFER ont, depuis la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, le droit d' acquérir des parts sociales selon deux modalités :

- elles peuvent acheter des parts de société civile à objet agricole donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers ;

- elles peuvent acheter l'intégralité des parts ou actions de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole et notamment des parts de groupements fonciers agricoles.

7. Droit de préemption

La loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole a accordé un droit de préemption aux SAFER, plusieurs fois modifié et clarifié, en particulier par la loi n° 77-1459 du 29 décembre 1977. Les SAFER sont ainsi dotées d'une prérogative de puissance publique dans la mesure où elles peuvent porter atteinte au caractère absolu du droit de propriété et à la liberté contractuelle.

Cette prérogative est limitée : le droit de préemption des SAFER ne peut s'exercer que sur une assiette circonscrite, d'une part, aux immeubles à utilisation agricole ainsi que les meubles qui leur sont attachés , d'autre part, aux terrains à vocation agricole sans que cette notion soit clairement définie (article L. 143-1 du CRPM). Il n'est pas non plus prévu que le droit de préemption des SAFER puisse s'exercer pour l'acquisition de parts sociales.

Son exercice est également encadré sur le plan procédural, à l'article L. 143-7 du CRPM : dans chaque département, lorsque la SAFER compétente a demandé l'attribution du droit de préemption, le préfet détermine les zones où se justifie son octroi et la superficie minimale à laquelle il est susceptible de s'appliquer ; un décret vient ensuite autoriser l'exercice de ce droit et en fixe la durée .

II. Le dispositif proposé

1. Les missions d'intérêt général dévolues au SAFER sont clarifiées

La nouvelle mouture de l'article L. 141-1-I du CRPM détaille quatre axes principaux, inspirés du souci de promouvoir une agriculture durable :

- à titre prioritaire, protéger les espaces agricoles et naturels : il s'agit notamment de permettre aux installations agricoles d' atteindre une dimension économique viable , d' améliorer la répartition parcellaire des exploitations et de concourir à la diversité des systèmes de production (agriculture traditionnelle et biologique) ;

- contribuer à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ;

- contribuer au développement durable des territoires ruraux ;

- assurer la transparence du marché foncier rural.

Ainsi, l'objectif traditionnel d' « accroissement de la superficie » des exploitations est délaissé au profit de leur « maintien et de la consolidation », plus adaptés à la réalité du marché foncier. L'accent est également mis sur l'agro-écologie et la double performance économique et environnementale.

2. Le champ d'intervention des SAFER en matière de montages sociétaires est élargi

Il est désormais précisé, à l'article L. 141-1 du CRPM, que les SAFER peuvent « acquérir des actions ou parts de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole ».

3. Le périmètre des SAFER est explicitement régionalisé

La réécriture de l'article L. 141-6 du CRPM prévoit un périmètre d'action régional ou interrégional pour les SAFER.

Un fonds de péréquation est également instauré, que chaque société abonderait en fonction de ses moyens, afin de rendre chacune d'entre elles moins tributaire de la situation du marché foncier qu'elle couvre. Ce fonds sera géré par la Fédération nationale des SAFER (FNSAFER), selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

4. Leur gouvernance évolue vers davantage de pluralisme

L'article L. 141-6 du CRPM prévoit désormais que le conseil d'administration de la SAFER sera structuré en trois collèges représentant respectivement :

- les chambres d'agriculture et les organisations professionnelles agricoles, en fonction de leur représentativité à l'échelle régionale ;

- les collectivités territoriales ;

- les autres partenaires comme l'État, les actionnaires de la SAFER et au moins deux associations de protection de l'environnement.

En outre, le conseil d'administration devra avoir une composition équilibrée entre les hommes et les femmes.

5. Leur connaissance du marché foncier est améliorée

Un nouvel article L. 141-1-1 est inséré dans le CRPM. Il élargit et porte au niveau législatif l' information préalable obligatoire des SAFER sur les cessions de biens agricoles. Cette obligation concerne désormais l'ensemble des cessions conclues à titre onéreux portant sur des biens ou droits mobiliers ou immobiliers. L'information est assurée par le notaire ou, dans le cas de vente de parts sociales, par leur vendeur.

En cas de manquement à cette obligation, et s'agissant des immeubles sur lesquels les SAFER disposent d'un pouvoir de préemption, une voie de recours leur est ouverte auprès du tribunal de grande instance (TGI) dans un délai de six mois. Le juge pourra annuler la vente, voire déclarer la SAFER comme acquéreur en lieu et place du tiers concerné.

6. Le droit de préemption est renforcé

a) L'extension du champ d'application

À l'article L. 143-1 du CRPM, la nature des biens sur lesquels les SAFER peuvent exercer leur droit de préemption est clarifiée.

- les biens immobiliers à usage agricole et les biens mobiliers qui leur sont attachés ;

- les terrains nus (supportant uniquement des ruines ou des installations occupées à titre temporaire) à vocation agricole , dont la signification est précisée : il s'agit des terrains situés dans une zone agricole protégée (article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime), des terrains situés à l'intérieur d'un périmètre spécifique (article L. 143-1 du code de l'urbanisme), des terrains situés dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme ou, en l'absence d'un document d'urbanisme, des terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l'exclusion des bois et forêts ;

- les bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole ;

- les bâtiments d'exploitation situés dans une zone à vocation agricole et utilisés par une activité agricole au cours des cinq années précédant l'aliénation , par analogie avec la solution retenue en zone de montagne depuis la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole : il est précisé que le droit de préemption n'a alors vocation à être exercé que pour rendre un usage agricole à ces bâtiments.

À l'article L. 143-2, les objectifs justifiant le recours au droit de préemption sont actualisés en cohérence avec les missions des SAFER redéfinies à l'article L. 143-1-I. Ce droit pourra désormais être exercé dans une perspective de consolidation des exploitations, afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable, ou de protection de l'environnement, à travers notamment la mise en oeuvre de pratiques agricoles adaptées sur les parcelles préemptées.

b) La sécurisation du régime juridique

La nouvelle mouture de l'article L. 143-7 du CRPM simplifie les modalités d'octroi du droit de préemption. Ce dernier, au lieu d'être soumis à renouvellement tous les cinq ans, aura un caractère permanent pour les SAFER agréées.

Seules les zones et la superficie minimale des terrains sur lesquels il s'exerce restent définies par décret , sur proposition du préfet de région, après consultation du public et avis des commissions départementales d'orientation de l'agriculture et chambres d'agriculture concernées.

Toutefois, les modalités d'exercice de ce droit de préemption seront révisables à chaque renouvellement du plan pluriannuel d'activité de la SAFER.

Une possibilité de sanction est ajoutée à l'article L. 143-1 du CRPM en cas de méconnaissance des conditions d'exercice de son droit de préemption par une SAFER : celui-ci pourra lui être retiré par le ministre chargé de l'agriculture, pour une durée n'excédant pas trois ans.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Une attention particulière accordée à la forêt

Trois modifications de l'article L. 141-1 du CRPM ont été adoptés sur proposition de la commission du développement durable :

- les espaces forestiers ont explicitement été inclus dans le périmètre d'intervention des SAFER ;

- la FNSAFER doit transmette un rapport annuel au Conseil supérieur de la forêt et du bois sur les activités des SAFER en matière forestière ;

- un droit de priorité est reconnu aux propriétaires forestiers voisins dans l'attribution des terrains boisés déterminée par les SAFER, afin de mieux lutter contre le phénomène de morcellement.

En séance publique, l' exclusion de principe des « surfaces boisées » de l'exercice du droit de préemption des SAFER a été atténuée, à l'article L. 143-4 du CRPM au bénéfice des seules « parcelles classées comme « bois » au cadastre ». Il s'agit d'éviter la sanctuarisation de friches ou d'espaces nés de la déprise agricole.

2. Des précisions sur le périmètre d'action des SAFER

La possibilité pour les SAFER d' acquérir, à l'amiable, tout ou partie (dans la limite de 30 %) du capital d'un groupement foncier agricole (GFA) ou d'un groupement foncier rural (GFR) a été réintroduite à l'article L. 141-1 du CRPM. La loi n° 74-638 du 12 juillet 1974 avait en effet permis aux SAFER de déroger à la règle posée par l'article L. 322-1 du CRPM, selon laquelle un GFA ou un GFR ne peuvent être constitués qu'entre personnes physiques. Cette disposition n'apparaissait plus dans la version initiale du projet de loi.

Un nouvel article L. 142-5-1 a été introduit dans le CRPM par la commission des affaires économiques. Il précise que les terres d'agriculture biologique cédées par les SAFER sont attribuées en priorité à un agriculteur qui s'engage à poursuivre ce type d'exploitation pendant au moins dix ans.

3. L'amélioration de la transparence du marché foncier rural

La commission des affaires économiques a complété l'article L. 141-1 du CRPM en prévoyant que les SAFER participent aux réunions des CDCEA . Elles sont également représentées par la FNSAFER à l'observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers.

En séance publique, l' obligation d'information des SAFER a été étendue, à l'article L. 141-1-1 du CRPM, à tous les mouvements de parts sociales (et non uniquement les ventes) et aux donations hors successions (et non uniquement les opérations à titre onéreux).

En contrepartie, un nouvel article L. 141-1-2 impose aux SAFER de transmettre les informations qu'elles reçoivent sur l'évolution du capital des sociétés ayant bénéficié récemment d'une autorisation d'agrandissement, à l'autorité administrative . Si cela est nécessaire, l'administration pourra alors demander à la société intéressée de présenter une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter.

Une disposition introduite à l'article L. 143-7-2 du CRPM prévoit également que, préalablement à toute rétrocession, les SAFER alertent les maires lorsqu'elles ont l'intention de mettre en vente des biens situés sur le territoire de leur commune.

La possibilité de contester les ventes déguisées en donations a été précisée à l'article L. 141-1-1 du CRPM : une SAFER peut demander au tribunal de grande instance, dans un délai de six mois, d'annuler une cession conclue à titre gratuit si elle estime qu'elle aurait dû lui être notifiée en tant que cession à titre onéreux.

Enfin, cet article a été assorti d'un dispositif de sanction administrative en cas de méconnaissance de l'obligation déclarative portant sur un bien sur lequel la SAFER ne peut pas exercer son droit de préemption. À l'issue d'une procédure contradictoire et dans un délai d'un an à compter de la constatation des faits, une contravention de cinquième classe, plafonnée à 2,5 % du montant de la transaction concernée, peut être prononcée.

4. L'élargissement du droit de préemption

Un important travail de clarification des modalités d'exercice du droit de préemption des SAFER a été réalisé à l'article L. 143-1 du CRPM.

La commission des affaires économiques a introduit un dispositif permettant d'éviter que la vente liée du foncier et des droits de paiement unique (DPU) de la politique agricole commune permette de contourner l'exercice du droit de préemption des SAFER : il pourra ainsi s'exercer sur l'ensemble du montage, dans un seul objectif de rétrocession et selon des modalités fixées par décret.

Pour lever toute ambiguïté, la notion de « terrains nus » a été précisée : les SAFER peuvent intervenir sur tous les terrains laissés à l'abandon (friches, ruines) ou sur lesquels se trouvent des installations temporaires qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole.

L'utilisation du droit de préemption a également été étendue à l' usufruit de biens que les SAFER seraient susceptibles d'acquérir en pleine propriété, ainsi qu'à la totalité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, afin d'y installer un nouvel agriculteur.

Quant au décret fixant les conditions d'exercice du droit de préemption d'une SAFER, sa sécurité juridique a été renforcée à l'article L. 143-7 du CRPM. Son illégalité pour vice de forme ou de procédure ne peut plus être invoquée par voie d'exception, passé un délai de six mois à compter de sa publication. En outre, si un recours, engagé dans les délais, conduit à l'annulation de ce décret pour vice de forme ou de procédure, cela ne remet pas pour autant en cause les décisions de préemption des SAFER intervenues entretemps.

Enfin, pour lutter contre la spéculation foncière, le recours au dispositif de révision de prix de vente par le tribunal judiciaire a été prolongé, à l'article L. 143-7-1 du CRPM : les SAFER peuvent désormais l'utiliser dans le cadre des opérations qu'elles réalisent au nom et pour le compte du département dans les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN).

IV. La position de votre commission

Le rapport public annuel de la Cour des comptes, publié le 11 février dernier, suggère le renforcement du poids de l'État dans le pilotage des SAFER et le recentrage de leurs activités sur leurs missions d'intérêt général .

Votre rapporteur se félicite que le présent projet de loi réponde à la plupart de ces recommandations , qu'il s'agisse du renforcement du contrôle des SAFER, de leur gouvernance, de leur connaissance du marché, de la transparence de leurs opérations, de l'instauration d'un mécanisme de solidarité financière, de la structuration de réseau autour de la FNSAFER ou encore de la régionalisation de leur périmètre. Les SAFER ont en effet vocation à être un puissant outil de structuration du foncier agricole, à condition d'être correctement encadrées et régulées par l'État.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

TITRE III - Politique de l'alimentation et performance sanitaire
Article 21 (articles L. 251-8, L. 251-9, L. 253-1, L. 253-5, L. 253-8-1 [nouveau], L. 253-14, L. 253-16 du code rural et de la pêche maritime, article 38 du code des douanes) - Réglementation de la publicité des produits phytopharmaceutiques et création d'un dispositif de phytopharmacovigilance

Objet : cet article vise à mettre en place un dispositif centralisé de phytopharmacovigilance, à simplifier la prévention de la propagation des organismes nuisibles, à mieux encadrer la publicité des produits phytopharmaceutiques à destination des professionnels, enfin, à renforcer le contrôle des douanes sur les importations de ces produits.

I. Le droit en vigueur

1. La prévention de la propagation des organismes nuisibles

Les articles L. 251-3 à L. 251-11 du code rural et de la pêche maritime prévoient les mesures de prévention de la propagation des organismes considérés nuisibles à la santé des végétaux.

L'article L. 251-3 définit ces organismes nuisibles. Sont ainsi considérés comme des organismes nuisibles « tous les ennemis des végétaux ou des produits végétaux, qu'ils appartiennent au règne animal ou végétal ou se présentent sous forme de virus, mycoplasmes ou autres agents pathogènes » . La liste en est dressée par l'autorité administrative.

L'article L. 251-8 dispose que le ministre chargé de l'agriculture peut prescrire, par arrêté ministériel, les mesures nécessaires à la prévention de leur propagation et interdire les pratiques susceptibles de favoriser leur dissémination. En cas d'urgence, ces mesures peuvent être prises par arrêté préfectoral, cet arrêté préfectoral devant ensuite être approuvé par arrêté ministériel dans un délai de quinze jours.

L'article L. 251-9 prévoit enfin que la destruction des végétaux ne peut se faire qu'après constatation contradictoire de l'état des lieux, en présence du maire ou de son délégué, et d'un agent relevant des catégories mentionnées à l'article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'en présence du propriétaire ou de l'usager des terrains ou magasins ou de son représentant.

2. La réglementation de la publicité relative aux produits phytosanitaires

L'article 101 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II, a introduit pour la première fois des restrictions à la publicité pour les produits phytopharmaceutiques à destination du grand public.

