Rapport n° 67 (2000-2001) de M. Charles DESCOURS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 novembre 2000

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N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 novembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

Tome I : Équilibres financiers généraux et Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2606 , 2631, 2633 et T.A. 567

Sénat : 64 (2000-2001).

Sécurité sociale .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les comptes de la sécurité sociale se sont redressés en 1999-2000 au prix, il est vrai, d'un effort considérable demandé aux Français.

L'embellie conjoncturelle ne doit pas dissimuler que ces derniers ont consacré au financement de la protection sociale une part croissante des prélèvements obligatoires qu'ils acquittent sans pourtant avoir le sentiment d'être mieux soignés, mieux protégés et de pouvoir regarder vers l'avenir avec confiance.

Dans ce contexte, votre commission constate que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, cinquième exercice du genre, est probablement le pire qu'il lui ait été donné d'examiner.

Ce sentiment d'ailleurs a été partagé par les partenaires sociaux : l'ensemble des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale ont émis un avis négatif à l'encontre du projet de loi.

Celui-ci, en effet, ne permet pas un débat lucide et volontaire sur la financement de la protection sociale ; il constitue en revanche l'appendice supplétif d'une politique de l'emploi aventureuse et d'une politique fiscale improvisée.

L'an dernier, la commission avait souligné que " la réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale ", annoncée depuis 1998, avait donné naissance à un monstre : le FOREC.

Le projet de loi de financement pour 2001 confirme pleinement cette analyse. Au-delà d'un système de tuyauterie, compliqué à dessein, l'essentiel de son dispositif consiste en effet à organiser une ponction massive sur les comptes sociaux et singulièrement sur la branche famille pour financer les trente-cinq heures.

Il en résulte que le budget général ne contribue plus en aucune manière à ce financement : l'Etat s'exonère lui-même de la théorie -vivement contestée par les partenaires sociaux- des " retours " pour les finances publiques de la réduction du temps de travail, dont seule la sécurité sociale fait désormais les frais.

Mais la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas seulement devenue la loi de financement des trente-cinq heures, elle acquiert également le statut peu enviable d'instrument d'une politique fiscale improvisée.

En instituant une ristourne dégressive de CSG, le Gouvernement détourne une contribution sociale pour poursuivre un objectif fiscal. Dès lors, il n'est pas étonnant que cette mesure soit désastreuse dans ses conséquences : inéquitable, elle bouleverse de surcroît les fondements mêmes du financement de la protection sociale.

En exonérant de la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale telle ou telle catégorie de contribuables, sans compensation pour la CADES qui doit faire face à l'amortissement de la dette sociale, le Gouvernement prend une grave responsabilité. Il y a trois ans, pour faire face à une aggravation de cette dette, la durée de prélèvement de la CRDS qui lui est affectée a été allongée de cinq ans pour être portée à 2014.

En réduire aujourd'hui l'assiette dès la première embellie conjoncturelle, c'est mettre le doigt dans un engrenage qui ne peut qu'inquiéter les marchés financiers, fragiliser la signature de la CADES et rendre plus coûteuse la gestion de sa dette.

A contrario , le projet de loi de financement ne contient rien qui devrait y figurer, rien qui puisse s'apparenter à la mise en oeuvre de choix de santé publique, rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites.

Le 21 mars 2000, le Premier ministre a en effet refermé le dossier de la réforme des retraites.

Reste un conseil d'orientation : après le Livre blanc en 91, les perspectives des régimes de retraite en 95, le diagnostic du commissariat au Plan en 99, un nouveau rapport sera remis en 2002 qui conclura, comme les autres, qu'il est urgent d'agir.

Reste également un fonds de réserve qui veut donner le sentiment que le Gouvernement " met de côté pour les lendemains difficiles ".

Or, sans réforme immédiate, ce fonds ne saurait, à l'évidence, garantir l'avenir de nos régimes de retraite. Les indulgents diront que c'est mieux que rien. Pour cette raison même, les réalistes penseront que c'est pire que tout.

Enfin, l'ONDAM, dépourvu de tout contenu en santé publique, n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.

Dès lors, la forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé, largement imputable à l'application d'un système de régulation des dépenses fondé sur les lettres-clés flottantes

Face à ce projet de loi, votre commission propose de désamorcer les branchements successifs mis en place pour financer les trente-cinq heures. Ce faisant, elle rétablit les excédents de la branche famille, qui retrouve les moyens d'une politique ambitieuse et ceux du fonds de solidarité vieillesse destinés à garantir l'avenir des retraites.

Elle récuse le système de ristourne dégressive sur la CSG et propose, en étroite concertation avec votre commission des Finances, un dispositif alternatif de crédit d'impôts.

Elle dote le fonds de réserve pour les retraites d'un statut permettant, sous le contrôle du Parlement, un emploi financièrement efficace et juridiquement transparent des sommes qu'il collecte.

Elle restaure enfin un système de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.

Mais, surtout, elle vous propose, à l'encontre de l'ONDAM, un " vote sanction " dont elle mesure l'exceptionnelle gravité.

Votre commission a pris cette décision en connaissance de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans lui semble traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement un agrégat qui dérive, mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.

PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 1999 ET EN 2000 : UN REDRESSEMENT FRAGILE DES COMPTES

La sécurité sociale est désormais en excédent, pour la première fois depuis dix ans.

Ce résultat comptable s'explique aisément : il est à mettre à l'actif de la croissance et au recul du chômage, quasi ininterrompu depuis fin 1996 : les prélèvements progressent encore plus rapidement que les dépenses.

Au-delà de cette bonne nouvelle, la France ne dispose pas d'une sécurité sociale en meilleure santé pour au moins deux raisons.

Première raison, la branche maladie du régime général reste déficitaire, alors qu'elle bénéficie pourtant d'un surcroît de recettes important ; les excédents se concentrent sur la branche famille et la branche vieillesse.

Deuxième raison, le déséquilibre des retraites, qui s'annonce à partir de 2006, n'a toujours pas fait l'objet de mesures sérieuses tendant à anticiper ce choc financier.

A. L'EFFET MÉCANIQUE DE LA CROISSANCE ET UN ALOURDISSEMENT DES PRÉLÈVEMENTS AFFECTÉS À LA SÉCURITÉ SOCIALE EXPLIQUENT L'APPARITION D'UNE " CAGNOTTE SOCIALE "

1. Une croissance importante de la masse salariale, portée par la création d'emplois

En septembre 1998, le Gouvernement avait retenu pour 1999 une prévision très optimiste de croissance de la masse salariale, compte tenu de la crise asiatique. En raison d'un " trou d'air " finalement beaucoup moins important que prévu, cette prévision a été respectée.

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1999

septembre 1998

mai 1999

septembre 1999

mai 2000

septembre 2000

Salaire moyen par tête

2,5

2,1

2,2

nd

1,8

Effectifs salariés

1,8

1,3

1,5

nd

2,3

Masse salariale secteur privé

4,3

3,4

3,7

nd

4,1

Effet emplois-jeunes - RTT (*)

nd

0,4

0,4

nd

0,2

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

4,3

3,8

4,1

4,1

4,3

(*) Cet effet s'applique aux effectifs, mais a été " individualisé " par la Commission des comptes en mai et septembre 1999. En septembre 2000, l'effet ne joue que sur les emplois-jeunes.

Il convient de noter que, comme en 1998, elle n'a été obtenue que par le dynamisme de la création d'emplois (+ 465.000). La progression modérée du salaire moyen par tête s'explique par l'effet d'anticipation de la modération salariale exigée par les trente-cinq heures.

En revanche, la " moindre " croissance de l'année 1999 n'a pas ralenti -bien au contraire- le processus de création d'emplois ; comme le souligne le ministère de l'économie et des finances, " depuis 1993, l'économie française a créé 700.000 emplois de plus que ne l'avait suggéré la relation historique entre activité et emploi. (...) L'enrichissement de la croissance en emploi résulte aussi des réductions de charges sociales sur les bas salaires, qui ont représenté près de 0,75 point de PIB en 1999 -dont 0,50 point au seul titre de la ristourne dégressive- et ont conduit à une forte baisse du coût du travail non qualifié, d'environ 12 % au niveau du SMIC " 1 ( * ) .

Les propos peu amènes tenus en 1997 par le Gouvernement à l'encontre de la " ristourne Juppé " semblent désormais appartenir au passé.

Cette modération salariale, qui avait été présentée par Mme Martine Aubry comme l'une des trois conditions de la " réussite " des trente-cinq heures, est reconnue par le Gouvernement : " elle peut être aussi la contrepartie d'une modération des salaires avant la mise en place des trente-cinq heures " 2 ( * ) .

La croissance de masse salariale 2000 retenue en septembre 1999 se situait à 4,4 % (2,3 pour le salaire moyen par tête, 1,7 pour les effectifs, 0,4 pour les emplois-jeunes). La nouvelle prévision de masse salariale, retenue en septembre 2000, est de 5,6 % (2,1 pour le salaire moyen par tête, 3,2 pour les effectifs, 0,2 pour les emplois-jeunes).

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 2000

septembre 1999

mai 2000

septembre 2000

Salaire moyen par tête

2,3

2,5

2,1

Effectifs salariés

1,7

2,65

3,2

Masse salariale secteur privé

4,3

5,2

5,3

Effet emplois-jeunes (*)

0,4

0,2

0,2

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

4,4

5,4

5,6

(*) Cet effet s'applique sur les effectifs, mais a été individualisé par l'administration.

La modération salariale due aux trente-cinq heures fait désormais l'objet d'analyses économiques. Entre mi-1997 et mi-1999, la hausse du pouvoir d'achat se situait entre un demi-point et un point ; il est depuis mi-1999 tombé à zéro en raison de la reprise de l'inflation. Le salaire moyen par tête a progressé ainsi de 0,3 % au premier trimestre 2000 contre 0,5 % au dernier trimestre 1999 (parallèlement, l'inflation se situait à 0,5 % au premier trimestre 2000 contre 0,3 % au dernier trimestre 1999).

Le bilan des accords Aubry I effectué par la DARES montre que si 93,4 % des accords signés dans le cadre de cette loi optent pour une compensation salariale intégrale, 42,7 % s'engagent sur un gel des salaires et que 28 % bénéficient d'augmentations programmées, mais modérées. La modération salariale est ainsi la règle dans plus de 70 % des cas.

La croissance de la masse salariale est portée par le processus de création d'emplois : il reste à vérifier que ce rythme élevé de création d'emplois ne s'essouffle pas au cours de l'année 2000.

On pourra objecter que le processus de création d'emplois est directement lié aux trente-cinq heures .

Il n'en est rien. Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001 3 ( * ) mentionne un chiffre " cumulé sur la période 1999-2001 " de 220 à 250.000 créations nettes d'emploi liées à la réduction du temps de travail.

Au-delà des doutes légitimes portant sur ce chiffre, qui n'est pas étayé de savants commentaires et qui ne mesure pas les " effets d'aubaine ", il suffit de rappeler que la création d'emplois sur la période est d'environ 1.200.000 pour se rendre compte que, de l'aveu même du Gouvernement, les trente-cinq heures comptent seulement pour un cinquième dans le processus de création d'emplois.

Entre un effet sur l'emploi faible et un effet sur la progression du salaire moyen par tête certain , il reste à déterminer si les trente-cinq heures n'auraient pas, au contraire, handicapé la progression de la croissance de la masse salariale.

2. L'accroissement des prélèvements affectés à la sécurité sociale depuis 1996

Le Gouvernement rappelle que le redressement de la sécurité sociale n'est pas seulement à porter à l'actif de la croissance, mais aux " mesures structurelles ".

Ces " mesures structurelles " ne sont pas des mesures d'atténuation de dépenses, mais correspondent à l'affectation de nouvelles recettes à la sécurité sociale, à l'occasion des deux premières lois de financement de la sécurité sociale.

Le " basculement " des cotisations maladie vers la CSG représente désormais un montant de recettes supplémentaires non négligeable : entre 12 et 15 milliards de francs par an.

Solde de l'opération de substitution CSG/cotisations

(en milliards de francs)

1999

2000

2001

CSG maladie

239,1

247,9

259,2

Droits sur les alcools

4,7

4,8

4,9

Pertes de cotisations

- 231,3

- 238,2

- 250,1

Solde

12,5

14,5

14,0

Source : pour l'année 1999, CCSS septembre 2000, p. 31

Si l'on ajoute l'alignement de l'assiette de la CSG sur celle de la CRDS, l'affectation de droits sur le tabac et les contributions pharmaceutiques, cette affectation de recettes supplémentaires représenterait en 2000 environ 30 milliards de francs.

Le montant de ces recettes supplémentaires affectées à la sécurité sociale, déjà évalué par votre rapporteur l'année dernière 4 ( * ) , est désormais confirmé par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Mme Martine Aubry a pu ainsi, dans son allocution prononcée devant la Commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2000, mentionner " des mesures de redressement, prises dès l'automne 1997 et qui ont amélioré les comptes de 20 milliards de francs " . Elle n'entendait effectivement pas prendre sous sa responsabilité les mesures décidées à l'automne 1996, dans un tout autre contexte économique, par le gouvernement de M. Alain Juppé.

3. Une " cagnotte sociale " de moindre ampleur que la " cagnotte fiscale ", mais réelle

Si l'on retient la définition -pourtant impropre- qui s'est imposée depuis un an, la " cagnotte sociale " est la différence positive entre les prévisions de recettes des lois de financement 1999 et 2000 et les réalisations définitives (1999) ou les estimations de réalisations (2000).

Pour les recettes fiscales nettes de l'Etat, la " cagnotte fiscale " s'élève à :

- 30,8 milliards de francs en 1999 (1.565,8 milliards de francs au lieu de 1.534,9 milliards de francs prévus en loi de finances initiale), principalement grâce à l'impôt sur les sociétés (+ 30,5 milliards de francs) ;

- 51,4 milliards de francs prévus pour 2000 (en raison de l'effet base 1999 et d'une révision à la hausse de la croissance du PIB prévue pour 2000). Cette " cagnotte " pourrait être plus élevée, compte tenu des déclarations du ministre de l'économie et des finances visant à établir un déficit budgétaire inférieur à 200 milliards de francs.

En comparaison, la " cagnotte " sociale a été très limitée en 1999, la prévision de croissance de la masse salariale retenue en septembre 1998 étant déjà très élevée . Si l'on étudie attentivement les prélèvements sociaux (cotisations et impositions), la sécurité sociale a bénéficié de 7 milliards de francs de recettes supplémentaires, principalement issues des différents impôts et taxes, des moins-values de cotisations auraient été enregistrées.

Détail de la " cagnotte sociale " par prélèvement obligatoire en 1999

(en millions de francs)

1999
(septembre 1998)

1999
(septembre 2000)

Ecart

Cotisations effectives (hors cotisations prises en charge par l'Etat et la sécurité sociale)

995.709

998.306

+ 2.597

Cotisations prises en charge par l'Etat

67.247

63.741

- 3.506

Contribution sociale généralisée

352.000

356.609

+ 4.609

Contribution pour le remboursement de la dette sociale

27.200

27.637

+ 437

Prélèvement social de 2 %

9.676

10.742

+ 1.066

Droits sur les alcools - régimes maladie

6.777

7.104

+ 327

Droits sur les alccols - FSV

11.624

11.807

+ 183

Tabacs CNAMTS

4.190

4.191

+ 1

Taxe sur les primes d'assurance automobile

6.015

5.727

- 288

Contribution sociale de solidarité sur les sociétés

16.780

17.665

+ 885

Primes d'assurance contre les accidents du travail

100

97

- 3

Contributions des laboratoires pharmaceutiques

2.565

2.807

+ 242

Contribution prévoyance

2.350

2.795

+ 445

Taxe aide commerce et artisanat

300

300

0

Taxe sur les hydrocarbures

25

16

- 9

Droit de plaidoirie

85

93

8

Taxes BAPSA

27.093

27.203

+ 110

TOTAL

1.529.736

1.536.840

7.104

Le résultat de 1999 peut apparaître décevant, compte tenu de la " fiscalisation " croissante du financement de la sécurité sociale. Ce serait confondre deux notions différentes : la fiscalisation et l'assiette des prélèvements .

