Avis n° 85 (2014-2015) de Mme Odette HERVIAUX , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 5 novembre 2014

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N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de loi de Mme Aline ARCHIMBAUD et plusieurs de ses collègues, relative à la prise en compte par le bonus - malus automobile des émissions de particules fines et d' oxydes d' azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles ,

Par Mme Odette HERVIAUX,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Jacques Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

802 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, réunie le mardi 4 novembre 2014 , a examiné le rapport pour avis d'Odette Herviaux sur la proposition de loi n o 802 (2013-2014) relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

La commission a unanimement soutenu l'objectif de ce texte : agir rapidement pour endiguer un problème de santé publique grave , lié aux émissions de particules fines et d'oxydes d'azotes (NOx) par les fumées des moteurs diesel. Prenant toute la mesure de la reclassification en septembre 2012, par l'Organisation mondiale de la santé, de ces fumées comme « agents cancérogènes certains », la commission a estimé qu'il conviendrait d'avoir un débat approfondi et productif afin de déterminer quels sont les leviers d'action les plus adaptés.

Elle a en revanche estimé que le sujet de la fiscalité des carburants serait débattu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, et, surtout, à l'occasion de l'examen, proche, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.

La commission du développement durable a ainsi émis à l'unanimité :

- un avis défavorable à l'article 1 er qui crée un nouveau malus pour les véhicules les plus émetteurs de NOx et de particules fines , qui semble poser un problème de constitutionnalité et dont l'impact risquerait, d'une part, d'affecter le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, d'autre part, de déstabiliser la filière industrielle automobile ;

- un avis favorable à l'article 2 , qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport portant sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles, rapport qui devra être remis avant le 31 mai 2015 ;

- un avis défavorable à l'article 3, qui crée un certificat de diagnostic d'éco-entretien qui devra être fourni par tout vendeur d'un véhicule diesel d'occasion de plus de 4 ans à son acquéreur, à compter du 1 er janvier 2016, et qui portera sur l'ensemble des émissions polluantes du véhicule ; la commission a souligné que cette disposition, qui reprend une recommandation du Plan d'urgence pour la qualité de l'air du 6 février 2013, a été intégrée au projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte à l'Assemblée nationale et donnera donc lieu à une discussion approfondie dans ce cadre.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Malgré un fort recul des ventes en 2013, les véhicules fonctionnant au gazole représentaient encore en France plus de 60 % du parc automobile total et environ 67 % des ventes de nouveaux véhicules . Parallèlement, la part du gazole dans le total des consommations de carburants dépasse 80 %. Tandis que la diésélisation du parc automobile français constitue encore la principale caractéristique de cette filière industrielle, l'Organisation mondiale de la santé a classé en septembre 2012 les fumées émises par les moteurs diesel comme « agents cancérogènes » certains.

Dans un avis de juin 2014 1 ( * ) sur les émissions de particules et de NOx des véhicules routiers, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie (Ademe) souligne que « 56 % des émissions nationales d'oxydes d'azote (NOx) sont liées au transport » , dont « 89 % proviennent des véhicules diesel » et rappelle que « 61 % des véhicules légers sont des diesels » dont sept millions sont équipés d'un filtre à particule et douze millions n'en ont pas.

L'impact sur notre santé des fumées émises par les moteurs de véhicules diesel est aujourd'hui avéré, et notamment celui des particules fines et des oxydes d'azote qu'elles contiennent. Cet impact est d'autant plus préoccupant que le secteur des transports routiers contribue à hauteur de 19 % environ des émissions de particules fines les plus dangereuses pour notre santé. Les pics de pollution que l'Île-de-France a connus en mars 2014 ont montré que les concentrations de ces particules pouvaient atteindre des niveaux particulièrement élevés.

D'une manière générale, l'exposition à ces particules fines a des conséquences importantes sur la santé humaine : des pathologies pulmonaires comme la bronchite ou l'asthme jusqu'à un risque aggravé de cancers du poumon ou de la vessie. Si on ne dispose pas aujourd'hui de chiffres permettant de distinguer spécifiquement l'aggravation de la mortalité due au diesel de celle due aux autres sources de pollution, on sait que les particules fines, présentes en grande quantité dans ces fumées, en sont responsables.

Au-delà d'un problème de santé publique grave , se pose également la question du modèle économique de notre filière automobile. La diésélisation du parc automobile, qui a été favorisée par une fiscalité préférentielle, conduit aujourd'hui, d'une part, les constructeurs à investir dans des techniques de « dépollution » de leurs moteurs très coûteuses pour se conformer à la réglementation européenne, d'autre part, l'industrie de raffinage à importer du diesel pour satisfaire la demande.

Dans ce contexte, les sénateurs du groupe écologiste ont déposé le 16 septembre 2014 la proposition de loi n° 802 relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles . Il s'agit d'une version « remaniée » de la proposition de loi n° 496 relative à la nocivité du diesel pour la santé, qui avait été rejetée par la commission des finances et qui, faute de temps, n'avait pas pu être examinée en séance publique.

Votre commission s'était déjà saisie pour avis de cette première proposition de loi 2 ( * ) , dont l'article unique visait à créer une nouvelle taxe additionnelle de 500 euros, revalorisée de 10 % tous les ans, sur les véhicules diesel dans le but de renchérir progressivement leur prix afin d'aboutir, comme l'expliquait l'exposé des motifs, à une « quasi-extinction de la filière d'ici dix ans » . Elle avait, lors de sa réunion du 10 juin 2014, émis un avis défavorable à l'adoption de ce texte, regrettant la déconnexion d'une telle mesure d'une réforme globale de plus grande ampleur et plus progressive sur la fiscalité des carburants et de mesures d'accompagnement de la filière industrielle automobile, que la création d'une telle taxe n'aurait pas manqué de déstabiliser profondément.

La présente proposition de loi poursuit les mêmes objectifs mais modifie les moyens pour y parvenir , en tenant compte notamment des remarques formulées par la commission des finances 3 ( * ) et par votre commission au mois de juin en retenant la piste d'un élargissement du bonus-malus écologique aux particules fines.

Elle comporte ainsi trois articles et son exposé des motifs indique que l'objectif du texte est d'intégrer les émissions de polluants atmosphériques (oxydes d'azote et particules fines) dans les critères du malus automobile , qui aujourd'hui ne repose que sur les émissions de dioxyde de carbone. Le dispositif, qui ne traduit toutefois pas exactement cette ambition, crée un nouveau malus pour les véhicules les plus émetteurs de NOx et de particules fines. En renvoyant la fixation du barème de cette nouvelle taxe au cadre réglementaire, il pose d'emblée un problème de constitutionnalité.

Mais cette nouvelle mouture de la proposition de loi écologiste a le mérite de mettre l'accent sur un problème de santé publique plus que jamais d'actualité, qui nécessitera, en tout état de cause, que des mesures adaptées soient prises dans un délai rapproché.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES CONSÉQUENCES DE LA DIÉSÉLISATION DU PARC AUTOMOBILE FRANÇAIS

A. UN RISQUE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTAL MAJEUR LIÉ AUX ÉMISSIONS DE PARTICULES FINES

1. Les moteurs diesel émettent des particules fines, nocives pour la santé

L'impact négatif des carburants sur le réchauffement climatique et sur la qualité de l'air est connu depuis longtemps. Le secteur des transports est aujourd'hui le premier responsable d'émissions de gaz à effet de serre en France. En 2011, il représentait 27 % des émissions totales. La France s'est fixé comme objectif de réduire les émissions de ce secteur de 20 % d'ici à 2020.

Aujourd'hui, les véhicules thermiques émettent en moyenne moins de CO 2 qu'il y a vingt ans, qu'ils fonctionnent à l'essence ou au gazole. La moyenne des émissions de CO 2 des véhicules neufs vendus en France était en 2012 de 124 g par kilomètre, soit une baisse de 25 g en 5 ans. Les véhicules diesel émettent environ 123 g de CO 2 par kilomètre contre 127 g pour les véhicules essence.

La France a donc atteint l'objectif du compromis européen signé le 17 décembre 2008 et adopté par le Parlement européen qui prévoyait de ramener la moyenne des émissions de CO 2 des voitures neuves à 130 g par km avant 2015.

Source : ADEME

Mais d'autres substances sont aujourd'hui en cause dans la pollution atmosphérique, notamment les particules fines (PM) et les oxydes d'azote (NOx) , que l'on retrouve dans les fumées émises par les moteurs diesel.

La taille des particules fines peut varier de moins de 2,5 micromètres (PM 2,5) à 10 micromètres (PM 2,5-10) et les plus petites pénètrent très profondément dans les poumons et s'accumulent dans les alvéoles. Elles peuvent parfois franchir la barrière des alvéoles pulmonaires pour passer dans le sang et potentiellement contaminer tout le corps.

Si les particules fines sont des polluants dont les sources peuvent être multiples (naturelles, humaines ou industrielles), la part du secteur des transports est importante dans leur émission.