Depuis, en application de l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime , « la publicité commerciale destinée au grand public, télévisée, radiodiffusée et par voie d'affichage extérieur en dehors des points de distribution est interdite pour les produits visés à l'article L. 253-1 » . Ces produits comprennent à la fois les produits phytopharmaceutiques visés par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, mais aussi les préparations naturelles peu préoccupantes à usage phytopharmaceutique.

Ainsi que le relevait le rapport de la mission commune d'information sénatoriale sur les pesticides 10 ( * ) , cette interdiction intervient après des années de communication des firmes laissant penser que les produits phytosanitaires étaient sans danger. La publicité diffusée au milieu des années 1990 pour le Round-Up l'illustre bien. Cette publicité indiquait que ce désherbant était biodégradable, alors que la dégradation du glyphosate, molécule à la base de ce produit, prend trente-deux jours dans le sol et trois jours dans l'eau, et que les sous-produits issus de cette dégradation sont eux-mêmes difficilement biodégradables.

3. La surveillance des produits phytosanitaires après leur mise sur le marché : un dispositif actuel insatisfaisant

a) Une évaluation des risques ex ante

L'évaluation des risques sanitaires et environnementaux des pesticides se fait aujourd'hui systématiquement ex ante , c'est-à-dire avant la décision d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette évaluation se fonde sur les résultats des tests en laboratoire fournis par les pétitionnaires.

Une telle évaluation ne peut toutefois suffire à évaluer correctement l'ensemble des risques, ainsi que le relevait la mission commune d'information du Sénat dans son rapport. Un dispositif de surveillance des effets des produits, une fois ceux-ci largement diffusés sur le marché et utilisés par les agriculteurs, en situation réelle, est indispensable.

En effet, les connaissances scientifiques évoluent rapidement, et des risques nouveaux, inconnus au moment de l'évaluation pré-AMM ou sous-évalués à l'époque, peuvent justifier un retrait d'autorisation. La littérature scientifique est en outre encore incertaine sur les effets à long terme des pesticides, ainsi que sur leurs effets combinés, ou effets cocktail, sur la santé humaine et l'environnement. En tout état de cause, ces effets à long terme peuvent difficilement être identifiés au moment de l'autorisation de mise sur le marché du produit, d'où la nécessité d'un suivi in vivo post-AMM.

b) Un suivi post-AMM éclaté entre divers acteurs

Un rapport commandé par le ministre de l'agriculture au Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) en février 2011, peu après le scandale du Mediator dans le médicament humain, a réalisé un état des lieux du suivi existant sur les effets des produits phytopharmaceutiques après leur mise sur le marché 11 ( * ) .

Ce rapport distingue deux types de suivi post-AMM : le suivi prévu dès l'AMM et les dispositifs de vigilance.

L'autorisation de mise sur le marché peut prévoir un suivi ou des études complémentaires, sur proposition de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ou du ministre chargé de l'agriculture. Le but est de garantir que ces produits remplissent toujours les conditions nécessaires à leur autorisation. Les principales demandes de suivi portent sur l'apparition de phénomènes de résistance des parasites, sur la pollution diffuse des eaux de surface ou souterraines, ou encore sur les effets des produits sur la biodiversité, par exemple sur la mortalité des abeilles ou des oiseaux. Ainsi, en 2010, 261 études complémentaires ont été demandées, dont 123 par l'ANSES et 138 par la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture.

Au-delà de ce suivi prévu dès l'autorisation de mise sur le marché, différents acteurs évaluent le risque présenté par les pesticides au sein de dispositifs de vigilance dispersés :

- les industriels : l'article 56 du règlement européen n° 1107-2009 prévoit que « le titulaire d'une autorisation [...] communique immédiatement aux États membres ayant accordé l'autorisation toute nouvelle information concernant ledit produit [...]. Il signale, en particulier, les effets potentiellement nocifs de ce produit [...] sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines, ou leurs effets potentiellement inacceptables sur les végétaux ou produits végétaux ou sur l'environnement » . Le titulaire de l'AMM est donc obligé de signaler les effets indésirables et dont il prendrait connaissance de ses produits ;

- la surveillance des effets sur la santé humaine : la Mutualité sociale agricole (MSA) a développé un réseau Phyt'Attitude de remontée des effets indésirables. L'Institut national de Veille Sanitaire (InVS) reçoit les alertes des centres antipoison, et a mis en place un groupe Phytoveille destiné à mieux connaître les effets indésirables des pesticides sur la santé. Les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) disposent également de données sur les effets sanitaires de ces produits ;

- la surveillance de la sécurité alimentaire : le suivi des limites maximales de résidus de pesticides dans les aliments relève de la direction générale de l'alimentation et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

- la surveillance de la qualité des eaux : le suivi relève des agences de l'eau et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, ainsi que des agences régionales de santé et des services régionaux de l'alimentation ;

- la surveillance de la qualité de l'air : les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) effectuent un suivi des résidus de pesticides ;

- la surveillance des effets sur la biodiversité : les réseaux de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) effectuent un suivi de la mortalité du gibier ainsi que des abeilles.

c) La nécessité de renforcer et de centraliser la phytopharmacovigilance

Les dispositifs de vigilance existent donc, mais sont éclatés entre de nombreux acteurs, sans aucune centralisation ou remontée et traitement des données de suivi collectées. Ce dispositif de vigilance perd donc en réactivité du fait d'une mauvaise organisation.

Le rapport du CGAAER, ainsi que la mission commune d'information du Sénat, ont souligné la nécessité de réorganiser ces dispositifs de vigilance et de créer un point d'entrée unique pour les remontées d'information, par exemple l'ANSES.

4. La lutte contre la fraude de produits phytosanitaires

A l'occasion de ses travaux, la mission commune d'information sur les pesticides s'est penchée sur l'ampleur de la fraude interétatique au sein de l'Union européenne et sur les difficultés entravant la coopération des services compétents des différents États membres.

La fraude aux pesticides peut ainsi passer par l'introduction, via un port de l'Union européenne, de substances chimiques licites au regard de la réglementation, avant de les transférer dans un deuxième pays où elles sont transformées en produit phytopharmaceutique frauduleux destiné à l'exportation et la commercialisation dans un troisième État membre. Les services en charge du contrôle voient leur action gênée par le principe de libre circulation des marchandises au sein de l'Union.

L'introduction de produits à l'origine inconnue, et faussement étiquetés comme des produits autorisés, a également été mise en évidence. Ces produits tirent parti, une fois introduits dans l'Union, de la libre circulation des marchandises et de la libre concurrence.

Les services des douanes se trouvent aujourd'hui largement impuissants face à l'ampleur de ce commerce illicite, faute d'outils juridiques et de coopération interétatique suffisants.

II. Le dispositif proposé

Le 1° et le 2° du I prévoient une simplification des procédures applicables afin d'accélérer la mise en oeuvre des mesures de lutte contre les organismes nuisibles. Ainsi, à l'article L. 251-8 du code rural et de la pêche maritime, les traitements et mesures nécessaires à la prévention de la propagation des organismes nuisibles pourront être pris par arrêté préfectoral. Cette réécriture supprime la double condition d'urgence et de validation a posteriori par arrêté ministériel prévue dans la rédaction actuelle de l'article.

À l'article L. 251-9 , l'obligation de mener une procédure contradictoire pour la destruction des végétaux concernés est levée en cas de situation d'urgence phytosanitaire.

Le 3° du I renforce les interdictions existantes à l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime en matière de publicité des produits phytopharmaceutiques. Aucune publicité à destination du grand public, quel que soit son format, n'est plus permise. Par ailleurs, la publicité à destination des professionnels entre dans le champ de l'interdiction, à l'exception de la publicité dans les points de distribution et dans la presse professionnelle agricole. Une dérogation est prévue pour les produits de biocontrôle, définis comme les « agents et produits qui utilisent des dispositifs naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures » . Ces produits pourront faire l'objet de publicité.

Le 4° du I met en place, dans un nouvel article L. 253-8-1 , un dispositif de phytopharmacovigilance structuré, avec une autorité administrative à sa tête, afin de faire remonter les informations sur les incidents, accidents ou effets indésirables des produits phytopharmaceutiques, constatés à tous les niveaux de la chaîne (fabricants, distributeurs, conseillers, utilisateurs).

Ce nouvel article pose les bases juridiques nécessaires à la désignation d'une autorité en charge de l'organisation et de la gestion de la phytopharmacovigilance, et prévoit les modalités d'intervention de l'ensemble des organismes spécialisés dans la vigilance de secteurs particuliers.

Le 5° du I est un alinéa de coordination .

Le 6° du I modifie l'article L. 253-16 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir les peines en cas de non-respect de l'interdiction de la publicité. Ces peines sont un an d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Le II complète l'article 38 du code des douanes afin de permettre aux agents des douanes de contrôler l'importation des produits phytopharmaceutiques. Cette disposition vise à éviter le contournement de la réglementation en matière d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et l'introduction frauduleuse de produits dont la commercialisation est interdite sur le territoire français.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté quatre amendements rédactionnels et de précision à l'initiative du rapporteur, Germinal Peiro.

Ils ont également adopté un amendement, déposé par Dominique Potier, qui complète l'article L. 253-1 du code rural et prévoit que les délais d'évaluation et d'autorisation de mise sur le marché des produits de biocontrôle, y compris les préparations naturelles peu préoccupantes, doivent être fixés par décret en Conseil d'État. De cette manière, il sera possible d'accélérer par voie réglementaire l'analyse des dossiers de mise sur le marché de produits de biocontrôle, et de les faire bénéficier d'un parcours privilégié pour l'évaluation et la délivrance des AMM.

Un amendement de Delphine Batho a été adopté pour intégrer les dispositifs de surveillance mis en place par les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air sur les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques dans le dispositif global de phytopharmacovigilance.

Enfin, un amendement de Brigitte Allain a été adopté pour interdire toute publicité commerciale pour les produits phytosanitaires, quel que soit le public visé ou le support utilisé.

En séance publique , les députés sont revenus sur cette interdiction générale de la publicité par l'adoption d'un amendement du Gouvernement, qui réintroduit la possibilité pour les producteurs et distributeurs de pesticides de faire la publicité de leurs produits auprès des professionnels, tout en imposant que cette publicité promeuve également la lutte intégrée.

Concernant la phytopharmacovigilance, deux amendements identiques du rapporteur et de Dominique Potier ont été adoptés afin de prévoir la centralisation des données sur les effets des pesticides par l'autorité administrative.

IV. La position de votre commission

Votre commission souscrit pleinement aux mesures de simplification proposées dans cet article, notamment à l'article L. 251-8 du code rural et de la pêche maritime relatif aux mesures de lutte contre les organismes nuisibles. Le recours à un arrêté ministériel n'était pas adapté à la multiplicité des cas rencontrés sur le terrain et au nombre conséquent d'organismes nuisibles réglementés. Dorénavant, le recours à un arrêté préfectoral permettra une meilleure réactivité contre la propagation de ces organismes et une meilleure protection des cultures .

Concernant la phytopharmacovigilance, votre commission relève que le projet de loi met en oeuvre l'une des préconisations phares de la mission d'information du Sénat. L'amélioration du suivi post-autorisation de mise sur le marché des pesticides est une nécessité, pour des motifs sanitaires en particulier. Il est important de centraliser les informations recueillies par les différents systèmes de vigilance à l'ANSES. En effet, l'agence dispose désormais de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché. Il est nécessaire qu'elle dispose de toutes les informations de suivi disponibles pour se prononcer sur un éventuel retrait d'autorisation. Le dispositif d'autorisation et de suivi des mises sur le marché issu du projet de loi est cohérent et rationnel .

Votre commission a souhaité adopter un amendement de clarification précisant la répartition des rôles entre ministère de l'agriculture, chargé de la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance, et ANSES, chargée de recevoir les données transmises par les organismes de suivi et de les traiter.

Enfin, votre commission a complété le dispositif, à l'initiative de votre rapporteur, en inscrivant une définition claire des produits de biocontrôle dans le code rural et de la pêche maritime. L'article L. 253-6 du code dispose que les produits de biocontrôle comprennent, d'une part, les macro-organismes, qui ne relèvent pas de la réglementation relative aux phytosanitaires, d'autre part, le reste des produits de biocontrôle, relevant du règlement européen d'octobre 2009 et comprenant les micro-organismes, les médiateurs chimiques et les substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Dans la mesure où le texte vise à encourager le recours à ces alternatives aux produits chimiques de synthèse, il est nécessaire de disposer d'une définition stabilisée et partagée par tous les acteurs.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 22 (article L. 1313-1, L. 1313-2 et L. 1313-5 du code de la santé publique) - Transfert à l'ANSES de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes

Objet : cet article vise à transférer à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, matières fertilisantes et supports de culture.

I. Le droit en vigueur

1. L'architecture des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques dans le cadre du règlement 1107/2009 : une autorisation à deux niveaux

La mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs substances actives est encadrée au niveau européen par le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant la directive 91/414/CEE, entré en vigueur le 14 juin 2011. Le règlement, et plus largement l'ensemble du paquet pesticides adopté en octobre 2009, vise à réduire de manière sensible l'utilisation de pesticides et les risques liés à cette utilisation.

Le paquet pesticides comprend une directive 2009/128/CE instaurant un cadre communautaire d'action pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, une directive 2009/127/CE concernant les machines destinées à l'application des pesticides, et un règlement (CE) n° 1185/2009 relatif aux statistiques.

Le règlement n° 1107/2009 prévoit une autorisation de mise sur le marché à deux niveaux. Les substances actives doivent être autorisées au niveau européen, après une évaluation réalisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Elles sont alors inscrites à l'annexe 1 du règlement. Les produits commerciaux incorporant ces substances actives doivent ensuite être autorisés au niveau de chaque État membre, sur la base d'une évaluation nationale.

Le règlement prévoit une reconnaissance mutuelle des autorisations accordées par les États membres selon une approche zonale. L'Europe est divisée en trois zones géographiques, nord, centre, sud, la France étant rattachée à la zone sud. Les évaluations des dossiers fournis par les industriels peuvent donc être mutualisées entre les États membres, avec un seul dossier évalué pour chaque zone. Ce système conduit la France à recevoir un nombre significatif de demandes d'autorisations de mise sur le marché pour la zone sud, les évaluations menées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) étant largement reconnues pour leur qualité et leur rigueur.

2. Le système d'autorisation des produits en France

Pour les produits commerciaux, l'autorisation nationale est délivrée par le ministère chargé de l'agriculture. L'article R. 253-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit en effet que « le ministre chargé de l'agriculture est, sauf disposition contraire, l'autorité compétente mentionnée au 1 de l'article 75 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, ainsi que l'autorité administrative mentionnée au chapitre III du titre V du livre II du présent code (partie législative) » .

La direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture prépare cette décision et, dans la quasi-totalité des cas, la signature par délégation de l'autorisation.

L'avis du ministère s'appuie sur l'évaluation scientifique de l'ANSES, formulée sur la base du dossier déposé par le pétitionnaire.

