Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale, TOME XXI - TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE

HERISSON (Pierre)

AVIS 91-TOME XXI (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

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Table des matières




N° 91

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XXI

TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE

Par M. Pierre HÉRISSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 12 ) (1999-2000).


Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La dilution qu'opère cette année la nouvelle architecture budgétaire des crédits des postes et télécommunications -" rangés ", en dépit de toute logique, dans un agrégat " fourre-tout " du fascicule économie, finances et industrie, consacré aux actions sur l'environnement et à la modernisation des entreprises !- est peu cohérente avec l'importance de ces deux services publics en termes d'emploi, de création de richesse et surtout d'enjeux pour l'avenir de notre pays.

Faut-il y voir, en même temps qu'une dilution des crédits, une dilution de la volonté politique, alors que les bouleversements rapides du paysage européen et mondial rendent urgentes les décisions politiques ?

Votre Commission pour avis se le demande, tant est grand le décalage entre la mutation des marchés, la métamorphose et le rythme de développement des opérateurs étrangers et la petite vitesse -voire le manque de souffle- des réformes françaises -on pense surtout au secteur postal-.

Sur le marché postal européen, en effet, les prises de positions des postiers voisins sont fulgurantes, à tel point que le Président de La Poste estimait devant votre Commission que, fin 1999, en matière de constitution d'alliances, " la messe et les vêpres seront dites ".

Face aux dizaines de milliards de francs mis en branle par les concurrents pour prendre des positions stratégiques, La Poste est toujours isolée, asphyxiée sous les charges d'intérêt général que la collectivité la laisse assumer seule, accaparée par la mise en place -sans aide de l'Etat- des 35 heures et encore incapable de conclure l'alliance stratégique dont elle sait pourtant que dépend son avenir.

Dans les télécommunications, France Télécom -qui a bénéficié, au contraire de l'opérateur postal, d'une véritable modernisation de son statut sous la précédente majorité- profite au contraire de l'envolée spectaculaire des nouvelles technologies et de la téléphonie mobile. Mais, là aussi, l'opérateur semble un peut dépassé par la rapidité et l'ampleur des vagues de rachats qui amènent ce secteur à se concentrer très rapidement. Une alternative à l'alliance stratégique avec Deutsche Telekom doit être rapidement trouvée pour assurer la projection internationale de l'opérateur historique .

L'Etat -qui a bénéficié, rappelons-le, en tant qu'actionnaire de France Télécom, de 4,2 milliards de francs de dividendes en 1999 -, doit, quant à lui, conformément aux engagements du Gouvernement lors de la discussion budgétaire de l'an dernier au Sénat, tirer toutes les conséquences de la libéralisation du secteur et restituer aux collectivités locales le produit de la taxe professionnelle de France Télécom . Votre rapporteur pour avis regrette, en outre, qu'il ait fait preuve d'un jacobinisme démesurément pointilleux en optant pour une liberté très surveillée des collectivités locales en matière d'infrastructures de " fibres noires ", qui risque de ne pas lever les incertitudes juridiques qui pèsent sur l'action locale, malgré les propositions équilibrées de votre Haute Assemblée.

CHAPITRE IER -

DES CRÉDITS " ABSORBÉS " PAR LA RÉORGANISATION DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

1. Des crédits " phagocytés ", qui ne font même plus l'objet d'une individualisation budgétaire

Alors que La Poste et les technologies de l'information faisaient l'objet d'un ministère à part entière dans le précédent gouvernement, aussi bien que d'une section budgétaire distincte, la réorganisation administrative et financière du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie menée ces deux dernières années se traduit, cette année, par une absorption pure et simple de ces crédits au sein d'un ensemble si vaste qu'il en devient même malaisé de les y identifier .

En effet, alors que les crédits consacrés par l'Etat à La Poste et aux télécommunications faisaient encore l'objet l'an dernier d'un agrégat budgétaire au sein des crédits du secrétariat d'Etat à l'Industrie, tel n'est même plus le cas cette année : ils ont été " rangés ", en vertu d'une logique qu'on peine à discerner, au sein du nouvel agrégat fourre-tout " Actions sur l'environnement des entreprises et modernisation des PMI " du budget du grand Bercy !

Quand on sait que cet agrégat -par nature thématique !- rassemble des dotations aussi diverses que les crédits aux écoles des mines, le soutien de l'Etat à la normalisation et à la métrologie, le développement de la productique, la prévention des risques industriels, la dotation à l'Agence pour la création d'entreprise ou l'aide à l'acquisition de véhicules électriques, on mesure mieux l'incongruité d'une telle nomenclature !

Un esprit malveillant pourrait même y voir une volonté humoristique, les crédits du secteur postal étant rangés dans l'agrégat de la " modernisation ", alors que les grands choix politiques pour l'avenir du secteur postal tardent à intervenir !

Même si la volonté politique compte plus -qui pourrait le nier ?- que la présentation budgétaire, on peut se demander jusqu'à quel point la deuxième n'est pas le simple reflet de la première. A ce titre, l'évolution budgétaire actuelle est assez inquiétante : ne témoigne-t-elle pas du peu d'importance que le Gouvernement attache à un secteur essentiel en termes de services publics, de création de richesses et de niveau d'emploi , qui aurait besoin, à l'heure de bouleversements rapides du paysage européen et mondial -on pense notamment à La Poste- d'une véritable détermination politique ?

2. L'ancien agrégat " Poste et Télécommunications " : des crédits figés dans leur structure, en légère augmentation

Même si le travail d'analyse de votre rapporteur pour avis n'est pas facilité par l'opacité qui accompagne inévitablement une telle globalisation du contenu des chapitres budgétaires, on peut estimer que la reconstitution de l'agrégat " Poste et Télécommunications " utilisé l'an dernier 1( * ) conduit à constater une évolution de 4,12 % des crédits, qui viendraient s'établir pour 2000 à 2,774 milliards de francs. Les crédits s'établissent comme suit :

CRÉDITS POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS POUR 2000 (EN DO + CP)

(en millions de francs)

Chapitre budgétaire

Intitulé

 

Montant

37-06

Autorité de régulation des télécommunications (ART)

Rémunérations

Fonctionnement

Total

48,6

42,4

91,0

36-10 art. 71

63-04

Agence nationale des fréquences (ANF)

Fonctionnement

Equipement

Total

171,0

57,0

228,0

36-10 art. 72 et

43-10 art. 30

Groupe des écoles de télécommunications (GET)

 

486,6

44-80 art. 60

Aide au transport postal de la presse

 

1 900,0

41-10 art 40

Dotation aux organisations internationales

 

52,9

41-10 art 10

Organismes P et T d'outre-mer

 

5,4

44-80 art 40

Subvention aux associations d'utilisateurs

 

0,3

 

TOTAL

 

2 774,2

La ventilation des crédits fait apparaître, comme chaque année, la prédominance de l'aide au transport de la presse dans le total des crédits, comme le montre le graphique ci-après :

Les subventions concernent les organisations internationales, les organismes de postes et télécommunications d'outre-mer et l'AFUTT, l'Association française des utilisateurs des télécommunications.

Les crédits de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), autorité administrative indépendante chargée de la régulation du secteur, augmentent de 1,8 % au total , pour permettre notamment la création de deux emplois budgétaires nouveaux qui s'ajouteraient aux 142 actuels. Rappelons que les emplois de l'Autorité se répartissent de la façon suivante : outre les cinq membres du collège, l'ART dispose d'une quinzaine d'administrateurs des PTT, d'un administrateur civil, d'une soixantaine d'attachés et secrétaires et de contractuels (environ 40 personnes).

L'Agence nationale des fréquences (ANF), établissement public chargé de la gestion du spectre de fréquences radioélectriques, voit ses crédits augmenter substantiellement (+13,43 %) compte-tenu d'une part de l'évolution des salaires de ses personnels et d'autre part de la reprise par l'ANF de l'activité de réglementation radio-maritime, anciennement exercée par FranceTélécom, qui suscite la création de 41 emplois. Les crédits d'équipement (57 millions de francs) permettront quant à eux, comme en 1999, de poursuivre les opérations de contrôle et réaménagement du spectre de fréquences radio-électriques.

Le groupement des écoles de télécommunications bénéficie quant à lui d'une augmentation de 7,62 % de ses crédits, qui est liée au transfert de 26 emplois en provenance du Centre national d'études en télécommunications (CNET) de France Télécom.

La dotation de l'Etat pour couvrir les frais du transport postal de la presse remonte à 1,9 milliards de francs. Votre commission pour avis avait dénoncé la baisse -unilatéralement décidée par l'Etat dans l'attente de la conclusion du contrat de plan avec l'opérateur public- de ce poste budgétaire ces deux dernières années. Elle prend acte de son rétablissement au niveau prévalant avant 1998.

Cette somme, bien qu'importante, ne couvre en réalité pas la totalité des frais supportés par l'opérateur public au titre du transport de la presse, comme l'illustre le tableau suivant :

RÉPARTITION DU COÛT DU TRANSPORT POSTAL DE LA PRESSE

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997*

1998*

1999*

Coût global

6 735

6 686

7 067

7 350

7 387

7 424

7 461

Recettes

1 748

1 765

1 875

1 952

2 137

2 322

2 507

Contribution de l'Etat

1 700

1 900

1 900

1 900

1 900

1 850

1 850

Part restante à la charge de La Poste

3 287

3 021

3 292

3 498

3 350

3 252

3 104

En % du total

49 %

45 %

47 %

48 %

45 %

44 %

42 %

* chiffres provisoires

Source : La Poste

Cette situation est-elle compatible avec l'irruption de la concurrence dans le secteur postal ?

Votre commission pour avis a déjà maintes fois répondu négativement à cette question.


A ces crédits de l'agrégat budgétaire " Poste et Télécommunications ", il faut ajouter ceux dévolus à la recherche en télécommunications, ainsi que les crédits consacrés aux développements des technologies de l'information.

3. La recherche en télécommunications

Depuis 1998, le Gouvernement a mis en place le réseau national de recherche en télécommunications (RNRT), réseau doté notamment de crédits de recherche interministériels, qui s'intéresse à la recherche amont en matière de télécommunications.

Ce réseau vise à inciter les laboratoires publics, les grands groupes (industriels et opérateurs) et les PME à coopérer autour de priorités communes pour conduire des projets de recherche, avec le soutien des pouvoirs publics.

Parmi les thèmes traités, le RNRT s'intéresse au futur d'Internet (haut débit, qualité garantie, accès à tous les citoyens), aux prochaines générations de téléphones mobiles multimédia, aux constellations de satellites et à la convergence de l'audiovisuel, des télécommunications et de l'informatique.

Le RNRT entreprend trois sortes d'actions :

- des appels à projets , lancés chaque année, pour susciter de nouvelles actions de recherche coopératives, qui pourront recevoir un soutien financier des pouvoirs publics, après labellisation par le comité d'orientation.

Depuis sa création, deux appels à projets ont été lancés, ainsi qu'un appel commun au RNRT et à l'ANVAR, spécifiquement destiné aux projets d'innovation portés par une PME.

97 projets ont ainsi été " labellisés " depuis la création du RNRT, 57 en 1998 et 40 en 1999.

L'appel à projet RNRT-ANVAR a également rencontré un vif succès : 119 projets portés par une PME ont été présentés, et 50 ont été retenus par le comité de présélection. Leur instruction est en cours.

- des journées d'information et des colloques sont organisés afin de préparer les thèmes prioritaires, de présenter l'avancement des projets en cours et d'ouvrir le dialogue au sein de la communauté de recherche en technologies de l'information ;

- l'animation du réseau de recherche est une des missions du RNRT.

Les crédits budgétaires affectés au soutien de projets de recherche en télécommunications labellisés par le Réseau national de recherche en télécommunications proviennent de plusieurs ministères. Ils sont les suivants :

- en 1998 : 200 millions de francs ont été engagés pour soutenir les projets labellisés, dont 150 millions de francs par le Secrétariat d'Etat à l'Industrie et 50 millions de francs par le ministère chargé de la recherche ;

- en 1999 : 270 millions de francs sont prévus pour soutenir la seconde série de projets labellisés dont 150 millions pour le Secrétariat d'Etat à l'industrie et 120 millions de francs pour le ministère chargé de la recherche ;

- en 2000 : l'effort devrait être poursuivi, le Secrétariat d'Etat à l'Industrie soutenant les projets sur la base des labels délivrés en 1999 et 2000.

4. Les crédits des technologies de l'information

Même si ces crédits ne relèvent pas non plus, au sens strict, de feu l'agrégat " Poste et Télécommunications ", votre rapporteur pour avis souhaite toutefois mentionner pour mémoire, compte tenu de leur importance stratégique, l'existence de crédits budgétaires de l'Etat consacrés au développement des technologies de l'information.

Ces crédits sont malheureusement difficilement identifiables, car ils relèvent de chapitres budgétaires de différents ministères, au sein desquels ils ne sont d'ailleurs pas toujours individualisés.

Le chapitre budgétaire 66-01, article 80, " Recherche industrielle et innovation " du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est notamment concerné, de même que le chapitre 66-01, article 10 " Actions en faveur de l'innovation - ANVAR ".

Votre rapporteur pour avis ne manquera pas d'interroger le Gouvernement pour avoir des données chiffrées plus précises sur cet aspect.

Parmi les actions financées, on peut citer :

- un appel à projet pour l'utilisation collective d'Internet par les PME ;

- le programme de recherche " Société de l'Information " ;

- le soutien à l'initiative Eurêka (programme ITEA) ;

- les crédits liés au développement du nouveau réseau RENATER 2.

Rappelons que le fonds pour la recherche technologique notamment, finance prioritairement les initiatives du secteur des nouvelles technologies.

En réponse aux questions des parlementaires, M. Christian Pierret a indiqué qu' 1,5 milliard de francs étaient, au total, mobilisés par le budget de l'Etat pour soutenir les projets relatifs aux technologies de l'information : le ministre a précisé que, outre les financements en provenance du RNRT, le guichet " société de l'information " était doté de 300 millions de francs, le projet PRIAMM de 115 millions de francs, et le chapitre budgétaire 66-01 de 1,8 milliard de francs, dont une large partie est dédiée à la société à la société de l'information.

CHAPITRE II -

LE SECTEUR POSTAL : UN ENJEU SOUS-ESTIMÉ,
UN DÉBAT CONFISQUÉ

Votre commission pour avis avait dénoncé, l'an passé, le manque d'ambition du contrat de plan 1998/2001, qui témoignait, à son sens, d'une grave erreur d'analyse quant à la rapidité des mutations postales en Europe et dans le monde. L'année écoulée n'est pas faite pour dissiper ses craintes, bien au contraire, puisque la transposition de la directive postale européenne, qui aurait dû fournir l'opportunité d'un grand débat sur l'avenir de La Poste , fait malheureusement figure de deuxième occasion manquée.

I. LA POSTE : DES ÉVOLUTIONS TIMIDES

A. UNE ACTIVITÉ EN LÉGÈRE PROGRESSION

1. Un chiffre d'affaires courrier, colis et logistique en hausse de 4,4 %

Le chiffre d'affaires global pour 1998 s'est élevé à 93,4 milliards de francs, en hausse de 4 %.

Le courrier, les colis et la logistique ont généré un chiffre d'affaires de 71,3 milliards de francs, en hausse de 4,4 %.

a) Le courrier " tiré " par la Coupe du Monde et la publicité adressée

Les produits spécialement créés autour du thème de la Coupe du Monde de Football ont rencontré un succès certain qui explique en partie la progression de 1,1 % au total (+2,5 % pour le courrier grand public) ; du chiffre d'affaires du courrier (61,4 milliards de francs) . Le marché publicitaire a confirmé son caractère porteur.

Le chiffre d'affaires des grands comptes nationaux et routeurs pour les produits en tarif général connaît une progression de 2,1 % par rapport à 1997, montrant ainsi une bonne résistance des produits courrier à la substitution technologique (fax, messagerie électronique, ...) et à la rationalisation de leurs dépenses courrier par les clients publics et les grands facturiers.

La publicité non adressée (Postcontact), qui avait une croissance supérieure à 10 % jusqu'en 1995, entre dans une phase d'augmentation moins rapide liée à une certaine maturité du marché.

La progression est de +1,3 % en 1998, ce qui permet d'atteindre un chiffre d'affaires de 1,6 milliards de francs.

En revanche, la publicité adressée (Postimpact et Catalogues), après avoir connu un ralentissement de croissance entre 1990 et 1997 (de 7 % à 2 %), connaît un regain d'intérêt et enregistré en 1998 une croissance de 7,5 % par rapport à 1997. Le chiffre d'affaires est donc de 8,9 milliards de francs.

Cette inversion de tendance est significative des évolutions attendues pour les prochaines années. Le marketing direct adressé, média cible des stratégies de fidélisation des annonceurs, devrait en effet constituer le moteur de croissance du courrier. Ainsi, si La Poste table sur une croissance moyenne du chiffre d'affaires courrier d'environ 2,2 % sur la période 1998-2002 (à conditions inchangées), elle s'attend à ce que cette croissance provienne essentiellement du courrier publicitaire adressé, qui devrait croître à un taux moyen de 5 % par an.

Le chiffre d'affaires de la presse (recettes des affranchissement hors contribution de l'Etat) en 1998 s'élève à 2,6 milliards de francs, soit une progression de +6,8 % (+300 millions de francs) par rapport à fin décembre 1997.

Dans le contexte d'internationalisation des économies. La Poste a vu le portefeuille de ses clients étrangers s'étoffer. Aussi, le chiffre d'affaires international (plus de 4 milliards de francs), continue-t-il de présenter une forte croissance (+9 %). Elle s'est dotée de deux centres de traitements spécialisés à cet effet.

L'activité courrier se répartit de la façon suivante entre les différents produits et les différents clients de La Poste :

RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES COURRIER DE LA POSTE ENTRE LES DIFFÉRENTS CLIENTS DE LA POSTE

La concentration du chiffre d'affaires du courrier sur quelques grandes entreprises, et sur les professionnels en général, est frappante, le grand public ne générant que 13 % du chiffre d'affaires du courrier.

Sur les 24,7 milliards d'objets transportés en 1998 par la Poste 2( * ) , la publicité arrive en tête, devant les correspondances :

TYPES D'OBJETS TRANSPORTÉS POUR L'ACTIVITÉ DU COURRIER 3( * )

Les délais d'acheminement postaux ne se sont pas améliorés. Les résultats mesurés par la SOFRES montrent même une détérioration de l'indicateur d'arrivée des lettres en j+1 , qui amène à s'interroger sur le respect des objectifs fixés par le contrat de plan, comme l'indique le tableau ci-après :

MESURE DE LA QUALITÉ DU SERVICE COURRIER

 

SOURCE

1996

1997

1998

Objectif 2001

Lettre en j+1

SOFRES

76,3 %

77,2 %

76,4 %

84 %

Lettre au-delà de j+2

SOFRES

6,4 %

6,4 %

6,3 %

<2 %

Postimpact j+7

mesure interne

93,1 %

95,1 %

95,1%

97 %

Source : La Poste

b) Les colis et la logistique : au total 102 milliards de francs de chiffre d'affaires

Dans un secteur d'activité extrêmement concurrentiel, La Poste a poursuivi en 1998 le développement de son offre de services dans le domaine du colis et de la logistique. La nécessaire adaptation aux besoins du marché a porté des fruits en termes de ventes, tant sur le segment de Dilipack, monocolis rapide d'entreprise à entreprise, que sur l'activité Coliposte, colis à destination des particuliers. Grâce à la montée en charge de trois réseaux dédiés aux différents segments du colis (colis entreprises, vente par correspondance et grand public), l'offre de La Poste cherche à se conformer aux standards de qualité du marché , notamment pour ce qui concerne les délais de livraison et le suivi informatique centralisé des colis. Ceci est d'autant plus nécessaire que, comme le montre le graphique suivant : plus du tiers du chiffre d'affaires et plus de 60 % des envois de l'activité colis/logistique sont réalisés avec une poignée de clients de la vente par correspondance :

LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE L'ACTIVITÉ COLIS - LOGISTIQUE

(en % du chiffre d'affaires)



* Business to business " : entreprise à entreprise

Source : La Poste

2. Les services financiers : une croissance de 2,7 % et le troisième niveau d'encours en France

En 1998, les produits des clientèles financières (21,4 milliards de francs) sont en hausse de 2,7 % par rapport à 1997.