La fiscalisation des recettes de la sécurité sociale est indéniable. Le quart des recettes sociales est désormais constitué par les impôts et taxes, au premier rang desquels la CSG, tandis que les cotisations effectives ne représentent plus que 60 % des recettes.

La différence entre la " cagnotte fiscale " et la " cagnotte sociale " s'explique par l'assiette des cotisations, assises sur la masse salariale, et par l'assiette de la CSG, principalement assise sur les revenus d'activité. Les finances sociales ne disposent pas d'un équivalent de la TVA ou de l'impôt sur les sociétés 5 ( * ) .

La sécurité sociale en 1999 : les cotisations effectives
représentent 60 % des recettes

La CSG, principale imposition affectée à la sécurité sociale, est ainsi assise à 72 % sur les seuls revenus d'activité, et, plus précisément encore, repose à 87 % sur un ensemble constitué des revenus d'activité et des revenus de remplacement. Lorsque l'on additionne les cotisations effectives à la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement, le pourcentage est de 76,27 %.

Dans le cas du seul régime général, cette proportion est mécaniquement plus élevée, compte tenu de l'inexistence des " cotisations fictives ". La part des prélèvements reposant sur les seuls revenus d'activité et de remplacement tend même à augmenter.

Part des prélèvements reposant sur les revenus d'activité et de remplacement
dans le total des recettes du régime général (métropole)

(en milliards de francs)

1999

2000

2001

Cotisations " effectives "

873,4

923,9

969,9

CSG activité remplacement - CNAMTS

174,8

190,1

195,6

CSG activité remplacement - CNAF

46,8

49,1

51,3

Total (1)

1.095,0

1.163,1

1.216,8

TOTAL recettes du régime général (2)

1.295,2

1.356,6

1.411,9

Proportion (1)/(2) en %

84,5 %

85,7 %

86,2 %

Les différents prélèvements sur l'épargne (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, prélèvement social de 2 %), même s'ils étaient quasiment inexistants avant 1998, représentent un produit de " seulement " 55 milliards de francs.

Prélèvements sur l'épargne 1999 - 2001

(en milliards de francs)

1999

2000

2001

CSG capital / CNAF

6,0

6,1

6,3

CSG capital / FSV

7,1

7,2

7,5

CSG capital / maladie

26,4

26,9

28,0

Prélèvement social de 2 %

10,5

11,0

11,5

TOTAL hors CRDS

50,0

51,5

53,3

CRDS / capital

3,4

3,4

3,6

TOTAL y compris CRDS

53,4

54,9

56,9

Sur l'exercice 2000, la " cagnotte " sociale est plus élevée, en raison d'un très léger effet base 1999 et d'une masse salariale sous-estimée de plus d'un point .

En ce qui concerne les cotisations, l'effet est d'environ 8 milliards de francs.

Pour la CSG tous régimes (370,2 milliards de francs), la plus-value est de 4,4 milliards de francs supplémentaires (365,8 milliards de francs prévus en septembre 1999).

En ce qui concerne les autres taxes affectées à la sécurité sociale, un gain de près de 2 milliards de francs sur les tabacs est attendu. Le produit des contributions sur l'industrie pharmaceutique, ainsi que la contribution sociale sur les sociétés, serait également attendu.

La contribution sociale sur les bénéfices et la taxe générale sur les activités polluantes enregistreraient, en revanche, des moins-values de 0,8 milliard de francs.

En conséquence, la " cagnotte sociale " serait comprise en 2000 entre 12 et 13 milliards de francs.

Détail de la " cagnotte sociale " par prélèvement obligatoire en 2000

(en millions de francs)

2000
(septembre 1999)

2000
(septembre 2000)

Ecart

Cotisations effectives (hors cotisations prises en charge par l'Etat et la sécurité sociale

1.022.695

1.029.198

+ 6.503

Cotisations prises en charge par l'Etat (yc subvention au FOREC)

24.308

25.757

+ 1.449

Contribution sociale généralisée

365.900

370.216

+ 4.316

Contribution pour le remboursement de la dette sociale

28.520

28.742

+ 222

Prélèvement social de 2 %

11.300

11.030

- 270

Droits sur les alcools maladie

7.986

7.750

- 236

Droits sur les alcools FOREC

11.195

11.068

- 127

Tabacs FCAATA

200

205

+ 5

Tabacs FOREC (hors extension)

39.500

40.725

+ 1.225

Tabacs CNAMTS

8.300

8.379

+ 79

CSB - FOREC

4.250

3.800

- 450

TGAP - FOREC

3.250

2.800

- 450

Taxe sur les primes d'assurance automobile

5.972

5.824

- 148

Contribution sociale de solidarité sur les sociétés

17.850

18.000

+ 150

Primes d'assurance contre les accidents du travail

120

95

- 25

Contributions diverses des laboratoires pharmaceutiques

3.086

3.255

+ 169

Contribution prévoyance

2.780

2.839

+ 59

Taxe aide commerce et artisanat

300

300

0

Taxe sur les hydrocarbures

23

23

0

Droit de plaidoirie

86

93

7

Taxes BAPSA (TVA nette)

28.222

28.222

0

TOTAL

1.585.843

1.598.321

+ 12.478

B. CETTE " CAGNOTTE " A ÉTÉ UTILISÉE POUR FINANCER LE DÉRAPAGE DES DÉPENSES

1. 1999 : l'équilibre sauvé

a) L'application de la loi de financement laisse entrevoir un léger excédent

Le rapport de la Cour des comptes permet de disposer de la réalisation des prévisions de recettes par catégorie des régimes obligatoires de base et des objectifs de dépenses par branche des régimes de plus de 20.000 cotisants. Votre rapporteur retranche, par rapport aux tableaux publiés par la Cour, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui fausse les comparaisons entre les prévisions et les réalisations.

Prévisions de recettes par catégorie de la loi de financement pour 1999

(en milliards de francs)

1998
(1)

LFSS 1999
(2)

Résultats
1999 (3)

Ecarts
(3)-(2)

Evolution
(3)/(1)
en %

Cotisations effectives

1.042,8

1.062,9

1.061,8

-1,1

1,82%

Cotisations fictives

187,1

194,8

195,9

1,1

4,70%

Contributions publiques
(hors MARS)

60,5

63,8

62,1

-1,7

2,64%

Impôts et taxes affectés

401,2

438,7

442,7

4,0

10,34%

Transferts reçus

4,8

5,2

4,3

-0,9

-10,42%

Revenus des capitaux

1,4

1,4

1,5

0,1

7,14%

Autres ressources

32,5

32,6

33,3

0,7

2,46%

Total recettes

1.730,3

1.799,4

1.801,6

2,2

4,12%

Les recettes ont fortement progressé de 4,12 %, pour atteindre 1.801,6 milliards de francs.

La progression des impôts et taxes (+ 10,34 %), assurant 4 milliards de francs de recettes supplémentaires, est particulièrement spectaculaire. Au total, l'ensemble de la sécurité sociale n'a bénéficié que de 2,2 milliards de francs de recettes supplémentaires par rapport aux prévisions.

Les dépenses ont progressé de 2,99 %, pour atteindre 1.790,8 milliards de francs. La différence par rapport aux objectifs votés n'est que de 1,7 milliard de francs, la surestimation des prévisions de dépenses des branches vieillesse et famille permettant de compenser, pour la plus grande part, le dérapage de 8 milliards de francs de la branche maladie-maternité-invalidité-décès.

Les dépenses par branche de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999

(en milliards de francs)

Réalisations 1998
(1)

LFSS 1999
(2)

Réalisations
1999
(3)

Ecart
(3)-(2)

Evolution 1999/98
(3)/(1)
en %

Maladie - maternité - invalidité - décès

687,0

697,8

705,8

8,0

2,74%

Accidents du travail

51,1

53

52,7

-0,3

3,13%

Vieillesse

753,5

781,4

777,8

-3,6

3,22%

Famille (hors MARS)

247,2

256,9

254,5

-2,4

2,95%

Total dépenses

1.738,8

1.789,1

1.790,8

1,7

2,99%

Hors MARS 98 (6,1 milliards), MARS 99 (6,4 milliards de francs).

L'écart de progression entre les recettes et les dépenses explique le retour à l'équilibre des comptes sociaux : il suffit d'ajouter les dépenses des organismes de moins de 20.000 cotisants (3 milliards de francs) et de retrancher le solde des opérations en capital du régime général (4,4 milliards de francs) pour disposer d'un " excédent global " qui se situerait aux alentours de 3 à 4 milliards de francs.

b) Le régime général est à l'équilibre

Le régime général montre la même évolution : la surestimation des dépenses famille et vieillesse compense le dérapage des dépenses d'assurance maladie.

Prévisions successives du solde 1999 du régime général

(en millions de francs)

Tendanciel 1999
(prévisions sept. 1998)

LFSS 1999

1999
(mai 1999)

1999
(sept. 1999)

1999
(mai 2000)

1999
(définitif)

CNAMTS - Maladie

Recettes

602.061

602.947

599.764

602.028

601.041

600.988

Dépenses

601.736

603.053

612.045

614.137

610.389

609.889

Solde

324

- 105

- 12.281

- 12.110

- 9.348

- 8.901

CNAMTS - AT

Recettes

46.962

46.964

46.487

46.599

46.335

46.335

Dépenses

45.008

45.665

46.266

46.155

45.279

45.280

Solde

1.953

1.299

1.221

444

1.056

1.055

CNAVTS

Recettes

393.062

397.042

403.663

404.700

403.529

403.528

Dépenses

399.069

400.910

400.077

400.304

399.813

399.813

Solde

- 5.977

- 3.868

3.586

4.396

3.716

3.715

CNAF

Recettes

257.570

261.790

261.770

269.385

267.725

267.419

Dépenses

253.518

258.918

259.472

266.126

262.915

262.621

Solde

4.052

2.871

2.298

3.259

4.810

4.798

ENSEMBLE

Recettes

1.299.684

1.308.743

1.311.684

1.322.711

1.318.631

1.318.270

Dépenses

1.299.332

1.308.546

1.316.859

1.326.723

1.318.396

1.317.603

Solde d'exercice

352

198

- 5.175

- 4.012

235

668

L'écart entre les prévisions et les réalisations montre un surcroît de recettes de 9 milliards de francs et un surcroît de dépenses de 9 milliards de francs, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire représentant dans les deux cas 6,3 milliards de francs.

Il convient de rappeler que les prévisions pour 1999 ont été établies à l'aide de l'ancien système de répartition des encaissements. L'utilisation du système RACINE a permis de révéler que la branche vieillesse du régime général était jusqu'alors désavantagée par rapport à la branche maladie. Le " rétablissement " des comptes de la CNAVTS s'explique principalement pour des raisons comptables.

Si l'on examine les écarts en retirant la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, affectant les recettes et les dépenses de la CNAF, il est facile de se rendre compte que la surestimation des dépenses vieillesse et famille permet de gommer l'augmentation des dépenses maladie.

Le régime général en 1999 - écarts entre prévisions et réalisations
(hors MARS)

(en millions de francs)

LFSS 1999

Définitif 1999

Ecart

CNAMTS - Maladie

Recettes

602.947

600.988

- 1.959

Dépenses

603.053

609.889

+ 6.836

Solde

- 105

- 8.901

- 8.796

CNAMTS - AT

Recettes

46.964

46.335

- 629

Dépenses

45.665

45.280

- 385

Solde

1.299

1.055

- 244

CNAVTS

Recettes

397.042

403.528

+ 6.486

Dépenses

400.910

399.813

- 1.097

Solde

- 3.868

3.715

+ 7.583

CNAF

Recettes

261.790

261.119

- 671

Dépenses

258.918

256.321

- 2.597

Solde

2.871

4.798

+ 1.927

ENSEMBLE

Recettes

1.308.743

1.311.970

+ 3.227

Dépenses

1.308.546

1.311.303

+ 2.847

Solde d'exercice

198

668

+ 470

Au total, l'équilibre atteint en 1999 s'explique par l'excédent de trois branches du régime général (accidents du travail, vieillesse, famille) venant " masquer " le déficit de la branche maladie.

Une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 agit rétroactivement sur ce solde global : en effet, l'article 18 crée un " fonds d'investissement pour les crèches " au sein du " Fonds national d'action sanitaire et sociale " de la CNAF. Le compte de réserve est financé par l'excédent 1999 de la branche famille, à hauteur de 1,5 milliard de francs.

En conséquence, l'excédent de la branche famille serait de 400 millions de francs : le régime général connaîtrait finalement un déficit de 1,1 milliard de francs.

2. 2000 : l'excédent modifié

a) Les difficultés particulières de l'année 2000

Pour 2000, la difficulté d'apprécier le solde du régime général provient des " manipulations comptables " auxquelles s'est livré le Gouvernement. Le solde " tendanciel " de + 6 milliards de francs annoncé à la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre 1999, masquait un véritable solde tendanciel de + 13,6 milliards de francs. En effet, le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale avait procédé à des anticipations hasardeuses tenant compte des " annonces " du Gouvernement :

- anticipation d'un provisionnement de 5,5 milliards de francs au titre des " transferts " des branches du régime général au " fonds de financement de la réforme de cotisations patronales de sécurité sociale " ;

- anticipation d'une prise en charge par la CNAF d'une partie de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (2,5 milliards de francs) ;

- anticipation du remboursement de la contribution exceptionnelle de 2,5 milliards de francs acquittée par les laboratoires en 1996.

Dans un sens inverse, le rapport présenté à la Commission des comptes sous-estimait l'évolution des dépenses d'assurance maladie et d'accidents du travail.

Un désaccord sur l'évolution " tendancielle "
des soldes du régime général en 2000

(en millions de francs)

2000
(chiffres tendanciels CCSS)

2000
(chiffres tendanciels CAS)

Maladie

- 3.723

- 1.369

Accidents du travail

648

714

Vieillesse

6.513

8.285

Famille

2.543

6.053

Ensemble RG

5.981

13.683

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a dû modifier en catastrophe son " plan de financement " des trente-cinq heures, en renonçant in extremis aux prélèvements sur les branches du régime général, classés dans les comptes tendanciels dans les dépenses des branches.

Le mécanisme d'une diminution de recettes a été alors adopté à travers une diminution du montant du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement affectés à la CNAVTS, à la CNAMTS et à la CNAF (5,6 milliards de francs). 49 % de ce prélèvement social étaient désormais affectés au Fonds de réserve pour les retraites .

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a été privé d'une partie de ses droits sur les alcools, pour un montant identique de 5,6 milliards de francs, affectés au " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " .

De sorte que, de manière indirecte, par un mécanisme de tuyauterie d'une effrayante complexité, les branches du régime général ont bien financé les trente-cinq heures.

b) L'application de la loi de financement 2000 montre que la sécurité sociale est désormais largement excédentaire

1. Les recettes enregistrent l'effet des plus-values sociales

L'estimation, au mois de septembre 2000, des recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, nécessite un double " retraitement " pour être appréciée au regard des prévisions adoptées à l'automne 1999.

Il convient tout d'abord de retrancher sur la catégorie " impôts et taxes " les 7 milliards de francs prévus pour la taxe sur les heures supplémentaires, annulée par le Conseil constitutionnel. Ensuite, il est nécessaire de retrancher l'effet " majoration de l'allocation de rentrée scolaire " (2 milliards de francs), qui gonfle de manière artificielle la catégorie " contributions publiques ".

Le supplément de recettes est de 14,4 milliards de francs, se concentrant presque entièrement de la manière suivante :

- 7,0 milliards de francs de plus-values de cotisations ;

- 4,9 milliards de francs de plus-values de CSG et de taxes.

