EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 30 avril 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Adnot, sur les dispositions financières et fiscales du projet de loi n° 304 (1995-1996) sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, s'est tout d'abord félicité du dépôt en priorité sur le bureau du Sénat d'un projet de loi très attendu depuis son annonce au mois de juillet 1995. Il a souligné le caractère préoccupant de la pollution atmosphérique et de son impact. Il a ensuite noté que les "pics" de pollution enregistrés, tant à Paris que dans certaines grandes villes de province étaient à l'origine d'une forte sensibilisation de l'opinion publique au problème de la qualité de l'air.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a, ensuite, considéré que ce projet de loi poursuivait deux objectifs principaux : la mise en oeuvre d'une politique de surveillance de la qualité de l'air et le développement d'une action en faveur de la réduction de la pollution atmosphérique.

Rappelant que la commission était saisie pour avis du seul titre VII relatif aux "dispositions financières" de ce projet, il a cependant tenu à appeler l'attention de la commission sur certaines dispositions du texte.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, s'est inquiété de la portée juridique et des conséquences financières de la formule contenue à l'article premier qui consacre le droit de respirer un air qui ne nuise pas à la santé. Notant qu'il s'agissait là d'une disposition apparemment sans valeur normative, voire incantatoire, il a tenu à souligner que ce type d'énoncé pourrait fournir une base à des contentieux et faire naître des droits imprévus.

Avant d'aborder le volet financier et fiscal du texte, le rapporteur pour avis a souhaité présenter les points saillants du projet de loi. Il a constaté que ce texte était principalement axé sur la pollution atmosphérique urbaine et qu'il venait compléter la panoplie législative française dans le domaine de la lutte contre les pollutions.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a indiqué que ce texte instituait tout d'abord une véritable politique nationale de surveillance de la qualité de l'air. Il a constaté que ce projet venait compléter le dispositif législatif français dans le domaine de la pollution atmosphérique.

Après avoir rappelé qu'en dehors de l'ancienne loi sur l'air du 2 août 1961, ce dispositif tenait essentiellement à la loi sur les installations classées du 19 juillet 1976, centrée sur la lutte contre la pollution atmosphérique due à des sources fixes, il a estimé que cette législation constituait un véritable succès en matière de lutte contre la pollution atmosphérique d'origine industrielle.

Il a ensuite expliqué que le projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie comblait une lacune importante de ce dispositif en traitant de la lutte contre les sources mobiles de pollution, c'est-à-dire pour l'essentiel la pollution d'origine automobile. Il a indiqué que celle-ci -contrairement à la pollution d'origine industrielle- était en hausse malgré la forte réduction du niveau d'émission unitaire de polluants par véhicule. M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis , a expliqué que ce phénomène tenait très largement à l'essor considérable du parc automobile français, qui a connu un doublement en vingt ans pour atteindre 32 millions de véhicules, dont 25 millions de voitures particulières.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les grandes lignes du dispositif proposé. Il a précisé que ce dispositif visait à instituer un réseau de surveillance de la qualité de l'air et mettait en place une série de plans destinés à lutter contre la pollution atmosphérique.

Constatant que l'air n'avait pas de frontière, il a salué le caractère national du dispositif, rappelant qu'il s'insérait dans une perspective européenne définie par la directive-cadre sur l'air de 1995.

Il a indiqué que le projet de loi se proposait d'étendre, progressivement d'ici à l'an 2000, le réseau de surveillance de la qualité de l'air à l'ensemble du territoire.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a fait remarquer que le texte prévoyait l'institution facultative par le préfet de plans régionaux pour la qualité de l'air et la création obligatoire par le préfet d'un plan de protection de l'atmosphère dans toute agglomération de plus de 250.000 habitants, les plans de déplacements urbains, institués par la loi d'orientation sur les transports intérieurs devenant, quant à eux, obligatoires dans toute agglomération de plus de 250.000 habitants.