Le tableau suivant résume les différentes composantes de ce produit et fournit de surcroît les prévisions de l'Etat prévisionnel des recettes et de dépenses (EPRD) pour 1999 :


En millions de francs

1996

1997

1998

EPRD 1999

Rémunération sur les fonds des CCP

7 796

7 884

7 915

7 805

Rémunération de l'épargne et des placements

8 304

9 043

9 484

9 837

dont rémunération des livrets A et B

4 298

4 278

4 444

4 460

dont autres produits d'épargne 4( * )

4 006

4 765

5 040

5 377

Autres produits

4 064

3 976

4 066

3 856

dont services rendus à l'Etat

1 212

981

902

600

dont droits et commissions

2 852

2 995

3 164

3 256

Produits des Services financiers

20 164

20 903

21 465

21 498

Rappelons que le taux de rémunération de La Poste par l'Etat pour la collecte des fonds et la tenue des comptes chèques postaux s'est élevé à 5,8 % en 1995 puis à 4,75 % en 1996, 1997 et 1998.

Conformément au contrat de plan, la gestion financières des avoirs créditeurs des titulaires de CCP doit être transférée en 5 ans (de 1999 à 2004) à La Poste, les fonds restant transitoirement à la disposition du Trésor étant rémunérés selon le régime antérieur.

Votre rapporteur pour avis souhaite savoir quand ce transfert aura réellement lieu.

Quant à la rémunération de La Poste au titre de la collecte des fonds des livrets A et B, le contrat de plan a reconduit le taux de 1,5 % servi par la Caisse des dépôts et consignations à l'opérateur postal. Le produit pour la Poste n'évolue donc qu'en fonction des encours moyens.

C'est donc la rémunération des autres produits d'épargne qui a le plus augmenté (+5,8 %) entre 1997 et 1998.

Les 1.079 milliards de francs d'encours de La Poste en font le troisième réseau financier français par le volume. En 1998, La Poste, qui gère 44 millions de comptes, a accru ses encours de 64 milliards de francs, soit 10 % des flux de placements des ménages.

La Poste détient notamment 18 % du marché français du livret Jeunes, 22 % de part de marché pour le livret d'épargne populaire, 10 % de l'épargne-logement.

Les encours gérés par La Poste se décomposent de la façon suivante :

COMPOSITION DES ENCOURS GÉRÉS PAR LA POSTE

La collecte en matière d'épargne-logement en 1998 a dépassé 13 milliards de francs et les encours ont atteint 124,8 milliards de francs, soit une progression de 16,4 % par rapport à 1997, près du double de celle du marché (+8,4 %). La Poste se rapproche ainsi des 10 % de part de marché sur ce segment.

L'épargne des ménages, ainsi orientée, accroît par conséquence le potentiel en matière de crédit immobilier.

Pour l'assurance-vie, La Poste a réalisé une collecte nette de 23,7 milliards de francs en 1998, et atteint un niveau d'encours de 260 milliards de francs, en progression de 15,3 %. Toutefois, le marché de l'assurance vie, tous réseaux confondus, a connu une certaine contraction en 1998, qui se traduit par une légère baisse des produits de La Poste (-1 %). Les modifications du régime fiscal de ces placements ont entraîné des sorties importantes. Dans ce contexte, les contrats " DSK " ont généré plus de transformations d'anciens contrats que d'affaires nouvelles.

Malgré un tassement de la croissance du livret d'épargne populaire, les encours de La Poste ont atteint plus de 53 milliards de francs, soit une progression de 18 %, supérieure à celle du marché (+14 %).

Les ouvertures de Livrets jeunes, dont le niveau de rémunération servi aux clients est désormais libre, permettent d'atteindre 5,7 milliards de francs d'encours, soit une progression de 11,8 %.

Après cinq années de décollecte massive, le mouvement de retrait sur les OPCVM 5( * ) s'est fortement ralenti. L'attrait des OPCVM actions a permis de redynamiser les souscriptions. Toutefois, La Poste n'a pas, en 1998, bénéficié pleinement de ce retournement de tendance. Ses encours se sont ainsi érodés de 4,2 % (alors que les encours des ménages progressaient de 4,8 %).

Par ailleurs, La Poste est autorisée à accorder des prêts à l'habitat, après épargne préalable. En 1998, la réalisation de crédits immobiliers a progressé de près de 21 % pour s'établir à 13 milliards de francs.

3. Les prévisions pour 1999 et 2000

L'EPRD 1999 prévoit un chiffre d'affaires de 90,555 milliards de francs, soit une progression du chiffre d'affaires total de +1,7 %, correspondant à une progression de +2,1 % du produit courrier/colis et de +0,3 % des produits des clientèles financières.

La Poste espère une progression annuelle moyenne du chiffre d'affaires d'environ 2,2 % sur la période 1998-2002. Cette croissance devrait être essentiellement " tirée " par celle du chiffre d'affaires courrier publicitaire avec un taux moyen de croissance supérieur à 5% par an.

B. DES RÉSULTATS FRAGILES, SUR LESQUELS PÈSERA SANS DOUTE LE COÛT DES 35 HEURES

Le chiffre d'affaires consolidé du groupe La Poste s'est élevé à 93,4 milliards de francs en 1998. Le résultat d'exploitation a atteint 2,543 milliards en francs, et le résultat net 337 millions de francs , soit 0,36 % du chiffre d'affaires .

Ce chiffre témoigne certes d'un redressement, puisque le résultat n'atteignait que 58 millions de francs en 1998 et qu'il était négatif (-614 millions de francs) en 1997.

Mais son montant relativement peu élevé montre la faiblesse structurelle de la rentabilité de La Poste .

En outre, alors qu'il est désormais acquis que l'opérateur ne pourra bénéficier d'aide de l'Etat à cette fin, le passage aux 35 heures de travail hebdomadaires risque d'être lourd de conséquences pour la compétitivité de La Poste.

Votre rapporteur pour avis tient à formuler deux observations
:

- d'une part, de l'aveu même du Président et du Directeur général de la Poste lors de leur audition devant votre Commission -dont un compte-rendu est fourni en annexe du présent rapport-, la signature de l'accord du 17 février 1999 sur la réduction du temps de travail n'entraînera pas une hausse du niveau global d'emplois à la Poste ;

- d'autre part, son financement -le coût étant estimé par le rapport d'information " Sauver La Poste : est-il encore temps pour décider ? " de notre collègue Gérard Larcher à 3 milliards de francs - devra être assuré par une augmentation de la productivité de l'opérateur ce qui, compte tenu des sommes en jeu et des gains qu'il faudrait réaliser pour en compenser le coût, ne laisse pas d'inquiéter !

C. UNE POSTE À " PETITE VITESSE " DANS LES TOURNANTS STRATÉGIQUES

Le manque d'ambition de la tutelle, manifestée dans le contrat de plan dit d'objectif et de progrès, dont votre rapporteur pour avis avait largement commenté les lacunes l'an passé, n'a pas permis à l'opérateur de mettre au point de stratégie résolument offensive s'agissant des sujets qui intéressent plus particulièrement son avenir : la mise en place d'une alliance internationale dans la messagerie et le développement du commerce électronique notamment.

Certes, le plan stratégique 1998-2002 déterminé par le Conseil d'administration a fixé l'objectif d'un chiffre d'affaires consolidé de 110 milliards de francs en 2002, avec un doublement à l'international, pour atteindre 10 milliards de francs, soit près de 10 % du chiffre d'affaires du groupe.

Dans le colis, la Poste souhaite détenir 10 % du marché européen du monocolis en 2002 et atteindre à cet horizon, 1.400 milliards de francs d'encours pour ses services financiers.

1. Les alliances internationales : le " dinosaure Poste " face aux " gazelles européennes " ?

" Rien ne sert de courir, il faut partir à point ".

Bien que semblant désormais convaincue de la nécessité de conclure des partenariats ou des alliances lui permettant de parer aux offensives de croissance externe tous azimuts de ses concurrents, La Poste n'a toutefois pas atteint son objectif de conclure, d'ici à la fin de 1999, une alliance internationale stratégique . Il faut dire que l'opérateur est singulièrement dépourvu de moyens, devant trouver, d'après les termes employés par M. Christian Pierret lors du colloque " Poste, Europe, Territoires " au Sénat en juin dernier, en elle-même , c'est-à-dire sans dotation en capital de sa tutelle, et donc sans les moyens qu'auraient conférés une possible ouverture dudit capital, les ressources de son développement international. Dans ce contexte, que représente la marge brute d'autofinancement de La Poste face aux sommes impressionnantes -plusieurs dizaines de milliards de francs- dégagées par ses concurrents pour leur croissance externe ?

Même en prenant l'hypothèse d'une titrisation de ses actifs immobiliers, les moyens à la disposition de l'opérateur ne changent pas réellement d'échelle.

La Poste n'est certes pas restée totalement immobile. Mais les résultats semblent bien fluets dans la course actuelle aux parts de marché européennes. On peut notamment citer :

- dans l'express, l'accord avec l'Espagnol Correos y Telegrafos et la création d'une filiale commune ; le partenariat avec Der Kurier, spécialiste allemand du J+1 ; l'acquisition par Chronopost de la majorité du britannique Panic Link ;

- dans le colis, la prise de contrôle de l'allemand Deukhaus, de la société Bikart et d'Interspe, qui permettent une pénétration sur le marché allemand.

Soulignons que La Poste est également sur le point de s'implanter outre-atlantique en acquérant la société de transport international de presse INSA.

Votre rapporteur pour avis considère toutefois que la création de la holding Coélo (colis et logistique) par la Poste le 18 mai dernier est une avancée positive.

Cette évolution -qui n'a d'ailleurs pas vraiment, pour l'instant, amené les développements attendus- ne saurait remplacer la capitalisation de l'établissement que réclame votre commission.

Elle offre toutefois certaines perspectives. Cette société anonyme détient en effet l'ensemble des participations du groupe La Poste dans les sociétés opérant sur le marché du colis et de la logistique.

Outre l'objectif industriel de rapprochement des filiales, de rationalisation de leur offre, et de développement de synergies, la création de Coélo met en place un véhicule juridique pour la constitution d'une alliance par une éventuelle ouverture du capital à des partenaires financiers et industriels, parmi lesquels, le cas échéant, d'autres opérateurs postaux ou un grand intégrateur de messagerie.

Si la structure juridique est en place, aucun accord significatif n'a toutefois encore été conclu.

2. Le commerce électronique : un moteur de croissance à embrayer

Alors que notre pays compte déjà sans doute près de 8 millions d'internautes, et que ceux-ci devraient représenter, au plan mondial, 300 millions de personnes 6( * ) en 2003, toutes les projections s'accordent à estimer que le commerce électronique est en passe de devenir l'un des principaux support des transactions commerciales .

Le développement fulgurant qui est attendu en la matière représente une opportunité de croissance pour les opérateurs de messagerie et de logistique.

En effet, les transactions électroniques se concrétisent par des flux physiques de biens qui doivent être acheminés dans des délais rapides jusqu'au client final.

C'est plus globalement toute la gamme des activités de logistique qui est appelée à se développer, c'est-à-dire non seulement l'acheminement mais également le stockage, l'emballage et la préparation de la commande.

Les opérateurs postaux européens tendent d'ailleurs à mettre en place -à l'instar des grands intégrateurs spécialistes de la messagerie- une offre de plus en plus globale, incluant la logistique, ce qui leur permet, en outre, de capter la clientèle des grandes entreprises.

Certains postiers européens proposent même aux entreprises qui vendent des produits sur Internet de prendre en charge le stockage, l'envoi et le paiement de leurs articles.

La Poste, si elle se fixe l'objectif de réaliser, à l'horizon 2002, 2 milliards de francs de chiffre d'affaires grâce aux nouvelles technologies, ne fait toutefois pas de leur développement l'un des axes majeurs de sa stratégie.

Les initiatives en la matière ne sont certes pas inexistantes, mais restent encore largement expérimentales ou embryonnaires.

Ainsi, certains projets -certes prometteurs- sont largement inaboutis :

C'est le cas du service " PostECS " , développé en collaboration avec les postes américaine et canadienne, qui devrait fournir des fonctionnalités de chiffrement du document, de protection par mot de passe et de suivi en temps réel. La Poste se donne l'objectif de servir ses clients en matière de courrier électronique avec le même impératif de rapidité, de confidentialité et d'identification des émetteurs et destinataires que pour le courrier physique. Après une phase pilote menée en 1998 et début 1999, le produit devrait être commercialisé en 2000.

Certinomis est une filiale en cours de création entre la Poste et la SAGEM, qui s'apprête à commercialiser des services de certification. Cette autorité de certification permettra de développer la confiance et la sécurité sur Internet en émettant des certificats électroniques pour identifier un individu, un " cybercommerçant " ou une organisation quelconque sur Internet.

La Poste envisage de développer l' horodatage des documents électroniques qui servirait de commencement de preuve, en droit, dans le cadre des relations commerciales électroniques. Il permet au client de disposer d'un moyen de prouver l'existence et la date d'une communication électronique ou d'une transaction de commerce électronique. Le lancement d'une phase pilote est prévu pour 2000. Ce service est une transposition dans l'univers de la société de l'information du cachet de La Poste faisant foi dans le monde du papier.

Enfin, la Poste va lancer, sans doute avec un partenaire, un portail sur Internet. Outre l'accès à des services partenaires de La Poste, l'un des objectifs de ce service est d'offrir à chaque français une adresse électronique stable, permettant à chacun ultérieurement de choisir le type de courriers qu'il souhaite recevoir et d'y domicilier ses courriers électroniques officiels.

Rappelons également l'offre EDI (échange de données informatiques) de Télépost auprès de clients importants de plusieurs secteurs.

Votre commission pour avis estime que La Poste doit résolument prendre le tournant des nouvelles technologies, qui lui offrent des opportunités nouvelles en matière notamment de logistique et de certification.

II. LE BOULEVERSEMENT POSTAL EUROPÉEN : UN ENJEU SOUS-ESTIMÉ

Votre commission pour avis est frappée par l'insuffisante prise de conscience de l'ampleur des bouleversements à l'oeuvre dans le secteur postal européen.

Sans doute est-ce cette difficulté d'analyse -faut-il aller jusqu'à dire qu'elle atteint même la tutelle de l'opérateur public ?- qui explique que notre poste soit laissée, à l'heure de la concurrence mondiale, dans une posture que ne justifiait que le règne du monopole. On pense notamment aux charges d'intérêt général non compensées par la collectivité qui lui incombent.

Votre rapporteur souhaite évoquer succinctement les offensives des postes européennes, avant de rappeler les handicaps concurrentiels que représente le financement par l'opérateur de l'exercice de ses missions d'intérêt général.

A. LES OFFENSIVES DES POSTES EUROPÉENNES

Les postes européennes se sont engagées dans une course à la croissance externe. Dans un marché libéralisé, l'effet de taille est déterminant pour réaliser des économies d'échelle en matière d'acheminement, d'infrastructure d'exploitation, de systèmes d'information et de livraison.

Sur la période 1996-1998, les postes allemande, néerlandaise et anglaise ont réalisé près de 25 acquisitions dans le secteur du colis, pour un montant global de plus de 34 milliards de francs.

Cette évolution est si frappante et si rapide que votre rapporteur pour avis a souhaité annexer au présent rapport le compte-rendu des auditions par votre commission de responsables européen et américain de la poste et de messagerie, qui sont particulièrement révélatrices de l'ampleur des " grandes manoeuvres " en cours.

L'exemple le plus marquant de ce mouvement est celui de la Deutsche Post AG qui, depuis un an, a multiplié les opérations de croissance externe. DPAG, qui dispose de capacités d'investissements très élevées, s'est lancé dans une ambitieuse politique de croissance externe dans les secteurs du colis et de la logistique en déboursant environ 40 milliards de francs ces derniers mois . L'objectif affiché de la poste allemande est de s'internationaliser rapidement, fut-ce à un coût élevé, pour réussir son introduction en bourse prévue fin 2000.

En Europe du Nord tout d'abord, DPAG a renforcé ses positions par plusieurs acquisitions. D'une part, la bataille opposant DPAG à la poste suédoise dans le rachat de la société de transport suédoise ASG (CA :9 milliards de francs) s'est finalement terminée en juillet dernier par une victoire de la Deutsche Post, suite à une décision de la Commission européenne qui a considéré que cette acquisition n'engendrait pas la création ou le renforcement d'une position dominante. Cette opération devrait permettre à la Deutsche Post d'étendre sa couverture géographique en Scandinavie. DPAG a pris le contrôle de ASG , via sa filiale DANZAS , un des leaders du transport et de la logistique en Europe. Parallèlement, la Deutsche Post a acquis les divisions européennes de transport, distribution et logistique de la société néerlandaise Nedlloyd , la société néerlandaise de transport de paquets Van Gend Loos et une participation de 50 % dans l'anglais Securicor Distribution dont les activités s'étendent jusqu'en Irlande.

Dans le secteur de la messagerie, DPAG a étendu son réseau en Espagne en acquérant 49 % de Guipuzcoana , leader espagnol dans la distribution de colis d'entreprise, et en Suisse avec Qualipac , numéro trois sur le marché helvétique des colis. Elle a également racheté 90 % del'italien MIT, de 68 % du Français Ducros Services Rapides . L'acquisition par DHL de 51 % de Colitel , entreprise spécialisée dans le transport urgent et la logistique personnalisée, a également permis à DPAG, liée à cette entreprise, de renforcer sa présence en France.

Par ailleurs, sur le marché américain, DPAG a acquis Global Mail , société de services de courrier international, ainsi que YellowStone International Corporation , une des plus grandes sociétés de distribution internationale de la presse aux Etats-Unis.

Enfin, la Deutsche Post a renforcé ses activités dans différents domaines, notamment dans le secteur du commerce électronique en prenant une participation de 15 % dans le capital de GFT Technologies , conformément au souhait du Président de la Deutsche Post de développer rapidement les activités de son entreprise dans ce domaine. Dans le secteur des services financiers, elle a racheté pour 14,5 milliards de francs Deutsche Postbank AG dont elle avait été séparée lors de la réforme postale. DPAG a par ailleurs annoncé le rachat de 80 % du groupe munichois ITG Internationale Spedition , leader sur le marché allemand de la livraison de vêtements.

L'autre grand acteur des stratégies d'acquisitions est le néerlandais TNT Post Group (TPG), qui a également renforcé sa position en Europe. La poste néerlandaise a en effet mobilisé 490,6 millions de francs pour reprendre le groupe italien de stockage et de transport Tecnologistica présent en Italie, mais aussi en France, en Allemagne, en Espagne, en Autriche, en Suède et au Bénélux.

En France, elle a racheté Jet Services , numéro deux sur le marché français du transport express de petits colis, pour 2 milliards de francs, ainsi que la société de messagerie Broos-Fouya . TPG a également acquis la société portugaise de transport express Tranjato.

Quant à la poste britannique , qui semblait un peu à l'écart de ces grands mouvements, elle est entrée en scène au début de l'année en acquérant deux sociétés allemandes, le réseau de messagerie German Parcel qui détient par ailleurs une participation de 23 % dans General Parcel, une compagnie internationale qui dessert 30 pays européens, et Der Kurier un des leaders du marché allemand de la messagerie express.

Votre rapporteur pour avis déplore que le " retard à l'allumage " de La Poste n'amène le champ des possibles à se rétrécir pour la nécessaire conclusion d'une alliance internationale stratégique par l'opérateur. Sa forme sociale -et notamment l'absence de capital- semble un handicap de taille en la matière.

S'y ajoute la non compensation des missions d'intérêt général, qui l'empêche de dégager les marges de financement nécessaires à sa croissance externe.

B. LE POIDS DES CHARGES NON COMPENSÉES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

Rappelons qu'en 1997, votre commission 7( * ) avait évalué à plus de 8 milliards de francs par an les charges nettes non compensées pesant sur La Poste en raison de l'accomplissement de ses missions d'intérêt général, déduction faite des contreparties budgétaires ou fiscales accordées par l'Etat.

Ce coût se répartissait ainsi :

- 3,2 milliards de francs pour sa participation à l'aménagement du territoire via le maintien du réseau postal ;

- 3,6 milliards de francs de francs pour sa contribution au transport postal de la presse ;

- 1,3 milliard de francs pour son rôle de guichet bancaire des plus démunis.

Aucun élément significatif n'est venu depuis bouleverser les fondements de cette estimation. Une telle situation est-elle compatible avec l'irruption d'une concurrence forcenée en Europe ? Votre commission pour avis ne le pense évidemment pas.