Les recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

(en milliards de francs)

1999
(1)

Part
en %

LFSS 2000

Prévisions 2000 septembre 2000 (2)

Ecarts

Evolution
(2)/(1)
en %

Part
en %

Cotisations effectives

1.066,8

59,12 %

1.043,7

1.050,7

7,0

- 1,51 %

55,86 %

Cotisations fictives

195,0

10,81 %

200,7

199,1

-1,6

2,10 %

10,59 %

Contributions publiques

63,0

3,49 %

68,8

70,8

2,0

12,38 %

3,76 %

Impôts et taxes affectés

439,7

24,37 %

509,8

514,7

4,9

17,06 %

27,36 %

Transferts reçus

4,9

0,27 %

4,7

1,7

-3,0

- 65,31 %

0,09 %

Revenus des capitaux

1,6

0,09 %

1,7

1,7

0,0

6,25 %

0,09 %

Autres ressources

33,4

1,85 %

37,1

42,2

5,1

26,35 %

2,24 %

Total recettes

1.804,4

100,00 %

1.866,5

1.880,9

14,4

4,24 %

100,00 %

L'effet du FOREC se fait sentir puisque la part des " cotisations effectives " passe de 59 % à 56 %. Parallèlement, la part des " impôts et taxes " (les recettes du FOREC, à l'exception de la " contribution " de 4,3 milliards de francs de l'Etat, se situant dans cette catégorie) s'élève désormais à 27,36 %.

2. Le dérapage des dépenses maladie est pour partie compensé par la surestimation des dépenses de la branche famille

Le supplément de recettes a permis de compenser le dérapage des dépenses. Ce dérapage n'est toutefois pas une donnée générale.

Il est manifeste pour la branche " maladie - maternité - invalidité - décès ".

Les dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

(en milliards de francs)

Réalisations 1999
(1)

LFSS 2000

Prévisions septembre 2000

Ecart
(mds de francs)

Evolution 2000/1999
(2)/(1)

Maladie - maternité - invalidité - décès

705,8

731,0

744,4

13,4

5,47 %

Accidents du travail

52,7

54,7

53,3

-1,4

1,14 %

Vieillesse

777,8

802,9

802,7

-0,2

3,20 %

Famille

254,5

261,5

257,3

-4,2

1,10 %

Total dépenses

1.790,8

1.850,1

1.857,7

7,6

3,74 %

Hors MARS pour 1999 et pour 2000

En ce qui concerne les dépenses de la branche famille, il est nécessaire, par rapport à la prévision " officielle " du Gouvernement 6 ( * ) , de retrancher 6,6 milliards de francs correspondant à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Ce " retraitement " fait alors apparaître une évolution surprenante des dépenses de la branche famille 7 ( * ) , qui ne progresseraient, à structure constante, entre les prévisions 2000 révisées et les réalisations 1999 que de 2,8 milliards de francs.

La progression globale des dépenses de 3,74 % masque ainsi des disparités flagrantes, entre une évolution préoccupante des dépenses maladie (+ 5,5 %) et une tendance à la stagnation pour la branche famille (+ 1,1 %).

c) L'excédent du régime général est " retraité " au détriment de la branche famille

Partant d'un " faux " excédent tendanciel de 2 milliards de francs, " modifié " à la marge par la loi de financement de la sécurité sociale, le régime général serait désormais en excédent de 3,3 milliards de francs.

Les rapports présentés à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000 et à celle du 21 septembre 2000 ne permettent pas de disposer du " compte loi de financement 2000 " du régime général, qui n'est retracé que de manière très globale (total des recettes et des dépenses), alors qu'il sert de référence aux écarts constatés en recettes et en dépenses.

Votre rapporteur a tenté de recalculer le " compte " loi de financement en tirant parti des " éléments " que comporte le rapport de la Commission des comptes 8 ( * ) . En raison d'approximations inévitables, le solde global du compte loi de financement 2000 (+ 933 millions de francs) est supérieur à celui présenté par l'administration (+ 576 millions de francs).

Le solde du régime général en 2000

(en millions de francs)

LFSS 2000

CCSS mai 2000

CCSS septembre 2000

CNAMTS maladie

Recettes

629.519

635.119

637.986

Dépenses

632.229

636.329

644.101

Solde

- 2.710

- 1.210

- 6.115

CNAMTS accidents du travail

Recettes

48.286

48.892

49.286

Dépenses

47.384

47.908

47.228

Solde

902

984

2.058

CNAVTS

Recettes

413.178

413.408

415.181

Dépenses

411.771

412.709

414.586

Solde

1.407

699

594

CNAF

Recettes

266.761

268.761

272.483

Dépenses

265.427

264.227

265.686

Solde

1.334

4.534

6.798

ENSEMBLE RG

Recettes

1.357.744

1.366.179

1.374.936

Dépenses

1.356.811

1.361.172

1.371.600

Solde

933

5.007

3.336

La grande nouveauté de l'année 2000 est la modification, postérieure à la loi de financement, des " règles du jeu " à l'origine pourtant proposées par le Gouvernement.

En effet, ce dernier décide, à l'aide du seul support du rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000 9 ( * ) , d'accélérer la prise en charge par la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire lors de la Conférence de la famille. M. Lionel Jospin avait évoqué en juillet 1999 une prise en charge " progressive " : au bout du compte, cette prise en charge aura lieu en deux exercices budgétaires, ce qui est une conception toute particulière de la " progressivité ".

L'accélération de la prise en charge par la branche famille de la
" majoration de l'allocation de rentrée scolaire "

(en milliards de francs)

2000

2001

A la charge de la branche famille

4,5

6,6

A la charge de l'Etat

2,1

0,0

TOTAL

6,6

6,6

Le collectif de fin d'année 2000 ne devrait prévoir que le remboursement de 2,1 milliards de francs sur les 4,1 milliards de francs prévus. Autrement dit, le Gouvernement dégrade de lui-même le compte de la branche famille de 2 milliards de francs en 2000.

Certes, le Parlement votait, depuis la première loi de financement, un objectif de dépenses de la branche famille sous-estimé de 6,5 milliards de francs. Mais la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ne remettait pas en cause l'équilibre de la branche famille, puisqu'elle était compensée à due concurrence par un versement, hélas tardif, de l'Etat. Ce versement était compris dans la catégorie de recettes " contributions publiques ".

En 2000, la catégorie de recettes " contributions publiques " est seulement modifiée de 2,1 milliards de francs supplémentaires, tandis que l'objectif de dépenses de la branche famille est modifié de 4,1 milliards de francs. En " contrepartie ", l'Etat reprendrait en charge le FASTIF en collectif 2000 (1,1 milliard). Le tour de passe-passe du Gouvernement modifie l'équilibre de la branche famille.

Votre commission des Affaires sociales, en se saisissant pour avis -fait exceptionnel- du projet de loi de finances rectificatif pour 2000, avait souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur ce point, le premier collectif 2000 ne prévoyant aucune prise en charge par le budget de l'Etat de la fraction prévue de la majoration d'allocation de rentrée scolaire.

Il faut donc réintégrer " fictivement " dans les recettes de la branche famille les 2 milliards de francs qui auraient dû être versés par l'Etat, afin de disposer d'une comparaison à structure constante. L'excédent du régime général ne serait plus de 3,4 mais de 5,4 milliards de francs.

Ecarts entre prévisions et réalisations 2000

(en millions de francs)

LFSS 2000

CCSS septembre 2000

Ecarts

CNAMTS maladie

Recettes

629.519

637.986

+ 8.467

Dépenses

632.229

644.101

+ 11.872

Solde

- 2.710

- 6.115

-

CNAMTS accidents du travail

Recettes

48.286

49.286

+ 1.000

Dépenses

47.384

47.228

- 156

Solde

902

2.058

+ 1.256

CNAVTS

Recettes

413.178

415.181

+ 2.003

Dépenses

411.771

414.586

+ 2.815

Solde

1.407

594

- 813

CNAF

Recettes

266.761

274.483

+ 7.722

Dépenses

265.427

265.686

- 259

Solde

1.334

8.797

+ 7.463

ENSEMBLE RG

Recettes

1.357.744

1.376.936

+ 19.192

Dépenses

1.356.811

1.371.600

+ 14.789

Solde

933

5.436

+ 4.703

Hors MARS supplémentaire de l'année 2000 (2 milliards)

Il est parfaitement incompréhensible que le Gouvernement " modifie " ainsi de lui-même les comptes de la sécurité sociale, enlevant une grande partie de la signification d'un débat annuel sur les comptes de la sécurité sociale.

Une telle modification nécessitait à l'évidence une loi de financement rectificative 10 ( * ) .

C. L'ÉVOLUTION PLURIANNUELLE MONTRE QUE LE GOUVERNEMENT N'A PAS MAÎTRISÉ L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES SOCIALES

Au moment où Mme Martine Aubry quitte le Gouvernement, il n'est pas inutile de revenir sur les années 1997-2000.

1. 306 milliards de prélèvements supplémentaires depuis 1998...

L'examen des différentes recettes de la loi de financement laisse apparaître un surcroît de recettes de 306 milliards de francs. La croissance moyenne est de 4,6 % par an.

Evolution pluriannuelle des catégories de recettes des lois de financement

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

2001

2001/1997

Cotisations effectives

1.154,9

1.042,8

1.061,8

1.050,7

1.085,2

- 69,7

Impôts et taxes affectés

221

401,2

442,7

514,7

552,1

331,2

Cotisations fictives

181,2

187,2

195,9

199,1

201,3

20,1

Contributions publiques

68,6

66,6

68,5

72,4

67,8

- 0,8

Transferts reçus

4,8

4,8

4,3

1,7

2,6

-2,2

Revenus des capitaux

1,4

1,4

1,5

1,7

3,2

1,8

Autres ressources

32,6

32,5

33,4

42,2

58,3

19,7

TOTAL

1.664,5

1.736,4

1.807,9

1.882,9

1.970,5

306

D'après avis n°2631 de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des Finances, p. 15.

La lecture du détail de ce tableau invite à un certain pessimisme sur la pertinence des catégories retenues. Les deux seules catégories réellement " significatives " sont les deux premières (cotisations effectives et impôts et taxes affectés). La catégorie " contributions fictives " semble évoluer selon un rythme tout aussi fictif. La catégorie " revenus des capitaux " bénéficie en fin de période des produits financiers dégagés par le fonds de réserve. La catégorie " autres ressources " est également artificiellement gonflée sur les exercices 2000 et 2001 par l'affectation de ressources externes (" contribution " de la Caisse des dépôts, produit des licences UMTS, etc.) au même fonds de réserve.

Encore faut-il ajouter que les catégories " cotisations effectives " et " impôts et taxes " ont connu deux " réformes " de structure importantes : la première en 1998, avec le basculement des cotisations maladie sur la CSG, la seconde en 2000, avec le basculement des cotisations prises en charge par l'Etat, apparaissant dans les " cotisations effectives ", sur les " impôts et taxes " affectés au FOREC.

2. ... pour prendre en charge 236 milliards de francs de dépenses supplémentaires

Depuis le 1 er janvier 1998, la sécurité sociale a dû prendre en charge 235,7 milliards de francs de dépenses supplémentaires.

Cette tendance globale, indiquant un rythme de progression inférieur à celui des recettes, masque des évolutions contrastées selon les branches :

- la branche accidents du travail est confrontée à une baisse tendancielle de ses dépenses : en conséquence, la baisse des cotisations employeur et l'amélioration de la réparation des maladies professionnelles deviennent financièrement possibles (contribution à la branche maladie, financement de différents fonds de réparation des maladies de l'amiante) ;

- les dépenses de la branche vieillesse veuvage évoluent au même rythme que celui des dépenses sociales ;

- les dépenses de la branche maladie-maternité-invalidité-décès progressent à un rythme annuel compris entre 2,7 % (1999) et 5,5 % (2000) ;

- les dépenses de la branche famille évoluent plus lentement que l'évolution des dépenses globales et deux fois moins vite que la maladie.

Dépenses par branche - évolution 1997-2001

(en milliards de francs)

1997
(1)

1998

1999

2000

2001
(2)

Ecart
(2)-(1)

en %

Moyenne annuelle

Maladie - maternité - invalidité - décès

663,1

687,0

705,8

744,4

769,2

106,1

+ 16 %

4,0 %

Accidents du travail

55,0

51,1

52,7

53,3

56,2

1,2

+ 2,2 %

0,5 %

Vieillesse - veuvage

721,8

753,5

777,8

802,7

828,9

107,1

+ 14,8 %

3,7 %

Famille

255,8

253,3

260,9

263,8

277,1

21,3

+ 8,3 %

2,8 %

Total dépenses

1.695,7

1.744,9

1.797,2

1.864,2

1.931,4

235,7

+ 13,9 %

3,5 %

Y compris la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

De manière générale, votre rapporteur a souhaité effectuer un nouveau bilan des lois de financement de la sécurité sociale 11 ( * ) à l'aune de la pratique gouvernementale.

Le Gouvernement de M. Alain Juppé avait donné à la France cet instrument essentiel, même s'il était perfectible. Le Gouvernement de M. Lionel Jospin a, pour l'instant, dénaturé l'exercice nécessaire d'un rendez-vous annuel consacré aux comptes de la sécurité sociale.

II. LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : LE DÉTOURNEMENT D'UNE RÉFORME ESSENTIELLE

A. LE GOUVERNEMENT DÉNATURE L'OUTIL DES LOIS DE FINANCEMENT

1. Le Gouvernement a sollicité en 1999 l'intervention du Parlement à contretemps

a) Il lui a proposé la ratification devenue inutile d'un décret relevant le plafond des avances de trésorerie au régime général...

L'une des dispositions les plus contraignantes de la loi de financement a fait l'objet par le Gouvernement d'une procédure tout à fait curieuse.

Pressentant un " besoin de trésorerie ", l'ACOSS a alerté, à l'été 1999, le Gouvernement sur la nécessité de procéder au relèvement du plafond des avances de trésorerie du régime général. En vertu d'un " principe de précaution ", que votre rapporteur ne met pas en cause, un décret a été pris le 7 octobre 1999, suivi par l'envoi d'un " rapport " au Parlement expliquant les raisons du relèvement du plafond. Le point le plus bas de la trésorerie du régime général devait être atteint le 12 octobre.

Adopté par l'Assemblée nationale, l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, ratifiant le décret, avait été supprimé par le Sénat dans sa séance du 16 novembre 1999. Votre commission estimait, en effet, que ce relèvement aurait pu être évité, compte tenu de la charge de trésorerie, prévisible, liée au versement de l'allocation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Or, l'administration était en mesure, à la même date, de déterminer que le relèvement s'était avéré inutile.

Etait-il juridiquement nécessaire de ratifier un décret devenu inutile ? Le Gouvernement n'aurait-il pas dû expliquer la situation à la représentation nationale ?

Deux leçons de cette ratification peu glorieuse peuvent être tirées :

- les prévisions de trésorerie de l'ACOSS manquent de fiabilité, en raison notamment de la concentration de recettes arrivant en fin d'année ;

- le Gouvernement n'utilise pas à bon escient l'arme du décret relevant le plafond d'avances de trésorerie du régime général.

b) ... mais il a " rebasé " de lui-même l'ONDAM

Depuis septembre 1999, le Gouvernement a décidé de " rebaser " l'ONDAM, en calculant son taux de progression par rapport aux dépenses estimées pour l'exercice de l'année n-1, au lieu de le calculer par rapport aux dépenses prévues.

Cette manipulation comptable était devenue nécessaire, compte tenu de la dérive des dépenses d'assurance maladie en 1998 et en 1999. Continuer sans rebasage aurait nécessité d'afficher des progressions négatives de l'enveloppe soins de ville de l'ONDAM, à la fois irréaliste et dangereuse pour les professionnels de santé et les patients.

En conséquence, votre commission des Affaires sociales n'avait pas critiqué le fond de la mesure, mais la façon cavalière dont le Gouvernement avait traité à cette occasion le Parlement. Il aurait été plus logique de " faire acter " par le Parlement la dérive de l'ONDAM 1998 et de l'ONDAM 1999, avant de proposer un ONDAM 2000 construit sur une nouvelle " base " : seul le Parlement peut modifier ce qu'il a lui-même voté.

Le " rebasage " de l'ONDAM, devenu un mode de fonctionnement normal, permet au Gouvernement d'afficher des taux de croissance modérés des dépenses d'assurance maladie. Par ailleurs, il vide de son sens toute mesure correctrice. Etait-ce la meilleure façon de respecter l'esprit de la loi de financement de la sécurité sociale ? 12 ( * )

L'année 2000 a confirmé, sans ambiguïté, que le Gouvernement entendait s'affranchir singulièrement des contraintes de la loi de financement.

