Avis n° 524 (2014-2015) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2015

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N° 524

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ,

Par M. Dominique de LEGGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2779 , 2803 , 2804 , 2806 , 2816 et T.A. 525

Sénat :

494 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

La commission des finances du Sénat s'est saisie pour avis du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi est la traduction des annonces faites par le Président de la République à la suite du Conseil de défense du 29 avril dernier.

Son objet principal est d'adapter les moyens du ministère de la défense à l'évolution de la situation internationale et de la menace terroriste sur le territoire national.

L'actualisation permet également de tirer les conséquences, sur le plan programmatique, de la réalité du calendrier de cession de la bande des fréquences « 700 MHz » et de l'abandon des sociétés de projet.

Le présent avis porte sur les articles 1 er à 4 bis , qui visent à modifier la programmation financière et la trajectoire des ressources humaines déterminées par la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 du 18 décembre 2013.

Le présent projet de loi vise par ailleurs à introduire des dispositions relatives au statut des militaires et aux associations professionnelles nationales de militaires, ainsi que des dispositifs d'accompagnement de la réduction des effectifs.

Il convient de préciser que, s'inscrivant dans le cadre de l'article 34 de la Constitution qui, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, prévoit que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État », les lois de programmation militaire ont un rôle politique essentiel.

En revanche, leur rôle normatif en matière budgétaire et financière est assez faible. La programmation des crédits de paiement et des principales acquisitions de matériels est indicative, l'établissement des crédits de paiement et des autorisations d'engagement étant réservé aux seules lois de finances.

En particulier, l'actualisation de l'annuité 2015 de la programmation militaire doit trouver sa traduction concrète dans la plus prochaine loi de finances rectificative : le présent projet de loi ne n'entraîne pas en lui-même d'ouverture de crédits au bénéfice de la mission « Défense ».

I. LE RENFORCEMENT ET LA SÉCURISATION DES MOYENS FINANCIERS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (ARTICLE 2)

A. LA FORTE RÉDUCTION DE LA PART DES RECETTES EXCEPTIONNELLES DANS LE FINANCEMENT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE DÈS 2015

1. La sécurisation in extremis des ressources de l'exercice 2015
a) La renonciation à financer la défense grâce au produit de cession de la bande des 700 Mhz

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a adossé une part importante des ressources du ministère de la défense à des recettes exceptionnelles, en particulier, s'agissant de l'exercice 2015, le produit de la cession de la bande des fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz (dite « bande des 700 MHz ») libérée par les évolutions de format de la télévision terrestre numérique (TNT). Cette cession devait permettre au ministère de la défense de disposer de 1,57 milliard d'euros de crédits en 2015, à travers le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » (CAS « Fréquences »).

La loi de finances initiale pour 2015 a relevé cette prévision de 600 millions d'euros, portant les crédits inscrits sur le CAS « Fréquences » à 2,17 milliards d'euros quand, dans le même temps, les crédits de paiement de la mission « Défense » étaient réduits de 600 millions d'euros par rapport à la loi de programmation militaire.

L'actualisation de la LPM prévoit de sécuriser les ressources financières du ministère de la défense , en remplaçant par des crédits budgétaires les recettes exceptionnelles prévues sur CAS « Fréquences » .

Évolution de la structure des ressources financières
du ministère de la défense pour 2015 (périmètre LPM)

(en milliards d'euros)

2015

LPM

LFI

Actualisation

Crédits budgétaires

29,6

29

31,2

Ressources exceptionnelles

1,8

2,4

0,2

Total

31,4

31,4

31,4

Source : commission des finances du Sénat

Il faut rappeler que les lois de programmation n'ont qu'une valeur programmatique et ne procèdent pas à l'ouverture de crédits budgétaires, opération qui ne peut être réalisée que par une loi de finances.

Selon le ministère de la défense, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 sur la mission « Défense » seront donc complétés dans « la plus prochaine loi de finances rectificative ».

De même, « les lois de finances ultérieures accorderont des crédits budgétaires sur la mission «Défense» en substitution des recettes exceptionnelles initialement prévues, à l'exception des recettes des cessions immobilières et des recettes provenant de la cession de matériels ».

Le ministère de la défense indique même à votre rapporteur que « le CAS «Défense» sera lui supprimé au PLF 2016 » et qu'« en contrepartie, les produits de cession de la bande des 700 Mhz seront, le moment venu, affectés au budget général de l'État ».

b) L'abandon des sociétés de projet

En première lecture à l'Assemblée nationale, un article avait été introduit dans projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques afin de lever les obstacles juridiques à la mise en oeuvre de l'opération de cession-bail de matériel militaire à travers des « sociétés de projet ».

Au Sénat, cet article a été supprimé par votre commission spéciale, en raison des doutes sérieux qui entouraient ce montage.

À la suite du Conseil de défense du 29 avril 2015, le Gouvernement a renoncé à rétablir cet article, dont la suppression a été confirmée par le Sénat et maintenue par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Il n'est donc plus possible de mettre en oeuvre des sociétés de projet sur la base de matériels en service dans les forces.

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce dénouement, car il avait dès le début souligné les limites et les risques de cette solution.

Il convient cependant d'apporter plusieurs remarques.

Premièrement, l'obstination de Gouvernement à soutenir, contre toute évidence, que le produit de cession de la bande des 700 Mhz pourrait être perçu dès 2015, puis à vouloir mettre en place des sociétés de projet, dont toutes les analyses - y compris le rapport commandé à l'Inspection générale des finances (IGF), au Contrôle général des armées (CGA) et à la Direction générale de l'armement (DGA) - démontraient les inconvénients, a créé une incertitude dommageable quant à la capacité du ministère de la défense à engager ou poursuivre les programmes d'armement prévus par la LPM.

Deuxièmement, cette obstination a eu un coût direct, d'une importance relative eu égard aux sommes en jeu, mais qu'il faut signaler. En effet, le ministère de la défense a été amené à recourir à des prestations extérieures d'expertise en matière de conseil juridique et financier, ses services ne disposant pas de la compétence nécessaire dans ces domaines, ou étant insuffisamment dimensionnés au regard de l'ampleur du travail à conduire.

Selon la réponse du ministère au questionnaire que lui a adressé votre rapporteur pour avis :

« La prestation de conseil juridique (avantages des différentes formes de société, aspects bilanciels et fiscaux, gouvernance, statuts, relations bancaires, garanties nécessaires) a été confiée au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre (Paris), après mise en concurrence, au travers d'un marché notifié le 10 décembre 2014 ; le montant final de la prestation, après décompte de résiliation suite à son interruption, s'élève à environ 200 000 euros

Le contrat pour les prestations de conseil financier conclu initialement par l'Agence des participations de l'État avec EY (mandataire d'un groupement composé de EY et de Vocation Finance) s'est élevé à 70 000 euros HT. Le marché notifié le 17 mars 2015 par la Défense avec EY pour analyser le schéma retenu, approcher le marché bancaire et assister à la mise en place des sociétés s'est élevé à 69 800 euros HT. »

Enfin, le renoncement aux sociétés de projet comme instrument de financement des équipements de nos forces armées n'interdit pas la mise en place d'un dispositif commercial permettant de mettre en location des équipements neufs pour un pays tiers, possibilité évoquée à plusieurs reprises par le ministre de la défense. Interrogé par votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense indique que cette solution « reste pour le moment à un stade théorique ». Cependant, « l'État et les services du ministère de la défense se réservent la possibilité d'en étudier la mise en oeuvre si un tel projet survenait. Le dossier serait alors instruit avec toutes les parties concernées, y compris les partenaires privés à différents niveaux de l'opération ».

2. Des recettes exceptionnelles en baisse sur l'ensemble de la période de programmation

Au-delà de l'année 2015, le présent projet de loi substitue des crédits budgétaires à l'essentiel des recettes exceptionnelles prévues par la LPM, dont la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 avait encore accru le montant.

Les recettes exceptionnelles du ministère de la défense
pour la période 2015-2016

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

REX prévues par la LPM

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

4,36

REX prévues après la LPFP 2015-2017

2,4

1,88

1,55

0,28

0,15

6,26

REX prévues après l'actualisation

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : commission des finances du Sénat

Ce sont ainsi 3,4 milliards d'euros de crédits budgétaires, par rapport à la LPM, ou 5,3 milliards d'euros en tenant compte de la LPFP 2015-2017, qui viennent se substituer aux REX du ministère de la défense pour la période 2015-2019, essentiellement sur les trois premières années de celle-ci.

B. UNE HAUSSE SENSIBLE DES RESSOURCES FINANCIÈRES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE À PARTIR DE 2016

L'article 2 du présent projet de loi modifie l'article 3 de la LPM afin d'accroître de 3,8 milliards d'euros les ressources financières du ministère de la défense sur la période de programmation, sur la période 2016-2019.

Il convient de relever que les deux tiers de l'augmentation des ressources du ministère, soit 2,5 milliards d'euros, sont concentrés sur les deux dernières années de la programmation (2018 et 2019).

Trajectoire actualisée des ressources de la mission « Défense »,
hors charges de pensions

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

Majoration des crédits initiaux

0

0,6

0,7

1

1,5

3,8

Ressources totales actualisées

31,38

31,98

32,26

32,77

34,02

162,41

dont crédits budgétaires

31,15

31,73

32,11

32,62

33,87

161,48

dont ressources issues de cessions

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : commission des finances du Sénat

En additionnant ces ouvertures de crédits à celles venant en substitution de REX, on constate à quel point le revirement opéré par le Gouvernement est impressionnant : à quatre mois d'écart, entre le 29 décembre 2014, date de la publication de la LPFP 2015-2017, et le 29 avril 2015, date des annonces du Président de la République, ce sont 9,1 milliards d'euros de crédits budgétaires qui auront été ajoutés à la programmation des ressources du ministère de la défense pour la période 2015-2019.

Chronique de la charge budgétaire liée à l'actualisation de la LPM
(crédits de substitution au REX et crédits supplémentaires)

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Crédits budgétaires se substituant au REX (après LPFP)

2,17

1,63

1,4

0,13

0

5,33

Majoration des crédits initiaux

0

0,6

0,7

1

1,5

3,8

Charge budgétaire totale

2,17

2,23

2,1

1,13

1,5

9,13

Source : commission des finances du Sénat

Ceci induit un besoin de financement pour l'État dont le Gouvernement ne précise pas comment il sera couvert, même s'il faut noter que le renoncement à financer le ministère de la défense grâce aux recettes de cession de la bande de fréquences des 700 Mhz ne signifie pas que cette cession n'aura pas lieu. Comme indiqué précédemment, le produit de celle-ci sera, le moment venu, affecté au budget général. Une partie de la substitution de crédits budgétaires aux REX consistera donc en une opération de trésorerie.

Sur ce sujet, le Gouvernement a récemment indiqué que le prix de réserve de chacun des six blocs de fréquences à attribuer devrait s'établir à 416 millions d'euros, soit un total minimum de 2,5 milliards d'euros, le ministre de l'économie affirmant que ce prix, « qui sera le point de départ de l'enchère, est juste » et « reflète celui atteint en 2011 pour les fréquences du 1 er dividende numérique » 1 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que la programmation actualisée devra rapidement se concrétiser par des ouvertures de crédits, dont on ne sait si elles seront gagées par des économies supplémentaires sur les dépenses de l'État.

C. L'HYPOTHÈQUE LIÉE AUX EXPORTATIONS EST LEVÉE

La LPM 2014-2019 prévoyait que les exportations permettraient de réduire progressivement la cadence de livraison de Rafale, tout en maintenant le minimum de 11 avions produits par an nécessaire pour conserver la viabilité industrielle du programme.

Livraisons de Rafale : prévisions LPM 2014-2019

Source : ministère de la défense

On pouvait alors considérer que les hypothèses d'exportation qui déterminent le rythme de livraison prévu par la LPM de loi constituaient un aléa majeur pour l'équilibre financier de la programmation. En effet, comme l'expliquait le ministère de la défense : « Un retard dans la conclusion des contrats à l'exportation du Rafale nécessiterait d'avancer la livraison à la France d'avions aujourd'hui prévus au-delà de la période de programmation, afin de maintenir l'activité de production Rafale. Les conséquences financières de ces mesures seront à négocier avec l'industrie en fonction des conditions négociées avec le ou les pays clients et de l'évolution des perspectives d'exportation ultérieures ».

Sur la période, la LPM a prévu la livraison à l'exportation de 40 Rafale. Si la France avait dû finalement acquérir ces appareils, on estime qu'environ 4 milliards d'euros de ressources supplémentaires auraient dû être trouvées.

Les contrats d'exportation récemment conclus avec l'Égypte (24 appareils) et le Qatar (24 appareils) et l'annonce d'une commande par l'Inde de 36 appareils permettent de maintenir la charge de la chaîne industrielle Rafale et sécurisent la trajectoire financière de la LPM.

II. DES RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES VENANT FINANCER LA RÉDUCTION DE LA CIBLE DE DÉFLATION DES EFFECTIFS ET UN EFFORT EN DIRECTION DES EQUIPEMENTS (ARTICLE 3)

A. FACE À LA MENACE TERRORISTE, LA RÉDUCTION DE LA CIBLE DE DÉFLATION DES EFFECTIFS POUR RENFORCER LES CAPACITÉS DE PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL, DE CYBERDÉFENSE ET DE RENSEIGNEMENT

À la suite des attentats de janvier dernier, qui, en réponse, ont donné lieu au déploiement de l'opération Sentinelle afin de renforcer la sécurité sur le territoire national, le Conseil de défense du 29 avril 2015 a décidé une redéfinition du contrat opérationnel des forces terrestres. Celles-ci devront être capables de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu'à 10 000 hommes pendant un mois. En conséquence, le présent projet de loi prévoit de porter le format de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 hommes à 77 000 hommes.

Une priorité sera également accordée à la cyberdéfense et au renseignement.

Le rapport annexé au présent projet de loi indique ainsi que les moyens humains consacrés par le ministère de la défense à la cyberdéfense s'accroîtront d'au moins 1 000 civils et militaires sur la période 2014-2019 (contre 350 personnels supplémentaires prévus par la programmation initiale).

Des personnels supplémentaires ont d'ores et déjà été accordés à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et d'autres seront prochainement attribués à la Direction du renseignement militaire. Cette priorité se traduira également sur le plan des équipements, notamment en matière de drones et de satellites d'observation (cf. infra ).

Compte tenu de ces éléments, 18 750 équivalents temps plein 2 ( * ) (ETP) seront maintenus sur les 33 675 suppressions nettes de postes initialement prévues dans la LPM, soit une réduction nette des effectifs du ministère de la défense de 14 925 ETP sur la période 2014 et 2019.