C. L'URGENCE DES DÉCISIONS POLITIQUES : RAPPEL DES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Prolongeant le rapport d'information précité de 1997 de notre collègue Larcher, le rapport d'actualisation " Sauver la Poste, est-il encore temps pour décider " du même auteur a formulé les propositions suivantes :

LES PROPOSITIONS DU RAPPORT
" SAUVER LA POSTE, EST-IL ENCORE TEMPS POUR DÉCIDER ? "

1) Nouer une alliance internationale dans la messagerie en ouvrant le capital de Coelo , le holding colis et logistique de La Poste, à un partenaire étranger disposant des moyens d'un réseau mondial.

2) Ouvrir clairement le débat sur la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics , dans le cadre notamment de la discussion de la loi d'orientation postale à établir pour éclairer l'avenir.

3) Création avec un grand partenaire informatique (France Télécom, Cégétel, ...) d'une filiale commune dédiée à la construction et à la gestion d'une plate-forme de commerce électronique , comportant la déclinaison par La Poste d'une gamme de prestations logistiques et financières ; cette plate-forme aurait vocation à servir d'hôte à des PME soucieuses de vendre sur Internet mais peu désireuses d'avoir à assurer l'intendance de leur vitrine électronique.

4) Parallèlement, à l'instar de la poste allemande, développement d'une offre logistique intégrée à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant créé leur propre site de commerce électronique.

5) Prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997 soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission européenne, afin d'éviter des débordements du marché de nature à perturber le service universel.

6) Instituer un régulateur postal autonome recevant compétence exclusive sur le secteur du courrier, les services financiers entrant dans le cadre des attributions du Conseil de la concurrence.

7) Se conformer aux exigences du droit européen relatives à la séparation des comptes des activités sous monopole et des autres, ainsi qu'à l'individualisation comptable des activités de service universel.

8) Réfléchir à une hausse temporaire du prix du timbre pour disposer de nouvelles marges de manoeuvre.

9) Créer un service universel bancaire minimum pour les ménages les plus modestes et en faire reposer le financement sur le principe du " pay or play ", ce qui permettrait à La Poste d'être en partie compensée des charges que lui impose son action en ce domaine.

10) Pour aider à l'aménagement postal du territoire , élargir la diffusion des produits postaux en acceptant le développement de leurs ventes dans des réseaux commerciaux, aménager les horaires des points de contact postaux en fonction de la fréquentation réelle du public et faire de La Poste un acteur central des maisons de service public.

11) Clarifier les compétences des divers échelons territoriaux pour favoriser la mobilisation des cadres de terrain et, par là même, la définition d'un projet conquérant d'entreprise à même d'entraîner tous les personnels.

12) Pour permettre de mieux impliquer les élus dans la revitalisation postale des territoires, envisager des partenariats institutionnels entre La Poste et les collectivités locales pouvant prendre la forme de sociétés d'économie mixte locales .

Aucune suite n'a pour l'instant été donnée à ces propositions. Pire, le débat ne s'est même pas réellement amorcé.

III. UN DÉBAT PUBLIC CONFISQUÉ

A. LA TRANSPOSITION " À LA SAUVETTE " DE LA DIRECTIVE POSTALE

Votre Haute Assemblée a critiqué avec assez de vigueur la transposition opérée subrepticement, par amendement gouvernemental à la loi d'aménagement du territoire, de la directive européenne du 15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires, pour que votre rapporteur pour avis n'ait à revenir trop longuement sur cet artifice procédural qui a ravalé le Parlement au rang d'une chambre d'enregistrement et traité l'enjeu postal par cavalier législatif !

Rappelons toutefois que le Sénat avait refusé -à l'initiative de sa majorité, mais aussi d'un groupe de l'opposition sénatoriale- d'adopter la transposition et l'avait remplacée par un article ainsi rédigé :

" Une loi d'orientation postale interviendra dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi ".

L'Assemblée nationale, non sans avoir protesté sur la brutalité de la méthode, s'est, de son côté, finalement rangée au souhait du Gouvernement.

La transposition nécessite, en outre, la modification du cahier des charges de La Poste, par un décret dont l'avant-projet vient d'être transmis à la CSSPPT 8( * ) . Votre rapporteur pour avis s'interroge à ce sujet sur la création qui y est proposée d'un médiateur postal, qu'aucun des acteurs concernés semble pourtant n'avoir réclamée. Il paraît souhaitable que la phase de consultation puisse faire évoluer ce point du projet de décret.

Ayant réussi sa transposition-éclair, le Gouvernement ne semble toutefois pas à court de subterfuges. En effet, le ministère avait indiqué à la CSSPPT -qui en faisait la condition de remise de son avis sur le projet d'amendement- qu'un projet de loi serait déposé avant la fin de l'année 1999 pour " donner aux activités postales un cadre juridique complet " et achever en conséquence la transposition de la directive.

Votre commission pour avis prône, on le sait, la rédaction d'une véritable loi d'orientation postale, qui fixe l'avenir de l'opérateur, au-delà de la seule transposition de la directive.

Or, il apparaît qu'aucun texte ne soit sur le point d'être déposé, même si, en réponse à une question posée par votre rapporteur dans le cadre de la préparation du présent rapport, le Secrétariat d'Etat à l'industrie a indiqué que " le Gouvernement présentera avant la fin de l'année, dans le cadre d'un projet de loi portant diverses dispositions d'harmonisation communautaire, un dispositif législatif complétant la transposition de la directive 97/67/CE ".

Il semble qu'on soit bien loin de l'impulsion législative majeure que votre commission pour avis appelle de ses voeux !

Votre commission ne saurait évidemment se contenter d'une réponse si partielle aux questions que pose l'avenir du secteur postal de notre pays.

B. L'ABSENCE DE MOBILISATION POUR PRÉPARER LA DEUXIÈME PHASE DE LA LIBÉRALISATION POSTALE

1. La directive prévoit sa propre révision : cette échéance doit être préparée

La directive du 15 décembre 1997 prévoit, dans son article 7, son propre calendrier de révision en vue d'une libéralisation accrue. Il est en effet énoncé que :

- la Commission présentera une proposition dans ce sens " avant la fin de l'année 1998 " . Des premiers débats d'orientation ont déjà eu lieu à la Commission sur ce sujet, mais ont pris du retard, notamment du fait du changement de Commission ;

- le Parlement et le Conseil devaient aboutir à une décision " au plus tard le 1 er janvier 2000 " en vue de " la poursuite de la libéralisation progressive et contrôlée du marché des services postaux, notamment en vue de la libéralisation du courrier transfrontière et du publipostage, ainsi que d'un nouveau réexamen des limites de prix et de poids, avec effet à compter du 1 er janvier 2003 " ;

- la directive ne s'applique que jusqu'au 31 décembre 2004, en vertu de son article 27.

Votre rapporteur pour avis estime que la France doit se mobiliser pour poursuivre l'oeuvre réglementaire européenne, faute de quoi, le marché dictera seul sa règle. Or notre opérateur n'y est pas encore préparé.

Si le choc concurrentiel reste pour l'instant supportable
, compte tenu du périmètre retenu pour les services réservés à La Poste par la transposition -qui revient à n'accroître la concurrence qu'à proportion de 2,2% du chiffre d'affaires du courrier en France-, cette situation risque bien de changer après 2003 .

Le répit que nous laissait la directive de 1997 aurait dû être mis à profit pour effectuer un sursaut salvateur et préparer l'après 2003. Tel n'a pas été le cas.

Votre commission pour avis estime donc urgente une plus grande implication des pouvoirs publics français est nécessaire pour la phase d'élaboration de la nouvelle directive. Elle estime que ce point doit être l'un des objectifs de la présidence française de l'Union européenne.

2. Une bonne nouvelle : l'évolution du régime des frais terminaux

Les " frais terminaux " correspondent à la rémunération que les postes se versent entre elles afin de couvrir les coûts de la distribution du courrier international qui leur est remis par leurs homologues étrangères.

Régis par un accord multilatéral, ces taux de rémunération étaient nettement insuffisants pour couvrir le coût des services rendus, notamment dans les pays développés. Cette accord a donc servi de base à des détournements de flux de trafic de courrier international, ou " repostage ", consistant à faire intervenir un pays tiers entre un expéditeur et un destinataire. Cette pratique, contraire au principe de coopération postale de l'UPU 9( * ) , générait un manque à gagner financier potentiel et affectait gravement l'équilibre du service universel en obligeant les postes des pays développés à fournir un service postal international ne couvrant pas ses coûts. Il n'existe aucune statistique internationale sur les différentes formes de repostage qui sont soit des offres commerciales globalisées dans le trafic postal international d'un pays, soit réellement un contournement des accords de l'UPU sur lequel aucune information ne peut, par nature même de l'activité, être donnée. On peut toutefois estimer que le préjudice subi par La Poste française s'élève à près de 600 millions de francs chaque année .

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que le réglement de la question des frais terminaux ait progressé , tant en raison de la réaction des postes, qui ont développé une offre commerciale adéquate, que de la négociation par celles-ci d'accords commerciaux, distincts des accords de l'UPU . Parallèlement, le récent Congrès de l'UPU qui s'est tenu à Pékin du 23 août au 15 septembre 1999 a adopté un nouveau système de frais terminaux . En effet, ainsi que le souhaitait la France, les propositions du Conseil d'exploitation postale sur les frais terminaux ont été adoptées par le Congrès qui permettront, à l'issue d'une période transitoire, de couvrir les coûts effectifs de chaque poste de distribution et consolideront ainsi le service universel mondial.

Les principales caractéristiques du nouveau système sont les suivantes :

- dans les relations entre pays industrialisés, les frais terminaux représenteront 60 % des tarifs intérieurs en 2003, la proportion finale à atteindre en 2005 devant être fixée, après étude, en 2002. De plus, les postes des pays industrialisés offriront aux postes expéditrices, à conditions comparables, les conditions d'accès prévues avec leurs plus gros clients nationaux ;

- afin de préserver les recettes actuelles des pays en développement, ces derniers accéderont aux marchés des pays industrialisés sur la base du dispositif actuel (28 francs du kg), jusqu'à un seuil de trafic donné ;

- la rémunération des pays en développement sera majorée de 7,5 % afin de financer des actions d'amélioration de la qualité de service dans ces pays. C'est donc une enveloppe de 120 à 130 millions de francs qui sera investie chaque année pour renforcer le service universel mondial.

Dernier point enfin et non le moindre, le dispositif de protection contre le repostage abusif article 40 (ex article 25 de la Convention) a été préservé.

Par ailleurs, La Poste a signé un accord commercial tarifaire avec les postes des autres pays membres de l'Union Européenne -à l'exception de la Poste néerlandaise-, dit accord REIMS II, qui vise à aligner les frais terminaux sur un pourcentage des tarifs domestiques . Cet accord, conformément aux dispositions du Traité de Rome, a été notifié à la Commission, afin que celle-ci vérifie sa comptabilité avec les principes concurrentiels du droit communautaire et autorise la mise en oeuvre de ce régime. Avec les postes des pays développés ne participant pas à l'accord REIMS, La Poste a, par ailleurs, signé des accords commerciaux sur une base bilatérale. Au regard de la structure actuelle du trafic postal international français, le nouveau système de frais terminaux et les accords commerciaux signés par les postes devraient enfin apporter un début de solution au problème du repostage.

CHAPITRE III -

LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

I. CROISSANCE, CHANGEMENT ET CONCENTRATION : LE TRYPTIQUE DE LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

A. UN MARCHÉ MONDIAL EN TRÈS VIVE ÉVOLUTION

1. Une croissance phénoménale

a) Des bouleversements très rapides

Le secteur des télécommunications et des nouvelles technologies est sans doute à l'heure actuelle l'activité économique où les changements sont les plus rapides, la croissance la plus vive, les percées technologiques les plus rapprochées, les créations d'entreprises technologiques les plus nombreuses et les valorisations boursières des sociétés innovantes les plus démesurées. Même le secteur des biotechnologies ne bénéficie pas d'un engouement de cette ampleur des analystes et des investisseurs et n'est pas soumis à des bouleversements aussi rapides.

La seule constante de ce secteur est le changement . Qui connaissait, il y a trois ans, Worldcom, qui, avec à peine plusieurs années d'existence, vient de racheter les deux puissants opérateurs américains MCI et Sprint ? Qui connaissait, en France, Omnicom, qui vient de réussir brillamment son introduction en bourse ? Qui aurait parié sur la fin du modèle des alliances et prédit le devenir de Global One, Unisource ou Concert ?

Qui aurait pensé que France Télécom, encore il y a peu quatrième opérateur, risquerait de se voir reléguer si rapidement, malgré la croissance vive des activités, au huitième rang mondial ?

b) Une croissance fulgurante

Selon l'Idate 10( * ) , le marché mondial des services de télécommunications devrait passer de 890 milliards de dollars à 1.330 milliards de dollars entre 1999 et 2003. Parallèlement, le nombre d'internautes devrait rapidement décoller.

Les projections sont les suivantes :

En 1999



Total : 890 milliards de dollars

En 2003


Total : 1.330 milliards de dollars

Le nombre d'Internautes

(en millions)

* mars

** pour 2005 les prévisions de Computer Industry Alamanac sont de 720 millions

Source : IDATE

Rappelons que depuis 1995, le taux de pénétration mondial des téléphones portables est passé de 13 à 34 % en moyenne. L'an prochain, 500 personnes seront abonnées à un service de téléphonie mobile, contre 305 actuellement.

Certains analystes 11( * ) estiment que le trafic de données sur les réseaux mobiles aura rattrapé dès 2003 celui de la voix.

La croissance devrait être également très vive dans le marché des équipements des télécommunications, qui devrait passer, d'après l'Idate, de 297 miliards de dollars en 1999 à 331 milliards de dollars en 2003. La course aux hauts débits sur tous types d'infrastructures, la prolifération des technologies Xdsl, des boucles locales radio et des nouvelles générations de téléphone mobiles sont les moteurs de cette croissance.

Par type d'infrastructures, les prévisions de l'Idate sont les suivantes :

CROISSANCE DU MARCHÉ MONDIAL D'ÉQUIPEMENTS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS.
En 1999 = 297 milliards de dollars



En 2003 = 331 milliards de dollars

Source : IDATE

Le développement attendu de la téléphonie sur Internet , du commerce électronique et la mise en service des réseaux satellitaires de téléphonie mobile de première et de seconde génération (à haut débit) offrent des perspectives importantes en matière tant de services que d'équipements de télécommunications.

2. De promptes concentrations

a) La fin du modèle des alliances

Après avoir déçu en termes de résultat commerciaux comme de rentabilité financière, il semble que les trois alliances mondiales d'opérateurs de télécommunications, Unisource, Global One et Concert, ne soient désormais plus le modèle de l'organisation des stratégies internationales du secteur.

Destinées initialement à fournir des prestations " sans couture " à leurs grands comptes sur l'ensemble de la planète, elles ont peu à peu cédé du terrain -voire éclaté- devant la montée en puissance d'une vague de rachats boursiers.

b) Le règne des fusions-acquisitions

L'énumération des récents achats effectués dans le secteur des télécommunications de par le monde serait si longue qu'elle revêtirait un caractère fastidieux. Les développements récents de l'actualité -l'OPA de Vodaphone sur Mannesmann annoncée le 19 novembre, par exemple, pour 124 milliards d'euros, soit le record absolu de l'histoire boursière en montant financier- ne cessent d'illustrer l'ampleur de ce mouvement.

Signalons toutefois, pour France Télécom, l'acquisition récente du troisième opérateur de mobiles allemand E-Plus, qui fait suite à une prise de position au sein du câblo-opérateur britannique NTL. Ces opérations, modestes relativement à l'effervescence du secteur, n'empêchent pas l'opérateur de régresser en termes de rang mondial. Elles méritent toutefois d'être soulignées.

S'agissant de Deutsche Telekom, l'opérateur allemand a récemment pris position en Angleterre, via le rachat de l'opérateur de téléphonie mobile One 2 One et en France, via le rachat de Siris, titulaire du préfixe " 2 ".

Mais ce sont sur les marchés boursiers anglo-saxons qu'interviennent les concentrations les plus importantes.

Deux types d'opérations caractérisent ce mouvement :

- des rapprochements de croissance externe " horizontale " , à l'initiative de compagnies locales américaines (Bell Atlantic et GTE) ou d'opérateurs de longue distance (MCI et World Com), afin d'élargir leur champ d'activité et de réaliser des économies d'échelle ;

- des rachats dans d'autres segments d'activité , à l'exemple des opérateurs longue distance qui s'intéressent au marché local. Ainsi, AT&T a racheté Teleport (opérateur de boucle-locale), TCI (câblo-opérateur) et Vanguard Cellular (téléphonie mobile).

Les opérations significatives de fusions-acquisitions intervenues aux Etats-Unis - pour la seule année 1998 -, à des prix parfois astronomiques, sont résumées dans le tableau ci-dessous :

ACHETEUR

CIBLE

PRIX (EN MILLIARDS DE DOLLARS)

SEGMENT D'ACTIVITÉ

AT&T

IBM Global Data Network

4,95

Transport de données

AT&T

TCI

43,2

Téléphonie sur câble

AT&T

Teleport

10,9

Boucle locale (entreprises)

AT&T

Vanguard Cellular

1,5

Téléphonie cellulaire

Bell Atlantic

GTE

53

Opérateur régional

Frontier

Global Center

0,2

Hébergement de site WE

Qwest

ICON

0,18

Fournisseur d'accès à Internet

Qwest

LCI

4,85

Téléphonie longue distance

SBC Communications

Ameritech

62,6

Opérateur régional

SBC Communications

SNET

5,8

Opérateur régional

World Com

Brooks Fiber Properties

2,6

Boucle locale

World Com

MCI Communications

42

Téléphonie longue distance

Source : La Tribune du 8 avril 1999 - Morgan Stanley Dean Witter

En 1999, le mouvement de concentration s'est poursuivi sur le marché américain des télécommunications avec notamment le rachat de Frontier par Global Crossing pour l'équivalent de 11,2 milliards de dollars, celui de MediaOne Group par Comcast pour 59 milliards de dollars et la fusion, à parité, entre Qwest et US West.

Conséquence de l'ouverture du marché européen à la concurrence et de la globalisation au niveau mondial du secteur des télécommunications, les opérateurs européens procèdent à leur tour à des fusions-acquisitions.

En témoignent par exemple le rachat de l'opérateur mobile américain Air Touch par l'anglais Vodafone pour 60 milliards de dollars et le rapprochement de Global Telesystems Group avec Esprit Telecom puis avec le Français Omnicom.

Les opérateurs historiques n'échappent pas au mouvement de concentration : Telia, l'opérateur suédois et Telenor, l'opérateur norvégien ont annoncé leur fusion. Olivetti a pris le contrôle de Telecom Italia pour l'équivalent de 62 milliards de dollars, au détriment de Deutsche Telekom.

En Allemagne, Mannesmann, qui fait l'objet d'une offre de rachat de la part de Vodaphone pour 124 milliards d'euros, a racheté le réseau Otelo auprès de RWE et Veba pour 2,25 milliards de marks. Par ailleurs, il est désormais le deuxième opérateur italien après l'acquisition d'Oliman, holding détenant Omnitel (opérateur mobile) et Infostrada (opérateur fixe).

3. Une part prépondérante dans l'économie

Secteur économique d'importance par le nombre de salariés, la richesse créée et les investissements réalisés, les télécommunications sont également devenues l'un des principaux moteurs de l'économie , qu'il s'agisse de la croissance ou de la création d'emplois.

Cette réalité, intégrée depuis longtemps aux Etats-Unis, où elle est acceptée comme la manifestation d'une entrée dans l'économie de la connaissance, tend à être de mieux en mieux reconnue en France.

Ainsi, une récente étude de l'INSEE 12( * ) a montré que les technologies de l'information et de la communication (informatique, télécommunications, électronique, communication) avaient engendré en 1997, 5 % du PIB français, soit davantage que l'automobile et l'énergie réunies.

D'après cette étude, les entreprises françaises spécialisées dans ces technologies ont ainsi réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 828 milliards de francs, en progression de près de 7 % par rapport à 1996 .

Avec 406 milliards de francs de recettes en 1997, les entreprises industrielles spécialisées dans les technologies de l'information et de la communication représentaient 12 % de l'industrie manufacturière. L'industrie française des technologies de l'information et de la communication (TIC) occupe ainsi le quatrième rang mondial en termes de chiffres d'affaires, derrière le Japon, les Etats-Unis, et l'Allemagne, le cinquième en nombre d'emplois et le huitième rang à l'exportation.

