Avis n° 357 (2015-2016) de Mme Catherine MORIN-DESAILLY , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 3 février 2016

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N° 357

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi organique , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de modernisation des règles applicables à l' élection présidentielle et sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de modernisation des règles applicables à l' élection présidentielle

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3201 , 3312 , 3319 et T.A. 645

Sénat :

278 et 279 (2015-2016)

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

- La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté un amendement à l'article 4 de la proposition de loi organique qui rétablit le principe d'égalité dans la période intermédiaire pour le temps de parole et supprime, en conséquence, la référence aux conditions de programmation comparables ;

- La commission a adopté un article additionnel à la proposition de loi qui permet aux commissions chargées de la culture de chaque assemblée d'examiner la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) aux médias pour le suivi de l'élection présidentielle au moyen d'une audition de son président.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi organique et la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ont été déposées les 5 et 10 novembre 2015 par MM. Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen de l'Assemblée nationale.

Ces deux textes complémentaires, qui font l'objet d'une procédure accélérée et ont été examinés par l'Assemblée nationale en séance publique le 16 décembre 2015, visent à répondre à des difficultés pratiques relevées lors des élections présidentielles de 2007 et 2012 concernant notamment, pour ne citer que ce qui relève du champ de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le rôle des médias audiovisuels durant la période précédant ces scrutins.

Ces difficultés concernent en particulier le régime applicable pendant la période intermédiaire, qui s'étend de la date de publication de la liste officielle des candidats à la veille du début de la campagne officielle. Elles ont fait l'objet de propositions de réforme de la part du Conseil constitutionnel, de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle de 2012 et de propositions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Ces deux textes ne se limitent pas aux questions touchant à la communication mais quatre articles au moins relèvent de cette thématique et sont susceptibles d'intéresser votre commission de la culture. Dans la proposition de loi organique, il s'agit de l'article 4, d'une part, relatif à l'accès aux médias audiovisuels des candidats à l'élection présidentielle et donc au régime de la période intermédiaire déjà mentionnée ; de l'article 7, d'autre part, qui modifie les horaires des opérations de vote afin de prévoir une ouverture des bureaux de 8 heures à 19 heures avec la possibilité de repousser la fermeture à 20 heures.

Dans la proposition de loi, concernent également votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication l'article 2, relatif à la sanction du non-respect de l'interdiction de divulgation anticipée des résultats du scrutin, et l'article 2 ter , ajouté par l'Assemblée nationale, relatif à la diffusion des mises au point de la Commission des sondages sur les antennes des sociétés de l'audiovisuel public dans la semaine précédant le scrutin.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE REMISE EN CAUSE DE L'ÉGALITÉ DU TEMPS DE PAROLE DANS LA PÉRIODE INTERMÉDIAIRE

A. UN RECUL DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ QUI FRAGILISE LE PLURALISME

La question du temps de parole et du temps d'antenne pendant les campagnes électorales constitue un sujet sensible qui touche à notre conception même de la démocratie et du respect du pluralisme. Voilà pourquoi, sans sous-estimer les difficultés rencontrées par les médias audiovisuels pour appliquer le principe d'égalité des temps de parole et d'équité des temps d'antenne, il convient d'être très exigeants sur les garanties apportées pour que le débat politique demeure ouvert, sincère et juste.

À cet égard, votre rapporteure pour avis ne peut dissimuler sa préoccupation face aux évolutions proposées et s'empêcher de rappeler son attachement au principe de l'égalité qui constitue la meilleure garantie pour vivifier notre démocratie. Alors que notre pays connaît toujours un déficit de renouvellement des élites politiques et de diversité d'idées dans le débat public, la réforme qui nous est présentée risque de favoriser les candidats les plus connus, les mieux installés et ceux qui disposent déjà d'une forte attention de la part des médias.

La campagne pour l'élection du Président de la République constitue un des rares moments, dans notre démocratie, où les médias sont obligés de respecter à la lettre des principes de non-discrimination entre les candidats et les forces politiques qu'ils représentent. On sait aussi combien l'élection du Président de la République structure notre vie politique. Comme cela a été rappelé lors du débat en commission, le recours au principe d'égalité des temps de parole n'intervient qu'à titre exceptionnel dans notre vie politique et il convient de bien mesurer la réalité de ses inconvénients compte tenu de son importance pour notre démocratie.

La procédure des parrainages joue déjà le rôle de filtre pour assurer le sérieux et la représentativité des candidatures . Sachant qu'elle sera renforcée par ces textes, dont la commission des lois est saisie au fond, il n'y a pas de raison a priori pour laisser au CSA et aux médias une marge d'appréciation pour décider quelle exposition accorder à tel ou tel candidat. C'est pourtant le sens de l'article 4 de la proposition de loi organique, qui prévoit de substituer le principe d'équité - lequel régit déjà les autres élections - au principe d'égalité dans la mise en valeur des candidats dans les médias.

B. UNE ÉVOLUTION VERS LE PRINCIPE D'ÉQUITÉ POUR RÉPONDRE AUX PRÉOCCUPATIONS DES MÉDIAS

Une telle évolution vise aussi à lutter contre la tentation des médias de ne plus couvrir la campagne présidentielle pendant les trois semaines que dure la période intermédiaire compte tenu de la difficulté qu'ils ont à appliquer strictement le principe d'égalité.

Selon les décomptes du CSA : « les chaînes TF1, France 2, France 3, Canal+ et M6 n'ont réservé que 12 heures à la retransmission des interventions des candidats, soit une diminution de 50 % par rapport au volume relevé lors de la même période sur ces chaînes en 2007. Les temps de parole accordés sur les antennes des radios généralistes et des chaînes d'information en continu ont aussi été en baisse par rapport à 2007 » . 1 ( * )

Il s'agit là d'une véritable difficulté que nous ne pouvons ignorer mais les recommandations du CSA, d'abord d'ordre technique, visent à s'adapter à cette évolution des pratiques des médias sans véritablement s'interroger, ce que votre rapporteure pour avis regrette, sur la façon dont il conviendrait de rendre compte de la campagne pour l'élection présidentielle au XXI e siècle. Désormais, avec la révolution numérique et la multiplication de nouveaux formats de programmes télévisuels, la campagne électorale ne se limite plus aux journaux télévisés des grandes chaînes. Une réflexion politique plus vaste aurait donc été souhaitable. Elle aurait permis de s'interroger également sur la façon, par exemple, dont les sites internet et la presse rendent compte de cette campagne et sur les conditions de respect du pluralisme par ces médias. Le CSA reconnaît par ailleurs que le problème tel qu'il est traité concerne les tranches d'information et donc les rédactions des médias. Les documentaires, les magazines d'information ne sont donc pas véritablement pris en compte dans cette réflexion ce qui illustre, une fois encore, le caractère insuffisamment abouti de la réflexion menée.

Que dire, ensuite, des élections primaires organisées par certaines grandes formations politiques, qui ont pour effet de donner un surcroît de visibilité aux candidats qui y participent ? Votre rapporteur observe que le projet de loi organique et le projet de loi ne garantissent ni l'équité entre les candidats aux primaires ni, a fortiori , avec les candidats qui n'y participeront pas. Or chacun a pu mesurer en 2012 le rôle décisif de ces primaires sur le déroulement des élections présidentielles.

C. LA NOUVELLE INÉGALITÉ CRÉÉE ENTRE LES CANDIDATS PAR LE RECOURS À DES « PRIMAIRES »

Le processus des primaires a tendance à amoindrir le rôle de la procédure des parrainages conçu pour « sélectionner » les candidatures. Avec des effets importants sur le fonctionnement de notre démocratie puisque les candidats qui ne participeront pas à ces primaires risquent d'être marginalisés médiatiquement. Or aucune disposition n'est prévue pour encadrer la communication dans les médias sur ces primaires que l'ensemble des chaînes souhaitent pouvoir relayer en diffusant des débats associant tous les candidats.

Cette novation politique majeure doit nous inciter à être encore plus vigilants sur le déroulement de la phase finale de l'élection présidentielle. Si la première phrase de l'article 4 de la Constitution précise bien que « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » ce qui permet de légitimer le processus des primaires, il convient en effet de rappeler que le dernier alinéa du même article prévoit que : « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » .

II. LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER AUTANT QUE POSSIBLE L'EXPRESSION DU PLURALISME

A. L'IMPOSSIBLE CHOIX ENTRE RENFORCEMENT DE LA COUVERTURE MÉDIATIQUE ET AFFAIBLISSMENT DU PLURALISME

Au final, aucun des différents choix qui s'offrent au législateur ne semble emporter la conviction : soit le principe d'égalité est maintenu en vigueur et consacré dans un texte organique - le risque d'arbitraire aura été réduit mais le problème de la réduction de la place accordée par les médias à la campagne durant la période intermédiaire n'aura pas été résolu - soit le principe d'égalité cède la place au principe d'équité et il sera alors nécessaire, au minimum, de mieux encadrer le pouvoir d'appréciation laissé au CSA en soumettant, par exemple, l'examen de sa recommandation à un débat public devant les commissions en charge des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Mais cette dernière hypothèse sera-t-elle suffisante pour contenir les possibles dérives de certains médias compte tenu de la marge d'appréciation qui leur serait reconnue ? Quels seront les critères qui doivent servir de fondement au contrôle exercé par le CSA. La référence aux seuls « résultats obtenus aux plus récentes élections » et aux enquêtes d'opinion pour déterminer la représentativité apparaît pour le moins réductrice. Quant au second critère, qui fait référence à « la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral », il n'est pas dénué d'une certaine subjectivité.

