B. LE NOUVEAU DISPOSITIF DE PILOTAGE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Le renforcement du rôle du Parlement

Votre rapporteur pour avis salue avec satisfaction la réforme constitutionnelle fondamentale qui a rendu possible le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il appelait depuis longtemps de ses voeux ce renforcement du rôle du Parlement, qui n'avait été qu'amorcé par le débat sans vote prévu par la loi du 25 juillet 1994.

Notre système de sécurité sociale a trop longtemps souffert d'un émiettement institutionnel, de la dilution des responsabilités et de la faiblesse des administrations de tutelle.

Seule la représentation nationale dispose de la vision d'ensemble et de la légitimité indispensables pour donner l'impulsion aux réformes nécessaires et trop longtemps différées.

2. L'implication de la Cour des Comptes

La compétence nouvelle en matière de sécurité sociale que le Sénat a bien voulu conférer à la Cour des Comptes en 1994, sur le conseil de votre rapporteur pour avis, a été confirmée par la loi organique n° 96-646 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Cette implication de la Cour des Comptes devrait accélérer la remise en ordre des méthodes comptables des organismes de sécurité sociale. Un grand progrès est en voie d'être réalisé avec le passage définitif du régime général à une comptabilité en droits constatés en 1997 et la généralisation de cette règle à tous les régimes de sécurité sociale en 1998.

Toutefois, le second rapport annuel de la Cour au Parlement sur la sécurité sociale montre que beaucoup reste encore à faire pour rationaliser le cadre comptable des organismes de sécurité sociale, qu'il s'agisse de la consolidation des branches ou de l'organisation des comptes en fonds multiples.

Au-delà de ces aspects techniques, la Cour des Comptes apportera au Parlement le concours précieux d'une analyse indépendante des réformes proposées par le Gouvernement et de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale. Votre rapporteur pour avis estime qu'il conviendrait sans doute que la Cour adapte son organisation interne en fonction de la nouvelle mission essentielle qui lui a été confiée.

3. L'aménagement du paritarisme

L'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996, portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale, a rénové le paritarisme en rétablissant, au sein des conseils d'administration des caisses, la parité entre les représentants des assurés sociaux et ceux des employeurs, ainsi qu'en prévoyant la participation des personnalités qualifiées. Les pouvoirs de proposition et d'avis des conseils ont aussi été renforcés.

Le renouvellement des conseils d'administration intervenu le 15 juillet 1996 s'est traduit par un changement de présidence dans les trois quarts des cas.

Les conseils d'administration des caisses nationales du régime général et de l'ACOSS sont désormais doublés de conseils de surveillance, présidés par des parlementaires. Votre rapporteur pour avis regrette d'ailleurs que l'installation de ces conseils de surveillance ne soit pas encore effective.

Cet effort de rénovation du paritarisme, qui fait suite à de trop longues années d'immobilismes et de rentes de situation, est appréciable. Votre rapporteur pour avis donne acte aux nouveaux conseils d'administration de leur comportement beaucoup plus responsable que celui de leurs prédécesseurs. Il persiste néanmoins à penser qu'il faudra aller plus loin dans l'adaptation d'un paritarisme qui, au-delà de ses justifications historiques, n'a pas vocation à perdurer pour les branches famille et maladie, compte tenu de l'évolution prévisible de leurs modes de financement.

4. Les outils de régulation de l'assurance maladie

Les ordonnances n° 96-345 et n° 96-346 du 24 avril 1996, relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, et portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, ont mis en place les instruments de régulation qui faisaient jusqu'à présent défaut à notre système de soins.

a) L'objectif national de dépenses d'assurance maladie

Un objectif prévisionnel de dépenses d'assurance maladie est voté chaque année par le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Cet objectif est ensuite décliné par le Gouvernement en quatre objectifs prévisionnels : médico-social, cliniques privées, hospitalisation, médecine ambulatoire. Sur la base de l'objectif des dépenses de soins de ville ainsi défini, les caisses d'assurance maladie et les représentants des syndicats représentatifs fixeront, par négociation, l'objectif prévisionnel propre à chaque profession de santé.

Si les négociations entre les caisses d'assurance maladie et les syndicats n'aboutissent pas, le Gouvernement a la faculté de fixer l'objectif d'évolution des dépenses par secteur de soins. Par ailleurs, le respect de l'objectif est garanti par des mécanismes d'ajustement. Ainsi, pour les médecins, les revalorisations d'honoraires sont désormais provisionnées et strictement conditionnées au respect de l'objectif.

b) Le carnet de santé

La responsabilisation des assurés sociaux justifie la création du carnet de santé à l'intention de l'ensemble de la population. Le médecin porte sur ce carnet présenté par le patient toutes les indications utiles à son suivi, sauf celles que le patient ne souhaite pas y voir figurer. L'usage du carnet de santé sera entouré de garanties, notamment l'identification du porteur du carnet par un numéro et par son seul prénom, afin que soit préservée la confidentialité des données médicales.

