II. UNE RÉPARTITION JUDICIEUSE DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES DÉGAGÉS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION

Selon les réponses au questionnaire transmis par le rapporteur, les augmentations de dépenses sous-tendues dans la trajectoire budgétaire de la LPR se répartissent en cinq grands axes :

- les crédits d'interventions de l'Agence nationale de la recherche ;

- les mesures de ressources humaines (rattrapage indemnitaire, mesures en faveur des jeunes chercheurs, doctorants, progression des carrières) ;

- le pilotage stratégique de la recherche (le dialogue contractuel) ;

- le transfert et la place de la science dans la société ;

- les équipements et investissements , ainsi que les dépenses diverses (avec notamment le renfort des moyens concernant les infrastructures de recherche de niveau régional, national ou international).

En pratique, les crédits supplémentaires se répartiront de la manière suivante au cours des deux prochaines années.

Répartition prévisionnelle des crédits en tendanciel

(en millions d'euros courant)

2021

2022

Axes

AE

CP

AE

CP

Agence nationale de la recherche

149

26

293

143

Mesures RH et emplois

245

245

441

441

Pilotage stratégique

25

25

50

50

Transfert et place de la science dans la société

17

17

48

48

Équipements, investissements & divers

86

76

246

172

Recherche spatiale

11

11

18

18

Total

533

400

1096

872

Source : réponse au questionnaire.

A. LA NÉCESSITÉ DE PROCÉDER À UN REDRESSEMENT FINANCIER DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

1. Un renforcement opportun des moyens de l'ANR

Le projet de loi de programmation prévoit une hausse d'un milliard d'euros, sur sept ans, des financements compétitifs de l'ANR , suivant la trajectoire présentée ci-après.

Progression annuelle des crédits versés à l'ANR (en AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact

Cette hausse permettrait de porter la capacité d'engagement de l'Agence à 1 766 millions d'euros - contre 766 millions d'euros actuellement - dans le triple objectif :

- de doubler le taux de succès aux appels à projets, en le portant à 30 % contre 17 % actuellement ;

- de doubler la part de financement des coûts indirects (« préciput »), de 19 % à 40 %, permettant notamment de générer une augmentation de 10 % des crédits de base des laboratoires ;

- d'accroître la durée des financements et donc leur montant moyen (de l'ordre de 350 000 euros sur 3 ans actuellement pour un projet multi-équipes).

L'ANR captera ainsi une part conséquente de l'effort budgétaire en faveur de la recherche, de l'ordre de 38 % des crédits supplémentaires accordés en 2021 (soit 149 millions d'euros sur les 357 millions d'euros annoncés) et 29 % en 2022 (soit 266 millions d'euros sur les 905 millions d'euros annoncés).

Répartition de l'effort budgétaire annuel

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact

Le redressement financier de l'ANR était indispensable, et constitue une des avancées notables de la loi de programmation , dans la mesure où il permettra de renouer avec un taux de succès acceptable pour les appels à projets.

Pour rappel, les crédits dévolus à l'ANR ont en effet chuté entre 2010 et 2015 (- 41 %), avec pour corollaire un effondrement du taux de succès , qui a été divisé par deux sur la période, passant de 21,5 % à 10,6 %. Cette évolution a constitué une source de découragement certaine pour de trop nombreux chercheurs, qui après avoir consacré une part conséquente de leur temps à l'élaboration de dossiers de candidatures, ont vu d'excellents projets rejetés par l'ANR .

Si, depuis, le budget de l'ANR a été sensiblement augmenté pour porter le taux de succès à plus de 16 %, ce dernier demeure encore nettement inférieur aux taux de sélection enregistrés dans les autres pays de l'Union européenne , allant de 40 % pour le Fonds national suisse (FNS) à 35 % pour la Fondation allemande pour la recherche (DFG), la moyenne européenne se situant à 24 %.

Dans ce contexte, le rapporteur s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre d'un milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès comparable, de l'ordre de 25 % .

Évolution des crédits portés par l'ANR (en AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur se félicite dès lors que l'impact conjoint du présent projet de loi et du plan de relance permette de dépasser ce seuil symbolique dès 2021. En effet, la loi de programmation prévoit pour l'année 2021 un niveau d'engagement qui n'avait pas été atteint depuis la création de l'Agence en 2005 . Cette hausse serait accentuée grâce aux 420 millions d'euros supplémentaires issus du plan de relance (280 millions d'euros en 2021 et 140 millions d'euros en 2022), permettant d'anticiper de deux ans la trajectoire initiale.