B. LES APPORTS DU DÉBAT À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Afin de réduire le risque d'abus, le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte deux avancées qui sont intéressantes .

En premier lieu, les députés ont introduit une précision prévoyant que l'application du principe d'équité pendant la période intermédiaire et du principe d'égalité pendant la campagne officielle est assurée « dans des conditions de programmation comparables, précisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans une recommandation relative à l'élection présidentielle » . Cette précision doit éviter que certains candidats ne se voient proposer d'intervenir que lors des heures de moindre écoute, la nuit en particulier.

En second lieu, le dernier alinéa de l'article prévoit qu'à compter de la publication de la liste des candidats et jusqu'au tour de l'élection où celle-ci est acquise, le CSA publie périodiquement, dans un format ouvert et aisément réutilisable - « open data » - , le relevé des temps consacrés à la reproduction et au commentaire des déclarations et des écrits des candidats et à la présentation de leurs personnes. La mise à disposition de ces données doit permettre aux citoyens, aux candidats et aux médias de mieux contrôler l'application des règles permettant de garantir le pluralisme.

On ne peut que saluer ces deux progrès mais force est de constater qu'ils ne suffisent pas à encadrer la marge d'appréciation laissée aux médias et au CSA .

C. LA NÉCESSITÉ POUR VOTRE COMMISSION DE RÉAFFIRMER SES VALEURS

Compte tenu de son attachement à notre culture démocratique, votre rapporteur pour avis n'a pu se départir de la circonspection que lui inspire cet article 4 de la proposition de loi organique. Le très large débat qui a eu lieu en commission a permis d'établir que ces interrogations étaient largement partagées par nos collègues.

C'est la raison pour laquelle que votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a souhaité amender chacun de ces deux textes :

- elle a tout d'abord adopté un amendement à l'article 4 de la proposition de loi organique qui rétablit le principe d'égalité dans la période intermédiaire pour le temps de parole et supprime, en conséquence, la référence aux conditions de programmation comparables ;

- elle a adopté un article additionnel à la proposition de loi qui permet aux commissions chargées de la culture de chaque assemblée de débattre avec le CSA de sa recommandation aux médias pour le suivi de l'élection présidentielle.

III. LES AUTRES DISPOSITIONS CONCERNANT VOTRE COMMISSION DE LA CULTURE

Outre l'article 4 de la proposition de loi organique, plusieurs autres dispositions relèvent du champ de compétence de votre commission.

A. L'HARMONISATION DES HORAIRES DES BUREAUX DE VOTE

L'article 7 de la proposition de loi organique prévoit d'harmoniser les horaires des opérations de vote en fixant au niveau organique le principe selon lequel le scrutin est ouvert de 8 heures à 19 heures. Des aménagements seraient par ailleurs possibles afin d'avancer l'heure d'ouverture - pour les collectivités d'outre-mer - et de retarder l'heure de fermeture - dans les zones urbaines - sans que le scrutin puisse toutefois aller au-delà de 20 heures.

La réduction d'une heure de l'écart entre les horaires de fermeture des bureaux de vote doit permettre de réduire les risques de divulgation des résultats recueillis dans ceux qui fermaient à 18 heures . La commission des sondages estime par ailleurs que le maintien d'un écart d'une heure préservera la possibilité de réaliser des estimations dans les « bureaux tests » afin de pouvoir annoncer des résultats à 20 heures.

Là encore, on peut comprendre le sens de cet ajustement technique mais est-on sûr que cela suffira à éviter les fuites sur les réseaux sociaux lors de la dernière heure d'ouverture des bureaux en zone urbaine ? N'aurait-il pas été préférable de fixer un même horaire de fermeture pour l'ensemble des bureaux de vote ?

Le débat au sein de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a montré qu'il n'existait pas de consensus sur cette disposition et que les échanges avec la commission des lois devraient permettre de mieux identifier la solution la plus adaptée pour tenir compte à la fois des difficultés rencontrées sur le terrain pour assurer l'organisation du scrutin et des impératifs relatifs à la préservation du secret des résultats jusqu'au moment de leur annonce.

B. UNE MEILLEURE SANCTION DE LA DIVULGATION DES RÉSULTATS

L'article 2 de la proposition de loi ordinaire prévoit de relever de 3 500 euros à 75 000 euros l'amende réprimant la divulgation prématurée, les jours de scrutin, de résultats partiels ou définitifs .

La modification des horaires d'ouverture des bureaux devrait limiter les risques de fraude mais les nombreux écarts constatés lors des dernières élections plaident en faveur d'une plus grande sévérité, afin de garantir l'intégrité du scrutin.

C. L'AMÉLIORATION DE LA DIFFUSION DES MISES AU POINT DE LA COMMISSION DES SONDAGES

Une dernière disposition concerne votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il s'agit de l'article 2 ter relatif à la diffusion des mises au point de la Commission des sondages sur les antennes des sociétés de l'audiovisuel public dans la semaine précédant le scrutin.

L'expérience a montré que les médias pouvaient se montrer peu réactifs face aux demandes de diffusion de ces mises au point, pourtant susceptibles de jouer un rôle déterminant dans le débat. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, permet ainsi de renforcer le dispositif existant.

EXAMEN DES ARTICLES

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE DE MODERNISATION DES RÈGLES APPLICABLES À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Article 4 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel) - Accès aux médias audiovisuels des candidats à l'élection présidentielle

I. Le droit en vigueur

A. État des lieux

L'article 4 de la proposition de loi organique modifie l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel qui détermine les principes de l'organisation de l'élection présidentielle.

Le paragraphe I de cet article 3 prévoit que quinze jours avant le premier tour de scrutin, le Gouvernement assure la publication de la liste des candidats . Le même paragraphe fixe les critères des 500 parrainages qui doivent être recueillis pour valider la candidature et prévoit également les modalités de déclaration des situations patrimoniales des candidats.

Le paragraphe II prévoit les conditions d'organisation des opérations électorales et fixe à 13,7 millions d'euros le plafond des dépenses électorales pour un candidat à l'élection du Président de la République. Ce plafond est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour. Le même paragraphe précise que les comptes de campagne sont approuvés, rejetés ou réformés par la Commission nationale des comptes de campagne et les sanctions en cas de dépassement du plafond des dépenses.

Le paragraphe III donne au Conseil constitutionnel la mission de veiller à la régularité des opérations électorales et d'arrêter et de proclamer les résultats.

Le paragraphe IV prévoit que tous les candidats bénéficient, de la part de l'État, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l'élection présidentielle .

Le paragraphe V renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités d'application des dispositions organiques de l'article et notamment les conditions de participation de l'État aux dépenses de propagande.

Cet article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 ne comprend donc pas aujourd'hui de dispositions relatives à l'organisation de la campagne électorale dans les médias à l'exception de la disposition d'ordre général du paragraphe IV mais pourtant essentielle selon laquelle les candidats bénéficient, de la part de l'État, des mêmes facilités . Cette disposition sert de fondement à l'article 15 du décret du 8 mars 2001 qui détermine notamment les conditions d'accès des candidats à l'antenne au cours des deux semaines précédent chacune des deux tours du scrutin, c'est-à-dire pendant la campagne officielle .

L'article 15 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection
du Président de la République au suffrage universel

« À compter de la date de début de la campagne mentionnée à l'article 10 et jusqu'au tour de scrutin où l'élection est acquise, le principe d'égalité entre les candidats doit être respecté dans les programmes d'information des sociétés nationales de programme et des services de communication audiovisuelle autorisés ou concédés en ce qui concerne la reproduction ou les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne.

Chaque candidat dispose d'une durée égale d'émissions télévisées et d'émissions radiodiffusées dans les programmes des sociétés nationales de programme aux deux tours du scrutin. Cette durée est fixée par décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel après consultation de tous les candidats. Elle ne peut être inférieure à quinze minutes par candidat pour le premier tour. Pour le second tour, elle ne peut être inférieure à une heure, sauf en cas d'accord entre les deux candidats pour réduire cette durée.

Les temps d'émission télévisée et radiodiffusée sont utilisés personnellement par les candidats. Des personnes désignées par chaque candidat peuvent participer à ses émissions.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect des dispositions du présent article et des règles et recommandations qu'il édicte en application de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ».

Outre ces dispositions réglementaires relatives à la campagne officielle, une délibération du CSA relative au principe du pluralisme politique en période électorale définit les modalités pratiques de temps de parole accordé aux candidats. Pour l'élection présidentielle, ces dispositions sont rassemblées dans une recommandation aux radios et télévisions prise en application de l'article 16 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 qui dispose que : « Pour la durée des campagnes électorales, le conseil adresse des recommandations aux éditeurs de services de radio et de télévision autorisés ou ayant conclu une convention en vertu de la présente loi » . Pour les élections présidentielles de 2012, le CSA a ainsi adopté une délibération en date du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale ainsi qu'une recommandation en date du 30 novembre 2011 à destination de l'ensemble des services de radio et de télévision concernant l'élection du Président de la République.