8 007 suppressions nettes ayant déjà été réalisées en 2014, contre 7 881 prévues par la LPM, une réduction des effectifs de 6 918 ETP est programmée sur la période 2015-2019.

Toutefois, cette forte réduction de la cible de déflation ne se traduira que par une baisse de 10,5 % des suppressions de postes brutes, afin de compenser les créations de postes prévues dans le cadre du présent projet de loi, qui passeront de 206 ETP à 15 399 ETP.

Créations et suppressions de postes
de la trajectoire initiale et de la trajectoire actualisée de la LPM

(en ETP)

Trajectoire de déflation LPM

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total
2014-2019

Déflations LPM initiale

- 7 881

- 7 500

- 7 397

- 7 397

- 3 500

+ 0

- 33 675

dont création de postes réforme précédente (cyberdéfense)

+ 103

+ 103

+ 206

dont suppressions de postes initiales

- 7 881

- 7 500

- 7 500

- 7 500

- 3 500

+ 0

- 33 881

Déflations LPM actualisée

- 8 007

+ 0

+ 2 300

- 2 600

- 2 800

- 3 818

- 14 925

dont création de postes réforme précédente (cyberdéfense)

+ 103

+ 103

+ 206

dont créations de postes - renforcement renseignement (décision Premier Ministre)

+ 100

+ 85

+ 65

+ 250

dont autres créations de postes (FOT, soutien, PRODEF, cyber, RENS)

+ 7 400

+ 6 612

+ 651

+ 218

+ 62

+ 14 943

dont suppressions de postes actualisées

- 8 007

- 7 500

- 4 500

- 3 419

- 3 018

- 3 880

- 30 324

Source : ministère de la défense

En réponse à une question de votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense indique que « les travaux internes de répartition de cette trajectoire actualisée, entre les armées, directions et services du ministère, par catégorie d'emplois et par type de personnel (militaire et civil) sont en cours ».

Il précise néanmoins que « sur la durée de la loi de programmation militaire, la déflation des effectifs militaires est à ce stade d'environ 9 400, celle des effectifs civils de l'ordre de 5 500. En 2016, un accroissement en solde des effectifs militaires de près de 3 100 ETP permettra d'assurer la montée en puissance rapide de la FOT, la déflation des effectifs civils étant limitée à environ 800 ETP, soit 50 % de la déflation initialement prévue ».

On relèvera que la déflation des effectifs s'est effectuée, au cours de l'année 2014, selon la répartition suivante :

Évolution des effectifs du ministère de la défense en 2014,
par catégorie et par grade

(en ETP)

Ministère de la défense

Déflation annuelle, hors transferts,
au 31/12/2014

Officiers

- 936

Sous-officiers

- 2 576

Militaires du rang

- 2 763

Volontaires

- 154

Total Personnels militaires

- 6 429

Catégorie A

+ 12

Catégorie B

- 246

Catégorie C

- 305

Ouvriers d'État

- 1 039

Total Personnels civils

- 1 578

TOTAL GENERAL

- 8 007

Source : ministère de la défense

B. LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DE LA RÉDUCTION DE LA CIBLE DE DÉFLATION

Le ministère de la défense estime que les crédits supplémentaires de titre 2 nécessaires à cette nouvelle trajectoire en effectifs s'élèvent à 2,4 milliards d'euros sur la période 2016-2019. Il précise que « ces données sont en cours de fiabilisation sur la base de données plus précises sur les coûts par catégorie d'emploi ».

Le rythme annuel de ces besoins supplémentaires (hors contribution au CAS « Pensions ») est le suivant :

Source : ministère de la défense

À ces dépenses de personnel s'ajoutent des coûts de fonctionnement et d'activités opérationnelles.

Selon les estimations du ministère de la défense, le rythme annuel de ces besoins supplémentaires est le suivant :

Source : ministère de la défense

Au total, sur les 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires prévus pour la période 2016-2019, 2,8 milliards d'euros sont consommés par la seule réduction des objectifs de déflation des effectifs.

C. L'EFFORT SUR LES ÉQUIPEMENTS

La part des crédits supplémentaires qui ne sera pas consommée par la réduction des objectifs de déflation, soit un milliard d'euros, permettra d'accroître l'effort réalisé au profit des équipements, en acquisitions et en entretien.

1. L'effort sur les programmes d'armement

Le présent projet de loi prévoit un effort supplémentaire sur certaines capacités critiques notamment la composante « hélicoptères » (7 Tigres et 6 NH90 supplémentaires), la capacité de projection aérienne tactique (par l'achat de C-130 notamment) ou encore le renseignement (acquisition d'un troisième satellite MUSIS). En outre, la commande de 3 avions MRTT prévue initialement au-delà de la LPM sera anticipée en 2018, leur livraison devant intervenir en 2024 et 2025.

Le coût total de cet effort supplémentaire s'élève à 1,5 milliard d'euros sur la période 2016-2019, couvert pour 500 millions par des ouvertures de crédits et pour un milliard par le redéploiement d'économies liées à des prévisions plus favorables quant à l'évolution des indices économiques (prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, taux de change).

Selon les indications communiquées par le ministère de la défense à votre rapporteur, le coût d'acquisition des matériels sur la période 2016-2019 et leur calendrier de commande et de livraison, donné par paquet de programmes, serait le suivant :


Paquet frégates (FREMM, FTI et RMV FLF) - environ 150 millions d'euros

- L'objectif est de disposer à terme de 15 frégates de 1 er rang. La commande des premières Frégates de Taille Intermédiaire (FTI) est anticipée sur la période, avec une livraison de la 1 ère FTI prévue en 2023. Les premiers travaux d'études seront lancés dès fin 2015.


Paquet hélicoptères (TIGRE et NH90) - environ 485 millions d'euros

- 7 hélicoptères HAD supplémentaires seront commandés à court terme et livrés sur 2017-2019.

- Par ailleurs des roquettes de précision métrique seront commandées en 2019. Elles seront livrées et intégrées au-delà de 2019. Les travaux liés au développement, à la production et à l'intégration sur hélicoptère TIGRE d'un premier lot de roquettes débuteront dès 2016.

6 NH90 TTH supplémentaires seront commandés à court terme pour une livraison se déroulant de 2017 à 2019.


Paquet transport tactique (C130 et armement associé, MRTT) - environ 370 millions d'euros

- La mise à disposition, d'ici la fin de la période, d'une capacité de quatre C130, dont deux à capacité de ravitaillement d'hélicoptères, sera étudiée d'ici fin 2015.

- La commande de missiles destinés à équiper certains C130, ainsi que leur intégration sur avion sont prévues en début de période, pour une livraison avant fin 2019.

- La commande de 3 avions MRTT prévue initialement au-delà de la LPM sera anticipée en 2018. De même, leur livraison est anticipée en 2024 et 2025.


Paquet renseignement (MALE, MUSIS) - environ 125 millions d'euros

- La commande et la livraison d'une capacité charge utile ROEM sur drone REAPER sont prévues sur la période.

- La commande du 3 ème satellite MUSIS est prévue en 2015 ; la livraison interviendra postérieurement à la LPM 2014-2019.


Paquet mesures diverses - environ 275 millions d'euros

- 25 PDL NG supplémentaires seront commandés sur 2017-2018 ; leur livraison interviendra postérieurement à la LPM 2014-2019.

- Une première capacité de simulation et d'entraînement CERBERE sera commandée en début de période ; sa livraison interviendra à compter de 2019.

- Une première réponse pour faire face à la menace mini-drones sera mise en place avant la fin de l'année 2015.

- La commande et la livraison du 4 ème lot OPEX Rafale, prévues post LPM, sont anticipées sur la LPM.

- La LPM 2014-2019 prévoit l'acquisition ou l'affrètement de 8 BSAH, dont 2 militaires acquis en patrimonial au titre du programme d'armement. La commande de ces derniers est prévue en 2015. Dans le cadre de l'actualisation de la LPM, il est proposé l'acquisition patrimoniale de 4 BSAH militaires d'ici 2019. Le complément de la cible fera l'objet d'un affrètement.

- Un 4ème B2M sera commandé en début de période avec une livraison prévue avant la fin de la période.

- La composante VBL fera l'objet d'un effort de régénération dont le flux commencera dès le début de la période.

Source : ministère de la défense

Au-delà des coûts d'acquisition pour la période 2016-2019, ces décisions entraîneront des coûts de possession, au sujet desquels le ministère de la défense a répondu à votre rapporteur pour avis qu'il n'était pas en mesure de « fournir des éléments suffisamment étayés [...] à ce stade des travaux d'actualisation », ce que l'on peut regretter dès lors que l'on est au stade de l'examen du projet de loi portant cette actualisation.

2. Le renforcement des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels

La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 avait fait de la remontée de l'activité un de ses objectifs majeurs, ce qui impliquait un effort sensible sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements.

Cet effort, dimensionné au plus juste, s'est révélé très insuffisant face à un niveau des engagements opérationnels plus élevé que prévu, dont les conséquences sur le matériel sont aggravées par l'âpreté et l'étendue des théâtres d'opérations.

Le Conseil de défense du 29 avril 2015 a décidé qu'une dotation supplémentaire de 500 millions d'euros sur la période 2016-2019 serait consacrée à l'entretien des équipements.

Cela bénéficiera notamment aux équipements actuellement utilisés en opérations extérieures comme les hélicoptères (augmentation des capacités d'entrainement et taux de disponibilité en opération), les avions de transport tactique ou encore les avions de patrouille maritime (augmentation des taux de disponibilité et qualification des équipages en lutte ASM).

L'objectif est de préserver la remontée progressive des activités en améliorant d'environ 8 à 10 % la disponibilité des parcs les plus vulnérables, comme les aéronefs ou les véhicules de l'avant blindé (VAB).

Objectifs de l'effort supplémentaire en faveur de l'entretien des équipements

Milieu terrestre :

- régénération permettant la remontée du parc en exploitation (ligne) dont + 7 % sur les VAB ;

- disponibilité des matériels engagés en OPEX maintenue au niveau de 2014 ;

- activité maintenue de la FOT à 77 000 hommes.

Milieu aéronautique au profit des 3 armées :

- activité maintenue sur la trajectoire de remontée prévue en LPM, présentée lors des travaux d'actualisation du référentiel 2014 et 2015 (hors effets SOUTEX) ;

- remontée du parc en exploitation (ligne) pour les aéronefs concernés de 5 % à 10 % sur la période 2016-2019 permettant de tenir le niveau d'engagement opérationnel actuel (intensité et sévérité) sans augmentation de l'érosion organique.

Milieu naval :

- diminution du risque d'indisponibilité pour avarie sur segment SNA - PHM - CMT et patrouilleurs.

Source : ministère de la défense

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur la ventilation et le rythme de consommation des crédits supplémentaires, le ministère de la défense indique que « les chroniques financières sont en cours de consolidation ».

En tout état de cause, l'effort consenti était nécessaire, mais sans doute pas suffisant (cf. infra ).

D. L'ÉVOLUTION DES AGRÉGATS DE DÉPENSES

Il résulte de la programmation actualisée, et en particuliers des éléments exposés supra la répartition des dépenses suivante :

Agrégats de dépenses sur la période 2015-2019
(comparaison entre la LPM initiale et la LPM actualisée)

Source : ministère de la défense

Votre rapporteur pour avis juge favorablement cette évolution même si le budget du ministère de la défense reste fortement contraint compte tenu des besoins en équipements et du haut niveau d'engagement opérationnel des forces.

III. LES POINTS DE VIGILANCE

A. LES PRISES DE RISQUE DANS LA PROGRAMMATION DES FINANCEMENTS

1. Les recettes exceptionnelles restantes doivent être mieux garanties
a) Des cessions immobilières soumises au risque d'une décote

Le ministère de la défense indique attendre, au titre des encaissements des cessions immobilières, des recettes à hauteur d'au moins 624 millions d'euros sur la période 2015-2019. Les emprises parisiennes représentent environ les deux tiers du montant total attendu des cessions immobilières sur cette période.

S'agissant des cessions parisiennes, la caserne de la Pépinière a été cédée au titre de 2015 pour 118,5 millions d'euros.

La plus grande part des ressources attendues proviendrait de la cession de l'Hôtel de l'Artillerie (2016) et de l'Îlot Saint Germain (2017), libérés dans le cadre du déménagement des états-majors et services du ministère de la défense sur le site de Balard.

Comme le précise le ministère de la défense, « ces deux emprises sont situées dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7 ème arrondissement en cours de révision. Celui-ci définira les contraintes urbanistiques qui devront être prises en compte s'agissant notamment des éventuelles obligations de réalisation du logement social. Les prévisions de cession de ces deux emprises ont, en conséquence, été décalées par rapport aux prévisions établies dans le cadre de l'élaboration de la LPM ».

De même, pour ce qui concerne les cessions régionales, la principale incertitude, tant sur le plan calendaire que financier, concerne les terrains du ministère de la défense inscrits au plan de mobilisation du foncier de l'État en faveur du logement social.

Le ministère de la défense indique ainsi que « le prix de vente ne peut [...] être déterminé qu'en fonction du programme défini par l'opération et donc de la décote accordée par l'État, et l'élaboration de ces programmes d'aménagement nécessite parfois de longs mois d'étude ».

Dans le cadre de l'actualisation de la LPM, les prévisions de cessions pour les années 2015 à 2019 s'établissent comme suit :

En M€ courants

2015

2016

2017

2018

2019

TOTAL 2015-2019

PARIS

118,5

129

200

0

0

447,5

PROVINCE

50

48

49

48

20

215

TOTAL

168,5

177

249

48

20

662,5

Source : ministère de la défense

La prévision de consommation de ces produits de cessions, liée aux modalités de gestion du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », s'établit comme suit :

Source : ministère de la défense

À l'initiative de votre rapporteur pour avis, la commission des finances a adopté un amendement visant à exonérer les cessions immobilières du dispositif de décote mis en place par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite « loi Duflot ».

En effet, ce dispositif, qui permet que l'immobilier de l'État soit cédé avec une décote pouvant atteindre 100 % pour la construction de logements sociaux, entre en contradiction avec les prévisions de recettes du présent projet de loi. Ces prévisions seraient insincères si les cessions programmées par la LPM pouvaient être réalisées à vil prix. La dérogation proposée par l'amendement ne serait ainsi qu'une mesure de cohérence.

Votre rapporteur pour avis reconnaît qu'un dispositif de décote peut se justifier dans certaines situations s'il permet à des collectivités locales, qui autrement n'en auraient pas les moyens, d'assurer la construction de logements sociaux sur leur territoire.