2. Le Gouvernement a refusé contre toute attente de déposer un projet de loi de financement rectificatif en 2000

a) La création du FOREC : la confusion entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale

La mesure phare de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a consisté à autoriser la création d'un établissement public, dénommé improprement " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ", répondant à l'acronyme de " FOREC ", chargé de verser aux régimes de sécurité sociale la compensation du manque à gagner des exonérations liées à la ristourne dégressive bas salaires, à la ristourne dégressive étendue et aux allégements spécifiques trente-cinq heures.

Cet établissement public aurait pu recevoir une dotation budgétaire de l'Etat. Le Gouvernement a préféré le financer quasi-intégralement par une fiscalité affectée.

Cette situation ne résultait pas d'un choix volontaire ; en effet, après avoir imaginé faire participer les régimes sociaux (régimes de base, régimes complémentaires, UNEDIC) par l'intermédiaire de " contributions ", le Gouvernement a été obligé de capituler, et de remplacer le manque à gagner par une affectation de droits sur les alcools. Seule une contribution budgétaire de l'Etat de 4,3 milliards de francs est demeurée, contribution n'ayant pas le caractère de subvention d'équilibre, selon les précisions apportées par le ministère de l'Economie et des Finances 13 ( * ) .

b) Les déboires de financement

Examinant, le 13 janvier 2000, la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, le Conseil constitutionnel 14 ( * ) déclarait contraire à la Constitution la taxation des heures supplémentaires.

La recette correspondante, telle qu'évaluée par le Gouvernement, soit 7 milliards de francs, était inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, promulguée une quinzaine de jours auparavant, le 29 décembre 1999.

Dès lors, le Président de la République appelait de ses voeux une " loi de financement rectificative " : " cette décision juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de déterminer. Pour que les droits du Parlement soient pleinement respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit soumise dans les meilleurs délais au Parlement " 15 ( * ) .

c) L'absence de " collectif social "

1. Le collectif social était nécessaire en raison de l'annulation de la taxe sur les heures supplémentaires

Cette annulation de la taxe sur les heures supplémentaires déséquilibrait, en effet, les prévisions de recettes adoptées par le Parlement.

En témoignent les recettes et dépenses du FOREC enregistrées fin août par l'ACOSS.

Encaissements fin août

(en millions de francs)

Alcools

3.363

Tabacs

24.078

C S B

2.318

T G A P

735

Etat

2.000

TOTAL

32.494

Source : ACOSS

A la fin du mois d'août, 32 milliards de francs de recettes avaient été encaissées, contre 42 milliards de francs d'exonérations de charges, correspondant aux " dépenses " du FOREC et aux " pertes de recettes " des régimes sociaux. Le déséquilibre est ainsi d'une dizaine de milliards de francs. Le FOREC n'étant pas constitué, l'ACOSS supporte une charge de trésorerie supplémentaire, totalement injustifiée.

2. Le collectif social était nécessaire en raison du plan hôpital du Gouvernement

Dès lors qu'un collectif social n'était pas jugé nécessaire pour une modification des prévisions de recettes, le Gouvernement s'estimait autorisé à modifier en cours d'année l'objectif de dépenses voté par le Parlement.

Ce qu'il fit, par l'intermédiaire d'une " nouvelle étape " de la politique hospitalière annoncée en mars 2000.

3. Le collectif social était nécessaire en raison des charges nouvelles mises à la charge de la branche famille

La prise en charge, par la branche famille, d'un " supplément " de majoration d'allocation de rentrée scolaire, dès 2000, pose un problème de fond par rapport à l'esprit de la réforme constitutionnelle de 1996.

Si le Parlement ne vote pas un équilibre par branche -toutes les initiatives récentes du Gouvernement plaident pourtant pour cette solution- le texte de l'antépénultième alinéa de l'article 34, adopté par le pouvoir constituant en 1996, dispose que " les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique " . Il y a bien un " équilibre " entre les dépenses et les recettes. Le Gouvernement modifie de lui-même cet équilibre ; il a défini -après le vote de la loi- une prévision de recettes (la catégorie contributions publiques) en fonction d'un objectif de dépenses qui s'avérait inférieur aux prévisions (l'objectif famille) , alors que le texte constitutionnel indique rigoureusement l'inverse.

3. Une application médiocre de la loi de financement pour 2000

MM. Alfred Recours et Jérôme Cahuzac, rapporteurs respectivement des commissions des Affaires culturelles, familiales et sociales et des Finances de l'Assemblée nationale, ont effectué dans leurs rapports un bilan instructif de l'application des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Votre rapporteur ne peut qu'approuver les propos de M. Jérôme Cahuzac, relevant " le paradoxe de dispositions adoptées dans le cadre d'une procédure d'urgence encadrée dans des délais constitutionnels et organiques, mais dont les textes d'application tardent systématiquement à paraître " 16 ( * ) .

Lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, votre commission avait fustigé le retard pris par le Gouvernement pour " concrétiser " la création du fonds de réserve des retraites, le décret n'étant paru qu'au Journal officiel du 24 octobre 1999. Votre rapporteur est désormais en mesure de " chiffrer " les conséquences de ce retard : les 2 milliards versés début novembre 1999 ayant rapporté 7 millions de francs de produits financiers, le retard correspond -selon un calcul grossier- à une perte de 35 millions de francs 17 ( * ) pour ce fonds de réserve dont les produits financiers doivent représenter en 2020, selon les hypothèses du Gouvernement, près du tiers des sommes disponibles.

En ce qui concerne l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, il souhaite formuler deux observations.

a) Le FOREC n'est pas constitué

" Mesure phare " de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, qui devait disposer d'un conseil de surveillance, et qui devait signer des conventions de trésorerie avec les organismes de sécurité sociale, n'existe toujours que sur le papier.

Cette absence de parution du décret, alors même que la " visibilité " budgétaire défaillante du FOREC devait être contrebalancée par la présence de parlementaires au Conseil de surveillance, est pour le moins choquante.

Le ministère de l'Economie et des Finances avait pourtant appelé en mai dernier l'attention du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur la nécessité de constituer le FOREC :

" Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié, ni le directeur ni les membres du conseil d'administration n'ont été nommés et les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et les conventions " 18 ( * ) .

Le mois de juillet est venu et le texte n'a pas été examiné par le Conseil d'Etat. Le mois de septembre est arrivé et le directeur n'a pas été nommé. Le " budget " 2001 n'était pas " prêt " pour la Commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2000. Faute de directeur, les conventions de trésorerie ne sont toujours pas signées.

En comparaison, les Assemblées ont été quasiment " sommées " de nommer leurs représentants au Conseil d'orientation des retraites, organe créé, sans base législative, par le décret n° 2000-393 du 10 mai 2000, paru au Journal officiel du 11 mai dernier. Un arrêté du 26 mai 2000 portant nomination des membres est paru au JO du 27 mai 2000. La lecture du Journal officiel du 23 septembre permettait de prendre connaissance d'un arrêté instructif, fixant le montant des indemnités susceptibles d'être allouées au président, aux membres (non parlementaires) et aux collaborateurs dudit Conseil.

Votre rapporteur a demandé les raisons de la " création retardée " du FOREC. Cette question, dépourvue de toute malice, a reçu une " réponse " qui mérite d'être citée :

" Les éléments de réponse à la question posée... "

Question : Quelles sont les raisons de la création retardée du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ?

Réponse : Conformément aux dispositions de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, les éléments de réponse à la question posée, et notamment le compte prévisionnel du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) pour les exercices 2000 et 2001, seront présentés en annexe (annexe f ) au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001

Naturellement, l'annexe f) -si elle présente effectivement les comptes d'un FOREC qui n'existe pas encore- n'explique en aucune façon les raisons du retard à le créer effectivement.

Votre rapporteur en déduit que sa question n'appelait pas de réponse.

b) La multiplication des mesures de type " DMOS "

Un grand nombre de mesures du volet " assurance maladie " n'ont pas fait l'objet de textes d'application. Dans ce cas, le soupçon de mesures insuffisamment réfléchies et étrangères au champ de la loi de financement, car relevant d'une loi portant diverses mesures d'ordre social, se confirme.

En effet, le législateur organique de 1996 avait voulu que la loi de financement de la sécurité sociale soit un " texte court ", centré sur les enjeux du financement de la protection sociale. Il a exclu du champ de la loi de financement toute disposition qui n'affecte pas " l'équilibre financier des régimes obligatoires de base " ou qui n'améliore pas " le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale " .

Le paradoxe est que cette dérive devient coûteuse pour la sécurité sociale.

Le Gouvernement, souhaitant introduire dans le projet de loi de financement des dispositions relevant du projet " portant diverses mesures " et singulièrement des dispositions déjà inscrites dans le projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai 2000, assortit cette introduction d'un financement par l'assurance maladie pour tenter d'en assurer la recevabilité 19 ( * ) .

B. LA MULTIPLICATION DES FONDS PARCELLISE LE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Votre commission des Affaires sociales a pu critiquer, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, la " multiplication des fonds spéciaux " .

D'importantes missions de protection sociale sont aujourd'hui assumées par différents " fonds ", dont le nombre s'est considérablement accru depuis 1993.

La volonté d'individualiser une gestion explique leur création. Par ailleurs, la prise en charge des missions de solidarité ne relève pas du principe " assurantiel " sur lequel s'est construit le système français de protection sociale. Ainsi, le fonds de solidarité vieillesse avait jusqu'à présent pour objectif de prendre en charge les avantages non contributifs des régimes vieillesse de base. Ces fonds sont dirigés par des conseils d'administration, composés de fonctionnaires de l'Etat, et non de partenaires sociaux.

Présenté souvent comme une marque de transparence, le bilan est beaucoup moins flatteur.

Au-delà, l'appellation de " fonds " 20 ( * ) ne doit pas abuser ; elle recouvre des réalités très différentes. Certains fonds sont des organismes dotés de la personnalité morale (établissements publics administratifs) et d'une fiscalité affectée. D'autres ne sont que des entités de caisses nationales... ou encore de fonds déjà existants (exemple du fonds de réserve).

Certains de ces fonds font partie du " champ " de la loi de financement de la sécurité sociale : leurs comptes sont d'ailleurs plus ou moins " lisibles " ; d'autres en sont exclus.

1. Les fonds faisant partie du " champ " de la loi de financement de la sécurité sociale

Il est nécessaire de distinguer :

- les fonds dotés de la personnalité morale et d'une fiscalité affectée ;

- les fonds dotés de la personnalité morale, mais ne bénéficiant pas d'une fiscalité affectée ;

- les fonds dépourvus de la personnalité morale.

a) Les fonds dotés de la personnalité morale et d'une fiscalité affectée

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) , créé par la loi du 22 juillet 1993, est un établissement public administratif, doté d'un conseil d'administration et d'un comité de surveillance.

Il bénéficie, selon le droit en vigueur, de cinq types de ressources fiscales différentes :

- 1,3 % de contribution sociale généralisée ;

- 8 % des droits de consommation sur les alcools (droits 403) ;

- d'autres droits sur les alcools : droits de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels ; droits de consommation sur les produits intermédiaires ; droits sur les bières et les boissons non alcoolisées ;

- la taxe sur les contrats de prévoyance, instituée en 1996 et dont le taux a été relevé de 6 à 8 % par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

- l'excédent éventuel de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S).

Le FSV est un " organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base " . A ce titre, ses recettes sont incluses dans les " prévisions de recettes par catégorie " votées chaque année, dans la loi de financement de la sécurité sociale. L'objectif de dépenses " vieillesse " inclut les dépenses des régimes vieillesse remboursées par le FSV (minimum vieillesse, validation des périodes de chômage, ...).

L'annexe f) au projet de loi est consacrée, pour partie, au FSV.

Le Fonds de réserve pour les retraites (F2R) est, pour l'instant, une section comptable, organisée selon la formule d'un " budget annexe ", du FSV. Il ne constitue pas un établissement public administratif distinct.

Il dispose des ressources suivantes :

- 49 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ;

- une fraction de l'excédent éventuel de la première section du FSV ;

- une affectation du capital des caisses d'épargne.

Grâce à l'annexe f) , les comptes de la deuxième section du FSV sont présentés au Parlement.

Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) , prévu par l'article 5 de la loi 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, sera (quand le Gouvernement voudra bien publier le décret nécessaire) un établissement public administratif, doté d'un conseil d'administration et d'un conseil de surveillance.

Il a pour mission de verser à l'ACOSS les manques à gagner résultant de certaines exonérations de cotisations (ristourne Juppé et allégements de charges trente-cinq heures).

Les recettes de ce fonds apparaissent dans les prévisions de recettes par catégorie (catégorie " impôts et taxes "). Les dépenses du fonds constituent des recettes pour les différentes branches, compensant elles-mêmes les pertes de recettes liées aux exonérations de cotisations de sécurité sociale.

Le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante a été créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il est alimenté par le budget de l'Etat, la branche accidents du travail et une fraction des droits sur les tabacs. Il rembourse aux caisses d'assurance maladie le versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Il dispose d'un conseil de surveillance (sans parlementaires).

Ce fonds apparaît en loi de financement de la manière suivante :

- le versement de la branche accidents du travail est inclus dans l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ;

- le versement de l'Etat est inclus dans la catégorie de recettes " contributions publiques " ;

- la recette " tabacs " est incluse dans la catégorie de recettes " impôts et taxes affectés ".

b) Les fonds disposant de la personnalité morale sans fiscalité affectée

Le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF) est un établissement public administratif financé principalement, pour le moment, par la branche famille.

Selon la loi du 27 janvier 1993 (article L. 767-2 du code de la sécurité sociale), il bénéficie également d'une contribution de l'Office national d'immigration et d'une partie des cotisations mentionnées à l'article 313-4 du Code de la construction et de l'habitat.

Avec le Fonds spécial d'invalidité (FSI) , l'Etat rembourse aux régimes d'assurance maladie les dépenses liées au remboursement des allocations servies au titre de l'article L. 815-3 du code de la sécurité sociale (1,59 milliard de francs prévus en 2000).

Le FSI apparaît ainsi dans les recettes de la branche maladie en loi de financement, et en dépenses en loi de finances (depuis la loi de finances 2000, les crédits sont inscrits au budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et non plus à celui des charges communes).

Le FSI est un établissement public administratif, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. La gestion financière est assurée par la Caisse des dépôts et consignations.

c) Les fonds dépourvus de la personnalité morale et d'une fiscalité affectée

Trois types de fonds entrent dans cette catégorie :

- les fonds internes aux branches ;

- les fonds médicaux ;

- les fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations.

1. Les fonds des branches du régime général

Le terme de " fonds " est également employé pour décrire comptablement des opérations distinctes, au sein même d'une caisse ou d'un régime de protection sociale. Ils ne disposent pas de recettes affectées.

Par exemple, la CNAF regroupe trois fonds : le Fonds national des prestations familiales, le Fonds national d'action sociale et le Fonds national de gestion administrative .

2. Les fonds médicaux

Certains fonds médicaux -tout en étant créés au sein de la CNAMTS- peuvent disposer de structures d'orientation ou de gestion distinctes.

Le Fonds de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL) a été créé au sein de la CNAMTS par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996.

Il a vocation à financer, d'une part l'allocation de remplacement (ADR) servie aux médecins dans le cadre du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA), et d'autre part des actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux.

Le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville , a été créé au sein de la CNAMTS par l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, pour une durée de cinq ans.

Il est destiné à financer des actions concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville. Sa mise en place a été pour le moins tardive. Le décret d'application n° 99-940 du 12 novembre 1999 est paru au Journal officiel du 14 novembre 1999. Financé par une contribution des régimes, il dispose d'un comité national de gestion, installé le 4 mai 2000, dont font partie des représentants des régimes d'assurance maladie et des professionnels de santé. Les dépenses du fonds ont été nulles en 1999, alors qu'elles étaient censées s'élever à 500 millions de francs et devraient atteindre 200 à 300 millions de francs en 2000 (500 millions étaient prévus).

D'autres fonds médicaux sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations.

Le Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO) a été créé par l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Ses modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par le décret n° 98-951 du 26 octobre 1998 et le décret n° 98-1221 du 29 décembre 1998. Il doit rembourser aux établissements : le coût de conversion, la prime à l'embauche, l'aide à la mobilité, le financement des cellules d'accompagnement. Il verse aux agents une indemnité de départ volontaire.