En France, les émissions de PM 2,5 sont majoritairement dues aux résidences d'habitation (chauffage au fioul) et à l'activité tertiaire, mais aussi à l'industrie manufacturière et au transport routier. De la même manière, selon le ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie, le secteur des transports est à l'origine de plus de la moitié des émissions d'oxydes d'azote .

Au sein du secteur du transport, on estime que les véhicules diesel sont à l'origine d'une grande part des émissions de particules fines.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a établi que pour l'année 2010, en France métropolitaine, le transport routier avait contribué à hauteur de 19 % aux émissions de PM 2,5 dans l'air. Cependant, des disparités régionales existent : l'Ile-de-France, par exemple, voit les émissions du trafic routier contribuer à hauteur de 26 % aux émissions de PM 2,5 mesurées en termes de concentrations massiques, sans indication sur l'origine de ces particules.

D'une manière générale, l'exposition à ces particules fines entraîne un vieillissement prématuré et affecte surtout l'appareil cardio-vasculaire. Elles sont également à l'origine de pathologies pulmonaires , comme la bronchite ou l'asthme, causées par une inflammation des alvéoles pulmonaires. Les particules les plus grosses qui restent bloquées au niveau des voies aériennes supérieures peuvent également provoquer des affections comme la pharyngite ou la trachéite, notamment chez les enfants.

Un impact des particules fines issues du trafic routier sur les naissances prématurées et le faible poids de naissance a par ailleurs été observé, y compris en ce qui concerne spécifiquement les particules émises par les moteurs diesel en Californie 4 ( * ) .

L'Institut de veille sanitaire relève aussi que l'exposition aux particules aggrave les symptômes de pathologies chroniques en quelques heures ou quelques jours après l'exposition, y compris à des concentrations faibles.

2. Un risque cancérogène pour l'homme selon l'Organisation mondiale de la santé

Les chiffres dont nous disposons aujourd'hui ne permettent pas de distinguer la mortalité spécifiquement causée par les émissions des moteurs des véhicules diesel (12 % du total des particules émises en 2010 selon le Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique), des autres sources de pollution.

C'est pourquoi l'Anses a lancé en 2013 une grande étude sur les particules fines présentes dans l'air, notamment celles émises par les véhicules diesel, afin de déterminer l'origine et le profil de ces substances, qui aujourd'hui ne font l'objet que de mesures massiques et non par profil, ce qui permettrait de mesurer si elles proviennent des fumées diesel, des pollutions industrielles ou d'autres sources.

Mais l'aggravation de la mortalité liée aux particules fines, dont on sait qu'elles sont émises en quantité significative par les moteurs diesel, est aujourd'hui avérée. Le chiffre de 42 000 morts prématurées avancé par l'exposé des motifs de la présente proposition de loi provient d'un rapport du Programme « Air Pur pour l'Europe » datant de 2005, et s'appuie sur des mesures réalisées en 1997.

Outre que l'exposition aux fumées diesel ne peut être présentée comme une cause unique de ces décès prématurés, mais comme facteur aggravant combiné à d'autres facteurs, au premier rang desquels le tabagisme par exemple, il n'existe pas de données très récentes.

Depuis 2000, les émissions de particules fines ont cependant diminué pour passer de 350 000 tonnes en 2000 à 250 000 tonnes en 2011 en raison d'une réglementation plus stricte.

Réglementations internationale, européenne et nationale relatives aux émissions de particules fines (PM)

1. L'Organisation mondiale de la Santé a déterminé des valeurs guides pour les PM : 10 ug /m3 en moyenne annuelle et 25 ug/m3 pour les PM 2,5.

2. Au niveau européen, la directive NEC (National Emission Ceilings) 2001/81/EC réglemente les émissions des sources fixes (installations de combustion, incinérateurs de déchets municipaux, dispositifs de transport et stockage des produits pétroliers, etc), les émissions de sources mobiles et la qualité des carburants.

La stratégie thermique sur la pollution atmosphérique adoptée par la Commission européenne en 2005 fixe des objectifs à long terme (2020) pour la santé et l'environnement. Dans ce cadre, la directive sur la qualité de l'air 2008/50/CE a fixé la valeur limite de PM 2,5 à 25 ug/m 3 en moyenne annuelle pour 2015, et à 20 ug/m 3 pour 2020.

L'année 2013 a été déclarée « Année de l'air » par la Commission européenne.

Enfin, le réseau européen EMEP (European Monitoring and Evaluation Program) a été mis en place dans le cadre de la convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière.

3. Au niveau national, le décret n° 2010-1250 du 21 octobre 2010 a transposé la directive sur la qualité de l'air en établissant des normes de qualité de l'air pour plus d'une dizaine de polluants. Pour les PM 2,5, la valeur limite fixée est de 25 ug/m 3 en 2015, la valeur cible est de 20 ug/m 3 en moyenne annuelle et l'objectif de qualité est de 10 ug/m 3 en moyenne annuelle.

En outre, la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l'air, assurée par l'Etat avec l'aide des collectivités territoriales, ainsi que l'information du public.

Le Plan national santé environnement 2009-2013 a impulsé la mise en place du Plan particules, validé le 28 juillet 2010, dont l'objectif est la réduction de 30 % des particules PM 2,5 pour 2015 et qui crée des Zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA).

Le Haut Conseil de la santé publique a préconisé en avril 2012 des objectifs de qualité de l'air (15 ug/m 3 en moyenne annuelle pour les PM 2,5 et 25 pour les PM 10), des seuils d'information et de recommandations (30 ug/m 3 en journalier pour les PM 2,5 et 50 pour les PM 10) et des seuils d'alerte (50 ug/m 3 en journalier pour les PM 2,5 et 80 pour les PM 10).

Après la tenue d'un comité interministériel de la qualité de l'air (CIQA), la mise en oeuvre du « Plan d'urgence pour la qualité de l'air » a débuté en avril 2013.

Source : Institut national du Cancer

Le Programme de surveillance air et santé (Psas) de l'Institut de veille sanitaire établit des liens entre les variations d'un jour à l'autre des niveaux de pollution et celles de la mortalité pour différentes causes dans plusieurs villes françaises. Les résultats les plus récents (portant sur la période 2000-2006), montrent que la mortalité non-accidentelle journalière augmente lorsque les concentrations de PM 2,5 augmentent. En Île-de-France, l'augmentation des concentrations s'accompagne également d'une augmentation de 2 à 7 % des passages aux urgences d'enfants pour causes respiratoires.

Le respect des valeurs guide de qualité de l'air de l'OMS (10 ug/m 3 par an pour les PM 2,5, contre environ 17 ug/m3 actuellement à Paris), permettrait d'éviter annuellement entre 2 et 4 % des recours aux urgences pour bronchiolite chez les nourrissons, et pour asthme chez les nourrissons et chez les enfants de 2 à 14 ans 5 ( * ) .

Une étude de 2011, issue du programme européen Aphekom, est basée sur des données de 25 villes européennes, dont 9 françaises. Les conclusions de cette étude conduite sur 12 millions de personnes montraient des espérances de vie réduites, à 30 ans, de 3,6 à 7,5 mois selon les villes. L'étude estime ainsi que 2 900 morts prématurées par an dues aux particules fines pourraient être évitées si les concentrations moyennes annuelles de PM 2,5 respectaient la valeur de référence de l'OMS (10 ug/m3).

Plus récemment encore, une étude financée par l'Union européenne et publiée en décembre 2013 dans la revue scientifique The Lancet , a montré qu'une exposition prolongée aux particules fines présentes dans l'air, même pour des concentrations inférieures à la réglementation européenne, avait des effets néfastes sur la santé.

Les gaz émis par les moteurs diesel contiennent également du dioxyde d'azote, responsable de maladies cardiaques et vasculaires. Si certains filtres à particules utilisés aujourd'hui permettent bien de réduire l'émission de particules fines, ils conduisent en revanche à une augmentation du rejet de dioxyde d'azote par les moteurs diesel.

S'il demeure difficile d'apprécier quelle est la part exacte du diesel dans l'impact de la pollution de l'air sur la santé de l'homme, on sait en revanche que les fumées émises par les véhicules fonctionnant au gazole sont dangereuses pour la santé, et que les particules fines qu'elles contiennent en grande quantité sont cancérogènes.

En 1988, les gaz d'échappement des moteurs diesel ont été classés dans le groupe 2A par le Centre international de recherche sur le Cancer (CIRC), organe de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), c'est-à-dire reconnus comme « probablement cancérogènes pour l'homme ».

Classement des agents par les Monographies du CIRC

Groupe 1 - L'agent est cancérogène pour l'Homme : 113 agents.

Groupe 2A - L'agent est probablement cancérogène pour l'Homme : 66 agents

Groupe 2B - L'agent est peut-être cancérogène pour l'Homme : 285 agents.

Groupe 3 - L'agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme : 505 agents.

Groupe 4 - L'agent n'est probablement pas cancérogène pour l'Homme : 1 agent.