Les règles établies par le CSA permettent de distinguer trois périodes successives dans le déroulement de la campagne présidentielle :

- La période préliminaire

La date de début de cette période est fixée par le Conseil dans sa recommandation aux services de radio et de télévision. Au cours de cette période, les médias conservent une totale liberté éditoriale et de programmation mais les candidats « déclarés ou présumés » doivent bénéficier d'un temps de parole (accès aux médias) et d'un temps d'antenne (une présentation de leur candidature et de leur campagne) équitables .

À l'occasion de l'élection présidentielle de 2007, la période préliminaire a débuté le 1 er décembre 2006 et a duré 3 mois et demi, une période qui a été considérée comme trop longue pour assurer le suivi du respect du principe d'équité compte tenu du nombre élevé de candidats. Pour l'élection présidentielle de 2012, la période préliminaire a ainsi été réduite d'un mois à deux mois et demi et n'a débuté que le 1 er janvier 2012 .

Au cours de cette période, le CSA se fonde sur un faisceau d'indices pour apprécier l'importance à donner à chaque candidat . Il prend ainsi en compte les éléments constitutifs d'une candidature tels qu'ils se manifestent à travers l'organisation de réunions publiques, de passages dans les médias, d'utilisation de moyens de communication pour participer au débat ou présenter un programme. Il tient compte également de la représentativité du candidat telle qu'elle ressort dans les résultats obtenus aux précédentes élections par le candidat ou les formations politiques qui le soutiennent ou dans les enquêtes d'opinion. Ces deux critères ont été validés par le Conseil d'État dans deux arrêts du 7 mars 2007 (Mme Lepage) et du 15 mars 2012 (M. Bourson).

- La période intermédiaire

La période intermédiaire commence à la date de publication de la liste officielle des candidats et s'achève à la veille du début de la campagne officielle . Elle se caractérise par un « régime mixte » : le temps d'antenne reste soumis au principe d'équité qui prévaut dans la période préliminaire mais c'est le principe d'égalité qui s'applique au temps de parole dans le cadre d'une totale liberté de programmation . L'égalité est donc appréciée de manière quantitative et non qualitative puisque les prises de parole ne sont pas soumises à une obligation de conditions de programmation comparables.

Lors des élections présidentielles de 2007 et 2012, la période intermédiaire a duré trois semaines soit significativement plus que lors des précédentes élections du fait de l'avancement de la date de publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel.

- La campagne officielle

La période de la campagne officielle s'étend sur les 15 jours qui précèdent la veille du jour du scrutin pour les premier et second tours. Elle se caractérise par une stricte égalité des temps d'antenne et des temps de parole dans le cadre d'une obligation de programmation dans des conditions comparables pour tous les candidats . L'égalité de traitement devient donc à la fois quantitative (nombre de minutes) mais également qualitative (horaires de diffusion) ce qui revient à dire que les médias perdent alors leur liberté de programmation éditoriale.

B. Le dispositif proposé

Le dispositif proposé vise à répondre aux difficultés rencontrées par les médias à respecter le principe d'égalité des temps de parole dans le cadre de la période intermédiaire qui a eu pour conséquence de réduire fortement la place accordée à la campagne électorale dans les programmes des radios et télévision. Le CSA, le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle ont ainsi eu l'occasion de souligner la complexité de la réglementation en vigueur et son caractère peu opérationnel sur une période rallongée par rapport aux élections présidentielles précédentes.

Selon les responsables de l'information des chaînes de radio et de télévision qui se sont adressés au président du Conseil constitutionnel dans un courrier en date du 8 février 2012, la réglementation a pour effet de donner à certains candidats une surexposition médiatique sans rapport avec la réalité de la vie politique. Par ailleurs, les difficultés pratiques rencontrées aboutissent à devoir déprogrammer certaines émissions politiques faute de pouvoir assurer l'égalité du temps de parole. C'est ainsi que le CSA a constaté une baisse de 50% du temps consacré à la retransmission des déclarations des candidats entre 2007 et 2012.

Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé dans ses observations sur l'élection du Président de la République des 22 avril et 6 mai 2012 que si l'exigence légale d'une stricte égalité entre les candidats « s'imposait pour la campagne officielle et ne soulevait pas de difficulté, elle était plus difficile à mettre en oeuvre, dans de telles conditions, s'agissant des programmes que les chaînes de radio et de télévision définissent pour contribuer à l'information des citoyens » . Le Conseil constitutionnel a néanmoins considéré que l'application du principe d'équité dépendait d'une décision du législateur organique sous réserve que soient définis des critères objectifs et rationnels en fonction desquels cette représentativité s'apprécierait.

L'article 4 de la proposition de loi organique vise précisément à répondre aux considérations formulées par le Conseil constitutionnel sur la base des observations émises par le CSA, les responsables des médias et la commission nationale de contrôle. Il prévoit, ce faisant, d'inscrire au niveau organique les modalités d'organisation de la période intermédiaire et de la campagne officielle .

Cet article 4 prévoit pour cela d'insérer un nouveau paragraphe I bis à l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 qui dispose qu'à compter de la publication de la liste des candidats et jusqu'à la veille du début de la campagne, les éditeurs de services de communication audiovisuelle respectent, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le principe d'équité en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne .

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel devra tenir compte pour exercer sa mission de deux types de critères :

- la représentativité des candidats , appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d'enquêtes d'opinion ;

- et la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral .

Le cinquième alinéa du texte proposé pour ce nouveau paragraphe I bis prévoit qu'à compter du début de la campagne et jusqu'au tour de scrutin où l'élection est acquise - c'est-à-dire pendant la campagne officielle - les éditeurs de services de communication audiovisuelle respectent, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le principe d'égalité en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne.

Enfin le dernier alinéa du texte proposé par la proposition de loi organique prévoyait que le respect des principes mentionnés pour la période intermédiaire et la campagne officielle est assuré dans des conditions de programmation comparables .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Plusieurs modifications ont été apportées au texte lors de son examen par la commission des lois de l'Assemblée nationale. À l'initiative du rapporteur pour avis de la proposition de loi au nom de la commission des affaires culturelles, la commission des lois a ainsi complété le sixième alinéa en prévoyant que les conditions de programmation comparables seront précisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans une recommandation relative à l'élection présidentielle .

Cette rédaction a été préférée à des précisions dans la loi elle-même. Pour le rapporteur pour avis, M. Patrick Bloche : « imposer des contraintes trop lourdes risque d'être contre-productif au regard de l'objectif que nous poursuivons d'une augmentation du temps consacré au débat politique sur les chaînes de radio et de télévision lors de l'élection présidentielle » 2 ( * ) .

La commission des lois a également adopté un amendement de M. Paul Molac ayant pour objet une publication régulière sous un format ouvert et réutilisable (« open date ») des relevés effectués quotidiennement par le CSA pendant la campagne . Un nouvel alinéa a ainsi été inséré qui prévoit qu'à compter de la publication de la liste des candidats et jusqu'au tour de scrutin où l'élection est acquise, le Conseil supérieur de l'audiovisuel publie périodiquement, dans un format ouvert et aisément réutilisable, le relevé des temps consacrés à la reproduction et au commentaire des déclarations et écrits des candidats et à la présentation de leur personne.

III. La position de votre commission

Sans mésestimer les difficultés rencontrées par les médias pour appliquer le principe d'égalité pendant la période intermédiaire pour le temps de parole, votre rapporteure pour avis considère qu' il y aurait plus de désavantages à lui préférer l'application du principe d'équité .

L'application du principe d'égalité pendant la période intermédiaire permet, en effet, de rétablir un certain équilibre pendant la période clé de l'élection présidentielle qui constitue elle-même un moment crucial de notre vie démocratique. En dehors de cette période, les médias sont certes astreints au respect du pluralisme mais la liberté éditoriale fait que les petites formations ont le plus souvent un accès limité aux grandes émissions aux heures de plus forte audience.

Dans le cadre de la préparation des élections présidentielles, l'organisation de « primaires » ouvertes a, par ailleurs, tendance à focaliser l'attention sur les candidats des grandes formations politiques et, au sein de celles-ci, sur les candidats les plus « en vue ». Or aucune disposition n'est prévue pour encadrer la communication dans les médias concernant ce processus de sélection.

L'ensemble de ces considérations ont amené votre rapporteure pour avis à proposer de rétablir par amendement (CULT-1) dans l'alinéa 4 de l'article 4 le principe d'égalité pour les temps de parole pendant la période intermédiaire en le consacrant au niveau organique . En conséquence, elle a également proposé de supprimer le 7 e alinéa de cet article qui prévoit que « le respect des principes mentionnés aux premier et cinquième alinéas du présent I bis est assuré dans des conditions de programmation comparables, précisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans une recommandation relative à l'élection présidentielle » . Une telle condition de programmation n'est, en effet, plus indispensable dans le cadre de l'application du principe d'égalité.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté l'amendement n° CULT-1.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 4 de la proposition de loi organique , sous réserve de l'adoption de ses amendements 3 ( * ) .

