B. MAIS DES ÉLÉMENTS FONDAMENTAUX POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT RESTENT DÉLAISSÉS

Les élus locaux que sont aussi la plupart des parlementaires -ce qui leur permet d'avoir une perception concrète des difficultés de leurs concitoyens- se heurtent avec une acuité accrue chaque année, aux difficultés inhérentes à la gestion des déchets de tous ordres, qu'ils soient ménagers, industriels ou agricoles. Ces difficultés sont de plusieurs ordres : elles tiennent, tout d'abord, à l'incertitude croissante sur la dangerosité future de ces éléments ; elles sont accrues par les polémiques sur les modes de traitement à leur réserver de façon la plus appropriée, en termes économiques et écologiques.

Elle surgissent enfin du coût de plus en plus élevé de leur élimination. Or, aucun élément de réflexion sur ces problèmes complexes n'est fourni par le ministère de l'environnement.

1. L'élimination des déchets ménagers posent des problèmes multiples et croissants aux communes

La masse la plus forte de déchets à traiter est constituée par les déchets ménagers. Depuis 1996, ceux-ci doivent faire l'objet, de plans d'élimination.

* Bilan des plans d'élimination

87 départements ont adopté leur plan et 13 départements doivent mener à terme cette procédure.

L'analyse par l'ADEME des plans départementaux adoptés a montré la nécessité de retenir des orientations et des objectifs plus stricts en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. Une circulaire du 28 avril 1998 relative à l'évolution et la mise en oeuvre des plans d'élimination des déchets ménagers a répondu à ces objectifs.

Cette réorientation se traduira par une meilleure intégration du recyclage et par la limitation du recours à l'incinération et au stockage.

Cette circulaire propose un objectif national de valorisation matière d'au moins la moitié des déchets collectés au titre du service public d'élimination des déchets ménagers.

Chacun des plans a fait l'objet d'une analyse au regard des objectifs de la circulaire du 28 avril 1998 et sur la base de cette analyse le ministère de l'environnement a envoyé à chaque préfet une demande de réexamen de ces plans départementaux. Ceci devrait conduire certains départements à réviser leur plan. La révision du plan départemental est parfois, une obligation réglementaire pour intégrer un chapitre sur la valorisation des emballages.

Aujourd'hui, 69 départements ont entamé la procédure de révision du plan et 11 autres départements prévoient de l'engager à court terme.

Une étude réalisée par l'ADEME en 1996, portant sur 48 départements regroupant 22 millions d'habitants, qui produisaient 8,5 millions de tonnes d'ordures ménagères, aboutissait à l'évolution décrite ci-dessous :

 

1996 ( %)

2002 ( %)

à 10/15 ans (%)

Recyclage

2

15

18

Compostage

6

8

8

Incinération

34

57

63

Stockage

58

20

11

Source : ministère de l'environnement.

L'objectif recherché par le ministère est la forte réduction du nombre d'usines d'incinération et de centres d'enfouissement, et l'augmentation des centres de tri, et des usines de compostage. Outre que ces objectifs ne s'imposent pas d'eux-mêmes -la notion de compost, éminemment valorisée, suscite notamment de fortes interrogations- les coûts de collecte et de traitement des déchets ménagers ont doublé entre 1990 et 1997 de 170 F à 300 F par habitant. Cette augmentation des coûts est due à la croissance de la quantité de déchets (de 360 kg par habitant en 1990 à 440 kg par habitant en 1997) et à un durcissement de la réglementation sur les centres d'incinération et les décharges. Pour modérer cette hausse, une série de mesures ont été arrêtées ces deux dernières années ; ainsi, en 1998 sont intervenues l'augmentation des taux d'aide à l'investissement de l'ADEME, avec effet au 1 er janvier et l'augmentation du soutien des sociétés agréées (Eco-Emballages/adelphe) aux collectivités locales, les nouveaux barèmes étant applicables au 1 er janvier 1998.

En 1999, deux nouvelles décisions ont été prises :

- le changement de taux de TVA : au 1 er janvier 1999, le taux de TVA appliqué au service public d'élimination des déchets ménagers et assimilés passe de 20,6 % à 5,5 % lorsque la collectivité met en oeuvre la collecte sélective et le tri (contrat multimatériaux avec une société agréée) ;

- la révision des taux d'aide de l'ADEME (conseil d'administration du 12 mai 1999).

Cependant, l'ensemble de ces mesures ne conduisent globalement qu'à une réduction de l'ordre de 16 %, entre 1997 et 1999, du coût résiduel d'élimination des déchets à la charge des collectivités locales, ce qui est très insuffisant pour leur permettre de faire face à cette nouvelle charge.

2. Le traitement à réserver aux boues d'épandage reste sans solution, alors qu'il réclame des décisions urgentes

L'équipement du territoire français en stations d'épuration des eaux usées est aujourd'hui pratiquement arrivé à terme , et certaines communes commencent à envisager la modernisation de stations trop anciennes pour remplir correctement leur rôle. Si cette évolution est naturellement positive pour la qualité des eaux de nos rivières et de nos rivages maritimes, elle a engendré une difficulté matérielle qui reste sans solution : que faire des boues résiduelles de ces stations ?

Traditionnellement, le traitement le plus économique qui leur était réservé consistait en leur épandage, comme fertilisant, sur les terrains agricoles. Mais les organisations professionnelles de ce secteur, alertées à juste titre par divers scandales intervenus récemment dans l'utilisation de ces boues (dont une part aurait été intégrée dans certaines farines destinées à l'alimentation animale), et respectueuses du principe de précaution qui est, en effet, le seul qui vaille en ce domaine, sont désormais réticentes à la poursuite de cet épandage.

De surcroît, la modernisation croissante des techniques de filtration des eaux usées réduit certes les quantités de boues résiduelles, mais en concentre la toxicité potentielle . Une des techniques alternatives à l'épandage, dont la viabilité économique est prouvée, consiste en l'incinération combinée des déchets et des boues, les premiers servant de combustible à l'élimination des seconds. Mais on a précédemment évoqué le refus de plus en plus marqué du ministère de l'environnement devant les techniques d'incinération, considérées comme dangereuses et polluantes. Les services compétents de ce ministère possèdent sans doute des études fiables sur lesquelles est fondée cette orientation, dont il n'appartient pas à votre commission d'apprécier le bien-fondé. En revanche, les élus locaux que nous sommes sont confrontés à un problème pour lequel aucune solution pratique n'est suggérée que faire des boues résiduelles si les procédés de l'épandage ou de l'incinération deviennent impraticables ?

Devant les réticences croissantes de certains exploitants agricoles, ces boues continuent à être épandues, pour certaines d'entre elles, sur des espaces réduits, où leur éventuelle toxicité se concentre donc. L'incertitude quant à la nocivité à long terme de certains de leurs composants conduit les organisations agricoles à réclamer l'instauration d'un fonds de garantie, perspective à laquelle le ministère répond par un flou empreint de réticences.

En ce domaine, comme dans d'autres évoqués dans ce rapport, ce ministère qui a crû considérablement en moyens humains et financiers depuis deux ans n'est pas en mesure d'apporter une perspective concrète et cohérente, et professe même parfois une sorte de désinvolture face à ces problèmes qualifiés de " heurts psychologiques ".

Cette attitude ne peut que contribuer à nourrir les réticences de tous ceux qui estiment que le ministère de l'environnement ne remplit pas son rôle lorsqu'il est confronté à des problèmes techniques précis, s'en remettant alors aux administrations dont le fonctionnement est reconnu, comme l'agriculture ou l'équipement. De quelle légitimité peut-il ensuite se réclamer ?

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