Source : CIRC

En juin 2012 , à l'issue d'une réunion d'une semaine regroupant des spécialistes internationaux, le CIRC a revu sa classification en faisant entrer les gaz d'échappement des moteurs diesel dans le Groupe 1 6 ( * ) , en se basant principalement sur des données épidémiologiques 7 ( * ) . Il a ainsi été établi que le risque de cancer du poumon est environ trois fois plus important chez les sujets les plus exposés aux particules diesel. A également été mise en évidence une association positive avec un risque accru de cancers de la vessie, sur la base d'éléments plus limités.

Ces études, portant sur des expositions professionnelles au diesel, permettent d'objectiver un lien de causalité entre particules diesel et cancer chez l'homme.

Cette re-classification par l'OMC doit attirer notre attention sur l'important enjeu de santé publique que constitue la concentration excessive en particules fines de l'air que l'on respire, en particulier dans les grandes agglomérations et à proximité des axes routiers.

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILISÉ

1. Les avantages concédés au diesel ne se justifient plus aujourd'hui

Actuellement, les véhicules diesel représentent plus de 60 % de l'ensemble du parc automobile en circulation en France . Et les véhicules diesel les plus anciens, de plus de 12 ans, représentent 27 % de ce parc.

L'évolution n'a cessé d'être croissante depuis plusieurs années. En 1980, les véhicules diesel ne représentaient que 5 % des immatriculations. En 2013, 67 % des véhicules neufs vendus étaient des véhicules fonctionnant au gazole (contre 53,3 % en moyenne en Europe de l'Ouest).

Selon les données du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA), les véhicules diesel représentaient encore plus de 65,2 % des nouvelles immatriculations sur les six premiers mois de 2014 en France, contre 53,4 % en moyenne en Europe de l'Ouest.

Source : CCFA

La part du gazole dans le total des consommations de carburants dépasse 80 % en France , au lieu de moins de 70 % au sein de l'Union européenne, et certains secteurs professionnels sont dépendants quasi exclusivement du gazole.

Cette situation est due en grande partie au fait que le gazole a d'abord été un carburant destiné aux poids lourds, à usage professionnel, et a donc bénéficié historiquement d'une fiscalité préférentielle. Les constructeurs automobiles ont ensuite fait un pari industriel, encouragé par un régime fiscal dérogatoire qui n'a jamais été remis en cause.

Le gazole bénéficie en effet d'un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui constitue la principale taxe portant sur les produits pétroliers.

L'écart de taxation entre l'essence et le gazole est actuellement de 17 centimes par litre en faveur du gazole alors que cet écart est en moyenne de l'ordre de 12 centimes par litre au sein de l'Union européenne à 27.

Cet écart de taxation a pourtant récemment été critiqué par la Cour des comptes, dans un référé du 17 décembre 2012 dans lequel elle souligne que le taux réduit de TICPE du diesel par rapport à l'essence a représenté en 2011 une perte de recettes de 6,9 milliards d'euros .

Le taux de la TICPE sur le gazole fait en outre l'objet de nombreuses mesures dérogatoires, à finalités généralement sectorielles. L'ensemble de ces mesures au titre de la TICPE a représenté des dépenses fiscales de plus de 3 milliards d'euros en 2011 .

Les justifications de ce régime fiscal coûteux sont aujourd'hui remises en cause, notamment l'argument d'une consommation de carburant moins importante des véhicules diesel au kilomètre parcouru.

La Cour des comptes, dans son référé, considère en effet que « selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'écart entre les deux types s'est fortement réduit puisque les véhicules diesel neufs consomment en moyenne 4,8 litres pour 100 kilomètres contre 5,6 pour les véhicules à essence » . Elle ajoute : « Sur le plan environnemental, les émissions de CO 2 produites par un véhicule diesel sont du même ordre que celles des automobiles à essence mais le contenu en CO 2 par tonne-équivalent-pétrole du diesel est supérieur à celui de l'essence » .

Au-delà, afin de se conformer aux normes européennes, les constructeurs automobiles doivent investir dans des technologies de « dépollution » particulièrement coûteuses comme le filtre à particules à régénération périodique automatique, indispensable pour atteindre la norme Euro 5, ou encore la technologie SCR (Selective catalytic reduction) indispensable pour la norme Euro 6 de 2014.

Normes européennes pour la réduction des émissions polluantes des véhicules

Afin de limiter la pollution causée par les véhicules routiers, la réglementation européenne introduit des exigences communes concernant les émissions des véhicules à moteur et de leurs pièces de rechange spécifiques. Ces normes concernent les véhicules dont la masse de référence ne dépasse pas 2610 kg, dont les voitures particulières, les camionnettes et les véhicules utilitaires destinés au transport de passagers ou de marchandises ou à certains usages spéciaux (ambulances), que ces véhicules soient équipés de moteurs à allumage commandé (moteurs à essence, au gaz naturel ou au GPL) ou de moteurs à allumage par compression (moteurs diesel).

Le règlement n° 715-2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) couvre ainsi une large gamme d'émissions polluantes : moNOxyde de carbone, hydrocarbures non méthaniques et hydrocarbures totaux, oxydes d'azote et particules.

Norme Euro 5 (applicable depuis le 1 er septembre 2009 en ce qui concerne la réception et le 1 er janvier 2011 en ce qui concerne l'immatriculation et la vente des nouveaux types de véhicules)

Emissions provenant des voitures diesel :

- monoxyde de carbone : 500 mg/km

- particules : 5 mg/km

- oxydes d'azote (NOx) : 180 mg/km

- émissions combinées d'hydrocarbures et d'oxydes d'azote : 230 mg/km

Emissions provenant des voitures à essence ou fonctionnant au gaz naturel ou au GPL :

- monoxyde de carbone : 1000 mg/km

- hydrocarbures non méthaniques : 68 mg/km

- hydrocarbures totaux : 100 mg/km

- oxydes d'azote (NOx) : 60 mg/km

- particules (uniquement pour les voitures à essence à injection directe) : 5 mg/km

Norme Euro 6 (applicable à compter du 1 er septembre 2014 en ce qui concerne la réception et du 1 er septembre 2015 en ce qui concerne l'immatriculation et la vente des nouveaux types de véhicules)

Tous les véhicules équipés d'un moteur diesel ont l'obligation de réduire leurs émissions d'oxyde d'azote de manière importante à compter de l'entrée en vigueur de la norme Euro 6. Par rapport à la norme Euro 5, la norme Euro 6 impose une réduction supplémentaire des valeurs limites de 80 % pour les oxydes d'azote, de 50 % pour les particules et de plus de 70 % pour les hydrocarbures.

2. Des avantages qui ne se justifient plus sur le plan économique

La France se trouve aujourd'hui dans une situation où elle est obligée d'importer massivement son carburant diesel, en raison d'un déficit de production par rapport à la demande, et d'exporter ses surplus d'essence. En effet, les raffineries françaises produisent trop peu de gazole et trop d'essence par rapport à la structure de la consommation nationale.

Comme l'a relevé le Comité pour la fiscalité écologique dans ses travaux, « en 2012, la France a dû importer plus de 50 % de sa consommation de gazole pour un coût brut pour l'économie nationale de 16 milliards d'euros (13 milliards si on déduit les exportations d'essence) ».

Source : Comité professionnel du pétrole

3. La France est en voie d'être condamnée pour manquement aux règles de l'Union européenne en matière de qualité de l'air

La France fait l'objet d'un contentieux de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites de concentration dans l'air de particules PM 10 en vigueur depuis 2005 8 ( * ) .

Le Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie considère qu'en 2011, 12 millions de Français étaient exposés aux dépassements des valeurs limites de concentration en PM 10.

Les quinze zones faisant l'objet du contentieux sont : Paris, Marseille, Toulon, la zone côtière urbanisée des Alpes-Maritimes, Valenciennes, Dunkerque, Lille, le territoire du Nord-Pas-de-Calais, Montbéliard/Belfort, Grenoble, Lyon, le reste de la région Rhône-Alpes, Bordeaux et La Réunion.

Ce contentieux, qui porte désormais non plus seulement sur les résultats mais également sur les moyens mis en oeuvre par la France pour atteindre les objectifs fixés, pourrait aboutir en 2014.

La France fait aussi l'objet de demandes d'information de la part de la Commission européenne pour non-respect des valeurs-limites de concentration de dioxyde d'azote (NO 2 ) dans l'air et pour dépassement du plafond national d'émissions d'oxydes d'azote (NOx). L'amende pourrait s'élever, si la France était condamnée, à plusieurs dizaines de millions d'euros, à laquelle s'ajouterait une astreinte quotidienne de l'ordre de 200 000 euros.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI CRÉE UN MALUS POUR LES VÉHICULES LES PLUS ÉMETTEURS D'OXYDES D'AZOTE ET DE PARTICULES FINES

A. UNE PROPOSITION DE LOI QUI A POUR OBJECTIF D'ENCLENCHER UNE RECONVERSION DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE

1. La première proposition de loi déposée visait à taxer les détenteurs de véhicules diesel

La première proposition de loi déposée par les membres du groupe écologiste au mois de mai 2014, relative à la nocivité du diesel pour la santé, poursuivait le même objectif que le présent texte : dissuader l'achat de véhicules diesel , nocifs pour la santé et l'environnement.