Géré par la Caisse des dépôts et consignations, ce fonds bénéficie d'une contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par décret. Après une première alimentation de 300 millions de francs, précisée par le décret n° 98-1223 du 29 décembre 1998, le FASMO n'a pas été alimenté en 1999. Il voit son nom et ses missions modifiés par le projet de loi de financement pour 2001 (en application du " protocole d'accord " du 14 mars 2000).

Le Fonds pour la modernisation des cliniques privées , institué par l'article 33 de la loi de financement pour 2000, a été créé pour une durée de cinq ans. Il n'aurait versé aucune aide au cours de l'année 2000.

Le bilan peu flatteur des réalisations de ces fonds montre qu'ils disposent d'une part non négligeable de " virtuel ", consistant à faire croire, à l'occasion de la discussion des lois de financement de la sécurité sociale, que tel ou tel secteur est " écouté " par les pouvoirs publics.

Les fonds médicaux : une gesticulation politique ?

(en millions de francs)

Prévisions PLFSS 1998

Dépenses1998

Prévisions PLFSS 1999

Dépenses 1999

Prévisions PLFSS 2000

2000

Fonds d'accompagnement social des établissements de santé

300

0

--

13

--

74

Fonds d'aide à la qualité des soins de ville

500

0

500

250

Fonds pour la modernisation des cliniques privées

100

0

3. Les autres fonds sociaux gérés par la Caisse des dépôts et consignations

Ces fonds sont dépourvus de la personnalité morale.

Le Fonds pour l'emploi hospitalier a été créé par l'article 14 du chapitre III de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux structures et aux orientations dans la fonction publique. Alimenté par une contribution des établissements hospitaliers, il est géré par la Caisse des dépôts et consignations.

L'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (ATIACL), instituée par la loi de finances n° 61-1393 du 20 décembre 1961 est versée par un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations, le Fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL) .

Le Fonds de compensation du congé de fin d'activité (FCCFA) , alimenté par un prélèvement sur les réserves du régime de l'ATIACL (allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales), rembourse aux collectivités et établissements publics locaux le revenu de remplacement que ceux-ci versent aux bénéficiaires du congé de fin d'activité. Ce fonds est géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Le Fonds de compensation de la cessation progressive d'activité (FCCFA) est alimenté par des prélèvements autorisés par la loi de financement pour 1999 sur le FCCFA et le FEH.

2. Les fonds ne faisant pas partie du champ de la loi de financement de la sécurité sociale

Ces fonds sont exclus du champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour des raisons multiples.

Le Fonds de financement de la protection complémentaire maladie a été créé par la loi CMU du 27 juillet 1999. Etablissement public administratif, il comprend un conseil d'administration et un conseil de surveillance.

Il bénéficie des ressources suivantes :

- la contribution due par tous les organismes complémentaires (mutuelles, compagnies d'assurance, institutions de prévoyance...) sur les primes ou cotisations émises ou recouvrées en matière de frais de soins de santé (à l'exception des prestations en espèces), contribution dont le taux est fixé à 1,75 %, et qui devrait représenter 0,9 milliard de francs en 2000 ;

- une contribution du budget de l'Etat, fixée à 7 milliards de francs pour 2000 et 6,6 milliards de francs pour 2001.

Ce fonds finance des opérations de la " couverture complémentaire ". Il ne fait pas partie des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base. Ses comptes ne sont pas examinés lors de l'examen de la loi de financement.

La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) , établissement public administratif disposant d'un conseil d'administration et d'un comité de surveillance, rembourse la dette sociale grâce à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). La CADES n'a pas été considérée comme un " organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base " 21 ( * ) . Ses recettes ne sont pas incluses dans les " prévisions de recettes " de la loi de financement ; en revanche, une partie d'une annexe -l'annexe f) - lui est consacrée. Son appellation de " caisse " ne doit pas abuser : son fonctionnement ne diffère en rien de celui d'un " fonds "...

Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) a été créé par la loi de finances 1998.

Ce fonds est exclusivement financé par une contribution budgétaire. Il rassemble désormais l'intégralité des subventions d'Etat aux équipements hospitaliers.

Le Fonds national de l'habitation (FNH), institué par la loi du 3 janvier 1977, finance l'aide personnalisée au logement (APL).

Il est alimenté par des contributions provenant des régimes de prestations familiales (21,7 milliards de francs) -qui apparaissent dans les comptes de la CNAF présentés en Commission des comptes, mais qui ne sont pas inclus dans l'objectif de dépenses de la branche famille- et du FNAL, ainsi que par une subvention d'équilibre inscrite au budget du ministère du Logement.

Le Fonds national d'aide au logement (FNAL), créé par la loi du 16 juillet 1971, finance l'allocation de logement social (ALS) et l'aide aux organismes qui hébergent à titre temporaire des personnes défavorisées.

Il est alimenté par :

- une contribution de l'Etat ;

- le produit d'une cotisation à la charge des employeurs assise sur les salaires plafonnés (0,10 %) ;

- le produit d'une contribution à la charge des employeurs occupant plus de neuf salariés (0,40 %).

Tableau récapitulatif sur les fonds de la protection sociale

Fiscalité affectée

Sans fiscalité affectée

Faisant partie du " champ " de la loi de financement

Personnalité morale

- FSV

- Fonds de réserve

- FOREC

- FCAATA (fonds amiante)

- FAS

- FSI (Caisse des dépôts)

Sans personnalité morale

- Fonds des branches

- Fonds médicaux créés au sein de la CNAMTS : Fonds de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL) ; Fonds d'aide à la qualité des soins de ville

- Fonds gérés par la Caisse des dépôts : FASMO, FEH, FATIACL, FCCFA, FCCPA

Ne faisant pas partie du " champ " de la loi de financement

Personnalité morale

- Fonds CMU

- CADES

- FIMHO (PLF)

- FNH

- FNAL

Sans personnalité morale

Source : Commission des Affaires sociales du Sénat

Pour les trois fonds les plus importants (FSV, fonds de réserve, FOREC), le total des masses financières gérées en 2001 est de plus de 200 milliards de francs 22 ( * ) .

C. LES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PERDENT EN LISIBILITÉ CE QU'ILS GAGNENT EN FIABILITÉ

La Cour des comptes a pu critiquer, dans la présentation à la presse qu'elle a donnée de son dernier rapport, la " fiabilité " des comptes sociaux. Or ce n'est pas tant la fiabilité technique des comptes, celle-ci ayant fait d'importants progrès depuis une dizaine d'années, que la lisibilité des comptes qui est en cause, à dessein brouillée pour des raisons politiques .

1. Des progrès indéniables sur la fiabilité des comptes

a) Les délais de remise des comptes peuvent être encore raccourcis

Les délais de remise des comptes ont connu une nouvelle accélération en 2000.

Du côté " recettes ", l'application Racine, qui permet aux URSSAF de ventiler à la source, par branche, les différentes recettes, a démontré son caractère pleinement opérationnel. Les dysfonctionnements observés en 1998 et dénoncés lors de la Commission des comptes de mai 1999 ont été aujourd'hui analysés par l'ACOSS qui a procédé à une étude des écarts entre la méthode ancienne et la comptabilisation nouvelle Racine sur le premier semestre 1998. Cette étude a confirmé le bien-fondé des résultats de Racine.

L'application a permis d'accélérer la date d'arrêté des comptes. L'ACOSS a notifié le 3 mars 2000 aux autres caisses nationales, au FSV et à la CADES, leurs recettes comptables définitives pour 1999, soit avec un mois d'avance sur l'objectif conventionnel (fin du mois de mars n+1).

Ces données ont pu en outre être transmises avec une bonne fiabilité, les crédits répartis forfaitairement (ou " crédits à affecter ") se situant à 7,1 milliards fin 1999, contre 15,0 milliards fin 1998. Les progrès constatés à l'URSSAF de Paris expliquent pour beaucoup une telle évolution : 3,5 milliards de francs de crédits restaient à affecter en 1999, contre 8,9 milliards de francs un an plus tôt.

La notification en cours d'année des encaissements mensuels a également enregistré des progrès importants permettant une transmission régulière et rapide des données aux attributaires. Le délai entre le mois écoulé et la notification est de moins de deux mois, le mois de décembre 1999 ayant été notifié le 10 février 2000.

Du côté " dépenses ", les résultats ne sont pas aussi satisfaisants.

En ce qui concerne les régimes autres que le régime général, le régime agricole fait souvent figure d'accusé. En conséquence, votre rapporteur a jugé utile, le 10 juillet 2000, d'adresser un questionnaire à Mme Jeannette Gros, présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

Réponses de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole
au questionnaire de votre rapporteur

Question n°1 : A quelle date de l'année n les comptes de l'année n-1 sont-ils aujourd'hui arrêtés ? Une accélération des délais de remise des comptes est-elle aujourd'hui possible ?

Réponse : Les dispositions réglementaires prévoient que les arrêtés de comptes de l'année n-1 soient réalisés :

- pour les caisses départementales le 31 mars de l'année n

- pour la caisse centrale le 31 mars de l'année n.

L'ensemble des opérations était consolidé par les services du ministère de l'Agriculture.

Pour les comptes 1999, les comptes ont été réellement arrêtés,

- pour les caisses départementales autour du 31 mars de l'année n

- pour la caisse centrale le 30 mai 2000.

La CCMSA a réalisé une première consolidation des comptes 1999 pour répondre au besoin de l'Effort Social de la Nation en droits constatés au cours du 3 ème trimestre 2000. Cette opération a été rendue difficile par le fait que certaines des opérations du BAPSA ne font actuellement pas l'objet d'une comptabilisation par la CCMSA mais uniquement par le BAPSA.

Pour les comptes 2000 arrêtés en 2001, l'objectif de la MSA est de réaliser les comptes

- des caisses départementales pour le 28 février 2001

- de la caisse centrale pour le 31 mars 2001

Bien que celles ci ne soient pas prévues actuellement dans le plan comptable MSA, la CCMSA prend actuellement des dispositions pour que les écritures jusque-là non retracées dans ses comptes fassent l'objet d'une prise en compte afin de permettre une consolidation des comptes 2000 de l'ensemble du régime au cours du deuxième trimestre 2001 pour répondre aux besoins de l'ESN.

Pour obtenir une accélération plus importante des délais de remise des comptes, il est nécessaire :

- qu'un certain nombre de textes relatifs à certaines pratiques comptables, ou fixant les délais d'établissement des comptes des caisses soient revus,

- que soit expressément prévu le rôle de la CCMSA pour la consolidation des comptes,

- que nous automatisions un système de consolidation.

Question n°2 : Les comptes sont-ils d'abord présentés à la tutelle ou transmis directement à la direction de la sécurité sociale ?

Réponse : Les comptes sont actuellement d'abord présentés au ministère de l'Agriculture avant d'être transmis à la Direction de la sécurité sociale.

Il existe ainsi des " pertes " de temps dues à la lenteur inhérente aux circuits administratifs.

De plus, la Direction de la sécurité sociale " retraite " les comptes transmis par les caisses.

Quatre sources d'information sont " produites " par l'administration :

- la répartition de la CSG maladie et des droits sur les alcools ; votre rapporteur avait proposé l'année dernière un système infiniment plus simple et plus respectueux de répartition en pourcentage de la CSG maladie ;

- la répartition de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés ; votre rapporteur a déjà eu l'occasion de dresser un bilan négatif de cette contribution, qui finance deux " branches " en même temps, la branche maladie et la branche vieillesse de plusieurs " régimes " différents de non-salariés ;

- les transferts de compensation ; votre rapporteur appelle depuis longtemps l'attention sur la nécessaire remise à plat des mécanismes de compensation ;

- la dotation globale hospitalière est calculée en partenariat avec la direction des hôpitaux et répartie entre les régimes par la commission de répartition de la dotation globale, dont le secrétariat est assuré par la CNAMTS.

b) Les travaux de la MIRCOSS : une évolution attendue

1. Les droits constatés : une réforme prématurée ?

Les organismes de sécurité sociale établissent tous leurs comptes en droits constatés, ce qui a représenté un grand progrès. Il faudra plusieurs années avant que l'Etat ne présente ses propres comptes selon ce mode de comptabilisation.

Au-delà des difficultés, ce passage s'est à peu près correctement déroulé. Les écarts entre le système d'encaissements-décaissements et le système des droits constatés ne sont pas d'ailleurs très importants.

Encaissements décaissements et droits constatés
(prévisions 2000)

(en millions de francs)

Droits constatés

Encaissements-décaissements

CNAMTS maladie

Recettes

636.861

637.986

Dépenses

644.297

644.101

Variation fonds de roulement

- 7.435

- 6.115

CNAMTS accidents du travail

Recettes

49.564

49.286

Dépenses

47.326

47.228

Variation fonds de roulement

2.237

2.058

CNAVTS

Recettes

416.997

415.181

Dépenses

415.577

414.586

Variation fonds de roulement

1.421

594

CNAF

Recettes

273.004

272.483

Dépenses

266.621

265.686

Variation fonds de roulement

6.383

6.798

ENSEMBLE RG

Recettes

1.376.426

1.374.936

Dépenses

1.373.731

1.371.600

Solde

2.695

3.336

La réforme des droits constatés doit être absolument être complétée par une autre réforme, dont votre rapporteur se demande s'il n'aurait pas fallu qu'elle la précède : l'établissement d'un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale.

2. L'indispensable plan comptable unique des organismes de sécurité sociale

Le but de la Mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS) était d'aboutir à un plan comptable unique. La Mission a terminé ses travaux le 30 juin 2000 23 ( * ) . Ce plan comptable a été défini.

L'objectif est également de créer une nomenclature unique pour les comptes de la Commission des comptes et pour les annexes du PLFSS. Enfin les informations portant sur les DOM seraient intégrées dans les différents postes.

La Cour des comptes estime qu'il est indispensable qu'une instance nationale " suive la réglementation du domaine comptable et formule les propositions d'aménagement nécessaires. La DSS devrait bien entendu être étroitement impliquée dans cette instance, mais aussi les caisses et d'autres partenaires (direction générale de la comptabilité publique, INSEE, Cour des comptes) " 24 ( * ) .

La création de cette instance (appelée " mission permanente ") était prévue par l'avant-projet de loi présenté aux partenaires sociaux.

c) Les statistiques de l'assurance maladie sont désormais mieux expliquées

L'assurance maladie présente désormais des statistiques en date de soins, et non plus en date de caisse. Ce progrès, noté par la Cour des comptes, mérite d'être signalé. Certes, il reste un " halo " d'imprécision, selon le terme de M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour, mais il tend à se réduire.

La création d'un " Conseil de transparence des statistiques de l'assurance maladie " permet un dialogue entre les différents acteurs que sont l'Etat, les caisses et les professionnels de santé.

Au-delà de ces progrès techniques indéniables sur la fiabilité des comptes, et que votre rapporteur n'entend pas sous-estimer, il reste que les comptes de la sécurité sociale perdent en lisibilité, en raison du fonctionnement de la " Commission des comptes de la sécurité sociale " et de l'application frénétique du Gouvernement à modifier constamment les affectations de recettes.

2. La Commission des comptes de la sécurité sociale : une fausse commission, des comptes biaisés

a) Le faux nez de la Direction de la sécurité sociale

La presse parle du " rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale " . En fait, comme l'a de nouveau précisé M. François Monier lors de son audition devant votre commission des Affaires sociales, tout le contenu du rapport est préparé par la Direction de la sécurité sociale, ce qui rend d'autant plus étonnantes les différences de champ et de périmètre entre les comptes de la commission et les annexes du projet de loi de financement.

" Rapport " de la Commission des comptes de la sécurité sociale :
qui faut-il remercier ?

