Avis n° 338 (1995-1996) de M. Jean-Jacques HYEST , fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 mai 1996

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N° 338

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 mai 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi., Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-président : Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires : Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros : Assemblée nationale (10 eme législ.) : 2591. 2595. 2644. 2652 et TA 516. Sénat : 303 et 336 (1995-1996).

Prix et concurrence

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Lors de sa réunion du jeudi 2 mai 1996, la commission des Lois, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.

Elle a adopté sur ce texte vingt-trois amendements.

Tout en procédant à un certain nombre d'améliorations rédactionnelles tendant à clarifier et à préciser les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la commission propose :

- de garantir la présence d'un représentant du secteur économique au sein de la commission permanente du Conseil de la concurrence ;

- de supprimer la saisine automatique de cette commission en matière de contrôle des pratiques de prix de vente abusivement bas ;

- de rétablir la procédure de l'arrêté interministériel pour réglementer la périodicité et la durée des opérations promotionnelles sur les produits périssables, susceptibles de désorganiser les marchés ;

- de supprimer à l'article 33 la peine d'exclusion des marchés publics encourue par les personnes morales ;

- de ne prohiber, à l'article 36, l'obtention d'un avantage manifestement dérogatoire aux conditions générales de vente que lorsqu'elle résulte de l'exercice d'une menace de rupture des relations commerciales ;

- d'actualiser la rédaction de l'article 55 pour l'harmoniser avec celle du nouveau code pénal ;

- de supprimer les articles 6 et 7 du projet de loi introduits par l'Assemblée nationale tendant respectivement à étendre aux organisations consulaires ou représentatives des consommateurs la possibilité d'introduire l'action en responsabilité devant la juridiction civile ou commerciale, et à charger les commissaires aux comptes de veiller au respect des règles applicables en matière de facturation et de délais de paiement.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Adopté par le conseil des ministres le 26 février 1996 et examiné en première lecture par l'Assemblée nationale, les 20, 21 et 28 mars, le projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, initialement constitué de cinq articles seulement, en comporte désormais seize.

Avec pour objectif d'endiguer le développement des pratiques restrictives de la concurrence résultant d'un rapport de forces particulièrement favorable au secteur de la distribution, le projet de loi présenté par le Gouvernement propose de réformer le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence afin de tenter de rééquilibrer les relations entre producteurs et distributeurs.

Par une clarification des règles de facturation et une aggravation des peines sanctionnant la revente à perte de produits en l'état, les deux premiers articles du projet initial s'efforcent d'accroître l'efficacité de cette interdiction.

L'article 3 introduit une nouvelle prohibition : celle des pratiques de prix de vente abusivement bas pour des produits fabriqués ou transformés puis commercialisés directement par le distributeur. Le Conseil de la concurrence est chargé de veiller au respect de ces dispositions.

Opérant un renversement de la charge de la preuve en matière de refus de vente, l'article 4 complète et modernise le dispositif de l'article 36 de l'ordonnance en définissant de nouveaux comportements susceptibles d'engager la responsabilité civile de leur auteur (chantage au « référencement » ou au « déréférencement », rupture brutale et injustifiée des relations commerciales).

Le dernier article du projet de loi initial améliore enfin les moyens permettant de lutter contre « les ventes à la sauvette » sur le domaine public.

Ce projet constitue l'aboutissement d'un long processus de réflexion ayant donné lieu à la consultation de quelque soixante-dix associations de professionnels et d'une vingtaine d'associations de consommateurs et, à la demande du ministre de l'Économie, à l'établissement d'un rapport sur les relations entre l'industrie et la grande distribution (rapport Villain du mois de janvier 1995).

Pour la première fois depuis la Libération, une réforme du droit de la concurrence est soumise au Parlement : les textes fondateurs en la matière avaient jusqu'à présent été adoptés par voie d'ordonnance (ordonnance du 30 juin 1945, ordonnance du 1er décembre 1986) et le législateur n'avait eu à connaître que de réformes ponctuelles depuis 1992. La loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 a ainsi introduit au sein du titre IV des dispositions relatives aux délais de paiement entre les entreprises, assorties de sanctions pénales. La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption a imposé aux acteurs du secteur commercial des obligations tendant à garantir la transparence des opérations (communication du barème de prix et des conditions de vente, nécessité d'un contrat écrit pour tout accord de coopération commerciale) tout en aggravant les sanctions encourues en cas de non respect des règles de facturation et en prévoyant l'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales pour certaines infractions.

La présentation au Parlement d'une réforme globale des règles de concurrence dans les relations commerciales entre professionnels est donc une initiative novatrice.

Ce doit être l'occasion pour le législateur de procéder à un contrôle de cohérence de l'ensemble du dispositif et à des harmonisations rédactionnelles, afin d'assurer une meilleure lisibilité de l'ordonnance et d'éviter les difficultés d'interprétation qui nuisent à la sécurité juridique. Cette nécessaire clarification des textes en la matière est d'autant plus importante que de nombreuses interdictions sont sanctionnées pénalement : les peines d'amende délictuelles encourues par les dirigeants ou la personne morale peuvent être, en effet, d'un montant élevé et assorties de peines complémentaires (publication de la condamnation, peine d'exclusion des marchés publics).

La place occupée par la responsabilité pénale dans le régime juridique de la concurrence, qui constitue d'ailleurs une spécificité française, justifierait de rassembler ces dispositions au sein d'une division spécifique dans le livre V du nouveau code pénal.

Considérant qu'il lui incombe de veiller à la correction et à la cohérence juridique de telles dispositions, la commission des Lois s'est saisie pour avis de ce projet de loi.

Le texte soumis à l'examen du Sénat comporte désormais seize articles qui modifient les dispositions du titre IV, mais également des articles figurant aux titres II (« Du Conseil de la concurrence ») et III (« Des pratiques anticoncurrentielles ») de l'ordonnance du 1er décembre 1986. De nombreuses modifications ainsi que plusieurs dispositions nouvelles ont été introduites par l'Assemblée nationale.

Considérant comme nécessaire de garantir la présence d'un représentant de la Cour de Cassation au sein de la commission permanente, le nombre de membres du Conseil de la concurrence a été porté à dix-sept pour tenir compte de la nomination d'un troisième vice-président. Le Gouvernement s'est en outre engagé à renforcer les moyens du Conseil de la concurrence en désignant des rapporteurs supplémentaires afin de lui permettre d'assumer ses nouvelles attributions, en particulier le contrôle des pratiques de prix abusivement bas. Les dispositions prohibant ce type de pratique ont logiquement été transférées du titre IV au titre III qui répertorie l'ensemble des pratiques anticoncurrentielles dont le contrôle relève de la compétence du Conseil. La prohibition des prix abusivement bas concerne les seuls produits revendus en l'état, à l'exception de la vente de carburants au détail. La saisine automatique de la commission permanente du Conseil de la concurrence est prévue.

Le projet de loi supprime par ailleurs la possibilité pour les parties (article 22) de demander « le renvoi au Conseil » : ainsi le président de cette institution exerce-t-il pleinement désormais son pouvoir de décision en matière de répartition des affaires entre la formation plénière et la formation restreinte constituée par la commission permanente.

Au titre IV, le texte adopté par l'Assemblée nationale introduit une disposition réglementant les opérations promotionnelles et les annonces publicitaires correspondantes : il s'agit d'assurer une meilleure transparence des publicités relatives aux produits périssables et d'éviter que certaines opérations, par leur ampleur ou leur fréquence, ne désorganisent toute une filière de production. Un arrêté préfectoral doit définir la périodicité et la durée de telles opérations.

