Art. 32 (Art. 63 du code de la famille et de l'aide sociale) - Catégorie de personnes qui peuvent adopter un pupille de l'État et projet d'adoption

Le présent article vise à modifier l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale sur de nombreux points. Pour plus de clarté, seront donc exposés la législation actuelle, le contenu de la proposition de loi, le texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale et, enfin, les propositions de votre commission.

I - La législation actuelle

L'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale actuellement en vigueur provient de la rédaction adoptée lors de la réforme du statut des pupilles de l'État résultant de la loi n° 84-422 du 6 juin 1984 et de la loi n° 86-76 portant diverses dispositions d'ordre social du 17 janvier 1986. Il se compose de quatre alinéas.

Le premier de ces quatre alinéas dispose que les enfants admis en qualité de pupilles de l'État doivent faire l'objet d'un projet d'adoption dans les meilleurs délais. Toutefois, il prévoit que, lorsque le tuteur, c'est-à-dire le préfet, considère que ledit projet d'adoption n'est pas adapté à la situation du pupille, s'il est, en particulier, trop âgé, ou malade, il doit en préciser les motifs au conseil de famille. À chaque examen annuel de la situation des pupilles par le conseil de famille, ce dernier réétudie la pertinence de ces motifs.

Il faut rappeler, à cet égard, et votre rapporteur a souhaité, pour plus de précisions, qu'une enquête soit diligentée par le ministre en charge du dossier afin que soient analysés les motifs de la non-adoption de ces pupilles, que deux tiers de ces derniers ne sont pas adoptés. Au 31 décembre 1993, il y avait, en effet, sur les 2.383 pupilles de l'État sans projet d'adoption, 17 % pour lesquels on en ignorait les raisons, selon les chiffres extraits du rapport de janvier 1995 de M. Mattéi, ce qui ne semble pas acceptable (cf. tableau ci-dessous).

MOTIFS DE L'ABSENCE DE PROJET D'ADOPTION (en %)

Le deuxième alinéa de cet article définit les deux catégories de personnes qui peuvent adopter un pupille de l'État. En premier lieu, l'assistante maternelle qui assume la garde de celui-ci lorsque des liens affectifs se sont noués entre eux. En second lieu, ce sont les personnes qui ont été agréées pour cela par le responsable du service de l'aide sociale, en fait le Président du conseil général. Il faut rappeler, à cet égard, que 5.928 agréments ont été accordés fin 1992 et qu'il y avait 13.428 personnes avec un agrément en cours de validité à la même date. Les conditions pour obtenir cet agrément sont fixées par le décret n° 85-938 du 23 août 1985.

Le troisième alinéa précise le délai d'obtention ou de refus de cet agrément qui est de neuf mois à compter du jour de la demande. Toutefois, contrairement à ce qui existe à l'article 123-1-1 du code de la famille et de l'aide sociale pour les assistantes maternelles, à défaut de notification de décision dans ce délai, il n'est pas indiqué que cet agrément est réputé acquis.

Le quatrième et dernier alinéa mentionne que c'est le tuteur avec l'accord du conseil de famille, qui définit le projet d'adoption, plénière ou simple, selon les caractéristiques et notamment l'âge de l'enfant, ainsi que le choix des adoptants. Ce dernier point est particulièrement important dans la mesure où il évite les adoptions directes, des parents biologiques aux adoptants, et les risques de trafic.

II - Le contenu de la proposition de loi

La proposition de loi, dans son article 29, si elle ne modifiait pas le premier alinéa de l'article 63, apportait en revanche, des modifications aux deuxième et troisième alinéas, ajoutait après celui-ci trois nouveaux alinéas et abrogeait le dernier alinéa sur la définition du projet d'adoption car cet alinéa était reporté dans un nouvel article du code de la famille et de l'aide sociale créé à l'article suivant.

La modification au deuxième alinéa instituait une possibilité pour des personnes étrangères d'un État ayant ratifié la Convention de La Haye et reconnues aptes à adopter par une autorité centrale ou les autorités compétentes de l'État concerné d'adopter des pupilles de l'État.

Les deux modifications introduites au troisième alinéa sont la première de forme et la seconde de fond puisqu'elle créait une commission d'agrément dont la composition et le mode de fonctionnement devaient être fixés par décret en Conseil d'État. Actuellement, une telle commission n'existe pas, au moins formellement. En effet, conformément à l'article 6 du décret n° 85-938 du 23 août 1985 modifié par le décret n° 88-714 du 9 mai 1988, avant d'accorder l'agrément, le responsable de l'aide sociale à l'enfance doit avoir consulté, concomitamment, l'agent responsable de son service, deux personnes de ce service ayant une compétence particulière dans le domaine de l'adoption et un membre d'un conseil de famille des pupilles de l'État du département représentant d'associations familiales ou de l'association d'entraide des pupilles et anciens pupilles de l'État du département.