L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES TIC AU QUATRIÈME RANG MONDIAL POUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES

 

Chiffre d'affaires (milliards de francs)

Emplois (milliers)

Japon

1 945

1 485

Etats-Unis

1 240

994

Union européenne

997

908

Allemagne

245

231

France

186

149

Royaume-Uni

182

181

Italie

121

118

Source : Sessi - année 1997

Les entreprises de services représentent plus de la moitié des ventes des entreprises spécialisées dans les technologies de l'information et de la communication. Avec un chiffre d'affaires de 422 milliards de francs en 1997, elles ont engendré un cinquième des recettes des entreprises de services marchands stricto sensu (hors commerce, transport et activités financières).

Industrie et services confondus, les entreprises spécialisées dans les télécommunications ont réalisé un chiffre d'affaires de 256 milliards de francs en 1997, soit 31 % des recettes des entreprises des TIC.

L'informatique
a engendré en 1997 238 milliards de francs de chiffre d'affaires. Quant aux autres activités liées aux TIC, elles avaient réalisé un chiffre d'affaires de 335 milliards de francs, dont les trois quarts provenaient des activités de communication -édition, imprimerie, audiovisuel- et un quart de l'industrie électronique.

Le tableau suivant résume ces données :

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN TÊTE DES TIC

 

Chiffre d'affaires (milliards de francs)

En %

Télécommunications

256

31

dont industrie

82

10

dont services

174

21

Informatique

238

29

dont industrie

83

10

dont services

155

19

Communication

247

30

dont industrie

154

19

dont services

93

11

Industrie électronique

87

10

TOTAL

828

100

Source : Enquête annuelle d'entreprises, 1997, Sessi et Insee

En plein développement, les télécommunications françaises ont particulièrment bénéficié de l'explosion de la téléphonie mobile.

La suprématie de la téléphonie fixe est menacée par l'essor d'autres services : elle représentait en 1997 62 % des recettes de services de télécommunication contre 75 % au début des années 1990. En développement rapide, téléphonie cellulaire, radiomessagerie et autres services mobiles représentaient en 1997 près de 18 % des recettes des entreprises de télécommunications (contre 11% en 1996). Depuis 1996, le nombre d'abonnés au téléphone mobile a pratiquement doublé chaque année, pour atteindre 11 millions à la fin 1998, et 17 millions en octobre 1999.

Les industriels français sont concurrencés par les constructeurs asiatiques et nordiques pour le matériel grand public, notamment les téléphones mobiles. En revanche, ils sont bien placés pour la production de matériel professionnel de transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de transmission hertzienne, très sollicité par les télécommunications sur réseaux mobiles.

B. L'ÉTAT DES LIEUX DE LA LIBÉRALISATION EUROPÉENNE

1. Le cinquième rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation en matière de télécommunications

La Commission européenne a livré -comme elle le fait périodiquement- un dernier état de la libéralisation du marché européen des télécommunications, dans un rapport publié quelques jours avant l'examen du présent rapport.

Ce bilan a une signification particulière, alors qu'on sait que la Commission doit faire ses propositions de révision du paquet de directives " télécommunications " dans le courant de l'année.

Dans ce rapport, la Commission dresse d'abord un état des lieux de la santé du marché européen des télécommunications .

Ce marché représentera, d'après elle, quelques 161 milliards d'euros en 1999, soit un peu moins de 7 % de plus qu'en 1998 ; la valeur des services mobiles aura augmenté en moyenne d'environ 16 %. Il existe désormais dans les Etats membres plus de 240 opérateurs fournissant effectivement des communications interurbaines et internationales , et plus de 220 fournisseurs de communications locales ; plus de 180 opérateurs offrent des services nationaux et internationaux et 375 offrent des services de réseaux locaux. Un nombre beaucoup plus élevé de licences ont été octroyées sur ces segments de marché, ce qui indique que l'activité augmentera encore à l'avenir. On estime que le nombre d'hôtes de l'internet par milliers d'habitant a augmenté à raison de 125 % en moyenne dans toute l'Union de janvier à juillet 1995.

Au cours de la période 1997-1999, les tarifs résidentiels ont baissé
de 40 % en moyenne dans la plupart des Etats membres pour les appels internationaux ; les tarifs d'affaires pour ce type d'appels sont également en baisse dans la plupart des Etats membres (25 % en moyenne au cours de la même période). Pour les communications régionales et interurbaines de dix minutes, les tarifs ont baissé respectivement de 13 % et de 30 %.

La Commission dresse ensuite un bilan globalement satisfaisant de la libéralisation européenne .

Certains problèmes importants doivent pourtant, d'après elle, être résolus . Dans certains cas, la Commission juge que des limitations réglementaires ont créé des entraves à la création d'un marché unique des services de télécommunications en Europe.

Les principales conclusions à retenir de ce bilan sont les suivantes :

- la Commission constate d'abord que les directives de libéralisation et l'harmonisation ont presque intégralement été transposées par la plupart des Etats membres ;

- des lacunes existent toutefois à son sens dans leur application, notamment en ce qui concerne les régimes d'octroi de licences 13( * ) et d'interconnexion, qui constituent parfois une entrave à la constitution d'un marché unique ;

- de grandes divergences qui existent dans le domaine de la mise en oeuvre des règles communautaires au niveau national constituent d'autres entraves ;

- les autorités réglementaires nationales sont proches des marchés nationaux et jouent un rôle essentiel en contribuant à la mise en oeuvre du cadre réglementaire communautaire. Leurs tâches sont cependant rendues plus difficiles par des différences de leurs pouvoirs et de leurs ressources , par la manière dont les tâches réglementaires sont partagées avec d'autres organismes et par des différences dans les procédures en vigueur. La Commission estime que les autorités réglementaires nationales doivent accentuer leurs efforts, notamment dans le domaine des accords d'interconnexion ;

- l'absence d'une mise en oeuvre nationale adéquate de la réglementation régissant la comptabilité des coûts dans de nombreux Etats membres semble contribuer à d'importantes compressions de prix, et à une tarification excessive pour les lignes louées ;

- la Commission estime qu'il y a, actuellement, un manque de concurrence sur le marché de l'accès local dans tous les Etats membres, bien que des mesures soient prises en faveur de l'octroi de licences pour la boucle locale sans fil et pour utiliser les réglementations nationales pour fournir d'autres moyens d'ouvrir l'accès au " dernier kilomètre ". En outre, les réseaux de télévision par câble restent contrôlés par les opérateurs existants dans certains Etats membres ;

- eu égard aux préoccupations du marché quant au fait que les régimes du service universel constituent une entrave à l'entrée sur le marché, la Commission estime nécessaire une évaluation rigoureuse des coûts nets réels de la fourniture du service universel. Rien ne montre, d'après la Commission, que les tarifs pour la téléphonie vocale appliqués par les opérateurs en place aient été effectivement rééquilibrés. La Commission rappelle que seule la France et l'Italie ont prévu des mécanismes de financement du service universel, notre pays étant le seul dans lequel ce mécanisme ait conduit à des transferts de paiement entre opérateurs ;

- il existe dans l'Union des différences en matière de protection des consommateurs qui proviennent de différences dans la manière dont les Etats membres traitent les intérêts des consommateurs et de différences de traitement selon les services de télécommunications ;

- enfin, la Commission juge que la réglementation actuelle ne traite pas explicitement de questions telles que les régimes spéciaux pour l'accès à l'Internet , ou les sauvegardes à appliquer pour éviter d'éventuelles distorsions de concurrence résultant de l'intégration des services voix/données et des services fixes/mobiles.

2. Le réexamen communautaire du cadre réglementaire des télécommunications

La Commission vient de lancer parallèlement, par une récente communication 14( * ) , la révision des directives relatives aux télécommunications, pour lesquelles elle devrait faire prochainement des propositions de modification, la consultation étant ouverte jusqu'au 15 février 2000.

La Commission considère en effet que le cadre législatif existant a été essentiellement conçu pour gérer la transition vers la concurrence et qu'il était par conséquent centré sur la création d'un marché concurrentiel et sur les droits des nouveaux arrivants. Le nouveau cadre politique devrait viser, quant à lui, à renforcer la concurrence dans tous les segments du marché , particulièrement au niveau local. Dans le prolongement des résultats du débat qu'elle a lancé sur la convergence, la Commission prévoit une approche réglementaire " légère " pour les nouveaux marchés de services, tout en s'assurant que les acteurs dominants du marché n'abusent pas de leur position. La réglementation sectorielle devrait progressivement être limitée à des domaines où la seule concurrence ne permet pas d'atteindre les objectifs fixés.

D'ores et déjà, les principales propositions de la Commission sont les suivantes :

Un cadre réglementaire unique pour les infrastructures de communications et les services associés .

Actuellement, des règles différentes s'appliquent pour les différentes infrastructures de communications et les services associés . Or, la Commission pense que la convergence implique que les mêmes services puissent être fournis en empruntant n'importe quel réseau de transmission : réseau fixe ou mobile, réseau de télécommunication ou de télévision par câble, réseau par satellite ou terrestre). L'existence de cadres réglementaires distincts pour les différentes infrastructures de communications et les services associés serait d'après elle susceptible d'engendrer des incohérences et risquerait de fausser la concurrence.

Le nouveau cadre couvrirait toutes les infrastructures de communications et les services associés , de sorte que des règles équivalentes s'appliqueraient à ces réseaux. En pratique, cela signifie que le nouveau cadre s'appliquerait aux réseaux de télévision par câble et aux réseaux de radiodiffusion terrestres.

Par exemple, les autorités réglementaires nationales appliqueraient les mêmes principes d'octroi de licences (transparence, non discrimination, proportionnalité et objectivité) à tous les types d'infrastructures de communications et de servies associés .

Un enrichissement du service universel ?

" Garantir un accès à un prix abordable à tous les services de communications nécessaires pour participer à la société de l'information reste une priorité fondamentale pour la Commission " est-il affirmé dans la communication précitée. Le cadre réglementaire actuel définit un ensemble de services qui constituent le service universel. Ces services peuvent être financés par des systèmes de financement qui indemnisent le fournisseur du service universel par une contribution de ses concurrents, si les Etats membres jugent que la fourniture du service universel impose une charge inéquitable à l'exploitant désigné pour fournir cet ensemble de services. Actuellement, la France est le seul Etat membre à disposer d'un fond opérationnel pour le financement du service universel. Les Etats membres peuvent imposer des obligations supplémentaires au périmètre défini de service universel, mais ils ne peuvent obliger les exploitants à contribuer à leur financement.

Outre la possibilité de financer l'accès public aux services sur le budget de l'Etat (par exemple pour les écoles et les bibliothèques), les Etats membres garderaient, dans les propositions de la commission, la possibilité de mettre en place les mécanismes de financement du service universel évoqués plus haut. Cependant, la Commission souhaite évaluer soigneusement les types, il existe un risque de distorsion de la concurrence et de subvention croisée inéquitable.

La Commission propose toutefois de maintenir à ce stade la définition et la portée actuelles du service universel, même si elle propose de mettre des critères pour l'extension possible de son champ d'application, ainsi que des mécanismes de réexamen périodique, dans la législation communautaire.

Votre rapporteur estime que ce point devra faire l'objet d'une implication particulière du Gouvernement et du Parlement pour arriver à un élargissement du service universel.


Un renforcement de la concurrence au niveau de la boucle locale

La Commission juge urgent d'agir pour renforcer la concurrence au niveau de la boucle locale -c'est-à-dire entre le canal local et les locaux de l'abonné-. Les exploitants en place continuent, en effet, à dominer le marché de la fourniture de services de communication au niveau local. La possibilité d'utilisation d'infrastructures nouvelles et d'infrastructures de substitution existantes (par exemple les réseaux de télévision par câble ou les boucles locales sans fil) par de nouveaux exploitants de services de communications a théoriquement accru le choix des consommateurs mais, dans de nombreux endroits, ce choix n'existe pas encore.

Observant que les autorités réglementaires nationales de nombreux Etats membres -ce n'est pas encore le cas en France- adoptent des mesures pour que les exploitants en place procèdent au " dégroupage " de leurs réseaux d'accès local afin que des prestataires de services concurrents puissent les utiliser, la Commission se félicite de cette évolution et considère que l'action communautaire ne peut attendre l'adoption de mesures législatives dans ce domaine. La Commission indique qu'elle " fera usage des pouvoirs que lui confèrent les règles du traité en matière de concurrence pour encourager le dégroupage de la boucle locale dans l'ensemble de l'Union européenne " .

Les négociations ne font que commencer, mais votre commission pour avis compte bien être particulièrement attentive à leur déroulement .

3. La situation française

Votre rapporteur pour avis dispose de données fournies, en réponse à ses questions, dans le cadre de la préparation du présent rapport, par l'ART, qui permettent d'évaluer, segment par segment, le dynamisme du marché français des télécommunications.

a) Le marché des infrastructures alternatives

Deux ans après l'ouverture à la concurrence, les principaux offreurs d'infrastructures alternatives au réseau de France Télécom sont les suivants :

- les offreurs , qui disposent de " fibres noires " sur des boucles locales ou métropolitaines (Telcité, FOD ou ADP), sur des axes longue distance (les autoroutiers : Cofiroute, Sanef, ASF, SAPRR, AREA, mais aussi LDCOM, du groupe Louis Dreyfus, qui utilise les voies navigables), ou encore vers l'international (Eurotunnel et Hermès). Les infrastructures de ces sociétés sont estimées, fin 1998, à 6.270 kilomètres d'artères et plus de 230.000 kilomètres fibres, soit 11 % du total de la capacité de France Telecom (2 millions de km/fibres) ;

- les opérateurs : Worldcom, Colt, Télécom Développement (TD), Cégétel, Siris, Belgacom, Kertel, Rslcom, Esprit Télécom notamment, se sont positionnés sur ce segment. Les infrastructures détenues en propre par ces opérateurs représentent environ 8.700 kilomètres d'artères (dont 7.900 pour TD). Ces opérateurs utilisent également les " fibres noires " louées aux sociétés d'infrastructures. Le marché de la location de fibre noire est d'ailleurs évalué à près de 240 millions de francs pour l'année 1998.

b) Le marché des capacités de transmission15( * )

Le marché de la capacité de transmission nationale est fortement dominé par France Télécom. En effet, le chiffre d'affaires total des ventes de capacités alternatives à France Télécom est estimé à près de 200 millions de francs contre une estimation, à fin 1998, pour France Télécom, de 5,3 milliards de francs, soit à peine 4 % de parts de marché.

Les principaux acteurs en 1998 sont Cable and Wireless, Eurotunnel, WorldCom, ADP, et Colt.

Les acheteurs de capacités se répartissent quant à eux entre des acheteurs de boucle locale (Worldcom et Colt) et des acheteurs de longue distance (le secteur bancaire est un secteur très consommateur de bande passante vers l'international). Les grands comptes représentent près de 60 % des ventes de capacités évaluées.

c) Le marché de la téléphonie longue distance et internationale

En 1998, la concurrence a essentiellement portée sur les appels longue distance et internationaux . Sur ce marché, d'un point de vue pratique, on peut identifier deux principaux types de services : les services de sélection du transporteur et les services de cartes téléphoniques.

les services de sélection du transporteur sont accessibles par abonnement, l'utilisateur devant désigner la ligne téléphonique par laquelle il passe ses appels, soit par un préfixe à un chiffre (E) soit par un préfixe à quatre chiffres (16XY).

Fin 1998, les principaux opérateurs sur ce marché étaient Cégétel (le " 7 ") qui comptait 651.000 abonnés, et Omnicom (préfixe 5) avec 70.000 abonnés. Les services commerciaux des autres opérateurs titulaires de E ont en général été ouverts en 1999 : c'est le cas notamment du " 4 " (Télé 2). Fin 1998, les concurrents de France Télécom représentaient 5 % du trafic national longue distance et 6 % du trafic international.

le marché des cartes téléphoniques est composé des cartes prépayées, d'une part, et des cartes accréditives (associées à un compte téléphonique ou bancaire), d'autre part.

Pour les cartes prépayées , on distingue la " télécarte " de France Télécom, utilisable uniquement dans les publiphones et les autres cartes, qui correspondent à un crédit de communication auprès d'un opérateur ou d'un fournisseur.

Par ailleurs, on peut différencier ces cartes prépayées selon leur usage ou leur cible de clientèle : certaines sont vendues par les opérateurs et les entreprises de " call-back " directement auprès des utilisateurs finals, d'autres, à caractère promotionnel, sont proposées à un client intermédiaire qui les utilise pour faire la promotion de ses produits et services ; d'autres, enfin, sont commercialisées par les opérateurs de téléphonie mobile (Mobicarte de France Télécom par exemple ou Nomad de France Télécom).

S'agissant des " cartes accréditives ", elles permettent d'appeler partout, sans limite de crédit, après composition d'un code personnel d'identification, et offrent le plus souvent des services supplémentaires (cartes utilisables comme porte-monnaie électronique ou carte de crédit de la grande distribution).

En dehors de France Télécom, on comptait en France, en 1998, 37 cartes commercialisées par 20 opérateurs.

d) Le marché de la " boucle locale "

Votre rapporteur entend ici le marché de la boucle locale comme celui de la fourniture au client final d'un bouquet de services incluant la fourniture de l'accès et du trafic local et longue distance de téléphone, de trafic d'accès à Internet, et, de plus en plus, la fourniture de services à haut débit.

Les modalités du raccordement des clients sont a priori nombreuses (boucle locale filaire, réseau câblé, réseau de téléphonie mobile, boucle locale radio, liens satellites, liaisons louées), même si toutes ne s'adressent pas à la même cible de clientèle, ni aux mêmes zones et ne sont pas toutes au même niveau de développement.

Les acteurs agissant aujourd'hui sur la boucle locale en France sont principalement :

- des acteurs ayant déployé des réseaux de fibres optiques propre, à destination de gros consommateurs professionnels. Ces réseaux sont en général déployés dans des zones à forte activité ;

- les cablo-opérateurs, au sein desquels on peut distinguer, d'une part, des cablo-opérateurs relativement récents qui ont d'emblée déployé des réseaux permettant d'offrir des services de télécommunications et, d'autre part, des cablo-opérateurs plus anciennement installés, dans l'audiovisuel en général, qui modernisent leur réseau, en vue de les adapter à la fourniture de services de télécommunications. La clientèle visée, composée de résidentiels et de professionnels, est le plus souvent urbaine ;

- les opérateurs mobiles (v.supra). A noter que les offres actuelles ne portent que sur les bas débits.

Pour développer la concurrence sur la boucle locale, l'ART a lancé au cours de l'année 1998 une phase d'expérimentation des technologies de " boucle locale radio ". Les opérateurs peuvent ainsi établir des réseaux expérimentaux raccordant par voie radio des abonnés résidentiels et des entreprises, et tester sur ces réseaux la fourniture de l'ensemble des services de télécommunications, dont la téléphonie fixe et l'accès à Internet. Au total, 23 expérimentations réparties dans toute la France et conduites par 16 sociétés ont ainsi été autorisées.

e) Le marché des services de transmission de données

Ce marché est celui où la concurrence sur le territoire national est la plus ancienne. Les principaux offreurs de service de transmission de données concurrents à France Télécom/Transpac sont Cégétel, Siris et Equant, qui offrent des services de données en national, Worldcom qui a une offre internationale et IBM GS qui offre des services à valeur ajoutée.

Le chiffre d'affaires des concurrents de Transpac s'élève à près de 900 millions de francs à la fin de 1998, parmi lesquels seuls 50 % concernent la transmission de données (le reste étant composé de liaisons louées). Le chiffre d'affaires de Transpac est de 5,9 milliards de francs 1998. La part de marché des concurrents peut donc être estimée à 7 % en 1998. L'activité des concurrents de France Télécom reste centrée sur les entreprises. Le chiffre d'affaires est réalisé en grande partie par les grands comptes (70 % chez Cégétel contre 30% pour les PME) mais tous les acteurs se positionnent désormais sur ce marché des PME.

f) Le marché de l'accès à Internet

Le marché de l'accès à Internet comptait environ 250 fournisseurs d'accès à la mi-1998 . On distingue le marché résidentiel, où l'accès se fait principalement par le réseau téléphonique commuté, à un débit de 28 ou 59 kbits/s, plus marginalement par la câble à des débits nettement plus élevés, et le marché professionnel, où l'accès se fait principalement par le réseau téléphonique commuté, soit par le RNIS 16( * ) , soit par le câble ou par liaison louée.

Sur le marché résidentiel, 4 principaux fournisseurs d'accès (ISP) représentaient en 1998 plus de 80 % du marché :

PARTS DE MARCHÉ DES FOURNISSEURS D'ACCÈS À INTERNET

Wanadoo (France Télécom)

29,5 %

AOL/Compuserve/HOL (Cégétel)

31 %

Club Internet (Lagardère)

14 %

Infonie

8 %

Autres

17,5 %

Source : IDATE

L'apparition fin 1998-début 1999 de formules d'accès à Internet à abonnement gratuit, attractives pour les petits utilisateurs, pourrait modifier sensiblement la structure du marché.

g) La téléphonie mobile

Les chiffres régulièrement communiqués par l'observatoire des mobiles confirment l'envolée spectaculaire de ce marché dans notre pays, qui compte désormais 17 millions d'abonnés, soit 28,5 % de la population.