Son dispositif consistait en une taxe additionnelle visant, selon l'exposé des motifs, un « renchérissement progressif dans le temps des motorisations diesel lors de l'achat d'un véhicule neuf, pour aboutir à une quasi extinction de la filière d'ici dix ans » .

Le dispositif prévoyait une taxe d'un montant de 500 euros, revalorisée de 10 % tous les ans et applicable six mois après l'entrée en vigueur de la loi.

Un tel dispositif avait vocation à envoyer un signal très fort à la filière automobile en rendant l'achat de véhicules diesel très dissuasif, dans le but d'aboutir à une « dé-diésélisation » du parc automobile français.

Votre rapporteure pour avis avait souscrit à l'ambition d'ensemble de la proposition de loi , qui tirait la sonnette d'alarme sur le réel problème de santé publique causé par les particules fines, notamment celles émises par les moteurs des véhicules diesel. Elle partageait la volonté politique d'agir sans attendre .

Elle avait néanmoins considéré que les modalités d'instauration de cette taxe ne tenaient compte ni du coût social d'une telle mesure, ni de son impact sur une filière industrielle déjà fragilisée, ni d'une cohérence d'ensemble à donner à notre fiscalité écologique.

Votre commission du développement durable avait unanimement suivi la position de votre rapporteure pour avis et avait donné un avis défavorable à l'adoption du texte .

2. La présente proposition de loi entend dissuader l'achat de véhicules diesel sans pénaliser les possesseurs actuels de ces voitures

Lors de l'examen en commission de la première proposition de loi déposée par Aline Archimbaud et les membres du groupe écologiste, tant la commission des finances, compétente au fond, que votre commission du développement durable, saisie pour avis, avaient souscrit à l'objectif affiché, qui relève clairement d'un problème de santé publique . En revanche, les deux commissions avaient émis de fortes réserves sur les conséquences négatives du dispositif proposé qui, selon le rapport déjà cité de notre collègue Gérard Miquel, alors rapporteur pour la commission des finances :

- ne ciblait pas spécifiquement les véhicules diesel anciens les plus polluants et paraissait contradictoire avec la législation actuelle, notamment sur le bonus-malus automobile ;

- aurait eu des conséquences économiques et environnementales graves, notamment dans le cadre des objectifs fixés par le paquet énergie-climat, adopté les 23 et 24 octobre derniers, qui fixe un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990.

Les rapporteurs des deux commissions avaient mis ce dispositif en regard de pistes de réflexion alternatives comme celle de l'alignement de la fiscalité du gazole sur celle de l'essence, celle de la promotion des véhicules propres, ou encore celle d'une évolution du bonus-malus automobile, de façon à introduire une composante liée aux émissions de substances polluantes dans son barème.

C'est cette dernière piste qui a été privilégiée par les auteurs de la présente proposition de loi, qui ont déposé un nouveau texte, de manière à reprendre ce dispositif.

Le présent texte comporte ainsi trois articles .

L'article 1 er crée une taxe applicable aux voitures particulières les plus émettrices d'oxydes d'azote et de particules fines . Ce malus est établi en fonction du nombre de grammes d'oxyde d'azote et de particules fines émis par kilomètre pour les véhicules qui ont fait l'objet d'une réception communautaire et en fonction de la puissance fiscale pour les véhicules qui n'ont pas fait l'objet d'une telle réception.

Votre rapporteure pour avis souligne que ce dispositif ne correspond pas à l'objectif affiché dans l'exposé des motifs qui est d'élargir les critères au regard desquels est apprécié le malus déjà prévu par l'article 1011 bis du code général des impôts. En effet, cet article ne modifie pas le malus existant, mais il en crée un supplémentaire, non codifié et portant uniquement sur les émissions de NOx et de particules fines.

L'article 2 prévoit la remise au Parlement d'un rapport portant sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. Ce rapport devra être remis par le Gouvernement avant le 31 mai 2015.

L'article 3 crée un certificat de diagnostic d'éco-entretien qui devra être fourni par tout vendeur d'un véhicule diesel d'occasion de plus de quatre ans à son acquéreur. Ce certificat, qui sera obligatoire à compter du 1 er janvier 2016, portera sur l'ensemble des émissions polluantes du véhicule.

B. DES LIMITES QUI DEMEURENT IMPORTANTES

1. Les effets pervers potentiels d'une nouvelle taxe

De la même manière que lors de l'examen de la première proposition de loi, votre rapporteure pour avis s'inquiète des effets pervers que pourrait avoir l'introduction d'une nouvelle taxe, tant sur les usagers que sur les entreprises d'une filière industrielle déjà fragilisée.

Elle souligne par ailleurs que même si l'article 1 er correspondait réellement à l'objectif affiché d'un élargissement des critères du malus automobile prévu par l'article 1011 bis du code général des impôts - ce qui n'est pas le cas - ces effets pervers ne disparaitraient pas complètement, non seulement en termes de coût social mais aussi en termes de coût industriel.

Votre rapporteure pour avis considère là encore qu'il serait plus adapté d'envisager une réforme plus graduée, sur la durée, ne reposant pas forcément uniquement sur une taxation supplémentaire et comportant des mesures d'accompagnement de la filière automobile et des ménages les plus modestes.

En outre, cette taxe n'agirait pas sur le parc existant : or, le principal danger pour notre santé est aujourd'hui constitué par les fumées émises par les véhicules diesel les plus anciens dont on sait qu'ils sont les principaux émetteurs de particules fines.

En vertu de la règlementation européenne Euro 5, et bientôt Euro 6, tous les nouveaux véhicules diesel doivent aujourd'hui être équipés de filtres à particules qui réduisent considérablement l'émission de particules fines. Ils provoquent néanmoins une émission importante de dioxyde d'azote, également dangereux pour la santé et contribuant à la pollution de l'air. De nouveaux procédés de « dé-noxification » coûteux, tels que les systèmes de captage d'oxydes d'azote, devront être généralisés par les constructeurs avec la norme Euro 6. Votre rapporteure pour avis souligne même que certains utilisateurs retirent leur filtre à particules, pour des questions d'entretien notamment.

2. Une mesure isolée qui ne tient pas compte des réformes en cours de discussion devant le Parlement

Votre rapporteure pour avis considère que la « dé-diésélisation » du parc automobile français doit prendre la forme d'une réforme d'ampleur qui prenne en compte les dimensions sanitaire, mais aussi sociale, industrielle et fiscale de ce sujet.

L'exposé des motifs de la présente proposition en convient d'ailleurs : « Cette mesure ne se suffit évidemment pas par elle-même. Elle doit s'accompagner de l'engagement des pouvoirs publics de garantir les emplois menacés jusqu'à leur reconversion totale. Elle doit aussi s'accompagner d'une prime à la reconversion en faveur des ménages qui souhaiteraient passer d'un véhicule polluant aux transports en commun ou à un véhicule propre » .

À cet égard, votre rapporteure pour avis estime que de telles mesures pourront davantage être abordées et aboutir à un dispositif cohérent dans le cadre de deux textes dont l'examen est très proche : le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi relatif à la transition énergétique .

Le budget 2015 contient ainsi déjà, à l'article 20, un relèvement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en faveur du financement des infrastructures de transport, à hauteur de deux centimes d'euros par litre sur le gazole. Cette majoration a été augmentée lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier : la taxe intérieure de consommation sur le gazole consommé par les transporteurs routiers de marchandises augmente de 4 centimes d'euro par litre, destinée à compenser la fin de l'écotaxe poids lourds.

En outre, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte comprend, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, un dispositif de diagnostic d'éco-entretien tel que l'article 3 de la présente proposition de loi le prévoit.

Enfin, votre rapporteure pour avis souligne que la ministre de l'écologie a annoncé le 4 septembre 2014 la création d'une prime portant le bonus écologique à 10 000 € pour le remplacement d'un diesel polluant par un véhicule électrique, dans les zones les plus polluées . Le ministre de l'économie a annoncé le 3 octobre 2014 que ce « superbonus » serait mis en place à la mi-2015, pour la mise à la casse d'un véhicule diesel de plus de 13 ans. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte en comporte le principe.

Tous ces arguments plaident pour que ces questions de la fiscalité du diesel et de la qualité de l'air soient abordées dans ces deux textes - budget et projet de loi relatif à la transition énergétique - plus propices à de larges débats.

3. Un dispositif problématique

Enfin, votre rapporteure pour avis souligne que le dispositif proposé par la présente proposition comporte un certain nombre de difficultés techniques :

- la création d'une nouvelle taxe non codifiée en lieu et place d'un élargissement des critères du malus déjà existant ;

- l'inconstitutionnalité du renvoi du barème de l'imposition au pouvoir réglementaire.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Identiques à celles de la précédente, votre commission partage une nouvelle fois les préoccupations portées par la présente proposition de loi .