Article 7 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel) - Horaires des opérations de vote

I. Le droit en vigueur

A. État des lieux

Les bureaux de vote ferment en principe à 18 heures . Toutefois, le préfet du département a la possibilité de prévoir dans certaines communes un horaire de fermeture plus tardif qui ne peut dépasser 20 heures. Ces règles sont fixées par décret à chaque scrutin présidentiel. L'article 22 du décret du 8 mars 2001 prévoit ainsi que « les heures d'ouverture et de clôture du scrutin sont fixées par le décret de convocation des électeurs » .

La question des horaires des opérations de vote ne concerne votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication que de manière indirecte, au regard de l'incidence que peuvent avoir des horaires de fermeture distincts sur la divulgation prématurée des résultats, en particulier sur les réseaux sociaux et sur les sites internet de médias étrangers.

Les horaires de fermeture des bureaux de vote s'étalent aujourd'hui de 18 heures dans les zones rurales à 20 heures dans les zones urbaines. Or, le dépouillement des bureaux de vote qui ferme à 18 heures rend possible l'estimation des premiers résultats dans l'heure qui suit à travers la technique des bureaux « tests ». Il est donc devenu habituel de constater des fuites sur les résultats dès 18h45 ou 19 heures sur internet en violation des dispositions du code électoral.

Les interdictions de la « période de réserve »

La campagne électorale prend fin la veille de chaque tour de scrutin à zéro heure et laisse place à la « période de réserve » qui se caractérise par une triple interdiction :

- Une interdiction de communiquer au public par voie électronique tout message de propagande électorale (art. L. 49 du code électoral et pour l'élection présidentielle art. 3 de la loi du 6 novembre 1962). Les contrevenants sont passibles d'une amende de 3 750 euros prévue par l'article L. 89 du code électoral ;

- Une interdiction de publier, diffuser et commenter, par quelque moyen que ce soit, tout sondage relatif au scrutin (art. 11 de la loi du 19 juillet 1977). Les contrevenants sont passibles d'une amende de 75 000 euros prévue par l'article L. 90-1 du code électoral ;

- Une interdiction de communiquer au public par voie de presse ou par tout autre moyen de communication par voie électronique, tout résultat, partiel ou définitif , en métropole avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain et, dans les départements d'outre-mer avant la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun des territoires concernés (art. L. 52-2 du code électoral). Les contrevenants sont passibles d'une amende de 3 750 euros prévue par l'article L. 89 du code électoral.

Afin de limiter ce risque de divulgation anticipée des résultats, le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle et le CSA ont recommandé dès 2007 une harmonisation des horaires de fermeture des bureaux . Cette demande n'avait jusqu'alors pas pu être mise en oeuvre compte tenu des objections formulées par les élus des petites communes rurales pour lesquels un report de l'heure de fermeture des bureaux de vote après 18 heures apparaissait problématique sur le plan logistique.

B. Le dispositif proposé

La proposition de loi organique prévoit dans son article 7 de retenir une voie médiane entre la fermeture à 18 heures ou 20 heures. La rédaction prévoit ainsi de modifier l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée afin d'insérer un II bis ainsi rédigé qui prévoit que « Le jour du vote, le scrutin est ouvert à huit heures et clos à dix-neuf heures (heure légale locale) » . Ce principe général s'accompagnerait néanmoins de quelques adaptations pour tenir compte des spécificités locales « sans que le scrutin puisse être clos après vingt heures (heure légale locale) ».

Il est ainsi prévu que le représentant de l'État dans le département, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie peut, par arrêté, avancer l'heure d'ouverture ou retarder l'heure de clôture du scrutin dans certaines communes ou circonscriptions administratives.

Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères pourra, par arrêté, avancer l'heure d'ouverture ou retarder l'heure de clôture du scrutin dans certains bureaux de vote ouverts à l'étranger.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des lois et celle des affaires culturelles ont adopté cet article sans modification, de même que l'Assemblée nationale.

III. La position de votre commission

La question des horaires de fermeture des bureaux de vote a suscité un large débat lors de l'examen en commission.

Le choix d'harmoniser à 19 heures l'horaire de fermeture des bureaux de vote - sous réserve de prévoir des possibilités d'adaptation en fonction des situations locales - n'a pas été considéré comme exempt d'inconvénients. Plusieurs de nos collègues ont, en effet, rappelé qu'il était déjà difficile d'assurer la tenue des bureaux de vote compte tenu des horaires actuels. Des propositions ont été faites afin de ne retenir qu'un seul horaire de fermeture sur tout le territoire mais, faute de pouvoir retenir un horaire en particulier, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication n'a pas examiné d'amendement sur cet article .

PROPOSITION DE LOI DE MODERNISATION DES RÈGLES APPLICABLES À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Article 2 (art. L. 89 et L. 90-1 du code électoral) - Sanction du non-respect de l'interdiction de divulgation anticipée des résultats du scrutin

Cet article vise à harmoniser les sanctions pénales en cas de divulgation prématurée des résultats électoraux ou d'estimations réalisées par voie de sondages d'opinion .

I. Le droit en vigueur

A. État des lieux

Il existe aujourd'hui des différences concernant la sanction des différentes formes de violation de l'embargo imposé jusqu'à la fermeture des derniers bureaux de vote à 20 heures selon qu'il s'agit d'une divulgation des résultats ou bien de la publication, de la diffusion ou du commentaire de tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec l'élection présidentielle.

La divulgation de résultats, partiels ou définitifs, n'est en effet punie que d'une amende de 3 750 euros en application de l'article L. 89 du code électoral tandis que l'utilisation prohibée d'un sondage d'opinion est punie d'une amende de 75 000 euros en application de l'article 12 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.

Dans les deux cas, lorsque les faits sont commis par une personne morale, l'amende est multipliée par cinq (art. 131-38 du code pénal).

B. Le dispositif proposé

Le présent article vise à harmoniser les sanctions réprimant la violation de l'embargo en retenant une amende de 75 000 euros pour les deux infractions .

Ce durcissement fait suite à une recommandation de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des lois et la commission des affaires culturelles ont adopté cet article sans modification de même que l'Assemblée nationale.

III. La position de votre commission

Votre commission pour avis est particulièrement attachée au respect de la sincérité du scrutin. L'harmonisation des sanctions apparaît comme une condition nécessaire afin de mieux dissuader les violations de l'embargo.

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a donc proposé de ne pas modifier cet article .

Article 2 ter (art. 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Diffusion des mises au point de la Commission des sondages sur les antennes des sociétés de l'audiovisuel public dans la semaine précédant le scrutin

Cet article fait suite à l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui vise à rendre obligatoire la diffusion, sans délai, par les médias audiovisuels publics des mises au point de la Commission des sondages relatives à un sondage publié la semaine précédant un vote.

Il existe déjà une obligation faite aux organes d'information qui ont publié ou diffusé un sondage dans des conditions irrégulières ou qui en ont altéré la portée des résultats de publier les mises aux points demandées par la Commission des sondages (art. 9 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion). Toutefois, selon l'auteur de l'amendement, il apparaît que la Commission des sondages n'est pas toujours en mesure d'obtenir la diffusion de ses mises au point sur les chaînes du service public. Or plus la publication d'un sondage est proche du scrutin, plus les corrections apportées par la Commission doivent faire l'objet d'une diffusion à l'attention des électeurs pour les informer des erreurs ou des fausses informations qu'il comporte.

Le présent article vise donc à compléter l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 afin de prévoir que lorsque la publication, la diffusion ou le commentaire d'un sondage intervient pendant la semaine précédant un tour de scrutin, les sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde) sont tenues de programmer et de diffuser sans délai la mise au point de la Commission des sondages sur la demande écrite de celle-ci.

Ces nouvelles dispositions qui s'appliquent à l'ensemble des élections ont été adoptées sans modifications par l'Assemblée nationale.

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication vous propose de ne pas modifier cet article.

Article additionnel après l'article 2 ter (nouveau) - Présentation de la recommandation du CSA sur les élections présidentielles devant les commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire

La substitution du principe d'équité au principe d'égalité dans la représentation des personnes au cours de la période intermédiaire prévue par l'article 4 de la proposition de loi organique donne une importance particulière à la recommandation formulée par le CSA à l'intention des chaînes. Afin de permettre un débat public et un échange avec le Conseil sur cette recommandation, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a proposé de prévoir par amendement (CULT-2) d'organiser une audition publique du président du CSA dans le mois suivant la publication de cette recommandation afin, en particulier, de pouvoir examiner les critères retenus par le Conseil pour apprécier la représentativité des candidats .

Cet amendement prévoit, ainsi, d'insérer un article additionnel après l'article 2 ter dans la proposition de loi ordinaire qui dispose que « dans le mois suivant sa publication, la recommandation prise en application de l'article 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, lorsqu'elle est relative à l'élection présidentielle, est présentée par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel en audition publique devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire » . Les commissions concernées pourraient ainsi donner leur avis sur les critères retenus par le Conseil ainsi que sur les modalités de contrôle envisagées .

Un tel échange avec le CSA illustre la volonté du Sénat, exprimée encore récemment dans le cadre d'une commission d'enquête 4 ( * ) conduite par nos collègues Marie-Hélène des Esgaulx et Jacques Mézard, de réaffirmer le rôle du Parlement dans le contrôle des autorités indépendantes.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté l'amendement n° CULT-1.