LE MARCHÉ DES MOBILES AU 31 OCTOBRE 1999

 

Parc de

Croissance nette

 

clients

mensuelle

%

6 derniers mois

%

France TELECOM

 
 
 
 
 

Itinéris-Ola

8 209 800

379 000

4,8%

1 922 400

31 %

Améris (France Caraïbes mobiles)

163 700

10 300

6,7 %

45 700

39 %

Total numérique

8 373 500

389 300

4,9 %

1 968 100

31 %

Radiocom 2000 TDV & mixte

700

-100

-12,5 %

-9000

-56 %

TOTAL

8 374 200

389 200

4,9 %

1 967 200

31 %

CEGETEL

 
 
 
 
 

SFR GSM

6 079 800

295 000

5,1 %

1 349 000

29 %

SRR

97 100

5 500

6,0 %

34 300

55 %

TOTAL

6 176 900

300 500

5,1 %

1 383 300

29 %

BOUYGUES

 
 
 
 
 

Bouygues Télécom

2 553 000

192 100

8,1 %

843 200

49 %

TOTAL numérique

17 103 400

881 900

5,4 %

4 194 600

32 %

Total analogique

700

-100

-12,5 %

-900

-56 %

TOTAL GENERAL

17 104 100

881 800

5,4 %

4 193 700

32 %

Source : Observatoire des mobiles

Les parts de marché se répartissent de la façon suivante : Itinéris 49 % ; SFR 36,1 % ; Bouygues Telecom 14,9 %.

Pour clore ce bilan sur la situation française des télécommunications, votre rapporteur pour avis aimerait formuler deux observations :

Les bienfaits de la concurrence ne font guère de doute, contrairement à ce que voudraient faire croire certains zélotes du statu quo en matière postale ou énergétique. L'ouverture des télécommunications a généré de la croissance, des investissements, de l'emploi. Elle a bénéficié aux entreprises et aux consommateurs en diversifiant l'offre et en baissant les tarifs. Rappelons que le prix du panier des ménages de l'ART, à l'indice 100 en 1996, s'établit en 1999 et celui des entreprises à 78.

L'évolution réglementaire n'est pas aboutie. En particulier, votre rapporteur pour avis souhaite une mise en oeuvre rapide de la promesse gouvernementale du dégroupage partiel de la boucle locale afin de lever les derniers freins au développement de la concurrence.

II. DES MUTATIONS FRANÇAISES À PARACHEVER

A. FRANCE TÉLÉCOM : UNE CROISSANCE FORTE, MAIS UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE ENCORE EN DEVENIR

1. Une activité toujours " tirée " par les mobiles et Internet

Les résultats semestriels publiés par France Télécom en septembre 1999 attestent de la toujours vigoureuse croissance de ses activités et de sa rentabilité :

Le chiffre d'affaires consolidé du groupe atteint, au premier semestre 1998, 12.980 millions d'euros, en hausse de 9,2% par rapport à la même période de 1998 (11.883 millions d'euros). A périmètre et taux de change constants, la croissance s'établit à 7,4 %.

L'" EBITDA 17( * ) " progresse de 10,1 % à 4.907 millions d'euros contre 4.457 millions d'euros sur les six premiers mois de 1998, principalement grâce à l'amélioration sensible de la rentabilité de l'activité mobiles en France.

Le résultat opérationnel s'établit à 2.404 millions d'euros pour le premier semestre 1999, en augmentation de 14,3 % par rapport au premier semestre de 1998 (2.104 millions d'euros).

Le résultat avant impôts, participation et intérêts minoritaires , progresse de 10,1 % à 2.101 millions d'euros contre 1.908 millions d'euros au premier semestre 1998.

Le résultat net consolidé part du Groupe reste stable (+0,2 %) à 1.158 millions d'euros, sous l'effet d'une hausse du taux effectif d'imposition et d'une diminution des plus-values de cessions réalisées.

Pour le téléphone fixe, la transmission de données et Internet :

Après quelques années de baisse du chiffre d'affaires due au rééquilibrage tarifaire engagé fin 1996, l'objectif de stabilisation des revenus de la téléphonie fixe en France est atteint. Par ailleurs, on note une amélioration de la productivité et donc du résultat opérationnel courant -en baisse de 7,4 % à 2.438 millions d'euros-.

Le développement de l'Internet et des nouveaux usages compense le ralentissement de la croissance de l'activité liée à la téléphonie fixe traditionnelle. Le trafic de l'Internet permet plus de 40 % de la croissance du trafic téléphonique global au cours du premier semestre 1999.

Le service d'accès à Internet Wanadoo compte 768.000 abonnés à fin juin 1999, en progression de 55 % en six mois. Ce succès confirme la place de leader de France Télécom, avec près de 37 % du marché français des fournisseurs d'accès Internet. En termes d'audience, Wanadoo et Voilà sont en tête des portails de langue française, avec plus de quatre millions de pages vues par jour.

Au premier semestre 1999, le nombre de liaisons louées haut et moyen débit progresse de 42 %. Dans le même temps, le volume de transmission de données Internet a été multiplié par trois.

Votre rapporteur se félicite de l'engagement de l'opérateur historique dans l'Internet, qui constitue un levier puissant pour le rattrapage du retard français en la matière.

Pour la téléphonie mobile :

Soutenu par la forte croissance du parc d'abonnés, le chiffre d'affaires d'Itinéris progresse de 43,4 % à 2.337 millions d'euros. L'augmentation de la rentabilité est très nette : le résultat opérationnel courant atteint 374 millions d'euros contre 70 millions d'euros un an auparavant, soit une progression de 432 %.

En deux ans, le nombre de clients Itinéris a ainsi été multiplié par plus de 3,5. Par ailleurs, la mise en place d'un programme efficace de fidélisation des clients a permis de réduire d'un sixième le taux de résiliation d'un semestre à l'autre, et ce malgré le développement des cartes prépayées.

Au-delà de ce palmarès, votre rapporteur pour avis s'inquiète de la dégradation du climat social au sein de l'entreprise dont les personnels ont, rappelons-le, conservé un statut de fonctionnaires .

2. L'international : un passage à la vitesse supérieure ?

Loin de votre rapporteur pour avis l'idée de nier les progrès à accomplir pour le développement européen de France Télécom !

En effet, le chiffre d'affaires international représente désormais 10,4 % de celui du groupe.

Le nombre d'abonnés (fixes, mobiles et Internet) à France Télécom est en croissance de 263 % en Europe (220.000) entre 98 et 99.

Outre les récents rachats ou prises de participation évoqués (E-Plus en Allemagne et NTL en Grande-Bretagne), l'opérateur est en effet déjà présent en Belgique (Robistar), en Suisse (Multilink), en Italie (Wind), en Grèce (Panafon), en Espagne (Uni 2), au Portugal (Optimus), aux Pays-Bas (Casema, Delft Dutehtone et réseaux câblés de La Haye), en Norvège (Eltele) et en Suède et Finlande via Global One. France Télécom détient également une part significative de Telecom Argentina.

Toutefois, la rupture avec Deutsche Telekom a bel et bien laissé l'opérateur orphelin d'une véritable stratégie internationale. Outre le sérieux handicap -en voie d'être comblé par le rachat d'E-Plus- de la non présence sur le marché allemand, c'est toute la stratégie extérieure qui s'est trouvée fragilisée.

Dans le contexte actuel de fusions-acquisitions, et compte-tenu des survalorisations boursières des sociétés du secteur, les marges de manoeuvre de France Télécom pour financer son développement international ne sont pas infinies. Outre les ressources propres de l'opérateur, les recettes de la vente éventuelle de la participation détenue dans Deutsche Telekom, l'opérateur peut théoriquement compter, le cas échéant, sur la marge qui existe entre la participation actuelle de l'Etat (62 %) et la part qu'il doit conserver au capital (plus de la moitié) en vertu de la loi.

La particularité de l'entreprise nationale, souhaitée en 1996 par votre Haute Assemblée en raison de ses missions de service public (entreprise possédée aux deux tiers de l'Etat et composée majoritairement de fonctionnaires) n'a pour l'instant pas été un handicap à son développement. Votre commission pour avis est toutefois attentive, dans le contexte actuel, à cet aspect de la question.

B. LE SERVICE UNIVERSEL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS : DEUX LACUNES REGRETTABLES

1. L'annuaire universel toujours aux abonnés absents !

La loi de réglementation des télécommunications avait prévu, en contrepartie de l'ouverture à la concurrence, l'élaboration d'un annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés , quel que soit le réseau de télécommunications qu'ils ont choisi. Cet annuaire universel est une composante essentielle du service universel des télécommunications. Compte tenu du caractère commercialement stratégique des informations qu'elle contient, la liste de l'ensemble des abonnés servant à établir cet annuaire devait être, en vertu de la loi, gérée par un organisme indépendant. Un décret était prévu pour déterminer, notamment, le statut de cet organisme et les modalités de gestion de cette liste. Il n'est toujours pas paru .

L'actuelle difficulté, qui en découle, à obtenir, faute d'annuaire exhaustif, les coordonnées des abonnés des autres réseaux, est contraire aux principes de simplicité et d'accessibilité du service public des télécommunications, pourtant inscrits dans la loi. Les abonnés des opérateurs de téléphonie mobile sont aujourd'hui les premiers concernés par la création d'un tel annuaire.

Votre rapporteur pour avis a déjà exprimé son désaccord face à cette situation et a interpellé le Gouvernement sur ce sujet, notamment lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1999, ainsi qu'au moyen d'une question écrite. Aucun calendrier précis d'élaboration du décret concerné ne lui a toutefois été fourni à ces occasions, non plus qu'en réponse à la question posée lors de la préparation du présent rapport. Les enjeux économiques liés à la consolidation de la liste de tous les abonnés, expliqueraient-ils, au-delà des seuls aspects techniques, le retard pris ?

On ne peut que déplorer que la volonté du législateur ne se soit toujours pas concrétisée, trois ans après le vote de la loi. Or, tout se passe comme si le Gouvernement ignorait qu'il dispose de moyens juridiques pour mettre fin à cette situation !


Le dispositif législatif actuel distingue deux fonctions : une fonction de gestion de la liste universelle, sur la base des listes de leurs abonnés fournies par les opérateurs, confiée à un organisme indépendant ; une fonction d'édition de l'annuaire universel sous forme imprimée et électronique, confiée à France Télécom.

La loi de 1996 avait conçu cette première fonction de constitution d'un fichier universel comme un monopole confié à un organisme indépendant, charge à ce dernier de céder sa liste aux éditeurs d'annuaires à un prix équilibrant ses coûts. Or, la directive n° 98/10 18( * ) a imposé aux opérateurs l'obligation de céder leur liste d'abonnés à un tarif fondé sur les coûts à toute personne qui en fait la demande, aux fins d'édition d'annuaires universel, faisant du même coup tomber le postulat monopolistique sur lequel reposait le système français . Dans ce contexte, il est avancé par l'administration que l'organisme indépendant chargé de la constitution de la liste universelle ne pourrait, dans des conditions acceptables par tous les opérateurs, tirer suffisamment de revenus de cette activité pour assurer son seul fonctionnement. Il ne serait donc en mesure d'exercer convenablement cette activité qu'en recourant à des fonds publics, hypothèse qui aurait pour effet de peser sur l'équilibre du budget de l'Etat et qui semble donc écartée par le Gouvernement. Cette situation expliquerait le retard pris dans la progression de ce dossier, notamment pour ce qui concerne la première étape, c'est-à-dire la publication du décret d'application des dispositions législatives.

Soit ! Mais qu'attend-on pour mettre en place un mécanisme alternatif permettant l'élaboration de l'annuaire universel ?

L'Autorité de régulation des télécommunications, dans son dernier rapport annuel, a souligné la nécessité de parvenir rapidement à une solution respectant les principes suivants :

- garantir, au nom du service public, la mise à disposition d'un annuaire universel, regroupant l'ensemble des abonnés à l'exception de ceux qui ne souhaitent pas y figurer ;

- assurer une concurrence loyale sur le marché des annuaires ;

- offrir une égalité de traitement aux abonnés de tous les opérateurs ;

- constituer une solution aussi simple et efficace que possible ;

- définir clairement les modalités de valorisation de la liste universelle et de son utilisation à des fins commerciales.

La Commission supérieure du service public des postes et télécommunications a, quant à elle, rendu , le 30 juin dernier, un avis sur différentes solutions envisageables pour la mise en place de l'annuaire universel, dans lequel elle suggère de résoudre cette question au moyen d'une modification de l'article L.35-4 du code des postes et télécommunications, à l'occasion de la transposition, par voie législative, de la directive précitée 98/10/CE " ONP Téléphonie vocale ", ce qui ne permet pas d'envisager la mise en place de l'annuaire universel dans un délai rapproché, même si la CSSPPT appelle de ses voeux cette transposition avant la fin de l'année 1999.

On ne peut que regretter que le Gouvernement n'ait encore pris aucune initiative pour sortir de l'impasse actuelle, alors que c'est l'accessibilité du service public des télécommunications qui est en cause. La réponse écrite de l'administration à votre rapporteur est on ne peut plus évasive : " Cette transposition " (de la directive précitée) " qui requiert une modification législative, sera effectuée dès que possible ".

2. Des tarifs " sociaux " qui n'existent qu'en théorie

La loi précitée du 26 juillet 1996 a prévu la mise en place de tarifs téléphoniques spécifiques pour certaines catégories de personnes rencontrant des difficultés dans l'accès au service téléphonique en raison notamment de leur niveau de revenu de leur handicap.

Le décret nécessaire à leur mise en oeuvre est enfin paru, en mars dernier 19( * ) .

Le dispositif proposé n'a cependant pas reçu d'application, le ministre ayant indiqué que l'entrée en vigueur effective dépendait dorénavant de la capacité des services de la branche famille de la sécurité sociale à le mettre en oeuvre.

Ce retard est lui aussi regrettable.

C. COLLECTIVITÉS LOCALES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS : DEUX AVANCÉES NÉCESSAIRES

1. Le produit de la taxe professionnelle de France Télécom : le Gouvernement tiendra-t-il ses engagements ?

Alors que votre commission pour avis demande depuis plusieurs années que la taxe professionnelle de France Télécom soit versée aux collectivités locales et non à l'Etat, le débat budgétaire de l'an dernier a permis au Sénat d'obtenir du Gouvernement l'assurance que le projet de loi de finances pour 2000 serait l'occasion d'envisager ce transfert conforme à la décentralisation et à l'autonomie des collectivités locales. Le système actuel, hérité de la loi du 2 juillet 1990 sur l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, est manifestement inadapté à l'existence d'un secteur désormais libéralisé et pourrait même entraîner des distorsions de concurrence défavorables à l'opérateur.

Rappelons que le montant en jeu s'élève à près de 6 milliards de francs en 1998 (5,604 milliards, soit le deuxième impôt payé par France Télécom après la TVA -16,7 milliards- et avant l'IS -3,6 milliards-).

Signalons aussi, au passage, que l'Etat, actionnaire à 62 % de France Télécom, a touché en 1999, 4,2 milliards de francs de dividendes au titre de l'exercice 1998, l'Assemblée générale des actionnaires ayant fixé le dividende à un euro par action.

Divers systèmes ont été proposés par le Sénat :

- effectuer un transfert pur et simple au bénéfice des collectivités d'implantation ;

- affecter le produit de cette taxe pour moitié aux collectivités d'implantation des établissements de l'opérateur et pour moitié à la péréquation nationale de la taxe professionnelle ;

- affecter une partie de ce produit à un fonds géré paritairement entre l'Etat et les élus, permettant de compenser le surcoût occasionné à La Poste par sa contribution à l'aménagement du territoire.

Votre commission pour avis attend toujours la réponse du Gouvernement. Elle observe que le groupe de travail France-Télécom/ministère de l'économie et des finances censé recenser et actualiser l'assiette de cette taxe n'a été mis en place que très tardivement.

La question reste posée : le Gouvernement respectera-t-il son engagement ? Rien n'engage, hélas, à le penser...

2. Collectivités locales et fibres noires : une liberté en trompe-l'oeil ?

Dans une optique de rationalisation de la gestion locale, mais aussi d'aménagement du territoire et de développement économique, les collectivités territoriales ont parfois déployé leurs propres infrastructures de télécommunications.

Les exemples abondent, qu'il s'agisse de la ville de Besançon, du district du grand Toulouse, de la Communauté urbaine du Grand Nancy et de divers projets en cours ou à l'étude (communauté urbaine de Lyon ; syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de télécommunications, SIPPEREC).

Des expériences similaires -et souvent plus poussées- existent d'ailleurs dans les autres pays européens.

C'est ainsi qu'en Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves, ou en Allemagne, des collectivités territoriales peuvent soit disposer de réseaux de " fibre noire " -c'est-à-dire inactivée- qui sont loués à une grande diversité d'opérateurs (24 pour le seul réseau métropolitain " fibre noire " de Stockholm par exemple), soit jouer un rôle direct dans l'offre de services de télécommunications (licences d'opérateurs des villes de Cologne ou de Düsseldorf).

Les expériences françaises actuelles sont moins abouties puisque les collectivités concernées n'envisagent pas d'exercer elles-mêmes les fonctions d'opérateur, mais bien de louer leurs infrastructures à des intervenants du secteur des télécommunications.

Or, un arrêt du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 1999 20( * ) a remis en cause la légalité de telles interventions et placé les collectivités dans une incertitude juridique difficilement compatible avec le montant des investissements et le caractère stratégique territorialement de tels projets.

Soulignons qu'avant même que n'intervienne cette décision de justice, tant le Conseil de la concurrence que la Commission européenne avaient jugé compatibles avec le droit de la concurrence -et même bénéfiques s'agissant de l'ouverture de la boucle locale- de telles interventions des collectivités.

Le premier ministre en approuvait quant à lui le principe, au cours d'une conférence de presse le 19 janvier 1999. L'ART y était favorable.

Pour lever cette incertitude juridique, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, a adopté, lors de la discussion du projet de loi d'aménagement et de développement du territoire, sur proposition de votre rapporteur pour avis, un amendement clarifiant le cadre d'intervention des collectivités pour la location de leurs infrastructures de " fibre noire ".

Hélas, le Gouvernement, pour des motifs inavoués -jacobinisme excessif ou refus de l'actionnaire majoritaire de l'opérateur dominant de la boucle locale de voir s'y installer la concurrence ?-, suivi par l'Assemblée nationale , ont refusé de s'engager dans la voie tracée par le Sénat. Le texte finalement adopté, le nouvel article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales, a été accueilli par la presse et les acteurs du secteur comme un mauvais coup porté au développement de la concurrence et à la liberté d'administration des collectivités territoriales .

En outre, d'après votre rapporteur, confirmé en cela par plusieurs juristes ayant analysé le texte, l'incertitude juridique est, malgré l'adoption de cet article, très loin d'être levée, comme incite à le penser l'article suivant :

LE NOUVEL ARTICLE L.1511-6 : UN " NID À CONTENTIEUX " POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ?

" La rédaction (...) comporte une condition restrictive qui porte en elle bien des motifs de risques contentieux . Elle subordonne en effet le don de réaliser des infrastructures de réseaux de télécommunications à la condition " que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit (...) n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité ces [ces collectivités ou établissements] attendent ".

Ces termes semblent contenir bien des ambiguïtés. Tout d'abord, la notion de " prix abordable " appellera une définition jurisprudentielle car elle ne répond à aucune mesure objective et quantifiable (...).

La procédure de publicité est également susceptible d'être source de contentieux dès lors qu'elle n'est pas définie que d'une manière générale. Quel type de publicité ? Auprès de quels acteurs du marché ? Pour déterminer quels types de besoins ? Autant de questions auxquelles les collectivités devront répondre avant de lancer une procédure. Le formalisme ici n'est pas défini comme dans la loi Sapin sur les délégations de service public. Au surplus, l'article L.1511-6 nouveau instaure une obligation de publicité mais non de mise en concurrence. Dans l'attente d'une possible circulaire (purement indicative depuis les lois de décentralisation), les collectivités qui souhaiteraient disposer d'un réseau à haut débit, notamment en vue de favoriser la concurrence sur la boucle locale, devront s'entourer d'un maximum de précautions en procédant à la publication d'un avis d'appel public " à propositions ", sur la base d'un cahier des charges techniques assez précis ".

