IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des Finances a décidé de limiter son avis aux articles 22 à 27 qui forment le titre VII " Dispositions financières " du présent projet de loi. Ces articles comportent essentiellement des dispositions relatives au financement de la surveillance de la qualité de l'air, des mesures destinées à encourager le développement des véhicules électriques ou peu polluants, ainsi qu'une possibilité ouverte aux départements et aux régions d'accompagner ce dispositif fiscal.

1. L'annonce d'un principe de financement de la politique de surveillance de la qualité de l'air critiquable

Si votre commission approuve le renvoi à des lois de finances ultérieures du soin de fixer les conditions du financement de la surveillance de la qualité de l'air, elle ne peut, en revanche, que s'élever contre l'idée d'assurer ce financement "à partir du produit de la fiscalité des énergies fossiles", énoncée au deuxième alinéa de l'article 22 du présent projet de loi.

Deux raisons expliquent la position de votre commission.

Le principe de l'affectation d'une "fraction" du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers "plafonnée à 0,4 centime par litre", décrit dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, va directement à l'encontre des exigences du principe de l'universalité budgétaire énoncé à l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Cet article dispose en effet que "l'ensemble des recettes assure l'exécution de l'ensemble des dépenses". Le même article n'autorise l'affectation d'une recette à une dépense que si elle prend la forme d'un budget annexe, d'un compte spécial du trésor ou "d'une procédure comptable particulière". Or, votre commission des Finances considère que le dispositif envisagé est étranger aux formules évoquées ci-dessus.

En second lieu, votre commission souhaite émettre de vives réserves sur une application éventuelle du principe "pollueur-payeur" à la fiscalité. Un tel principe trouve parfaitement à s'appliquer dans le cadre de la parafiscalité, dont la nature est définie à l'article 4 de la même ordonnance qui autorise le gouvernement à établir, par décret en Conseil d'État, des taxes parafiscales "perçues dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'État, les collectivités et leurs établissements publics administratifs". En revanche, elle considère que le principe du "pollueur-payeur" ne peut et ne doit pas être étendu, même implicitement, à la fiscalité.

L'énoncé d'un tel principe étant de ce fait hautement contestable, votre commission a été conduite à vous proposer d'en supprimer la mention à l'article 22 du présent projet.

En ce qui concerne la parafiscalité, des ressources existantes pourraient par ailleurs être dégagées à partir du produit de la taxe sur les déchets, actuellement affectée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

2. Un dispositif national d'incitation fiscale perfectible

Les mesures fiscales envisagées au titre de la fiscalité de l'État forment un ensemble cohérent et réellement incitatif en faveur du développement d'un parc de véhicules propres ou peu polluants.

La commission des Finances approuve ce dispositif qui n'entraîne pas de hausse des prélèvements obligatoires.

Dans leur principe, ces mesures constituent une application à rebours de la théorie du "pollueur-payeur". Il s'agit, en effet, de mesures positives d'allégement de la fiscalité en faveur de certains acquéreurs de véhicules électriques ou peu polluants. Cette approbation de principe s'accompagne néanmoins d'une volonté de préciser certains aspects du projet.

L'analyse de l'ensemble de ces mesures fiscales d'incitation fait en effet ressortir qu'il serait mieux répondu à l'objectif de contribution à la réduction de la pollution atmosphérique urbaine en apportant au dispositif proposé une restriction et en l'enrichissant d'une extension.

a) L'absence de proportionnalité des incitations au regard des différentes technologies

La restriction envisagée par votre commission découle du caractère uniforme des mesures. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne dessine aucune proportionnalité entre les avantages accordés et la contribution effective d'une technologie donnée à la réduction de l'émission de polluants. L'importance des mesures incitatives devrait en outre tenir compte du degré de développement des différentes technologies concernées.

S'il paraît difficile de définir avec certitude une stricte proportionnalité entre l'avantage fiscal et la contribution environnementale des différents modes de propulsion des véhicules (électricité, GPL, ou GNV), tout en tenant compte du degré de développement des différentes technologies, une différenciation peut cependant être introduite. Pour être mise en oeuvre, une telle différenciation de l'importance des incitations fiscales nécessite de n'accorder la plénitude des avantages prévus qu'aux véhicules ayant un mode unique de propulsion.