Les règles de facturation sont clarifiées afin de faciliter la détermination du seuil de la revente à parte : sont ainsi exclues du prix d'achat effectif figurant sur la facture et correspondant à ce seuil à la fois les sur-remises quantitatives accordées en cours d'exercice et les remises conditionnelles non directement liées à l'opération de vente ou de prestation de service.

Le dispositif répressif relatif à la revente à perte est renforcé : l'annonce de la revente à perte d'un produit en l'état est interdite au même titre que la revente à perte elle-même. En outre, la peine d'amende encourue est aggravée : elle passe de 100 000 F à 500 000 F et peut être portée à un montant équivalent à la moitié des dépenses de publicité. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables. Les exceptions prévues par l'ordonnance sont toutefois maintenues : seule l'exception d'alignement du prix de revente à perte est désormais réservée aux seules entreprises de moins de 300 mètres carrés.

La liste des produits pour lesquels l'article 35 de l'ordonnance impose des délais de paiement spécifiques dont le non-respect est constitutif d'un délit est par ailleurs complétée par la mention des achats de « viandes congelées ou surgelées ainsi que de poissons surgelés ».

À l'article 36 de l'ordonnance qui énumère les pratiques déloyales susceptibles d'engager la responsabilité civile de leur auteur, les dispositions relatives à l'interdiction du refus de vente sont abrogées. Le refus de vente devient donc licite en principe, sauf lorsqu'il est la manifestation de l'exploitation abusive d'une position dominante sur un marché tendant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence (article 8 de l'ordonnance).

Les autres pratiques prohibées dont la mention est ajoutée à l'article 36 sont :

- le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage sans contrepartie réelle, qu'il s'agisse d'un engagement sur l'achat d'un volume proportionné de produits ou sur la réalisation d'une prestation de service demandée par le fournisseur ;

- le fait d'obtenir des avantages « manifestement exorbitants des conditions générales de vente », ou de tenter de les obtenir sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales ;

- la rupture brutale de relations commerciales établies, sans préavis écrit respectant un délai raisonnable.

S'agissant de l'interdiction des ventes à la sauvette sur le domaine public, le texte adopté par l'Assemblée nationale reprend, moyennant quelques modifications rédactionnelles, le dispositif du projet de loi initial.

Les quatre dernières dispositions du projet de loi sont en revanche tout à fait nouvelles :

- l'article 6 étend aux organisations consulaires ou représentatives des consommateurs la possibilité, offerte par la loi du 1er février 1995 (art. 56 ter de l'ordonnance) aux organisations professionnelles, d'introduire une action devant la juridiction civile ou commerciale sur le fondement des dispositions de l'ordonnance ;

- l'article 7 élargit la mission de contrôle des commissaires aux comptes définie par l'article 228 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;

- l'article 8 diffère l'entrée en vigueur des nouvelles règles applicables en matière de facturation et de revente à perte : il offre aux entreprises un délai de six mois pour procéder aux adaptations requises ;

- l'article 9 prévoit l'élaboration d'un rapport du Gouvernement sur les activités concurrentielles des entreprises du secteur public et les possibilités de coopération avec celles du secteur privé.

Tout en procédant à un certain nombre d'améliorations rédactionnelles tendant soit à clarifier ou préciser les dispositions de l'ordonnance, soit à harmoniser leur libellé avec les termes du nouveau code pénal ou du code de la consommation auxquels il est fait référence, votre commission propose :

- de garantir la présence d'un représentant du secteur économique au sein de la commission permanente du Conseil de la concurrence ;

- de supprimer la saisine automatique de la commission permanente en matière de prix de vente abusivement bas ;

- de restaurer la procédure de l'arrêté interministériel pour réglementer la périodicité et la durée des opérations promotionnelles relatives à des produits périssables et susceptibles de désorganiser un marché ;

- de supprimer à l'article 33 la mention de la peine d'exclusion des marchés publics qui peut actuellement être prononcée à l'encontre des personnes morales déclarées pénalement responsables ;

- de ne prohiber, à l'article 36, l'obtention d'un avantage manifestement dérogatoire aux conditions générales de vente que lorsqu'elle résulte de l'exercice d'une menace de rupture des relations commerciales ;

- d'actualiser l'article 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatif à la peine complémentaire de publication de la décision de justice et aux sanctions applicables en matière de récidive ;

- de supprimer les dispositions introduites par l'Assemblée nationale tendant, à l'article 6, à étendre aux organisations consulaires ou représentatives des consommateurs la possibilité d'introduire une action devant les juridictions civiles et commerciales, et à l'article 7, à charger les commissaires aux comptes de veiller au respect des règles applicables en matière de facturation et de délais de paiement. Il ne semble pas souhaitable en effet de modifier ainsi, de façon incidente, la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, sans réflexion d'ensemble et sans concertation préalable.

Votre commission s'est en outre interrogée sur l'applicabilité de certaines dispositions du projet de loi. Elle a en particulier considéré que le contrôle des prix de vente abusivement bas prohibés par l'article premier D serait difficile à mettre en oeuvre.

* *

*

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles premier A et premier B

(Art. 2 et 4 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Composition du Conseil de la concurrence

et de sa commission permanente

Ces deux dispositions ont été introduites lors de l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des Lois et de M. Raoul Béteille.

Ces articles additionnels modifient les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, figurant au titre II intitulé « Du conseil de la concurrence ». Ils prévoient d'augmenter d'une unité (dix-sept au lieu de seize) le nombre de membres du Conseil de la concurrence et de porter corrélativement de deux à trois le nombre des vice-présidents. Par coordination, la commission permanente constituée du président et des vice-présidents, comprendrait désormais quatre membres au lieu de trois précédemment (article 4).

L'article 2 relatif à la composition du Conseil de la concurrence, distingue trois collèges :

- le premier, constitué de sept membres ou anciens membres du Conseil d'État de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;

- le deuxième, composé de quatre personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation ;

- le troisième, comprenant cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales.

Actuellement, deux des trois membres de la commission permanente sont nommés au sein du premier collège (Conseil d'État, Cour des comptes, magistrats hors hiérarchie de l'ordre judiciaire), le troisième parmi les membres des deux autres catégories.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article 2 prévoit que le premier collège est composé de huit membres (au lieu de sept) et que trois au moins d'entre eux (au lieu de deux au moins) issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, sont membres de la commission permanente.

Le projet de loi instaure ainsi une quasi-parité, au sein du Conseil de la concurrence entre les membres appartenant au premier collège (huit sur un total de dix-sept) et les deux autres catégories constituées de personnalités qualifiées en matière économique (neuf sur dix-sept).

En ce qui concerne la commission permanente, la proportion de membres issus du premier collège, passe des « deux tiers au moins » aux « trois quarts au moins ». L'Assemblée nationale a en effet considéré que, s'agissant d'affaires relevant du domaine du droit commercial, il était nécessaire qu'un magistrat issu de la juridiction suprême en matière judiciaire siège au sein de la commission permanente, qu'une telle présence constituerait une garantie appréciable pour la mise en oeuvre des procédures devant le Conseil de la concurrence dont les décisions sont susceptibles de recours devant la Cour d'appel de Paris.

Si votre commission approuve cette modification, elle considère que la présence d'une personnalité qualifiée en matière économique au sein de la commission permanente est également indispensable. La représentation du secteur économique a jusqu'alors toujours été assurée mais l'article 2 ne la garantit pas : le texte proposé permet, en effet, de nommer le président et les vice-présidents parmi les membres composant le premier collège. Votre commission vous soumet donc, à l'article premier A, un amendement ayant pour objet de garantir cette représentation, ainsi qu'un amendement de coordination tendant à réparer un oubli.

Elle vous propose d'adopter l'article premier A ainsi modifié et l'article premier B sans modification.

