EXAMEN EN COMMISSION

Sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné, au cours d'une réunion tenue le 15 février 1996, le rapport pour avis de M. Pierre Laffitte, rapporteur, sur le projet de loi n° 193 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Franck Sérusclat a estimé que la fourniture sur les réseaux câblés d'un service téléphonique de point à point n'avait pas un caractère expérimental, que sa pertinence pouvait donc être mise en doute de même que le choix de développer des expériences de télévision numérisée par voie hertzienne terrestre en dépit de la concurrence ainsi faite au câble. De façon générale, le projet de loi apparaît dépourvu de cohérence et ne présente aucune stratégie collective de développement du secteur de l'information.

M. Alain Joyandet a manifesté son accord sur le lancement d'expérimentations permettant d'anticiper les besoins du marché et a exprimé la crainte que la rédaction de l'article 3, limitant la diffusion par micro-ondes aux bandes de fréquences actuellement attribuées au service de radiodiffusion, n'interdise dans les faits le développement de cette technique.

M. Jack Ralite a exprimé sa perplexité à l'égard d'un texte supposé permettre l'expérimentation de techniques dont la législation en vigueur n interdit nullement l'emploi. L'objectif essentiel du projet de loi est en fait d'octroyer aux opérateurs du câble la possibilité d'offrir le service téléphonique de point à point. Deux expériences se dérouleront ainsi à Annecy et à Nice, l'une avec la Compagnie Générale des Eaux, l'autre avec la Lyonnaise des eaux. Or, les implications qui en résulteront pour France Télécom ne sont pas réglées. Le projet de loi suscite ainsi une déréglementation incontrôlée dans des conditions défavorables à France Télécom.

Il a estimé que les conditions fixées par la Commission européenne Pour l'établissement d'un partenariat entre France Télécom, Deutsch-Telecom et Sprint avaient récemment montré la puissance de la tendance qui pèse en faveur d'une déréglementation incontrôlée. L'autorisation n'a été délivrée qu'en échange de la libéralisation avant le 1er janvier 1996 de la diffusion de service de télécommunications sur les infrastructures alternatives privées. Ces infrastructures étant la plupart du temps la propriété de services publics, ceux-ci seront amenés à livrer à France Télécom une concurrence susceptible de nombreux effets pervers.

Par ailleurs, on ignore le contenu, et par conséquent les effets sur la concurrence entre les réseaux, des expériences de téléport qui seront menées à Paris.

En définitive, le consommateur sera sans doute victime de ces initiatives dérégulatrices.

M. Jack Ralite a enfin estimé que le projet de loi ne pouvait être considéré comme l'initiative politique attendue pour permettre à la France d'entrer dans la société de l'information.

Mme Danièle Pourtaud a regretté que le texte ne présente aucune vision d'ensemble de l'évolution vers la société de l'information, envisagée par le détour de quelques modifications législatives ponctuelles qui susciteront la mise en concurrence de la diffusion hertzienne et des réseaux câblés, et dont le principal objectif est de permettre l'offre du service téléphonique sur les réseaux câblés sans contrepartie pour l'exploitant qui assume la charge du service public.

Si les accords passés dans le cadre de l'Union européenne obligent à achever la déréglementation du service téléphonique avant le 1er janvier 1998, il conviendrait que le Parlement discute au préalable des moyens de préserver le service public dans le cadre de cette nouvelle donne. Le ministère de l'industrie, de la Poste et des télécommunications a installé une commission d'experts qui fixera les conditions de la contribution des nouveaux exploitants au maintien du service universel. On peut craindre que les pratiques de dumping auxquelles les câblo-opérateurs se livreront sans nul doute d'ici-là ne soient contradictoires avec l'obligation qui devrait à terme peser sur eux de fixer leur prix compte tenu de leur contribution au financement du service public.