Les récents épisodes de pics de pollution atmosphérique ainsi que les dernières études établissant un lien certain entre les particules fines , dont une part importante est émise par les moteurs des véhicules diesel, et l'augmentation du risque de cancer chez l'homme révèlent un vrai problème de santé publique justifiant une action rapide. Le 30 septembre 2014 encore, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui a réalisé deux études sur le sujet dans l'année, a publié un communiqué où elle « demande aux pouvoirs publics de cesser de subventionner les véhicules de société et de supprimer progressivement l'avantage fiscal en faveur du gazole » , soulignant que « cette mesure serait bénéfique à la fois aux finances publiques et à la qualité de l'air » et considérant que « aujourd'hui, le coût d'usage d'un véhicule automobile ne reflète pas pleinement son impact sur l'environnement et sur la société » .

Les coûts de « dépollution » des véhicules diesel que l'industrie automobile sera amenée à supporter pour s'adapter à la réglementation européenne et le déséquilibre que la diésélisation du parc automobile représente pour le raffinage français, qui doit importer du gazole et exporter de l'essence, amènent à remettre en cause ce modèle économique .

Néanmoins, le dispositif proposé semble comporter davantage d'effets pervers que de conséquences vertueuses : coût social important pour les ménages les plus modestes ; coût économique majeur pour la filière automobile.

Les inconvénients et les dangers du « tout diesel » doivent être étudiés dans le cadre d'une réforme de plus grande ampleur, notamment lors du débat sur la transition énergétique , tant d'un point de vue fiscal, qu'économique et social.

Votre rapporteure pour avis rappelle les pistes qu'elle avait déjà évoquées lors de l'examen de la précédente proposition de loi :

ü la question d'une réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence, qui a notamment été débattue par le Comité pour la fiscalité écologique, alors présidé par l'économiste Christian de Perthuis

Dans un avis adopté le 18 avril 2013, le comité a estimé que l'écart de taxation au profit du gazole était injustifié au regard des coûts externes environnementaux des différents carburants , compte tenu notamment des nouvelles connaissances sur les dangers pour la santé humaine des particules fines émises par le gazole.

Le scénario proposé par le président de ce comité visait à introduire une assiette carbone dans les accises énergétiques, avec un taux de 7 euros par tonne de CO 2 en 2014, pour atteindre 20 euros par tonne en 2020, tout en rééquilibrant la taxation du diesel et de l'essence. Sur ce dernier point, une réduction d'un centime par an de l'écart de taxation entre essence et diesel était proposée.

Un scénario alternatif présenté par la Fondation Nicolas Hulot propose une montée en puissance permettant d'atteindre 40 euros par tonne de CO 2 en 2020 et une réduction de l'écart entre essence et gazole de 2 centimes par an. Il prévoit également un mécanisme de redistribution plus favorable aux ménages.

Le Comité n'ayant pas tranché pour l'un de ces scénarios lors de sa réunion du 13 juin 2013, les deux ont été inclus dans le rapport d'étape remis aux ministres le 18 juillet 2013.

L'Assemblée nationale avait adopté, en ce sens, le 4 juin 2013 une résolution pour une fiscalité écologique au coeur d'un développement soutenable 9 ( * ) , qui recommande l'adoption rapide de « dispositions (concernant) le début du rattrapage de l'écart de taux de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques entre le gazole et l'essence, l'introduction d'une contribution climat-énergie, notamment sur le carbone, assortie d'un taux progressif dans le temps et les premières réformes fiscales en faveur de la biodiversité » .

ü la circulation alternée est également une piste intéressante et qui a montré ses avantages lors des derniers épisodes de pics de pollution. Elle est une réponse à la surconcentration de particules fines due au trafic routier dans certaines agglomérations.

Ainsi, à Paris, une étude a montré qu'à proximité du périphérique, le trafic local était responsable de 45 % des particules fines de type PM 2,5 mesurées.

Votre rapporteure pour avis ajoute que le développement du covoiturage est à étudier très sérieusement : ce sera d'ailleurs le cas dans le cadre de la transition énergétique.

À l'article 1 er , votre rapporteure pour avis a considéré que le dispositif n'était pas efficace en l'état et que la question de la fiscalité du diesel devait être examinée à l'occasion du projet de loi de finances et du très prochain projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte. Votre commission a donc, sur proposition de votre rapporteure pour avis, émis à l'unanimité un avis défavorable à l'adoption de cet article.

À l'article 2, votre rapporteure a souligné l'intérêt de cette proposition d'un rapport sur l'indépendance de l'expertise technique qui néanmoins gagnerait à être inséré dans le cadre d'une réforme plus globale. Elle a considéré qu'il conviendrait d'interroger le Gouvernement sur sa méthodologie. Sur proposition de votre rapporteure pour avis, votre commission a émis à l'unanimité un avis favorable à l'adoption de cet article.

Enfin, à l'article 3, votre rapporteure pour avis souscrit pleinement à cette disposition relative au certificat de diagnostic d'éco-entretien, mais elle constate que cette mesure a d'ores et déjà été intégrée au projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, lors de son examen par l'Assemblée nationale. Philippe Plisson avait en effet déposé un amendement reprenant cette recommandation 18 du Plan d'urgence pour la qualité de l'air, présenté le 6 février 2013, qui a été adopté. Votre commission a ainsi émis à l'unanimité un avis défavorable à l'adoption de cet article, qui fera l'objet d'une discussion approfondie lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Création d'un malus automobile assis sur la quantité de polluants atmosphériques émise

Objet : cet article vise à instaurer une taxe additionnelle sur les véhicules les plus émetteurs d'oxydes d'azote et de particules fines.

I. Le droit existant

Concrétisée lors du Grenelle de l'environnement de 2007, l'idée de favoriser l'acquisition de véhicules peu polluants a donné lieu à la mise en place de deux dispositifs complémentaires destinés à orienter les consommateurs vers des modèles automobiles propres :

- un bonus pour l'acquisition de véhicules propres, assorti d'un superbonus pour la destruction d'un véhicule ancien ;

- un malus applicable aux voitures particulières les plus polluantes, ainsi qu'une taxe annuelle pour certains modèles.

Mais ce malus ne vise aujourd'hui que les émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ).

C'est l'article 63 de la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, codifié à l'article 1011 bis du code général des impôts (CGI), qui a institué cette taxe applicable aux voitures particulières les plus polluantes. Le malus est établi en fonction du nombre de grammes de CO 2 émis par kilomètre pour les véhicules qui ont fait l'objet d'une réception communautaire et en fonction de la puissance fiscale pour les véhicules qui n'ont pas fait l'objet d'une telle réception.

Sont ainsi concernés :

- les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil ;

- les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés dans l'annexe précitée, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.

Cette taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules dont le taux d'émission de CO 2 dépasse le taux fixé par l'article 1011 bis du CGI, est due lors de la délivrance du premier certificat d'immatriculation définitive délivré en France.

Pour 2014, le montant de la taxe s'échelonne de 150 à 8 000 €.

II. Le dispositif proposé

L'article 1 er de la proposition de loi crée une taxe additionnelle à la taxe additionnelle (prévue par l'article 1011 bis du code général des impôts) à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules prévue par l'article 1599 quindecies du code général des impôts.

Cette nouvelle taxe serait due par les véhicules, appartenant aux catégories déjà visées par le malus écologique, dépassant une certaine quantité d'émission d'oxydes d'azote et de particules fines.

Le III de l'article prévoit que le barème et les modalités d'application de cette taxe sont définis par décret.

III. La position de votre commission

Votre commission a émis un certain nombre de réserves , tant de forme que de fond.

Sur la forme, votre rapporteure pour avis a pointé des difficultés dans la rédaction du dispositif , rendant ce dernier inopérant.

En premier lieu, la taxe envisagée pose un problème de constitutionnalité dans la mesure où le dispositif prévoit une fixation du barème par voie réglementaire. L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » .

En second lieu, l'article crée un dispositif à plusieurs étages (une taxe additionnelle au malus écologique déjà additionnel au certificat d'immatriculation). En outre, tout en faisant référence au malus prévu par l'article 1011 bis du CGI, la taxe créée n'est, pour sa part, pas codifiée.

Sur le fond, votre rapporteure pour avis a estimé que les effets pervers de ce type de dispositif isolé étaient nombreux et qu'il convenait d'en étudier tous les impacts à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015 et du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 2 - Rapport au Parlement sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles

I. Le droit existant

Aujourd'hui, le taux d'émissions de CO 2 d'un véhicule est indiqué sur la carte grise, cette mention étant prévue par l'annexe III de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules.

Toutefois, si cette mention ne figure pas sur la carte grise, il convient de se rapporter aux documents techniques du véhicule, qui sont en principe fournis lors de l'acquisition, et qui doivent mentionner le taux d'émission de CO 2 mesuré lors de la réception.

Cependant, seules font foi les données émanant de l'organisme technique central (organisme chargé de l'homologation des véhicules) prévu à l'article R. 323-7 du code de la route.