II. Le dispositif proposé

Le présent article transfère à l'ANSES la mission de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes.

Le complète les missions de l'ANSES, définies à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, pour indiquer que l'agence « exerce également, pour les produits phytopharmaceutiques mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime des missions relatives à la délivrance, la modification et le retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation et, pour les matières fertilisantes et supports de culture, mentionnés à l'article L. 255-1 du même code, les missions relatives aux autorisations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 255-2 de ce code » .

Le complète l'article L. 1313-2 afin de prévoir que doivent lui être communiquées les données, synthèses et statistiques qu'elle demande, ainsi que toute information utile à leur interprétation.

Enfin, le précise, à l'article L. 1313-5, que le directeur général de l'ANSES prend, au nom de l'État, les décisions d'autorisations de mise sur le marché, de modification et de retrait, en matière de produits phytopharmaceutiques.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Cet article, qui n'a été modifié que par l'adoption d'un amendement rédactionnel du rapporteur en commission, a suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale. Plusieurs amendements de suppression ont été discutés avant d'être rejetés.

En séance, le dispositif du présent article a été complété par l'adoption d'un amendement déposé à l'initiative de Gérard Bapt et de l'ensemble du groupe socialiste. Cet amendement crée un article 22 bis organisant la mise en oeuvre concrète du transfert de compétence à l'ANSES, avec la mise en place d'un conseil d'orientation, afin de mieux isoler l'évaluation du risque de la gestion du risque au sein de l'agence.

IV. La position de votre commission

Plusieurs arguments sont apportés par le Gouvernement au soutien du transfert de la compétence de délivrance des autorisations.

La double instruction des dossiers, par l'ANSES puis par la DGAL au sein du ministère de l'agriculture, n'apporte pas aujourd'hui de réelle valeur ajoutée. L'autorité administrative suit, dans la quasi-totalité des cas l'avis formulé par l'ANSES. La double instruction s'avère cependant coûteuse, et contribue au retard considérable pris par l'administration dans l'évaluation des produits et la délivrance des autorisations de mise sur le marché. Cette situation est renforcée par le système de reconnaissance mutuelle par zones issue du règlement européen 1107/2009. L'immense majorité des dossiers de demande d'AMM déposés dans la zone sud le sont en France, auprès de l'ANSES. Le retard dans le traitement des dossiers a des conséquences très concrètes. Un certain nombre de cultures, comme par exemple la culture des fraises, est en attente cruciale d'options de traitement phytosanitaire.

Dans le dispositif proposé par le Gouvernement, le pouvoir politique conserve sa responsabilité. L'évaluation et la gestion du risque en matière phytosanitaire s'appuient sur les lignes directrices définissant le niveau de risque acceptable. Ces lignes directrices sont fixées par le ministère.

L'enjeu est ici celui de la simplification du droit et des procédures . Cette simplification est la bienvenue, à partir du moment où elle respecte le principe fondamental de séparation de l'évaluation et de la gestion du risque . Or, de nombreux amendements, déposés tant à l'Assemblée que par votre rapporteur, ont permis de sécuriser le dispositif et de garantir l'indépendance de l'ANSES. L'amendement déposé par le député Gérard Bapt, créant l'article 22 bis , répond à la préoccupation de préserver une certaine étanchéité entre l'évaluation scientifique du produit phytosanitaire et la prise de décision.

Pour compléter le transfert de cette mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché à l'ANSES, un amendement de votre rapporteur ajoute, à l'article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime relatif aux agents habilités à réaliser les inspections et les contrôles nécessaires à l'application du titre V du livre II du code rural relatif à la protection des végétaux, la mention des inspecteurs de l'ANSES.

Dans la mesure où l'ANSES ne peut recruter de nouveaux personnels pour mettre en oeuvre sa nouvelle mission de délivrance des AMM du fait de son plafond d'emplois, cet amendement permet de donner aux inspecteurs de l'ANSES, désignés au sein de l'agence par le directeur général, le pouvoir de mener des inspections et des contrôles afin de vérifier la conformité des produits phytopharmaceutiques avec l'AMM délivrée, au moment de leur production, de leur formulation, de leur emballage et de leur étiquetage.

Votre commission a suivi votre rapporteur, estimant essentiel que les contrôles puissent être réalisés de manière renforcée.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 22 bis (article L. 1313-1 du code de la santé publique) - Création d'un conseil d'orientation au sein de l'ANSES chargé de délivrer un avis sur les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la création, au sein de l'ANSES, d'un conseil d'orientation chargé de délivrer un avis sur les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques avant la décision définitive prise par le directeur général de l'agence.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article est issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'initiative de Gérard Bapt et de l'ensemble des membres du groupe socialiste. Il crée un article 22 bis , qui complète l'article L. 1313-1 du code de la santé publique et prévoit la création d'un conseil d'orientation au sein de l'ANSES. Ce conseil serait composé de représentants de tous les ministères de tutelle et des directions de l'ANSES concernées. Le fonctionnement en serait assuré par l'ANSES et par l'Institut national de veille sanitaire (InVS).

Le conseil d'orientation ainsi créé aurait pour vocation de synthétiser l'ensemble des éléments d'appréciation nécessaires à la délivrance d'autorisations de mise sur le marché par le directeur général de l'ANSES. Cela comprend l'avis scientifique des directions scientifiques de l'agence, le projet de décision ainsi que le résultat de la consultation du public.

L'objectif, par la création de cette structure, est d'assurer le respect de la nécessaire séparation entre évaluation et gestion du risque.

II. La position de votre commission

Votre commission ne peut que souscrire à la volonté d'améliorer le dispositif en isolant correctement l'évaluation de la gestion du risque au sein de l'ANSES.

Elle a toutefois adopté un amendement déposé par votre rapporteur afin de compléter et perfectionner le dispositif proposé par l'Assemblée nationale .

Cet amendement clarifie de manière générale la rédaction de l'article et place ces dispositions au sein d'un nouvel article L. 1313-1-1 du code de la santé publique, et non plus au sein de l'article L. 1313-1 relatif aux missions de l'ANSES.

La réécriture de l'article vise également à renommer le conseil d'orientation introduit par les députés en première lecture pour préciser sa mission. Il devient ainsi le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché . Sa composition est précisée. Y siègent notamment des représentants des ministères en charge de la gestion et du contrôle des produits phytopharmaceutiques désignés pour leur connaissance de ces produits et des représentants des directions scientifiques de l'agence. Le détail de la composition de la structure est renvoyé à un décret.

Enfin, l'amendement adopté par votre commission précise que les avis du comité de suivi sont rendus publics . Il s'agit là d'une garantie de transparence et de contrôle sur les décisions rendues par l'ANSES.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 23 (articles L. 254-1, L. 254-3-1, L. 254-6, L. 254-6-1 [nouveau], L. 254-7, L. 254-10, L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime) - Réglementation de l'activité de conseil et mise en place d'un suivi de la distribution des produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article vise à faciliter la diffusion des produits de biocontrôle par la réglementation de l'activité de conseil, à mettre en place un dispositif de traçabilité de la distribution de produits phytopharmaceutiques, et à étendre les dérogations aux procédures d'entrée sur le territoire des macro-organismes non indigènes à l'ensemble des opérations réalisées de façon confinée.

I. Le dispositif proposé

Le 1° du I vise à lever l'obligation de détention d'un agrément pour l'application des produits phytosanitaires en qualité de prestataire de services dans le cas où les produits appliqués sont des produits de biocontrôle. L'obtention d'un agrément Certiphyto est en effet obligatoire aujourd'hui pour ces produits en application de l'article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime.

L'article L. 254-1 est en outre complété pour imposer aux détenteurs de l'agrément de concourir au respect des objectifs du plan d'action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques visé à l'article L. 253-6, à savoir le plan Ecophyto. Cela passe en particulier par la promotion de la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures.

Les 2°, 3° et 4° du I organisent la mise en place d'un dispositif de traçabilité des produits phytopharmaceutiques distribués. L'ensemble de la chaîne de distribution est visé. L'article L. 254-3-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le consommateur professionnel doit inscrire dans un registre les quantités de produits phytosanitaires utilisés, les numéros de lot et dates de fabrication. La même obligation est imposée aux distributeurs, à l'article L. 254-6, ainsi qu'aux titulaires de l'autorisation de mise sur le marché, au nouvel article L. 254-6-1.

Le 5° du I modifie l'article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime afin d'exiger que la vente ou la distribution des produits phytopharmaceutiques soient précédées d'un conseil global ou spécifique sur leur utilisation.

Les 6° et 7° du I comportent des mesures de coordination.

Le II concerne l'extension des dérogations aux procédures d'entrée sur le territoire pour les macro-organismes non indigènes. Actuellement, les articles L. 258-1 et L. 258-2 du code rural et de la pêche maritime définissent les conditions dans lesquelles l'introduction de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux est autorisée sur le territoire national. L'autorisation est délivrée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'écologie, sur la base d'une analyse du risque phytosanitaire et environnemental que cet organisme peut présenter.

Par dérogation, dans le cadre de travaux réalisés à des fins scientifiques, l'introduction sur le territoire de ces macro-organismes peut être autorisée sans analyse préalable du risque, sous réserve du respect de mesures de confinement pour ces activités.

Le II modifie l'article L. 258-1 pour étendre la dérogation à l'ensemble des activités réalisées de façon confinée, et plus seulement aux activités scientifiques. Le ministère chargé de l'agriculture indique que cette mesure de simplification bénéficierait en particulier aux sociétés souhaitant étudier et développer des macro-organismes dans des élevages, préalablement à leur commercialisation.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté trois amendements rédactionnels à l'initiative du rapporteur.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un nouvel amendement rédactionnel du rapporteur, ainsi qu'un amendement déposé par Dominique Potier et les membres du groupe socialiste, qui réécrit l'alinéa 13 sur la délivrance d'un conseil en matière de produits phytosanitaires.

Les auteurs de l'amendement notent que, dans le dispositif actuel d'agrément, il n'apparaît pas clairement que la vente ou la distribution à titre gratuit des produits phytosanitaires à des utilisateurs professionnels doivent être précédées ou accompagnées d'une proposition de conseil, que l'utilisateur professionnel est libre ensuite de suivre ou non. L'objectif de l'amendement est de clarifier cette obligation. Il est précisé que l'obligation porte bien sur les distributeurs de produits phytosanitaires et que le conseil devra être réalisé lors de chaque vente de produits.

III. La position de votre commission

Votre commission souscrit pleinement à l'objectif de développement des alternatives aux produits phytosanitaires, mis en oeuvre au présent article par l'allègement des contraintes pour les applicateurs de produits de biocontrôle et le renforcement des obligations en matière de conseil lors de la vente et la distribution à titre gratuit de produits phytosanitaires.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement complétant le dispositif de transfert à l'ANSES de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires prévu aux articles précédents. L'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime permet actuellement au ministre chargé de l'agriculture de prendre toute mesure d'urgence concernant un produit phytopharmaceutique dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement. L'amendement adopté précise que, sans préjudice de la mission nouvelle confiée à l'ANSES en matière de délivrance des autorisations de mise sur le marché, le ministre chargé de l'agriculture conserve la possibilité d'intervenir en urgence et donc de retirer une AMM .

Votre commission a également adopté un amendement de coordination avec la définition des produits de biocontrôle introduite à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 23 bis - Report au 26 novembre 2015 de l'obligation de détention par les agriculteurs et les salariés agricoles du certificat individuel pour l'application professionnelle des produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à repousser d'un an l'obligation de détention du Certiphyto par les agriculteurs et salariés agricoles pour l'application professionnelle des pesticides.

I. Le droit en vigueur

L'article 94 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II, a modifié l'article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, afin de subordonner à la détention d'un agrément l'exercice de trois types d'activités :

- la mise en vente et la délivrance à titre onéreux ou gratuit de produits phytopharmaceutiques . Cette obligation pèse sur les personnes physiques et morales, ce qui intègre les coopératives agricoles, structures acquérant des volumes importants de ces produits. Il est également fait référence aux groupements d'achat : sont donc concernées les associations formelles ou informelles d'utilisateurs de produits phytopharmaceutiques qui se regroupent afin d'obtenir des tarifs avantageux à l'achat ;

- l'application de ces produits par des prestataires de services, à l'exclusion de l'application effectuée dans le cadre de contrats d'entraide à titre gratuit ;

- le conseil professionnalisé à l'utilisation de ces produits , indépendamment d'une activité de vente ou d'application. Ce point vise spécifiquement l'activité réalisée par des organismes non commerciaux comme les chambres d'agriculture ou les organismes spécialisés privés de conseil.

L'article 98 de la loi Grenelle II a prévu une entrée en vigueur progressive dans le temps de la législation relative aux activités de vente, d'application et de conseil de produits phytopharmaceutiques prévue par l'article 94 de la loi. L'échéance pour les agriculteurs et salariés agricoles a été fixée au 1 er octobre 2014 .

L'agrément requis est le Certiphyto, ou « certificat individuel produits phytopharmaceutiques ». Les formations ont été engagées dans le cadre du plan Ecophyto, sous forme expérimentale d'abord, entre 2009 et 2010, puis de façon généralisée à tous les professionnels concernés à partir de janvier 2012.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Deux amendements ont été déposés en séance publique pour repousser l'échéance d'obligation de détention du certificat individuel par les agriculteurs et les salariés agricoles pour l'application professionnelle des produits phytopharmaceutiques.

Un amendement, déposé par Antoine Herth, Philippe Le Ray et Catherine Vautrin, visait à repousser cette échéance au 31 décembre 2016 ; l'autre, déposé par le rapporteur, Germinal Peiro, repoussait cette date au 1 er octobre 2015.

Les discussions en séance ont conduit à l'adoption après rectification du premier amendement, qui prévoit désormais une échéance au 26 novembre 2015, date limite fixée par la directive européenne n° 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Ce report a été jugé nécessaire par les députés, dans la mesure où les fonds de formation des exploitants et salariés agricoles estiment encore à 160 000 le nombre total de personnes restant à former au certificat individuel phytopharmaceutique d'ici le 1 er octobre 2014. 200 000 agriculteurs sur 360 000 sont aujourd'hui détenteurs du Certiphyto. Pour permettre un étalement de l'effort financier correspondant et l'atteinte des objectifs fixés par la réglementation, un délai supplémentaire leur est apparu nécessaire.

III. La position de votre commission

Votre commission pour avis se félicite de la mobilisation de la profession agricole, en particulier sur le plan financier, et ce dès 2009, pour que les agriculteurs et salariés agricoles acquièrent leur certificat individuel. Il apparaît toutefois aujourd'hui que les moyens financiers mobilisés depuis le départ ne permettront pas d'atteindre l'objectif du 1 er octobre 2014.

Il convient de rappeler que tout agriculteur ne détenant pas son certificat individuel à cette date ne pourra plus appliquer de produits phytopharmaceutiques, ni se procurer les produits nécessaires à son activité, sous peine de sanctions.