Toutefois, il rappelle qu'il existe déjà un dispositif de cession à l'euro symbolique des biens immobiliers du ministère de la défense au bénéfice des collectivités locales les plus durement frappées par les restructurations militaires. L'amendement proposé ne remet pas en cause ce dispositif, qui a été reconduit par l'article 39 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

b) Les cessions de matériels

Le présent projet de loi prévoit que les recettes de cessions immobilières seront complétées par des cessions de matériels militaires.

Selon ministère de la défense, ces cessions pourraient porter sur :

- des matériels aéronautiques (des Mirage F1/EPSILON et, de manière moins probable des hélicoptères SA341 et 342), y compris des pièces de rechanges ;

- des matériels terrestres (des véhicules de transport ou de combat, des canons de 20 mm, des mortiers de 120 mm, des missiles Milan et des jumelles SOPHIE dont l'essentiel est cédé dans le cadre du soutien de l'Arabie saoudite aux forces armées libanaises) ;

- des matériels navals (des pièces détachées pour sous-marin et bâtiment de surface, des coques de 1 200 tonnes retirées du service, ainsi que le transport de chalands de débarquement Siroco).

c) La regrettable suppression de la clause de sauvegarde relative aux recettes exceptionnelles

L'article 3 de la loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit dispose que « dans l'hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel ».

L'article 2 du présent projet de loi tend à supprimer cette clause de sauvegarde.

Même si le montant global des recettes exceptionnelles a été réduit et le niveau des ressources du ministère de la défense relevé, votre rapporteur pour avis considère que le budget de la défense reste taillé au plus juste compte tenu des exigences supplémentaires qui lui sont imposées pour répondre à la dégradation de la situation sécuritaire extérieure et intérieure.

En outre, le niveau élevé du report de charges - 3,5 milliards d'euros fin 2014 - limite les marges de manoeuvre.

En conséquence, et compte tenu des autres points de fragilité de la programmation actualisée, notamment le financement des OPEX et les hypothèses optimistes sur l'évolution des indices économiques, la clause de sauvegarde portant sur les recettes exceptionnelles reste nécessaire.

Dans son rapport 3 ( * ) sur le présent projet de loi, fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, notre collègue députée Patricia Adam, présidente de ladite commission, explique elle-même que si « la part relative des ressources exceptionnelles dans la trajectoire financière de l'actualisation de la programmation militaire est bien moindre que dans la loi de programmation pour les années 2014 à 2015 et qu'en conséquence ces clauses de sauvegarde apparaissent moins nécessaires à l'équilibre général de la programmation militaire », « néanmoins, une clause de sauvegarde compensant par des crédits budgétaires une éventuelle absence de ressources exceptionnelles à hauteur de ce qui est inscrit dans la nouvelle programmation pourrait être mise en place utilement ». Elle précise même que « l es règles de recevabilité financière n'ont malheureusement pas permis de proposer une telle mesure par voie d'amendement » .

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, une demande de rapport du Gouvernement au Parlement sur l'opportunité d'une telle clause.

Votre rapporteur pour avis a proposé à votre commission des finances, qui l'a adopté, un amendement visant à rétablir cette clause de sauvegarde, dans le respect de l'article 40 de la Constitution 4 ( * ) . La demande de rapport serait en conséquence supprimée.

On peut relever que la prévision des recettes semble assez réaliste dans son montant, surtout si l'amendement de la commission des finances visant à exclure les cessions des immeubles affectés au ministère de la défense du champ du dispositif de décote prévu par la loi « Duflot » est adopté.

La principale incertitude pèse sur le calendrier des cessions. L'ampleur et la complexité des opérations à réaliser risquent en effet d'entrainer des retards.

Le plus probable est ainsi que l'activation de la clause de sauvegarde consiste, en cas de besoin, en une opération de trésorerie permettant de pallier un retard dans l'encaissement des recettes prévues.

2. L'aléa des économies fondées sur l'évolution favorable des indices économiques

La LPM 2014-2019 est la première à avoir été construite en euros courants. De ce fait, le ministère de la défense a assumé le risque des hausses des indices économiques dans une logique d'auto-assurance.

Les conséquences budgétaires de l'évolution de ces indices résultent notamment du fait que les marchés d'opérations d'équipement incluent à une formule de révision de prix, en raison de la durée de réalisation des marchés d'équipement et afin de ne pas faire porter sur les seuls fournisseurs le risque exogène de volatilité des coûts concourant à l'établissement des prix.

Or les indices économiques ont enregistré une hausse plus faible que celle prévue lors de la construction de la LPM.

Ce phénomène a été mesuré par une mission conjointe, inspection générale des finances (IGF) et contrôle général des armées (CGA).

Selon les indications du ministère de la défense, cette mission a évalué à 2,9 milliards d'euros sur la période 2014-2019 les gains dégagés par l'évolution des indices.

Le ministère de la défense a expliqué à votre rapporteur pour avis « avoir pris en compte d'emblée, dans des travaux internes antérieurs à l'actualisation, un impact positif de 1,45 milliard d'euros, qui a permis de compenser certaines charges additionnelles à la LPM qui n'avaient pu être évaluées lors de la construction, soit parce qu'elles n'étaient pas identifiées alors, soit parce qu'elles avaient été évaluées sommairement (impact de l'évolution réglementaire, aléas sur les programmes, charges fiscales, conséquences des exportations, etc.) ».

Ce gain de 1,45 milliard d'euros a ainsi déjà été « consommé » ou affecté à des charges imprévues subies par le ministère de la défense.

À partir des marges de manoeuvre restantes, le présent projet de loi propose d'affecter un milliard d'euros à des opérations d'armement prioritaires.

Questionné par votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense affirme que « le solde est laissé au bénéfice de certains agrégats, comme les études, afin de contribuer à financer les besoins existants dans ces domaines essentiels pour la LPM et particulièrement stratégiques ».

On observe donc que le risque supplémentaire porté par le ministère de la défense par rapport à la LPM 2014-2019 excède le milliard d'euros mis en avant par le Gouvernement dans sa présentation du présent projet de loi.

Or, comme l'a expliqué Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi 5 ( * ) : « La décision de redéployer ces crédits ne laisse aucune marge en cas de reprise de la progression des indices économiques : à défaut d'obtenir dans ce cas un abondement des crédits du programme 146, il faudrait inévitablement redéfinir une partie du contenu physique de la LPM. En outre, ces redéploiements constituent une prise de risque sur les conditions de lancement des opérations puisque, pour une part significative, ils reposent sur les enveloppes financières des programmes futurs, lesquels n'ont pas encore de contenu précis et ne font donc pas l'objet de devis. »

Il y a donc lieu d'exercer une vigilance particulière quant à l'évolution effective des indices économiques qui entrent dans la structure de coût du ministère de la défense.

B. LA SOUS-ÉVALUATION DE CERTAINES DÉPENSES

1. Les surcoûts liés aux dysfonctionnements du système de paie « Louvois »

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le total des versements indus causés par les dysfonctionnements du système de paie Louvois a été de 77,223 millions d'euros. Ces versements indus ont été en partie compensés par 42 millions d'euros de recouvrements en 2014 au titre de la campagne 2013.

Toutefois, le ministère de la défense précise que « compte tenu des autres dysfonctionnements constatés (avances versées au titre de la mobilité outre-mer et étranger ou d'une mission en OPEX et non récupérées avant la fin de l'année, écarts décaissé/liquidé avant imputation, avances spécifiques au titre du plan d'urgence ministre et d'opérations comptables de régularisation d'historiques), l'impact total à couvrir en 2014 s'est élevé in fine à 130 millions ».

Pour 2015, le ministère explique avoir intégré dans ses prévisions budgétaires « un montant conservatoire de 82 millions d'euros au titre des récupérations d'indus versés au titre des campagnes antérieures ».

En revanche, « dans la perspective de la résorption progressive des dysfonctionnements, comme de l'amélioration de la récupération en flux des indus versés, aucun nouvel indu, ni nouvelle imputation budgétaire, ne sont prévus, pour 2015 et au-delà, au titre des dépenses prévisionnelles ».

Votre rapporteur pour avis observe donc que le ministère de la défense pense récupérer en 2015 des indus pour un montant représentant le double de celui de 2014 mais ne subir aucun surcoût.

Ces prévisions semblent particulièrement optimistes.

Par ailleurs, le ministère de la défense indique que le remplacement, à terme, de Louvois (projet Source solde) sera financé, comme les autres charges additionnelles intervenues depuis le vote de la LPM, dans une logique d'auto-assurance, « par redéploiement ou par l'effet favorable des indices économiques ».

Compte tenu des tendances au dérapage du coût des grands projets informatiques menés par l'État, cette affirmation n'est pas de nature à rassurer, d'autant que les économies réalisées grâce à « l'effet favorable des indices économiques » sont déjà largement affectées au financement d'autres dépenses.

2. Le surcoût OPEX et la contribution de la mission « Défense » à la solidarité interministérielle
a) La sous-estimation du surcoût OPEX

Le « surcoût OPEX » ne représente pas l'intégralité du coût des opérations, mais les dépenses supplémentaires liées aux OPEX, composées « de coûts de rémunérations et charges sociales (personnel militaire et personnel civil de recrutement local), de transport stratégique, de contrats d'externalisation, de contributions aux budgets des opérations militaires de l'UE et de l'OTAN et de surcoûts de fonctionnement. Ces derniers représentent la différence entre les coûts de fonctionnement des unités déployées en opération extérieure et les économies réalisées en métropole du fait de l'absence de ces unités » 6 ( * ) .

La LPM 2014-2019 prévoyait un surcoût OPEX de 450 millions d'euros par an, constant sur la période. Ce niveau était déjà optimiste. Il est désormais clairement irréaliste. Pour mémoire, le surcoût OPEX s'est établi en 2014 à 1,12 milliard d'euros.

Évolution du surcoût OPEX depuis 2007, en prévision et en exécution

(en millions d'euros)

Pourtant, le présent projet de loi maintient dans la programmation actualisée une provision annuelle de 450 millions d'euros.

b) La non-prise en compte de la contribution du ministère de la défense à la solidarité ministérielle

La sous-estimation du surcoût OPEX est assortie d'une disposition prévoyant qu'un éventuel dépassement de la provision fera l'objet d'un financement interministériel 7 ( * ) .

Cette garantie, imprécise, est toute relative, le Gouvernement déterminant la contribution de chaque ministère à ce financement, y compris celle du ministère de la défense.

En effet, alors que cela n'avait pas clairement transparu dans les débats parlementaires, le Gouvernement a considéré que ce financement interministériel s'effectuait dans le cadre plus large de la solidarité interministérielle, qui couvre également les besoins d'autres ministères et à laquelle la mission « Défense » contribue, en principe à proportion de son poids dans le budget général, et en pratique au-delà de ce poids selon la Cour des comptes (cf. tableau ci-dessous, les annulations excédentaires étant estimées à 79 millions d'euros).

Part des annulations des crédits de la mission « Défense »
en fin de gestion

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014, mission « Défense »

NB : missions RDEFE = missions « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État ».

Ainsi, les annulations de crédits de fin de gestion ont amputé le budget de la défense, essentiellement sur le programme 146 « Équipement des forces », de 650 millions d'euros en 2013 et 400 millions d'euros en 2014, montant qui s'ajoute à l'annulation de 202 millions d'euros en loi de finances rectificative du 8 août 2014 au titre de la participation à la baisse des dépenses de l'État. Sur ces montants, respectivement 111 millions d'euros en 2013 et 120 millions d'euros en 2014 sont directement liés au financement du surcoût OPEX.

Interrogé sur le fait de savoir si la contribution à la solidarité interministérielle, charge récurrente, était prise en compte par le présent projet de loi, le ministère de la défense a confirmé à votre rapporteur pour avis que « cette contribution étant par nature aléatoire et imprévisible, elle ne peut être prise en compte ab initio dans le besoin de financement du ministère de la défense exprimé dans la loi pour la période de programmation. Elle a vocation, comme par le passé, à être traitée le cas échéant en gestion » .

c) La nécessité d'une sanctuarisation effective des ressources de la défense

De fait, ce mécanisme permet au Gouvernement de subvertir les fortes garanties dont le législateur a voulu, dans un large consensus politique, entourer les ressources de la défense.

En outre, s'agissant spécifiquement de la part prise par le ministère au financement du dépassement de la provision OPEX, il en résulte une situation paradoxale : le fait même que le contexte international et la dégradation sécuritaire imposent des interventions militaires sur des théâtres extérieurs contribue à dégrader les ressources que la France consacre à sa défense. Plus la France s'engage dans des opérations extérieures, plus elle rogne les moyens matériels et financiers de ses armées. Dans ces conditions il semble difficile de parler de sanctuarisation du budget de la défense.

Ce mécanisme revient à mettre une partie du surcoût OPEX à la charge du ministère de la défense, ce qui n'est pas conforme à l'intention ni à la lettre de la loi de programmation militaire.

C'est pourquoi votre commission des finances, à l'initiative de son rapporteur pour avis, a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que le ministère de la défense ne contribue pas au financement interministériel du dépassement de la dotation annuelle au titre des opérations extérieures .

On observera qu'une question similaire se posera sans doute pour le financement des opérations intérieures, l'opération Sentinelle ayant révélé qu'elles pouvaient également représenter un coût important pour la mission Défense. Dans son rapport précité, notre collègue députée Patricia Adam considère ainsi « de la plus haute importance que les surcoûts liés aux missions intérieures fassent, sur le même mode que les OPEX, l'objet d'un financement interministériel ».

De fait, le surcoût 2015 est estimé à environ 260 millions d'euros (dont 100 millions d'euros de dépenses de personnel) non couverts par la LPM 2014-2019.

3. La prise en compte partielle du « passif » d'entretien des matériels engagés en OPEX

Les conditions d'emploi et l'âge des matériels, et particulièrement de ceux déployés sur des théâtres extérieurs, créent d'importants besoins de maintenance.

À titre d'exemple, les avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) ont pour mission permanente d'escorter les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins près des côtes bretonnes, mais sont également employés en opérations extérieures à des fins de renseignement. Cela a notamment été le cas au Mali, où les ATL2 ont largement été employés, notamment pour des missions des missions ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance), mais également en Irak, dans le cadre de l'opération Chammal.

La modernisation de ces avions, dont l'âge moyen s'établit à 22 ans, a été tardivement engagée, alors qu'ils sont particulièrement sollicités.

Lors de son audition par la commission de la défense de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la Marine nationale (CEMM), a ainsi indiqué que « leur taux de disponibilité ne s'élève qu'à 25 %, ce qui n'est pas satisfaisant. La rénovation engagée les accapare, tandis que la surchauffe opérationnelle, au Sahel et en Irak, explique également ce faible taux. Moins les avions disponibles sont nombreux, plus vite ils s'usent dans des rotations » 8 ( * ) .