Le premier des trois alinéas additionnels introduits par la proposition de loi ne fait que prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour fixer les conditions de validité des décisions d'agrément ou de refus.

En revanche, la reconnaissance de la valeur nationale de l'agrément qui figure à l'alinéa suivant est l'un des apports les plus significatifs de ce texte. Il apparaissait, en effet, paradoxal que l'agrément puisse être reconnu sur un plan international, pour adopter des enfants étrangers et ne soit pas considéré comme valable d'un département à l'autre, conduisant ainsi les futurs adoptants titulaires d'un agrément à recommencer intégralement la procédure en cas de changement de département. Désormais, leur agrément restera valable même s'ils déménagent d'un département à l'autre. Ils devront seulement envoyer une déclaration au Président du Conseil général de leur nouveau département de résidence. De même, le refus d'agrément demeurera opposable. Cette disposition qui s'inspire de celle qui existe à l'article 123-1-2 du code de la famille et de l'aide sociale et qui concerne les assistantes maternelles, apparaît tout à fait nécessaire et de bon sens.

Quant au troisième alinéa additionnel, il prévoit une obligation de transmission par le responsable du service de l'aide sociale à l'enfance de toutes décisions relatives aux agréments au ministre chargé de la famille, l'idée de M. Mattéi étant de transmettre à un organisme national de concertation pour l'adoption (ONCA) 1 ( * ) , que la proposition de loi ne crée pas, toutes ces données via le ministre précité.

III - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le texte de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale a fait l'objet de modifications complémentaires après son passage en séance publique à l'Assemblée nationale, sans qu'il soit totalement réécrit, ce qui ne contribue pas à la lisibilité du dispositif. Sauf exception mentionnée, ces modifications proviennent d'amendements de la commission spéciale.

La première modification vise à transférer le premier alinéa actuel de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale qui est relatif au projet d'adoption du pupille de l'État dans un nouvel article additionnel du même code prévu à l'article suivant. La raison de ce transfert est le souhait d'une plus grande unité de l'article 63, centré désormais sur l'agrément et ses conditions d'obtention.

Les deuxième et troisième modifications sont, soit rédactionnelles, soit visant à réorganiser l'article en supprimant l'exigence d'un décret spécifique pour les conditions d'agrément, considérant que le décret en Conseil d'État créé au dernier alinéa valait pour l'ensemble de l'article.

La quatrième modification provient de l'adoption d'un amendement de Mme Véronique Neiertz et du groupe socialiste qui prévoit que les membres des commissions d'agrément et des conseils de famille puissent être remplacés par leurs suppléants, du fait de l'exigence d'une grande disponibilité dans certains départements très peuplés, comme le Nord par exemple. Votre commission tient à souligner que, s'il est pertinent de prévoir une telle disposition à cet article pour les commissions d'agrément, en revanche, cela ne l'est pas pour les conseils de famille, c'est pourquoi, concernant ceux-ci, elle a déjà introduit cette disposition à l'article 28.

La cinquième modification a trait à la possibilité pour des étrangers d'adopter des pupilles de l'État. Le texte adopté par l'Assemblée nationale demande à ce que soit en considération de l'intérêt de l'enfant et supprime la référence à la Convention de La Haye dans la mesure où celle-ci n'a pas encore été ratifiée.

Les sixième et septième modifications sont rédactionnelles. La huitième donne des précisions quant à la composition de la commission d'agrément qui devrait ainsi comprendre, notamment, un membre d'un conseil de famille des pupilles de l'État du département, qui représentent, soit une association familiale, soit l'association d'entraide des pupilles et anciens pupilles de l'État.

La neuvième modification consiste, en fait, en la suppression de la mention de la référence à un décret en Conseil d'État sur les conditions d'agrément puisque celles-ci seront fixées également par le décret en Conseil d'État reporté à la fin de l'article pour fixer les conditions générales d'application de ce dernier.

La dixième modification permet de préciser que le retrait de l'agrément comme son refus restera opposable même si les personnes concernées changent de département.

La onzième et avant-dernière modification substitue le Président du Conseil général au responsable de services administratifs, en l'occurrence de l'aide sociale à l'enfance. Votre commission approuve tout à fait cette substitution dans la mesure où la responsabilité dans ce domaine appartient à l'autorité politique, en l'occurrence le Président du Conseil général.

La dernière modification consiste en une nouvelle rédaction du dernier alinéa de cet article destinée à prévoir un décret en Conseil d'État général afin de fixer les conditions de l'ensemble des dispositions de cet article.

IV - Les propositions de votre commission

Devant la sédimentation progressive de toutes ces dispositions qui obscurcissent la lisibilité du présent article, votre commission a jugé plus expédient de réécrire, par cet article, l'ensemble de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale.

Celui-ci est désormais composé de neuf alinéas.