Article premier C

(Art. 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Exceptions aux prohibitions prévues

par les articles 7 et 8 de l'ordonnance

Les articles 7 et 8 figurant au titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 intitulé « Des pratiques anticoncurrentielles » définissent les pratiques prohibées ayant pour objet ou susceptibles d'avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

Il s'agit par exemple d'interdire les actions concertées tendant à limiter l'accès à un marché pour d'autres entreprises, à contrôler la production ou les débouchés (art. 7), mais aussi l'exploitation abusive d'une position dominante sur un marché ou de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve un client ou un fournisseur (art. 8).

Ces pratiques ne sont répréhensibles que dans la mesure où elles ont une incidence macro-économique sur un marché et compromettent le libre jeu de la concurrence.

L'article 10 admet toutefois certaines dérogations :

- pratique autorisée par un texte législatif, ou résultant d'un texte réglementaire pris pour son application ;

- pratique ayant pour effet d'assurer un progrès économique et réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans pour autant éliminer la concurrence. La pratique restrictive doit en outre être indispensable pour atteindre cet objectif de progrès.

Certains accords peuvent être reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis conforme du Conseil de la concurrence. Cette procédure dite des « décrets d'exemption » n'a jamais été utilisée. Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, le ministre a cependant annoncé la préparation de deux décrets de ce type en matière agricole, afin de réglementer les filières qualité et les cas de crise de production.

Sur proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a complété l'article 10 afin de prendre en considération l'hypothèse d'une pratique anticoncurrentielle ayant pour effet de maintenir ou de développer l'emploi. L'ajout de cette mention paraît inutile et risque de conduire à une interprétation réductrice de la notion de progrès économique. Or, cette notion connaît une acception très large en matière de concurrence, tant en droit français qu'en droit européen, et inclut l'objectif de sauvegarde de l'emploi.

Ainsi le Conseil de la concurrence (décision n° 88.D.20 en date du 3 mai 1988) a-t-il estimé justifié le regroupement, dans un même organisme chargé de l'organisation du stockage, de la vente et de la constitution d'un réseau de distribution, des producteurs de sel de la presqu'île de Guérande, du fait de la nécessité d'assurer la survie d'exploitations soumises à d'importantes et imprévisibles variations de production, en faisant valoir que la saliculture contribuait au maintien de l'activité économique locale.

Le droit européen de la concurrence a également intégré les préoccupations de sauvegarde de l'emploi dans la mise en oeuvre des règles relatives à la concurrence. La commission des Communautés européennes a ainsi admis, par une décision en date du 29 avril 1994, une entente dans le secteur des briques aux Pays-Bas, en considérant que l'accord permettrait de conduire les opérations de restructuration dans des conditions sociales acceptables.

L'Assemblée nationale a par ailleurs complété le dispositif de l'article 10 en précisant que les pratiques susceptibles d'exemption pouvaient consister à « organiser les volumes et la qualité de la production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun ». Or, selon les explications fournies à votre rapporteur, il apparaît que, concernant des ententes portant sur l'organisation des volumes de production et la définition des politiques commerciales, en particulier celle des prix de cession, les critères de répartition équitable du progrès économique au bénéfice des consommateurs et de non élimination de la concurrence fixés par l'article 10 ne peuvent être satisfaits. Des ententes telles que celle des producteurs européens de carton pour définir des prix communs de cession ou celle des producteurs de ciment tendant à une régulation des ventes et à un alignement des prix ont été considérées par la Commission européenne comme des ententes illicites caractérisées et insusceptibles de bénéficier d'une exemption sur le fondement de l'article 85 paragraphe 3 du traité de l'Union.

Il convient en outre de souligner que la rédaction de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est très proche de celle de l'article 85 paragraphe 3 du traité. Cette similitude traduit une volonté de faciliter la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et de renforcer la sécurité juridique : il ne paraît donc pas souhaitable de la remettre en cause.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article premier C.

Article premier D

(Art. 12-1 nouveau de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Prix abusivement bas

Cet article insère dans le titre III de l'ordonnance relatif aux pratiques anticoncurrentielles des dispositions prohibant les offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas, dès lors que ces prix prédateurs sont susceptibles d'éliminer d'un marché une entreprise ou l'un de ses produits.

L'article 3 du projet de loi initial avait placé ces dispositions au sein du titre IV intitulé « De la transparence et des pratiques restrictives ». Or, s'agissant de pratiques susceptibles d'avoir des conséquences de type macro-économique sur le marché (élimination d'une entreprise ou d'un produit) et dès lors que le Conseil de la concurrence est chargé d'assurer l'application de ce nouveau dispositif, le transfert du titre IV au titre III de l'ordonnance semble justifié.

La prohibition porte sur les pratiques de prix abusivement bas mais également sur les offres de prix abusivement bas : aussi, dès l'annonce de tels prix, le Conseil de la concurrence peut-il prendre des mesures conservatoires, sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance qui lui permet d'intervenir si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.

Les prix abusivement bas prohibés sont ceux offerts aux consommateurs, non à des professionnels, et concernent les produits fabriqués ou transformés par le distributeur.

L'appréciation du caractère abusivement bas du prix s'effectue par comparaison avec l'ensemble des coûts de production, de transformation et de commercialisation supportés par l'entreprise. Il faut en outre qu'un tel prix ait pour conséquence ou soit susceptible d'avoir pour effet l'éviction du marché d'une entreprise ou d'un de ses produits.

Ce nouveau dispositif ne concerne pas les produits revendus en l'état auxquels s'applique en revanche la prohibition de la revente à perte. L'Assemblée nationale a cependant introduit une exception pour la vente de carburants au détail, produits revendus sans transformation préalable et pour lesquels les grandes surfaces pratiquent des prix d'appel, sans pour autant revendre à perte (seulement 4 infractions constatées en 1991, 5 en 1992 et 7 en 1993). Cette exception répond à la préoccupation d'éviter une disparition progressive des stations-service, dès qu'elle entraîne celle de l'ensemble du tissu commercial et artisanal. Il s'agit d'endiguer un phénomène aux conséquences inquiétantes pour l'aménagement du territoire qui conduit chaque année à la fermeture d'un millier de pompes à essence. Le rapport Villain du mois de janvier 1995 indique que leur nombre est passé de 29 000 en 1988 à 21 700 en 1992, les grandes surfaces assumant désormais 43% de la fourniture de carburants.

En ce qui concerne la procédure d'examen par le Conseil de la concurrence des affaires relatives aux pratiques de prix abusivement bas, l'Assemblée nationale a prévu une saisine automatique de la commission permanente. Or, il n'apparaît pas justifié d'appliquer une procédure particulière en la matière, privant le président du Conseil de la concurrence du pouvoir qui lui appartient, aux termes de l'article 22 de l'ordonnance, de décider de la répartition des dossiers en fonction de la gravité des pratiques constatées.

En conséquence, votre commission vous soumet un amendement de suppression du dernier alinéa de l'article premier D prévoyant la compétence automatique de la commission permanente. Par ce même amendement, elle vous propose de transférer les dispositions relatives à la prohibition des prix abusivement bas après l'article 10 de l'ordonnance afin de respecter une cohérence de présentation au sein du titre III.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier D ainsi modifié.

Article additionnel après l'article premier D

(Art. 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Saisine et domaine de compétence du Conseil de la concurrence

L'article 11 de l'ordonnance prévoit les différentes modalités de saisine du Conseil de la concurrence (autosaisine, saisine par le ministre chargé de l'économie, par les entreprises concernées ...) et délimite son domaine de compétence ainsi que ses pouvoirs, précisés par les articles 12 à 14.