Conformément au décret n° 2002-1508 du 23 décembre 2002 relatif à l'information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves, ce taux d'émission de dioxyde de carbone fait l'objet d'une communication auprès du grand public sous diverses formes :

- dans chaque point de vente, par une étiquette indiquant les émissions de dioxyde de carbone apposée sur chaque voiture particulière neuve ou affichée près de celle-ci, ainsi que par une liste de ces données dressée par marque et par type de véhicule affichée dans le point de vente ;

- dans la documentation utilisée pour la commercialisation, la publicité et la promotion des véhicules , y compris les manuels techniques, par la mention des données relatives aux émissions de dioxyde de carbone se rapportant au véhicule concerné ;

- par la mise à disposition de tout consommateur, dans chaque point de vente, d'un guide de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves mises en vente sur le territoire national, élaboré par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) à partir des informations transmises par les constructeurs. Il est précisé que ce guide, qui comporte l'ensemble des types de voitures particulières disponibles sur le marché national à la date de sa constitution, est établi une fois par an. Les informations qu'il contient sont en outre disponibles sur un site internet constitué par l'ADEME.

II. Le dispositif proposé

L'article 2 de la proposition de loi prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport portant sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. Ce rapport devra être remis avant le 31 mai 2015.

III. La position de votre commission

Votre rapporteure pour avis a estimé que cette proposition était intéressante et devait également s'inscrire dans le cadre de la réforme d'ampleur sur la mobilité propre et la qualité de l'air prévue par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 3 - Création d'un certificat de diagnostic d'éco-entretien

I. Le droit existant

Le décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 pris pour l'application de la loi du 1 er août sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les véhicules automobiles a fixé un certain nombre d'obligations à respecter pour le vendeur d'une voiture d'occasion .

Est tout d'abord requise l'apposition d'un étiquetage sur le véhicule comportant obligatoirement la « dénomination de vente » (marque, type, modèle, version, variante du modèle, date de 1 ère mise en circulation) et le kilométrage total parcouru, ainsi qu'un document de vente écrit obligatoire .

En outre, avant la conclusion du contrat de vente, pour tout véhicule de plus de 4 ans, un rapport du contrôle technique doit être remis au consommateur. Il doit avoir été établi depuis moins de 6 mois, et être accompagné du procès-verbal de l'éventuelle contre-visite.

Ce rapport informe avant la vente sur l'état des organes de sécurité de la voiture. Il ne porte que sur certains points de contrôle (châssis, suspension, essieux, direction, freinage, éclairage, roues, carrosseries, équipements). Au vu du bilan technique, l'acheteur peut refuser l'achat du véhicule.

La remise du certificat de contrôle technique après la vente (au moment de la livraison par exemple) constitue une infraction pénale.

II. Le dispositif proposé

L'article 3 de la proposition de loi crée une nouvelle obligation pour le vendeur d'un véhicule particulier ou utilitaire léger diesel de plus de quatre ans : il devra fournir à l'acheteur un certificat d'éco-diagnostic .

Ce diagnostic thermodynamique recensera l'ensemble des émissions polluantes du véhicule et sera mis en oeuvre à partir du 1 er janvier 2016.

Il est prévu qu'un décret précise les modalités d'application de ce certificat.

III. La position de votre commission

Votre rapporteure pour avis a estimé qu'une mesure de cette nature s'inscrivait dans le cadre d'une démarche plus générale, qu'elle rejoint, sur l'importance de l'identification des véhicules polluants afin d'améliorer la qualité de l'air.

Une mission lancée en mars 2013 par le ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, le ministère de l'Intérieur, le ministère du Redressement productif et le ministère délégué en charge des Transports, relative à l'identification des véhicules pour la qualité de l'air, a remis en juin 2013 son rapport 10 ( * ) sur la mise en place d'un dispositif permettant d'identifier l'impact de chaque véhicule sur la qualité de l'air.

La mission propose ainsi d'abord de distinguer 3 catégories de véhicules selon leur date de mise sur le marché. Elle recommande ensuite une approche graduelle d'identification reposant dans un premier temps sur des vignettes de couleurs. Ce dispositif pourrait par la suite être systématisé par l'utilisation de moyens technologiques.

Ces pistes entrent dans le cadre des décisions du Comité interministériel de la qualité de l'air (CIQA), mis en place en septembre 2012 et qui a notamment adopté le 6 février 2013 un Plan d'urgence pour la qualité de l'air (PUQA).

Le dispositif prévu à l'article 3 reprend la mesure 18 de ce Plan, qui a pour objectif de développer l'éco-entretien des véhicules (moteurs, plaquettes de frein, pneus...) : « L'objectif est de renforcer l'entretien des véhicules, notamment ceux roulants en ville, car un véhicule bien entretenu pollue moins. La possibilité de contrôler l'éco-entretien des moteurs, plaquettes de frein et pneus lors des différents contrôles d'usage du véhicule sera étudiée. La réévaluation des standards de contrôle technique sera mise à l'examen afin d'améliorer encore les critères de pollution aux particules fines et aux dioxydes d'azote. »

En outre, une mesure similaire a été intégrée au projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte lors de son examen en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'initiative du député Philippe Plisson.

L'article 17 bis du projet de loi relatif à la transition énergétique, actuellement en cours d'examen par le Sénat, prévoit donc déjà qu'à compter du 1 er janvier 2016, « préalablement à la vente d'un véhicule particulier ou utilitaire léger de quatre ans ou plus, le vendeur fait effectuer par un professionnel de l'automobile un diagnostic thermodynamique du moteur et de ses émissions des gaz suivants : monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, oxydes d'azote, dioxyde de carbone et oxygène » .

Votre rapporteure pour avis considère ainsi que votre commission aura très prochainement à se prononcer sur un dispositif identique dans le cadre du titre sur la mobilité propre de la réforme de la transition énergétique.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 4 novembre 2014, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Odette Herviaux sur la proposition de loi n° 802 (2013-2014) relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

M. Hervé Maurey , président . - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de notre collègue Odette Herviaux, sur la proposition de loi n° 802 relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

Mme Odette Herviaux , rapporteure pour avis . - Il s'agit d'une version « remaniée » d'une proposition sur laquelle notre commission avait déjà donné un avis le 10 juin dernier et dont j'étais déjà rapporteure pour avis : la proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé. Ce texte, qui avait été rejeté par la commission des finances et sur lequel nous avions émis un avis défavorable, n'avait toutefois pas pu être examiné en séance publique dans l'espace réservé au groupe écologiste du mois de juin, faute de temps.

Avant d'entrer dans le détail de la proposition de loi, je voudrais, mes chers collègues, refaire un point sur le contexte dans lequel s'inscrit cette initiative.

Malgré un fort recul des ventes en 2013, les véhicules fonctionnant au gazole représentent encore en France plus de 60 % du parc automobile total et environ 67 % des ventes de nouveaux véhicules. Parallèlement, la part du gazole dans le total des consommations de carburants dépasse 80 %, ce qui paraît logique puisque les acquéreurs de véhicules diesel neufs ont souvent pour objectif de parcourir un grand nombre de kilomètres. Notre parc automobile est ainsi largement « diesélisé ». Face à ce constat, divers avertissements ont été exprimés depuis longtemps. L'Organisation mondiale de la santé a classé en septembre 2012 les fumées émises par les moteurs diesel comme « agents cancérogènes » certains. Alors qu'en 1988, ils étaient classés dans la catégorie « probablement cancérogènes ».

Plus récemment, dans un avis de juin 2014 sur les émissions de particules et d'oxydes d'azote, les NOx, par les véhicules routiers, l'Ademe -Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie - a souligné que « 56 % des émissions nationales d'oxydes d'azote (NOx) sont liées au transport » , dont « 89 % proviennent des véhicules diesel » , rappelant que « 61 % des véhicules légers sont des diesels » dont seulement sept millions sont équipés d'un filtre à particule - puisque l'industrie automobile a fait de très importants efforts et s'est adaptée - tandis que douze millions n'en ont pas.

Enfin, et j'en aurai fini avec les mises en garde les plus récentes qui montrent à quel point nous parlons d'un vrai problème de santé publique, le 30 septembre 2014, l'Organisation de coopération et de développement économique, qui a réalisé deux études sur le sujet dans l'année, a publié un communiqué où elle « demande aux pouvoirs publics de cesser de subventionner les véhicules de société et de supprimer progressivement l'avantage fiscal en faveur du gazole » , soulignant que « cette mesure serait bénéfique à la fois aux finances publiques et à la qualité de l'air » , considérant qu' « aujourd'hui, le coût d'usage d'un véhicule automobile ne reflète pas pleinement son impact sur l'environnement et sur la société » .

Mes chers collègues, vous êtes comme moi déjà convaincus, j'en suis sûre, que les conséquences sur notre santé des fumées émises par les moteurs de véhicules diesel sont avérées, et notamment celles des particules fines et des oxydes d'azote qu'elles contiennent.

Or nous savons que le secteur des transports routiers contribue à hauteur de 19 % environ des émissions de particules fines les plus dangereuses pour notre santé.

