N° 100

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales ,

Par M. Michel BOUTANT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3042 , 3066 et T.A. 590

Sénat :

6 , 97 et 98 (2015-2016)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

A la suite de l'annulation par le Conseil Constitutionnel des dispositions de la loi relative au renseignement concernant la surveillance internationale, une proposition de loi n°6 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales a été votée le 1 er octobre 2015 par l'Assemblée nationale.

Fidèle au principe de juste équilibre entre le respect de la vie privée et de la protection des libertés, d'une part, et la sécurité de nos concitoyens, d'autre part, défini par votre commission lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement, votre rapporteur s'est attaché :

1°) à vérifier que la proposition de loi satisfait les exigences posées par le Conseil constitutionnel au législateur quant à la détermination des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour assurer le respect, la vie privée et le secret des correspondances, ainsi que pour l'exercice des libertés publiques, à savoir : la définition dans la loi des conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, mais aussi de celles du contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) de la légalité des autorisations délivrées et de leurs conditions de mise en oeuvre . Le dépôt d'une proposition de loi très proche dans sa rédaction, par notre collègue M. Philippe Bas, sur laquelle le Président du Sénat a demandé un avis au Conseil d'État, a contribué utilement à cette vérification.

2°) à s'assurer que les dispositions proposées en réponse à ces exigences n'affaiblissent pas les capacités opérationnelles des services spécialisées de renseignement dans l'accomplissement de leur mission de surveillance , indispensable à la sécurité de nos concitoyens, notamment dans le contexte actuel marqué par la menace terroriste, le regain des activités d'espionnage et le développement des cyberattaques.

Votre commission, ayant vérifié que ces conditions étaient bien remplies, a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.

I. L'INTRODUCTION DE DISPOSITIONS SUR LA SURVEILLANCE INTERNATIONALE DANS LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT

Le projet de loi relatif au renseignement adopté par le Parlement le 24 juin 2015 proposait d'insérer, dans le nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure, consacré au renseignement, un chapitre IV, intitulé : « Des mesures de surveillance internationale ». Ce chapitre comprenait un seul article L. 854-1, qui prévoyait un cadre spécifique pour les interceptions de communications électroniques émises ou reçues à l'étranger 1 ( * ) .

Ce cadre spécifique était nécessaire compte tenu de l'échelle internationale du champ d'intervention. Sur le territoire national, une interception de sécurité vise une personne en particulier, sur le fondement d'éléments connus. Au contraire, la surveillance des communications internationales, par sa nature même, a pour objet de surveiller des individus dont les noms sont souvent inconnus, des zones dans lesquelles agissent des groupes qui menacent notre pays ou ses intérêts, ou des organisations terroristes.

Le projet de loi autorisait ainsi « la surveillance et le contrôle (interception des communications et recueil des données de connexion) des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger », dès lors qu'elles répondent aux finalités définies par l'article 811-3 du code de la sécurité intérieure.

Les finalités permettant sur autorisation du Premier ministre l'utilisation des techniques de renseignement

(Article L.811-3 du code de la sécurité intérieure)

Il s'agit de la sécurité nationale, des intérêts essentiels de la politique étrangère et de l'exécution des engagements européens et internationaux de la France, des intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France, de la prévention du terrorisme, de la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l'article L. 212-1, de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées et enfin de la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Ces opérations mises en oeuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) depuis le territoire national, portent en principe sur les communications échangées par les personnes ne résidant pas habituellement en France. Toutefois, des communications rattachées au territoire national peuvent être concernées si les personnes surveillées entrent en communication avec des personnes se trouvant en France ou utilisant des identifiants français.

Dès lors, l'article prévoyait un double régime juridique :

A. LES COMMUNICATIONS ÉMISES OU REÇUES À L'ÉTRANGER

Les communications émises ou reçues à l'étranger et n'ayant aucun élément de rattachement au territoire national, sont exclusivement régies par les dispositions du nouvel article L.854-1 du code de la sécurité intérieure.

La surveillance devait être autorisée par le Premier ministre ou l'une des personnes déléguées mentionnées à l'article L.821-4 du code de la sécurité intérieure, saisie par une demande motivée des ministres mentionnée au premier alinéa de l'article L.821-2 et ne pouvait l'être aux seules fins de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, mentionnés à l'article L.811-3.

Il était prévu que les autorisations de surveillance et les autorisations d'exploitation ultérieure des correspondances désignent les systèmes de communication, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou les groupes de personnes objets de la surveillance, la ou les finalités justifiant cette surveillance, ainsi que le ou les services spécialisés de renseignement qui en sont chargés.

Il n'était pas prévu en revanche, comme pour le territoire national, un avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cela était justifié par la nature des missions qui s'inscrivent dans la partie la plus régalienne de l'action de l'Etat à l'étranger.

En revanche, la CNCTR était associée à la définition des conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que les conditions de traçabilité et de contrôle de la mise en oeuvre des mesures de surveillance dans lesquelles elle intervenait puisque le projet de loi renvoyait ces aspects à un décret en Conseil d'Etat, pris après son avis. Il précisait toutefois que ces renseignements ne pouvaient être collectés, transcrits ou extraits pour d'autres finalités que celles mentionnées à l'article L.811-3.

Un second décret en Conseil d'Etat, non publié comme cela est d'usage pour certains décrets régissant les fichiers de souveraineté 2 ( * ) , pris après avis de la CNCTR et porté à la connaissance de la Délégation parlementaire au renseignement devait préciser, en tant que de besoin, les modalités de mise en oeuvre.


* 1 La création d'un tel cadre faisait partie des recommandations de la délégation parlementaire au renseignement, qui, dans son dernier rapport, soulignait que « l'un des défis d'un prochain texte de loi résidera dans la prise en considération des activités déployées à l'étranger par certains de nos services - en particulier la DGSE ». Il aurait permis aussi de protéger les agents lorsqu'ils ont recours à une technique de renseignement visant un objectif étranger depuis le territoire national.

* 2 Ainsi que le précise l'étude d'impact du projet de loi, « leur divulgation dévoilerait en effet des informations de nature à porter gravement préjudice au secret de la défense nationale et à entraver les missions des services spécialisés de renseignement ».

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