L'article 11 dispose que le Conseil de la concurrence « examine si les pratiques dont il est saisi entrent dans le champ des articles 7 et 8 ou peuvent se trouver justifiées par application de l'article 10 ». L'article premier D du projet de loi ayant introduit de nouvelles dispositions au sein du titre III relatives à la prohibition des prix de vente abusivement bas et leur application étant confiée au Conseil de la concurrence, il convient d'ajouter à l'article 11 la référence à ces dispositions.

Votre commission vous propose un amendement à cet effet.

Article premier E

(Art. 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Saisine et pouvoirs de la commission permanente

L'article 22 prévoit la possibilité, pour le président du Conseil de la concurrence, de décider d'attribuer l'affaire à la commission permanente, qui peut infliger au contrevenant des sanctions pécuniaires, dans la limite d'un plafond fixé à 500 000 F.

La faculté actuellement offerte aux parties de demander, dans un délai de quinze jours le renvoi au Conseil, et donc l'examen de l'affaire en formation plénière a été supprimée par l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Raoul Béteille, afin que les entreprises se livrant à des pratiques condamnables ne puissent plus user de cette procédure pour des raisons purement dilatoires et que les sanctions soient prises plus rapidement.

Il apparaît en outre que cette suppression permettra au président du Conseil de la concurrence d'exercer pleinement son pouvoir de décision relatif a la saisine de la commission permanente alors que, jusqu'à présent, le renvoi au Conseil demandé par les parties était automatiquement accordé.

Votre commission vous propose d'adopter l' article premier E sans modification.

Article additionnel après l'article premier E

(Art. 26 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Procédures de collaboration entre le Conseil de la concurrence

et les juridictions

L'article 26 de l'ordonnance permet au Conseil de la concurrence de demander aux juridictions d'instruction et de jugement communication des procès-verbaux et rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont il est saisi.

De façon symétrique, les juridictions peuvent consulter le Conseil de la concurrence sur les pratiques anticoncurrentielles dont elles ont à connaître.

Les pratiques anticoncurrentielles visées sont actuellement celles définies aux articles 7 et 8 de l'ordonnance. Le projet de loi proposant d'insérer, au titre III un article relatif à la prohibition des prix de vente abusivement bas, il convient d'ajouter, à l'article 26, la référence à cette nouvelle disposition.

Votre commission vous soumet à cet effet un amendement de coordination tendant à insérer un article additionnel après l'article premier E.

Article premier F

(Art. 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Transparence de l'annonce publicitaire - Réglementation de certaines

opérations promotionnelles

Cet article, qui résulte d'un amendement présenté par le Gouvernement, propose d'améliorer la transparence des annonces publicitaires relatives à une réduction de prix ou à un prix promotionnel sur les produits alimentaires périssables, en obligeant l'annonceur à préciser la « nature exacte » du produit offert et la « période pendant laquelle sont maintenues l'offre et le prix ».

Ces mentions doivent permettre une meilleure information du consommateur et contribuer à moraliser les opérations publicitaires. Ces exigences ne concernent pas les publicités s'adressant aux professionnels.

Tout annonceur qui ne respecte pas ces prescriptions peut voir sa responsabilité pénale engagée. La peine encourue est une amende de 100 000 F, peine plus légère que celle prévue par l'article L. 213-1 du code de la consommation sanctionnant la publicité mensongère (deux ans d'emprisonnement et 250 000 F d'amende).

Aux termes de l'article L. 121-5 de ce même code, « l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable, à titre principal, de l'infraction commise ». La circulaire du 19 septembre 1994 relative à la transparence et à la non-discrimination dans la publicité a défini l'annonceur comme « la personne qui souhaite promouvoir son action, ses produits ou ses services ». Lorsque le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants.

Votre commission vous soumet un amendement proposant une nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l'article 28 afin de :

- corriger une incohérence en remplaçant l'expression « de pris promotionnel » par celle de « un prix promotionnel » ;

- substituer à la notion de « nature exacte » d'un produit, celles de la nature et de l'origine du produit, par coordination avec la rédaction de l'article L. 121-1 du code de la consommation ;

- remplacer l'expression « l'offre et le prix proposés par l'annonceur » par celle de « l'offre proposée par l'annonceur », dans la mesure où l'offre inclut nécessairement le prix ;

- substituer le présent de l'indicatif au futur, au deuxième alinéa relatif à la sanction, par coordination avec les termes du nouveau code pénal.

Le troisième alinéa de l'article 28 prévoit la possibilité de réglementer les opérations promotionnelles susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés, en fixant la périodicité et la durée de telles opérations.

Il s'agit de limiter dans le temps certaines opérations promotionnelles susceptibles de déstabiliser toute une filière de production. Ces opérations concernent essentiellement les denrées alimentaires périssables.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, le non respect de la périodicité ou de la durée fixées par l'arrêté préfectoral serait constitutif d'une contravention de la cinquième classe, punie de 10 000 F d'amende au plus par l'article 131-13 du code pénal.

L'amendement présenté par le Gouvernement prévoyait, s'agissant d'opérations promotionnelles caractérisées par leur ampleur ou leur fréquence, que les limites temporelles devaient être définies par un arrêté interministériel. L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Finances, a préfère, par souci de rapidité, un acte réglementaire émanant d'une autorité de proximité, le préfet. La procédure de l'arrêté interministériel paraît cependant mieux adaptée dans la mesure où les opérations promotionnelles concernées dépassent fréquemment les limites géographiques d'un département pour s'étendre à l'ensemble du territoire et sont renouvelées à échéances régulières (ex : promotions réalisées sur la viande d'agneau pendant les fêtes de Pâques).

Aussi votre commission vous propose-t-elle un amendement tendant à rétablir la procédure de l'arrêté interministériel.

Le dernier alinéa de l'article 28 prévoit que la cessation des publicités ne respectant pas l'obligation de transparence ou les limitations temporelles édictées par voie réglementaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L 121-3 du code de la consommation, c'est-à-dire par le juge d'instruction ou le tribunal saisi des poursuites, soit sur réquisition du ministère public, soit d'office.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel tendant à harmoniser la rédaction de cette disposition avec celle de l'article L. 121-3 précité auquel il est fait référence.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier F ainsi modifié.

Article premier

(Art. 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Règles de facturation

Cet article a pour objet de clarifier les règles de facturation entre professionnels.

L'article 31 de l'ordonnance rend obligatoire la facturation pour tout achat de produits ou toute prestation de service liés à l'exercice d'une activité professionnelle. Il précise que la délivrance de la facture doit intervenir dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service et que le vendeur, comme l'acheteur, doit en conserver un exemplaire.

Les mentions qui doivent figurer sur la facture sont énumérées : sont ainsi mentionnés « tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement », mais également la date du règlement de la facture.

Ces règles de facturation sont assorties de sanctions pénales. Leur non respect est constitutif d'un délit puni, depuis la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, d'une amende de 500 000 F dont le montant peut être élevé à 50 % de la somme facturée ou qui aurait dû être facturée. En outre, les personnes morales peuvent être déclarées responsables : les peines encourues sont une amende d'un montant égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques et l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus.

Les règles de facturation prévues par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 revêtent une importance particulière car, au-delà des contrôles fiscaux, elles permettent l'application des dispositions concernant la revente à perte ou les délais de paiement.

Or, la règle relative à l'obligation de mentionner sur la facture « tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement » s'est heurtée à des divergences d'interprétation et à des difficultés de mise en oeuvre, en particulier en ce qui concerne les avantages conditionnels.

L'administration considérant que les ristournes conditionnelles, telles que celles consenties en fin d'année en fonction des quantités achetées sur l'ensemble de l'exercice, celles liées aux modalités de règlement ou à des prestations effectuées par le distributeur (présentation d'un produit en tête de gondole) ou encore celles dites « de politique commerciale » comme les ristournes de référencement, devaient figurer sur la facture, dès lors que le principe en était acquis entre les parties.

