III. DES INQUIÉTUDES IMPORTANTES QUANT À L'INDÉPENDANCE DE SNCF RÉSEAU DANS LE CONTEXTE D'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Le renforcement du contrôle du Parlement sur les nominations des dirigeants de la SNCF, et notamment de la société SNCF Réseau, est d'autant plus souhaitable que l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure dans la nouvelle gouvernance fait l'objet de vives inquiétudes .

La réforme de 2018 23 ( * ) a fait le choix de maintenir une structure verticalement intégrée , sur le modèle notamment de la Deutsche Bahn . Si le droit européen 24 ( * ) autorise ce choix, le gestionnaire d'infrastructure doit néanmoins présenter des garanties d'indépendance au regard des entreprises ferroviaires.

Or, comme l'avait souligné le rapporteur M. Gérard Cornu à l'occasion de l'examen du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, « dans le cadre d'une structure verticalement intégrée, au sein de laquelle cohabitent la gestion de l'infrastructure et l'accès aux facilités essentielles avec l'exploitation de services de transports, l'indépendance du gestionnaire de réseau est sujette à caution » 25 ( * ) .

Pourtant, l'autorité de régulation des transports (ART, ex-Arafer), s'était vivement inquiétée dans son avis du 9 mai 2019 26 ( * ) sur le projet d'ordonnance relative à la future gouvernance du groupe, du manque d'indépendance de SNCF Réseau . Pour l'ART, plusieurs dispositions de l'ordonnance de juin 2019 sont en effet susceptibles de porter atteinte à l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure, notamment :

• la composition du conseil d'administration de la société SNCF Réseau , qui comprendrait un tiers de membres nommés sur proposition de l'actionnaire unique, la société nationale SNCF, holding du groupe public unifié qui est intéressée au résultat de l'entreprise ferroviaire SNCF Voyageurs ;

• la capacité de blocage de ces membres sur certaines décisions stratégiques ;

• l'absence d'avis conforme de l'Autorité sur la nomination du président du conseil d'administration de SNCF Réseau . L'ordonnance ne prévoit de réserver cette procédure qu'au seul directeur général (ou le cas échéant au président-directeur général).

Dans son avis de mai 2019 sur le projet d'ordonnance 27 ( * ) , l'Arafer avait en effet considéré que l'absence d'avis conforme de l'Autorité sur la nomination du président du conseil d'administration de SNCF Réseau était « non justifiée ».

L'article 5 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relatives à la transformation du groupe public ferroviaire en un groupe public unifié pour fixer les conditions de fonctionnement du groupe, en prévoyant notamment « les garanties propres à assurer l'indépendance de SNCF Réseau [...] en veillant à l' introduction d'un avis conforme de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sur la nomination, le renouvellement et la révocation de son dirigeant, afin de garantir son indépendance à l'égard des entreprises exerçant, directement ou par l'intermédiaire d'une filiale, une activité d'entreprise ferroviaire ». Cette précision avait été introduite par un amendement du rapporteur M. Gérard Cornu à l'occasion de l'examen du projet de loi en première lecture au Sénat.

Or, d'après l'Arafer, le terme de « dirigeant » recouvre non seulement la fonction de directeur général, ou, le cas échéant, de président-directeur général, mais également celle de président du conseil d'administration puisque, aux termes de l'article L. 2111-16-1 28 ( * ) du code des transports, sont considérés comme dirigeants de SNCF Réseau le président du conseil d'administration et les responsables de la direction générale .

Aussi, afin de renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure, l'amendement au projet de loi ordinaire DEVDUR.2 prévoit de soumettre la nomination, le renouvellement et la révocation du président du conseil d'administration à l'avis conforme du régulateur.

L'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs suppose d' adresser un signal fort aux nouveaux entrants et de leur assurer l'impartialité de SNCF Réseau .

Les nouveaux entrants, réunis au sein de l'association française du rail (Afra) avaient déjà évoqué leurs inquiétudes concernant l'autonomie décisionnelle et organisationnelle du gestionnaire d'infrastructure à l'occasion d'une table ronde organisée par la commission en juillet dernier 29 ( * ) . Auditionnés par le rapporteur, ils ont rappelé leurs craintes et indiqué qu'« une muraille de Chine » doit séparer SNCF Réseau de SNCF Mobilités.

Malgré ces inquiétudes, et alors même que la nouvelle gouvernance du groupe public unifié doit entrer en vigueur au 1 er janvier 2020, l'ordonnance n'a pas été ratifiée par le Parlement et aucun calendrier de ratification n'a été communiqué au rapporteur. La commission regrette l'insuffisante association du Parlement sur ces sujets pourtant essentiels


* 23 Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

* 24 Directive 2012/34/UE du Parlement européen et du conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.

* 25 Rapport n° 494 (2017-2018) de M. Gérard CORNU, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 mai 2018.

* 26 Avis n° 2019-028 du 9 mai 2019 relatif au projet d'ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF.

* 27 Avis n° 2019-028 du 9 mai 2019 relatif au projet d'ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF.

* 28 Dans sa rédaction telle que résultant de l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

* 29 Rapport d'information n° 87 (2019-2020) de MM. Hervé MAUREY et Didier MANDELLI , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 octobre 2019.

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