Le carnet de santé, dont la présentation sera obligatoire, est utile pour la santé de chacun. Il sera dans le même temps un instrument pertinent pour limiter le risque de multiplication des mêmes actes et examens, contribuant ainsi à la coordination des soins.

c) L'informatisation du système de santé

Un calendrier rigoureux a été fixé pour l'informatisation des cabinets médicaux : ainsi, au 31 décembre 1998, les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé devront être en mesure de procéder à des échanges informatisés de données.

Le projet SESAM prévoit la disparition progressive de la feuille de soins et son remplacement par un système d'échanges informatiques. Ce système sera sécurisé par des cartes d'accès au réseau : carte d'assuré social (Vitale) et carte de professionnel de santé (CPS). Les cartes seront diffusées progressivement au cours des années 1997 et 1998.

La montée en puissance rapide de la télétransmission implique une informatisation rapide des professionnels de santé. C'est pourquoi ceux d'entre eux qui s'engagent à télétransmettre leurs feuilles de soins peuvent bénéficier d'actions d'accompagnement d'ici au 31 décembre 1997. En contrepartie, au-delà du 1er janvier 2000, les professionnels de santé non informatisés devront participer financièrement aux frais de gestion des feuilles de soins "papier".

Conjuguée au codage des actes et des pathologies, l'informatisation des cabinets médicaux doit permettre une amélioration de la pratique médicale et du suivi des malades en offrant la possibilité aux professionnels de la santé d'échanger des informations avec leurs confrères ou avec des établissements de soins et en généralisant l'utilisation de logiciels d'aide a la décision médicale.

Votre rapporteur pour avis souligne l'importance stratégique de ce volet technique de la réforme de l'assurance maladie, qui conditionne le succès de tous les autres instruments de régulation mis en place.

d) Les agences régionales de l'hospitalisation

Dans chaque région, une agence régionale de l'hospitalisation a été créée sous la forme d'un groupement d'intérêt public entre l'État et les organismes d'assurance maladie.

Les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation ont été nommés par décret du Président de la République le 4 septembre 1996. D'origines professionnelles très diverses (directeurs d'hôpitaux, directeurs régionaux et départementaux des affaires sanitaires et sociales, praticien hospitalier, administrateurs civils, membres du corps préfectoral, de l'inspection générale des affaires sociales et de chambre régionale des comptes, cadres dirigeants issus du secteur privé), ils ont engagé, en étroite collaboration avec les services de l'État et les organismes d'assurance maladie de leur région respective, l'élaboration des conventions constitutives des agences qui devra aboutir avant la fin de l'année 1996.

Ils sont tenus informés des décisions que les préfets et les conseils d'administration des CRAM continuent de prendre jusqu'à la date où les agences exerceront leurs compétences, au plus tard le 30 juin 1997. Le décret en Conseil d'État portant convention constitutive type des agences régionales de l'hospitalisation doit être prochainement publié.

Les agences régionales de l'hospitalisation délivreront les autorisations relatives aux installations et activités hospitalières, fixeront les orientations présidant à l'allocation des ressources aux établissements et négocieront avec eux des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

e) La rationalisation de l'allocation des dotations hospitalières

Les agences régionales disposeront des moyens de rationaliser la répartition des ressources entre les établissements hospitaliers. Les dépenses hospitalières seront désormais strictement encadrées par des dotations régionales limitatives, dont les montants seront fixés afin de corriger progressivement les écarts de moyens entre les régions.

En ce qui concerne les établissements privés conventionnés, dès 1998, l'objectif quantifié national sera lui aussi réparti en objectifs quantifiés régionaux.

Ces dotations régionales limitatives et ces objectifs quantifiés régionaux comprendront dorénavant les établissements relevant encore en 1996 du régime du prix de journée préfectoral et qui devront opter pour l'une ou l'autre forme de financement.

Les agences régionales ont également vocation à développer les complémentarités entre les établissements assurant le service public au sein d'un même secteur sanitaire. Les coopérations entre établissements privés et publics seront facilitées par la création de groupements de coopération sanitaire. Enfin, les conversions partielles ou totales de structures devraient se trouver facilitées car, désormais, tout établissement de santé est autorisé à créer et gérer des institutions sociales ou médico-sociales relevant de la loi du 30 juin 1975.

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