« Seuls deux Atlantique 2 rénovés seront livrés au cours de la LPM au lieu de quatre en raison des retards industriels dans la rénovation. Le nombre final d'Atlantique 2 rénovés, qui est de quinze, ne change pas »

Devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le 10 juin dernier, le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, a quant à lui expliqué que « le caractère abrasif des sables du Sahel et du Levant, de la rocaille des massifs du nord du Mali et de la latérite centrafricaine, conjugués aux vents violents, à la chaleur et aux amplitudes de température de ces théâtres, provoquent [...] une usure accélérée de nos matériels . Pour les vecteurs aériens, notamment les hélicoptères, ces conditions extrêmes provoquent une dégradation accélérée des ensembles mécaniques. Pour les matériels terrestres, 20 % d'entre eux qui rentrent en panne de retour de l'opération Barkhane sont irréparables . »

Il a ainsi alerté sur le fait que « sans moyens financiers supplémentaires pour régénérer ces matériels, et considérant leur âge, le maintien du niveau d'engagement actuel se traduirait à court terme par une diminution rapide de plusieurs parcs, dont les avions de transport tactique et de patrouille maritime, les hélicoptères de manoeuvre et les véhicules blindés », précisant même que « sans moyens financiers supplémentaires pour l'entretien des matériels, nous mettons en danger notre personnel ».

Or, d'après le chef d'état-major des armées, les 500 millions d'euros sur la période 2016-2019 constitue un minimum, « car actuellement, nous consommons plus vite que nous sommes capables de régénérer ». Devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, il a plus crûment affirmé : « Avec 500 millions d'euros, ce sera juste » 9 ( * ) , précisant ne pas savoir « si les 500 millions d'euros suffiront, car les besoins sont importants ».

De fait le ministère de la défense a indiqué à votre rapporteur pour avis que « dans le cadre des travaux d'actualisation de la LPM 2014-2019, l'EMA a établi la liste des besoins d'EPM prioritaires à hauteur de 800 millions d'euros permettant de régénérer les matériels afin d'assurer le maintien dans la durée du haut niveau de nos engagements opérationnels en consolidant les capacités opérationnelles les plus fortement sollicitées ».

Conformément à l'arbitrage du Conseil de défense du 29 avril 2015, les ressources nouvelles consacrées à l'entretien des équipements sont finalement limitées, dans le cadre du présent projet de loi, à 500 millions d'euros.

Compte tenu des enjeux soulignés par le chef d'état-major des armées, ce décalage ne laisse pas d'inquiéter.

Sous un angle plus proprement financier, il conviendra également de suivre cette question avec attention, car l'usure des matériels ne se voit pas sur le plan budgétaire tant que les réparations ne sont pas effectuées, mais représente bien une consommation des ressources de l'État. Indolore sur le coup pour le budget de l'État, cette usure constitue en réalité un passif qui s'accumule, et donc une dépense différée, car il faudra bien reconstituer ces ressources matérielles si l'on souhaite maintenir les capacités opérationnelles de nos troupes.

Il serait enfin utile d'engager une réflexion sur l'opportunité d'inclure dans le calcul du surcoût OPEX l'usure accélérée des équipements et leur remise à niveau.

C. LA POURSUITE DU DÉPYRAMIDAGE

Les objectifs de dépyramidage fixés dans le cadre de l'actuelle programmation sont apparus en 2014 particulièrement délicats à mettre en oeuvre.

En réponse à une interrogation de votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense indique que la « LPM actualisée réaffirme l'objectif ministériel de dépyramidage des effectifs militaires du ministère de la Défense. Le ratio d'officiers au regard de la population des militaires diminuera, et l'effort portera plus particulièrement sur la réduction du nombre des officiers supérieurs ».

Ainsi, le tableau ci-dessous « esquisse le projet de la nouvelle trajectoire de déflation des officiers » :

Trajectoire ministérielle

2014

2015

2016

2017

2018

2019

TOTAL DEFLATION

Déflation Officiers

- 936

- 630

- 50

- 179

- 202

- 303

- 2 300

Déflation totale

- 8 007

+ 0

+ 2 300

- 2 600

- 2 800

- 3 818

- 14 925

Source : ministère de la défense

Le ministère indique par ailleurs que « dans le cadre de la manoeuvre RH du personnel militaire, fondée sur une gestion de flux consubstantielle au principe de jeunesse, le dépyramidage visé n'est atteignable d'ici 2019 qu'avec le maintien des aides au départ. En effet, les évolutions d'effectifs prévues impliquent de supprimer des postes de «seniors», pour recruter de jeunes officiers dans le cadre de l'accroissement des effectifs de la Force opérationnelle terrestre (FOT). Cette manoeuvre n'est réalisable qu'en augmentant le nombre des départs, grâce au plan d'accompagnement des restructurations, qui doit être maintenu à son niveau actuel puisque les objectifs de déflation restent similaires dans les hauts de pyramide.

« Par ailleurs, les projections de départs naturels par atteinte de la limite d'âge ont été réduites du fait du recul de l'âge de la retraite depuis la réforme de 2010, un effet « retard » qui demeurera sensible jusqu'en 2016 inclus. Les aides au départ permettent ainsi de compenser cet effet par des départs anticipés durant la phase transitoire de cette réforme.

« Dans ces conditions, les aides au départ conditionnent directement le maintien d'un flux de départs permettant le recrutement des jeunes nécessaires aux armées, directions et services.

« Pour le personnel civil, un rééquilibrage s'opèrera entre catégories d'emplois avec une réduction des effectifs des ouvriers de l'État et un renforcement des catégories A et B, lié notamment aux besoins nouveaux. »

D. LES TENSIONS SUR L'EXÉCUTION 2015

Le retard dans la mise en oeuvre effective des arbitrages budgétaires du 29 janvier dernier, qui s'ajoute aux surcoûts des opérations extérieures et intérieures (opération Sentinelle) risque de conduire à de fortes tensions de trésorerie pour la mission « Défense », qui enregistre déjà un niveau de report de charges élevé (3,5 milliards d'euros au 31 décembre 2014). Une augmentation de ce report serait difficile à supporter pour les fournisseurs du ministère de la défense et compromettrait l'exécution de l'annuité 2016 de la programmation.

Si le Gouvernement ne dépose rapidement de projet de loi de finances rectificative, deux mesures différentes pourraient remédier à ces difficultés : une levée anticipée de la réserve de précaution pour la mission « Défense » (2,2 milliards d'euros en AE et 1,5 milliard d'euros en CP) ou un décret d'avance anticipé.

À défaut, les livraisons et commandes de matériels serviraient de variable d'ajustement, compromettant dès le départ la bonne exécution du présent projet de loi.

Quoi qu'il en soit, la fin de gestion de l'année 2015 sera déterminante pour une bonne exécution du présent projet. La situation est d'autant plus aiguë qu'il n'existe pas de marges pour faire face à des aléas.

Ainsi, si les crédits mis en réserve, « gelés » ou « surgelés », n'étaient pas rendus disponibles rapidement, le ministère de la défense risquerait, comme la DGA en 2014, de se trouver en « cessation de paiement » en cours d'année. Le report de charges augmenterait, fragilisant le budget 2016.

IV. LA NÉCESSITÉ DE CONFORTER LA FONCTION DE CONTRÔLE DU PARLEMENT EN PERMETTANT AUX COMMISSIONS PARLEMENTAIRES DE PROVOQUER LA SAISINE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

À l'initiative de votre rapporteur pour avis, votre commission des finances a adopté un amendement visant à ouvrir aux commissions parlementaires (permanentes, spéciales ou d'enquête) la procédure qui permet aujourd'hui aux juridictions françaises de demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification (articles L. 2312-1 et suivants du code de la défense nationale).

Cette procédure prévoit qu'une telle demande entraîne la saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), qui rend un avis dont le sens peut être « favorable », « favorable à une déclassification partielle » ou « défavorable ».

Le sens de l'avis ne lie pas l'autorité administrative ayant procédé à la classification, mais est communiqué à l'organe qui a fait la demande de déclassification et est publié au Journal officiel .

L'objectif de la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998, qui a créé cette procédure en instituant la CCSDN, était de concilier la protection du secret de la défense nationale et l'exigence de transparence nécessaire à la bonne marche de la justice. La solution retenue protège les prérogatives de l'exécutif tout en donnant un droit de regard à une entité tierce - la CCSDN - sur la nécessité de la classification décidée par une autorité administrative.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011 a rappelé que « tant le principe de la séparation des pouvoirs que l'existence d'autres exigences constitutionnelles » imposent « d'assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que la recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ».

Le principe de séparation des pouvoirs ainsi que d'autres exigences constitutionnelles - telles que celles énoncées à l'article 24 de la Constitution, qui prévoit que le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques », ou encore aux articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui disposent que « tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi (...) » et que « la société a la droit de demander compte à tout agent public de son administration » - imposent de la même manière d'assurer une conciliation entre les exigences liées à la fonction de contrôle du Parlement et celles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

Aujourd'hui, cet équilibre n'est pas assuré. En effet, l'effectivité des pouvoirs de contrôle du Parlement et de ses organes est subordonnée à une décision administrative, sans possibilité de recours ni de contestation.

De ce fait, le secret de la défense nationale peut être détourné de sa finalité - la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation - afin de faire obstacle à la mission de contrôle du Parlement.

Le risque de détournement n'est pas théorique, comme l'a montré la classification du rapport réalisé l'an dernier par l'Inspection générale des finances (IGF), le Contrôle général des armées (CGA) et la Direction générale de l'armement (DGA) sur les recettes exceptionnelles du ministère de la défense, très défavorable aux sociétés de projet que le Gouvernement voulait mettre en place dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Votre rapporteur pour avis, qui a finalement reçu transmission de ce document mais n'a pu faire état de son contenu précis du fait de son caractère secret, a demandé au ministère de la défense d'en justifier le classement intégral en « confidentiel-défense » et d'expliquer en quoi les analyses juridiques sur le caractère consolidant ou non des sociétés de projet nécessitaient d'être classifiées.

La réponse a été la suivante : « La décision de classifier « confidentiel défense » le rapport IGF-DGA-CGA sur les ressources exceptionnelles de la loi de programmation militaire 2014-2019 de juillet 2014, dit « rapport Charpin », relève du ministre émetteur du document considéré. En l'espèce, elle a été motivée par le souci d'éviter la divulgation d'informations destinées à éclairer les arbitrages en Conseil de défense du Président de la République, comme c'est au demeurant la règle pour les documents préparatoires aux conseils de défense. »

La procédure dérogatoire que représente la classification « secret défense » est justifiée par l'exigence constitutionnelle de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation. Une décision de classification fondée sur tout autre motif constitue un détournement de pouvoir. Même lorsque des informations sont destinées à éclairer les arbitrages en Conseil de défense du Président de la République, elles ne peuvent à bon droit faire l'objet d'une décision de classification si cette dernière n'est pas strictement nécessaire à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

En l'espèce, le rapport « Charpin » a simplement contribué à l'arbitrage que tend à mettre en oeuvre le présent projet de loi, qui fait l'objet d'un débat public.

Ses développements consacrés au besoin de financement du ministère de la défense ne sont pas plus détaillés qu'un projet annuel de performance, document éminemment public.

Quant aux analyses relatives au caractère consolidant de l'opération de cession-location de matériels militaires (consistant essentiellement à rappeler la position constante d'Eurostat) et à son intérêt financier, la nécessité de les classifier pour sauvegarder les intérêts fondamentaux de la Nation peut soulever des doutes légitimes.

À la connaissance de votre rapporteur pour avis, la divulgation de ces analyses par la presse n'a pas porté atteinte à la sécurité nationale et n'a d'ailleurs pas conduit à l'engagement de poursuites pénales.

« Ce rapport secret qui étrille le montage financier de Le Drian »

(extrait de l'article publié le 28 janvier 2015 par l'hebdomadaire Challenges )

« Co-signé en juillet par la Direction générale de l'armement, le Contrôle général des armées et l'inspection des Finances, ce document, que "Challenges" a pu consulter, émet un avis "très défavorable" à tout projet de location de matériel militaire.

« L'idée, qui consiste à créer des sociétés à capitaux majoritairement publics pour racheter aux armées des équipements (avions de transport, frégates, radars, etc.) et leur relouer immédiatement, a été envisagée dès le Conseil de défense du 17 juillet 2013. Elle a été confirmée par François Hollande lors de ses voeux aux armées le 14 janvier et sera discutée dans les prochains jours par les députés via un amendement à la loi Macron.

« Tout de la potion magique

« Sur le papier, la solution a tout de la potion magique. Elle permet au ministère de la Défense d'encaisser les 2,2 milliards d'euros qui lui manquent pour boucler son budget 2015 et de ne plus payer que des loyers étalés sur des années. Dans les faits, elle relève d'un montage "aléatoire, complexe, risqué et coûteux", selon le diagnostic commun des hauts fonctionnaires de Bercy et du ministère de la Défense. Sa réalisation serait "de nature à faire courir de grands risques financiers au ministère de la Défense sans que les objectifs soient nécessairement atteints".

« A lire le rapport, rien ne justifie une telle acrobatie comptable. L'Insee et Eurostat ne seraient pas dupes et rebasculeraient les dépenses des sociétés dans le déficit public. Pis, cela engendrerait des "surcoûts substantiels", via les coûts de gestion des sociétés, l'assurance des matériels, le coût des garanties, la TVA payée sur les loyers ou les charges d'intérêts plus élevés que les emprunts d'État... La participation éventuelle d'actionnaires privés - industries d'armement en tête - nécessiterait de les rémunérer et "risquerait de faire perdre au ministère de la Défense la pleine maîtrise des équipements concernés". »

Au-delà de ce cas d'espèce, la situation actuelle ne semble pas conforme à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

C'est ce à quoi l'amendement adopté par votre commission des finances tend à remédier.

Il faut relever que lors de l'examen de la loi du 8 juillet 1998, le Sénat avait adopté un amendement en ce sens, à l'initiative de nos anciens collègues Nicolas About, rapporteur pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Cette modification avait constitué la pierre d'achoppement des commissions mixtes paritaires réunies sur ce texte. Le dernier mot étant revenu à l'Assemblée nationale, elle avait finalement été supprimée.

Extraits des rapports de notre ancien collègue Nicolas About, fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi instituant une commission consultative du secret de la défense nationale

1) Rapport de deuxième lecture (n°422, session 1997-1998)

« Elargir les compétences de la commission consultative du secret de la défense nationale

« Le Sénat n'a pas, dans sa majorité et malgré quelques réserves, contesté l'intérêt d'une instance indépendante nouvelle, à même de concilier la légitime requête d'un juge dans sa recherche de la vérité et la non moins légitime protection dont doivent faire l'objet les documents sensibles pour la défense nationale. Le Sénat a toutefois souhaité élargir les compétences de la commission consultative à d'autres hypothèses où le secret défense pourrait être opposé à une institution, et notamment aux requêtes formulées par une commission parlementaire.