" Les conditions de préparation du rapport de septembre sont toujours très tendues : le calendrier de la loi de financement est très serré, et les comptes établis par l'administration ne sont communiqués au secrétaire général que très tard. L'exercice a été rendu particulièrement acrobatique cette année par la quasi-concomitance de présentation des projets de loi de finances et de loi de financement, qui a conduit à des modifications d'hypothèses jusqu'au 19 septembre, c'est-à-dire moins de quarante-huit heures avant la réunion de la commission. Ceci pour demander au lecteur d'excuser les petites imperfections que pourraient contenir ce rapport (elles seront corrigées dans la version définitive) et pour souligner les conditions très difficiles dans lesquelles travaille l'équipe qui le prépare, essentiellement composée des membres du bureau des comptes de la 6ème sous-direction de la Direction de la sécurité sociale. Je tiens à les remercier d'avoir encore réalisé, au prix d'un effort intense dans les derniers jours, le petit miracle qui a permis de produire ce rapport en temps. "

François Monier

Le 20 septembre 2000

(rapport de la CCSS, avant-propos)

" Mesdames, Messieurs "

" Le Secrétaire général vient de vous présenter la situation des comptes pour 2000 et 2001. Je remercie une fois de plus François Monier pour la qualité de son travail. Il a confirmé le retour à l'équilibre des comptes dès 1999, et il vient de vous indiquer que l'excédent prévu en 2000 s'élève à 3,3 milliards de francs et que l'excédent tendanciel devrait s'élever à 15,4 milliards de francs en 2001 (...) ".

Introduction du discours de Mme Martine Aubry,
ministre de l'Emploi et de la Solidarité
lors de la réunion de la CCSS
(21 septembre 2000)

Les remerciements de la ministre iront donc droit au coeur des fonctionnaires de la 6 ème sous-direction de la Direction de la sécurité sociale du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui ont réalisé " un petit miracle ". Mais l'on s'interroge sur la marge d'appréciation laissée au secrétaire général.

b) L'inadaptation au nouveau contexte des lois de financement

La Commission des comptes de printemps, selon le décret n° 87-441 du 23 juin 1987 , " traite des comptes du régime général de sécurité sociale " , à la différence de la réunion de la Commission des comptes de septembre, qui examine " les comptes de l'ensemble des régimes obligatoires de base " .

Le nouveau contexte créé par les lois de financement aurait pu conduire à une rédaction nouvelle du décret, le Parlement votant des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes, dont le cadre déborde le seul régime général.

La réponse du ministère de l'Emploi et de la Solidarité à une question de votre rapporteur, soulignant cette distorsion, ne manque pas d'aplomb.

" Un coût non négligeable pour l'administration ... "

Question : Pourquoi le champ couvert par la Commission des comptes de la sécurité sociale reste-t-il limité aux comptes du seul Régime général ?

Réponse (...) Cette différence de champ est aujourd'hui justifiée par le fait que les comptes de nombreux régimes de sécurité sociale ne sont pas encore disponibles dans les mêmes délais que ceux du Régime général.

Plus fondamentalement, la différence de traitement ainsi marquée entre le Régime général et les autres régimes est justifiée par le poids du Régime général et sa plus grande sensibilité à la conjoncture. D'ailleurs, même à la Commission des comptes de septembre, où sont pourtant présentés les comptes, passés et prévisionnels de l'ensemble des régimes, c'est le Régime général qui focalise aujourd'hui, et à juste titre, l'attention générale.

La présentation à la Commission des comptes de printemps de l'ensemble des régimes aurait en outre un coût non négligeable pour l'administration qui établit les comptes (et donc in fine pour le contribuable) et pour les Régimes qui l'assistent dans cette tâche.

Dans ces conditions, il ne paraît pas opportun d'étendre le champ couvert par la Commission des comptes de printemps.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur

Le souci de bonne utilisation des deniers publics honore le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Il ne devrait pourtant pas faire échec à une réforme de la Constitution.

c) Des hypothèses tendancielles de plus en plus discutables

Votre rapporteur avait dénoncé, dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, les " hypothèses tendancielles " établies à l'occasion de la Commission des comptes du 22 septembre 1999, qui anticipaient des mesures annoncées le jour même par le Gouvernement, et qui ne reposaient sur aucun texte juridique : intégration de 2,5 milliards de francs à la charge de la branche famille, " provisions " comptables pour les branches du régime général, ONDAM fixé à 658,3 milliards de francs.

La Commission des comptes de septembre 2000 fixe pour prévision tendancielle que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire est mise dès 2001 à la charge de la branche famille : " d'autres choix étaient possibles. Cet exemple illustre la difficulté de la définition d'un compte " tendanciel " " 25 ( * ) . Par ailleurs, l'ONDAM " rebasé " progresse de 3,5 %... comme la prévision retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Il est particulièrement important, pour la lisibilité des comptes, que soient distingués clairement le compte tendanciel et le compte corrigé par le projet de loi de financement : c'est ainsi que le Parlement, et par là-même les citoyens, peuvent se rendre compte de l'impact des mesures du projet de loi, c'est-à-dire comprendre l'action des pouvoirs publics.

Dans son avant-propos, le secrétaire général de la Commission des comptes semble pourtant regretter que le compte tendanciel et le compte du projet de loi de financement soient distincts : " les excédents continueront de croître en 2001 même si la situation du régime général est surestimée dans le compte largement conventionnel ici présenté, qui ne retient qu'une partie des dispositions de la loi [sic] de financement pour 2001 " .

d) Une " omission " de taille : le FOREC

L'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale (article 15 de loi n° 94-637 du 25 juillet 1994) dispose que la Commission des comptes de la sécurité sociale " prend connaissance (...) d'un bilan relatif aux relations financières entretenues par le régime général de la sécurité sociale avec l'Etat et tous autres institutions et organismes " .

Votre rapporteur en avait déduit que les comptes du FOREC, organisme concourant au financement des régimes de base , seraient présentés en Commission des comptes, par analogie avec le fonds de solidarité vieillesse, organisme concourant au financement des régimes de base .

Le rapport présenté le 21 septembre 2000 n'aborde les comptes du FOREC que de manière allusive.

En conséquence, le Gouvernement n'a pas respecté la loi du 25 juillet 1994.

M. François Monier, auditionné par votre commission, a reconnu qu'il s'agissait là d'une erreur, qui serait corrigée dans la version définitive du rapport de la Commission des comptes publié à la Documentation française.

3. La complexité des affectations de recettes

a) Le principe d'affectation budgétaire

Contrairement aux finances de l'Etat, le principe d'universalité budgétaire 26 ( * ) n'existe pas en matière de finances sociales. C'est même rigoureusement l'inverse : toute recette doit être affectée à une dépense . Les cotisations, prélèvements sur les salaires, sont justifiés, puisqu'ils vont alimenter une forme de salaire différé. La contribution sociale généralisée a trois destinataires différents : la famille, le financement des avantages non contributifs de la branche vieillesse (FSV) et les régimes d'assurance maladie.

b) Le mécanisme de la CSG

Un article faussement " technique " de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, l'article 9, a modifié le circuit complexe de répartition de la CSG maladie imaginé par la loi de financement pour 1997. Désormais, une commission de répartition de la CSG, " composée notamment de représentants des régimes concernés et présidée par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale " , est consultée avant la parution d'un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, fixant les montants et les modalités de versement de la contribution sociale généralisée et des droits sur les alcools.

Cette commission s'est réunie les 8 décembre 1999 27 ( * ) et le 11 janvier 2000. L'arrêté est paru au Journal officiel du 31 janvier 2000.

Certes, le nouveau mécanisme, par rapport à l'ancien système, évite les opérations de régularisation complexes. Mais il pose un problème de principe : le supplément de recettes de CSG est affecté intégralement à la CNAMTS ; en aucun cas, la CANAM ou le régime des exploitants agricoles ne bénéficie d'une évolution plus favorable de leurs recettes.

c) Le mécanisme de la C3S

Les régimes des non-salariés non agricoles, en dehors de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, sont structurellement déficitaires.

En conséquence, ils bénéficient depuis 1970 d'une impôt affecté, la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S). Cette C3S est répartie entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables, mesurés en encaissements-décaissements. Les excédents de C3S sont ensuite affectés pour partie, à titre dérogatoire en 1999, 2000 et 2001 au BAPSA, sous la forme d'un versement forfaitaire, et pour partie au fonds de solidarité vieillesse. Des arrêtés des ministres chargés de la Sécurité sociale et du Budget, publiés au Journal officiel, procèdent à ces répartitions.

Ce mécanisme atteint aujourd'hui ses limites :

- il oblige à des régularisations complexes au titre de l'année antérieure ;

- il ne responsabilise pas les régimes des non-salariés, ceux-ci disposant d'un financement automatique de leurs déficits ;

- il fait dépendre l'affectation des excédents de C3S au fonds de solidarité vieillesse (et par là-même au fonds de réserve des retraites) de l'évolution des dépenses des régimes des non salariés.

Affectation de la C3S entre les différents régimes de non-salariés

(en millions de francs)

1999

2000

2001

CANAM

1.770

8.410

5.856

ORGANIC

6.753

2.863

4.927

Régime complémentaire du bâtiment

295

261

298

CANCAVA

4.108

1.886

1.760

BAPSA

1.000

1.000

1.250

Total des transferts aux régimes

13.926

14.421

14.091

Total des recettes de C3S

17.302

18.330

19.180

Source : rapport CCSS septembre 2000

Les excédents de C3S sont versés au fonds de solidarité vieillesse : 2 milliards de francs en 1999, 4 milliards de francs en 2000 et 3,8 milliards de francs en 2001.

d) L'exemple de trois prélèvements

Trois prélèvements ont vu leur affectation constamment modifiée depuis la première loi de financement de la sécurité sociale :

- les droits 575 de consommation sur les tabacs ;

- les droits 403 de consommation sur les alcools ;

- le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

Historique de l'affectation de trois prélèvements sociaux

Loi du 22 juillet 1993

LFSS 1997

LFSS 1998

Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU

LFSS 2000

PLFSS 2001

Droits 403 sur les alcools

FSV : 100 %

(droits auparavant affectés à l'Etat)

FSV : 60 %

Régimes d'assurance maladie : 40 %

FSV : 55 %

Régimes d'assurance maladie : 40 %

CNAMTS : 5 %

FSV : 8 %

CNAMTS : 45 %

FOREC : 47 %

CNAMTS : 45 %

FOREC : 55 %

Droits 575 sur les tabacs

Etat : 93,61 %

CNAMTS : 6,39 %

(droits auparavant affectés en intégralité à l'Etat)

Etat : 90,9 %

CNAMTS : 9,1 %

L'économie générale du dispositif prévoit l'affectation d'une fraction spécifique à la CNAMTS, précisée par la loi de finances pour 2000...

Etat : 5,90 %

CNAMTS : 9,1 %

CNAMTS " CMU " : 6,89 %

FOREC : 77,7 %

Fonds amiante : 0,41 %

CNAMTS : 2,81 %

FOREC : 96,5 %

Fonds amiante : 0,39 %

Prélèvement social de 2 %

CNAF : 50 %

CNAVTS : 50 %

(unification de deux prélèvements remontant pour celui affecté à la CNAF à 1984 et pour celui affecté à la CNAVTS à 1987)

CNAF : 22 %

CNAVTS : 50 %

CNAMTS : 28 %

CNAF : 13 %

CNAVTS : 30 %

CNAMTS : 8 %

Fonds de réserve pour les retraites : 49 %

CNAVTS : 30 %

Fonds de réserve pour les retraites : 50 %

FSV : 20 %

La création du FOREC a pour conséquence de rendre plus complexe encore le financement de la sécurité sociale, en raison de la multiplicité et du champ large des recettes qui lui sont affectées (droits alcools, droits tabacs, TGAP, contribution sociale sur les bénéfices, ...).

Par ailleurs, le Gouvernement modifie constamment les règles d'affectation de recettes. M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes, estime ainsi qu'il n'y a pas lieu de " critiquer une telle gestion qui est inévitable et souhaitable même si elle paraît parfois artificielle. Mais on peut remarquer qu'elle fait perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général. Il convient d'avoir cette remarque présente à l'esprit dans la lecture des commentaires de ces soldes " .

Votre commission considère, quant à elle, qu'il est impératif de conserver une " grande partie de leur signification " aux différents soldes des branches du régime général et conteste donc formellement une " telle gestion ".

III. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 : LE BRICOLAGE FINANCIER PERMANENT

" L'intelligibilité des comptes sociaux, c'est-à-dire la compréhension par chacun, assuré ou contribuable, de la destination et de la raison d'être des prélèvements sociaux, est le fondement des lois de financement et la condition du redressement de la sécurité sociale " 28 ( * ) .

Votre rapporteur appelait ainsi l'attention du Gouvernement, il y a un an, sur la nécessité de rendre intelligibles les comptes sociaux.

Hélas, les comptes sociaux sont désormais soumis à un bricolage financier permanent . Les excédents des régimes sociaux sont captés pour financer le FOREC, tandis que, par une mesure hâtivement préparée, le Gouvernement porte atteinte à une politique menée depuis dix ans : l'universalité d'un prélèvement affecté à la sécurité sociale, la contribution sociale généralisée.

A. UNE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE TOUJOURS TRÈS FAVORABLE EXPLIQUE L'EXCÉDENT PRÉVU POUR 2001 REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES

1. La conjoncture économique : de l'euphorie à l'incertitude

a) La croissance du PIB

La publication par l'INSEE des chiffres de croissance du premier (0,7 %) et du deuxième trimestres 2000 (également 0,7 %) ont surpris les observateurs, en raison des indicateurs largement positifs (indice de confiance des ménages et des chefs d'entreprise). Le Gouvernement explique, probablement à juste raison, que l'appareil statistique ne suit pas assez rapidement les mutations de la " nouvelle économie ".

Toutefois, le choc pétrolier, ou plus exactement le " choc routier " semble avoir pesé sur la croissance française.

De plus, l'économie française souffre de goulots d'étranglement multiples :

- insuffisance des capacités et pénurie de main-d'oeuvre qualifiée ;

- accélération des délocalisations pour des raisons fiscales et de mise en place des trente-cinq heures.

Pour 2001, le Gouvernement prévoit 3,3 % de croissance. Les prévisions des experts du " groupe technique de la Commission économique de la Nation " sont légèrement en dessous :

- 3,3 % pour les instituts, les prévisions du BIPE (+ 3,9 %) et de l'OFCE (+ 3,7 %) tirant la moyenne vers le haut ;

- 3,1 % pour les banques.

Deux incertitudes, étroitement liées, planent sur la prévision de croissance. Le prix du baril sera déterminant pour le niveau de l'inflation. La prévision du Gouvernement d'une inflation en 2001 de 1,3 %, après un niveau de 1,6 % en 2000, anticipe une baisse du prix du baril à 26 dollars (contre plus de 30 dollars aujourd'hui). La moyenne des instituts de conjoncture se situe à 2001 au-dessus : + 1,6 %.

Il apparaît étonnant de prévoir une croissance égale à celle de 2000, alors même que le renchérissement du prix du pétrole a toujours entraîné une diminution de la croissance.

b) Un pari sur une croissance historique de la masse salariale

Le Gouvernement compte sur une croissance historique de la masse salariale : 5,9 % en 2001.

Prévision de la croissance de la masse salariale en 2001

Septembre 2000

Salaire moyen par tête

3,0

Effectifs salariés

2,6

Masse salariale secteur privé

5,7

Effet emplois-jeunes (*)

0,2

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

5,9

Le Gouvernement évalue à 330.000 le nombre de créations d'emplois effectifs en 2001, après 460.000 en 2000 et 380.200 en 1999 29 ( * ) .

La prévision globale semble très optimiste. Il aurait été préférable de retenir une progression de masse salariale de 4,9 %, les " bonnes surprises " étant préférables aux " mauvaises surprises ". Or, un point de masse salariale représente 9 milliards de recettes en moins ou en plus pour le seul régime général (12 milliards de francs pour l'ensemble de la sécurité sociale).

2. Un excédent " tendanciel " important

L'excédent tendanciel des comptes sociaux pour 2001 est significatif :

a) Les hypothèses retenues par le Gouvernement dégradent les comptes du régime général de 4,1 milliards de francs

Une fois de plus, le compte tendanciel présenté à la Commission des comptes de septembre 2000 n'est pas exact. Il intègre, de manière tout à fait douteuse, la prise en charge intégrale par la branche famille de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, ce qui représente 4,1 milliards de francs supplémentaires à la charge de la branche famille. La " nouveauté " est que ce compte 2001 tendanciel faux s'appuie sur un compte 2000 modifié a posteriori 30 ( * ) .