Les professionnels de la distribution, afin d'abaisser le seuil de la revente à perte ont progressivement obscurci les procédures de facturation. Certains avantages conditionnels sont ainsi convenus au coup par coup, sans être acquis dans leur principe au moment de la vente et ne sont pas portés sur la facture.

Ainsi comme l'indique le rapport Villain du mois de janvier 1995, « l'introduction de la revente à perte a entraîné une dérive du système de facturation, une complexité accrue des conditions de vente et la prolifération des contrats dits de coopération commerciale ». Le rapport souligne également la complexité des règles de facturation si bien que l'interprétation de notions telles que « le principe acquis » ou « le montant chiffrable » « ont donné naissance à une nouvelle discipline, la facturologie ». Or les industriels, responsables en cas de mauvaise application des règles de facturation, s'exposent à de lourdes sanctions.

Afin de dissiper la confusion résultant de ces mentions, le projet de loi initial proposait de ne faire figurer désormais sur la facture que les « rabais, remises ou ristournes acquis à la réalisation de la vente », c'est-à-dire, aux termes de l'exposé des motifs, « tous les avantages financiers accordes par le producteur et attachés à l'acte d'achat-vente, qui sont acquis lors de la réalisation de cet acte ».

Considérant que la distinction entre rabais, remise ou ristourne n'avait plus de portée concrète, l'Assemblée nationale a préféré retenir une formule plus globale celle de « réductions de prix ». En outre, la nouvelle rédaction proposée tendant à exclure la possibilité d'appliquer à une vente ponctuelle intervenant en cours d'exercice des sur-remises quantitatives différées, a été complétée par l'exclusion des remises obtenues en contrepartie d'un service, sans lien direct avec l'opération d'achat ou de vente.

Tout en approuvant cet effort de clarification dans la définition des règles de facturation votre commission vous soumet un amendement rédactionnel tendant à préciser que les réductions de prix devant figurer sur la facture sont celles qui sont « directement liées à l'opération de vente ou de prestation de service ».

Afin de prendre en considération les pratiques bancaires et en particulier les dates de valeur, l'Assemblée nationale a complété l'article 31 par une disposition précisant que « Pour l'application du présent article, le règlement est réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire », et non à la date de prise de possession effective des fonds par celui-ci.

Cette précision paraît utile pour l'application des dispositions relatives aux délais de paiement (art. 32 de l'ordonnance), non pour l'application des règles de facturation : votre commission vous propose en conséquence un amendement tendant à supprimer le premier membre de phrase (« Pour l'application du présent article, ») et à transférer la définition de la date du règlement au quatrième alinéa de l'article 31.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2

(Art. 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Délit de revente à perte de produits en l'état

L'interdiction de la revente à perte, présentée à l'origine comme un moyen de défense du petit commerce traditionnel, résulte de la loi de finances rectificative du 2 juillet 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière, modifiée par l'ordonnance du 1er décembre 1986.

La revente à perte d'un produit en l'état est actuellement punie d'une amende de 100 000 F. Le seuil permettant d'apprécier s'il y a revente à perte est le prix d'achat effectif, lui-même « présumé être le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport ».

Le dispositif prévoit en outre une série d'exceptions. L'interdiction n'est pas applicable aux produits périssables menacés d'altération rapide, aux ventes motivées par la cessation ou le changement d'activité commerciale, aux produits saisonniers, aux produits ne correspondant plus à la demande du fait des évolutions de la mode ou de la technique, aux produits dont le réapprovisionnement est effectué en baisse et aux produits dont le prix de revente est justifié par un alignement sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.

Le rapport Villain précité souligne le manque d'efficacité de cette interdiction, dû pour partie à la difficulté de définir le prix d'achat effectif qui détermine le seuil de revente à perte. Il illustre ce constat en mentionnant le fort décalage entre le nombre de contrôles effectués par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) (1759 en 1994) et celui des condamnations prononcées (119 en 1994), en observant que le jugement intervient plusieurs mois après la campagne de promotions.

Il préconise en conséquence la suppression de l'interdiction de refus de vente et l'application aux litiges opposant des professionnels des règles du droit commun de la responsabilité civile.

Le projet de loi n'a pas retenu cette solution, préférant au contraire renforcer le caractère répressif du dispositif tout en cherchant à en clarifier la portée.

Ainsi, le prix d'achat pris en considération comme seuil de revente à perte est le prix unitaire figurant sur la facture augmenté des taxes et du prix du transport. Ce seuil est donc désormais déterminé de façon certaine alors qu'il résultait jusqu'à présent d'une présomption simple.

Le nouveau dispositif offre par ailleurs la possibilité d'agir en amont, dès l'annonce publicitaire, afin d'empêcher la revente à perte. Les poursuites pourront être engagées dès la campagne publicitaire et, conformément aux dispositions de l'article L. 121-3 du code de la consommation, le juge d'instruction ou le tribunal pourra ordonner, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, la cessation des annonces. Concernant cette disposition, votre commission vous propose un amendement rédactionnel afin de coordonner son libellé avec celui de l'article L. 121-3 précité.

Enfin, le caractère répressif du dispositif est aggravé. Afin de renforcer le caractère dissuasif de l'interdiction de revente à perte et d'harmoniser les sanctions avec l'échelle des peines applicables depuis 1993 aux infractions aux règles de facturation, le plafond de l'amende encourue est porté à 500 000 F et peut atteindre, au-delà, un montant équivalent à 50 % des dépenses de publicité lorsqu'une annonce fait état d'un prix de revente à perte.

Afin d'améliorer la lisibilité de ce dispositif et d'en harmoniser la rédaction avec celle du nouveau code pénal, votre commission vous soumet un amendement tendant à dissocier la définition de l'incrimination et des sanctions encourues de celle du prix d'achat effectif.

Le projet prévoit la possibilité d'assortir la condamnation prononcée à rencontre d'une personne physique de la peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée qui figure au nombre des peines complémentaires énumérées par l'article 131-10 du code pénal. Cette disposition paraît cependant inutile dans la mesure où l'article 55 mentionne d'ores et déjà cette possibilité. Votre commission vous propose en conséquence un amendement de suppression de cette disposition redondante et vous proposera corrélativement d'actualiser la rédaction de l'article 55 de l'ordonnance.

Aux termes du nouvel article 32, les personnes morales peuvent également être déclarées pénalement responsables en cas de revente à perte ou d'annonce de revente à perte. Les peines encourues sont :

- l'amende, dont le taux, conformément à l'article 131-39 du code pénal, s'élève au quintuple du montant applicable aux personnes physiques ;

- la peine d'affichage ou de diffusion de la condamnation prononcée, mentionnée au 9° de l'article 131-39 du même code.

Enfin, le II de l'article 32 reproduit les exceptions précédemment énumérées. Seule l'une d'entre elles, l'exception d'alignement, a fait l'objet d'une modification. L'Assemblée nationale a en effet limité son bénéfice aux produits vendus par les « magasins non visés par les dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat », dite « loi Royer ».

L'exception d'alignement ne peut ainsi être invoquée que par les seules entreprises de moins de 300 mètres carrés. On peut s'interroger sur la pertinence d'une telle limitation dans la mesure où ce seuil a été défini, pour six mois seulement, par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et est susceptible de nouvelles variations au-delà de cette période.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (supprimé)

Art. 32-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Prix abusivement bas

Les dispositions figurant à cet article, qui interdisent les pratiques de prix de vente abusivement bas de produits fabriqués ou transformés par un distributeur et commercialisés par lui, ont été transférées au titre III de l'ordonnance par l'article premier D.