La mise en oeuvre de cette démarche doit cependant être mesurée. Il ne s'agit pas d'exclure du bénéfice de l'ensemble des mesures incitatives les véhicules à carburation hybride (aussi appelés véhicules à "bi-carburation" ou véhicules "bi-mode"). En revanche, il convient de rapprocher le montant de l'avantage accordé du surcoût effectif que cette technologie implique pour un véhicule.

Ceci apparaît d'autant plus légitime que l'assise industrielle de ce type de véhicule est aujourd'hui potentiellement mieux assurée en ce qui concerne le gaz de pétrole liquéfié (GPL)- auquel l'article 20 de la loi de finances pour 1996 vient en outre d'accorder un allégement du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers- que celle du véhicule électrique par exemple, qui incarne par ailleurs la seule technologie véritablement non polluante.

Tel est l'objet des deux amendements adoptés par votre commission des Finances à l'article 24 du présent projet.

b) L'introduction d'une mesure consacrée au parc existant

L'incitation à l'acquisition de véhicules propres ou peu polluants est un élément positif dans le cadre de la lutte contre la pollution atmosphérique urbaine, mais la portée de ce dispositif est limitée par l'absence de mesures destinées à agir sur le parc existant. Aussi votre commission suggère-t-elle en conséquence de compléter cette approche par une action destinée à favoriser la réduction du caractère polluant du parc existant.

Au regard de la durée de vie des véhicules, et notamment en ce qui concerne ceux affectés au transport en commun, il convient d'encourager l'extension de catalyseurs d'oxydation ou d'éventuels filtres à particules au parc de véhicules existant, sachant que ces systèmes réduisent de façon significative les émissions de certains polluants.

Cette orientation apparaît d'autant plus nécessaire qu'il est admis de façon générale que le parc de véhicules anciens contribue de façon beaucoup plus que proportionnelle à l'émission de polluants dans l'air que les véhicules plus récents.

Tel est le sens d'un des articles additionnels à l'article 23 adoptés par votre commission des Finances.

3. Une intervention des collectivités locales contestable dans son principe et discutable dans ses modalités

Le texte qui vous est soumis institue, pour les conseils généraux et les conseils régionaux, une faculté non compensée par l'État d'exonérer respectivement de la "vignette" et de la taxe sur les "cartes grises" les véhicules propres ou peu polluants.

Résultant de l'application du principe de compensation financière des transferts de compétences liés à la décentralisation, la taxe différentielle sur les véhicules à moteur et la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules relèvent respectivement des départements et des régions. Ceci implique que pour étendre aux particuliers le bénéfice des mesures d'incitation à l'acquisition de véhicules propres ou peu polluants, ce texte "autorise" les départements et les régions à exonérer ce type de véhicules respectivement de la "vignette" et de la taxe sur les "cartes grises".

Le caractère facultatif -et donc non compensé- de ces exonérations entre en contradiction avec l'affirmation d'une responsabilité nationale en matière de politique de surveillance de la qualité de l'air. Ce système est en effet susceptible d'entraîner des distorsions géographiques dans le "traitement fiscal" des véhicules propres ou peu polluants. Il est en outre de nature à soumettre les exécutifs départementaux et régionaux à d'éventuelles pressions locales.

La réponse aux inconvénients du caractère facultatif de ces mesures aurait pu consister à rendre obligatoire -et donc à compenser- les exonérations envisagées. Cette solution aurait eu l'avantage de rétablir une cohérence par rapport à la dimension nationale du problème de la pollution atmosphérique, tout en prenant en considération la difficile situation financière des collectivités locales.

Une telle perspective se heurte cependant à une réserve de principe.

Si les compensations sont initialement financées dans des conditions acceptables, l'expérience montre que trop souvent ces dernières se dégradent au fil du temps.

L'ensemble de cette réflexion a conduit votre commission à proposer la suppression des articles 25 et 26 relatifs respectivement à l'exonération de la "vignette" et de la taxe sur les "cartes grises".

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En définitive, votre commission des Finances a émis un avis favorable à l'adoption des dispositions du titre VII (articles 22 à 27) du présent projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements présentés ci-après.

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