Source : Article de MM. François Essig et Philippe Delelis, du cabinet Deloitte & Touch, paru dans " Les échos " du 15 novembre 1999.


Votre commission pour avis regrette que les collectivités ne disposent toujours pas de la sécurité juridique indispensable à la gestion locale. Elle regrette que l'actuelle majorité n'ait pas voulu faire confiance aux collectivités !

CHAPITRE IV -

LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION : VERS UN RATTRAPAGE FRANÇAIS

I. LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION : 20 % DE LA CROISSANCE FRANÇAISE ET BIENTÔT 10 MILLIONS D'INTERNAUTES

Le ministère de l'économie a annoncé, lors de la présentation, mi-octobre, de la deuxième édition du " tableau de bord de l'innovation ", que les nouvelles technologies de l'information assuraient désormais 20% de la croissance française.

Parallèlement, l'objectif des 10 millions d'abonnés à Internet en France à la fin 2000 apparaît de plus en plus réaliste, ce qui atteste du rythme fulgurant de l'augmentation du taux de pénétration de ce service ; les différentes études chiffrent actuellement entre 4 et 8 millions 21( * ) le nombre actuel d'Internautes dans notre pays.

Le groupe de travail " chiffres, tendances et perspectives " de la mission " commerce électronique ", mise en place par le ministère, a dressé un bilan chiffré de la pénétration de ces technologies, qu'il faut toutefois considérer comme donnant des ordres de grandeur davantage que des chiffres exacts, tant sont délicats le recueil et surtout la comparaison dans le temps et dans l'espace de ces données, compte-tenu notamment de différences de définitions et de méthodes.

Les évolutions dégagées sont les suivantes :

L'équipement informatique progresse

La part des ménages équipés d'un micro-ordinateur a progressé : de 18,5 % en 1997, elle est passée à 26 % en 1999 , contre 38 % en Allemagne et 29 % au Royaume-Uni.

La proportion de PME connectées à Internet croît très vite : de 2 % en 1994, elle est passée à 24 ù en 1997 et 48 % en 1998.

La croissance des accès à Internet est vive, mais reste insuffisante pour combler totalement le retard français

Le nombre d'internautes en France est ainsi passé de 400.000 en 1996 à environ 3,5 à 4,5 millions début 1999 (d'après une synthèse d'estimations).

Malgré cette croissance, la France demeurerait pourtant en recul sur ce point par rapport aux autres pays développés :

NOMBRE D'INTERNAUTES PAR PAYS

Pays

Date

Nombre
(en millions)

En pourcentage de la population adulte

Source

Allemagne

Oct 98

7,3

8,7

GFK

Canada

Nov 98

6,3

26,0

ComQuest

Etats-Unis

Déc 98

47

24,0

eStats

France

Fin 98

3,5 à 4

7,6

Synthèse d'estimations

Japon

Mars 98

12,1

9,6

Nikkeibp

Royaume-Uni

Oct 98

7,5

16,0

BMRB

La France reste en décalage par rapport à la vive croissance mondiale du commerce électronique.

Toujours d'après la même source, le commerce électronique représenterait environ 520 milliards de francs de chiffres d'affaires mondial en 1999 (dont 400 pour le commerce inter-entreprises). Les prévisions pour 2000 mettent ce chiffre d'affaires autour de 1.100 milliards de francs, dont 800 milliards entre entreprises.

La France resterait toutefois à la traîne en la matière, comme le montre le tableau ci-après :

ESTIMATION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DES ACHATS SUR INTERNET
(HORS EDI) 22( * )

(en milliards de francs)

 

France

Allemagne

Royaume-Uni

Etats-Unis

Résidentiel

0,5

0,8

3,7

32

Entre entreprises

2

3-4

nd

100

Source : Synthèse d'estimations

En revanche, d'après l'AFTEL 23( * ) , environ 6 à 8 milliards de francs d'achats transiteraient encore en France annuellement sur le Minitel.

II. L'ANNONCE DU PROJET DE LOI " SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION "

Le premier ministre a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi sur la société de l'information.

Votre rapporteur pour avis estime qu'en matière de société de l'information, un certain nombre de points de droit demeurent aujourd'hui encore non résolus. Il s'agit :

- des voies et moyens du " contrôle " des contenus, depuis la censure par le Conseil Constitutionnel d'un amendement du Gouvernement et de votre Commission à la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996.


- de la question, qui lui est liée, de la responsabilité pénale des fournisseurs d'accès , pour laquelle votre rapporteur pour avis a d'ailleurs posé une question d'actualité au Gouvernement le dernier 24( * ) .

Certes, les débats en cours sur le projet de loi relatif à l'audiovisuel pourraient permettre d'entrevoir une solution, si l'amendement parlementaire relatif à cette question est définitivement adopté. Votre commission pour avis sera particulièrement attentive à ce débat.

D'après la consultation lancée sur Internet par le Gouvernement, les grandes orientations du projet de loi à venir seraient les suivantes :

LES GRANDES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI " SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION "

Assurer la liberté des communications en ligne en clarifiant les droits et libertés de chacun :

- clarifier les responsabilités des intermédiaires techniques (opérateurs de transport, de " cache " et d'hébergement) ;

- assurer la régulation des contenus par la mise en place d'un organisme et la labellisation des sites ;

- adapter le régime de la propriété intellectuelle ;

- clarifier la gestion des noms de domaines ;

- veiller à la protection des données personnelles.

Favoriser l'accès du plus grand nombre à la société de l'information :

- favoriser l'accès à Internet par une baisse des tarifs, l'introduction de nouveaux moyens d'accès (dégroupage) et une extension du contenu du service universel des télécommunications ;

- développer l'accès à Internet à haut débit ;

- adapter le cadre réglementaire des services de télécommunications (transposition de directives) ;

- garantir un accès aux décodeurs à des conditions équitables et non discriminatoires ;

- harmoniser les régimes juridiques des réseaux câblés et des réseaux de télécommunications ;

- préparer le développement de la télévision numérique terrestre ;

- permettre le développement des systèmes à satellites.

Veiller à la sécurité et à la loyauté des transactions en ligne :

- protéger les consommateurs dans les transactions électroniques ;

- assurer la transparence des réseaux (identification des parties) ;

- reconnaître la valeur probante de la signature électronique ;

- instaurer la liberté d'utilisation des moyens de cryptologie ;

- lutter contre la criminalité, la piraterie et protéger les réseaux vitaux du pays.

*

* *

Suivant les conclusions de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux technologies de l'information et à la poste dans le projet de loi de finances pour 2000.

ANNEXE -

AUDITIONS DE LA COMMISSION SUR LES MUTATIONS DU SECTEUR POSTAL EN EUROPE

Votre commission a procédé, en commun avec le groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des télécommunications qui lui est rattaché, présidé par notre collègue Gérard Larcher, à trois auditions qui ont montré le décalage entre le rythme d'évolution de la Poste et celui de ses concurrents européens, résolument offensives.

I. AUDITION DU PRÉSIDENT ET DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POSTE LE 27 JANVIER 1999

La commission, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, a procédé à l'audition de M. Claude Bourmaud, président de La Poste, et de M. Martin Vial, directeur général, sur la stratégie internationale de La Poste et sur son engagement en faveur de l'aménagement du territoire.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a tout d'abord rappelé les résultats de l'exercice 1998, avec un développement de l'activité courrier, dont le chiffre d'affaires, d'un montant de 60 milliards de francs, a progressé de 2,6 %. Il a souligné que le contrat de plan signé en juin 1998 prévoyait une baisse en francs constants des tarifs pour ce secteur d'activité, à la satisfaction des grands clients de l'opérateur.

Dans le secteur des colis, activité très concurrentielle, le groupe a connu en 1998 une progression globale d'activité de 7 % et de 25 % sur le segment de marché, très concurrentiel, dit " entreprise à entreprise ". Il a estimé que ces résultats montraient la pertinence de la restructuration de cette activité et de la segmentation de l'offre.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a souligné qu'en 1998 les services financiers de La Poste avaient collecté près de 38 milliards de francs, le total des encours se rapprochant de 1.080 milliards de francs, contre seulement 587 milliards en 1991.

Rappelant la contribution des filiales au dynamisme du groupe, avec une croissance de 13,6 % du chiffre d'affaires de Sofipost, il a indiqué que le chiffre d'affaires total du groupe avait augmenté de près de 3 milliards de francs, soit une croissance globale de 3 %.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a estimé qu'en 1998 l'opérateur avait renforcé sa puissance dans deux domaines : les assurances, avec l'augmentation de la participation au capital de la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) et les nouvelles technologies, avec un récent partenariat avec Sagem.

Abordant le contrat d'objectifs et de progrès signé le 25 juin 1998 avec l'Etat, le président a estimé que, pour la première fois, La Poste était reconnue comme une entreprise intervenant dans un marché concurrentiel, ainsi que le montrent les dispositions du contrat de plan relatives au tarif du courrier, à la prise en charge de l'accroissement de la charge de retraites par l'Etat, à la rémunération à hauteur de 1,5 % de la collecte des fonds des livrets A, à la délégation progressive à La Poste de la gestion des dépôts des chèques courants postaux auparavant centralisés auprès du Trésor, à l'encouragement à l'internationalisation et à l'utilisation des nouvelles technologies, ainsi, enfin, qu'au nouveau cadre de concertation territoriale pour envisager l'évolution de la présence postale territoriale.

Evoquant le plan stratégique pour la période 1998-2002 présenté à son conseil d'administration du 17 décembre dernier, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a indiqué qu'il fixait des objectifs de croissance très ambitieux, parmi lesquels un doublement, de 5 % à 10 %, de la part de chiffre d'affaire réalisée à l'international, y compris pour l'activité colis. Ce plan stratégique fixe pour l'activité financière l'objectif d'atteindre les 1.400 milliards de francs d'encours en 2002, contre 1.080 milliards actuellement. Il a également précisé que La Poste ambitionnait de devenir un des premiers groupes français d'intégration de services et d'être à même, par une synthèse des savoir-faire du groupe, de répondre à de vastes appels d'offres, à l'image du recensement décennal de l'INSEE, marché de 200 millions de francs que La Poste a, avec différents partenaires, remporté.

Il a précisé que l'application de la loi sur l'amélioration et la réduction du temps de travail faisait actuellement l'objet d'une négociation entre le directeur général et les organisations syndicales s'inscrivant dans une démarche de réorganisation visant à mieux répondre aux besoins des différentes clientèles, et s'inspirant d'une analyse comparative de l'organisation et de la compétitivité des concurrents européens de La Poste. Il a relevé que cette négociation, dont le terme approchait, permettrait vraisemblablement de compenser, pour les années 1999 et 2000, les 20.000 départs naturels par 18.200 recrutements et par la création de 1.800 postes supplémentaires.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a indiqué qu'il fallait répondre " à armes égales " aux concurrents européens de plus en plus pugnaces, qui avaient récemment renforcé leurs positions en Europe dans les secteurs de la distribution de paquets, de la logistique, voire de la distribution des lettres. Il a insisté sur l'accélération, depuis le mois de juin dernier, de la recomposition de l'environnement postal européen. Il a souligné que la Poste hollandaise (société anonyme à capitaux publics détenus à 43 % par l'Etat et récemment introduite en bourse à Londres, New-York, Amsterdam et Francfort), qui a racheté, il y a trois ans, l'intégrateur australien TNT, a, en outre, récemment acquis, pour 2 milliards de francs, l'entreprise lyonnaise Jet Services, après avoir montré, par le rachat de la société milanaise Rinaldi, son intérêt pour la distribution du courrier en Europe. Il a décrit la stratégie de l'opérateur postal allemand qui, outre une participation de 25 % au capital de la société de messagerie express DHL, avait récemment acquis la société anglaise de logistique Securicor, le suisse Danzas, une petite société italienne de transport de colis, ainsi que le français Ducros. Quant à la poste britannique, il a indiqué que le Gouvernement, s'il avait affirmé sa volonté de ne pas en changer le statut, avait toutefois mis à disposition de son président une enveloppe de 10 milliards de francs consacrée aux acquisitions d'entreprises. La société allemande German Parcel -qui dispose d'une participation indirecte au capital d'Exapaq, concurrent français de La Poste pour les colis- vient d'ailleurs, a-t-il poursuivi, de passer sous le contrôle de Post Office.

Face à ces offensives, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a estimé que la transposition en droit français de la directive européenne du 15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires devait intervenir rapidement et que l'opérateur français devait dès aujourd'hui se préparer à la deuxième phase probable de libéralisation, fixée par cette directive à 2003. Il a jugé indispensable que l'offre de services de La Poste soit adaptée afin d'être aussi large et compétitive, en termes tarifaires et de fiabilité, que celle de ses concurrentes, désormais de taille mondiale.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a encore précisé que La Poste cherchait à nouer des accords avec certains partenaires postaux européens. S'agissant de l'acquisition de sociétés étrangères, il a indiqué que La Poste avait récemment acheté la société allemande Denkhaus, ce qui lui donnait accès à 21 % du marché du monocolis d'entreprise à entreprise en Allemagne.

Le président de La Poste a dressé un tableau du marché du transport express du monocolis d'entreprise à entreprise en Europe : l'allemand DPAG représente ainsi 25 milliards de francs de chiffre d'affaires ; le néerlandais TNT, 17 milliards de francs ; l'américain UPS, 9,5 milliards de francs ; DPD, 7 milliards de francs ; La Poste, 4,5 milliards de francs et l'américain Federal Express, 2,7 milliards de francs. Il a estimé que ces chiffres montraient la nécessité, pour La Poste, d'atteindre une taille critique sur ce marché.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a jugé qu'une alliance capitalistique avec un grand opérateur offrirait un débouché mondial souhaité par les clients de La Poste. Il a précisé que les acquisitions effectuées depuis l'été dernier par les postes européennes avaient mobilisé des sommes considérables : la poste allemande y avait consacré 30 milliards de francs sur un chiffre d'affaires de 90 milliards ; la poste néerlandaise avait acheté 24 sociétés pour un montant total de 15 milliards de francs ; la poste anglaise disposant, quant à elle, d'une enveloppe de 10 milliards de francs pour sa croissance externe. Il a indiqué que la stratégie française ne reposait pas sur une politique d'achats massifs, mais plutôt sur la conclusion de partenariats et d'alliances capitalistiques.

M. Jean François-Poncet, président, a considéré que l'exposé du président de La Poste avait mis en lumière l'accélération des mutations du paysage postal européen, qui devenait de plus en plus concurrentiel.

M. Gérard Larcher, président du groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, soulignant l'isolement français face à la constitution de vastes alliances internationales, a demandé au président de La Poste si l'absence de capital n'était pas pour l'opérateur le principal handicap à la conclusion d'une alliance crédible avec les deux grands acteurs du transport express non encore engagés avec des concurrents de La Poste : UPS et Federal Express. Il a exprimé ses craintes de voir s'installer une stratégie de " contournement " de la France par les opérateurs mondiaux en cours de constitution.


Il a souhaité connaître le coût du passage aux 35 heures à La Poste, citant une fourchette approximative de 3 à 5 milliards de francs. Il s'est interrogé sur l'exclusion de La Poste du bénéfice des aides versées par l'Etat pour la réduction de la durée hebdomadaire du travail, soulignant que d'autres entreprises publiques, dont France Télécom, n'en étaient pas exclues.

Rappelant que le rapport d'information qu'il avait présenté au nom de la commission et du groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des Télécommunications avait chiffré le coût considérable des missions d'aménagement du territoire supportées par La Poste, M. Gérard Larcher a interrogé le président de La Poste sur l'évolution du réseau postal face à la triple nécessité de rester présent, de maîtriser les coûts et d'apporter un supplément de services, alors que le contrat de plan ne prévoit que des moyens limités pour faire face à cette question.

Estimant que le contrat de plan n'avait permis de régler que provisoirement la question de l'accroissement du coût des retraites, il a demandé au président de La Poste comment l'opérateur mettrait à profit les cinq années couvertes par ce contrat pour dégager une solution définitive.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a répondu que, dans le contexte actuel de frénésie d'achat qui avait saisi l'Europe, il convenait de " garder la tête froide ". Il a souligné que la volonté d'acquérir des parts de marché avait conduit certains opérateurs à surpayer les sociétés rachetées, sans que la rentabilité de ces investissements soit évidente. Il a admis que La Poste était actuellement confrontée au problème du financement de la stratégie internationale qu'elle souhaitait mettre en place, tout en affirmant qu'il était possible de mener à bien cette stratégie avec un budget d'investissement nettement plus modeste que celui dont disposent certains concurrents. Il a insisté sur l'importance de la prise de position récente de La Poste en Allemagne, qui mettait l'opérateur dans une situation plus favorable pour aborder les négociations avec d'éventuels partenaires stratégiques. Il a précisé que la stratégie internationale de La Poste serait formalisée, à cet égard, à la fin du premier semestre 1999.

S'agissant de la forme juridique de La Poste, et des éventuels problèmes posés par l'absence de capital, le président de La Poste a estimé que ces questions relevaient de décisions politiques qui ne ressortaient pas à son domaine de compétence. Citant les chiffres considérables de la capitalisation boursière de certaines sociétés susceptibles de s'allier avec La Poste, il en a conclu qu'il serait certainement plus réaliste d'envisager, le cas échéant, un échange de participations croisées plutôt qu'un rachat pur et simple d'une partie du capital, compte tenu du coût de cette dernière option.

M. Martin Vial, directeur général de La Poste, a souligné que la forme juridique des filiales de La Poste, détenues à 100 % par la maison mère, permettait d'envisager de créer des liens capitalistiques -d'ailleurs plus vraisemblablement au moyen de la constitution de filiales communes- avec des partenaires étrangers.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a rappelé les progrès accomplis pour désendetter La Poste, et l'existence d'une marge brute d'autofinancement l'autorisant à envisager sereinement d'investir.

Le président de La Poste a insisté sur l'importance stratégique de la période actuelle, estimant qu'en matière d'alliances, le paysage international devrait être constitué au plus tard d'ici à la fin 1999.

En ce qui concerne la durée du travail, M. Martin Vial, directeur général de La Poste, a précisé qu'un accord cadre national était en cours de négociation avec les organisations syndicales (soixante expérimentations ayant eu lieu) et que des études avaient été réalisées sur la durée réelle du travail à La Poste et sur le positionnement de l'opérateur par rapport à ses concurrents en termes d'organisation et de coûts.

Rappelant les chiffres cités par M. Claude Bourmaud, président de La Poste, en termes de recrutement pour les deux prochaines années, il a souligné qu'il s'agirait d'emplois permanents, qui permettraient de réduire le nombre d'emplois précaires. Il a indiqué que la réduction du temps de travail s'accompagnerait d'une réorganisation des services permettant le redéploiement de 30.000 emplois, afin que deux tiers des postiers soient, en 2002, au contact du public. Il a précisé que les négociations en cours devraient aboutir au respect de l'équilibre économique de La Poste en liant l'augmentation de la masse salariale à la croissance de l'activité et qu'elles amélioreraient la qualité du service rendu en accroissant notamment la disponibilité des bureaux de poste pour les entreprises en fin d'après-midi, en réduisant les temps d'attente aux guichets et en améliorant, enfin, la distribution postale le samedi. A cet égard, il a souligné que la France était un des seuls pays européens à assurer la distribution du courrier six jours par semaine en tous points de son territoire.

S'agissant du coût du passage aux 35 heures, en réponse à une question renouvelée de M. Gérard Larcher, président du groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a estimé que le chiffre de 3 milliards, avancé par certains journalistes, relevait d'une approche purement arithmétique fondée sur l'hypothèse de la création de 30.000 emplois nouveaux, hypothèse dont la réalisation n'était pas envisagée.

Revenant à la question de l'aménagement du territoire, le président de La Poste a rappelé le contexte actuel d'harmonisation du marché postal européen, qui se poursuivrait vraisemblablement après 2003. Il a jugé indispensable que la compétitivité de La Poste soit améliorée, estimant que cette dernière souffrait, dans la formation de ses coûts, d'un handicap de compétitivité qu'il a chiffré à environ 50 centimes, pour un timbre à 3 francs, par rapport à ses concurrentes.

Il a souligné l'importance de la question du financement des missions de service public -auxquelles il a rappelé son vif attachement- assurées par La Poste, alors que partout en Europe les opérateurs rétrécissent leur réseau domestique : avec seulement 35.000 kilomètres carrés de surface en Hollande, l'opérateur postal a fermé ou " franchisé " certains points de contact ; au Royaume-Uni, l'opérateur ne gère directement plus que 600 établissements, tandis qu'en Espagne, le réseau postal est passé de 1.600 à 1.400 points de contact l'an dernier. En France, on recense 17.000 points de contact, dont 3.000 agences postales, ces dernières représentant 1,23 % seulement de l'activité et 1,37 % des encours financiers, certaines ayant moins d'une heure d'activité par jour. Il a estimé le surcoût lié au maintien de ce réseau à 4 milliards de francs.