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie, sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016

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M. Jean-Claude Carle, président . - Avant de passer la parole à notre rapporteure, je salue la présence d'une délégation d'élues de l'Assemblée de la Polynésie française, Mmes Vaiata Perry-Friedman, Minarii Galenon et Chantal Tahiata, respectivement 2 e vice-présidente de l'assemblée, présidente et vice-présidente de la commission de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports que nous sommes heureux d'accueillir.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis . - La proposition de loi organique et la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ont été déposées les 5 et 10 novembre 2015 par MM. Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen de l'Assemblée nationale.

Ces deux textes complémentaires, qui font l'objet d'une procédure accélérée et ont été examinés par l'Assemblée nationale en séance publique le 16 décembre 2015, visent à répondre à des difficultés pratiques relevées lors des élections présidentielles de 2007 et 2012 concernant notamment, pour ne citer que ce qui relève du champ de notre commission, le rôle des médias audiovisuels durant la période précédant ces scrutins.

Ces difficultés concernent en particulier le régime applicable pendant la période intermédiaire, qui s'étend de la date de publication de la liste officielle des candidats à la veille du début de la campagne officielle. Elles ont fait l'objet de propositions de réforme de la part du Conseil constitutionnel, de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle de 2012 et de propositions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Ces deux textes ne se limitent pas aux questions touchant à la communication mais quatre articles au moins relèvent de cette thématique et sont susceptibles d'intéresser notre commission de la culture. Dans la proposition de loi organique, il s'agit de l'article 4, d'une part, relatif à l'accès aux médias audiovisuels des candidats à l'élection présidentielle et donc au régime de la période intermédiaire déjà mentionnée ; de l'article 7, d'autre part, qui modifie les horaires des opérations de vote afin de prévoir une ouverture des bureaux de 8 heures à 19 heures avec la possibilité de repousser la fermeture à 20 heures.

Dans la proposition de loi, nous concernent également l'article 2, relatif à la sanction du non-respect de l'interdiction de divulgation anticipée des résultats du scrutin, et l'article 2 ter , ajouté par l'Assemblée nationale, qui concerne la diffusion des mises au point de la Commission des sondages sur les antennes des sociétés de l'audiovisuel public dans la semaine précédant le scrutin.

L'essentiel de mon intervention portera sur l'article 4 de la proposition de loi organique, qui traite de la période intermédiaire. C'est un sujet sensible qui touche à notre conception même de la démocratie et du respect du pluralisme. Voilà pourquoi, sans sous-estimer les difficultés rencontrées par les médias audiovisuels pour appliquer le principe d'égalité des temps de parole et d'équité des temps d'antenne, nous devons aussi être très exigeants sur les garanties apportées pour que le débat politique demeure ouvert, sincère et juste.

En préambule, je voudrais exprimer ma préoccupation face aux évolutions proposées et mon attachement au principe de l'égalité qui constitue la meilleure garantie pour vivifier notre démocratie. Nous mesurons tous le déficit de renouvellement des élites politiques et de diversité d'idées dans le débat public dont souffre notre pays. Et face à cela, nous sommes invités à examiner une réforme qui pourrait favoriser les candidats les plus connus, les mieux installés et qui disposent déjà d'une très forte attention des médias.

La campagne pour l'élection du Président de la République constitue un des rares moments, dans notre démocratie, où les médias sont obligés de respecter à la lettre des principes de non-discrimination entre les candidats et les forces politiques qu'ils représentent. On sait aussi combien l'élection du Président de la République structure notre vie politique.

La procédure des parrainages joue déjà le rôle de filtre pour assurer le sérieux et la représentativité des candidatures. Sachant qu'elle sera renforcée par ces textes, dont la commission des lois est saisie au fond, il n'y a pas de raison a priori pour laisser au CSA et aux médias une marge d'appréciation pour décider quelle exposition accorder à tel ou tel candidat. C'est pourtant le sens de l'article 4 de la proposition de loi organique, qui prévoit de substituer le principe d'équité - lequel régit déjà les autres élections - au principe d'égalité dans la mise en valeur des candidats dans les médias.

Je n'ignore pas qu'une telle évolution vise aussi à lutter contre la tentation des médias de ne plus couvrir la campagne présidentielle pendant les trois semaines que dure la période intermédiaire compte tenu de la difficulté qu'ils ont à appliquer strictement le principe d'égalité. Selon les décomptes du CSA : « les chaînes TF1, France 2, France 3, Canal+ et M6 n'ont réservé que 12 heures à la retransmission des interventions des candidats, soit une diminution de 50 % par rapport au volume relevé lors de la même période sur ces chaînes en 2007. Les temps de parole accordés sur les antennes des radios généralistes et des chaînes d'information en continu ont aussi été en baisse par rapport à 2007 » . Il s'agit là d'une véritable difficulté que nous ne pouvons ignorer mais les recommandations du CSA, qui sont d'ordre technique, visent à s'adapter à cette évolution des pratiques des médias sans véritablement s'interroger, ce que je regrette, sur la façon dont il conviendrait de rendre compte de la campagne pour l'élection présidentielle au XXI e siècle. Désormais, avec la révolution numérique et la multiplication de nouveaux formats de programmes télévisuels, la campagne électorale ne se limite pas au « JT ». Je regrette que nous ayons à examiner des dispositions techniques - qui ont leur intérêt et leur limite - sans avoir conduit une réflexion politique plus vaste qui aurait permis de s'interroger également sur la façon, par exemple, dont les sites internet et la presse rendent compte de cette campagne et sur les conditions de respect du pluralisme par ces médias. Le président du CSA, avec lequel je me suis entretenue, reconnaît que le problème tel qu'il est traité ne concerne que les tranches d'information et donc les rédactions des médias. Les documentaires, les magazines d'information ne sont pas véritablement pris en compte dans cette réflexion.

Que dire, ensuite, des élections primaires organisées par certaines grandes formations politiques, qui ont pour effet de donner un surcroît de visibilité aux candidats qui y participent ? Ces textes ne garantissent ni l'équité entre les candidats aux primaires ni, a fortiori , avec les candidats qui n'y participeront pas. Or chacun a pu mesurer en 2012 le rôle décisif de ces primaires.

Au final, on a le sentiment que ces deux propositions de loi ont plusieurs « guerres de retard » et nous obligent à arbitrer entre deux solutions dont aucune n'est satisfaisante. Soit nous maintenons le principe d'égalité en vigueur en le consacrant dans un texte organique - nous aurons ainsi réduit le risque d'arbitraire mais nous n'aurons pas répondu au problème de la réduction de la place accordée par les médias à la campagne durant la période intermédiaire - soit nous acceptons que le principe d'égalité cède la place au principe d'équité et nous essayons de mieux encadrer le pouvoir d'appréciation laissé au CSA en soumettant par exemple l'examen de sa recommandation à un débat public devant les commissions en charge des affaires culturelles. Mais sera-ce suffisant pour contenir les possibles dérives de certains médias compte tenu de la marge d'appréciation qui leur serait reconnue ? Remarque qui amène à s'interroger sur les critères qui doivent servir de fondement au contrôle exercé par le CSA. La référence aux seuls « résultats obtenus aux plus récentes élections » et aux enquêtes d'opinion pour déterminer la représentativité apparaît pour le moins réductrice. Quant au second critère, qui fait référence à « la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral », il n'est pas dénué d'une certaine subjectivité.

Afin de réduire le risque d'abus, le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte certes deux avancées qui ne sont pas inutiles. En premier lieu, les députés ont introduit une précision prévoyant que l'application du principe d'équité pendant la période intermédiaire et du principe d'égalité pendant la campagne officielle est assuré « dans des conditions de programmation comparables, précisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans une recommandation relative à l'élection présidentielle » . En second lieu, le dernier alinéa de l'article prévoit qu'à compter de la publication de la liste des candidats et jusqu'au tour de l'élection où celle-ci est acquise, le CSA publie périodiquement, dans un format ouvert et aisément réutilisable - « open data » -, le relevé des temps consacrés à la reproduction et au commentaire des déclarations et des écrits des candidats et à la présentation de leurs personnes. On ne peut que saluer ces deux progrès mais force est de constater qu'ils ne suffisent pas à encadrer la marge d'appréciation laissée aux médias et au CSA.

Vous aurez compris que mon attachement à notre culture démocratique m'invite à regarder cet article 4 avec la plus grande circonspection. En tant que rapporteur de notre commission, je me suis efforcée de présenter de manière objective les avantages et les inconvénients du dispositif proposé. Je crois utile que nous ayons un large débat sur ce sujet avant de choisir, ensemble, entre le retour au statu quo ante qui serait dès lors inscrit dans un texte de niveau organique et un aménagement éventuel du dispositif proposé.

J'en viens maintenant aux autres dispositions qui nous concernent.