Mme Danièle Pourtaud s'est par ailleurs déclarée opposée à l'octroi d'autorisations de diffuser des services de télévision en numérique sur les fréquences hertziennes terrestres sans passer par la procédure de l'appel d'offre prévue par la loi du 30 septembre 1986. Elle a aussi regretté que le projet de loi rende possible la globalisation des quotas de diffusion sur l'ensemble des services figurant dans un bouquet de chaîne.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'article 2 du projet de loi prévoit expressément que les câblo-opérateurs offrant le service téléphonique contribuent au financement des obligations de service public ;

- l'offre du service téléphonique sur les réseaux câblés a un caractère expérimental et sera soumise à des limitations de durée et de couverture géographique. Elle testera non pas des techniques nouvelles mais l'organisation d'un marché concurrentiel de la téléphonie, ce qui permettra aux opérateurs français de se préparer à la déréglementation de 1998. Au demeurant, l'exemple de British Telecom montre qu'un opérateur public en situation concurrentielle peut conserver 90 % de son marché national tout en développant une stratégie de conquête des marchés mondiaux. Rien n'empêche France Télécom, confrontée à une situation identique, de devenir un des principaux opérateurs du marché mondial des télécommunications. Il lui appartient de nouer les alliances nécessaires.

Cette stratégie de conquête des marchés mondiaux est le seul moyen de compenser le repli possible de l'opérateur public sur le marché national. Elle aurait en outre le mérite de rassurer les personnels sur l'avenir de l'entreprise.

Le projet de loi ne va donc pas trop loin dans l'anticipation de la déréglementation des télécommunications : il favorise l'adaptation de France Télécom à une évolution que les progrès de la technique rendent de toute façon inéluctable quelle que soit l'orientation de la réglementation nationale ;

- les téléports ont vraisemblablement connu leur apogée avant que ne diminue le coût des communications à grande distance. Il ne semble pas que la formule conserve un véritable avenir. Si des projets d'enseignement à distance ne semblent pas avoir été présentés pour les téléports, de tels projets figurent dans d'autres expérimentations labellisées par le Gouvernement ;

- les critères de labellisation des projets d'expérimentations ont été complexes, ce qui a sans doute ralenti le processus de sélection. Le principal regret que l'on peut avoir à l'égard de la dynamique lancée par le Gouvernement est cependant la modestie des subventions inscrites aux budgets de 1995 et de 1996. Un montant de 500 millions de francs devrait être mobilisé en trois ans, chiffre dérisoire en comparaison des sommes dégagées pour la lutte contre le chômage, compte tenu du fait que les nouveaux services de la société de l'information sont un puissant facteur de création d'emplois, particulièrement en faveur des jeunes diplômés.

A cet égard, des pays comme le Canada et l'Allemagne ont adopté une démarche plus mobilisatrice que le processus lancé en France ;

- il y aura peu d'expériences de diffusion de programmes de télévision par micro-ondes. L'affectation des fréquences hertziennes terrestres pose un problème majeur dans la mesure où la répartition actuelle, si elle était considérée comme intangible, aurait avec la numérisation des conséquences défavorables au développement du satellite, du câble et de la téléphonie mobile. C'est un problème qu'il faudra envisager à l'occasion du prochain examen du projet de loi modifiant la réglementation des télécommunications. La nécessité d'opérer une gestion rationnelle des fréquences hertziennes terrestres pourrait par ailleurs amener à modifier la répartition actuelle des compétences entre les autorités administratives qui assurent la tutelle des télécommunications et de la communication audiovisuelle. ;

- le ministre de la culture a été associé à la préparation du projet de loi. En ce qui concerne l'article 2, aucune dérogation à la réglementation de la communication audiovisuelle n'était nécessaire, l'intérêt de ces dispositions est sans doute, en ce qui concerne la communication audiovisuelle, de favoriser la relance du câble ;

- il est logique et cohérent avec le caractère expérimental du projet de loi de permettre la globalisation des quotas de diffusion applicables aux services qui seront diffusés dans des bouquets numérisés.

M. Jacques Ralite a alors estimé que l'État devrait augmenter son engagement financier en faveur du développement des produits diffusés sur les réseaux à grand débit de la société de l'information, sans négliger cependant le développement de ces réseaux et des logiciels qui en permettront l'accès.

Par ailleurs, le projet de loi n'envisage pas l'organisation d'un partenariat entre les opérateurs français et des opérateurs de télécommunications non américains. Enfin, il ne règle pas de nombreux problèmes révélés par l'évolution de la communication audiovisuelle, tels que l'adaptation de la réglementation compte tenu de l'apparition du métier de multiplexeur numérique.

Il a demandé que la commission étudie ces différents problèmes.

M. Pierre Laffitte, rapporteur, a précisé que le groupe d'études mis en place par la commission sur le multimédia allait poursuivre ses réflexions dans ce sens.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page