Le président de La Poste a estimé que, sans entendre déserter le milieu rural, ce qui n'était nullement son objectif, il souhaitait une " mutualisation " de ce coût entre les administrations, La Poste, les collectivités locales, les entreprises publiques ou privées, afin de " dépenser moins ". Il a précisé que le contrat de plan s'engageait résolument dans une démarche de concertation, avec la mise en place des " commissions départementales de la présence postale territoriale ". Insistant sur l'importance qu'il accordait à cette concertation, il a toutefois indiqué que, dans le cas où elle n'aboutirait pas, La Poste étant souvent le seul service public à être encore présent dans certaines zones, au moyen d'établissements à faible activité, il ne voyait pas d'autre possibilité que d'envisager des fermetures, dans la perspective du choc concurrentiel à venir après 2003. Il a jugé cette question désormais incontournable.

M. François Gerbaud a souhaité que le Président de La Poste précise ce qu'il entendait par " un partenariat à niveau local à moindre coût ". Il l'a interrogé sur l'accueil que seraient susceptibles de réserver les syndicats au redéploiement des emplois et à la réduction du nombre de contrats à durée déterminée. Il a jugé qu'un retrait de la présence postale en milieu rural ouvrirait la voie à une implantation de ses concurrents européens. Il a souhaité que l'Etat contribue davantage au financement des missions d'aménagement du territoire de La Poste.

M. Pierre Hérisson a indiqué que de même que le groupe d'études sénatorial sur l'avenir de La Poste et des télécommunications et la commission supérieure du service public de La Poste et des Télécommunications, il souhaitait que l'opérateur soit doté d'un cadre juridique similaire à celui de ses concurrents, lui permettant de disposer d'un capital. Il a estimé que la stratégie de l'entreprise devait être soutenue par une volonté politique au plus haut niveau de responsabilité et demandé au président sa position sur la question de l'existence d'un capital pour La Poste. Après avoir jugé paradoxal le fait qu'EDF bénéficie des aides de l'Etat pour le passage aux 35 heures -alors que La Poste en est privée-, il a estimé que l'avenir de La Poste serait gravement compromis si elle ne concluait pas d'alliances internationales. Evoquant, enfin, l'exemple de la distribution postale à Londres, le samedi, par des commerces privés, il a souhaité avoir l'opinion du président de La Poste sur l'opportunité d'introduire des expériences similaires en France.

M. Gérard Delfau a, tout d'abord, estimé que les questions politiques ne relevaient pas de la décision du président de La Poste. Il a, ensuite, souhaité qu'un débat ait lieu au Parlement sur La Poste qui soit aussi large que celui tenu en 1990, faute de quoi nombre de problèmes seraient tranchés non par les pouvoirs publics mais par les circonstances. Il a interrogé le président de La Poste sur la seconde étape de la libéralisation postale européenne, prévue pour l'après 2003 par la directive de 1997. Il a estimé qu'en matière financière, l'opérateur joue un rôle irremplaçable pour les populations les plus défavorisées. Il a souhaité à ce sujet obtenir le nombre exact de personnes auxquelles l'établissement fournit un véritable " droit au compte bancaire ". Il a jugé qu'il était indispensable que les nouvelles commissions départementales de concertation fonctionnent effectivement. Il a estimé qu'en matière de présence postale, les pouvoirs publics et les collectivités locales devaient prendre leurs responsabilités, notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Il a interrogé le président de La Poste sur les coûts exacts provoqués par le maintien du réseau rural et enfin demandé au président de quelles dotations budgétaires La Poste disposait pour ses investissements.

M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a fermement affirmé que la Poste ne souhaitait en aucun cas abandonner ses missions de service public, dont il a jugé qu'elles étaient essentielles, particulièrement dans les 500 établissements situés en zones urbaines sensibles. Mais il a souligné que La Poste devait également tenir à certains de ses clients, notamment les grands comptes, un discours réellement commercial. Il a décrit la situation de certaines agences postales en milieu rural, dont le coût était disproportionné au regard de leur activité réelle. Il a souhaité que d'autres administrations et des entreprises publiques ou privées puissent être fédérées, dans ces zones, au moyen, notamment, des maisons de service public qui représentent à son sens une piste à l'avenir prometteur.

Il a indiqué que la réduction du temps de travail permettrait d'améliorer le dialogue social et l'offre de services.

Appelant de ses voeux la transposition rapide de la directive européenne de 1997, il a jugé que l'accélération de la libéralisation ne se ferait probablement pas avant 2003, même si les négociations étaient déjà engagées à la Commission européenne.

Il a précisé que le nombre de clients dits " sociaux " de La Poste pouvait être estimé à 2,5 millions, M. Gérard Delfau jugeant ce chiffre plus proche de 4 ou 5 millions.

Répondant à la question relative aux retraites des postiers, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a rappelé que, contrairement à France Télécom, l'opérateur ne disposait pas d'une marge brute d'autofinancement lui permettant de verser une contribution exceptionnelle à l'Etat afin que ce dernier aligne le taux de contribution de l'opérateur sur celui de ses concurrents. Il a estimé que des discussions devraient s'engager avant la fin du présent contrat de plan pour qu'une solution soit à nouveau trouvée pour la période suivante.

M. Martin Vial, directeur général de La Poste, a indiqué que la réduction du temps de travail conduirait à augmenter de 30 % le nombre de recrutements annuels de La Poste, mais qu'elle n'entraînerait pas une hausse du niveau de l'emploi à La Poste, compte tenu des départs. Cette réforme permettrait de transformer, a-t-il poursuivi, des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée. Il a, en outre, indiqué que La Poste, ne prévoyant pas d'accroître ses effectifs de 6 %, condition posée par la loi, n'aurait pu prétendre au bénéfice des aides de l'Etat.

Répondant à une question de M. Jean-Pierre Plancade, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a indiqué qu'un rapport de l'inspection générale des finances avait chiffré à 4 milliards de francs le coût net de la présence postale territoriale, dont 358 millions de francs pour les zones urbaines sensibles. Il a souligné que l'abattement fiscal, théoriquement censé compenser ce surcoût, était de facto réduit par la réforme de la taxe professionnelle. Il a souhaité que les " commissions départementales de la présence postale territoriale " permettent d'établir la transparence des chiffres.

M. Pierre Hérisson a fait part au président de La Poste du sentiment de nombre de maires, transmis à l'Association des maires de France, d'un manque de concertation avant les fermetures de points de contact postaux. M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a répondu que, si la concertation était un préalable indispensable à la réorganisation de la présence postale, en revanche l'organisation interne des services relevait de la seule compétence de l'opérateur.

II. EXTRAIT DE L'AUDITION DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'INDUSTRIE LE 3 MARS 1999

Au sujet de la directive sur les services postaux communautaires, M. Christian Pierret a indiqué que le projet de loi de transposition serait déposé dans les premières semaines de 1999, et qu'il convenait de préparer l'échéance suivante programmée par la directive. Le ministre a estimé que La Poste devait conserver son caractère " hybride ", service public à part entière, assumant des missions d'intérêt général mais aussi pleinement entreprise, 40 % de son chiffre d'affaires étant déjà dans le secteur concurrentiel, et plus à l'avenir.

Le ministre a jugé que ce défi serait difficile à relever, compte tenu de la mutation du cadre règlementaire européen, des pratiques de repostage de la poste hollandaise et de la recomposition capitalistique de nombre d'opérateurs européens.

Le ministre a souhaité que La Poste soit un service public et une entreprise ouverte sur le plan international. Il a signalé le récent accord avec la poste sud-africaine, jugeant que l'opérateur français devait sans tarder trouver d'autres partenariats pour élargir son implantation européenne.

Le ministre a souligné que si le chiffre d'affaire annuel par agent s'élevait à 300.000 francs pour la Poste, il était de 550.000 francs aux Pays-Bas et de 320.000 francs en Allemagne. Il a jugé que cette réalité posait un défi d'envergure à l'opérateur national et que ce dernier devait impérativement s'allier à un partenaire européen, fut-il privé, la question de sa privatisation ne se posant en aucune façon, La Poste n'étant pas dotée d'un capital.

III. AUDITION DU VICE-PRÉSIDENT DE UNITED PARCEL SERVICES (UPS) LE 31 MARS 1999

La commission, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, a procédé à l'audition de M. Anton Van der Lande, vice-président de la société United Parcel Service (UPS) et de M. Patrick Martin, directeur des affaires publiques Europe d'UPS.

M. Patrick Martin a tout d'abord présenté UPS, société fondée en 1907 et basée à Atlanta, qui réalise un chiffre d'affaires mondial de 130 milliards de francs. Disposant -a-t-il rappelé- de 1.713 centres opérationnels et de 157.000 véhicules utilitaires, la société utilise tous les jours 600 avions. UPS a d'ailleurs procédé à l'acquisition de 30 airbus et envisage d'en acheter 30 supplémentaires.

M. Patrick Martin a indiqué qu'en Europe, UPS avait son siège à Bruxelles et organisait son trafic aérien autour de l'aéroport de Cologne, qui est son " hub " aérien, ou plate-forme de correspondance.

Il a précisé qu'en France, UPS, dont le siège est à Orly, emploie 1.500 salariés dans 40 succursales. UPS expédie chaque jour plus de 30 000 colis dans ce pays, à destination et en provenance de plus de 200 pays.

M. Anton Van der Lande a estimé que l'entreprise était organisée pour travailler étroitement avec les pouvoirs publics pour l'élaboration du cadre réglementaire postal, des procédures douanières et de la réglementation aérienne. Il a indiqué qu'UPS participait aux institutions internationales comme l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l'organisation mondiale du commerce (OMC), l'organisation mondiale des douanes (OMD) ou l'association internationale du transport aérien (IATA).

M. Anton Van der Lande, après avoir rappelé qu'UPS n'a pas de vocation postale en Europe, a considéré que son entreprise était concernée par la mise en place du nouveau cadre réglementaire européen en la matière.

Evoquant le caractère global et l'approche comparative d'UPS entre les différents Etats, il s'est interrogé sur les raisons qui rendent, à son sens, impossible, en France, une approche " transparente et pragmatique " du secteur postal.

Il a estimé que la transparence comptable était indispensable dans le secteur postal, et qu'un accès aux comptes de La Poste était nécessaire. Il a indiqué que, jugeant rentable l'activité courrier de La Poste, UPS craignait en conséquence que cette profitabilité ne serve à subventionner l'activité de colis express de cet opérateur, en France et à l'étranger.

Il s'est alors interrogé sur l'occasion offerte sur le recours à des financements des collectivités locales -hypothèse à son sens actuellement envisagée- pour assurer les coûts du maintien du réseau postal sur le territoire.

M. Anton Van der Lande a souhaité que La Poste respecte, conformément au contrat de plan signé avec l'Etat, son engagement de présenter une comptabilité analytique à la fin du premier semestre 1999, comme l'exige la directive communautaire du 15 décembre 1997 sur les services postaux.

S'agissant de la présence postale sur le territoire, M. Anton Van der Lande a considéré que, contrairement à la concession au secteur privé de l'activité postale dans les zones à faible densité, en cours dans les autres pays européens, le désengagement de La Poste de ces zones serait probablement, en France, financé, en vertu du contrat de plan et du projet de loi d'orientation pour le développement et l'aménagement durable du territoire, par les collectivités locales.

Il a estimé que La Poste présenterait ainsi aux régions, départements et communes une facture de 3 milliards de francs représentant sa charge actuelle d'aménagement du territoire et que les collectivités étaient en conséquence fondées à demander des comptes à l'opérateur.

M. Anton Van der Lande a précisé qu'UPS souhaitait accéder à la comptabilité du service universel postal afin de s'assurer qu'il n'existait pas de subventions croisées entre les différentes activités du prestataire du service universel. Evoquant une culture du secret héritée, à son sens, du Cabinet des Dépêches de Louis XIV à Versailles, il a préconisé une plus grande transparence dans le secteur postal français.

Il a jugé nécessaire, en outre, la mise en place d'outils de régulation économique dans cette activité, afin d'abaisser le coût du service universel et de favoriser l'émergence d'opérateurs nouveaux.

Rappelant que UPS est un acteur majeur du transport express mondial, il a considéré que son activité d'enlèvement, de suivi en temps réel, de réalisation des formalités douanières et de livraison, partout dans le monde, sous un délai garanti, de colis d'un poids inférieur à 70 kilos était un élément de la compétitivité des entreprises clientes. Evoquant les moyens importants nécessités par cette activité en termes de flotte de véhicules, d'infrastructures au sol, de moyens informatiques, de télécommunications et de personnel, il a souligné qu'UPS souhaitait disposer de ses propres moyens, " de bout en bout ".

M. Anton Van der Lande a insisté sur la différence entre le marché du courrier et des colis, dont UPS n'est pas partie prenante, et celui de l'express, apportant un niveau de services bien plus élevé, à un prix 30 fois supérieur.

Il a jugé que la confiance des clients dans la bonne fin des envois réalisés par UPS et dans leur rapidité d'exécution était essentielle, UPS disposant d'ailleurs d'une avance technologique importante pour le suivi en temps réel des colis, grâce à de considérables investissements en matière informatique.

M. Anton Van der Lande a estimé qu'UPS remplissait une fonction d'aménagement du territoire. Présent sur les lieux de production et d'expédition, l'entreprise permet l'implantation des activités qui cherchent le meilleur service logistique. En la matière -a-t-il jugé-, l'offre crée la demande.

Revenant à la libéralisation postale européenne, il a rappelé que la directive du 15 décembre 1997 proposait un cadre réglementaire transitoire, en vue d'une libéralisation future et fait observer que cette directive visait à créer un système concurrentiel régulé, pour empêcher les Postes d'abuser de leur position dominante sur leur marché d'origine.

M. Anton Van der Lande a regretté que l'application actuelle de ce dispositif ne permette pas, à son sens, une véritable croissance du secteur, pour les raisons suivantes :

- il ne consacre pas de véritable ouverture concurrentielle sur le marché du courrier ;

- il ne permet pas l'indispensable transparence comptable, contrepartie de la réservation de services à un opérateur, en vue du financement du service universel postal. Cette opacité -qui pourrait ne pas être involontaire de la part des Etats et des opérateurs- nourrit la suspicion de subventions croisées entre les différentes activités des prestataires du service universel postal, qui dissuade les nouveaux entrants de s'investir dans le marché ;

- il ne règle pas le problème du comportement de certaines postes européennes, à caractère public, qui financent, comme c'est le cas en Allemagne, une très vive croissance externe par une rente monopolistique et des aides d'Etat. Des plaintes ont d'ailleurs été déposées auprès de la Commission à ce sujet.

M. Anton Van der Lande a estimé que les postes cherchaient à ajouter, à leurs activités traditionnelles, des services à plus forte valeur ajoutée, comme l'express, traditionnellement développés par des entreprises privées.

Il a jugé que ce comportement n'allait pas sans poser de questions, quant aux risques pris par l'actionnaire public de ces postes, quant à la valeur très élevée d'acquisition de certaines entreprises rachetées et quant à la légitimité d'un financement par le contribuable européen de la stratégie de croissance externe des opérateurs publics -d'autant plus douteuse en France que La Poste, dépourvue de capital, ne distribue pas en retour de dividendes à son actionnaire-.

M. Anton Van der Lande a déploré que la période transitoire, établie par la directive avant une plus grande libéralisation, ait été interprétée par les gouvernements européens comme une période " de dopage avant la compétition ", qui s'accompagne, en France, d'un manque total de lisibilité des circuits de financement entre l'Etat et La Poste ainsi que d'une impossibilité de comparaison entre les charges de l'opérateur et celles des entreprises privées.

Il a regretté qu'aucun des quatre critères, permettant à son sens de juger la réussite d'un processus de libéralisation, ne soient réunis dans le cas du secteur postal : présence de nouveaux entrants ; amélioration de l'offre au client ; baisse des prix ; rentabilité et innovation des entreprises du secteur.

Pour la France, M. Anton Van der Lande a souhaité que les obligations comptables du prestataire du service universel postal soient précisées dans un texte de loi, qui permette de disposer des comptes du service universel, des services réservés, des services postaux hors service universel et des services rendus sur les autres marchés. Il a estimé indispensable de distinguer les coûts de la levée, de la distribution, du tri, du transport et des coûts commerciaux postaux.

Il a souhaité que la comptabilité analytique de La Poste puisse être accessible aux autres acteurs du marché postal, ainsi qu'aux élus locaux.

Il a jugé la mise en place d'une autorité de régulation indépendante indispensable pour assurer " un contrôle anti-dopage " du secteur. Il a précisé qu'UPS souhaitait d'ailleurs une coordination des différentes instances de régulation européennes.

M. Anton Van der Lande a appelé de ses voeux un débat français sur le financement des missions d'intérêt général de La Poste.

M. Gérard Larcher, président du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des télécommunications, a évoqué la croissance significative de l'activité d'UPS, qui transporte chaque jour 5 % du produit intérieur brut américain, chiffre qui contraste avec l'évolution plus modérée de l'activité de l'opérateur français sur le marché de l'express.

Il a interrogé le vice-président d'UPS sur son analyse de la stratégie de certains opérateurs postaux européens, tendant à une prise de contrôle de grands intégrateurs mondiaux et à une introduction en Bourse.

Soulignant que La Poste cherchait un partenaire dans le domaine de la messagerie internationale, il a considéré que UPS et Federal Express étaient les deux derniers candidats en lice. Il a demandé quel serait l'impact du développement du commerce électronique sur le marché de la messagerie.

M. Anton Van der Lande a tout d'abord répondu que le développement d'UPS en Europe, bien que soutenu, était toutefois inférieur aux prévisions initiales de cette société, en raison de la concurrence déloyale de certains opérateurs notamment allemand, néerlandais et anglais.

Rappelant qu'UPS est le plus grand opérateur de messagerie américain, il a indiqué que, sur son marché domestique, cette société perdait aussi des parts de marché, mais maintenait sa profitabilité grâce à un avantage comparatif en termes de suivi informatique des envois et d'ampleur de la flotte et du réseau mondial.

Il a jugé que le développement du commerce électronique offrirait des opportunités pour La Poste, compte tenu de sa présence territoriale importante, atout dont ne disposent pas les intégrateurs internationaux.

Evoquant la stratégie mondiale très ambitieuse de l'opérateur postal néerlandais, il a toutefois relevé que ce dernier n'était encore présent ni en Allemagne, ni aux Etats-Unis, ni en Asie. S'agissant de la Poste allemande, il a jugé qu'elle avait un objectif de primauté mondiale et que son développement dans le secteur de l'express était largement lié à la perspective de sa prochaine introduction en Bourse.

M. Anton Van der Lande a précisé que, s'agissant d'une éventuelle alliance avec La Poste, UPS considérerait systématiquement toutes les occasions commerciales mais qu'il était, en l'état du cadre concurrentiel européen -à son sens insatisfaisant- difficile d'envisager sérieusement un investissement important. Il s'est étonné que la poste allemande avait pu investir ces derniers mois entre 20 et 30 milliards de francs pour sa croissance externe, des réserves de financement existant encore à son sens, qu'il s'agisse de sa future capitalisation boursière, du prix toujours élevé du timbre allemand ou de la vente du patrimoine immobilier de cet opérateur.

Il a souligné que La Poste française avait peu de chance de résister à une concurrence aussi déloyale.

M. Jean François-Poncet, président, a fait observer que le paysage postal européen avait évolué très rapidement, l'opérateur allemand semblant désormais représenter un concurrent plus redoutable que son homologue néerlandais.

M. François Gerbaud a demandé si une décentralisation de son trafic aérien était envisagée par UPS, compte tenu de la congestion actuelle de certains grands aéroports. Il a demandé si UPS se cantonnerait, en Europe, à l'axe Londres-Francfort-Milan, le plus dense, surnommé " la banane bleue ". Il a souhaité savoir si UPS entendait ester en justice pour une meilleure application de la directive de 1997. Il a enfin interrogé le vice-président sur les perspectives de réduction des coûts et des délais de livraison de son entreprise.