L'article 7 prévoit d'harmoniser les horaires des opérations de vote en fixant au niveau organique le principe selon lequel le scrutin est ouvert de 8 heures à 19 heures. Des aménagements seraient par ailleurs possibles afin d'avancer l'heure d'ouverture - pour les collectivités d'outre-mer - et de retarder l'heure de fermeture - dans les zones urbaines - sans que le scrutin puisse toutefois aller au-delà de 20 heures. La réduction d'une heure de l'écart entre les horaires de fermeture des bureaux de vote doit permettre de réduire les risques de divulgation des résultats recueillis dans ceux qui fermaient à 18 heures. La commission des sondages estime par ailleurs que le maintien d'un écart d'une heure préservera la possibilité de réaliser des estimations dans les « bureaux tests » afin de pouvoir annoncer des résultats à 20 heures. Là encore, on peut comprendre le sens de cet ajustement technique mais est-on sûr que cela suffira à éviter les fuites sur les réseaux sociaux lors de la dernière heure d'ouverture des bureaux en zone urbaine ? N'aurait-il pas été préférable de fixer un même horaire de fermeture pour l'ensemble des bureaux de vote ?

L'article 2 de la proposition de loi ordinaire prévoit de relever de 3 500 euros à 75 000 euros l'amende réprimant la divulgation prématurée, les jours de scrutin, de résultats partiels ou définitifs. Sans doute la modification des horaires d'ouverture des bureaux devrait limiter les risques de fraude mais les nombreux écarts constatés lors des dernières élections plaident en faveur d'une plus grande sévérité, afin de garantir l'intégrité du scrutin.

La dernière disposition qui nous concerne, l'article 2 ter , est relative à la diffusion des mises au point de la Commission des sondages sur les antennes des sociétés de l'audiovisuel public dans la semaine précédant le scrutin. L'expérience a montré que les médias pouvaient se montrer peu réactifs face aux demandes de diffusion de ces mises au point, pourtant susceptibles de jouer un rôle déterminant dans le débat. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale permet ainsi de renforcer le dispositif existant.

Telles sont les remarques que je souhaitais partager avec vous avant d'ouvrir un débat que je souhaite le plus large possible.

Mme Corinne Bouchoux . - Bien que n'étant pas fanatique, à titre personnel, de l'hyper présidentialisation, je pense que les propositions qui nous sont soumises méritent toute notre vigilance, et notamment l'article 4 de la proposition de loi organique.

Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles en démocratie qu'il faut renoncer. Ce n'est pas parce que durant trois semaines, l'organisation des médias se trouve un peu compliquée par la règle de l'égalité dans les temps de parole qu'il faut renoncer. Cette difficulté s'est traduite, lors des dernières élections, par une forme de renoncement des médias, qui ont eu tendance à en faire moins. N'oublions pas non plus la désaffection croissante de nos concitoyens à l'égard de la politique, qui se traduit soit par des votes extrêmes soit par une abstention de plus en plus importante, y compris à l'élection présidentielle, traditionnellement la plus prisée des électeurs.

C'est bien pourquoi nous considérons qu'il est essentiel de maintenir, durant ces trois semaines, le principe d'égalité, d'autant que l'apparition des primaires, comme l'a justement rappelé notre rapporteure, donne une visibilité accrue à quelques grands candidats et à leurs grands partis. Si l'on veut que le débat public reste ouvert, que des idées nouvelles et des candidats nouveaux puissent s'y exprimer, il faut accepter ce petit désagrément de trois semaines, durant lesquelles tous les candidats sont traités à égalité - tel qui a naguère pu être ministre ou président, comme tel autre qui, moins connu, ne vient pas pour autant de nulle part mais bien de la société civile et a reçu l'investiture des maires, les premiers élus de la République.

Substituer à ce principe d'égalité un régime d'équité revient à considérer qu'un maire n'est pas capable de discernement lorsqu'il accorde son parrainage - dont il sera bientôt fait publicité quasiment en temps réel... C'est faire affront à nos maires qui, en cette période de bouleversement des périmètres territoriaux, sont soumis à toujours plus de contraintes et jouissent de moins en moins de pouvoir symbolique. Dévitaliser ainsi le pouvoir reconnu à chaque maire d'accorder son parrainage à qui il l'entend - car ce qui nous est ici proposé revient à cela - entamera un peu plus ce pouvoir symbolique. En jetant la suspicion sur les maires, en laissant penser qu'ils accorderaient trop facilement leur signature à des inconnus, on entrave de surcroit de nouvelles entrées en politique, au risque de dévitaliser le débat public.

Or, nous sommes attachés au débat public, à la diversité des points de vue qui s'y expriment : les difficultés d'organisation que rencontrent les médias durant les trois semaines de campagne intermédiaire ne justifient pas que l'on revienne sur le principe d'égalité. Cette proposition de loi organique, ainsi que l'a justement souligné la rapporteure, procède peut-être d'une bonne intention, mais elle répond avec des moyens du siècle passé aux problèmes du XXI e siècle. Ce n'est pas en substituant, sur une période de trois semaines, au principe d'égalité un régime dit d'équité que l'on résoudra les problèmes de notre démocratie.

M. Philippe Bonnecarrère . - Merci à notre rapporteure de sa présentation très équilibrée et de sa mise en perspective sur la démocratie et le pluralisme.

Sur l'article 4 de la proposition de loi organique, j'irai dans le même sens que ma collègue du groupe écologiste. Il y a plus d'inconvénients que d'avantages à aller vers le principe d'équité. Pour commencer, le terme même d'équité, en particulier en matière audiovisuelle, me paraît largement piégé, au point qu'il peut même être périlleux de chercher à le circonscrire. Ensuite, la règle des 500 parrainages paraît un filtre suffisant, dont on voit mal pourquoi il faudrait le revoir. Enfin, le plus gênant réside dans la référence, pour tenter de cerner le principe d'équité, à des sondages ou au résultat de dernières élections. Il serait à mon sens totalement contre-productif de permettre aux sondages d'influer sur la notion d'équité, au risque de renforcer leur caractère autoprédictif - ce qui ne va guère dans le sens de la démocratie. Je suis très défavorablement impressionné par les prémices des élections américaines, où l'on voit les candidats retenus à un premier débat en vertu de leur position dans les sondages, ce qui influe sur leur position dans ces mêmes sondages et amène un second débat qui ne m'a guère semblé grandi de cette procédure. Tout cela ne m'incline pas à être défavorable au principe d'égalité tel qu'il est envisagé par l'article 4.

Vous avez eu la courtoisie d'indiquer qu'il serait bon de mener une réflexion plus vaste. Mais la navette sur ce texte est en cours et je n'ai pas eu le sentiment qu'au cours de son examen par l'Assemblée nationale, la réflexion ait beaucoup avancé. D'où mon sentiment qu'aller dans le sens de ce texte présente plus d'inconvénients que d'avantages.

Sur la question de la publicité donnée aux mises au point et l'aggravation des sanctions attachées à la divulgation de sondages, je n'ai rien à ajouter à vos observations.

J'en viens à l'article 7, relatif aux horaires d'ouverture des bureaux de vote. Ayant senti, au travers de certaines réactions, un désir de les voir harmoniser, j'ai tendance à mettre en garde contre cet enthousiasme. Outre le fait que demander à ceux qui officient dans les communes rurales de rester deux heures de plus ne va pas déchaîner le même enthousiasme, mon expérience ne me porte pas à plaider en ce sens. La ville dont je suis élu comprend 31 bureaux, dont il est, avec 43 élus municipaux, fort difficile d'assurer la composition. Il est fréquemment nécessaire de désigner des présidents de bureau hors de ce petit vivier d'élus et les partis ont de plus en plus de mal à envoyer des scrutateurs. Allonger les horaires ne fera que compliquer la tâche.

M. Jean-Claude Carle, président . - Une simple mise au point : ces textes sont soumis à notre examen selon la procédure accélérée, il n'y a donc qu'une lecture avant la réunion de la commission mixte paritaire.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Nous sommes fondamentalement opposés à la substitution de l'équité à l'égalité telle que proposée à l'article 4 de la proposition de loi organique. Notre rapporteure a souligné à juste titre combien il serait ardu de fonder les principes sur lesquels reposerait l'équité. Les deux critères retenus pour fonder l'appréciation du CSA sont impropres à asseoir notre démocratie et à restaurer la confiance de nos concitoyens dans la politique, comme l'a fort bien montré Mme Bouchoux. Ce serait un pas supplémentaire vers la présidentialisation et vers un bipartisme sclérosant, excluant ceux et celles qui se reconnaissent dans ce que l'on appelle les « petits partis » - petits certes par leur nombre - mais qui participent, par la diversité de leurs positions, à une confrontation d'idées si nécessaire à la démocratie.

Mme Françoise Laborde . - Beaucoup a déjà été dit par les représentants des « petits partis », parmi lesquels le RDSE se compte. Entre l'équité et l'égalité, nous choisissons l'égalité. Céder là-dessus, ne fût-ce que pour une période de trois semaines, que certains peuvent juger négligeable, c'est mettre le doigt dans l'engrenage. Parce que nous estimons que les petits partis concourent au pluralisme, nous sommes défavorables à l'article 4. Ainsi que l'a fait valoir à juste titre Mme Bouchoux, il est déraisonnable de bouleverser ainsi l'ordre démocratique pour parer à un petit inconvénient de trois semaines. Le CSA peine à tenir des tableaux complexes ? À lui de se mettre en ordre de marche, comme nous savons nous même le faire face à des questions parfois épineuses.