Le premier alinéa détaille les trois catégories de personnes qui peuvent adopter les pupilles de l'État, soit les assistantes maternelles lorsque les liens affectifs tissés avec l'enfant confié à leur garde justifient cette disposition, les personnes agréées et, si l'intérêt du pupille concerné le requiert, des personnes étrangères dont l'aptitude à adopter a été constatée dans d'autres États que la France, s'il y a eu accord international entre cette dernière et l'État en question sur ce point. En fait, l'accord auquel il est fait allusion est la Convention de La Haye ; toutefois, comme pour l'article 51 du présent texte, il n'est pas pertinent, selon votre commission, de la mentionner explicitement dans la mesure où elle n'a pas encore été ratifiée.

Le deuxième alinéa a trait à l'agrément et à la commission d'agrément. Cet alinéa précise la durée de validité de l'agrément, soit cinq ans, le délai d'obtention, six mois au lieu de neuf mois actuellement. Il crée la commission d'agrément et mentionne qu'elle comprendra, notamment, deux, au lieu d'un seul dans la rédaction de l'Assemblée nationale, membres d'un conseil de famille des pupilles de l'État, l'un assurant la représentation de l'UDAF (Union départementale des associations familiales) et l'autre, celle de l'association départementale d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'État. Il mentionne, enfin, pour uniquement les commissions d'agrément, la possibilité pour les représentants des associations susmentionnées de se faire remplacer par leur suppléant.

Le troisième alinéa précise, comme cela existe déjà pour les assistantes maternelles, conformément à l'article 123-1-1 du code de la famille et de l'aide sociale, que l'agrément est réputé acquis si la notification n'intervient pas dans le délai prévu.

Le quatrième alinéa offre, dans le cadre législatif, aux personnes qui demandent un agrément, la faculté de bénéficier des dispositions de l'article 55-1, c'est-à-dire qu'elles peuvent être accompagnées, dans leurs démarches, par quelqu'un de leur choix, représentant ou non une association.

Dans le même esprit, le cinquième alinéa inscrit dans la loi un certain nombre de droits et, notamment, le droit à l'information des candidats à l'agrément qui, jusqu'à présent, ne figurait que dans le décret n° 85-938 du 23 août 1985. Il prévoit, en particulier, que les candidats à l'agrément peuvent demander que tout ou partie des investigations effectuées pour l'instruction de leur dossier soient accomplies une seconde fois et par d'autres personnes qu'initialement, ceci pour éviter, autant que faire se peut, l'arbitraire dans ce domaine. Les taux de refus d'agrément, extrêmement divers selon les départements et déjà évoqués, de 0 % dans le Gers et dans les deux départements corses à 35,6 % en Seine-Saint-Denis, montrent à l'évidence, la diversité des pratiques. Or, chacun doit avoir les mêmes chances d'être agréé, quel que soit son département de résidence. Voici pourquoi votre commission souhaite que les droits des postulants soient mieux garantis. Ceux-ci seront donc informés du déroulement de l'instruction du dossier et pourront prendre connaissance de tous les renseignements figurant dans celui-ci. Les dispositions des articles 3, 4 et 6 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal leur seront applicables. En particulier, conformément à l'article 3 de la loi précitée, ils pourront faire consigner leurs observations en annexe des documents qu'ils auront consultés.

Le cinquième alinéa prévoit explicitement la motivation pour le refus ou le retrait de l'agrément et la possibilité de recours dans les deux cas auprès du tribunal administratif suivant la date de notification.

Le sixième alinéa introduit une précision qui n'existait pas et qui posait par là-même un problème : le délai au bout duquel la personne à qui un agrément a été refusé ou retiré peut faire une nouvelle demande. Sans texte, actuellement, nombre de services de l'aide sociale à l'enfance considèrent que ce délai est identique à celui concernant la validité de l'agrément, soit cinq ans, ce qui a semblé à votre commission excessif, surtout si l'on connaît déjà les difficultés de l'ensemble de la procédure et l'importance d'avoir des parents adoptifs relativement jeunes. C'est pourquoi votre commission a souhaité que le délai requis pour déposer une nouvelle demande après un refus ou un retrait soit de trente mois, soit la moitié du délai de validité de l'agrément.

Le septième alinéa de l'article 63, tel que le propose cet article, reprend, en fait, l'alinéa consacré à la reconnaissance du caractère national de l'agrément, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.

Le huitième alinéa dispose que les décisions relatives à l'agrément ne sont plus transmises au ministre chargé de la famille, mais à l'Autorité centrale pour l'adoption, seule structure créée par la loi et qui pourra servir de répertoire de données, ce qui fait actuellement tout à fait défaut.

Enfin, le dernier alinéa prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour fixer les conditions d'application de l'ensemble de cet article.

Sous réserve de l'amendement qu'elle vous a proposé, votre commission vous demande d'adopter cet article.

* 1 M. Mattéi envisageait que cet organisme soit créé par voie réglementaire

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