Article 3 bis

(Art. 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Communication du barème de prix -

Règles applicables aux délais de paiement

Le premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance impose à tout producteur, prestataire de service, grossiste ou importateur, de communiquer à tout acheteur de produit ou de prestation de service qui en fait la demande pour une activité professionnelle, son barème de prix et ses conditions de vente. Il est précisé que les conditions de vente comprennent les conditions de règlement ainsi que les rabais et ristournes.

L'article 33 prévoit également l'application de pénalités en cas de non respect des délais de paiement prévus par les conditions générales de vente, les conditions de règlement devant préciser les modalités de calcul et les conditions de mise en oeuvre de ces pénalités. L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en précisant que les conditions générales de vente devraient désormais fixer « le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème des escomptes ». Considérant cette précision comme surabondante et de nature à accroître encore les obligations formelles pesant sur les entreprises, votre commission vous propose de supprimer cet ajout.

Cet article impose enfin qu'un contrat écrit soit établi pour tout accord de coopération commerciale conclu entre un fournisseur et un distributeur.

Toute infraction aux dispositions précitées est constitutive d'un délit puni d'une amende de 100 000 F. En outre, les personnes morales peuvent être déclarées responsables, les peines encourues étant l'amende et l'exclusion des marchés publics pour une durée maximale de cinq ans. Cette sanction d'exclusion des marchés publics peut avoir des conséquences économiques très graves pour une entreprise et peut sembler disproportionnée eu égard a la nature des obligations qu'elle sanctionne. Aussi votre commission vous soumet-elle un amendement tendant à abroger la disposition correspondante.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 bis ainsi modifié.

Article 3 ter

(Art. 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Délais de paiement applicables à certaines catégories de produits

L'article 35 de l'ordonnance, issu de la loi du 31 décembre 1992 relative aux délais de paiement entre entreprises, détermine des délais de paiement spécifiques pour certaines catégories de produits telles que les produits alimentaires périssables (trente jours après la fin de la décade de livraison) ou encore certaines boissons alcooliques (trente jours après la fin du mois de livraison). Le non respect de ces délais est puni d'une amende de 500.000 F.

L'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a complété cette liste en prévoyant l'application d'un délai de paiement de vingt jours après la date de livraison aux achats de viandes congelées ou surgelées et de poissons surgelés Elle a en revanche repoussé un amendement d'une portée plus générale tendant à fixer un délai de paiement pour l'achat de tout produit alimentaire, qu'il soit ou non périssable. Une telle extension pourrait en effet avoir de graves conséquences financières pour le petit commerce (restaurateurs, revendeurs de fruits et légumes...) qui a déjà éprouvé des difficultés à s'adapter aux dispositions de la loi de 1992 alors que la grande distribution s'en accommode plus aisément en obtenant en contrepartie des réductions de prix.

Imposer des exceptions trop nombreuses et trop larges serait en outre en contradiction avec la liberté du commerce qui implique le respect du principe de libre fixation des délais de paiement et risquerait d'encourager la délocalisation des centres de facturation.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ter sans modification.

Article 4

(Article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Pratiques restrictives entre professionnels

L'article 36 de l'ordonnance définit les pratiques commerciales restrictives entre professionnels susceptibles d'engager la responsabilité civile de leur auteur.

Il s'agit des pratiques discriminatoires dépourvues de contrepartie créant pour le partenaire un désavantage ou un avantage dans la concurrence, du refus de vente ou de la vente liée.

Ces pratiques sont également prohibées par l'article 8 de l'ordonnance dès lors qu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. C'est alors le Conseil de la concurrence qui est compétent pour sanctionner et faire cesser ces pratiques restrictives alors que, sur le fondement de l'article 36, l'action est portée devant la juridiction civile ou commerciale par « toute personne justifiant d'un intérêt, par le parquet, par le ministre chargé de l'économie ou par le président du Conseil de la concurrence ». Le président de la juridiction saisie peut, en référé, enjoindre la cessation des agissements en cause ou ordonner toute autre mesure provisoire.

En matière de refus de vente, la responsabilité civile de son auteur est engagée lorsque la demande de l'acheteur ne présente aucun caractère anormal et qu'elle est faite de bonne foi. Le refus peut cependant être justifié dès lors qu'il a pour effet d'assurer un progrès économique (art. 10 de l'ordonnance). La charge de la preuve du caractère anormal de la demande et de la mauvaise foi qui l'affecte pèse sur le vendeur. La loi du 31 décembre 1992 a toutefois créé un cas de présomption du caractère anormal de la demande lorsqu'il est établi que l'acheteur se livre à l'une des pratiques restrictives prohibées par les articles 32 à 37 de l'ordonnance (revente à perte d'un produit en l'état, non respect des délais de paiement...).

Le projet de loi initial proposait de renverser la charge de la preuve : il incombait dès lors à l'acheteur confronté à un refus de vente d'apporter la preuve que sa demande ne présentait pas de caractère anormal. Cela revenait à reporter la charge de la preuve sur le demandeur, conformément aux règles de droit commun de la procédure civile.

L'exposé des motifs souligne que l'objectif était d'inverser les principes en faisant du refus de vente une pratique licite, sauf lorsqu'il constitue la manifestation d'une pratique abusive.

L'Assemblée nationale, conformément aux conclusions du rapport Villain précité, a préféré une libéralisation totale du refus de vente, en supprimant les troisième et quatrième alinéas de l'article 36 actuellement en vigueur. Ce rapport souligne que l'interdiction du refus de vente n'apparaît dans les législations des pays développés que dans des cas très spécifiques (situations monopolistiques par exemple, en Allemagne et au Royaume-Uni) et que « d'une façon générale, la règle universellement acceptée chez nos voisins est qu'un producteur a le droit de choisir ses canaux de distribution, afin de valoriser sa marque ».

L'interdiction du refus de vente, instaurée dans un contexte économique de pénurie, paraît aujourd'hui archaïque. Sa suppression doit permettre aux industriels de réserver certains produits à des distributeurs ayant une stratégie commerciale fondée sur la qualité et contribuer à rétablir un meilleur équilibre dans les relations entre fournisseurs et distributeurs.

Le projet de loi initial avait par ailleurs complété l'énumération figurant à l'article 36 par la mention de trois nouvelles pratiques susceptibles d'engager la responsabilité civile de leur auteur :

- l'exigence d'un avantage en contrepartie du seul référencement d'un produit, sans engagement du distributeur sur un volume d'achat proportionné ou sur la réalisation d'une prestation de service demandée par le fournisseur (chantage au référencement) ;

- l'obtention, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, de conditions d'achat (prix, délais de paiement, conditions de livraison ...) ou de coopération commerciale manifestement exorbitantes des conditions générales de vente (chantage au « déréférencement ») ;

- la rupture brutale, totale ou partielle, et sans motif légitime, des relations commerciales établies avec un fournisseur ou un client.

Ces comportements abusifs, révélateurs d'un rapport de force favorable aux distributeurs, peuvent d'ores et déjà engager la responsabilité de leur auteur sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Mais les producteurs, soucieux d'assurer la pérennité de leur entreprise, préfèrent généralement accorder les avantages requis plutôt que d'engager une action contentieuse. Or, la mention de ces pratiques répréhensibles à l'article 36 de l'ordonnance offre l'avantage de permettre au parquet, au ministre chargé de l'économie ou au président du Conseil de la concurrence d'introduire l'action en justice, le président de la juridiction saisie ayant alors la possibilité, en référé, d'ordonner la cessation des agissements en cause et de décider des mesures conservatoires nécessaires.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale a modifié la définition des nouvelles pratiques répréhensibles visées par l'article 36.