Sur l'article 7, relatif aux heures d'ouverture des bureaux de vote, je m'abstiendrai, tous les membres de mon groupe n'étant pas du même avis.

M. David Assouline . - Nous soulevons ici un débat intéressant, dans lequel il est difficile que tout le monde ait la même appréciation. Et ce n'est pas tant pour des questions liées à la taille de nos formations politiques d'appartenance. À chaque élection présidentielle, tout le monde se plaint de la contrainte qui pèse, un mois et demi durant, sur le paysage politique, où l'on voit tel candidat, qui ne parle que de la planète Mars, placé au même niveau que ceux, qu'ils émanent de petits ou de grand partis, qui animent véritablement la vie politique de notre pays.

Je veux bien que l'on glorifie le tri qu'assure le parrainage des maires, mais reconnaissons qu'il ne suffit pas à écarter des farfelus, voire d'inquiétants quidams, ou bien encore des personnages qui n'ont pour seul mérite que leur fortune. Certains évoquent l'idée de prendre en compte, pour aller dans le sens d'une démocratie moderne et favoriser l'émergence de personnalités issues de la société civile, un parrainage citoyen. Ceci pour répondre au plaidoyer de Mme Bouchoux, qui semble faire du parrainage des maires le summum de l' imprimatur démocratique.

Nous ne parlons ici de rien d'autre que de la période de trois semaines qui précède l'ouverture de la campagne officielle, laquelle reste évidemment soumise au régime de l'égalité. Le CSA sait veiller au respect du principe d'égalité, mais est-il raisonnable de lui imposer, trois semaines avant la campagne officielle, cette tâche administrativement très lourde, et qui l'est d'autant plus à l'heure de l'explosion des médias y compris sur Internet, où il n'a pas pouvoir de régulation. Personne ne semble s'inquiéter, paradoxalement, de ce média non régulé, devenu dominant chez les jeunes.

Il serait bon de mettre un peu de pondération dans nos jugements. Passer d'un principe d'égalité à un principe d'équité durant ces trois semaines ne va pas mettre à bas la démocratie. C'est au contraire la confusion que l'on voit régner à chaque élection présidentielle qui apparaît comme une perversion de la démocratie : quiconque en a les moyens peut assurer sa propre publicité pour s'ouvrir la voie vers l'élection présidentielle, qui lui permettra, du même coup, de toucher la manne de l'État, comme on l'a vu avec certains candidats que je ne nommerai pas, mais qui savent aller leur chemin... Ce système n'est pas satisfaisant. Pourquoi ne pas expérimenter, grâce au vote de ce texte, sur lequel il nous sera toujours possible de revenir si nous le souhaitons, une autre voie ? Je ne crois pas qu'en faisant ce test, on risque la bascule vers l'autoritarisme absolu.

J'en viens à la question, qui me semble plus importante encore, des horaires. Avec Internet, qui efface les frontières de l'information, aucune contrainte hexagonale ne tient. Dès 18 h 30, on peut lire sur son ordinateur La Tribune de Genève, dans laquelle on prend connaissance des premières estimations. En ne fermant pas les bureaux à la même heure, on ouvre la voie à toutes les spéculations. C'est le seul bémol que j'aurai sur l'article 7, qui a cependant le mérite de faire au moins gagner une heure. Je plaide pour une ouverture, partout, la plus large possible.

Ce n'est pas tant, à mon sens, l'argument des petites communes qui a pesé dans la solution retenue, que le rythme impérieux des médias : le journal télévisé est à 20 heures, il faut donc que les résultats puissent être livrés à 20 heures. D'où le choix d'une fermeture de droit commun une heure avant, à 19 heures. Est-ce qu'une fois tous les cinq ans, les médias ne pourraient pas se caler sur le rythme de la démocratie, plutôt que de lui imposer le leur ? Cela dit, c'est déjà un premier pas dans le bon sens que de réduire l'écart dans les horaires de fermeture des bureaux de vote.

M. Bruno Retailleau . - Comme le rappelait le président, c'est selon la procédure accélérée que nous examinons ces textes, dont l'un est une proposition de loi organique - ce qui nous place dans un cas de figure intermédiaire entre un texte constitutionnel et un texte ordinaire : en cas de désaccord, l'Assemblée nationale ne pourra trancher qu'à la majorité absolue de ses membres.

S'agissant des heures d'ouverture des bureaux de vote, j'ai quelque réticence à demander un tel effort aux milieux ruraux. Je souhaite, sur cette question comme sur celle du régime applicable aux temps de parole, que nous travaillions main dans la main avec la commission des lois. Cela me semble de bonne méthode et c'est pourquoi, dans cette attente, mon groupe réservera sa position, en ne prenant pas part au vote.

La notion d'équité telle que l'introduit l'article 4 ne me choque pas. Les grands médias audiovisuels sont dorénavant très concurrencés par Internet et les réseaux sociaux, autant de canaux qui ne sont pas régulés et suscitent, par nature, une expression foisonnante et non hiérarchisée. Je ne vois pas en quoi, durant cette période de trois semaines, traiter, dans les médias régulés, un M. Cheminade ou un M. Schivardi sur le même plan que les autres hommes politiques rehausse notre démocratie. N'est-ce pas plutôt en réservant un traitement strictement égal à une multitude de candidat que l'on écrase le débat démocratique et que l'on prend le risque de lasser les Français ? Il faut réfléchir posément à cette question du temps de parole, sans la déconnecter, d'ailleurs, de celle du temps d'antenne, qui est aussi très importante. C'est pourquoi je pense que nous devons travailler avec la commission des lois, pour associer, dans la recherche d'un équilibre, la notion d'équité de temps de parole à celle de temps d'antenne comparable. Telle est, pour l'heure, la manière dont nous entendons contribuer au débat.

M. Claude Kern . - Je salue à mon tour le travail de notre rapporteure. L'article 4 n'est pas satisfaisant, car il ne répond pas au problème d'égalité du temps de parole et d'équité du temps d'antenne entre les candidats. Je ne peux pas admettre d'entendre faire une différence entre « petits » et « grands » candidats.

Mme Françoise Laborde . - Comme entre « petits » et « grands » maires...

M. Claude Kern . - Exactement. Dès lors qu'un candidat a obtenu ses parrainages, il faut respecter l'égalité. Les maires sont des gens responsables.

Le texte accorde à mon avis trop de pouvoir au CSA - même si l'on renforce le pouvoir de contrôle du Parlement ; un contrôle que nous aurons bien des difficultés à exercer correctement.

En ce qui concerne les horaires des bureaux de vote, permettez-moi, au-delà des considérations techniques, de vous faire part de ce que m'inspire mon expérience. Celle des ouvertures prolongées que nous avons assurées lors des élections européennes. Dans nos bureaux de vote, nous avons passé les quatre dernières heures à jouer aux cartes, car il ne s'est présenté personne - hormis l'unique spécimen qui immanquablement arrive cinq minutes avant la fermeture, quelle qu'en soit l'heure, pour assister au dépouillement. Si l'on repousse l'heure de fermeture, nous aurons beaucoup de mal, dans les milieux ruraux, à trouver des volontaires pour tenir nos bureaux de vote.

M. Michel Savin . - Deux questions à notre rapporteure, dont je salue l'excellent travail. Je m'interroge sur certaines formulations retenues à l'article 4 : le CSA tiendra compte, dans sa mission de contrôle, de la représentativité des candidats, appréciée, en particulier, « en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent », est-il écrit. Quid d'un candidat qui n'aurait pas reçu l'investiture de son parti ? On a connu ce cas de figure par le passé, avec la double candidature Balladur-Chirac.

Comment le CSA appréciera-t-il, ensuite, « la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral » ? Cette rédaction laisse, à mon sens, un très large pouvoir d'appréciation au CSA.

Mme Colette Mélot . - Après avoir félicité à mon tour notre rapporteure pour son excellent travail, je souhaite vous faire part de mes réflexions sur l'article 7 de la proposition de loi organique, relatif à l'heure de fermeture des bureaux de vote. Une harmonisation serait à mon sens souhaitable. Dans le département de la Seine-et-Marne, qui représente la moitié de l'Ile-de-France, on trouve beaucoup de villes moyennes et les petites communes rurales sont nombreuses. Les bureaux ferment soit à 18 heures, soit à 19 heures. Pourtant, on entend souvent faire la confusion avec l'horaire parisien de 20 heures. Il n'est pas rare d'entendre dire qu'en Ile-de-France, on pourra voter jusqu'à 20 heures. Régulièrement, certains électeurs arrivent après la fermeture des bureaux. J'ai bien conscience qu'harmoniser les horaires poserait problème pour recruter des scrutateurs et que peu d'électeurs se présentent aux heures tardives, mais je n'en estime pas moins qu'il serait plus lisible d'afficher le même horaire dans toute la France.