« Deux raisons au moins plaident en faveur d'une telle disposition.

« - La première raison renvoie à l'avis formulé par le Conseil d'État lui-même dans son rapport de 1995 et sur lequel s'appuie l'exposé des motifs du projet de loi. Si le Conseil d'État préconisait la création d'une commission du secret de la défense, c'était, à ses yeux, " pour satisfaire à la règle d'accès indirect aux données couvertes par le secret défense, quelles que soient les circonstances où se trouve posé un problème touchant à celui-ci (...) y compris, en cas de litige devant la juridiction administrative ou judiciaire. "

« Le Conseil d'État n'entendait donc pas limiter a priori les compétences de la future commission aux seules procédures engagées devant les juridictions. Le Sénat partage cette ambition que le projet de loi initial ne retenait pas.

« - La seconde raison se fonde sur l'accroissement -modeste- des pouvoirs de contrôle du Parlement qui pourrait résulter de la possibilité ainsi donnée à une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine. Loin de modifier l'équilibre institutionnel actuel, aucun "droit" à déclassification n'étant évidement reconnu, un tel dispositif laisserait à l'autorité en charge de la classification toute latitude, pour décider, in fine, de ce qu'il lui paraît approprié de faire.

« La critique selon laquelle une telle disposition aboutirait à "politiser" toute demande de déclassification par une commission parlementaire ne peut être valablement retenue. Le caractère "politique" de telles affaires ne provient pas de l'auteur de la demande de déclassification, mais bien des caractéristiques inhérentes à l'affaire elle-même. À cet égard, qui pourrait ne pas constater le caractère "politique" de tel ou tel dossier où la justice a eu - ou a encore en ce moment même - l'occasion d'être confrontée au secret de la défense nationale ? »

2) Rapport de nouvelle lecture (n°501, session 1997-1998)

« Dès la première lecture au Sénat, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et votre commission des lois avaient inscrit dans le texte la possibilité, pour une commission parlementaire, de bénéficier, à l'instar d'une juridiction française, de la procédure de saisine de la commission consultative. Cette faculté était ouverte aux commissions parlementaires dans les conditions fixées aux articles 5 bis, 5 ter ou 6 de l'ordonnance n° 58-1100 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux assemblées parlementaires.

« Pour le Sénat, cette disposition demeure importante car elle est de nature à conférer à la future commission consultative un rôle central dans la détermination des principes généraux qui peuvent guider la démarche de déclassification, par l'autorité administrative, d'informations sensibles lorsque leur communication est demandée par les deux institutions qui peuvent légitimement avoir à en connaître : une juridiction et une commission parlementaire.

« Une telle disposition ne compromet pas l'actuel équilibre entre le pouvoir exécutif d'une part -qui reste discrétionnairement maître de la classification et de la déclassification- et d'autre part le pouvoir judiciaire et le Parlement, dans l'exercice, par ce dernier, de son pouvoir de contrôle. Ce pouvoir n'est certes pas formellement accru et la norme en la matière demeure l'ordonnance du 17 novembre 1958. Toutefois les modalités de ce pouvoir de contrôle peuvent se trouver enrichies par la faculté qui lui serait ainsi reconnue de bénéficier de la procédure de transparence mise en place par le présent texte.

« Nos collègues députés ont notamment objecté à cette proposition que les commissions parlementaires pouvaient déjà obtenir directement, à leur demande, la déclassification de certaines informations sensibles de la part de l'autorité administrative responsable. Toutefois, si cette objection sous-entend que le recours à la Commission consultative au profit d'une commission parlementaire serait dès lors superflu, reconnaissons qu'il en est de même aujourd'hui à l'égard d'une juridiction, comme le démontre la récente décision du Premier ministre de lever directement le secret défense sur les informations demandées par le juge d'instruction dans l'affaire dite des "écoutes téléphoniques". En réalité la mise en place de la Commission consultative permettra de conforter la transparence et de prévenir les abus au profit tant d'une juridiction que d'une commission parlementaire.

« Enfin votre rapporteur considère qu'un tel dispositif ne contribuerait pas, contrairement à une critique fréquemment avancée, à "politiser" la démarche de déclassification ou de maintien de la classification. C'est bien davantage la nature du dossier qui lui confère ou non son caractère politique que l'auteur de la demande de déclassification, juridiction ou commission parlementaire. »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE DE LA DÉFENSE

Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 et sur le projet de loi n° 494 (2014-2015), actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Mme Michèle André , présidente . - Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue et sommes sensibles au fait que vous ayez pu vous libérer. Nous vous entendons dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement du budget 2014. Notre commission est également saisie pour avis du projet de loi visant à actualiser la loi de programmation militaire (LPM) 2015-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Toutes les informations que vous pourrez nous donner seront précieuses.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. - Comme vous le savez, la loi de programmation militaire a significativement renforcé le contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation, dans ses dimensions financières, capacitaires, industrielles et sociales. Son article 10 prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la loi de finances avant le débat d'orientation des finances publiques. L'article 8 ajoute à cela une présentation semestrielle aux commissions compétentes d'un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission défense. Ces documents sont en cours de finalisation dans les délais prévus, c'est-à-dire pour la fin du mois de juin. Il n'est malheureusement pas possible de les produire avant cette date.

L'année 2014 a été marquée par plusieurs événements majeurs. Sur le plan opérationnel, les engagements sont importants. L'année 2014 a connu à la fois la fermeture de trois théâtres d'opérations extérieures, Afghanistan, Kosovo et Côte d'Ivoire, la réduction drastique de notre participation à Atalante, mais aussi la montée en puissance de l'opération Barkhane sur l'ensemble du Sahel, le déclenchement de l'opération Chammal contre Daesh en Irak, la prolongation de Sangaris en République centrafricaine, les mesures de réassurance en Europe de l'Est ou encore l'opération Tamarin en Guinée.

Dans le domaine capacitaire, l'année 2014 s'est traduite par le lancement de programmes structurants pour les armées, en particulier le programme de modernisation Scorpion, l'avion ravitailleur A330 MRTT, le missile océanique stratégique M51.3 ou encore la commande du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda. Cette année a également marqué la fin des renégociations de contrats prenant en compte les orientations de la LPM.

Sur le plan organique, nous avons poursuivi les chantiers de réforme du ministère : au 31 décembre, plus des deux tiers des mandats de réforme étaient au stade de la mise en oeuvre. La transformation du soutien interarmées, dans une logique dite de bout en bout, s'est traduite par le placement des groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) sous l'autorité hiérarchique du service du commissariat des armées.

Au plan financier, l'exécution 2014 s'établit à 31,5 milliards d'euros, comme en 2013. Au sein de ce total, les dépenses de personnel s'élèvent à 11,1 milliards d'euros, en baisse de 0,3 milliard par rapport à 2013. L'effort de maîtrise de la masse salariale du ministère porte ses fruits avec cette deuxième baisse consécutive. La cible de déflation d'effectifs a été respectée, avec 8 007 réductions de postes, pour une cible initiale de 7 881.

Les dépenses d'équipement s'élèvent à 15,7 milliards d'euros, contre 15,3 milliards en 2013, car l'effort d'équipement des forces est l'une de mes préoccupations prioritaires. Enfin, les dépenses de fonctionnement s'établissent à 3,5 milliards d'euros et les dépenses liées aux opérations extérieures (OPEX) à 1,1 milliard d'euros.

Ce niveau d'exécution a été atteint grâce à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue à l'article 3 de la LPM et à la couverture interministérielle des surcoûts nets des OPEX, conformément à l'article 4. Ainsi, 500 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été ouverts au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA) par les lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2014 au profit des dépenses d'équipement du ministère. S'agissant des opérations extérieures, le 1,1 milliard d'euros de dépenses pour 2014 a été couvert par la dotation de 450 millions d'euros en loi de finances initiale, des remboursements internationaux à hauteur de 56 millions d'euros et un abondement interministériel de 611 millions d'euros par décret d'avance en fin de gestion.

S'agissant plus spécifiquement des équipements, l'année 2014 a été conforme dans son exécution à la LPM. Pour les commandes, le niveau des engagements s'est élevé en 2014 à 18,6 milliards d'euros, en hausse de près de 3 milliards d'euros, ce qui nous place en position de respecter les orientations fixées en loi de programmation. Les livraisons prévues ont été respectées : 13 Rafale dont deux mises à niveau, 3 hélicoptères Tigre et 9 hélicoptères NH90, 4 avions A400M, plus de 4 000 équipements Félin, 25 torpilles légères MU 90, etc.

Le report de charges s'établit fin 2014 à 3,5 milliards d'euros, soit un niveau globalement stable par rapport à la fin 2013, même s'il reste trop élevé. Toutefois, en tenant compte des 247 millions d'euros de reports de crédits constatés sur 2015 et des 250 millions d'euros de PIA ouverts fin 2014, le report de charges net du ministère est ramené à environ 3 milliards d'euros fin 2014, soit l'hypothèse prise en compte dans la LPM.

Au bilan, et sous réserve d'informations complémentaires, l'année 2014 a été conforme aux objectifs fixés par la LPM. Elle a également mis au jour des tensions dans certains domaines comme les capacités critiques, le vieillissement des parcs et la difficile régénération des matériels engagés en opérations.

Ces points, précisément, ont été traités à l'occasion de l'actualisation de la LPM. Neuf orientations majeures sont à retenir dans le projet de loi. D'abord, le Président de la République a fait le choix de définir un nouveau contrat de protection sur le territoire. L'objectif est désormais que nos armées puissent déployer durablement 7 000 soldats sur le territoire national, et monter presque instantanément jusqu'à 10 000 pendant un mois, comme nous l'avons fait après les attentats de janvier.

Les effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) seront portés à 77 000 hommes au lieu des 66 000 initialement prévus. La contribution de la réserve opérationnelle sera également accrue. Cette augmentation représente un tournant majeur dans notre histoire militaire récente. Ces dispositions ont vocation non pas à créer une armée à deux vitesses, mais au contraire à assurer une complémentarité entre les missions de projection à l'extérieur et les missions de protection du territoire national.

Le Président a également décidé un allègement des déflations d'effectifs dans le but de renforcer nos capacités opérationnelles et faire face à certains besoins majeurs de nos services de renseignement et de cyberdéfense.

Plus globalement, cette réduction de la déflation offrira la possibilité de gager les postes à créer au bénéfice de la FOT ; de gager les créations de postes dans le renseignement (650 postes supplémentaires) et la cyberdéfense (500 postes) ; et de poursuivre et de parachever les transformations des armées et services de la défense.

En troisième lieu, la dépense de défense est accrue de 3,8 milliards d'euros par rapport à la LPM initiale. Les crédits supplémentaires bénéficieront d'abord au nouveau contrat de protection, avec 2,8 milliards d'euros consacrés aux effectifs et aux coûts d'infrastructure et de soutien. Une dotation de 500 millions d'euros supplémentaires sera affectée à la régénération des matériels, sujet préoccupant. J'avais déjà renforcé ce poste dans la loi de programmation, ce qui s'est traduit par une augmentation des crédits de 4 % par an. Nous pourrons accentuer cet effort. Il est peu spectaculaire mais indispensable, car les matériels s'usent, dans les climats peu propices des zones où nous intervenons.

Les 500 millions d'euros restants iront à des acquisitions, pour nous adapter à la nouvelle donne sécuritaire. À ce total s'ajoute 1 milliard d'euros issu de la réaffectation des gains de pouvoir d'achat liés à l'évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM à la fin 2013. Ce montant n'est pas une approximation, il a été chiffré conjointement par l'inspection des finances et le contrôle général des services de mon ministère. Au total, 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires pourront ainsi être alloués au renforcement de la composante hélicoptère. Nous serons en mesure d'acquérir 7 hélicoptères Tigre et 6 NH 90 supplémentaires, de renforcer nos capacités de transport aérien tactique avec la mise à disposition de 4 appareils C130, et enfin d'accélérer notre programme de satellites optiques avec la mise du service du troisième satellite, issu d'une collaboration avec l'Allemagne.

Au total, l'effort budgétaire s'élèvera à 162 milliards d'euros sur la période 2015-2019 contre 158,6 milliards d'euros votés dans la LPM initiale.

En quatrième lieu, la structure des ressources financières de la programmation militaire est simplifiée : nous mettons un terme à la pratique contestée des ressources extrabudgétaires (REX), qui seront désormais remplacées par des ressources budgétaires nettes. La conversion s'effectuera dans le collectif budgétaire de fin d'année. Si des besoins de trésorerie devaient apparaître entretemps, des dégels et décrets d'avance y pourvoiraient. Et en 2016, plus de REX ! J'avoue ma satisfaction, que votre commission des finances comprendra...

Cinquième point, notre industrie de défense : le ministère dépensera 17,6 milliards d'euros par an en équipements au bénéfice de l'industrie nationale. Un creux dans les acquisitions de Rafale, en LPM initiale, se manifestait entre 2016 à 2019. Je devais encore déterminer comment le combler ; c'est chose faite, grâce aux marchés récemment remportés. Le bilan des exportations s'est établi à 8,4 milliards d'euros en 2014 ; pour 2015, dès aujourd'hui il atteint 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une commande d'hélicoptères qui m'a été confirmée il y a une heure par l'émir du Koweït.

Je passerai rapidement sur les autres points, création des associations professionnelles nationales de militaires, nouvelle politique des réserves qui porte le nombre de réservistes de 28 000 à 40 000, expérimentation sur trois sites d'un service volontaire en métropole sur le modèle du service militaire adapté (SMA) dans les outre-mer, poursuite de la transformation du ministère, nouvelle organisation de l'armée de terre que le général Bosser a formalisée dans le plan stratégique « Au contact ». Je donne la priorité à la brigade aéro-combat et l'hélicoptère de combat, pour tenir compte de l'évolution des caractéristiques des conflits.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Défense » . -

Vous avez indiqué que 450 millions d'euros ont été provisionnés pour les OPEX, dont le coût total s'élève à 1,12 milliard d'euros. Il manque donc environ 650 millions d'euros, qui ont été remboursés à la défense, pour partie par les contributions d'organismes internationaux, mais surtout par ouverture de crédits au titre de la solidarité interministérielle. Cependant, je rappelle que votre ministère a été ponctionné de 400 millions d'euros au titre de cette même solidarité interministérielle, après avoir été prélevé de 200 millions d'euros au titre de la réduction des dépenses publiques. Malgré le financement interministériel, les OPEX sont donc très couteuses pour le ministère de la défense.