Il a, par ailleurs, signalé que l'article 19, paragraphe III, traduisait en actes l'engagement pris par le Premier ministre en février dernier de rendre obligatoire l'incorporation de composants oxygénés dans les carburants d'ici l'an 2000.

À cet égard, le rapporteur pour avis a signalé que toute amélioration de la qualité des carburants était importante pour l'environnement dans la mesure où, même si les carburants ne sont qu'un facteur polluant parmi d'autres, les actions destinées à les rendre moins polluants présentent l'avantage d'agir immédiatement sur l'ensemble du parc.

Le rapporteur pour avis a ensuite procédé à une analyse des dispositions financières et fiscales du projet de loi. Il a souligné tout d'abord que ce texte comportait une annonce des modalités de financement de la surveillance de la qualité de l'air partiellement contestables.

Il a noté que deux mesures étaient ainsi envisagées dans l'exposé des motifs du projet pour financer le réseau de surveillance : l'affectation d'une partie du produit de la taxe parafiscale sur la pollution et l'attribution d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, plafonnée à 0,4 centime par litre qui serait déterminée chaque année par la loi de finances.

S'il a admis que l'application du principe du "pollueur-payeur" était nullement critiquable pour la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, son extrapolation à l'utilisation d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le financement de la surveillance de la qualité de l'air lui apparaissait contestable au regard des exigences du principe de l'universalité budgétaire.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a considéré que la fiscalité de l'État n'avait pas vocation à être "démembrée" en fonction d'un certain nombre d'objectifs et qu'il lui semblait que la commission des Finances devait s'opposer au développement de telles pratiques.

Il a suggéré que soit maintenu le financement d'origine budgétaire, à l'instar de celui mis en oeuvre par redéploiement de crédits budgétaires pour 1996 au profit du ministère de l'environnement.

Sur le plan fiscal, le rapporteur pour avis a considéré que le projet de loi tirait les conséquences de la structure de la fiscalité et de sa répartition, en instituant une action fiscale sectorielle partagée entre l'État et les collectivités locales. Concernant ces dernières, il a noté que le texte n'instituait que des facultés non compensées par l'État.

Sur ce point, M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a fait remarquer que le projet de loi comportait une "invitation" faite aux collectivités locales de participer, "sur une base volontaire", à la politique de lutte contre la pollution atmosphérique. Sans préjuger de la décision de la commission à ce sujet, il a souhaité émettre deux objections de principe. Ainsi il a remarqué que, d'une part, ces dispositions était contraires à l'idée d'une politique nationale de lutte contre la pollution atmosphérique et que, d'autre part, cette approche paraissait inadaptée à l'objectif visé.

Il a ensuite mis en évidence que le dispositif fiscal proposé n'abordait qu'un aspect restreint de la problématique de la lutte contre la pollution atmosphérique en incitant au développement des véhicules électriques ou fonctionnant au moyen d'une énergie peu polluante.

Au regard de son impact financier, et sans préjudice de l'appréciation portée sur les modalités envisagées du financement de la surveillance de la qualité de l'air, le rapporteur pour avis a émis une approbation de principe dans la mesure où ce texte n'entraînait ni taxation nouvelle, ni hausse d'un prélèvement existant.

Il a ensuite salué le respect de l'engagement pris par le chef de l'État de ne plus augmenter les prélèvements obligatoires.

Au sujet du volet fiscal, M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a considéré que ce texte comportait à la fois des défauts et des limites. Il a ensuite indiqué que les amendements qu'il soumettrait à la commission auraient pour objet de tenter de corriger les premiers et d'apporter une contribution au dépassement des secondes.

Il a conclu son propos en indiquant qu'il serait conduit à proposer l'adoption des articles 22 à 27 que comporte le titre VII "Dispositions financières" de ce projet, sous réserve des amendements qu'il présenterait à l'occasion de l'examen des articles.