Le solde tendanciel du régime général en 2001
(CCSS septembre 2000)

(en millions de francs)

CNAMTS maladie

Recettes

665.821

Dépenses

666.827

Variation fonds de roulement

- 756

CNAMTS accidents du travail

Recettes

51.939

Dépenses

48.552

Variation fonds de roulement

3.387

CNAVTS

Recettes

430.611

Dépenses

427.740

Variation fonds de roulement

3.371

CNAF

Recettes

282.365

Dépenses

272.990

Variation fonds de roulement

9.375

ENSEMBLE RG

Recettes

1.430.786

Dépenses

1.415.409

Solde

15.377

Le véritable excédent tendanciel de la CNAF serait de 13,5 milliards de francs, ce qui modifie également le véritable excédent tendanciel du régime général, qui serait de 19,5 milliards de francs et non de 15,4 milliards de francs.

b) Les régimes de base de sécurité sociale : un excédent supérieur à 30 milliards de francs

Le FSV, organisme concourant au financement des régimes de base, dispose de manière tendancielle d'un excédent de 9,7 milliards de francs.

En ce qui concerne les régimes des non-salariés non agricoles, seule l'ORGANIC serait en léger déficit (-1,2 milliard de francs). La CANCAVA et la CANAM retourneraient à l'équilibre, tandis que la CNAVPL dégagerait un excédent important (5 milliards de francs).

La CNRACL resterait en déficit.

Il reste que le " solde " des régimes de base de sécurité sociale par rapport au solde du régime général nécessite d'être relativisé, compte tenu de l'équilibre factice de bon nombre de régimes spéciaux, soutenus par des transferts budgétaires.

Subventions de l'Etat aux régimes sociaux
(CCSS septembre 2000)

(en millions de francs)

Régimes de retraite

SNCF (retraites)

14.485

Pensions ouvriers de l'Etat (FSPOIE)

6.913

Régime des mines (CANMSS)

3.301

Régimes mixtes (retraite - maladie)

Subvention BAPSA

5.327

Régime des marins (ENIM)

4.812

TOTAL

34.838

c) Les administrations de sécurité sociale : un excédent tendanciel considérable

Par rapport au " champ " des régimes de base et des organismes concourant à leur financement, il convient d'ajouter les régimes complémentaires (ARRCO-AGIRC) et l'UNEDIC pour disposer du " champ des administrations de sécurité sociale " (ASSO). Ce solde est l'une des composantes du solde des administrations publiques défini dans le cadre de nos engagements européens (solde dit " de Maastricht ").

Solde tendanciel des administrations de sécurité sociale (*)

(en millions de francs et en pourcentages)

Tendanciel Gouvernement

Tendanciel commission des Affaires Sociales

Régime général

+ 15.377

+ 19.477

Autres régimes de base

- 2.553

- 2.553

FSV

+ 9.768

+ 9.768

Régimes complémentaires (ARRCO-AGIRC)

+ 26.367

+ 26.367

UNEDIC

+ 10.000

+ 14.000

TOTAL administrations sécurité sociale

+ 58.959

+ 67.059

PIB en 2001

9.624,4

9.624,4

Solde ASSO/PIB

+ 0,60 %

+ 0,70 %

(*) hors FOREC. Le solde tendanciel de cet organisme peut être évalué entre - 20 et - 25 milliards.

L'excédent tendanciel du Gouvernement -qui n'est jamais indiqué de manière explicite- repose sur des hypothèses tout à fait conventionnelles, comme le montre ce commentaire : " En ce qui concerne l'assurance chômage, ces comptes s'appuient sur une hypothèse tout à fait conventionnelle d'excédent de l'UNEDIC sur l'exercice 2001 limité à 10 milliards de francs, l'excédent spontané serait supérieur, mais il est supposé qu'il est en partie mobilisé pour étendre la couverture de l'assurance chômage, améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi et diminuer les cotisations salariales et patronales " 31 ( * ) .

B. LE FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES VENDANGE LES EXCÉDENTS DE LA BRANCHE FAMILLE ET DU FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE

Votre rapporteur avait, l'an dernier, fustigé la confusion entre le financement de la politique de l'emploi et le financement de la sécurité sociale.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le financement de la politique de l'emploi s'effectue au détriment de la sécurité sociale. Le choix du Gouvernement d'affecter des recettes au FOREC plutôt que de faire apparaître clairement un coût budgétaire lui permet de présenter une augmentation rassurante des dépenses publiques.

Par un mécanisme d'une effrayante complexité, les excédents de la CNAF et du FSV alimentent le fonds d'allégement de charges créé pour financer les trente-cinq heures.

1. Le financement du FOREC

a) Le projet de loi de financement 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année jouent le rôle de collectif social pour 2000

N'ayant pas déposé de projet de loi de financement rectificatif, le Gouvernement est obligé de tenter d'équilibrer le compte du FOREC par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. De manière discrète, différents droits sur les alcools sont transférés rétrospectivement à compter du 1 er janvier 2000, du FSV vers le FOREC, pour un montant de 5,4 milliards de francs. Cette disposition obligera le FSV à opérer un versement, sur la base d'un arrêté ministériel, qui amputera ses comptes 2000. Ses excédents disparus, il ne pourra pas alimenter le Fonds de réserve des retraites.

Solde du Fonds de solidarité vieillesse en 2000

(en millions de francs)

Solde CCSS de septembre 2000

5.356

Transfert de droits sur les boissons

- 5.404

Solde après PLFSS pour 2000

- 48

Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative de fin d'année devrait prévoir l'affectation au FOREC de 3,1 milliards de francs de droits tabacs. Pourtant, selon l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale, " les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale " .

Au total, grâce à des transferts financiers de 8,5 milliards de francs et à une recette tabacs spontanément plus élevée de 2 milliards de francs, le FOREC serait en 2000 " équilibré " de la manière suivante :

Recettes et dépenses du FOREC en 2000

(en millions de francs)

Prévisions 2000

Mesures PLFSS 2001

RECETTES

Tabacs

39.500

44.600

TGAP

3.250

2.800

CSB

4.250

3.800

Alcools

5.600

11.500

Etat

4.300

4.300

TOTAL

56.900

67.000

DEPENSES

Ristourne Juppé

39.500

39.500

Extension

7.500

5.800

Aides loi RTT 1 et aide structurelle RTT 2

17.500

21.700

TOTAL

64.500

67.000

Ses dépenses ont été supérieures de 2,5 milliards de francs aux prévisions.

Votre rapporteur rappelle que le Gouvernement avait tenté de faire croire que le FOREC s'équilibrerait " tout seul ". L'argumentaire distribué à la presse, à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les heures supplémentaires, comprenait ces paragraphes savoureux :

" Il est d'ores et déjà possible d'indiquer les grandes lignes qui permettront d'équilibrer le fonds.

" Du fait des excellents résultats économiques et sociaux de 1999, les recettes de la contribution sur les bénéfices et de la TGAP seront plus importantes que prévu : il faut rappeler que la LFSS et la LF ont été construites sur des prévisions qui datent de septembre. Il en va de même pour les droits sur les tabacs, dont 85,5 % [sic 32 ( * ) ] sont affectés au fonds d'allégement. " 33 ( * )

A l'aune des estimations de septembre 2000, la bonne tenue des recettes tabacs permet effectivement de dégager 2 milliards de francs supplémentaires.

En revanche, ce sont des " moins values " qui sont constatées sur la contribution sociale sur les bénéfices et la taxe générale sur les activités polluantes, pour un montant total de 0,9 milliard de francs.

S'agissant de la contribution sociale sur les bénéfices (- 450 millions par rapport à la prévision), il semble que le calendrier de recouvrement, identique à celui de l'impôt sur les sociétés, ait pour conséquence un décalage dans la perception des recettes. Il reste que le Gouvernement aurait dû anticiper cet effet " calendrier " dans la prévision qu'il avait donnée l'année dernière.

S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (- 450 millions de francs par rapport à la prévision), il est utile, pour expliquer cette déconvenue, de revenir au chiffre définitif de l'année 1999, première année d'exercice de cette taxe : celle-ci était censée rapporter 1,935 milliard de francs. Selon la Cour des comptes 34 ( * ) , le montant final est proche de la prévision révisée de la loi de finances rectificative (1,8 milliard de francs). En conséquence, il y a un " effet base " 1999.

Le dispositif d'élargissement de l'assiette de la TGAP adopté par l'article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (lessives, granulats, produits phytosanitaires) et d'intégration de la taxe et de la redevance sur les installations classées était censé procurer 1,1 milliard de francs supplémentaires 35 ( * ) . Il semble que cet effet ait été surévalué d'environ 400 millions de francs.

L'extension d'assiette de la TGAP en 2000 : des prévisions aux estimations

(en millions de francs)

Prévisions septembre 1999

Estimations novembre 2000

Lessives

500

450

Granulats

200

90

Phytosanitaires

300

100

Installations classées

100

100

TOTAL

1.100

740

Source : déclarations de Mme Dominique Voynet à l'Assemblée nationale, JO Débats AN, 2 ème séance du 3 novembre 2000, p. 7951.

S'agissant des droits sur les alcools , leur produit, précisé à l'annexe f) du présent projet de loi (11,5 milliards de francs) englobe à la fois le transfert des 47 % des droits 403 décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, mais également les 8 % de droits 403 qui devaient rester au FSV et le transfert du reste des droits.

Il convient de distinguer entre ces différentes sources d'affectation.

Droits alcools du FOREC en 2000
(Nouvelles prévisions 2000)

(en millions de francs)

47 % des droits 403

5.659

8 % des droits 403

964

Droit de consommation sur les produits intermédiaires (402 bis CGI)

1.200

Droit sur les bières et les boissons non alcoolisés (520 A CGI)

2.360

Droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels (438 CGI)

880

TOTAL

11.063

Source : d'après annexe du projet de loi de finances " Bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale "

La prévision révisée pour 2000 est équivalent à la prévision initiale (5,7 milliards de francs).

En revanche, la prévision globale des droits affectés au FOREC, présentée à l'annexe du projet de loi de finances " Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale ", est inférieure de 400 millions de francs à la prévision de l'annexe f) du projet de loi de financement.

Le " compte tendanciel " du FOREC pour 2000, hors mesures de " rafistolage " prises par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année 2000, et que le Gouvernement n'a pas voulu faire apparaître dans le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, faisait apparaître un déficit de près de 10 milliards de francs 36 ( * ) :

Compte tendanciel du FOREC en 2000
(Nouvelles prévisions 2000)

(en millions de francs)

RECETTES

Tabacs

40.725

TGAP

2.800

CSB

3.800

Alcools

5.659

Etat

4.300

TOTAL DES RECETTES

57.284

TOTAL DES DÉPENSES

67.000

DÉFICIT

- 9.716

Source : d'après l'annexe du projet de loi de finances

On notera que la prévision retenue pour les tabacs (40.725 millions de francs) est une nouvelle fois inférieure à celle retenue par l'annexe f) du projet de loi de financement (41.500 millions de francs).

Par rapport au financement de la ristourne Juppé (39,5 milliards de francs), les dépenses " supplémentaires " du FOREC représentent 27,5 milliards de francs en 2000.

Ce financement des dépenses supplémentaires repose sur :

- l'affectation des droits sur les alcools autrefois perçus au profit du fonds de solidarité vieillesse , c'est-à-dire la sécurité sociale (11,5 milliards de francs) ;

- la création ou l'extension d'assiette de prélèvements sur les entreprises (4,9 milliards de francs correspondant à la CSB et à l'extension d'assiette de la TGAP) ;

- la " participation de l'Etat " , englobant la contribution budgétaire (4,3 milliards de francs), l'affectation d'une recette tabacs affectée à l'Etat (3,1 milliards de francs) ainsi que la perte de la TGAP dans son assiette de 1999 (1,9 milliard de francs), soit un total de 9,3 milliards de francs ;

- l'augmentation " spontanée " des recettes " tabacs " supérieure de 2 milliards de francs à l'évolution de la " ristourne Juppé ".

Financement des " dépenses supplémentaires "
du FOREC en 2000

(en millions de francs)

Sécurité sociale

11.500

Etat

9.300

Prélèvements nouveaux

4.700

Effet spontané recettes

2.000

TOTAL

27.500

D'où vient le financement des dépenses supplémentaires
engendrées par le FOREC en 2000?

b) La réforme des cotisations patronales connaît en 2001 de nouveaux avatars : une assiette étendue aux vignettes des véhicules des sociétés et aux conventions d'assurance

Malgré les engagements pris par la majorité issue des élections du printemps 1997, et en raison de deux rapports contradictoires -le rapport Chadelat, qui s'était montré favorable à un passage progressif à une assiette valeur ajoutée, et le rapport Malinvaud, qui s'y était montré défavorable-, l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale reste assise sur les seules rémunérations.

La création du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " tentait de faire croire qu'une telle réforme avait eu lieu. Il n'en est rien : le calcul des cotisations patronales n'est pas affecté par un élément " valeur ajoutée ", un élément " pollution " ou un élément " bénéfices " ni a fortiori un élément " tabac " ou " alcool ". Mais la compensation des exonérations de cotisations sociales accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail était financée par quatre prélèvements (tabacs, alcools, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes).

Le projet de loi de financement pour 2001 propose d'affecter au FOREC deux prélèvements supplémentaires : une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance (14,1 %) et la taxe sur les véhicules des sociétés.

Le FOREC serait désormais financé par six prélèvements différents.

La taxe sur les conventions d'assurance

Cette taxe pèse sur les assurés et prend la forme, en assurance de dommages, d'une taxe sur les conventions d'assurance (art. 991 du code général des impôts).

Représentant en 2001 un montant de 28,3 milliards de francs, elle frappe annuellement les cotisations, à des taux différents selon les types de garantie concernés : 7 % sur les contrats d'assurance maladie complémentaire, 18 % sur les contrats d'assurance automobile, 30 % sur les contrats d'assurance incendie des particuliers, etc. Certains types de contrats sont exonérés de la taxe : il en est ainsi notamment des contrats d'assurance transport (navigation aérienne, maritime et fluviale, marchandises transportées), des contrats couvrant certains risques agricoles et des contrats d'assurance maladie complémentaire des agriculteurs, des contrats d'assurance automobile relatifs aux véhicules utilitaires de plus de 3,5 tonnes. Depuis le 1 er juillet 1990, la taxe sur les conventions d'assurance ne frappe plus les contrats d'assurance vie.

S'agissant de la taxe sur les conventions d'assurance, la " logique " de l'affecter au financement des trente-cinq heures reste incertaine. Elle fait partie de ces impositions dont le rendement n'est certes pas négligeable, mais dont le fondement apparaît de moins en moins certain. On notera que sa suppression pure et simple permettrait une diminution des primes et bénéficierait ainsi avant tout aux catégories les plus modestes.

La taxe sur les véhicules des sociétés

Cette taxe, perçue par voie de timbre, est régie par l'article 1010 du code général des impôts. Les véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, possédés ou utilisés par les sociétés, sont soumis à une taxe annuelle non déductible de l'impôt sur les sociétés. Son montant est de 7.000 francs pour les véhicules dont la puissance fiscale n'excède pas 7 CV et de 16.000 francs au-delà.

L'article 1010 A exonère de cette taxe les véhicules fonctionnant à l'énergie électrique, au GPL et au gaz naturel véhicule. Les véhicules " alternatifs " sont exonérés de la moitié de la taxe.

La taxe est recouvrée en fin d'année.

Il est ainsi frappant de constater que l'Etat transfère des recettes " de poche " fragiles et, à terme, menacées, en quelque sorte " les rossignols " de la fiscalité d'Etat . La taxe sur les véhicules des sociétés n'aura guère de justification, à partir du moment où la vignette a été supprimée. La taxe sur les conventions d'assurance pourrait être allégée, avant d'être éventuellement supprimée. Enfin, faut-il le rappeler, une politique de santé publique digne de ce nom devrait s'attaquer franchement au tabagisme. Son succès devrait, en principe, entraîner une forte baisse de la consommation et donc du produit des droits sur les tabacs dont les taux doivent être dissuasifs.

De plus, pour le cas de la taxe sur les véhicules des sociétés, son affectation pose un problème de trésorerie ; en effet, elle est recouvrée en une seule fois, en fin d'année.

c) Un élargissement de son champ de compétences

L'article 10 du projet de loi prévoit que le FOREC prend en charge deux nouvelles mesures d'exonérations de cotisations de sécurité sociale :

- l'allégement en faveur de l'aménagement et de la réduction conventionnels du temps de travail (ARTT " loi de Robien ") ;

- l'exonération de cotisations d'allocations familiales applicable aux salariés des exploitants agricoles et des entreprises relevant de certains régimes spéciaux de sécurité sociale.