Les conséquences pour la santé humaine d'une exposition à ces particules fines sont graves. Quelles sont-elles ? Pathologies pulmonaires tout d'abord, comme la bronchite ou l'asthme, mais aussi risque aggravé de cancers du poumon ou de la vessie. Si on ne dispose pas aujourd'hui de chiffres permettant de distinguer spécifiquement l'aggravation de la mortalité due au diesel de celle due aux autres sources de pollution, on sait que les particules fines, présentes en grande quantité dans ces fumées, en sont largement responsables. D'une manière générale, l'exposition à ces particules fines entraîne un vieillissement prématuré et affecte surtout l'appareil cardio-vasculaire. Une étude en Californie a récemment mis en évidence également un impact sur les naissances prématurées et le faible poids de naissance.

L'Institut de veille sanitaire, que nous avions interrogé en juin dernier, relevait aussi une aggravation des symptômes de nos pathologies chroniques, en quelques heures ou quelques jours, après une exposition aux particules fines, y compris à des concentrations faibles.

Au-delà de cet aspect - qui est le plus important - relatif à la santé publique, se pose également la question du modèle économique de notre filière automobile. La diésélisation du parc automobile a été, vous le savez, favorisée par une fiscalité préférentielle qui a conduit, d'une part, les constructeurs à investir dans des techniques de « dépollution » de leurs moteurs très coûteuses pour se conformer à la réglementation européenne et, d'autre part, l'industrie du raffinage à importer du diesel pour satisfaire la demande.

Que faire dans ces conditions ? Nos collègues écologistes ont fait successivement deux propositions.

La première proposition de loi, examinée en juin dernier, visait à créer une nouvelle taxe additionnelle de 500 euros, revalorisée de 10 % tous les ans, sur les véhicules diesel. Notre commission avait émis un avis défavorable à son adoption. Elle avait regretté la déconnexion d'une telle mesure d'une réforme globale de plus grande ampleur et plus progressive sur la fiscalité des carburants et l'absence de mesures d'accompagnement pour la filière industrielle automobile française, que la création d'une telle taxe n'aurait pas manqué de déstabiliser profondément.

La présente proposition de loi poursuit les mêmes objectifs mais modifie les moyens pour y parvenir, en tenant compte des remarques que la commission des finances et la nôtre avaient formulées en évoquant notamment la piste d'un élargissement du bonus-malus écologique aux particules fines.

La proposition de loi d'aujourd'hui comporte trois articles et son exposé des motifs indique que l'objectif du texte est d'intégrer les émissions de polluants atmosphériques tels que les oxydes d'azote et particules fines dans les critères du malus automobile, qui actuellement ne repose que sur les émissions de dioxyde de carbone.

Le dispositif de l'article 1 er ne traduit toutefois pas exactement cette ambition. Il n'élargit pas le malus existant mais crée un nouveau malus pour les véhicules les plus émetteurs de NOx et de particules fines. En outre, en renvoyant la fixation du barème de cette nouvelle taxe au pouvoir réglementaire, il pose d'emblée un problème de constitutionnalité.

L'article 2 prévoit la remise au Parlement d'un rapport portant sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. Ce rapport devra être remis par le Gouvernement avant le 31 mai 2015.

L'article 3 crée un certificat de diagnostic d'éco-entretien qui devra être fourni par tout vendeur d'un véhicule diesel d'occasion de plus de quatre ans à son acquéreur. Ce certificat, qui sera obligatoire à compter du 1 er janvier 2016, portera sur l'ensemble des émissions polluantes du véhicule.

Je souhaiterais formuler plusieurs remarques, mes chers collègues. En premier lieu, je n'ai pas changé de position quant à l'importance du problème mis en avant par l'objectif de ce texte. Il est essentiel.

Je partage donc entièrement cette initiative du groupe écologiste, notamment eu égard à deux enjeux très importants, comme je l'avais déjà souligné en juin.

Le premier point, c'est l'impact aujourd'hui avéré des fumées émises par les moteurs diesel sur notre santé. Ces fumées, on le sait, contiennent un peu moins de CO 2 que les moteurs à essence : 123 grammes par kilomètre contre 127 grammes pour les véhicules à essence en 2012. Toutefois, elles contiennent d'autres substances, qui sont en cause dans la pollution atmosphérique et qui ont un impact sur notre santé. On trouve notamment dans les fumées de diesel des oxydes d'azote, les NOx, et les fameuses particules fines, dangereuses pour la santé. Les plus fines pénètrent profondément dans nos poumons et s'accumulent dans nos alvéoles. De là, elles peuvent franchir la barrière que constituent les alvéoles et passer dans notre sang.

L'impact sur la « pré-mortalité » est indéniable.

Une enquête portant sur la période 2000-2006 montre que la mortalité non-accidentelle journalière s'accroit lorsque les concentrations en particules PM 2,5 augmentent. En Île-de-France par exemple, l'augmentation des concentrations s'accompagne également d'une augmentation de 2 à 7 % des passages aux urgences d'enfants pour causes respiratoires.

Mon deuxième constat, qui n'a pas non plus varié, est celui de l'urgence d'un changement de modèle économique de notre filière automobile française. Aujourd'hui, les véhicules diesel représentent plus de 60 % du parc existant et environ 70 % des ventes de nouveaux véhicules. Par ailleurs, les diesels les plus anciens, c'est-à-dire de plus de 12 ans, représentent 27 % de notre parc. Ce sont eux qui polluent le plus.

En outre, l'écart de taxation entre l'essence et le gazole, qui est de 17 centimes d'euros par litre en faveur du gazole, contre 12 centimes d'euros en moyenne dans l'Union européenne, a récemment été épinglé par la Cour des comptes, qui relevait qu'il constituait une perte de recettes de 6,9 milliards d'euros en 2011.

La France fait d'ailleurs l'objet d'un contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites de concentration dans l'air de particules PM 10, qui pourrait bientôt aboutir à une condamnation de plusieurs dizaines de millions d'euros et à une astreinte quotidienne.

Oui, il y a, sur ces aspects, comme je l'avais déjà dit en juin, une question de volonté politique et de responsabilité.

Pour autant, je ne pense pas, encore une fois, que la solution proposée par cette nouvelle mouture soit adaptée.

Pour plusieurs raisons, tant de forme que de fond.

Sur la forme, je considère qu'il serait plus adapté d'envisager une réforme plus graduée, sur la durée, ne reposant pas forcément uniquement sur une taxation supplémentaire et comportant des mesures d'accompagnement de la filière automobile et des ménages les plus modestes.

En effet, une telle taxation aurait, à n'en pas douter, un fort coût social en termes de pouvoir d'achat pour les ménages et en termes de compétitivité pour les constructeurs automobiles.

De surcroît, nous ne pouvons pas ignorer les autres rendez-vous législatifs qui sont devant nous : le projet de loi de finances, qui comprend des mesures relatives à la fiscalité des carburants, avec par exemple le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - TICPE - en faveur du financement des infrastructures de transport, à hauteur de quatre centimes d'euro par litre sur le gazole ; ou encore le projet de loi relatif à la transition énergétique, deux textes qui vont être discutés très bientôt par notre assemblée. N'est-ce pas à l'occasion de ces débats, qui seront amples et j'espère, exhaustifs, que nous devrions nous pencher sur ces questions, plutôt que de le faire en quelques heures seulement et de manière isolée dans cette proposition de loi ? À ce titre, je crois qu'il s'agit davantage d'une proposition d'appel.

Sur le fond, à l'article 1 er , le dispositif n'est pas efficace en l'état. En effet, la taxe créée est inconstitutionnelle et se surajoute au malus existant. Je vous proposerai donc de donner un avis défavorable à l'adoption de cet article.

À l'article 2, la proposition d'un rapport sur l'indépendance de l'expertise technique est selon moi intéressante mais elle gagnerait à être insérée dans le cadre d'une réforme plus globale. Il conviendra néanmoins d'interroger le Gouvernement sur les modalités actuelles de l'expertise et sur ses intentions. Je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

Enfin, à l'article 3, je souscris pour ma part pleinement à cette disposition relative au certificat de diagnostic d'éco-entretien, mais je vous indique qu'elle a d'ores et déjà été intégrée au projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, lors de son examen par l'Assemblée nationale. Le député Philippe Plisson avait en effet déposé un amendement reprenant cette recommandation 18 du Plan d'urgence pour la qualité de l'air, présenté le 6 février 2013, qui a été adopté. Je vous proposerai donc d'émettre un avis plutôt défavorable à l'adoption de cet article, qui ferait doublon. Il donnera lieu, en tout état de cause, à une discussion approfondie lors du prochain examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.

En résumé, je comprends et adhère à l'appel lancé par le groupe écologiste à travers cette proposition de loi. Nous devons en effet prendre en compte le sujet des particules fines dans la gestion de notre parc automobile, mais pas selon les modalités proposées.

M. Hervé Maurey, président . - Je vous remercie pour cette présentation.

M. Louis Nègre . - Cette proposition de loi part d'un excellent sentiment puisqu'elle entend protéger notre santé. Il nous faut toutefois rester prudent puisqu'elle pourrait avoir des conséquences sur l'évolution de notre filière industrielle.