M. Denis Badré a indiqué qu'il partageait l'inquiétude du rapporteur pour avis au sujet de l'article premier et a regretté que cet article n'ait pas figuré au nombre de ceux dont la commission s'était saisie.

M. Roland du Luart, vice-président, a en conséquence donné mandat au rapporteur spécial de faire état de cette opinion, largement partagée par les membres de la commission, lors du débat en séance publique.

La commission a ensuite abordé la discussion des articles du titre VII "dispositions financières" dont elle est saisie.

Sur cet intitulé, la commission a adopté un amendement ajoutant les mots "et fiscales" pour tenir compte du fait que les articles de ce titre ont essentiellement un objet fiscal.

À l'article 22 , qui énonce les grandes orientations de la fiscalité des énergies fossiles et définit un principe de financement de la surveillance de la qualité de l'air, la commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article limitée à la publication d'un rapport bisannuel sur l'évolution de la fiscalité des carburants.

À l'article 23 , qui prévoit le remboursement partiel de taxes en faveur des exploitants de transports publics de voyageurs utilisant des énergies peu polluantes (gaz de pétrole liquéfié ou gaz naturel véhicules), la commission a adopté un amendement dont l'objet est de clarifier le champ d'application de cette mesure et de fixer un plafond au remboursement.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté à la commission un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 23. Il a souligné que le volet fiscal du projet de loi ne comportait aucune incitation ayant pour objet de rendre moins polluant le parc de véhicules existant.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a indiqué à la commission qu'il avait souhaité déposer un amendement permettant d'instituer une prime à l'installation de ce type d'équipement sur les véhicules appartenant à des exploitants de réseaux de transports en commun de voyageurs. Ce projet, qui semble recueillir l'assentiment du Gouvernement, se heurte cependant aux rigueurs de l'article 40 de la Constitution. En conséquence, la commission a adopté "l'amendement d'appel" présenté par son rapporteur pour avis. Conforme aux exigences de la recevabilité financière, celui-ci pourrait déboucher, lors de la discussion en séance publique, sur l'adoption, à l'initiative du Gouvernement, d'une mesure d'incitation directe.

À l'article 24, relatif à l'exonération de la taxe sur les véhicules de société (TVS) pour les véhicules électriques ou utilisant une énergie peu polluante, la commission a adopté deux amendements tendant à proportionner le montant de l'exonération en fonction des différentes technologies visées.

Le premier tend à réserver la totalité de l'avantage aux véhicules ayant un mode unique de propulsion. Le second est destiné à limiter l'avantage au quart de son montant total pour les véhicules à mode de propulsion hybride -dits "bi-mode".

Aux articles 25 et 26, autorisant les conseils généraux et les conseils régionaux à exonérer les véhicules électriques ou utilisant une énergie peu polluante, respectivement, de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur ("la vignette") et de la taxe proportionnelle sur la délivrance de certificats d'immatriculation des véhicules automobiles terrestres à moteur ("la carte grise"), M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis, a indiqué que l'ouverture de facultés non compensées par l'État lui paraissait contestable.

Il a noté que ce dispositif était contraire au caractère national de la politique définie par le projet de loi, puis a considéré qu'en outre il était de nature à engendrer des disparités locales.

Mme Marie-Claude Beaudeau a alors considéré que la qualité de l'air devait être la même pour tous, et a indiqué qu'elle était favorable à la suppression de ces deux articles.

Sur la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a en conséquence adopté des amendements tendant à la suppression de ces deux articles.

À l'article 27, qui étend le dispositif d'amortissement exceptionnel, dont seuls bénéficiaient les véhicules électriques, aux véhicules utilisant une énergie peu polluante, ainsi qu'aux équipements, matériels et installations spécifiques qui sont nécessaires au fonctionnement de ces types de véhicules, la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, une nouvelle rédaction du paragraphe IV de cet article dont l'objet est de prévenir d'éventuelles fraudes de la part de petites sociétés de location de véhicules.

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