Dans le même temps, le ministère a perçu deux fois 250 millions d'euros de crédits de paiement dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), pour répondre à la dégradation du report de charges liée aux annulation de crédits de l'année 2013. Ces abondements correspondent-ils réellement à la philosophie du PIA ? Je n'ose prononcer le mot de détournement d'investissements...

Des questions se posent quant au mode de calcul de la solidarité interministérielle pour compenser le surcoût des OPEX. La contribution devrait être proportionnelle au montant du budget de chaque ministère, or selon le périmètre retenu par la direction du budget, c'est-à-dire en excluant les crédits de titre 2, le vôtre représente 16 % du total mais contribue à hauteur de 19 %. Cela représente un écart de 54 millions d'euros.

Les 253 millions d'euros de crédits non consommés en 2014 en raison d'un gel prolongé se retrouveront-ils en 2015 en report ?

Concernant le report de charges, les fournisseurs qui ne sont pas payés à temps reçoivent-ils une compensation ?

Enfin, où en est-on dans le recouvrement des trop-perçus liés aux dysfonctionnements de Louvois et dans le remplacement de ce logiciel ? Les sommes recouvrées sont-elles restituées au ministère de la défense ?

Quelques questions, maintenant, sur l'actualisation de la LPM.

Je me félicite du remplacement des REX par des recettes budgétaires nettes, qui valide a posteriori les réserves que nous avions exprimées au moment du vote du budget 2015. La LPM actualisée comporte-t-elle un nouvel objectif de réduction des reports de charges ? Vous avez indiqué que sur les 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, 500 millions seraient consacrés au maintien en condition des matériels qui ont le plus souffert, notamment dans les opérations du Sahel. Or les estimations de votre ministère faisaient état d'un besoin de financement de 800 millions d'euros. Il semble que notre armée consomme ses ressources matérielles : 20 % des matériels mobilisés au Mali sont désormais irréparables.

L'une des justifications de l'actualisation de la LPM est le dépassement important qui touche les OPEX. Envisagez-vous de prendre en compte le coût que représente la participation financière du ministère aux opérations en cours, qui s'effectue au travers de sa contribution à la solidarité interministérielle ? Paradoxalement, c'est au moment où les armées sont le plus sollicitées qu'on les ponctionne pour financer les OPEX.

La clause de garantie sur la vente d'actifs a été introduite à la demande de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat dans la LPM pour garantir les recettes exceptionnelles de ventes de fréquences. La vente de biens immobiliers ne justifie-t-elle pas les mêmes garanties ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - La clause de garantie sur les ventes d'immeubles a été introduite par l'amendement Lamour à l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quel coût représente l'augmentation des effectifs de sécurité intérieure de 7 000 à 10 000 hommes dans le cadre de l'opération Sentinelle ?

La LPM prévoit 630 millions de recettes immobilières. Or si la décote pour les logements sociaux prévue par la loi Duflot est intégralement appliquée à la vente des bâtiments parisiens, le manque à gagner sera considérable. L'îlot Saint-Germain pourrait être cédé pour 1 euro !

M. Vincent Capo-Canellas . - Si je vous ai bien compris, les REX seront désormais remplacées par des crédits votés dans la loi de finances initiale ; en cas de besoin, le gel sera levé cette année en attendant le collectif budgétaire. Faut-il en conclure qu'il n'y aura pas de décret d'avance ni de report sur 2016 ? Deuxième point, peut-on dire que c'est la fin des sociétés de projet ? Je m'interroge enfin sur l'impact des exportations d'hélicoptères pour nos forces armées. Les industriels ont-ils la capacité de produire à la fois pour notre armée et pour les exportations ? Des livraisons prévues à court terme ne sont-elles pas remises en cause ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Parmi les acquisitions d'hélicoptères en projet, vous n'avez pas cité le Caracal, dont 19 modèles équipent nos forces spéciales. Une décision a-t-elle été prise concernant le regroupement envisagé de cette flotte à Cazaux ?

Mme Fabienne Keller . - Je salue la décision du conseil de défense et de sécurité nationale d'accorder des marges de manoeuvre à votre ministère. Considérez-vous que notre armée est prête pour faire face aux obligations internationales de la France, en particulier vis-à-vis de Daesh au Moyen-Orient ? Vous avez indiqué que le futur service militaire adapté (SMA) serait réparti sur trois sites. Confirmez-vous que la LPM marque la fin de l'Établissement public d'insertion de la défense (ÉPIDE) ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - L'ÉPIDE ne relève pas de la défense.

Mme Fabienne Keller . - Très bien.

Enfin, je vous enjoins de ne pas casser l'outil d'excellence qu'est l'École polytechnique, alors que d'autres formations françaises remarquables ont récemment été diluées dans des ensembles plus vastes.

M. Jean-Claude Requier . - Louvois fut un bon secrétaire d'État à la guerre de Louis XIV. Le logiciel qui porte son nom a été beaucoup moins brillant. Où en est son remplacement ?

Mme Michèle André , présidente . - Une proposition de résolution européenne adoptée lundi par l'Assemblée nationale a demandé la prise en compte de l'effort de défense dans le calcul des déficits publics. Pensez-vous que Bruxelles y sera sensible ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - S'agissant de Louvois, les indus versés en 2014 s'élèvent à 77 millions d'euros ; les recouvrements ont représenté 42 millions d'euros, qui reviennent au ministère de la défense. L'impact net est donc de 35 millions d'euros. Le logiciel qui remplacera Louvois est en phase d'expérimentation au sein de la Marine. S'il donne satisfaction, il sera étendu en 2017 à l'armée de terre.

M. Jean-Claude Requier . - Le nouveau logiciel portera-t-il le nom de Le Drian ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Plus modestement, il s'appellera Source Solde.

Les cessions immobilières se présentent au niveau prévu, soit 200 millions d'euros par an. Quant au site de Balard, nous n'y serons installés qu'à l'automne. Nous allons engager des discussions avec les acquéreurs potentiels des sites actuels, dont la Ville de Paris fait partie. Souvent, les recettes se révèlent nettement supérieures aux évaluations de France Domaine.

Vous évoquez un possible détournement du PIA. Le très vigilant commissaire général à l'investissement ne l'autoriserait pas !

Les 500 millions d'euros perçus au titre de 2014, considérés comme des ressources exceptionnelles, s'inscrivent dans mon exigence de retrouver un budget de 31,4 milliards d'euros pour le ministère de la défense. C'est dans ce cadre que, pour compenser les annulations, j'ai renforcé les REX : les recettes ont été en 2014 supérieures aux prévisions de la LPM.

Ce supplément de recettes exceptionnelles dont fait partie le PIA a été affecté, pour 500 millions d'euros, au Centre national d'études spatiales (CNES), et pour 368 millions d'euros au programme de recherche sur la dissuasion. La destination du PIA a été donc respectée.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Ce n'est pas ce que dit le commissaire général...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Sur le financement des OPEX, vous dénoncez des pertes en ligne, nous sommes pourtant très vigilants.

Je confirme à Vincent Capo-Canellas qu'il n'existe plus de sociétés de projet. Je ne regrette pas pour autant de les avoir portées. La LPM disposait que les REX pouvaient être issues du PIA, de ressources immobilières, de ventes de fréquences ou de cessions d'actifs. Comme je ne croyais pas à la vente des fréquences 700 MHz, je me suis rabattu sur les cessions, qui nécessitaient la création de telles sociétés, en raison des exigences de la LOLF. Puisque toutes les recettes sont désormais budgétaires, la question ne se pose plus. Peut-être même est-ce le spectre de cette nouvelle catégorie de sociétés qui a incité Bercy à avancer sur le sujet !

L'entretien programmé des matériels est une véritable préoccupation. L'effort budgétaire que j'ai détaillé fera néanmoins sentir ses effets prochainement. Concernant les reports de charge et les fournisseurs payés en retard, je vous transmettrai des réponses détaillées par écrit. Nous avons obtenu une levée de gel de crédits pour assurer la gestion jusqu'à la fin de l'année. Quoi qu'il en soit j'arriverai aux 31,4 milliards d'euros. Un arbitrage important a été rendu en notre faveur.

Enfin, l'impact des ventes à l'export sur les disponibilités, évoqué par Vincent Capo-Canellas, est extrêmement réduit. Nous avons prélevé la frégate Normandie sur notre stock dans le cadre de notre vente à l'Égypte, mais elle sera remplacée dans le délai prévu pour la livraison des six premières frégates à notre flotte, soit fin 2019. Quant aux Rafale, 3 appareils seront remis à l'Égypte en août et 3 en décembre : au lieu de livrer 11 Rafale à l'armée de l'air en 2015, nous n'en livrerons que 5, mais le rattrapage sera effectué en 2016.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Le Koweït nous achète des hélicoptères Caracal. Nos armées vont-elles en recevoir elles aussi ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Non. La demande de notre armée ne portait que sur des hélicoptères NH 90 et Tigre.

Le surcoût lié à l'opération Sentinelle est réel. Il consiste notamment en une prime spéciale pour les opérations intérieures et représente 260 millions d'euros en 2015.

Quant au dispositif de financement des OPEX, j'en suis satisfait et je l'ai défendu contre les tentatives de modification. Nous en avons besoin pour faire face à des opérations dont le contenu et la durée ne sont pas connus à l'avance. Seules la Justice et l'Éducation nationale sont dispensées de contribution.

Si nous laissons l'École polytechnique continuer comme cela, elle perdra toute sa substance. Certains s'inquiètent que l'on « casse ce qui marche bien ». Je ne suis pas sûr que l'école aille si bien, lorsqu'on la voit disparaître du classement de Shanghai...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - C'est une question de taille.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Il ne s'agit pas de casser la baraque, mais bien de la consolider ! Je me réjouis qu'elle reste dans le giron du ministère de la défense. Je compte bien la réformer avant la fin de l'année pour qu'elle garde son image. Comparez son évolution et celle de l'École polytechnique de Lausanne : c'est à la fois spectaculaire et inquiétant pour nous. J'ai rencontré beaucoup de monde la semaine dernière à l'École polytechnique ; je ne crois pas que cela posera tant de problèmes. Je ne suis pas sur des mesures gadgets - sortir l'école du giron du ministère de la défense ou supprimer la solde des élèves - mais sur le fond : j'élargirai son périmètre et j'établirai des liens avec d'autres grandes écoles.

Mme Michèle André , présidente . - La résolution de l'Assemblée nationale vous rend-elle service à Bruxelles ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Oui, mais il faudrait que cette position soit partagée. C'est la bataille d'après-demain. Nous commençons toutefois à avoir des alliés, comme les Polonais et les Italiens...

Mme Michèle André , présidente . - Nous vous remercions.

II. EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

Réunie le mercredi 17 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis, sur l'actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et diverses dispositions concernant la défense.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - La commission des finances s'est saisie pour avis du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Ce projet de loi vise à procéder à l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 du 18 décembre 2013. Le rapport pour avis que je vous présente porte essentiellement sur les cinq premiers articles, y compris le rapport annexé à l'article premier, car ce sont ceux qui concernent la programmation financière et la trajectoire des ressources humaines.

Les éléments essentiels de cette actualisation ont été annoncés par le Président de la République à la suite du conseil de défense du 29 avril dernier.

Il s'agit notamment de tenir compte de l'évolution de la situation internationale et de la menace terroriste sur notre territoire.

L'actualisation permet également de tirer les conséquences, sur le plan programmatique, de la réalité du calendrier de cession de la bande des fréquences « 700 MHz » et de l'abandon des sociétés de projet.

Concrètement, ce projet de loi d'actualisation comporte, sur le plan de la programmation financière et de l'évolution des effectifs, trois décisions d'importance majeure.

Premièrement, les recettes exceptionnelles (REX) prévues par la LPM pour la période 2015-2019 sont, dans une très large mesure, remplacées par des crédits budgétaires : ce sont plus de 5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles qui seront remplacés par des crédits budgétaires.

Le projet de loi répond ainsi à la principale objection qui nous avait conduits à ne pas adopter le budget de la défense pour 2015 : celui-ci prévoyait 2,2 milliards d'euros de recettes de cession de fréquences dont on savait qu'ils ne seraient pas perçus en 2015.

On peut regretter que cette question n'ait pas été tranchée plus tôt malgré les signaux d'alarme qui ont été tirés, notamment par notre commission, et que le Gouvernement se soit entêté à mettre en oeuvre un « plan B » consistant en la fameuse opération de cession-relocation de matériel militaire à travers des sociétés de projet.

Comme notre rapporteur général, j'ai d'ailleurs posé au ministre de la défense la question, pour l'instant sans réponse, du coût de cette obstination : quel est le montant des frais d'avocats et autres conseils qui ont été engagés pour étudier la faisabilité de ce projet, alors qu'un rapport réalisé par l'inspection générale des finances (IGF), le contrôle général des armées (CGA) et la direction générale de l'armement (DGA) - fort opportunément classifié confidentiel-défense - indiquait dès juillet 2014 que la vente des fréquences ne serait pas au rendez-vous et émettait de fortes réserves sur les sociétés de projet ? Je vous proposerai d'ailleurs un amendement visant à permettre aux commissions parlementaires de demander la déclassification d'informations secrètes.

Toujours est-il que la raison a finalement prévalu : les REX, rebaptisées « recettes de cession », ne s'élèvent plus qu'à 930 millions d'euros au total de 2015 à 2019 et ne sont plus composées que de cessions immobilières, pour 630 millions d'euros, et de cession de matériels militaires, pour le solde.

Deuxièmement, le présent projet de loi prévoit d'augmenter les ressources totales du ministère de la défense pour la période allant de 2016 à 2019. Ce sont ainsi 3,8 milliards de crédits budgétaires supplémentaires qui seront répartis sur ces quatre années, dont 2,5 milliards d'euros après 2017.

Enfin, 18 750 équivalents temps plein (ETP) seront maintenus sur les 33 675 suppressions initialement prévues dans la LPM, ce qui permettra une redéfinition du contrat opérationnel des forces terrestres. Celles-ci devront être capables de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu'à 10 000 hommes pendant un mois. En conséquence, le format de la force opérationnelle terrestre (FOT) sera porté de 66 000 hommes à 77 000 hommes.

La réduction nette des effectifs du ministère de la défense s'élèvera à 6 918 ETP sur la période 2015-2019.

Le coût de cette moindre déflation des effectifs représente 2,8 milliards d'euros sur les 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires dont bénéficie la défense.

Le milliard d'euros restant sera affecté pour moitié à l'entretien programmé des matériels (EPM) et pour l'autre moitié aux programmes d'équipement majeurs. Les programmes d'armement bénéficieront également du redéploiement de 1 milliard d'euros de crédits, grâce la baisse du coût des facteurs et des indices économiques sur lesquels se basent les clauses d'indexation des contrats d'armement passés par le ministère.