In fine , l'Agence nationale de la recherche sera donc amenée à occuper une place centrale dans le financement public de la recherche en France. Il lui incombera notamment d'orienter et de coordonner les efforts de recherche, afin de mieux couvrir les besoins des laboratoires sur la durée, tout en veillant à la diversité et à la cohérence des thématiques retenues.

Le rapporteur regrette cependant le flou qui entoure la répartition de ces moyens supplémentaires entre les différents objectifs assignés à l'Agence à horizon 2030 (à savoir doubler le niveau du préciput, doubler le taux de succès et accroître la durée de financement des projets). Il sera ainsi attentif aux éléments qui pourraient éclairer la représentation nationale à ce sujet.

Par ailleurs, le choix de redynamiser les financements sur appels à projets ne doit pas avoir pour corolaire une attrition des moyens récurrents dont disposent les laboratoires.

2. Un équilibre à trouver entre financements compétitifs et récurrents

Pour le rapporteur, un juste équilibre doit être trouvé entre les financements compétitifs et les financements récurrents .

En effet, il est capital, pour les organismes, d'être en mesure de mener leurs propres politiques de recherche, au regard des objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés, sans être dans l'obligation de répondre à des cahiers des charges spécifiques dans le cadre d'appels à projets.

Il en va en réalité de l'attractivité de notre pays auprès des chercheurs de haut niveau , puisque la décision de rejoindre un laboratoire français plutôt qu'un laboratoire américain ou allemand dépendra notamment des conditions de travail offertes - au premier rang desquelles figurent le matériel à disposition mais aussi la présence ou non de techniciens pouvant seconder les chercheurs. Il importe donc que les laboratoires puissent disposer d'un niveau de crédits récurrent suffisamment élevé pour financer de manière autonome leurs dépenses de fonctionnement.

Dès lors, une clarification des moyens de base alloués aux laboratoires s'impose , de manière à garantir une certaine visibilité pour les chercheurs. Si l'augmentation du préciput devrait se traduire, pour les établissements de recherche, par une hausse de 10 % des crédits de base des laboratoires à horizon 2022, de grandes inconnues demeurent à ce jour quant à la répartition de ces moyens supplémentaires entre les établissements hébergeurs, les établissements gestionnaires et les laboratoires.

Au demeurant, de l'aveu même du Mesri , il reste actuellement très difficile de chiffrer précisément l'enveloppe totale qui sera allouée aux crédits de base , le montant de 300 millions d'euros annuels ne représentant qu'une estimation.

3. Un effort de simplification des procédures à poursuivre

Pour augmenter la participation des chercheurs aux appels à projet, un effort de simplification des procédures est indispensable . En effet, de trop nombreuses équipes sont actuellement confrontées à de véritables parcours du combattant quand elles candidatent auprès des agences de financement ; les équipes dépensant en démarches administrative un temps qu'elles ne peuvent consacrer à leurs activités de recherche.

L'harmonisation des procédures d'appels à projet entre les différentes agences de financement semble de ce point de vue être une demande forte des communautés scientifiques, pour qui le manque de coordination entre les différents guichets peut générer une surcharge de travail. Il serait donc primordial d'aider les chercheurs à identifier les bons interlocuteurs, en dressant par exemple un panorama complet du financement de la recherche en France et en orientant davantage les équipes qui candidatent aux appels à projets.

Le rapporteur prend note des efforts d'ores et déjà engagés par l'ANR en ce sens - diminution de la documentation scientifique relative aux appels à projets, harmonisation des pratiques avec d'autres agences de financement comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), ou l'institut national du cancer (Inca), etc. Ces travaux doivent être poursuivis et intensifiés, pour donner davantage de visibilité aux chercheurs.

À court terme, les procédures d'appels à projets communs avec d'autres institutions (fondations, agences de financement, etc.), se basant sur un dossier de candidature unique par équipe de recherche pourraient être généralisées. À plus long terme, il semblerait opportun de tendre vers la mise en place d'un portail unique, comme l'évoque le rapport annexé au projet de loi de programmation, présentant l'ensemble des appels à projets . Selon les informations transmises au rapporteur, une première version de ce portail devrait être opérationnelle à l'automne 2021.

Des synergies pourraient également être trouvées avec les appels à projets régionaux ; à cet égard, les résultats des premières expérimentations menées par l'ANR avec certaines régions sont très encourageants.

Le rapporteur suivra ainsi avec un grand intérêt les progrès accomplis dans cette direction, tant la question revêt pour lui une importance cruciale.

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