Hier, à l'occasion d'une rencontre avec le président de PSA Peugeot Citroën, j'ai appris que l'augmentation de quatre centimes d'euros sur le tarif du gazole allait pénaliser ce groupe automobile, spécialiste des moteurs diesel, et se traduire, de fait, par un certain nombre de conséquences non encore totalement évaluées. J'ai par ailleurs découvert, avec étonnement, que l'air évacué par les pots d'échappement des nouveaux moteurs diesel était plus propre que celui qui y entre ! Enfin, j'ai appris que PSA Peugeot Citroën envisageait de créer un groupe de travail, en lien avec l'Assemblée nationale et des scientifiques indépendants, sur la pollution causée par les moteurs diesel. Je me suis permis de faire remarquer que le Sénat devrait y être associé !

Je partage la position de notre rapporteure pour avis sur les trois articles de la proposition de loi qui nous est transmise. Nous devons faire face à un vrai problème de santé publique. Je rappellerai que l'on compte 42 000 morts prématurés chaque année en France à cause de la pollution de l'air, qui est aussi à l'origine de 15 % des cancers. Nous savons que l'essor du diesel a été favorisé par une fiscalité avantageuse. Par conséquent, en soutenant les énergies bas carbone qui ne produisent ni particules fines ni NOx, notamment au travers des véhicules électriques ou à hydrogène, nous pourrions faire évoluer les comportements de nos concitoyens.

M. Hervé Maurey, président . - Le groupe PSA Peugeot Citroën avait déjà exprimé l'idée selon laquelle les moteurs diesel seraient aujourd'hui plus propres que les autres moteurs. Le souhait d'obtenir une expertise objective sur cette affirmation, aussi surprenante qu'elle puisse paraître, ne me semble pas injustifié. La France est en effet compétitive sur le segment des moteurs diesel, ne l'oublions pas trop vite !

M. Louis Nègre . - La compétitivité de la France en la matière est toutefois limitée, car les marchés automobiles chinois et américains sont portés sur l'essence, et non sur le diesel.

Mme Chantal Jouanno . - Nous sommes confrontés à un cas d'héritage d'une politique qui a fait le choix d'une filière technologique particulière. Un rapport du Sénat sur les véhicules propres avait recommandé, je crois, d'abandonner ce type de politiques très orientées. Il ne faut pas, aujourd'hui, basculer tout à coup sur un autre choix, en augmentant par exemple de quatre centimes d'euro le tarif du gazole. L'an dernier, j'avais déposé un amendement qui proposait de diminuer d'un centime d'euro la fiscalité sur l'essence et d'augmenter celle sur le diesel pour parvenir à un rééquilibrage sur dix ans. Or le Gouvernement avait alors estimé que cette proposition était trop brutale !

Monsieur le Président, je pense qu'il serait utile, en prévision du projet de loi sur la santé publique, de constituer un groupe de travail avec les membres de la commission des affaires sociales, pour analyser les liens entre la santé et l'environnement.

Il me semble nécessaire, en outre, d'utiliser un autre vecteur législatif - le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, le projet de loi de finances pour 2015 ou le futur projet de loi sur la santé publique - pour inscrire dans une vision plus globale les objectifs de la proposition de loi qui nous est soumise pour avis.

Je soutiens également l'idée d'une expertise sur la pollution causée par les moteurs diesel, mais je préférerais que cette expertise soit coordonnée de manière indépendante et pluraliste par le Sénat, et non par un constructeur automobile.

Le débat doit être sain, apaisé et global. Nous ne devons pas oublier, par exemple, la problématique des avantages fiscaux pour les véhicules de sociétés.

M. Hervé Maurey, président . - L'idée de création d'un groupe de travail santé - environnement me semble pertinente. Je rappelle que le groupe de travail sur les mobilités, qui va reprendre ses travaux, pourra également servir de cadre à des débats.

M. Pierre Médevielle . - Je déplore le manque d'originalité de la solution de taxe et de surtaxe proposée à l'article 1 er de la proposition de loi. Elle a en effet montré ses limites dans d'autres domaines.

Nous n'avons pas évoqué le cas des véhicules hybrides sur lesquels les constructeurs français et européens ont réalisé d'importants investissements, qui utilisent également le diesel. Je ne pense pas que les constructeurs soient disposés à abandonner cette filière !

M. Jean-François Mayet . - La surtaxe est malheureusement une solution française habituelle. Je suis opposé à tout ce qui découragerait les producteurs de moteurs diesel, non seulement parce qu'ils sont sur le point de gagner le pari de la « pollution zéro » mais aussi parce qu'on ne peut se passer, aujourd'hui et pour au moins quelques dizaines d'années encore, de ce type de moteurs sur les véhicules à forte puissance.

M. Hervé Maurey, président . - La parole est à notre collègue Gérard Miquel, qui a été rapporteur, au nom de la commission des finances, de la précédente proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé.

M. Gérard Miquel . - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je partage les analyses de notre collègue Odette Herviaux, rapporteure pour avis. Nos constructeurs ont réalisé d'énormes progrès de recherche. Nous allons par exemple bientôt disposer d'un véhicule qui consommera 2 litres d'essence aux 100 kilomètres. Il y a des pistes pour faire évoluer les filtres à particules. Par ailleurs, les filtres à NOx équipent nos véhicules neufs. Pénaliser ces véhicules neufs avec une surtaxe pose un problème. La production de particules fines provient aujourd'hui essentiellement des transports, notamment des camions, que l'on a pendant longtemps équipé de filtres à NOx mais pas de filtres à particules. Les matériaux de travaux publics et le chauffage sont également d'importants émetteurs de particules fines. Ils en produisent plus que les véhicules légers !

L'électrique est certes une solution en ville, mais pas dans nos campagnes, en raison du faible nombre de bornes de recharge. Il faut aller vers le véhicule hybride et soutenir notre industrie automobile en ce sens. Elle en a bien besoin !

Que l'on prenne en compte dans le calcul du bonus-malus des éléments autres que les émissions de CO 2 , comme les émissions de particules fines, n'est pas infondé. Toutefois, nos véhicules diesel en émettent moins aujourd'hui que nos imposants véhicules à essence ! Quand j'étais questeur du Sénat, j'ai demandé que des véhicules diesel soient achetés en remplacement de véhicules à moteur essence qui consommaient 20 litres aux 100 kilomètres. Ces véhicules ont des filtres à particules et fonctionnent parfaitement. Aujourd'hui, on rachète des véhicules à moteur essence, dont la consommation est impressionnante !

Je ne suis donc pas favorable au vote de cette loi en l'état. Je conçois que le système de bonus-malus puisse être revu pour prendre en compte divers éléments polluants, mais nous ne devons pas oublier les difficultés liées à l'éloignement des villes d'un grand nombre de nos concitoyens, qui sont contraints de passer plusieurs heures dans les embouteillages pour se rendre sur leur lieu de travail. Dans nos campagnes, de nombreuses personnes n'ont pas d'importants moyens et achètent de petits véhicules diesel pour réaliser leurs déplacements. Il ne faut pas les pénaliser par des mesures drastiques. Il faut les aider à changer leurs anciens petits véhicules polluants par des véhicules qui le sont beaucoup moins. Taxer des véhicules récents qui sont devenus beaucoup plus propres serait dommageable.

La commission émet, à l'unanimité, un avis défavorable sur l'article 1 er de la proposition de loi, un avis favorable sur l'article 2 et un avis défavorable sur l'article 3.


* 1 Les avis de l'Ademe - Émissions de particules et de NOx par les véhicules routiers - juin 2014.

* 2 Avis n° 593 (2013-2014) de Mme Odette HERVIAUX, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, déposé le 10 juin 2014.

* 3 Rapport n° 600 (2013-2014) de M. Gérard MIQUEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 juin 2014.

* 4 Organisation mondiale de la santé. Review of evidence on health aspects of air pollution (2013).

* 5 Chatignoux E. Host S. Expositions à la pollution atmosphérique et recours aux urgences pour pathologies respiratoires chez les enfants en Ile-de-France. Paris : Observatoire régional de santé Ile-de-France (2013).

* 6 L'étude du CIRC porte sur une cohorte de plus de 12 000 personnes.

* 7 Ces données ont notamment porté sur deux études concernant l'exposition de travailleurs des mines non métalliques aux Etats-Unis, qui ont confirmé un risque accru de survenue du cancer du poumon. D'autres études ont objectivé cette augmentation du risque de mortalité par cancer du poumon chez des cheminots exposés aux émissions diesel et chez des transporteurs routiers exposés régulièrement aux pots d'échappement.

* 8 Concentration annuelle de 40 microgrammes par m 3 et concentration journalière de 50 microgrammes par m 3 à ne pas dépasser plus de 35 jours par an.

* 9 Résolution pour une fiscalité écologique au coeur d'un développement soutenable, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 juin 2013, TA n° 146.

* 10 Rapport « Mission relative à l'identification des véhicules pour la qualité de l'air » de Philippe Follenfant, CGEDD ; Jean-Yves Le Gallou, IGA ; Pascal Clément, Benoît Bettinelli, Jean-Pierre Dardayrol, CGEIET.

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