Le risque aurait été que le constat de gains de pouvoirs d'achat du ministère de la défense conduise à des annulations de crédits. Le projet de loi prévoit au contraire que ces gains sont conservés par le ministère et consacrés à des dépenses d'équipement.

Vous le voyez, le projet de loi d'actualisation de la LPM va de mon point de vue dans le bon sens, celui d'un renforcement et d'une sécurisation des moyens de la défense, ce que nous avions réclamé lors de l'examen de la loi de finances pour 2015.

Il remédie aux principaux reproches que l'on pouvait adresser à la LPM et au budget 2015. Lors de l'examen de ce budget par notre commission puis par le Sénat, je l'avais qualifié d'insincère. Cela m'avait d'ailleurs valu quelques reproches. Pour autant, tout le monde savait que les recettes prévues ne seraient pas au rendez-vous. Je suis au regret de dire que les décisions annoncées par le Président de la République et ce projet de loi ne font que conforter cette analyse.

Notre vote représentait un appel solennel adressé au Président de la République et au Gouvernement et je me réjouis qu'il ait été entendu.

Pour autant, ce projet de loi n'est pas parfait et il nous faudra maintenir notre vigilance pour que la défense bénéficie effectivement des ressources prévues dans le cadre de cette programmation actualisée.

C'est d'ailleurs le sens de trois amendements que je vous proposerai, visant à mieux sanctuariser les crédits de la défense.

Le premier porte sur les opérations extérieures (OPEX). Le projet de loi prévoit de maintenir la provision OPEX à 450 millions d'euros. C'est évidemment très en-dessous du coût prévisible des OPEX pour les années à venir. En 2014, leur coût a représenté 1,12 milliard d'euros, soit un dépassement de 650 millions d'euros. Le principe d'un financement interministériel demeure, mais dans la mesure où ce financement s'effectue dans le cadre de la solidarité interministérielle, le ministère de la défense y contribue largement : 400 millions d'euros en 2014, dont près de 120 millions d'euros pour les seules OPEX. Je constate pour le regretter que toutes les missions ne contribuent pas à ce financement interministériel. Le manque à gagner pour la défense s'élève à 79 millions d'euros selon la Cour des comptes et à 54 millions d'euros selon un mode de calcul plus favorable. Ce point n'a pas été contesté par le ministre de la défense lors de son audition.

On aboutit à un mécanisme qui rogne les moyens de nos armées lorsque celles-ci sont engagées sur des théâtres extérieurs.

Cela est d'autant plus dommageable que s'ajoute désormais le coût des opérations intérieures - et en particulier celui de la fameuse opération Sentinelle - qui pèsent entièrement sur la mission « Défense ».

Je rappelle que le ministère de la défense est également en auto-assurance pour les surcoûts liés aux dysfonctionnements du système de paie Louvois.

C'est pourquoi je vous présenterai tout à l'heure un amendement visant à ce que le ministère de la défense ne contribue pas au financement du dépassement de la provision OPEX.

Les deux autres amendements visent les cessions immobilières.

Il s'agit, tout d'abord, de rétablir la clause de sauvegarde prévue par l'actuelle LPM et supprimée par le projet de loi et, ensuite, de parer au risque présenté par la loi « Duflot ». La plus grande part des recettes viendra de la cession des emprises parisiennes. Si la décote « Duflot » s'applique, les recettes prévues ne seront pas aux rendez-vous.

Au-delà de ces amendements, je voudrai appeler l'attention de notre commission sur deux points qui méritent une vigilance particulière.

Premièrement, l'entretien des matériels : les équipements de nos forces engagées en opération extérieure s'usent de manière accélérée, notamment dans la bande sahélo-saharienne en raison de conditions d'usage extrêmement abrasives. Un effort important doit être fait pour leur régénération. Sinon les forces armées ne pourront maintenir leur niveau d'engagement actuel. Le présent projet de loi y affecte 500 millions d'euros supplémentaires, alors que les besoins sont chiffrés à plus de 800 millions d'euros par l'État-major des armées.

Il conviendra de suivre cette question avec attention, car l'usure des matériels ne se voit pas sur le plan budgétaire tant que les réparations ne sont pas effectuées, mais représente bien une consommation des ressources de l'État. Indolore sur le coup pour le budget de l'État, cette usure constitue en réalité un passif qui s'accumule, et donc une dépense différée, car il faudra bien reconstituer ces ressources matérielles si l'on souhaite maintenir les capacités opérationnelles de nos troupes.

Le second point de vigilance concerne les ressources dégagées par redéploiement des crédits, soit un milliard d'euros. Elles reposent sur l'hypothèse que les indices économiques (taux de change, inflation, etc.) se maintiendront à un niveau bas durant le reste de la période de programmation. Il faudra surveiller leur évolution réelle et en tirer éventuellement les conséquences le moment venu.

Pour finir, je vous rappelle que la LPM n'a qu'une valeur programmatique, les décisions normatives dans le domaine budgétaire relevant exclusivement des lois de finances, et que ces dispositions devront donc être traduites concrètement au moment des discussions budgétaires à venir.

Malgré ces réserves et sous le bénéfice des amendements que je vais vous présenter, je vous propose de donner un avis favorable au projet de loi, notamment pour ce qui concerne les articles 1 er , 2, 3, 4 et 4 bis qui ont trait à la programmation financière et la trajectoire des ressources humaines.

M. Claude Raynal . - J'ai écouté avec intérêt notre rapporteur et j'ai noté le changement considérable de tonalité de son discours, entre aujourd'hui et le débat en loi de finances initiale. Vous avez souligné la difficulté que nous avions tous relevée alors, qui concernait les recettes issues de la vente des fréquences. Nous avions, les uns et les autres, des interrogations sur ce sujet. Le ministre a lui-même évoqué cette question et nous a répondu en déclarant que, quoi qu'il arrive, le budget de la défense serait conforme au vote de la loi de finances. On en a la confirmation aujourd'hui. Les engagements annoncés sont donc tenus.

Je voudrais à cette occasion revenir sur la passe d'armes qui nous avait opposés au cours du débat budgétaire, quand les présidents du Sénat et de la commission des affaires étrangères et de la défense ont écrit conjointement au Président de la République pour l'interroger sur les recettes exceptionnelles du budget de la défense. Celui-ci avait immédiatement répondu à ce courrier, en leur garantissant qu'en tout état de cause, les recettes seraient au rendez-vous, et que le budget de la défense serait tenu. Je pense que cette réponse constituait un engagement majeur. Encore une fois, on en a aujourd'hui la confirmation avec la révision de la loi de programmation militaire qui nous est soumise.

En tant que sénateur nouvellement élu, j'avais été particulièrement choqué que la parole du Président de la République donnée au président du Sénat n'entraîne pas le vote des crédits de la mission « Défense » par la majorité sénatoriale. Ce refus de voter les crédits, sur la base d'une remise en cause de la parole présidentielle, constituait une position très grave, ce que vous aviez d'ailleurs souligné en rappelant que c'était la première fois qu'il n'y avait pas de consensus républicain sur ce budget.

Le projet de loi que nous examinons ce matin constitue une réponse en actes des engagements annoncés en loi de finances. Cela souligne la maladresse qui a été la vôtre en refusant de voter le budget de la défense. D'ailleurs, en préconisant aujourd'hui un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi d'actualisation de la loi de programmation militaire, vous confirmez d'une certaine façon que nous avions raison et que la position que vous aviez adoptée alors était purement politicienne.

M. Vincent Delahaye . - Pour ma part, je vais poser une question. Je croyais que le ministère de la défense était mis à contribution dans le cadre du plan d'économies annoncé par le Gouvernement. J'aimerais connaître l'impact des dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui sur ce plan d'économies. En effet, on y limite la réduction des effectifs de façon conséquente. À chaque fois que l'on nous a proposé des plans de réduction des effectifs de l'État, la variable était le ministère de la défense. À partir du moment où celle-ci n'est plus utilisée, quels sont les leviers de réduction des dépenses, et avec quel impact ?

En outre, je constate à l'article 2 du projet de loi une hausse sensible des ressources prévues à l'horizon 2019. Certes, ce type d'évolution consistant à augmenter les recettes en fin de période dans le cadre d'une loi pluriannuelle est assez classique. Pour autant, pourriez-vous nous expliquer pourquoi l'on passera de 32,77 milliards d'euros en 2018 à 34,02 milliards d'euros en 2019 ? Quels facteurs expliquent une croissance aussi dynamique des ressources ?

M. Michel Canevet . - Je ne partage pas tout à fait la posture de Claude Raynal. En effet, au moment de l'identification des missions prioritaires destinées à recevoir des moyens supplémentaires et des missions appelées à faire davantage d'efforts, la situation du ministère de la défense a été mal évaluée, et son budget mal calibré. J'estime donc que l'attitude de la majorité sénatoriale a permis d'appeler l'attention du Gouvernement et de « rectifier le tir ».

Ma question porte sur l'évolution de la masse salariale, en lien avec les annonces de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique relatives à l'évolution de la rémunération des fonctionnaires, qui ne manqueront pas d'avoir des conséquences sur le budget de nos collectivités territoriales et des hôpitaux. Je souhaiterais savoir quelles ont été les hypothèses d'évolution des salaires prises dans la loi de programmation militaire, et si les mesures annoncées sont compatibles avec les hypothèses prévues dans le cadre de cette LPM.

M. Yannick Botrel . - La France prend une part très active dans la lutte contre le terrorisme et les groupes extrémistes à travers le monde. Elle est même probablement l'un des seuls pays européens à être aussi engagée sur le terrain. Les engagements extérieurs de l'Europe au sol reposent exclusivement sur notre pays. Cela implique des dépenses et nécessite énormément de moyens.

Cette situation n'est pas sans conséquences sur nos finances publiques, alors que nous nous sommes engagés dans une démarche d'assainissement budgétaire, en suivant d'ailleurs les injonctions européennes. Dès lors, peut-on évaluer précisément, d'un point de vue budgétaire, ce que représente l'engagement de la France dans les opérations extérieures ? Compte tenu du contexte, cet engagement budgétaire est-il pris en compte par l'Europe s'agissant de l'effort de maîtrise de nos dépenses publiques ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je salue le travail effectué par notre rapporteur en loi de finances, et sa clairvoyance. Je crois qu'il est important de savoir alerter quand il y a des doutes sur la sincérité des inscriptions budgétaires, ce qui peut parfois aller jusqu'à refuser de voter des crédits.

Pour autant, lorsque des correctifs sont apportés et qu'ils vont dans le bon sens, comme on a pu le constater la semaine dernière avec l'audition du ministre de la défense, il faut savoir se réunir pour plaider en faveur d'un niveau de crédits réellement consommables supérieur à ce qui était prévu jusqu'ici. Il me semble également que ce qu'a exposé le rapporteur est de nature à sécuriser les options pour l'avenir, en introduisant un certain nombre de cliquets qui me paraissent très utiles - on le verra dans la discussion des amendements.

Il me semble que le ministre nous a parlé la semaine dernière de la disparition des ressources exceptionnelles, mais je constate que le projet de loi les mentionne, pour un montant de 930  millions d'euros. N'y-a-t-il pas là une contradiction entre ce qui nous a été indiqué par le ministre et ce projet de loi ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour ma part, je souhaiterais insister sur la question des recettes immobilières, comme je l'ai fait devant le ministre. Je rappelle que le ministère de la défense bénéficie d'une exception, dans la mesure où les recettes de cession issues de son patrimoine immobilier lui sont reversées et n'abondent donc pas le budget général. C'est une composante essentielle du budget des armées. Le ministère mène actuellement d'importantes opérations de restructurations dans Paris, avec Balard notamment, dont l'équilibre budgétaire repose en partie sur de telles cessions immobilières. Il fut question pendant un temps de céder l'hôtel de la Marine place de la Concorde, un des rares bâtiments qui n'a jamais été privé en tant que garde-meuble royal, mais ce n'est plus le cas. Il n'y a donc plus de produit de cession à en attendre.

L'Îlot Saint-Germain, énorme bâtiment situé au coeur du 7 ème arrondissement de Paris, d'une valeur de cession très élevée, doit notamment alimenter le budget de la défense et contribuer à assurer l'équilibre d'autres opérations immobilières. Dès lors, comment s'assurer que ces recettes iront bien au ministère de la défense et que d'autres finalités, telles que la construction de logements sociaux avec les décrets « Duflot », n'induiront pas un prélèvement sur ces ressources ? Cela remettrait en cause l'équilibre des opérations précitées. Comment garantir concrètement, à travers la LPM, que les recettes exceptionnelles immobilières abonderont bel et bien le budget de la défense, car c'est un élément d'équilibre essentiel de son budget ? Je crois que le rapporteur va nous présenter un amendement sur ce sujet.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - Je remercie Claude Raynal d'avoir remarqué le changement du ton de mon rapport sur l'actualisation de la LPM par rapport au projet de loi de finances pour 2015, mais vous noterez également que le ton du projet de loi lui-même a changé !

Je souhaiterais formuler deux observations : notre interpellation a peut-être contribué au changement de position du Gouvernement et je crois que le débat parlementaire, de ce point de vue, est utile. Le Sénat a dit les choses clairement et, de temps en temps, le Gouvernement l'écoute. Je veux donc rendre hommage au Gouvernement, mais aussi rendre au Sénat l'hommage qui lui revient.

Jusqu'à preuve du contraire, la parole du Président de la République ne se traduit pas par des crédits.

M. Didier Guillaume . - Si, la preuve !

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - A l'heure où je vous parle, sont toujours inscrites des recettes exceptionnelles dans le budget de la défense pour 2015 car aucune loi de finances rectificative n'est intervenue. Le projet de loi que nous examinons indique certes que le budget du ministère de la défense va augmenter grâce à des crédits budgétaires et que les recettes exceptionnelles vont être supprimées, mais aujourd'hui techniquement, juridiquement, ce n'est pas traduit dans une loi de finances.

Le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la défense ont pris acte du fait que ces recettes exceptionnelles ne seront pas au rendez-vous et nous promettent, à la faveur de la loi de programmation militaire, qu'elles seront transformées grâce à l'apparition de crédits budgétaires. Mais pour l'instant, il n'y a rien de tel dans la loi de finances. Je me réjouis donc de l'évolution du discours mais si vous me poussez dans mes retranchements, je vous dirais que pour l'instant, c'est bien la seule chose qui a changé !

M. Claude Raynal . - La parole du Président de la République ne vaut rien ?

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - Elle vaut peut-être de l'or mais je me souviens de la parole du Président de la République sur les collectivités territoriales : je constate qu'elle ne vaut pas grand-chose !

Mme Michèle André , présidente . - Ne changez pas de sujet.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - « Un pacte de confiance et de solidarité » ! « Garantie du niveau des dotations des collectivités territoriales à leur niveau actuel » !