Un report est donc bienvenu pour permettre de former les 160 000 personnes restantes. Interrogé par votre rapporteur, le ministère a indiqué que des moyens supplémentaires ont été mobilisés sur les fonds de formation professionnels (Vivéa et Fafsea) afin de permettre la formation de tous les acteurs.

Le compromis trouvé à l'Assemblée nationale sur la date d'échéance de l'obligation est satisfaisant, et correspond à la réglementation européenne en vigueur.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 24 - Habilitation du Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d'ordonnance

Objet : cet article habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures législatives par voie d'ordonnance. Parmi celles-ci, le 1° prévoit l'expérimentation d'un dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques.

I. Le dispositif proposé

Le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre diverses mesures de nature législative par voie d'ordonnance.

L'ordonnance prévue au 1° du I porte sur la mise en place d'un dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques . Ce dispositif, directement inspiré des certificats d'économie d'énergie, imposerait aux entreprises commercialisant des produits phytopharmaceutiques de financer des actions destinées à réduire la consommation de leurs clients.

Cette expérimentation répond aux préconisations de deux rapports récents : le rapport de Marion Guillou sur l'agro-écologie, remis au ministre Stéphane Le Foll le 11 juin 2013, et le rapport résultant d'une mission conjointe du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), du Conseil général de l'environnement du développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale des finances sur la fiscalité incitative.

Les modalités pratiques de fonctionnement de ce dispositif n'ayant pas encore été définies, le projet de loi prévoit une expérimentation.

Sur la base des éléments transmis par le ministère de l'agriculture, le principe serait de fixer aux distributeurs de pesticides l'objectif de faire réaliser des économies de produits phytosanitaires par les utilisateurs de ces produits. Il s'agit bien d'une transposition des certificats d'économie d'énergie, dans le cadre desquels les fournisseurs d'énergie doivent faire faire des économies aux ménages, collectivités et entreprises. Les distributeurs de pesticides verraient leur objectif traduit en un nombre de certificats d'économie à obtenir sur une période donnée.

Il conviendra, dans le cadre de l'expérimentation, de définir les actions permettant de réaliser des économies, et de quantifier ces économies. Ces actions pourront comprendre l'incitation à l'achat de matériels plus performants, ou encore l'usage de semences adaptées à des cultures à bas intrants. Le dispositif devra permettre de vérifier que les distributeurs ont bien atteint leurs objectifs, soit directement, soit en rachetant des certificats à d'autres acteurs. En cas de non-respect des objectifs fixés, les distributeurs pourront être sanctionnés financièrement.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Deux amendements rédactionnels ont été adoptés en commission à l'initiative du rapporteur.

III. La position de votre commission

Le conseil à l'achat de produits phytosanitaires jouera un rôle crucial dans l'évolution des pratiques et la réduction de la vente de ces produits. Des études montrent en effet que les conseillers sont les personnes statistiquement le plus en contact avec les agriculteurs, ce qui les place au centre de la transition engagée vers la double performance économique et écologique.

Le plan Ecophyto, qui avait initialement fixé un objectif de baisse de 50 % de l'usage des produits phytosanitaires à horizon 2018, peine à obtenir des résultats. Après une année 2012 qui avait vu une légère hausse du NODU, l'indicateur d'utilisation des produits phytosanitaires, l'année 2013 est marquée par un résultat plus encourageant, avec une diminution de 5,7 %, et jusqu'à moins 11 % pour les insecticides et herbicides. Il est toutefois trop tôt pour affirmer qu'il s'agit là d'une tendance structurelle à la baisse, et non d'une diminution conjoncturelle.

Au vu de ces résultats, il est important d'accroître l'effort de réduction des pesticides . Le conseil est un des leviers à mobiliser. S'il est impensable de demander aux conseillers et vendeurs de supprimer leur activité, le système imaginé ici, qui s'est révélé efficace pour la réalisation d'économies d'énergie, permet l'émergence de nouvelles activités de conseil, portées par les acteurs économiques eux-mêmes. Les vendeurs de pesticides pourraient à l'avenir soit vendre des pesticides, soit vendre des certificats de réduction de pesticides .

Dans la mesure où de nombreux paramètres restent à définir, en particulier le prix à donner aux certificats, votre commission salue la sagesse du Gouvernement qui a préféré procéder par expérimentation . Il conviendra de mettre en place une tarification adaptée. La réduction de l'usage des pesticides en zone de captage d'eau devra par exemple être plus valorisée et encouragée que dans d'autres zones. L'expérimentation doit permettre d'atteindre la solution économiquement et écologiquement la plus viable.

Dans la mesure où l'expérimentation des certificats d'économie de pesticides est renvoyée à une ordonnance, il importe d'assurer une bonne association du Parlement à son élaboration. Le ministre de l'agriculture s'est engagé à fournir aux assemblées un projet d'ordonnance avant la deuxième lecture du texte. Votre commission y veillera.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

TITRE V - Dispositions relatives à la forêt
Article 28 - Ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier

Objet : cet article procède à la ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier, prise en application de l'habilitation délivrée par l'article 69 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

I. Le dispositif proposé

Le présent article ratifie l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier. Cette ordonnance a été prise par le Gouvernement en application de l'habilitation délivrée à l'article 69 de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010.

L'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte a également autorisé le Gouvernement à étendre à Mayotte des dispositions de nature législative concernant la forêt, la départementalisation mettant en effet un terme au régime forestier spécifique préalablement applicable.

Article 69 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010
de modernisation de l'agriculture et de la pêche

I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour procéder à la refonte de la partie législative du code forestier :

1° En remédiant aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en incluant les dispositions de nature législative qui n'auraient pas été codifiées, en adaptant le plan et la rédaction des dispositions codifiées, en abrogeant les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet, en apportant les modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit et l'adapter au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés, et en adaptant les renvois faits respectivement à l'arrêté, au décret ou au décret en Conseil d'État à la nature des mesures d'application concernées ;

2° En assurant l'harmonisation, la clarification, la modernisation et, le cas échéant, la simplification des dispositions du code forestier relatives aux agents compétents pour procéder aux contrôles administratifs ou rechercher et constater des infractions, aux pouvoirs qui leur sont conférés et aux règles de procédure qu'ils doivent suivre, y compris en modifiant la liste de ces agents et l'étendue de leurs pouvoirs, et en réformant, supprimant ou, le cas échéant, instaurant les sanctions pénales ou administratives encourues, pour assurer le respect des obligations liées à la prévention des incendies de forêt ou, dans tous domaines, dans un objectif de cohérence, d'harmonisation ou de simplification ;

3° En édictant des mesures de nature à favoriser un remembrement des propriétés forestières afin de lutter contre leur morcellement ;

4° En améliorant la cohérence et l'efficacité de la législation relative à la défense des forêts contre l'incendie, notamment par la clarification et l'harmonisation du champ d'application géographique des différentes dispositions, par la modification des dispositions relatives aux coupures agricoles en milieu forestier, par l'adaptation des obligations de débroussaillement à la diversité des formations végétales et au niveau de risque, par la réduction des cas de superposition d'obligations de débroussaillement sur un même terrain, par l'augmentation du niveau moyen de l'astreinte prévue en cas de non-respect d'une obligation légale de débroussaillement et par la précision du champ d'application et de la portée des servitudes pour l'établissement et la pérennité des équipements de défense contre l'incendie ;

5° En étendant, le cas échéant, dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l'application des dispositions codifiées, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et en procédant si nécessaire à l'adaptation des dispositions déjà applicables à ces collectivités ;

6° En mettant le code rural et de la pêche maritime en cohérence avec la nouvelle rédaction du code forestier.

II. - L'ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'habilitation ne visait donc pas simplement une codification à droit constant. Elle permettait de s'en éloigner dans trois buts précis :

• modifier les dispositions relatives à la défense des forêts contre l'incendie ;

• en matière pénale, définir plus précisément l'infraction forestière, rappeler les compétences des agents de l'État et créer des infractions nouvelles ;

• étendre les dispositions du code forestier aux départements et collectivités d'outre-mer.

La structure du code forestier issue de l'ordonnance de 2012 est clarifiée et restructurée. La partie législative du code comprend désormais trois livres, contre cinq livres et un livre préliminaire dans son ancienne version.

Le livre I er comprend les dispositions communes à tous les bois et forêts, sans préjudice de leur régime de propriété. Le livre II détaille les dispositions relatives aux bois et forêts relevant du régime forestier. Le livre III rassemble les dispositions relatives à la forêt privée.

Le présent article a été adopté sans modification à l'Assemblée nationale.

II. La position de votre commission

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 29 (articles L. 112-1, L. 113-1, L. 113-2, L. 121-2, L. 125-1, articles L. 121-2-1 et L. 121-2-2 [nouveaux], articles L. 122-1, L. 122-2, L. 122-6, L. 312-1, L. 122-2, L. 123-2, article L. 122-3-1 [nouveau], articles L. 122-12 à L. 122-15, L. 123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 125-1, L. 215-2, L. 133-3, L. 152-1, L. 153-1, articles L. 153-1-1 et L. 153-1-2 [nouveaux], article L. 153-8 [nouveau], article L. 154-2, article L. 156-4 [nouveau] du code forestier, articles L. 126-1, L. 151-37, L. 632-1-2, L. 632-2 et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime, articles L. 132-1, L. 132-2, L. 414-8, L. 425-1, L. 425-4, L. 425-6 et L. 425-12 du code de l'environnement, article L. 111-9-2 [nouveau] du code de la construction et de l'habitation, article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme) - Adapter la gouvernance de la politique forestière Conserver les ressources génétiques forestières Mieux financer les actions d'intérêt général de la filière de la forêt et du bois

Objet : cet article vise à étendre la reconnaissance des missions d'intérêt général de la forêt, à réformer la gouvernance de la politique forestière, à renforcer la protection des ressources génétiques forestières, et à créer un Fonds stratégique de la forêt et du bois chargé de financer les investissements en forêt.

I. Le droit en vigueur

1. Les évolutions récentes du droit forestier

Le droit forestier a été codifié une première fois en 1827, puis une deuxième fois par le décret n° 52-1200 du 29 octobre 1952 portant codification des textes législatifs concernant les forêts.

Plus récemment, deux réformes ont actualisé et clarifié le code forestier : la recodification par le décret n° 79-113 du 25 janvier 1979 portant révision du code forestier et l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 , qui a procédé à une refonte d'envergure du code.

Au-delà de ces textes de codification, la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt a marqué une inflexion significative du droit forestier en mettant en particulier l'accent sur le volet économique des forêts avec des mesures visant à encourager l'exploitation.

L'ancien code forestier reconnaissait à son article L. 1 la mise en valeur et la protection des forêts comme étant d'intérêt général . Les travaux de reboisement , visés à l'article L. 511-1, faisaient l'objet d'une reconnaissance spécifique.

Ces articles ont été abrogés par l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012. L'intérêt général de la forêt est mentionné à l'article L. 112-1 du nouveau code forestier dans une rédaction très synthétique.

Article L. 112-1 du code forestier

« Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers.

« Sont reconnus d'intérêt général la mise en valeur et la protection des forêts ainsi que le reboisement.

« Il est tenu un inventaire permanent des ressources forestières de la Nation. »

2. La gouvernance forestière

Au niveau national , la définition et la mise en oeuvre de la politique forestière sont assurées par le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois . Ce conseil a été créé par le décret n° 78-1234 du 26 décembre 1978 et réactivé par la loi du 9 juillet 2001.

L'article L. 113-1 du nouveau code forestier prévoit les missions du Conseil supérieur . Il participe à la définition, à la coordination, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la politique forestière et de ses modulations régionales. À cette fin, il concourt à l'élaboration de la stratégie de recherche en matière de forêts et de produits forestiers.

Cet article définit également la composition du Conseil supérieur . Il comprend des membres du Parlement, de représentants des ministères intéressés, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des établissements publics intéressés, des organisations professionnelles représentatives, des organisations syndicales de salariés représentatives, des associations de protection de l'environnement agréées qui exercent leurs activités sur l'ensemble du territoire national, et des intérêts associés à la forêt.

Au niveau régional , la politique forestière est mise en oeuvre au moyen de deux documents : les orientations régionales forestières et les plans pluriannuels régionaux de développement forestier .

Les orientations régionales forestières , visées à l'article L. 122-1 , assurent la mise en oeuvre des objectifs de la politique forestière définis à l'article L. 121-1 du code. Ces objectifs comprennent la gestion durable des bois et forêts, la prise en compte de leurs fonctions économique, écologique et sociale, l'équilibre biologique, au regard notamment des modifications et des phénomènes climatiques, le développement de la qualification des emplois, le regroupement technique et économique des propriétaires et l'organisation interprofessionnelle de la filière forestière, et la satisfaction des demandes sociales relatives à la forêt.

Les orientations régionales sont élaborées par les commissions régionales de la forêt et des produits forestiers, puis arrêtées par le ministre chargé des forêts, après avis des conseils régionaux et des conseils généraux.

Les plans pluriannuels régionaux de développement forestier , visés à l'article L. 122-13 , ont été créés par la loi du 9 juillet 2001. Leur fonction est davantage économique, dans la mesure où ils visent à l'amélioration de la production et de la valorisation économique du bois en identifiant les massifs insuffisamment exploités dans lesquels mettre en oeuvre des actions prioritaires.

3. La préservation des ressources génétiques forestières

La préoccupation de la préservation des ressources génétiques forestières et des matériels forestiers de reproduction a été introduite par la loi n° 71-383 du 22 mai 1971 relative à l'amélioration des essences forestières.

Cette loi transpose les directives 66/404/CEE du 14 juin 1966 du Conseil concernant la commercialisation des matériels forestiers de reproduction, et 71/161/CEE du 30 mars 1971 du Conseil concernant les normes de qualité extérieure des matériels forestiers de reproduction commercialisés à l'intérieur de la Communauté.

Un contrôle a en particulier été instauré pour garantir la qualité des matériels de reproduction commercialisés en France et utilisés dans les forêts françaises.

L'ordonnance du 26 janvier 2012 a placé ces dispositions au sein de l'article L. 153-1 du nouveau code forestier.

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article modifie le livre I er de la partie législative du code forestier afin de prévoir un enrichissement du rôle d'intérêt général reconnu à la forêt, une réforme de la gouvernance forestière, un renforcement de la protection des ressources génétiques forestières et la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois.

Les II et III opèrent dans le code rural et de la pêche maritime et dans le code de l'environnement les coordinations rendues nécessaires par les modifications apportées au code forestier par le I.

1. Les missions d'intérêt général reconnues à la forêt

Le 1° du I complète la reconnaissance des missions d'intérêt général relatives à la forêt. Ces missions comprennent désormais :

• la protection et la mise en valeur des bois et forêts et le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ;

• la conservation des ressources génétiques forestières ;

• la fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage du carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique.

Ces ajouts témoignent d'un renforcement de l'objectif de gestion durable des forêts françaises et consacrent leur rôle central dans la lutte contre le changement climatique.

2. La refonte de la gouvernance forestière

Les 2° à 14° du I refondent intégralement la gouvernance forestière.