Concernant l'obtention d'un avantage, sans contrepartie en termes d'engagement sur un volume d'achat de produits proportionné ou de prestation de service demandée par le fournisseur, la rédaction retenue vise à la fois le fait d'obtenir cet avantage mais également la simple tentative. Elle exige par ailleurs que l'engagement du distributeur soit consigné par écrit, ce qui devrait faciliter l'administration de la preuve.

La portée de la disposition relative à la revendication par le distributeur, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, d'avantages dépourvus de toute contrepartie, a été considérablement élargie. Contrairement au projet de loi initial, la menace n'est prise en considération que pour la tentative. Devient ainsi répréhensible le simple fait d'obtenir des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement exorbitants des conditions générales de vente ou, à défaut, des usages commerciaux. Il s'agit, selon les termes mêmes de M. Jean-Paul Charié, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges, de « fixer une limite aux avantages, aux réductions de prix accordés par le fournisseur à son client ».

Une telle disposition paraît attentatoire au principe de la liberté de la négociation commerciale, de la liberté contractuelle. L'obtention de conditions particulièrement favorables ne semble pas, en soi, devoir être considéré comme illicite. Le caractère répréhensible de l'obtention de tels avantages peut, en revanche, résulter de l'exercice d'une menace de rupture brutale des relations commerciales. L'objectif poursuivi est de protéger le fournisseur, dans le rapport de force que constitue la négociation commerciale, contre les manoeuvres d'intimidation qui le conduiraient à consentir des avantages manifestement excessifs eu égard aux conditions générales de vente ou aux usages commerciaux en vigueur dans le secteur économique concerné.

Il convient en outre de rappeler qu'en l'absence de telles menaces, l'article 36 prévoit d'ores et déjà l'engagement de la responsabilité du commerçant qui obtient d'un partenaire économique des conditions « discriminatoires », non justifiées par des contreparties réelles et créant un avantage dans la concurrence.

On peut enfin s'interroger sur la compatibilité de cette disposition qui confère un caractère répréhensible au simple fait d'obtenir un avantage dérogeant manifestement aux conditions générales de vente ou aux usages commerciaux avec celle permettant l'obtention d'un avantage dès lors qu'il est assorti d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné ou sur une prestation de service demandée par le fournisseur. Le distributeur peut-il, dans ce dernier cas, obtenir un avantage manifestement exorbitant des conditions générales de vente, l'engagement écrit sur l'octroi d'une contrepartie ayant alors valeur exonératoire ?

Pour toutes ces raisons, votre commission vous soumet un amendement tendant à rétablir le texte du projet de loi initial, en substituant toutefois le terme « dérogatoires » au terme « exorbitantes ». Par ce même amendement, elle vous propose d'améliorer la rédaction de la disposition conférant un caractère répréhensible au fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, en l'absence de préavis écrit et sans tenir compte des délais prescrits par les accords interprofessionnels.

La dernière disposition de l'article 4 du projet de loi désigne les personnes susceptibles d'introduire l'action en responsabilité devant la juridiction civile ou commerciale (toute personne justifiant d'un intérêt, le parquet, le ministre chargé de l'économie ainsi que le président du Conseil de la concurrence).

Le projet de loi initial limitait, pour les autorités publiques précitées, la possibilité d'introduire l'action au cas où la pratique répréhensible est « contraire à l'ordre public économique ». Considérant que la référence à cette notion risquait d'être source de contentieux et d'affaiblir le dispositif, l'Assemblée nationale a supprimé cette condition.

Il paraît cependant préférable de conserver le texte actuellement en vigueur En effet, celui-ci dispose que le président du Conseil de la concurrence peut introduire l'action lorsqu'il constate une pratique mentionnée à l'article 36 de l'ordonnance, à l'occasion des affaires relevant de sa compétence, et non de façon générale. Par ailleurs, le texte adopté par l'Assemblée nationale, comme d'ailleurs le projet de loi initial, précisent que « Seule la personne justifiant d'un intérêt peut formuler une prétention à caractère indemnitaire. » : cette mention est inutile puisqu'elle se borne à énoncer un principe relevant du droit commun.

En conséquence, votre commission vous soumet un amendement tendant à rétablir la disposition actuellement en vigueur.

Votre commission vous propose d'adopter l' article 4 ainsi modifié.

Article 5

(Art. 37-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Ventes à la sauvette sur le domaine public

Cet article a pour objet d'encadrer l'exercice de certaines activités paracommerciales qui font souvent une concurrence déloyale au commerce sédentaire. Il s'agit de renforcer le dispositif des sanctions contraventionnelles pour lutter plus efficacement contre les « ventes à la sauvette » sur le domaine public.

Le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 assortit actuellement l'interdiction de la vente à la sauvette sur le domaine public d'une contravention de la cinquième classe, le montant de l'amende s'élevant à 10.000 F au plus (art. 131-13 du code pénal).

Aux termes des articles 45 à 47 de l'ordonnance, les agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peuvent procéder à des enquêtes donnant lieu à l'établissement de procès-verbaux et effectuer des expertises. Ils peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel et demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels. L'article 52 puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 50.000 F, ou de l'une de ces deux peines, toute personne qui s'oppose, de quelque façon que ce soit, à l'exercice de ces pouvoirs d'enquête.

Le projet de loi offre à ces agents la possibilité de consigner, pour une durée de devant pas excéder un mois, les produits offerts à la vente et les biens ayant permis la vente de ces produits ou l'offre de service. Un procès-verbal comportant un inventaire des biens consignés et la mention de leur valeur est établi et communiqué dans un délai de cinq jours au procureur de la République et à l'intéressé.

Hormis la peine d'amende contraventionnelle, la juridiction peut, soit ordonner la confiscation des marchandises ou des biens ayant permis leur vente ou l'offre de service, soit condamner l'auteur de l'infraction à verser au Trésor public une somme d'un montant équivalent à la valeur des produits consignés.

Votre commission vous soumet à cet article deux amendements de clarification rédactionnelle.

Elle vous propose d'adopter l' article 5 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 5

(Art. 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Publication de la condamnation -

Sanctions applicables en cas de récidive

Conformément aux observations formulées dans la présentation de l'article 2 du projet de loi, il apparaît nécessaire d'actualiser la rédaction de l'article 55 de l'ordonnance.

Son premier alinéa prévoit, en cas de condamnation sur le fondement des articles 31 (non respect des règles de facturation), 32 (revente à perte), 34 (pratique de prix imposés) et 35 (non respect des délais de paiement), la possibilité pour la juridiction d'ordonner la publication dans la presse et la décision de justice. Or, cette peine complémentaire figure à l'article 131-10 du code pénal où elle est définie par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle).

Le second alinéa de l'article 55 dispose que le montant de l'amende encourue en cas de récidive est porté à 200.000 F. Or, ce montant est inférieur à celui de l'amende prévue pour sanctionner l'infraction constituée par le non respect des règles de facturation (art. 31) ou des délais de paiement (art. 35) puisqu'elle s'élève alors à 500.000 F. Il convient donc d'actualiser ces dispositions, d'harmoniser leur rédaction avec celle retenue par le nouveau code pénal et de prévoir la sanction de la récidive pour les personnes morales.

Votre commission vous soumet à cet effet un amendement.

Article 6

(Art. 56 ter de l'ordonnance du 1er décembre 1986)

Saisine de la juridiction par les organisations professionnelles,

consulaires ou représentatives des consommateurs

L'article 56 ter de l'ordonnance, issu de l'article 9 de la loi du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture, permet aux organisations professionnelles d'introduire l'action devant la juridiction civile ou commerciale lorsque les faits portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou du secteur qu'elles représentent, ou à la loyauté de la concurrence.

Le projet de loi étend cette possibilité aux organisations consulaires ou aux organisations représentatives des consommateurs.