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - En ce qui concerne les mesures d'économies et la contribution à la solidarité interministérielle - qui ne s'effectuent pas dans la plus grande transparence - j'ai noté que le budget de la défense était ponctionné dans une proportion supérieure à sa part dans le budget général. J'en conclus donc qu'il y a peut-être certains ministères qui sont moins mis à contribution que celui de la défense et j'aimerais qu'on y voie un peu plus clair sur les critères qui sont retenus.

Sur les 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, 2,8 milliards d'euros financent, à partir de 2016, la moindre baisse des effectifs. Le milliard d'euros restant est affecté pour moitié à l'entretien du matériel et pour moitié au renforcement de nos crédits de paiement pour des investissements.

L'augmentation du budget prévue en fin de période s'explique par la décision du Gouvernement de dégager des crédits de paiement pour satisfaire les commandes en cours et nouvelles. C'est du moins l'explication qui nous est donnée.

Les annonces de la ministre Marylise Lebranchu sur les salaires des agents publics n'entraînent pas de conséquences automatiques pour les militaires qui ont leurs propres grilles indiciaires. Sur les 25 articles du projet de loi, les articles 9 à 16, soit un tiers des articles, ont trait au personnel : le ministère de la défense a constaté que le dépyramidage ne fonctionne pas assez bien, d'où les incitations supplémentaires prévues par ces articles.

Le coût des OPEX s'élève à 1,120 milliard d'euros et il est intégré dans le déficit maastrichtien. Aujourd'hui, nos partenaires européens participent en nature, en apportant quelques concours ponctuels notamment en matière de transport. Je serais tenté de dire que nos opérations extérieures étant, pour la plupart, engagées dans le cadre d'un consensus européen, il ne serait pas anormal que nos partenaires européens participent, non pas au financement de nos armées, mais au moins au surcoût des OPEX qui, à un moment ou un autre, participent de leur propre sécurité.

Le terme de recettes exceptionnelles disparait et il reste 930 millions d'euros correspondant uniquement à des cessions immobilières - les biens sont identifiés - et pour le complément, à des cessions de matériel militaire. À ce stade, il existe peut-être un risque sur le calendrier de ces cessions mais pas sur la réalité et la faisabilité de celles-ci. Je vous présenterai d'ailleurs tout à l'heure un amendement qui va également dans le sens de la remarque de notre rapporteur général pour que ces recettes de cessions immobilières bénéficient bien au ministère de la défense et que leur valorisation corresponde effectivement au prix du marché - et non à des arrangements tenant compte de politiques publiques justifiées mais étrangères au budget de la défense.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

L'amendement n° FINC-1 rétablit la clause de sauvegarde qui figure à l'article 3 de la loi de programmation militaire. C'était l'aveu de deux faiblesses : l'aveu d'une part, que l'équilibre de la loi de finances initiale reposait de façon substantielle sur les recettes exceptionnelles ; d'autre part, qu'il existait un risque que ces recettes exceptionnelles ne soient pas au rendez-vous. Aujourd'hui, si les recettes sont plus fiables et plus raisonnables, le risque sur la tenue du calendrier demeure. Cet amendement prévoit donc que si le calendrier des cessions n'est pas tenu, cette clause de sauvegarde jouerait grâce à un mécanisme d'avance permettant au ministère de la défense de ne pas être pénalisé par des retards dans les ventes.

M. Claude Raynal . - A priori, nous n'avons pas besoin de cet amendement. Les recettes exceptionnelles seraient désormais de 930 millions d'euros, contre un niveau très élevé, de plus de 6 milliards d'euros prévus par la loi de finances initiale. Aujourd'hui, ces 930 millions d'euros correspondent, si j'ose dire, à l'épaisseur du trait budgétaire. Il me semble donc qu'il n'est pas nécessaire de prévoir cette clause de sauvegarde.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il y a quand même de grandes incertitudes s'agissant des opérations immobilières. Lorsque j'étais au Conseil de l'immobilier de l'État, j'avais interrogé France Domaine : avec une application totale de la loi « Duflot » avec une décote qui peut atteindre jusqu'à 100 % dans la pratique, l'îlot Saint-Germain pourrait être cédé pour un euro. Cet amendement met en place une garantie nécessaire et répond à une réalité et non à un fantasme. Il est nécessaire de construire des logements sociaux, sans doute, mais eu égard aux incertitudes, cet amendement me paraît bienvenu.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - Je souhaiterais apporter trois précisions. D'abord, cet amendement s'inscrit dans une logique de sanctuarisation des crédits de la défense que je croyais que nous partagions tous, ainsi que le ministre chargé de la défense.

En outre, il s'agit d'un milliard d'euros : je vous rappelle que le seul report de charges s'élève à 3,4 milliards d'euros. On ne peut pas prendre le risque d'un nouveau report de charges ; celui-ci doit rester à un niveau raisonnable, et je me permets de rappeler que 3,4 milliards d'euros correspondent à 11 % du budget hors pensions.

Enfin, l'une des recettes majeures attendues correspond à la vente de l'îlot Saint-Germain : cette vente ne se réalisera pas en trois mois ni même en un an. Il faudra également, sans doute, tenir compte du prix du marché : il ne s'agit pas de brader un bien. La mesure que je vous propose affirme notre détermination et notre volonté à tous de sanctuariser les crédits et de ne pas faire dépendre l'équilibre et les moyens de la défense du marché immobilier.

M. Claude Raynal . - Je crois qu'il est démontré par cette loi de programmation militaire que l'on peut récupérer 5,2 milliards d'euros lorsqu'il y a un objectif partagé par tous de sanctuarisation des crédits du ministère de la défense. Si l'on a été capable de trouver 5,2 milliards d'euros, nul doute que nous parviendrons également à trouver ces 930 millions d'euros supplémentaires si nécessaire.

En réalité, il me semble que vous restez sur une position de défiance alors même que la nécessité de sanctuariser les crédits du ministère de la défense a été affirmée tant par le Président de la République que par le ministère de la défense et le ministère du budget. Nul besoin de marteler de nouveau ce message.

M. Vincent Capo-Canellas . - Pour avoir vécu des cessions de terrains militaires, le délai constitue souvent un problème : France Domaine avance une évaluation mais la vente n'est souvent réalisée que quatre ou cinq ans après. Bien valoriser un bien suppose du temps en raison des problèmes de dépollution, de sol, de voisinage ou encore de la nécessité d'obtenir des permis. Il me semble donc utile de sécuriser ce volume de cessions face aux nombreuses incertitudes.

L'amendement n° FINC-1 est adopté.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - L'amendement n° FINC-2 porte sur la loi « Duflot », qui autorise la cession de l'immobilier de l'État avec une décote pouvant atteindre 100 % pour la construction de logements sociaux. Or, une telle décote, si elle s'appliquait par exemple au montant de la vente de l'Îlot Saint-Germain, fragiliserait le budget du ministère de la défense.

Nous avons déjà un dispositif plus général qui consiste à permettre les cessions à l'euro symbolique des biens immobiliers du ministère de la défense au bénéfice des collectivités territoriales les plus durement frappées par les restructurations militaires.

En la matière, deux cas de figure doivent être distingués. Les collectivités territoriales qui voient des équipements et des régiments quitter leur territoire doivent être soutenues. En revanche, dans les autres situations, les biens immobiliers du ministère de la défense ne doivent pas être cédés à vil prix.

M. Claude Raynal . - Je suis défavorable à cet amendement. Les opérations concernées sont décisives pour assurer la contribution de l'État au développement du logement social. En conséquence, il ne semble pas opportun de retirer ces biens du patrimoine cessible dans les conditions prévues par la loi « Duflot ».

Il appartient au Gouvernement - qui souhaite à la fois développer le logement social et bénéficier de recettes immobilières pour le ministère de la défense - de juger de l'opportunité des projets. Nous ne sommes pas dans notre rôle.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - Je pense que ce n'est tout simplement pas au ministère de la défense de financer le logement social.

Je pourrais presque comprendre votre position si vous aviez voté en faveur de l'amendement précédent. On ne peut pas expliquer à la fois qu'il n'y a pas besoin de garantie s'agissant de la sanctuarisation des crédits du ministère de la défense et que ce n'est pas gênant si un bien n'est pas vendu à sa valeur réelle. Je ne parviens pas à suivre votre raisonnement.

M. Claude Raynal . - Je ne voudrais pas que vous restiez sur une incompréhension. Il s'agit simplement de séparer ce qui relève du législatif de ce qui relève de l'exécutif. En la matière, il me semble que le Gouvernement doit garder une marge de manoeuvre. Il ne nous appartient pas, en tant que législateur, de procéder à cet arbitrage.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous avons travaillé sur ces questions avec Philippe Dallier lorsque nous étions rapporteurs spéciaux du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Si on applique la loi « Duflot », c'est à la collectivité d'implantation des biens - et non au Gouvernement - de demander ou non la décote. Nous avions abordé ce sujet à l'occasion d'une audition de France Domaine, qui nous avait clairement indiqué que si la collectivité entre dans le champ de la loi « Duflot » et demande l'application de la décote, elle en bénéficie de droit dès lors qu'il s'agit de construire des logements sociaux.

M. Daniel Raoul . - Hélas non !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il existe certainement des combats entre Bercy et certains ministères, comme nous avions pu le constater à l'occasion de la publication de la liste des logements cessibles. Compte tenu de ces différentes d'approches, je préfère avoir une clause de sauvegarde.

M. Daniel Raoul . - Pour avoir vécu un exemple concret concernant une demande de décote, je vous confirme que son obtention n'est pas de droit. Pour une opération importante, nous avions obtenu une décote qui frisait à peine les 10 %.

Votre amendement me semble problématique car vous proposez que la décote ne s'applique pas aux cessions d'immeubles domaniaux, ce qui inclut les casernes. Avec cet amendement, il ne sera donc plus possible d'obtenir de décote pour des casernes.

M. Philippe Dallier . - Un jour, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », je comptabiliserai les centaines de millions d'euros dépensés pour développer le logement social dans des quartiers où le prix du mètre carré est exorbitant.

Chacun au sein de cette commission sait bien que je ne plaide pas pour que tout le logement social soit concentré en Seine-Saint-Denis mais cela ne doit pas conduire à faire des acquisitions à prix d'or dans les beaux quartiers - car c'est bien ce qui est en train de se passer à Paris - pour des raisons d'affichage politique.

Au moment où l'on se préoccupe tant de l'efficacité de la dépense publique, cela me laisse sans voix.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - Je voudrais répondre Daniel Raoul. Il existe un dispositif antérieur à la loi « Duflot » qui précise que les cessions de biens immobiliers militaires peuvent se faire à l'euro symbolique en cas de restructuration. Avec cet amendement, nous souhaitons simplement revenir à ce dispositif.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En cas de fermeture de caserne ou de restructuration, la possibilité de cession à l'euro symbolique subsisterait. Sous cette condition, je suis favorable à cet amendement.

L'amendement n° FINC-2 est adopté.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - L'amendement n° FINC-3 a pour objectif de prévoir que le ministère de la défense ne contribue pas au financement interministériel du dépassement de la dotation annuelle au titre des opérations extérieures.

Je suis parfaitement conscient qu'il s'agit d'une évolution importante par rapport à la situation actuelle. Je souhaite que cet amendement soit adopté pour ouvrir le débat : on ne peut pas continuer à parler de sanctuarisation du budget de la défense tout en rognant chaque année les moyens matériels et financiers de nos armées.

À ce stade, il s'agit d'un amendement d'appel, qui pourrait être retiré selon la réponse du Gouvernement.

L'amendement n° FINC-3 est adopté.

M. Dominique de Legge , rapporteur pour avis . - L'amendement n° FINC-4 vise à remédier aux difficultés rencontrées dans l'affaire du « rapport Charpin » sur les sociétés de projet. Avec cet amendement, nous proposons d'ouvrir aux commissions permanentes la procédure qui permet aujourd'hui aux juridictions françaises de demander la déclassification et la communication d'informations protégées au titre du secret de la défense nationale.

L'aménagement proposé fait d'ailleurs écho à un amendement adopté par le Sénat en 1998 à l'initiative de nos anciens collègues Nicolas About et Jean-Paul Amoudry, rapporteurs au nom de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois.

Ce qui est possible pour l'institution judiciaire doit l'être également pour le Parlement. Il ne s'agit pas de créer un droit de communication mais de permettre une saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale, qui rend des avis qui ne lient pas l'autorité administrative ayant procédé à la classification.

M. Claude Raynal . - Nous nous rejoignons sur ce point.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Lorsqu'il s'agit des droits du Parlement, je pense que nous pouvons tous nous retrouver.

L'amendement n° FINC-4 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a émis un avis favorable aux articles 1 er , 2, 3, 4 et 4 bis, sous réserve des amendements qu'elle a adoptés. Elle a autorisé le rapporteur pour avis à déposer en vue de la séance publique les amendements que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, saisie au fond, n'aurait pas intégrés à son texte.

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION DES FINANCES

Article 2

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV - Dans l'hypothèse où le montant des ressources issues de cessions ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

Article 2

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le I de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété de personnes publiques est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La décote ne s'applique pas aux cessions d'immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense. »

Article additionnel après l'article 2

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le ministère de la défense ne contribue pas à ce financement interministériel. »

Article additionnel après l'article 4 bis (nouveau)

I. - Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre I er du livre III de la partie 2 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l'article L. 2312-1 est complété par les mots : « ou d'une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 2312-4, après les mots : « devant elle », sont insérés les mots : « ou une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution » ;

3° Après le mot : « considération », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 2312-7 est ainsi rédigée : « , d'une part les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, ou l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, d'autre part le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. » ;

4° Au premier alinéa de l'article L. 2312-8, après le mot : « juridiction », sont insérés les mots « ou à la commission parlementaire ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Dispositions relatives au secret de la défense nationale


* 1 Communiqué du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique n° 687 du 18 juin 2015.

* 2 Soit 18 500 au titre de l'actualisation de la LPM qui s'ajoutent aux 250 au titre des renforcements de la fonction « Renseignement » déjà annoncés par le Premier ministre en janvier 2015.

* 3 Rapport n° 2779.

* 4 dans la mesure où les éventuels transferts de charges s'effectueraient au sein de la même personne morale.

* 5 Audition du 26 mai 2015, compte rendu de réunion n° 63, session 2014 - 2015.

* 6 Projet annuel de performance 2014 de la mission « Défense ».

* 7 L'article 4 de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, qui prévoit déjà que « la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros », dispose en effet qu' « en gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ».

* 8 Audition du 27 mai 2015, compte-rendu n° 66, session 2014-2015.

* 9 Audition du 21 mai 2015, compte-rendu n° 62, session 2014-2015.

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