Le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois ainsi que les commissions régionales de la forêt et des produits forestiers sont renommés. Ils deviennent respectivement le Conseil supérieur de la forêt et du bois et les commissions régionales de la forêt et du boi s. Cette harmonisation des intitulés améliore la lisibilité du dispositif.

Les documents organisant la politique forestière nationale sont simplifiés, tant au niveau national que local.

Au niveau national , le 6° crée un nouvel article L. 121-2-2 du code forestier relatif au plan national de la forêt et du bois (PNFB) . Ce plan précise les orientations de la politique forestière. Il détermine des objectifs économiques, environnementaux et sociaux fondés sur des indicateurs de gestion durable. Le plan définit des territoires suprarégionaux dont les caractéristiques justifient une coordination des politiques forestières régionales. Enfin, il assure un partage de l'information sur la production de produits forestiers et de produits issus de la transformation du bois, pour renforcer la valorisation du bois français et le développement des entreprises. L'élaboration du plan national comprend une phase de participation du public, en application des articles L. 120-1 à L. 120-2 du code de l'environnement.

Au niveau régional, le 7° prévoit la fusion des orientations régionales forestières et des plans pluriannuels de développement forestiers. Ils forment désormais le programme régional de la forêt et du bois (PRFB) , visé à l'article L. 122-1 du code forestier.

Ce programme décline les orientations et les objectifs du PNFB dans chaque région. Ses missions comptent l'identification de massifs forestiers à enjeux prioritaires pour la mobilisation du bois, ainsi que le renouvellement des peuplements forestiers, notamment au regard de l'équilibre sylvo-cynégétique. Le programme est élaboré par la commission régionale de la forêt et du bois et soumis à participation du public dans les conditions prévues par le code de l'environnement. Pour la Corse, le PRFB est arrêté par le ministre chargé des forêts après avis conforme du comité exécutif de la collectivité territoriale de Corse.

La cohérence de la politique forestière régionale est garantie en prévoyant que les orientations du programme régional de la forêt et du bois doivent être prises en compte par les documents d'orientation régionaux, départementaux et locaux, arrêtés par l'État ou par des collectivités publiques, ayant une incidence sur la forêt et la filière bois.

3. Une protection renforcée des ressources génétiques forestières

Le 15° du I porte sur la conservation des ressources génétiques forestières. Cette problématique n'est actuellement abordée par le code forestier que sous l'angle du commerce des matériels forestiers de reproduction. Le présent article élargit cette approche et inclut les aspects d'inventaire, de conservation, de sélection, de commercialisation des graines et plants et de leur utilisation en boisement.

Ces dispositions permettent la transcription en droit national du protocole de Nagoya du 29 octobre 2010 sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable découlant de leur utilisation, signé par la France en septembre 2011 et découlant de la Convention de Rio sur la diversité biologique.

4. La création du Fonds stratégique de la forêt et du bois

Le 18° du I prévoit la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois .

Il n'existe plus de structure de financement des investissements en forêt depuis la disparition en 1999 du Fonds forestier national. Ce fonds créé en 1946 accordait des aides au reboisement pour les particuliers et les communes en vue d'augmenter la production de bois pour la construction et la production papetière. Il avait finalement été supprimé à cause d'une perception complexe de ressources et du fait de charges élevées pesant sur les professionnels de la filière bois.

Le nouveau Fonds stratégique de la forêt et du bois, prévu à l'article L. 156-4 du code forestier , aura pour mission de financer des projets d'investissements, des actions de recherche, de développement et d'innovation, dans le cadre du plan national et des programmes régionaux de la forêt et du bois.

Ce fonds est abondé par l'État. Ses ressources ont été précisées par le projet de loi de finances pour 2014. Il est alimenté par le transfert des crédits consacrés aux investissements forestiers, à la modernisation des scieries, à l'animation de filières et à la recherche, ainsi que par un versement des chambres d'agriculture de 3,7 millions d'euros sur le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti et par le produit de l'indemnité de défrichement. Au total, le fonds disposera, pour 2014, de près de 14,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 25,5 millions d'euros en crédits de paiement.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a fait l'objet de longs débats et de nombreux amendements lors de son examen en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale.

Des amendements ont été adoptés pour préciser les missions d'intérêt général de la forêt.

Un amendement, adopté à l'initiative du député Martial Saddier, a complété les missions d'intérêt général de la forêt par l'ajout de la protection de la ressource en eau et de la qualité de l'air dans le cadre d'une gestion durable.

Un amendement déposé par Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable, et un amendement similaire déposé par Pascale Got insèrent dans la loi la dimension multifonctionnelle de la forêt, de manière en particulier à ne pas cloisonner ses débouchés.

Divers amendements ont été adoptés à l'initiative du rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable pour préciser la réforme de la gouvernance forestière

Un amendement fixe une durée de validité de dix ans pour le plan national de la forêt et du bois, qui fixe les grandes orientations de la politique forestière. Cette clause de revoyure régulière doit permettre une adaptation permanente du plan afin de s'assurer de son adéquation aux attentes de la société. Un amendement similaire a prévu la même durée de dix ans pour les programmes régionaux de la forêt et du bois.

Un amendement de Jean-Yves Caullet a complété les informations dont le plan national doit assurer le partage. Elles ne doivent pas se limiter aux enjeux économiques associés à la forêt et à ses produits, mais bien évoquer également la production d'aménités environnementales et sociales en vue de leur développement, ainsi que l'évaluation des modalités de leur rémunération.

Un amendement a été adopté pour tenir compter de la différence entre le temps long de la forêt et celui de la réglementation. Les documents de gestion de la forêt, qui comprennent document d'aménagement pour la forêt publique et plan de gestion pour la forêt privée, intègrent les réglementations en vigueur au moment de leur élaboration. L'amendement du rapporteur pour avis les met à l'abri des modifications du cadre juridique pendant la durée de leur mise en oeuvre, en indiquant qu'ils disposent d'un délai de cinq ans pour prendre en compte ces évolutions réglementaires.

Enfin, un amendement a été adopté pour prévoir la prise en compte, dans les arrêtés préfectoraux fixant les plans de chasse, des documents de gestion des forêts, afin de répondre aux nécessités d'équilibre sylvo-cynégétique.

Des amendements ont été adoptés pour encourager la mobilisation de la ressource forestière.

Un amendement déposé par le président François Brottes autorise les collectivités à mobiliser le foncier pour implanter des parcs de stockage intermédiaires. Cet amendement répond à la problématique de la circulation des camions de gros tonnage en montagne, qui entrainent inévitablement une destruction des routes. La solution consiste donc à monter au sommet à l'aide de petits camions et à faire du transit à partir de parcs à bois implantés en piémont.

Un amendement, adopté à l'initiative du rapporteur Germinal Peiro, sur un avis de sagesse du ministre, vise à renforcer l'utilisation du bois dans le secteur de la construction en imposant une fourchette de quantité de bois dans les constructions neuves. Un décret en Conseil d'État doit fixer le niveau précis de bois à utiliser selon le type de construction. Le rapporteur met en lien cette obligation nouvelle avec l'article L. 112-1 du code forestier qui reconnaît le caractère d'intérêt général de la fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage du carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués en bois.

En séance publique , le dispositif a également été complété.

Un amendement, adopté à l'initiative de la députée Frédérique Massat, complète le rôle d'intérêt général de la forêt en ajoutant la mission de fixation des sols, notamment en zone de montagne . Dans ces territoires, la forêt joue un rôle de protection des habitants et des infrastructures contre les risques naturels qui est véritablement d'intérêt général.

Concernant la gouvernance forestière , un amendement déposé par André Chassaigne étend d'un an à deux ans le délai accordé pour adapter le programme régional de la forêt et du bois aux orientations et aux objectifs du programme national de la forêt et du bois. Cette année supplémentaire doit permettre de mener à bien les échanges et la concertation nécessaires à l'élaboration du programme régional.

Un amendement adopté à l'initiative de Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis, réécrit l'article L. 125-1 du code forestier pour prévoir un dispositif de protection contre les atteintes à la propriété foncière forestière .

Compte tenu de la place importante occupée par les bois et forêts sur le territoire national, les massifs forestiers se retrouvent fréquemment traversés par des ouvrages et installations linéaires transportant d'un point à un autre du territoire des fluides électriques, du pétrole, ou encore de l'eau. De telles occupations doivent normalement se faire avec l'accord des propriétaires concernés ou dans le cadre de servitudes d'utilité publique. Il n'est toutefois pas rare de constater l'occupation de bois et forêts par ce type d'ouvrages, sans la moindre autorisation préalable.

Dans ce contexte, l'amendement de Jean-Yves Caullet prévoit un dispositif visant à la fois à dissuader les opérateurs d'utiliser clandestinement les bois et forêts et à les indemniser des occupations qu'ils peuvent subir. L'indemnité maximale annuelle par mètre linéaire ou mètre carré occupé est fixée à vingt euros. La fixation des montants précis est renvoyée à un décret. Si la date de début de l'occupation n'est pas connue, l'indemnisation est calculée sur une base forfaitaire.

Enfin, les députés ont intégré au présent article, à l'initiative du président François Brottes, un schéma départemental de desserte des forêts . Ce schéma est élaboré annuellement, en concertation avec les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Il vise à améliorer l'accès à la ressource forestière et à assurer le transport des grumes.

IV. La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'intégration claire des objectifs du développement durable dans les missions d'intérêt général de la forêt française. La forêt est en effet un patrimoine national précieux et utile dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, et qui doit être géré avec la préoccupation constante de durabilité de la ressource.

La création du Fonds stratégique de la forêt et du bois est une mesure attendue par l'ensemble de la filière. Il doit permettre de relancer l'investissement dans de nouveaux projets à vocation économique ou de recherche. Son financement est d'ores et déjà assuré pour l'année 2014, dans le cadre de la loi de finances initiale. Il conviendra de garantir sa pérennisation dans les prochains budgets. La visibilité sur le financement disponible est en effet une condition à la réalisation d'investissements viables et sur la durée.

Votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, deux amendements supprimant des dispositifs insérés dans le texte par les députés.

Le premier amendement supprime l'obligation imposée au département d'élaborer un schéma annuel, en concertation avec les communes et intercommunalités concernées, sur l'accès à la ressource forestière. Votre commission a estimé que ce schéma constituait une formalité administrative supplémentaire, qui pourrait avoir des implications très lourdes pour les communes, lesquelles n'ont pas nécessairement les moyens d'adapter leur voirie. En outre, le schéma ne répond pas à la problématique cruciale d'accès à la ressource forestière sur les parcelles mêmes.

Le second amendement supprime l'obligation d'incorporation de bois dans les constructions neuves. Cette disposition comporte un risque sérieux d'inconstitutionnalité, ainsi que l'a déjà relevé le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une décision en date du 24 mai 2013. Par ailleurs, dans la mesure où la filière bois construction ne semble pas encore à même de répondre à la demande, ce dispositif aurait pour conséquence d'aggraver le déficit de la balance commerciale et de subventionner les importations. Votre commission a estimé préférable de supprimer ces dispositions quelque peu prématurées.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 29 bis (article L. 122-7-1 [nouveau] du code forestier) - Caractère intégrateur des documents d'aménagement forestier

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, renforce la coordination des procédures administratives au sein des documents d'aménagement forestiers.

I. Le droit en vigueur

La section 2 du chapitre II du titre II du livre I er du code forestier prévoit la coordination des procédures administratives avec les documents de gestion forestiers.

Un aménagement peut être approuvé soit au titre du seul code forestier, soit au titre du code forestier et des législations pertinentes énumérées à l'article L. 122-8 , au sein de cette section 2. Ces législations sont celles qui protègent ou classent les habitats d'espèces de la faune ou de la flore ainsi que les périmètres, monuments, sites ou zones concernés par les dispositions suivantes :

• les dispositions relatives aux forêts de protection au titre du code forestier ;

• les dispositions relatives aux parcs nationaux, aux réserves naturelles, aux sites inscrits et classés, à la préservation du patrimoine biologique, ainsi qu'aux sites Natura 2000 au titre du code de l'environnement ;

• enfin, les dispositions relatives à la protection des espaces et à la protection des monuments historiques au titre du code du patrimoine.

L'article L. 122-7 permet aux propriétaires forestiers d'effectuer les opérations d'exploitation et travaux qu'ils souhaitent sans être soumis à ces législations, s'ils font approuver, à leur demande, leurs documents de gestion au titre de plusieurs législations. L'article prévoit deux cas dans lesquels cette coordination s'applique :

• le document de gestion est conforme aux dispositions spécifiques arrêtées conjointement par l'autorité administrative chargée des forêts et l'autorité administrative compétente au titre de l'une de ces législations ;

• le document de gestion a recueilli, avant son approbation ou son agrément, l'accord explicite de l'autorité administrative compétente au titre de ces législations.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article résulte de l'adoption en séance publique d'un amendement déposé à l'initiative du rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable, Jean-Yves Caullet. Cet amendement avait déjà été déposé devant la commission des affaires économiques. Il avait alors reçu un avis favorable du rapporteur, mais avait été retiré à la demande du ministre afin de sécuriser sa rédaction.

Un article L. 122-7-1 du code forestier est ainsi créé qui accentue le caractère intégrateur du document d'aménagement forestier.

L'obligation d'obtenir l'approbation explicite de différents services pour un aménagement forestier est supprimée. Elle est remplacée par une approbation globale du document par l'autorité compétente chargée des forêts au titre de l'ensemble des législations énumérées à l'article L. 122-8 .

La rédaction retenue ne prévoit le recueil par l'Office national des forêts d'un accord explicite des autorités administratives concernées uniquement si une prescription légale ou internationale le commande. Cette simplification est parfaitement en ligne avec les évolutions prévues par la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 généralisant le principe de la décision implicite d'acceptation .

Enfin, le dispositif prévoit une cristallisation des règles applicables durant la mise en oeuvre du document d'aménagement . En effet, le texte réaffirme que les administrations ne peuvent imposer de nouvelles prescriptions au-delà de celles formulées lors de l'approbation de l'aménagement.

III. La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'adoption de cette mesure de simplification, de nature à améliorer significativement la coordination entre les différentes législations applicables et les procédures administratives existantes.

Le dispositif proposé permet aux documents d'aménagement des forêts publiques d'intégrer les réglementations en vigueur, de la même manière qu'en droit de l'urbanisme, le SCoT ou le PLU intègrent les différentes réglementations d'autres ordres. Ces documents réuniront ainsi l'ensemble des obligations imposées sur un territoire donné. Cela évitera ensuite, lors de leur mise en oeuvre, de redemander les avis et les accords au titre des autres réglementations à l'occasion de coupes et travaux.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 30 (articles L. 124-1, L. 124-2, L. 143-2, L. 213-1, L. 213-1-1 [nouveau], L. 214-5, L. 214-13, L. 214-14, L. 321-1, L. 332-7 et L. 332-8 [nouveaux], L. 331-19, L. 331-21, L. 331-22 à L. 331-24 [nouveaux], L. 341-2, L. 341-6, L. 341-10, L. 636-5 du code forestier) - Création des groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers (GIEEF). Compensation systématique des défrichements.