S'agissant des organisations consulaires, telles que les assemblées permanentes des chambres d'agriculture ou des chambres de métiers ou les assemblées des chambres de commerce et d'industrie, une telle faculté paraît étrangère aux missions qui leur sont traditionnellement dévolues. Ces organisations n'ont en effet pas vocation à s'immiscer dans les relations interprofessionnelles et le dispositif proposé pourrait conduire à des situations où, à l'occasion d'un litige, elles seraient amenées à défendre des intérêts divergents.

En ce qui concerne les organisations représentatives des consommateurs, l'article L. 421-1 du code de la consommation prévoit que « les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles sont agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». Il paraît donc inutile d'ajouter leur mention à l'article 56 ter de l'ordonnance.

En conséquence, votre commission vous soumet un amendement de suppression de l'article 6, ajouté par l'Assemblée nationale.

Article 7

(Art. 228 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966)

Extension des missions dévolues aux commissaires aux comptes

L'article 7 du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, investit les commissaires aux comptes de nouvelles missions en leur imposant de veiller au respect des règles applicables en matière de facturation (article 31 de l'ordonnance) et de délais de paiement (article 35 de l'ordonnance).

Ces deux nouveaux chefs de compétence conduiraient à une évolution profonde du rôle joué par les commissaires aux comptes aujourd'hui chargés de vérifier la régularité et la sincérité des comptes annuels des sociétés dans lesquelles ils interviennent. En découlerait un accroissement considérable de leur charge de travail et donc un surcoût important pour les entreprises concernées. La vérification des factures les conduirait en outre à contrôler des documents émanant des fournisseurs, et donc de tiers par rapport à l'entreprise qui devrait néanmoins supporter la charge financière supplémentaire liée à ces nouvelles tâches. Enfin, un commissaire aux comptes qui n'aurait pas révélé au procureur de la République certains faits délictueux pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, aux termes duquel il est responsable à l'égard des tiers des conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans l'exercice de ses fonctions.

Pour toutes ces raisons et, dans la mesure où il n'est pas souhaitable de modifier de façon incidente la loi du 24 juillet à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 7.

Article 8

Entrée en vigueur différée de certaines dispositions

Cet article diffère l'entrée en vigueur des articles premier et 2 au premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi.

Il s'agit d'accorder aux entreprises un délai suffisant pour prendre connaissance des nouvelles dispositions applicables en matière de facturation et de revente à perte et pour adapter en conséquence leurs procédures de gestion et leur stratégie commerciale.

À cet article, votre commission vous soumet un amendement tendant à substituer la date de promulgation de la loi à celle de sa publication, comme point de départ de la computation du délai. La date de promulgation correspond en effet à la date de la loi, ce qui évitera aux dirigeants d'éventuelles erreurs d'évaluation dudit délai dans le cas où la loi serait promulguée en fin de mois et publiée au début du mois suivant.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié.

Article 9

Rapport au Parlement

Cet article prévoit le dépôt, sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant le 1er octobre 1997, d'un rapport « faisant le bilan des possibilités de coopération entre les entreprises du secteur public et celles du secteur privé dans les différents domaines d'activités économiques et sociales où elles sont en situation de concurrence ».

L'avant-projet de loi comportait des dispositions imposant aux entreprises ou groupes d'entreprises contrôlés directement ou indirectement par une personne publique des obligations de transparence, en matière de comptabilité en particulier, afin d'éviter que ces entreprises ne puissent tirer avantage, dans l'exercice d'activités concurrentielles, de la position dominante qu'elles occupent sur un marché protégé.

Le Conseil d'État ayant considéré que l'exclusion des personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public de ce dispositif conduisait à méconnaître le principe d'égalité devant la loi, ces dispositions n'ont pas été introduites dans le texte du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification.

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ANNEXE

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS

PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS

Article premier A

Rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe 3° de cet article pour le sixième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« Le président et les trois vice-présidents sont nommés, pour trois d'entre eux parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes et pour l'un d'entre eux parmi les catégories de personnalités mentionnées aux 2 et 3 ci-dessus. »

Article premier A

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

4° Au septième alinéa, les mots « sept membres » sont remplacés par les mots « huit membres ».

Article premier C

Supprimer cet article.

Article premier D

Rédiger comme suit cet article :

Il est inséré, après l'article 10 de la même ordonnance, un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art 10-1.- Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché une entreprise ou l'un de ses produits.

« Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception de la vente de carburants au détail. »

Article additionnel après l'article premier D

Après l'article premier D, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 11 de la même ordonnance, les mots : « des articles 7 et 8 » sont remplacés par les mots : « des articles 7, 8 ou 10-1 ».

Article additionnel après l'article premier E

Après l'article premier E, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 26 de la même ordonnance, les mots : « aux articles 7 et 8 » sont remplacés par les mots : « aux articles 7, 8 et 10-1 ».

Article premier F

Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« Toute publicité à l'égard du consommateur, diffusée sur tout support ou visible de l'extérieur du lieu de vente, mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel sur les produits alimentaires périssables doit préciser la nature et l'origine du ou des produits offerts et la période pendant laquelle est maintenue l'offre proposée par l'annonceur.

« Toute infraction aux dispositions du premier alinéa est punie d'une amende de 100 000 F. »

Article premier F

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, remplacer le mot :

préfectoral

par le mot :

interministériel

Article premier F

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, remplacer les mots :

des publicités réalisées

par les mots :

de la publicité réalisée

Article premier

Dans le texte proposé par le paragraphe I de cet article pour la fin du troisième alinéa de l'article 31 de l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986, remplacer les mots :

d'achat ou de vente

par les mots :

de vente ou de prestation de service

Article premier

Rédiger comme suit le paragraphe II de cet article :

II. - Le quatrième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le règlement est réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire. »

Article 2

Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour le paragraphe I de l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à sont prix d'achat effectif est puni de 500 000 F d'amende. Cette amende peut être élevée jusqu'à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif.

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »

Article 2

Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour le paragraphe I de l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Article 2

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour le paragraphe I de l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation. »

Article 3 bis

Rédiger comme suit cet article :

Les trois derniers alinéas de l'article 33 de la même ordonnance sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 dudit code. »

Article 4

Rédiger comme suit les deux alinéas du texte proposé par le paragraphe 3° de cet article pour être insérés après le cinquième alinéa de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« 4. - D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ;

« 5. - De rompre, même partiellement, sans préavis écrit, une relation commerciale établie, dans un délai non conforme aux usages reconnus par des accords interprofessionnels. »

Article 4

Supprimer les deux derniers alinéas (paragraphe 4°) de cet article.

Article 5

Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 37-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

« Les agents peuvent consigner, dans des locaux qu'ils déterminent et pendant une durée qui ne peut être supérieure à un mois, les produits offerts à la vente et les biens ayant permis la vente des produits ou l'offre de services.

Article 5

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 37-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, remplacer les mots :

le délinquant

par les mots :

l'auteur de l'infraction

Article additionnel après l'article 5

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 55 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Art. 55. - En cas de condamnation au titre des articles 31, 32, 34 et 35, la juridiction peut ordonner que sa décision soit affichée ou diffusée dans les conditions prévues par l'article 131-10 du code pénal.

« Lorsqu'une personne ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 31 à 35, commet la même infraction, le maximum de la peine d'amende encourue est porté au double.

« Lorsqu'une personne morale ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une des infractions définies par les articles 31 à 33 commet la même infraction, le taux maximum de la peine d'amende encourue est égal à dix fois celui applicable aux personnes physiques pour cette infraction. »

Article 6

Supprimer cet article.

Article 7

Supprimer cet article.

Article 8

Dans cet article, remplacer les mots :

la publication

par les mots :

la date de promulgation

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