M. Jean-Claude Gaudin . - J'irai dans le même sens, et Samia Ghali ne me contredira pas. À Marseille, les forces politiques ont eu le plus grand mal, lors des élections régionales, à pourvoir chacun de nos 450 bureaux de vote d'un président. Il a fallu réquisitionner des fonctionnaires municipaux, au reste confortablement dédommagés. Certains partis ayant récolté le plus de voix lors de ces élections n'avaient aucun représentant, charge aux autres de s'assurer de la sincérité du scrutin. J'ajoute que dès 19 heures, on est en mesure de fournir de premières estimations : Hubert Falco l'était pour le Var comme je l'étais pour ma ville. Fermer les bureaux à 19 heures plutôt qu'à 20 heures serait une mesure de bon sens, d'autant que très peu de monde se présente durant cette dernière heure d'ouverture.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis . - J'ai été attentive à toutes vos interventions, qui ont alimenté un vrai débat. Nous sommes attachés tout à la fois à la liberté de communication, qui appelle à prendre en compte les préoccupations des médias, à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à la sincérité des scrutins - trois objectifs à concilier pour légiférer utilement.

Je rappelle que la procédure accélérée a été engagée sur ces textes, ce qui nous contraint à prendre une décision rapide. M. Assouline appelle à souscrire à la modification proposée, en arguant que cela vaut la peine de tenter l'expérience, quitte à y revenir si elle n'était pas concluante. Mais il n'est pas toujours facile de revenir sur ce que l'on a voté.

Quelle est la question qui se pose à nous ? Le régime de l'équité, qui régit l'ensemble des autres élections, avec les avantages et les inconvénients qu'on lui connaît, doit-il être appliqué à la période intermédiaire de la campagne présidentielle, qui reste pour l'heure un îlot d'égalité ? Pour moi, la réflexion n'est pas mûre et il conviendra, ainsi qu'y appelle M. Retailleau, de la mener avec la commission des lois, compétente au fond. Mais nous devons néanmoins émettre un avis. Pour alimenter utilement nos travaux, il nous aurait fallu le temps de mener une réflexion plus large. Ainsi que je l'ai souligné dans mon exposé liminaire, ce texte ne rend pas compte de la mutation que connaît l'audiovisuel. Le président Schrameck, que j'ai interrogé, m'a indiqué que les difficultés invoquées l'étaient par les rédacteurs des journaux télévisés. Les magazines et documentaires ne sont pas concernés. Peut-être un peu de créativité de la part des rédactions permettrait-elle d'aborder cette période intermédiaire de façon plus satisfaisante.

M. Savin s'est interrogé sur le critère de « représentativité des candidats » sur lequel, aux termes de l'article 4, devrait s'appuyer le CSA. La rédaction me paraît sans ambiguïté : ce critère sera apprécié en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections « par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent ». Sont donc visés les seuls candidats qui bénéficient de l'investiture de leur formation.

M. Michel Savin . - Ce « ou » n'est pas sans amphibologie.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis . - M. Retailleau juge que si le régime de l'équité s'applique désormais aux temps de parole, il doit aussi s'apprécier sur des conditions de programmation comparables. Un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale, à l'initiative de mon homologue Patrick Bloche, rapporteur pour avis, qui y pourvoit - étant entendu que « comparables » ne signifie pas identiques. Il est clair qu'il ne sera pas simple de trouver le juste milieu. Car la situation ne sera plus celle d'aujourd'hui, où c'est l'égalité des temps de parole qui prévaut, le régime de l'équité ne s'appliquant qu'au temps d'antenne - qui vise tous les éléments ayant trait au candidat, au-delà de son seul temps de parole.

Je rejoins M. Savin pour estimer que c'est conférer au CSA un poids considérable que de lui reconnaître le pouvoir d'apprécier la capacité d'un candidat à être représentatif. Cette appréciation, de nature politique, est éminemment subjective. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement portant article additionnel après l'article 2 ter de la proposition de loi, prévoyant que la recommandation prise par le CSA en application de l'article 16 de la loi de 1986 relative à la liberté de communication, lorsqu'elle est relative à l'élection présidentielle, doit être présentée par son président en audition publique devant la commission de la culture de chaque assemblée. Cela va d'ailleurs dans le sens de notre voeu de voir les autorités administratives indépendantes soumises au contrôle du Parlement.

Quant à la généralisation du régime d'équité dans la période intermédiaire, telle que prévue à l'article 4 de la proposition de loi organique, je vous propose d'y revenir, pour nous en tenir au statu quo ante , celui de l'égalité des temps de parole, en le hissant au rang organique. Ce qui rend inutile la mention introduite à l'Assemblée nationale sur les « conditions de programmation comparables ».

M. David Assouline . - Nous ne pourrons souscrire à cet amendement qui, revenant au principe d'égalité des temps de parole, supprime l'objet de la proposition de loi organique.

Votre amendement à la proposition de loi soulève, en revanche, une vraie question. Dès lors que l'on introduit un régime d'équité en conférant au CSA la charge d'en apprécier le respect, il est juste que le Parlement accompagne et contrôle cette autorité dans l'exercice de sa fonction.

Cela dit, il me semble que ces deux amendements sont incompatibles. Si l'on se prononce, comme vous le proposez, pour un retour au statu quo ante , ce second amendement n'a plus lieu d'être. Si, au contraire, on souscrit à l'extension du régime d'équité, il faut voter le second amendement. À l'heure actuelle, le CSA doit veiller au respect du principe, net et clair, d'égalité des temps de parole. S'il est chargé, demain, de veiller au respect d'un principe d'équité dans les temps de parole, il faudra, en effet, le contrôler. C'est cette approche que retient notre groupe, qui votera contre l'amendement à la proposition de loi organique, et pour l'amendement à la proposition de loi.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis . - Ces deux amendements ne sont pas incompatibles. Quel que soit notre vote sur le temps de parole, c'est le régime d'équité qui continuera de prévaloir pour le temps d'antenne. Il est bon que les commissions de la culture des assemblées entendent le CSA sur ses recommandations.

M. Bruno Retailleau . - Entendre le président du CSA est en effet une bonne chose. Cela dit, notre groupe ne prendra pas part au vote sur ces deux amendements, pour les raisons que j'ai dites.

Mme Corinne Bouchoux . - Il faut, en effet, travailler avec la commission des lois. Les critères sur lesquels l'article 4 prévoit que le CSA devra se fonder pour l'exercice de sa mission de contrôle contreviennent à mon sens à l'article 1 er de la Constitution, qui dispose que la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens » et que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » . Le raisonnement que devra appliquer le CSA sur les sondages et les résultats aux précédentes élections y contreviendrait.

Le groupe écologiste soutiendra les deux amendements de la rapporteure. On ne saurait remettre entre les seules mains du CSA la liberté de choix de nos concitoyens. Je pourrais vous citer les noms de bien des hommes et des femmes politiques qui n'entrent pas dans les sondages et que l'adoption de telles dispositions lèserait, en rompant l'égalité de traitement. Il faut que la démocratie soit tombée bien bas pour qu'on en vienne à mettre en place de tels procédés. Il s'agit d'éviter les candidatures farfelues, nous fait-on valoir ? Mais c'est oublier qu'en dernière instance, c'est le citoyen qui décide. Que quelques pénibles marionnettes soient libres de s'exprimer ? Et alors ? Ce n'est pas cela qui porte atteinte à la démocratie.

M. Bruno Retailleau . - Je rappelle que les lois organiques sont soumises d'office au Conseil constitutionnel.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis . - Un mot, avant de passer au vote sur les amendements, au sujet des horaires des bureaux de vote. Le texte adopté par l'Assemblée nationale se veut un compromis. Il s'agit de répondre à un double objectif : favoriser, d'une part, la venue dans les bureaux de vote - sans trop tirer la corde, pour ne pas mettre en difficulté les communes rurales -, tout en réduisant, d'autre part, les possibilités de diffusion de sondages de sortie des urnes. Je suis favorable, comme Mme Mélot, à une harmonisation, mais je rappelle que notre commission n'est saisie de cet article qu'en raison du deuxième objectif, relatif aux sondages.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-Claude Carle, président . - Chacun ayant eu le loisir de s'expliquer, je crois que nous pouvons passer au vote.

Article additionnel après l'article 2 ter de la proposition de loi

L'amendement n° CULT-1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 4 de la proposition de loi organique

L'amendement n° CULT-1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 de la proposition de loi organique, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE DE MODERNISATION DES RÈGLES APPLICABLES À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Article 4

I. Alinéa 2

Après les mots : « écrits des candidats et », ajouter les mots : « le principe d'égalité en ce qui concerne ».

II. Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

PROPOSITION DE LOI DE MODERNISATION
DES RÈGLES APPLICABLES À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Article additionnel après l'article 2 ter

Après l'article 2 ter ,

insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le mois suivant sa publication, la recommandation prise en application de l'article 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, lorsqu'elle est relative à l'élection présidentielle, est présentée par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel en audition publique devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. »


* 1 « Propositions du Conseil supérieur de l'audiovisuel relatives à l'application du principe de pluralisme politique dans les médias audiovisuels en période électorale ».

* 2 Avis n° 3312/3313 de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale du 8 décembre 2015, page 40.

* 3 L'amendement CULT-2 qui n'est pas dissociable porte sur la proposition de loi ordinaire.

* 4 Voir le rapport n° 126 (2015-2016) du 28 octobre 2015 de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, présidente, M. Jacques Mézard, rapporteur.

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