Objet : Cet article modifie le cadre juridique applicable à l'exploitation des forêts privées, en créant un nouvel outil, les groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers. Il soumet également les défrichements à une compensation systématique.

I. Le droit en vigueur

1. Les documents de gestion

Les documents de gestion des forêts privées participent à la mise en oeuvre des objectifs de la politique forestière , parmi lesquels celui d'une gestion durable des forêts. Ils favorisent le regroupement de l'exploitation forestière. Ils sont répartis en trois catégories, énumérées à l'article L. 122-3 du code forestier.

Le plan simple de gestion est obligatoire pour toutes les propriétés forestières d'une surface supérieure ou égale à 25 hectares . Il peut être adopté suivant une démarche volontaire par toute propriété de plus de 10 hectares . Ce document comprend une description de la forêt, une brève analyse de ses enjeux économiques, environnementaux et sociaux, un programme d'exploitation des coupes et un programme des travaux de reconstitution. Il est conclu pour une durée minimale de 10 ans, qui peut aller jusqu'à 20 ans. Il est agréé par le centre régional de la propriété forestière (CRPF), qui relève du centre national de la propriété foncière (CNPF). En 2012, on comptait 33 700 plans simples de gestion agréés sur le territoire national, couvrant une superficie de 3,43 millions d'hectares 12 ( * ) .

Le règlement type de gestion est un document de gestion collectif qui a pour objet de définir les modalités d'exploitation de la forêt adaptées aux grands types de peuplements forestiers ou aux grandes options sylvicoles régionales. Facultatif et réservé aux forêts de moins de 25 hectares, il est élaboré par un organisme de gestion en commun, un expert forestier ou l'ONF, et approuvé par le CRPF. Les propriétaires forestiers adhèrent au règlement type de gestion en signant avec le gestionnaire qui en est responsable un engagement d'au moins 10 ans. En 2012, 2560 adhérents de règlements types de gestion ont été recensés, pour une surface de 35 000 hectares.

Le code des bonnes pratiques sylvicoles (CBPS) est un document de gestion durable rédigé par les CRPF et approuvé par le préfet de région, après avis de la commission régionale de la forêt et des produits forestiers. Facultatif et réservé aux forêts de moins de 25 hectares , il comprend, par région naturelle ou groupes de régions naturelles, des recommandations de gestion adaptées aux principaux types de peuplements pouvant être rencontrés dans la zone concernée. Ce document est proposé aux propriétaires qui souhaitent avoir un document de gestion durable. Ils adhèrent pour une durée minimale de 10 ans auprès du CRPF. En 2012, on dénombrait 21 300 adhérents à au moins un CBPS, ce qui représentait une superficie totale de 214 000 hectares.

L'article L. 124-1 du code forestier range le plan simple de gestion et le règlement type de gestion parmi les documents présentant des garanties de gestion durable , tandis que l'article L. 124-2 prévoit que « sont présumés » présenter de telles garanties les propriétaires de forêts qui adhèrent au code des bonnes pratiques sylvicoles applicable sur leur territoire et le respectent pendant au moins dix ans.

Les garanties de gestion durable ouvrent droit à certaines aides publiques et à des dispositions fiscales particulières. Elles rendent également possible la réalisation de certaines coupes, normalement soumise à autorisation préalable.

La forêt privée couvre 11 millions d'hectares, soit 74% de la surface forestière française. Seul un tiers de cette surface est réputé posséder des garanties de gestion durable .

2. Le défrichement

Le défrichement, défini aux articles L. 341-1 et L. 341-2 du code, est soumis à un régime d'autorisation préalable . Il peut être subordonné au respect d'une ou plusieurs conditions, énumérées à l'article L. 341-6 .

Conditions auxquelles peut être soumise l'autorisation d'un défrichement

1° La conservation sur le terrain de réserves boisées suffisamment importantes pour remplir les rôles utilitaires définis à l'article L. 341-5 (maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ; défense du sol contre les érosions et envahissements des fleuves, rivières ou torrents ; protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et les envahissements de sable, etc. )

2° L'exécution de travaux de reboisement sur les terrains en cause ou de boisement ou reboisement sur d'autres terrains, pour une surface correspondant à la surface défrichée, assortie le cas échéant d'un coefficient multiplicateur compris entre 2 et 5, déterminé en fonction du rôle écologique ou social des bois visés par le défrichement. Le représentant de l'Etat dans le département peut imposer que le boisement compensateur soit réalisé dans la même région forestière ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable ;

3° La remise en état boisé du terrain lorsque le défrichement a pour objet l'exploitation du sous-sol à ciel ouvert ;

4° L'exécution de travaux de génie civil ou biologique en vue de la protection contre l'érosion des sols des parcelles concernées par le défrichement ;

5° L'exécution de travaux ou mesures visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches.

La condition visée au 1° renvoie à l'état du terrain dans lequel la réalisation du défrichement est envisagée. Les 2° à 5° font référence à des compensations qui peuvent être imposées au demandeur en contrepartie du défrichement.

Pour la mise en oeuvre de la compensation mentionnée au 2°, le demandeur qui ne souhaite pas réaliser par lui-même des travaux de boisement ou de reboisement peut proposer de s'acquitter de ses obligations soit par la cession à l'État ou à une collectivité territoriale de terrains boisés ou à boiser, susceptibles de jouer le même rôle écologique et social, soit par le versement d'une indemnité équivalente en vue de cet achat. Il revient à l'autorité compétente d'accepter ou non le principe de cette compensation.

Comme l'énonce l'étude d'impact annexée au projet de loi, « ce puissant dispositif de préservation de l'état boisé, au nom de l'intérêt général, a pleinement participé au maintien, voire à l'augmentation de la surface forestière en France. Toutefois, la réalisation de boisements compensateurs pose des difficultés d'application pouvant se traduire par la réduction des terres agricoles alors même que leur préservation est aussi un objectif de la politique de l'État. »

Par ailleurs, l'étude d'impact indique que « le système du boisement compensateur ne correspond plus [...] aux priorités de la politique forestière qui doit privilégier les investissements forestiers plutôt que les accroissements de surface forestière. »

3. L'autorisation des coupes sur les dunes côtières

L'article L. 143-2 du code forestier soumet à une autorisation préalable la coupe des végétaux sur les dunes côtières fixées par des plantes aréneuses et des arbres épars . Elle peut être subordonnée au respect d'une ou des deux prescriptions suivantes :

1° la cession à l'État, à une collectivité territoriale ou à un établissement public, de dunes côtières fixées par des plantes aréneuses d'une surface au moins égale à celle faisant l'objet de l'autorisation ;

2° l'exécution de travaux de restauration dans un secteur de dunes comparables du point de vue de l'intérêt de l'environnement et du public, pour une surface correspondant à la surface faisant l'objet de coupes.

Le texte n'indique pas si la cession visée au 1° doit faire l'objet d'une indemnisation. Or, le Conseil constitutionnel a censuré, au regard des exigences constitutionnelles de protection du droit de propriété, des dispositions du code de l'urbanisme permettant aux communes d'imposer aux constructeurs, dans certains cas, la cession gratuite d'une partie de leur terrain 13 ( * ) . Une telle jurisprudence pourrait s'appliquer aux cessions de dunes côtières.

4. Le droit de préférence des propriétaires de terrains boisés

Afin de lutter contre le morcellement de la forêt française, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a institué, à l'article L. 331-19 du code forestier, un droit de préférence au bénéfice des propriétaires voisins d'une parcelle de moins de quatre hectares destinée à la vente.

Lorsque plusieurs propriétaires de parcelles contiguës exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement celui auquel il souhaite céder son bien.

Ce droit de préférence s'exerce sous réserve du droit de préemption prévu par le 6° de l'article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime au bénéfice des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural.

L'article L. 331-21 dresse une liste de situations dans lesquelles le droit de préférence ne s'applique pas. C'est le cas par exemple lorsque la vente s'effectue au profit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin ou de parents ou alliés du vendeur jusqu'au quatrième degré inclus.

II. Le dispositif proposé

1. Documents de gestion et groupement d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF)

Le présent article supprime le code des bonnes pratiques sylvicoles mentionné à l'article L. 122-3, considéré comme insuffisamment contraignant au regard des objectifs environnementaux de la politique de la forêt. Il conditionne également l'octroi des garanties de gestion durable pour les plans simples de gestion et les règlements types de gestion, prévues à l'article L. 122-4, à la mise en oeuvre effective du programme de coupe et travaux que ces documents de gestion prévoient .

En parallèle, l'article crée un nouvel outil destiné à répondre au morcellement de la forêt française, le groupement d'intérêt économique et environnemental forestier, afin de promouvoir la mise en place d'instruments de gestion à l'échelle de territoires sylvicoles pertinents , avec le double objectif d'une meilleure mobilisation de la ressource et d'une performance environnementale accrue.

À cette fin, il insère deux nouveaux articles dans le chapitre du code forestier consacré au « regroupement pour la gestion », les articles L. 332-7 et L. 332-8.

L'article L. 332-7 fixe la composition et les modalités de reconnaissance du GIEEF. Peut être reconnu comme tel tout regroupement volontaire de propriétaires forestiers, quelle que soit sa forme juridique, qui répond aux conditions suivantes :

1° Les bois et forêts regroupés sont situés dans un territoire géographique cohérent d'un point de vue sylvicole, économique et écologique et constituer un ensemble de gestion d'au moins 300 hectares ;

2° Un document de diagnostic, dont le contenu minimal est établi par décret, justifie de la cohérence du territoire, expose les modalités de gestion retenues et les conditions de suivi des objectifs assignés à cette gestion ;

3° Les propriétaires concernés doivent avoir adopté un plan simple de gestion dans les conditions prévues à l'article L. 122-4 et s'engager à mettre en oeuvre les modalités de gestion décrites dans le diagnostic mentionné au 2°.

La mise en place d'un mandat de gestion avec un gestionnaire forestier ainsi que des projets de commercialisation de leur bois seront proposés aux propriétaires dans le cadre du GIEEF.

Un décret détermine les conditions dans lesquelles l'autorité compétente octroie ou retire la qualité de GIEEF.

L'article L. 332-8 fixe les droits et devoirs des membres du GIEEF.

Les propriétaires concernés sont tenus de mettre en oeuvre le plan simple de gestion pour la partie qui les concerne. A défaut, la qualité de GIEEF peut être retirée. En contrepartie, ils peuvent bénéficier de majorations dans l'attribution des aides publiques dont les objectifs correspondent aux finalités du plan simple de gestion qui leur est applicable.

2. Le défrichement

Le présent article instaure une compensation systématique pour toute opération de défrichement, alors qu'elle est aujourd'hui facultative.

Conditions auxquelles sera soumise l'autorisation d'un défrichement

Au moins l'une des conditions suivantes devra être remplie :

1° L'exécution, sur d'autres terrains, de travaux de boisement ou reboisement pour une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d'un coefficient multiplicateur compris entre 2 et 5, déterminé en fonction du rôle économique, écologique et social des bois et forêts objet du défrichement, ou d'autres travaux d'amélioration sylvicoles d'un montant équivalent ;

2° La remise en état boisé du terrain lorsque le défrichement a pour objet l'exploitation du sous-sol à ciel ouvert ;

3° L'exécution de travaux de génie civil ou biologique en vue de la protection contre l'érosion des sols des parcelles concernées par le défrichement ;

4° L'exécution de travaux ou mesures visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches.

Afin de tenir compte des priorités actuelles de la politique sylvicole, l'article ouvre la possibilité de substituer à des travaux de boisement ou de reboisement d'autres travaux d'amélioration sylvicoles, d'un montant équivalent.

La disposition autorisant le représentant de l'Etat à imposer que le boisement compensateur soit réalisé dans la même région forestière ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable est supprimée.

Il revient par ailleurs au demandeur de décider de remplacer ces travaux de boisement ou de reboisement par une indemnité équivalente, qui est versée au Fonds stratégique de la forêt et du bois . Ce fonds devrait ainsi récupérer 18 millions d'euros par an, d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi.

L'autorité administrative compétente de l'État conserve par ailleurs la possibilité de conditionner son autorisation à la conservation sur le terrain de réserves boisées suffisamment importantes pour remplir les rôles utilitaires définis à l'article L. 341-5.

3. L'autorisation des coupes sur les dunes côtières

L'autorisation mentionnée à l'article L. 143-2 est alignée sur le régime des défrichements, puisque la cession à l'État, à une collectivité territoriale ou à un établissement public, de dunes côtières fixées par des plantes aréneuses d'une surface au moins égale à celle faisant l'objet de l'autorisation ne peut plus être imposée par l'autorité administrative compétente. Elle reste toutefois possible, sous la forme d'une compensation, lorsque le demandeur ne souhaite pas réaliser par lui-même les travaux de restauration que lui impose l'autorité administrative.

Cette disposition figure aussi dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier, adopté par le Sénat en première lecture le 7 février 2013. Elle vise à remédier au risque d'inconstitutionnalité évoqué plus haut.

4. Droit de préférence des propriétaires de terrains boisés

Le présent article précise que le droit de préférence prévu à l'article L. 331-19 ne s'applique pas lorsqu'il est fait usage du droit de préemption, quelle que soit la personne morale chargée d'une mission de service public qui en fait usage.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Documents de gestion et GIEEF

À l'initiative du rapporteur pour avis de la commission du développement durable, les députés ont rétabli le code des bonnes pratiques sylvicoles prévu à l'article L. 122-3, mais en ont durci le régime.

Ils ont effet considéré qu'il était prématuré de supprimer ce document de gestion avant d'avoir pu constater le succès des GIEEF, cette suppression risquant de « laisse[r] au bord du chemin un grand nombre de petits propriétaires forestiers » , pour qui le GIEEF n'apparaîtrait pas nécessairement comme un outil de substitution. D'après l'auteur de l'amendement, 900 000 propriétaires forestiers qui possèdent entre 1 et 10 hectares de forêt pourraient être concernés directement ou indirectement par cette suppression, dans la mesure où le seuil minimal permettant de présenter un plan simple de gestion est de 10 hectares.

Afin de remédier au caractère insuffisamment incitatif du code au regard de l'objectif de développement d'une gestion durable des forêts, ils ont assorti ce document de l'obligation de réaliser un programme de coupes et travaux agréé conformément aux recommandations de ce document de gestion. Les CRPF seront chargés d'agréer les programmes de coupes et travaux.

En ce qui concerne les GIEEF, l'Assemblée nationale a assoupli le critère de surface visé à l'article L. 332-7 , en ouvrant la possibilité à un groupement de propriétaires forestiers de 100 hectares, s'il rassemble au moins vingt propriétaires, d'être reconnu comme GIEEF.

Elle a précisé que lorsqu'un ou plusieurs membres du GIEEF sont gérés par un organisme de gestion et d'exploitation forestière en commun, ce dernier formule un avis conforme sur le mandat de gestion et les projets de commercialisation proposés aux membres du GIEEF.

2. Le défrichement et l'autorisation des coupes sur les dunes côtières

Les députés n'ont pas modifié les dispositions relatives à la compensation systématique des défrichements et à ses modalités, exposées à l'article L. 341-6.