M. Anton Van der Lande a précisé que UPS disposait d'une flotte aérienne très moderne et donc silencieuse, l'intégralité des aéronefs répondant aux normes du chapitre III de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), fait qui, conjugué à l'accroissement de la capacité unitaire des avions, limitait les nuisances sonores. Il a considéré qu'une interdiction éventuelle des vols de nuit remettrait totalement en cause l'activité d'UPS, rendant impossible une livraison le lendemain. S'agissant de l'organisation du trafic aérien d'UPS, il a précisé que la société entendait développer d'autres " hubs " en Europe.

Il a estimé qu'UPS saisirait la juridiction européenne en cas de mauvaise application de la directive par les Etats membres, une plainte étant d'ailleurs pendante contre l'Allemagne.

Il a indiqué que la réduction continue des coûts permettait à UPS de maintenir sa profitabilité, malgré des pertes de marché, grâce à une automatisation accrue du triage et des systèmes informatiques et à une modernisation de la flotte.

M. Pierre Hérisson a demandé quelle était la stratégie mondiale d'UPS. Evoquant la fin du partenariat, au 1er avril 2001, entre Chronopost et TNT Post Group, il s'est interrogé sur l'éventualité d'une alliance entre La Poste et UPS après cette date.

Il a demandé si l'absence de capital de l'opérateur français était un obstacle à la conclusion d'un partenariat mondial. Il a interrogé M. Anton Van der Lande sur sa vision de l'Etat français en tant qu'actionnaire, employeur et régulateur.

M. Ladislas Poniatowski a estimé que, si la France ne respectait pas la directive européenne du 15 décembre 1997, l'Allemagne la respectait encore moins. Il a demandé si UPS avait porté cette affaire devant la justice.

M. Anton Van der Lande a réaffirmé qu'UPS n'entendait pas s'investir dans le secteur du courrier traditionnel. S'agissant de l'alliance avec Chronopost, il a déclaré qu'une proposition raisonnable intéresserait vraisemblablement UPS, mais que le rapprochement entre La Poste et l'Allemand DPD, concurrent d'UPS, ne facilitait pas la conclusion d'une telle alliance.

Il a jugé que l'absence de capital n'était pas un obstacle dirimant à la conclusion d'un accord avec La Poste, dont le principal atout résidait dans l'étendue de son réseau. Il a d'ailleurs souligné que UPS, malgré sa taille, n'était pas coté en Bourse et s'apparentait à une " coopérative capitaliste ".

Estimant que ses développements précédents l'amenaient à émettre un jugement négatif du rôle de l'Etat en tant que régulateur, il a évoqué les procédures actuellement en cours auprès des juridictions européennes, à l'initiative d'UPS, contre l'opérateur allemand.

M. Gérard Larcher a souligné les mutations accélérées du secteur postal européen, que révèle, notamment, la stratégie allemande.

IV. AUDITION DU PRÉSIDENT DE TNT POST GROUP (POSTE NEERLANDAISE) LE 7 AVRIL 1999

La commission a tout d'abord procédé, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, à l'audition de M. Ad Scheepbouwer, Président de TNT Post Group (Etablissement postal néerlandais).

Après avoir remercié la commission pour son invitation, M. Ad Scheepbouwer a évoqué les bouleversements en cours du secteur postal européen, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni étaient des marchés importants. Il a indiqué qu'avant 1989, la poste néerlandaise, sous le contrôle de l'Etat, était de petite taille et ne réalisait pas de profit. Il a précisé que c'est après deux études, menées en 1983 et en 1986, que le Gouvernement néerlandais avait décidé de transformer l'opérateur postal et de télécommunications en société, en 1989, sous le nom de KPN, puis de privatiser cette dernière en 1994. Insistant sur le caractère unique en Europe de cette privatisation, il a indiqué que ce n'était que l'an dernier que l'activité postale avait été séparée des télécommunications, la nouvelle société s'appelant TNT Post Group (TPG).

M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'en 1989, la situation de la poste néerlandaise n'était pas satisfaisante, avec des marges insuffisantes, une stagnation des marchés et une forte vulnérabilité liée à la dépendance vis-à-vis de gros clients, représentant l'essentiel de l'activité. A ces mauvaises perspectives internes, il a ajouté l'absence de possibilité de développement international, liée au caractère monopolistique des marchés postaux européens.

Dans une telle situation, M. Ad Scheepbouwer a indiqué que la stratégie mise en oeuvre lors de la privatisation, par une équipe de dirigeants issus du secteur privé, reposait sur trois principes : l'amélioration de la rentabilité ; l'accroissement de la responsabilisation des salariés ; le positionnement sur des marchés en croissance.

Il a considéré qu'il était, par nature, facile d'accroître la rentabilité d'une organisation de type bureaucratique. Estimant que les fonctionnaires étaient, en général, relativement davantage payés en bas de l'échelle et moins bien payés en haut de l'échelle hiérarchique, par rapport au secteur privé, il a précisé qu'un accord salarial était intervenu avec les syndicats de l'entreprise pour permettre, en huit ans, un rattrapage de cette échelle de salaires sur celle du secteur privé. M. Ad Scheepbouwer a, en outre, précisé que des investissements importants avaient été réalisés pour automatiser massivement le tri du courrier : ces dix dernières années, le taux d'automatisation est passé de 25 à 90 %. Il a observé que, trois ou quatre ans après la transformation en société, le profit s'élevait à 300 millions de florins, contre un profit nul en 1989. En 1998, le profit de TPG s'élève à 820 millions de florins.

Abordant les nouvelles méthodes de gestion du personnel introduites en 1989, M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'elles reposaient sur une responsabilisation accrue des agents. Il a indiqué que les nombreux services de l'opérateur avaient été restructurés en sept " unités d'affaires ", chacune étant responsable de son chiffre d'affaires, de ses coûts et de son bénéfice. Il a estimé qu'il s'agissait d'un changement majeur par rapport à une gestion de type administratif, chacun étant désormais personnellement comptable des résultats obtenus. Il a jugé que cette mutation -réalisée plus rapidement qu'il ne l'avait initialement escompté- avait été le facteur le plus déterminant pour la réussite de l'entreprise.

Expliquant que la stratégie de TPG, à partir de 1989, avait été centrée sur l'accroissement des possibilités de développement de l'opérateur, M. Ad Scheepbouwer a rappelé que si au moment de la privatisation le marché du courrier n'augmentait que de 1 à 2 % par an -ce dernier ayant même connu une régression (-0,5 %) en 1993-,  les prévisions de croissance pour les années à venir se situaient autour de 2 à 4 %. Il a énuméré les facteurs de cette progression :

- les tarifs de TPG n'ont pas augmenté ;

- le développement du courrier électronique se substitue davantage à la télécopie et au téléphone qu'au courrier ;

- de nouveaux produits à très forte croissance ont été développés, comme le publipostage, le courrier international et le courrier envoyé par voie électronique, puis imprimé et expédié par TPG, dans le monde entier ;

- TPG s'est positionné sur des marchés en forte croissance, comme la messagerie expresse et la logistique. Pour ce faire, 17 sociétés ont été rachetées par l'opérateur, dont le chiffre d'affaires dans l'express est désormais de 50 milliards de francs.

M. Ad Scheepbouwer a considéré que, pour un secteur aussi consommateur de main-d'oeuvre que les services postaux, la croissance était le corollaire indispensable de la mutation des opérateurs, comme le prouve la réussite de TPG.

Il a fait valoir que les consommateurs avaient bénéficié de la privatisation de la poste néerlandaise : le tarif du timbre est moins élevé aux Pays-Bas que dans tous les autres pays européens, excepté l'Espagne, où l'opérateur réalise des pertes importantes. Il a rappelé que la qualité des prestations du courrier aux Pays-Bas, mesurée par un bureau indépendant, était exceptionnelle, 95 % des envois étant distribués le lendemain. En ce qui concerne l'évolution du réseau postal néerlandais, il a évoqué la mise en commun des moyens réalisée entre l'opérateur et la Postbank.

M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'à la suite de la privatisation, l'activité de tous les bureaux de poste avait été analysée. Il a indiqué que de nouveaux services, comme la distribution de services financiers ou la vente de papeterie, avaient été introduits et que certains bureaux avaient été réservés à la clientèle professionnelle. Une chaîne de librairies a également été rachetée, a-t-il poursuivi, pour assurer la distribution postale et les plus petits bureaux de poste ont été franchisés. Il a fait observer qu'au terme de ces évolutions la poste néerlandaise restait le premier réseau de détaillants aux Pays-Bas, le nombre de bureaux étant passé de 2.200 à 2.600. Rappelant que, si les services courants étaient disponibles dans les petits bureaux de poste, pour certaines prestations plus particulières, l'usager devait se rendre dans un bureau de plus grande dimension. Il a souligné que ces mutations avaient supprimé certains emplois, mais n'avaient donné lieu à aucun licenciement, grâce aux départs naturels.

M. Ad Scheepbouwer a ainsi jugé que l'ensemble des parties prenantes avait profité de la privatisation de TNT : les salariés, les clients et le Gouvernement, qui, outre les recettes tirées de la privatisation, reçoit chaque année un dividende de 500 millions de francs.

Voyant dans le monopole et la fragmentation du marché européen le principal obstacle à la croissance de ce dernier, M. Ad Scheepbouwer a estimé que la notion de service universel était bien souvent utilisée, par les opérateurs nationaux, pour servir leurs propres intérêts. Il a déploré que cette notion soit bien souvent abordée sous l'angle politique et non économique. Jugeant que nombre d'opérateurs ne connaissent pas exactement leurs coûts, il a indiqué qu'une poste saine et gérant une quantité suffisante de trafic pourrait fournir, sans surcoût, le service universel postal. Rappelant que 94 % du trafic du courrier concerne les professionnels, il a considéré que ce marché pouvait permettre de financer des prestations de qualité à bas coûts pour les particuliers.

M. Ad Scheepbouwer a abordé la question de la très rapide croissance externe de quatre opérateurs européens : TPG, Deutsche Post, Royal Mail et, dans une moindre mesure, La Poste. Il a estimé que ces quatre opérateurs avaient une ambition européenne, voire mondiale. Il a évoqué également deux grands intégrateurs de messagerie expresse (Federal Express et United Parcel Service), disposant d'une meilleure couverture que TPG sur le continent américain, mais d'un moins bon positionnement en Europe.

Il a considéré, à titre personnel, qu'il était probable que se constituent rapidement des alliances entre certains de ces quatre opérateurs européens et l'un ou l'autre des deux intégrateurs américains.

M. Ad Scheepbouwer a indiqué que le marché postal français était le plus dynamique d'Europe. Rappelant que 4.500 personnes étaient déjà employées par TNT Post Group en France, il a jugé bonnes les relations entretenues avec La Poste. Evoquant le contrat actuel liant son entreprise à Chronopost, filiale de La Poste, il a indiqué que des discussions étaient en cours sur une confirmation de la coopération entre l'opérateur français et néerlandais. De plus, il a estimé qu'une éventuelle alliance entre La Poste et TPG aurait toute sa pertinence dans le contexte européen actuel et fait valoir qu'outre l'attractivité du marché français, la position de La Poste dans le transport du colis et en Europe du Sud étaient des atouts complémentaires de ceux de TPG, qui dispose d'un réseau de messagerie expresse internationale et d'une activité logistique à l'échelle mondiale.

M. Gérard Larcher, président du groupe d'étude sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, rappelant que TNT Post Group était constitué sous la forme d'une société anonyme à majorité privée et cotée en Bourse, a demandé si un changement de statut en vue d'un échange de participations était une condition à l'éventuelle conclusion d'une alliance entre les deux opérateurs. Il a souhaité connaître la stratégie de développement de TPG en France, qu'une alliance soit, ou non, conclue avec La Poste. Il s'est interrogé sur le devenir des liens entre Chronopost et TPG après 2001, date de l'échéance du contrat actuel. Il a interrogé le président de TPG sur les modalités du développement outre-Atlantique des opérateurs européens. Rappelant que les charges liées à la présence territoriale de La Poste s'élevaient à 4 milliards de francs par an, il s'est interrogé sur la compatibilité entre cette charge et la profitabilité pour l'entreprise, quel que soit son mode de gestion.

M. Pierre Hérisson, jugeant déloyale la pratique du " repostage " qui détourne les flux de trafics entre pays, a demandé au président de TPG si un règlement européen de cette question était, à son sens, envisageable. Il a souhaité savoir si la présence d'un actionnaire majoritaire public -dans l'hypothèse où La Poste serait dotée d'un capital- serait un handicap pour la conclusion d'une alliance.

M. Ad Scheepbouwer a répondu que, si un échange de participations croisées était envisageable avec La Poste, il n'était toutefois pas absolument indispensable, non plus qu'un changement de statut de cet opérateur, pour conclure une alliance. Il a jugé que la présence de l'Etat au capital n'était pas un obstacle, TPG étant lui-même propriété à 44 % de l'Etat hollandais, qui s'est engagé à conserver un tiers du capital jusqu'en 2004. Il a toutefois précisé que le Gouvernement néerlandais ne participe ni aux prises de décisions concernant la conclusion d'alliances par l'opérateur, ni à la gestion de la société.

M. Ad Scheepbouwer a indiqué que TPG entendait se développer en France, en particulier sur le marché de la messagerie expresse d'entreprise à entreprise et sur celui de la logistique, la société étant notamment spécialisée dans les industries automobile et électronique.

Il a estimé que le marché français du courrier, encore sous monopole, mais devant être libéralisé d'ici 2003 à 2005, était " incontournable ", tout comme le marché allemand, du fait de sa place en Europe, pour les opérateurs souhaitant avoir une taille européenne. Dans cette optique, a-t-il précisé, TPG réfléchit aussi à l'établissement d'un réseau de distribution en France, dans le respect du monopole qui sera fixé par la loi.

M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'à l'issue du contrat liant son entreprise à Chronopost, en 2001, une négociation aurait sans doute lieu. Jugeant que Chronopost aurait certainement besoin de l'accès à un réseau international, il a considéré que seuls les quatre grands intégrateurs (TPG, UPS, Fed Ex et DHL) seraient à même de le lui offrir.

S'agissant du développement de son entreprise aux Etats-Unis, il a évoqué plusieurs options.

En ce qui concerne le financement des charges liées aux missions d'intérêt général, il a évoqué une étude du cabinet Mac Kinsey, dont les conclusions mettent en évidence un surcoût de 15 %, lié à la desserte des zones rurales dans les pays à plus faible densité de population, comme la France. D'un autre côté, il a fait valoir que la productivité de l'opérateur néerlandais était deux fois supérieure à celle de ses homologues français et allemands. Il a jugé que cette question devait être abordée sous l'angle économique, et non pas politique.

S'agissant du " repostage ", M. Ad Scheepbouwer a jugé abusive l'utilisation de ce mot par de nombreux acteurs. Il a rappelé que TNT était liée avec La Poste par un contrat de repostage. Il a considéré que les entreprises étaient maîtresses de leur lieu d'implantation, comme du site d'expédition de leur courrier. Evoquant un recours judiciaire en cours, à l'initiative de la Deutsche Post, au sujet de l'activité de PTT Poste d'impression et de distribution de tous les relevés de la banque Citicorp, il a jugé cette attitude en complet décalage avec l'évolution des technologies et des marchés. Il a toutefois précisé que TPG ne pratiquait pas de repostage de type " ABA " (expédition du courrier depuis un pays étranger vers le pays d'origine de ce même courrier). Il a indiqué que la principale intervention de TPG dans ce domaine concernait du courrier acheminé, par exemple, depuis les Etats-Unis, en cargo, pour être adressé, affranchi et distribué en Europe.

M. Gérard Delfau a tout d'abord remercié le Président de TNT Post Group de sa franchise. Il lui a ensuite demandé quel était le nombre de fonctionnaires restant dans l'entreprise. Evoquant la dérégulation postale européenne, il a estimé que l'opposition de certains Etats-membres ne la rendait pas certaine. Estimant que La Poste remplit, en France, une mission de service public en permettant l'accès de 4 à 5 millions de Français aux services financiers, il a souhaité savoir si TPG remplissait un rôle similaire aux Pays-Bas.

M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'il n'y avait plus un seul fonctionnaire au sein de TPG depuis 1989. Il a indiqué qu'un accord, signé avec les syndicats de salariés, pour une période de transition de huit ans, avait permis le changement de statut, du public au privé, de l'ensemble des personnels, ces derniers bénéficiant, notamment, d'une garantie d'augmentation de salaire par rapport aux évolutions de la fonction publique. Soulignant les évolutions salariales plus favorables intervenues chez TPG par rapport aux fonctionnaires d'Etat ces dernières années, il a rendu hommage à la clairvoyance des syndicats qui avaient su, dès 1988, prévoir cette tendance.

Au sujet de la libéralisation postale européenne, M. Ad Scheepbouwer a jugé qu'une ouverture totale à la concurrence, dès 2003 ou 2005, même si elle pouvait être provisoirement retardée par certaines réticences, était, à terme, inéluctable et souhaitable. Il a considéré que repousser cette ouverture serait une erreur, les nouvelles technologies permettant de contourner les marchés sous monopole.

Il a évoqué le partenariat de TPG avec Postbank pour les bureaux de poste, qui a créé une possibilité de diffusion des services financiers. Cet établissement, en collaboration avec la banque ING étant présent également dans le domaine de l'assurance, ayant six millions de clients pour une population de huit millions de foyers.

M. André Ferrand a demandé au président de TNT Post Group quelles étaient les modalités de la franchise des plus petits bureaux de poste aux Pays-Bas. Evoquant la stratégie allemande d'une tarification élevée du timbre, il s'est interrogé sur l'opportunité, pour l'opérateur français, de relever provisoirement ses tarifs afin d'accroître sa profitabilité et d'investir dans sa croissance externe avant l'ouverture à la concurrence. Il lui a enfin demandé si les différences d'identité culturelle étaient un obstacle à la constitution d'alliances entre les opérateurs historiques français et néerlandais.

M. Ad Scheepbouwer a précisé les modalités de franchise des petits bureaux postaux :

- les bureaux à plus faible trafic ont été délégués en franchise à certains employés qui le souhaitaient, moyennant une aide financière de TPG ;

- des chaînes de détaillants, telles que les supermarchés, ont également été franchisées ;

- dans les plus petits villages, la franchise a été attribuée, le cas échéant, à l'unique commerce existant.

Revenant à la stratégie allemande d'un prix du timbre élevé, M. Ad Scheepbouwer a jugé qu'il ne s'agissait pas d'une solution soutenable dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Il a considéré qu'il serait en outre difficile, pour cet opérateur, de baisser ultérieurement ses tarifs, compte tenu de sa prochaine introduction en bourse, qui implique qu'il prenne des engagements de rentabilité auprès de ses futurs actionnaires. Il a estimé qu'une augmentation de la rentabilité interne et de la productivité, ainsi qu'un investissement dans les secteurs à forte croissance représentaient des solutions plus durables.

Il a considéré que les problèmes culturels étaient toujours les plus difficiles à gérer dans les différentes alliances et fusions, même s'ils pouvaient être surmontés à condition que chacun des partenaires trouve à l'association un bénéfice suffisant.



1 Qui ne comprenait ni les crédits de la Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et de la Poste (DIGITIP) ni ceux de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPT), ni les crédits des nouvelles technologies de l'information.

2 Hors export.

3 Hors filiales.

4 Epargne logement, épargne populaire, Codevi, Livret Jeune, OPVCM, assurance.

5 Organismes de placement collectif de valeurs mobilières.

6 D'après l'Idate.

7 Dans le rapport d'information de M. Gérard Larcher, rédigé avec le groupe d'études sur l'avenir de la Poste : " Sauver la Poste, devoir politique, impératif économique "
.

8 Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications.

9 Union postale universelle.

10 Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe.

11 Merill Lynch cité par La Tribune du 11 octobre 1999.

12 Réalisée conjointement avec le SESSI et le SJTI.

13 La commission relève qu'en France, le délai d'octroi des licences dépasse les six semaines prévues par la directive et que la procédure fait intervenir une double instruction (ministre ; ART) ce qui ralonge les délais et opacifie la procédure.

14 Communication au Parlement européen du Conseil des ministres, au comité économique et social et au comité des régions.

15 Liaisons louées.

16 Réseau numérique à intégration de services.

17 Space flow brut.

18 Directive n° 98/10/CE du Parlement et du Conseil du 26 février 1998.

19 Décret n° 99-162 du 8 mars 1999 relatif au service universel des télécommunications.

20 France Télécom communauté urbaine du Grand Nancy, TA Nancy.

21 3,5 millions au début de l'année 1999 et sans doute proche de 7 à 8 millions à la fin de l'année.

22 Echange de données informatiques.

23 Association française de la télématique.

24 Journal officiel des débats - Sénat, séance du 4 mars 1999, page 1311.



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