Ils ont dispensé d'autorisation de défrichement les opérations ayant pour but de remettre en valeur d'anciens terrains d'alpage envahis par une végétation spontanée, à l'article L. 341-2.

Ils ont soumis aux sanctions administratives prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement le fait de ne pas effectuer la plantation ou le semis nécessaire au rétablissement des terrains en nature de bois et forêts prévus dans le cadre des autorisations de défrichement, en modifiant l'article L. 341-10. Comme l'explique Jean-Yves Caullet dans l'exposé de son amendement, l'exécution d'office des travaux de rétablissement des terrains en nature de bois et forêts est rarement appliquée par l'autorité administrative en cas de défaillance du propriétaire. Cette disposition permettra d'avoir recours à d'autres outils plus incitatifs, tels que la consignation ou l'astreinte.

Les députés ont enfin complété le dispositif des peines pénales applicables en cas de poursuite d'un défrichement illicite, en modifiant l'article L. 363-5.

3. Droit de préférence des propriétaires de terrains boisés

À l'initiative de Germinal Peiro, les députés ont instauré une nouvelle dérogation à l'exercice du droit de préférence, à l'article L. 331-21, lorsque la vente d'une parcelle s'effectue au profit d'un exploitant de carrières, si la parcelle est comprise ou située à côté d'un périmètre d'exploitation déterminé par arrêté préfectoral.

Par ailleurs, à l'initiative de Jean-Yves Caullet, ils ont créé un mécanisme inspiré du droit de préférence pour les collectivités publiques , en introduisant une section consacrée aux « prérogatives des communes et de l'État » à la suite de la section établissant le « droit de préférence des propriétaires de terrains boisés ». Cette section est composée de trois nouveaux articles, les articles L. 331-22 à L. 331-24.

L'article L. 331-22 prévoit que toute commune sur le territoire de laquelle une parcelle boisée est mise en vente bénéficie d'un droit de préférence comparable à celui des propriétaires voisins. Lorsqu'un ou plusieurs propriétaires de parcelles contiguës à la propriété exercent le droit de préférence concurremment à la commune, le vendeur choisit librement à qui céder son bien.

L'article L. 331-23 prévoit que la commune propriétaire d'une parcelle contiguë à la parcelle boisée mise en vente peut exercer un droit de préemption sur cette parcelle. Dans ce cas, le droit de préférence des propriétaires privés des parcelles voisines ne s'applique pas.

L'article L. 331-24 indique que l'État peut aussi exercer un droit de préemption si la parcelle en vente jouxte une forêt domaniale . L'exercice de ce droit rend inapplicable le droit de préemption de la commune visé à l'article L. 331-23 et le droit de préférence visé à l'article L. 331-22 ainsi que celui prévu à l'article L. 331-19.

4. Dispositions diverses

Les députés ont adopté des dispositions complémentaires, notamment un amendement destiné à remédier à l'ajournement des coupes dans les forêts communales, et un amendement concernant les missions du centre national de la propriété forestière.

IV. La position de votre commission

Votre commission se félicite de la volonté marquée de remédier au morcellement de la forêt française en encourageant l'adoption de pratiques vertueuses dans un cadre collectif. La création des GIEEF constitue incontestablement une avancée majeure en ce sens.

Elle n'est pas opposée au rétablissement des codes des bonnes pratiques sylvicoles, dans la mesure où les contraintes en termes de gestion et de développement durable de ces documents sont effectivement renforcées. Il conviendra en particulier de s'assurer que les centres régionaux de la propriété forestière seront dotés des moyens adéquats pour agréer les programmes de coupes et travaux qui devront accompagner les CBPS, et que des contrôles réguliers de la réalisation de ces programmes seront effectués.

Votre commission est également favorable à la compensation systématique des défrichements, y compris sous la forme d'indemnités. Ces dernières constitueront une ressource conséquente du fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l'importance a déjà été soulignée.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 30 bis (articles L. 1123-1, L. 1123-4 [nouveau] et L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques) - Refonte de la procédure applicable aux biens sans maître

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, modifie la procédure applicable aux biens sans maître, afin de favoriser le regroupement forestier.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 1123-1 du code général de la propriété publique identifie les biens sans maîtres. Il s'agit des biens qui :

1° Soit font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté ;

2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers depuis plus de trois ans.

Les modalités d'acquisition des biens visés au 1° sont déterminées par le code civil.

Pour ceux visés au 2°, elles sont fixées par l'article L. 1123-3 du code général de la propriété publique. Un arrêté du maire constate que l'immeuble n'a pas de propriétaire connu et que les taxes foncières correspondantes n'ont pas été acquittées depuis trois ans . Si aucun propriétaire ne s'est fait connaître dans un délai de six mois après les mesures d'affichage et de notification prévues, l'immeuble est présumé sans maître.

Dès lors, la commune peut l'incorporer dans son domaine, par délibération du conseil municipal dans les six mois à compter de la vacance présumée du bien. À défaut, le bien revient à l'État.

Cette mesure s'applique néanmoins uniformément à des situations parfois très différentes. Ainsi, comme le dit Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission du développement durable à l'Assemblée nationale, « ce dispositif pose problème hors du milieu urbain, qu'il s'agisse des massifs forestiers ou des terres agricoles laissées à l'abandon. On ne saurait exiger du maire qu'il arpente sans cesse le territoire communal dans son ensemble pour repérer les espaces mal entretenus, ni qu'il communique sans cesse avec les services fiscaux pour s'enquérir de la contribution des propriétaires aux finances publiques. En outre, les bonnes relations au sein de la commune s'opposent généralement à une action publique sur la propriété - légitime ou non - des individus. Les auditions ont montré que cette problématique pouvait être particulièrement prégnante outre-mer sur des terres en déprise. »

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Adopté à l'initiative de Jean-Yves Caullet, cet article additionnel distingue , pour l'application de la procédure des biens sans maître visés au 2° de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété publique, les espaces construits, assujettis à la taxe foncière bâtie, et les espaces non construits, assujettis à la taxe sur le foncier non bâti.

La procédure d'acquisition du bien sans maître n'est pas modifiée pour le foncier bâti : le maire conserve la possibilité d'apprécier l'opportunité de la déclencher ou non.

Pour le foncier non bâti, il revient au préfet, à partir d'informations communiquées annuellement par les centres d'imposition foncière, d'initier la procédure de reconnaissance d'un bien sans maître, de façon systématique. Le reste de la procédure est maintenu : six mois après les mesures d'affichage et de notification prévues, le bien est incorporé au domaine de la commune, si elle en a fait la demande, ou au domaine de l'Etat, dans le cas contraire.

Pour permettre un remembrement forestier efficace, les bois incorporés au domaine public suivant cette procédure ne sont assujettis au régime forestier qu'au terme d'un délai de cinq ans, afin de permettre au gestionnaire public de réaliser les échanges qu'il jugerait opportuns.

III. La position de votre commission

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 31 (articles L. 161-7, L. 161-8, L. 161-26 du code forestier et articles 22 à 26, 34, 39, 45 et 546 du code de procédure pénale) - Modifications du code forestier et du code de procédure pénale à la suite de la recodification du code forestier

Objet : cet article adapte certaines dispositions du code forestier et du code de procédure pénale, afin de tenir compte de la recodification du code forestier. Les modifications proposées figurent, pour la plupart, déjà dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier, adopté en première lecture par le Sénat le 7 février 2013.

I. Le dispositif proposé

Le I corrige certaines erreurs intervenues lors de la recodification du code forestier. Il reprend dans son intégralité des dispositions contenues dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance relative au code forestier adopté par le Sénat le 7 février 2013 et toujours en instance devant l'Assemblée nationale.

Le 1° rétablit, à l'article L. 161-7, la compétence générale des agents de l'ONF en matière de défense des forêts contre les incendies , telle qu'elle existait avant la refonte du code forestier. Ces agents pourront rechercher et constater les infractions relatives à la défense des forêts contre les incendies sur l'ensemble du territoire national, et non seulement dans les bois et forêts « réputés particulièrement exposés au risque d'incendie » , comme cela est prévu dans la nouvelle version du code.

Cette disposition avait été introduite dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 à l'initiative de notre collègue Philippe Leroy, rapporteur du texte.

Le modifie l'article L. 161-8 , qui octroie aux agents de l'ONF les mêmes pouvoirs que ceux de l'État pour rechercher et constater les infractions dans les bois et forêts gérés par l'ONF et dans le domaine national de Chambord. Il précise que la compétence des agents de l'ONF s'exerce aussi bien sur les bois et forêts relevant du régime forestier que sur ceux qui sont gérés contractuellement par l'ONF, en application de la loi Audiffred de 1913.

Le rectifie une erreur de référence.

Le II adapte certaines dispositions du code de procédure pénale, afin de tenir compte de la recodification du code forestier. A l'exception de la modification de l'article 24, il reprend des dispositions présentes dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance de recodification du code forestier adopté par le Sénat en février 2013.

Le supprime les dispositions spécifiques du code de procédure pénale relatives à la procédure pénale en matière d'infractions forestières .

Il modifie l'article 22 pour attribuer la compétence de police judiciaire en matière forestière aux agents des services de l'État chargés des forêts, aux agents de l'ONF, de l'établissement public du domaine national de Chambord, aux gardes champêtres et aux agents de police municipale. Il renvoie au chapitre 1 er du titre VI du livre I er du code forestier pour la définition des modalités d'exercice de cette compétence.

Il transfère à l'article 23, en les adaptant, les dispositions qui figurent aujourd'hui à l'article 25 du code de procédure pénale . L'article 23 indiquera ainsi que toutes les personnes qui ont une compétence de police judiciaire en matière d'infractions forestières pourront être requises par le procureur de la République, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire afin de leur prêter assistance.

Il modifie l'article 24, pour prévoir que les gardes champêtres recherchent et constatent par procès-verbal les délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés situées dans les communes rurales, dans les mêmes conditions que celles énoncées, en matière d'infractions forestières, aux articles L. 161-14 à L. 161-18 du code forestier. Cette disposition ne figure pas dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance de recodification du code forestier déjà adopté par le Sénat.

Enfin, il abroge les articles 25 et 26 , dans la mesure où les règles de procédure pénale applicables aux infractions forestières sont désormais définies dans le code forestier.

Le supprime des renvois obsolètes au sein des articles 34 et 39 du code de procédure pénale et désigne, aux articles 45 et 546, le directeur régional de l'administration chargée de la forêt comme autorité exerçant le ministère public pour les infractions forestières relevant du tribunal de police ou des juridictions de proximité et comme autorité intervenant dans les procédures d'appel des jugements de police.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté deux amendements de précision concernant l'article 24 du code de procédure pénale. Ils ont indiqué que les gardes champêtres interviennent pour les délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés situées dans les communes rurales pour lesquelles ils sont assermentés , dans les mêmes conditions que celles énoncées, en matière d'infractions forestières, aux articles L. 161-14 à L. 161-18 du code forestier, et, en matière environnementale, à l'article L. 172-8 du code de l'environnement.

III. La position de votre commission

Comme le Sénat l'avait été au moment de la ratification de l'ordonnance relative à la partie législative du code forestier, votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 31 bis (article L. 221-3 du code forestier) - Rôle de l'ONF dans la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la gestion de la forêt et des milieux

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, identifie l'ONF comme un acteur majeur de la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la gestion de la forêt et des milieux dans les bois et forêts soumis au régime forestier, au-delà des missions que lui attribue le code forestier.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 221-3 du code forestier prévoit qu'un contrat pluriannuel passé entre l'État et l'Office national des forêts détermine :

1° Les orientations de gestion et les programmes d'actions de l'établissement public ainsi que les moyens de leur mise en oeuvre ;

2° Les obligations de service public procédant de la mise en oeuvre du régime forestier ;

3° Les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'État, ainsi que l'évaluation des moyens nécessaires à leur accomplissement.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article additionnel est issu d'un amendement présenté par Germinal Peiro et d'un sous-amendement du Gouvernement. Il intègre au contrat pluriannuel conclu entre l'État et l'ONF la définition des « conditions dans lesquelles l'Office national des forêts contribue à la mise en oeuvre, dans les bois et forêts soumis au régime forestier, des politiques publiques relatives à la gestion de la forêt et des milieux ».

Cette mesure part du constat effectué par le rapporteur de la commission des affaires économiques, suivant lequel « une meilleure coordination de l'action publique en forêt est réclamée par les gestionnaires et les propriétaires, qui se trouvent parfois confrontés à des demandes successives et contradictoires des différents intervenants ». Pour assurer cette meilleure coordination, les députés ont estimé que l'Office national des forêts est « l'acteur le mieux qualifié pour mettre en oeuvre les politiques publiques de protection des milieux dans les espaces soumis au régime forestier » . Ils ont donc ajouté cette mission aux éléments qui doivent figurer dans le contrat pluriannuel liant l'État et l'ONF.

III. La position de votre commission

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 32 (article L. 4424-33-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Compétence relative à la production et à la multiplication de plants forestiers et autres végétaux en Corse

Objet : Cet article précise que la collectivité territoriale de Corse est compétente en matière de production et de multiplication de plants forestiers et autres végétaux. Il reprend des dispositions qui avaient été adoptées en loi de finances pour 2013, avant d'être censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Elles ont été rétablies dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier adopté par le Sénat le 7 février 2013.

I. Le contexte

Comme l'indique le rapport de Philippe Leroy sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012, les articles 20 et 21 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse ont déjà largement transféré la compétence forestière de l'État vers la collectivité territoriale de Corse.

Toutefois, la multiplication des plants forestiers n'est pas mentionnée expressément parmi les compétences transférées. En Corse, cette activité relève donc encore des services de l'État.

Un amendement du Gouvernement, introduit en cours de discussion du projet de loi de finances pour 2013, devait permettre le transfert de cette compétence et des moyens correspondants. Le principe de ce transfert avait auparavant été formellement approuvé par l'Assemblée de Corse, dans une délibération du 13 novembre 2009.

Cependant, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 29 décembre 2012 sur la loi de finances pour 2013, qu'une telle disposition était étrangère au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1 er août 2001. Il a donc déclaré l'article 95 de la loi de finances contraire à la Constitution.

À l'initiative de Philippe Leroy, l'article a été intégré au projet de loi de ratification de l'ordonnance de recodification du code forestier adopté en première lecture par le Sénat le 7 février 2013 et actuellement en instance à l'Assemblée nationale.

II. Le dispositif proposé

Le présent article prévoit que la collectivité territoriale de Corse est compétente en matière de production et multiplication de plants forestiers et autres végétaux à compter du 1 er janvier 2015.

Ce transfert donnera lieu à une compensation, après déduction des augmentations de ressources entraînées par le transfert. Les services de l'Etat chargés de l'exercice de cette compétence seront transférés à la collectivité territoriale de Corse. Les agents disposeront d'un droit d'option entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. La position de votre commission

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 - Éviter la mise sur le marché de bois et de produits dérivés du bois issus d'une récolte illégale

Objet : Cet article introduit en droit français un régime de sanctions pour la mise sur le marché de bois et de produits dérivés du bois issus d'une récolte illégale, dans le cadre prévu par le droit européen.

I. Le droit en vigueur

L' exploitation illégale des forêts a une incidence négative considérable sur l'économie, l'environnement et la société : elle entraîne une perte de revenus, sape les efforts d'opérateurs légitimes et contribue à la déforestation, à la diminution de la biodiversité, à l'accentuation de la désertification et à l'émission de gaz à effet de serre, ainsi qu'à des affrontements pour l'exploitation des ressources et à la perte d'autonomie des communautés autochtones.

Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement et d'Interpol, publié en septembre 2012, l'exploitation illégale du bois représenterait 15 à 30 % de l'exploitation totale du bois au niveau mondial. La proportion serait de 50 à 90 % dans les zones tropicales.

L'Union européenne (UE) est un débouché important pour les pays caractérisés par les niveaux les plus élevés de pratiques illégales et de mauvaise gouvernance dans le secteur forestier. Pour lutter contre ce phénomène, le règlement n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (règlement Bois de l'UE ou EU Timber Regulation - EUTR ) vise à empêcher l'importation ou l'utilisation de bois issu d'une récolte illégale .

Les opérateurs qui mettent du bois sur le marché intérieur pour la première fois sont tenus de faire preuve de « diligence raisonnée » , notion définie à l'article 6 du règlement et qui comprend les éléments suivants :

- des procédures d' accès aux informations concernant la fourniture de bois ou de produits dérivés du bois mis sur le marché ;

- des procédures d' évaluation du risque permettant à l'opérateur d'analyser et d'évaluer le risque que du bois issu d'une récolte illégale ou des produits dérivés provenant de ce bois soient mis sur le marché ;

- des procédures d' atténuation du risque qui consistent en une série de mesures adéquates et proportionnées pour réduire effectivement le plus possible ledit risque.

Quant aux commerçants , qui achètent ou vendent du bois ou des produits dérivés déjà mis sur le marché de l'UE, ils doivent conserver des informations de base sur leurs fournisseurs et leurs clients afin que la traçabilité du bois soit assurée.

Par ailleurs, l'article 19 charge les États membres d'établir le régime de sanctions applicable en cas de manquement aux obligations que le règlement énonce. Ces sanctions doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » et peuvent comporter :

« a) des amendes proportionnelles aux dommages environnementaux, à la valeur du bois ou des produits dérivés concernés et aux pertes fiscales et préjudices économiques résultant de l'infraction, le niveau de ces amendes étant calculé de telle manière que les contrevenants soient effectivement privés des avantages économiques découlant des infractions graves qu'ils ont commises, sans préjudice du droit légitime à exercer une profession ;

b) la saisie du bois et des produits dérivés concernés ;

c) la suspension immédiate de l'autorisation d'exercer une activité commerciale. »

Complétées par le règlement d'exécution n° 607/2012 de la Commission du 6 juillet 2012 sur les modalités d'application relatives au système de diligence ainsi qu'à la fréquence et à la nature des contrôles à effectuer auprès des organisations de contrôle, ces dispositions sont entrées en vigueur depuis le 3 mars 2013 .

II. Le dispositif proposé

Conformément aux dispositions de l'article 19 du règlement Bois, un régime de sanctions applicable en cas de manquement aux obligations du règlement Bois et au règlement pris pour son exécution, est introduit par le présent article, sans codification , en droit français.

a) Le contrôle administratif et ses effets

Le contrôle sur place et sur pièces de la bonne application des règlements s'effectue dans les conditions de droit commun prévues pour les contrôles administratifs , régies par les articles L. 171-1 à L. 171-6 du code de l'environnement.

Lorsqu'un manquement est constaté, les contrevenants sont mis en demeure d'y remédier dans un délai fixé par l'autorité administrative compétente. À l'expiration de ce délai, deux types de sanctions administratives peuvent être appliqués :

- la suspension du fonctionnement de l'entreprise ou des activités ayant donné lieu au manquement ;

- une amende de 15 000 € maximum et une astreinte journalière de 1 500 € maximum , applicable jusqu'à la satisfaction de la mise en demeure (l'opposition à l'état exécutoire ordonnant le versement de cette astreinte n'est pas suspensive).

b) Les personnels habilités à rechercher et constater les infractions

Les infractions prévues dans le paquet bois de l'UE ainsi que le faux et l'usage de faux lorsqu'ils font obstacle à l'application des règlements, peuvent être recherchés et constatés par :

- les officiers et agents de police judiciaire ;

- les agents assermentés des services de l'État en charge des forêts ;

- les inspecteurs de l'environnement cités à l'article L. 172-1 du code de l'environnement, c'est-à-dire les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'État chargés de la mise en oeuvre de ces dispositions ou à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, dans les parcs nationaux et à l'Agence des aires marines protégées.

c) Les sanctions pénales

Les sanctions pénales prévues pour les personnes physiques sont les suivantes :

- deux ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende en cas de manquement à l'obligation de mettre en place un système de diligence raisonnée prévu par le règlement Bois ou en cas de non-respect de la décision de suspension de fonctionnement de l'entreprise ou d'exercice d'activités ;

- les peines prévues à l'article L. 163-1 du code forestier, soit six mois d'emprisonnement et 15 000 € d'amende, en cas d'obstacle fait aux fonctionnaires et agents habilités à exercer des missions de contrôle administratif ou de recherche et de constatation des infractions.

Les personnes morales déclarées pénalement responsables peuvent être condamnées à payer l'amende prévue à l'article L. 131-38 du code pénal, dont le montant est égal au quintuple de l'amende correspondante prévue pour les personnes physiques, et aux peines prévues aux 2° à 9° de l'article L. 131-39 du même code, à savoir :

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

- le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

- l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés, ou d'utiliser des cartes de paiement ;

- la peine de confiscation ;

- l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'exception d'une précision rédactionnelle, cet article n'a fait l'objet d'aucune modification par l'Assemblée nationale.

IV. La position de votre commission

Cet article technique permet à la France de se conformer à ses obligations communautaires, dont la finalité en matière de lutte contre l'exploitation illégale du bois est saluée par votre rapporteur.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 bis A (article 1396 du code général des impôts) - Perception triennale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés boisées

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, autorise une perception triennale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés boisées.

I. Le droit en vigueur

L'article 1396 du code général des impôts (CGI) concerne la base d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). Son paragraphe I précise que l'assiette est établie d'après la valeur locative cadastrale des propriétés, minorée de 20 %.

En dessous du seuil de 12 € établi au 2 de l'article 1657 du CGI, l'impôt sur le foncier non bâti n'est pas recouvré. Ainsi, les nombreux propriétaires qui possèdent plusieurs petites parcelles forestières éclatées entre différentes communes échappent au recouvrement de la TFPNB, alors que la surface totale de leurs propriétés le justifierait.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, adopté en séance publique, complète le I de l'article 1396 du CGI afin de préciser qu'un recouvrement triennal de la TFPNB peut être organisé, dans des conditions prévues par décret, lorsqu'elle concerne des propriétés inscrites au cadastre en nature de bois et forêts et que son montant total par article de rôle est inférieur à 12 €.

III. La position de votre commission

Cette mesure permet de contrer l' effet d'aubaine - certes limité - lié au seuil minimum de recouvrement qui induit un manque à gagner pour les communes concernées. Elle contribue à l'objectif d' égalité devant l'impôt .

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 bis (article L. 122-4 du code forestier) - Typologie des plans simples de gestion

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, opère une précision sémantique visant à distinguer les plans simples de gestion établis par un seul ou plusieurs propriétaires forestiers.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 122-4 du code forestier prévoit qu'un document d'aménagement ou un plan simple de gestion peut être arrêté ou agréé à la demande des propriétaires de parcelles forestières lorsqu'elles constituent un ensemble d'une surface totale d'au moins 10 hectares et sont situées sur le territoire d'une même commune ou de communes limitrophes.

Dans ce cas, le document de gestion engage chaque propriétaire pour les parcelles qui lui appartiennent.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, adopté par la commission des affaires économiques, précise, à l'article L. 122-4 du code forestier, la dénomination du document d'aménagement ou du plan simple de gestion ayant fait l'objet d'une concertation entre plusieurs propriétaires : l'adjectif « concerté » y est dans ce cas ajouté après « document de gestion ».

L'objectif est de distinguer les « plans simples de gestion concertés », établis par plusieurs propriétaires , des « plans simples de gestion » présentés par un propriétaire unique .

III. La position de votre commission

Cette précision sémantique est bienvenue.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 ter (article L. 5232-5 [nouveau] du code de la santé publique) - Renforcement des règles sanitaires sur les planches de parquet commercialisées

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à interdire la commercialisation sur le territoire français de planches de parquet à fort taux de composés organiques volatils (COV), dont les effets sur la santé sont néfastes.

I. Le droit en vigueur

Un adulte respire en moyenne 20 000 litres d'air par jour, issus à 80 % d'air intérieur, dont la qualité dépend pour l'essentiel de la composition des sols, des revêtements muraux et de l'ameublement.

La directive 1999/13/CE du Conseil du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dues à l'utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations, prévoit des contrôles stricts sur les quantités de composés organiques volatils (COV) utilisées par les opérateurs industriels européens.

Pourtant, la France continue d'importer des planches de parquet dont la production en Europe serait interdite à cause de leur contenance en COV. Le consommateur français est ainsi privé de la protection offerte par le droit européen s'agissant des produits fabriqués en Europe.

De plus, nos industriels subissent de ce fait une concurrence déloyale , puisqu'ils s'astreignent à utiliser des vernis à solvant eau, beaucoup plus chers que les vernis à fort taux de COV.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de la commission des affaires économiques, un nouvel article L. 5232-5 est inséré au chapitre II (« Produits et objets divers ») du titre III (« Autres produits et objets ») du livre II (« Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et autres produits et objets réglementés dans l'intérêt de la santé publique ») de la cinquième partie (« Produits de santé ») du code de la santé publique.

Cet article renvoie à un décret la quantité de COV au-delà de laquelle des planches de parquet ne peuvent être vendues sur le marché français.

III. La position de votre commission

L'objectif de cet article additionnel est d'accroître la protection du consommateur français et de valoriser les efforts fournis par notre industrie dans l'intérêt de la santé publique.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 quater (article L. 130-1 du code de l'urbanisme) - Facilitation des coupes dans le cadre des codes de bonnes pratiques sylvicoles

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à dispenser de déclaration en mairie les coupes opérées en application d'un code des bonnes pratiques sylvicoles agréé.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 130-1 du code de l'urbanisme soumet à déclaration en mairie les coupes et abattages d'arbres réalisées dans les espaces boisés classés et dans les bois, forêts et parcs situés sur le territoire de communes couvertes par un plan local d'urbanisme (PLU).

Une dispense est cependant prévue, en forêt privée, pour les coupes réalisées en application d'un plan simple de gestion agréé ou d'un règlement type de gestion approuvé conformément au code forestier.

Il n'est en revanche pas prévu, en l'état actuel du droit, que l'application d'un code des bonnes pratiques sylvicoles agréé permette une dispense de déclaration en mairie, dans le mesure où ce document de gestion ne comporte pas obligatoirement de programme de coupes .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, introduit par la commission des affaires économiques, complète l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme en étendant la dispense de déclaration en mairie à l'application d'un code des bonnes pratiques sylvicoles agréé.

La commission des affaires économiques a en effet modifié parallèlement , au 4° du I de l'article 30 du présent projet de loi, l'article L. 124-2 du code forestier, qui prévoit désormais que les adhérents d'un code des bonnes pratiques sylvicoles font agréer, par le centre régional de la propriété forestière, un programme des coupes et travaux conforme aux recommandations du code des bonnes pratiques sylvicoles approuvé par le préfet de région.

Il s'agit par conséquent d'éviter qu'une même coupe soit soumise à deux dispositifs d'autorisation administrative, dont les décisions pourraient être contradictoires.

III. La position de votre commission

Cette mesure de simplification administrative vise à faciliter la mobilisation du bois des forêts privées (seuls 60 % de la production annuelle de bois sur pied des forêts privées sont actuellement recueillis).

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 33 quinquies - Amélioration de l'information du Parlement sur les règles applicables aux importations et exportations de bois

Objet : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport sur les conditions des échanges commerciaux dans le secteur du bois, faisant notamment le point sur l'application des normes phytosanitaires.

I. Le contexte

La France exporte de plus en plus de bois bruts et importe de plus en plus de produits fabriqués à partir de bois. Les opérations de transformation, à haute valeur ajoutée, sont ainsi réalisées à l'étranger .

Or le dispositif national de certification phytosanitaire à l'export comporte des lacunes , en particulier en matière de contrôle de l'application de la réglementation. Par ailleurs, certains produits ligneux importés ne respectent pas les strictes conditions sanitaires imposées par l'Union européenne (UE) à ses propres producteurs, mettant en danger la santé des consommateurs.

Il importe que le Parlement dispose de données précises permettant de s'assurer que la dégradation du poste « bois » de la balance courante ne soit pas liée à un dumping réglementaire .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, adopté par la commission des affaires économiques, prévoit que le Gouvernement remette aux deux assemblées parlementaires, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les normes applicables au commerce du bois et des produits fabriqués en bois.

Celui-ci devra notamment préciser les conditions phytosanitaires dans lesquelles se déroulent les échanges, évaluer les dispositifs de surveillance et de contrôle, et fournir des préconisations pour les renforcer.

III. La position de votre commission

Le bois représente un poste important dans la balance commerciale française (6,1 milliards d'euros en 2012). Il est naturel que le Parlement s'assure que les conditions d'une saine concurrence internationale soient réunies.

Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article sans modification.


* 1 Cf. infra, 2., pour la présentation de cet organisme.

* 2 Loi n° 2013-1229 du 27 décembre 2013 relative aux missions de l'Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime.

* 3 Dont le nom complet mentionné dans le nouveau code forestier est « Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois ».

* 4 Décret n° 99-928 du 8 novembre 1999 portant création auprès l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) d'un Fonds national de cautionnement des achats de produits de la mer.

* 5 Cf. supra.

* 6 Dont les eaux contiennent ou risquent de contenir une concentration en nitrates supérieure à 50 mg/l, et/ou sont eutrophisées ou risquent de l'être, si des programmes ne sont pas mis en oeuvre.

* 7 « Plan d'action relatif à une meilleure utilisation de l'azote en agriculture », Conseil général de l'environnement et du développement durable, Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, juin 2013.

* 8 Règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique»).

* 9 Source : http://www.inao.gouv.fr/repository/editeur/pdf/stat_agro/Plaquette_Chiffres-Cles.pdf

* 10 Pesticides : vers le risque zéro, n° 42, mission commune d'information, Sophie Primas, présidente, Nicole Bonnefoy, rapporteur, 10 octobre 2012

* 11 Le suivi des produits phytopharmaceutiques après autorisation de mise sur le marché , Jean-Paul Cabanettes, Dominique Fabre et Jacques Février, CGAAER, juin 2011

* 12 Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

* 13 Décision n° 2010-33 QPC.

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