Selon le bleu budgétaire " emploi " du projet de loi de finances pour 2001, ces nouvelles dépenses du FOREC -correspondant à une économie pour l'Etat- représenteraient pour 2001 un montant de 3,63 milliards de francs.

d) Un équilibre incertain pour 2001

Pour autant, l'équilibre du FOREC semble incertain en 2001.

" Equilibre " du FOREC en 2001

(en millions de francs)

Recettes

Dépenses

Droits de consommation tabacs

52.000

Ristourne dégressive 1,3 SMIC

41.000

CSB

6.000

Allégement supplémentaire 1,8 SMIC

10.000

TGAP

7.000

Aides incitative (Aubry I) et pérenne (Aubry II) à la réduction du temps de travail

30.370

Droits de consommation alcools

12.000

Allégement de Robien

3.500

14,1 % de la taxe sur les conventions d'assurance

4.000

Exonération cotisations allocations familiales

130

Taxe sur les véhicules des sociétés

4.000

TOTAL

85.000

85.000

Source : annexe f) du PLFSS 2001

S'agissant des recettes, il apparaît improbable que la taxe générale sur les activités polluantes rapporte 7 milliards de francs en 2001, compte tenu du fait que son produit se serait élevé à seulement 2,8 milliards de francs (contre 3,25 prévus). L'évaluation de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés est également sujette à caution : un rendement de 6 milliards de francs apparaît élevé par rapport au produit estimé pour 2000 (3,8 milliards de francs).

L'extension d'assiette de TGAP à la taxation de la consommation d'énergie serait prévue, selon un dispositif qui n'est pas a priori encore arrêté, par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année 2000.

Lorsque le Parlement prévoit, à l'article 13 du projet de loi, les recettes du FOREC, " organisme concourant au financement des régimes de base " , certaines de ces recettes sont virtuelles.

Par ailleurs, les estimations des recettes du FOREC divergent entre celles présentées à l'annexe f) du projet de loi de finances et celles du " jaune " budgétaire " Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale ".

Les différentes prévisions de recettes du FOREC en 2001

(en millions de francs)

Recettes

Annexe PLFSS

Annexe PLF

Droits de consommation tabacs

52.000

52.078

CSB

6.000

6.000

TGAP

7.000

7.000

Droits de consommation alcools

12.000

11.570

Taxe sur les conventions d'assurance

4.000

3.990

Taxe sur les véhicules des sociétés

4.000

4.000

TOTAL

85.000

84.638

Une différence de 362 millions de francs, montant certes négligeable par rapport à la masse de 85 milliards de francs, est constatée entre les deux " sources " gouvernementales.

Il reste à comprendre les raisons d'un tel écart, venant confirmer les écarts des prévisions 2000 sur le montant des droits tabacs et des droits alcools.

Les comptes du FOREC de l'annexe f) sont-ils en encaissements-décaissements
ou en droits constatés ?

Votre rapporteur s'interroge sur les écarts entre les comptes présentés au Parlement dans l'annexe f) du projet de loi de financement et les chiffres de l'annexe du projet de loi de finances.

L'une des raisons pourrait être que l'annexe f) a été réalisée en droits constatés, alors que l'annexe du projet de loi de finances est en encaissements décaissements.

Cette hypothèse s'appuie sur un montant en droits constatés des droits alcools transférés du FSV au FOREC nettement supérieur à celui établi en encaissements-décaissements.

Si cette hypothèse s'avérait justifiée, l'annexe f) aurait été ainsi établie, pour les comptes du FOREC, en droits constatés, sans que ce mode de comptabilisation n'ait été précisé à aucun endroit, ce qui porte pour le moins atteinte à la " lisibilité " des comptes sociaux.

Les différentes recettes fiscales affectées au FOREC en 2001

S'agissant des dépenses, les comptes présentés à l'annexe f) ne correspondent pas aux évaluations que l'on retrouve dans le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2000.

Les dépenses du FOREC sont des " recettes " pour les régimes de base de la sécurité sociale. La commission des comptes de la sécurité sociale, si elle n'a pas clairement établi la partie recettes du FOREC, a implicitement décrit sa partie dépenses, en indiquant les transferts provenant du FOREC.

Les dépenses du FOREC

(en millions de francs)

2000

2001

CNAMTS

27.504

36.190

CNAMTS - AT

5.053

6.648

CNAVTS

19.227

25.300

CNAF

13.538

17.814

Total régime général

65.322

85.952

Source : CCSS septembre 2000

Le régime agricole est l'autre régime concerné. Le total avoisinerait les 68 milliards en 2000 et les 89,5 milliards de francs en 2001.

Dès lors, quelle prévision est celle retenue par le Gouvernement ? Certes, il est toujours difficile d'établir une prévision sur la montée en charge d'un dispositif qui dépend du comportement des entreprises, mais le propre d'une prévision est d'être unique. Il est impossible de présenter simultanément deux prévisions, l'une financée " à due concurrence ", et la seconde faisant apparaître un trou de quatre à cinq milliards de francs.

Naturellement, le Gouvernement est incapable de préciser comment sera financé le FOREC en 2002 et " à terme ", c'est-à-dire en 2003.

2. Les " tuyauteries " masquent mal un financement des trente-cinq heures par la sécurité sociale

La loi de financement de la sécurité sociale pour 200 avait affecté au FOREC 47 % des " droits 403 " sur les alcools, privant le FSV de 5,6 milliards de francs. Les branches du régime général (CNAMTS, CNAF et CNAVTS) avaient en outre perdu une partie du prélèvement social de 2 % (5,6 milliards de francs 37 ( * ) ), au profit du fonds de réserve des retraites.

Le présent projet de loi propose toute une série de " tuyauteries " pour financer le FOREC.

Le fonds de solidarité vieillesse perd, dès 2000, l'intégralité des droits sur les alcools au profit du FOREC. De manière concomitante, la CNAF prend en charge une partie des majorations pour âge, allégeant les dépenses du FSV de 3 milliards de francs.

La CNAMTS perd une grande partie des droits sur les tabacs qui lui étaient affectés. En " compensation ", elle obtient une augmentation du taux de la CSG qui lui était affectée. Mais cette augmentation du taux de la CSG est elle-même " compensée " par une diminution du taux de CSG affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Il aurait été plus simple de conserver à la CNAMTS ses droits tabacs et d'affecter une fraction de la CSG au FOREC. Le mécanisme serait alors apparu beaucoup plus clairement : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 " siphonne " les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse pour financer le FOREC.

Au total, si le FOREC n'avait pas existé, le régime général et le FSV auraient bénéficié de 18,6 milliards de francs de recettes supplémentaires (11,5 milliards de droits alcools et 7,1 milliards de francs de droits tabacs) en 2001.

Le FOREC bénéficie par ailleurs de la TGAP et de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), qui lui apportent 13 milliards de francs de recettes.

Compte tenu du coût des allégements de charge décidés par la première loi Aubry 38 ( * ) , le " coût budgétaire " des trente-cinq heures, imputable à l'actuel Gouvernement, peut être évalué pour 2001 à 40 milliards de francs.

En d'autres termes, si le FOREC n'existait pas, le projet de loi de finances pour 2001 afficherait une quarantaine de milliards de francs de dépenses supplémentaires. La dérive est de 13 milliards de francs en une seule année.

Ce coût peut être établi de la manière suivante :

Coût des deux lois Aubry en 2001

(en millions de francs)

Dépenses du FOREC

85.000

Ristourne Juppé

- 41.000

Allégement de Robien

- 3.500

Exonération cotisations d'allocations familiales

- 130

Dépenses du FOREC hors exonérations antérieures aux lois Aubry

40.370

Cette constatation ne signifie pas pour autant qu'il y aurait quarante milliards de francs de dépenses " déguisées " de l'Etat. La réalité est plus complexe.

En effet, l'origine de ces 40,4 milliards de francs est la suivante :

- 18,6 milliards de francs de recettes affectés jusqu'à maintenant à la sécurité sociale (11,5 milliards de francs de droits alcools et 7,1 milliards de francs de droits tabacs) ;

- 9,9 milliards de francs de recettes jusqu'à maintenant à l'Etat (1,9 milliard de TGAP, 4 milliards de taxe sur les véhicules des sociétés et 4 milliards de taxe sur les conventions d'assurance) ;

- 11,1 milliards de francs de prélèvements supplémentaires (6 milliards de CSB et 5,1 milliards des 7 milliards de francs de la TGAP)

D'où vient le financement des dépenses supplémentaires
engendrées par le FOREC en 2001?

Ce graphique des origines de ressources laisserait croire que l'Etat conserve une participation de l'ordre d'un quart aux dépenses du FOREC.

Or, les " tuyauteries " du projet de loi de financement ont justement pour objet que l'Etat ne dépense plus grand chose pour les trente-cinq heures, pour ne pas dire rien du tout.

3. L'Etat se désengage du financement des trente-cinq heures

L'Etat est un " financeur " peu coopératif..

Certes, il perd 11 milliards de recettes :

- 3,1 milliards de francs de droits tabacs ;

- 4 milliards de francs de taxe sur les véhicules des sociétés ;

- 4 milliards de francs de taxe sur les conventions d'assurance.

Mais il n'aura plus à supporter en 2001 les dépenses suivantes :

- la subvention au FOREC (4,3 milliards de francs) ;

- les exonérations de Robien et cotisations d'allocations familiales (3,63 milliards de francs).

Un observateur pourrait en conclure que l'Etat contribue en 2001 au financement des trente-cinq heures à hauteur de 3,17 milliards de francs. Ce serait une conclusion hâtive. En effet, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'Etat réalise des économies, notamment en raison de la prise en charge par la branche famille de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et de la prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse du règlement du conflit ARRCO-AGIRC.

Conséquences du PLFSS 2001 pour les finances de l'Etat (*)

(en millions de francs)

Transfert au FOREC de la taxe sur les conventions d'assurance

- 3.990

Transfert au FOREC de la taxe sur les véhicules des sociétés

- 4.000

Transfert au FOREC d'un reliquat de droits tabacs

- 3.138

Disparition de la contribution budgétaire au FOREC

4.300

Transfert au FOREC d'allégements de cotisations

3.630

Financement du FASTIF

- 1.100

Transfert à la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

4.100

Transfert au FSV du financement du différend AGIRC-ARRCO

2.884

Transfert au FSV du financement de la cessation anticipée d'activité

130

Transfert à la CNAMTS du financement des CHAA et des CHRS

54

Transfert à la CNAMTS, au FSV et à la CNAF d'une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance

- 8.425

SOLDE

- 5.551

(*) en prenant en compte la modification de l'article 2, adoptée par l'Assemblée nationale, portant de 1,3 à 1,4 SMIC le plafond de la réduction dégressive de CSG.

En dehors de la mesure d'exonération de la CSG, " compensée " à la sécurité sociale, l'Etat " gagne ", grâce à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, près de 3 milliards de francs.

Or, on rappellera que la " clef de répartition " établie par le ministère de l'Economie et des Finances lui-même, découlant de la théorie, contestée par votre commission, des " retours " des trente-cinq heures pour les finances publiques, était la suivante :

Clef de répartition des " retours " pour les finances publiques

UNEDIC

50 %

Sécurité sociale

32 %

Etat

18 %

La récapitulation de toutes les mesures d'affectations de recettes et d'imputations de dépenses donne le tableau suivant :

Modifications d'affectations de recettes et d'imputations de dépenses
Les " tuyauteries " du PLFSS 2001

(en millions de francs)

Organismes

Mesures

Recettes

Dépenses

CNAMTS

Ristourne dégressive de CSG

-5 880

Fraction taxe sur les conventions d'assurance

5 880

Baisse fraction droits sur les tabacs

-7 096

Disparition fraction prélèvement social de 2 %

-920

Relèvement du taux de la CSG maladie

7 515

CHAA - CHRS

54

Total

-501

54

SOLDE

-555

CNAF

Disparition fraction prélèvement social de 2 %

-1 495

Ristourne dégressive de CSG

-1 244

Fraction taxe sur les conventions d'assurance

1 244

Majoration allocation rentrée scolaire

4 100

Fraction majorations retraite 3 enfants

2 910

FASTIF

-1 100

Total

-1 495

5 910

SOLDE

-7 405

FSV

Perte des droits sur les alcools

-5 669

Affectation prélèvement social 2 %

2 300

Ristourne dégressive de CSG

-1 300

Fraction taxe sur les conventions d'assurance

1 300

Baisse taux CSG

-7 515

Fraction majorations retraite 3 enfants

-2 910

AGIRC - ARRCO

2 884

Cessation anticipée d'activité

130

Total

-10 884

104

SOLDE

-10 988

ETAT

Taxe sur conventions d'assurance

-12 411

Vignette véhicules des sociétés

-4 000

CHAA - CHRS

-54

MARS

-4 100

FASTIF

1 100

Droits tabacs

-3 138

Suppression contribution Etat au FOREC

-4 300

Cessation anticipée d'activité

-130

AGIRC - ARRCO

-2 884

Débudgétisation de Robien + exos

-3630

Total

-19 549

-13 998

SOLDE

-5 551

FOREC

Affectation droits sur les alcools

5 669

Fraction taxe sur les conventions d'assurance

3 986

Vignette véhicules sociétés

4 000

Droits tabacs

10 234

Suppression contribution Etat

-4 300

Dépenses de Robien + exos familiales

3 630

Total

19 589

3 630

SOLDE

15 959

Fonds de réserve

Affectation prélèvement social 2%

115

Exonération de CSG

8.425

TOTAL DES SOLDES

24.499

24.499

Présenté de manière agrégée entre " contributeurs " et " bénéficiaires ", ce tableau complexe donne des résultats tout à fait éloquents :

Contributeurs et bénéficiaires

(en millions de francs)

Contributeurs

Bénéficiaires

CNAMTS

555

Financement 35 heures

15.959

CNAF

7.405

Fonds réserve

115

Fonds de solidarité vieillesse

10.988

Exonération CSG (1,4 SMIC)

8.425

Etat

5.551

TOTAL

24.499

24.499

Le ministère de l'Economie et des Finances n'a pas même respecté sa propre clef de répartition. L'Etat ne finance plus rien des trente-cinq heures : est-ce à dire que le " retour " des trente-cinq heures pour le budget de l'Etat (rentrées supplémentaires d'impôt sur le revenu et TVA, économies sur les crédits de l'emploi...) est désormais évalué à zéro ?

L'Etat ne supporte de surcroît que les deux tiers de l'exonération de CSG qu'il a décidée.

Dans le cadre de ce " jeu de pistes ", le fonds de solidarité vieillesse est l'organisme mis le plus à contribution, suivi de près, il est vrai, par la branche famille.

Conséquences du PLFSS 2001 pour le Fonds de solidarité vieillesse

(hors mesures nouvelles)

(en millions de francs)

Retraite complémentaire des bénéficiaires d'ASS et des préretraités

- 2.884

Retraite de base des allocataires en cessation anticipée d'activité

- 130

Prise en charge des majorations pour enfants par la CNAF

2.910

Transfert des droits sur les boissons

- 5.669

Réduction de 0,15 point du taux de la CSG

- 7.515

Affectation de 20 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus de capitaux

2.300

SOLDE

10.988

Toutes les tuyauteries complexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'ont qu'un seul objectif, d'une limpidité exemplaire : drainer vers le FOREC des flux financiers importants.

4. Où en est le financement de la couverture maladie universelle ?

Le financement du premier étage de la couverture maladie universelle (CMU), la couverture de base, pris en charge par la CNAM au 1 er janvier 2000, s'appuyait sur le dispositif proposé par la loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU.

Le dispositif s'appuyait sur un bric-à-brac de ressources, contre lequel s'était élevé votre rapporteur. Il consistait notamment à affecter à la CNAMTS 28 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine, ainsi qu'une fraction supplémentaire des droits sur les tabacs.

Dès le projet de loi de financement pour 2000, cet engagement n'était pas respecté : seuls 8 % du prélèvement social étaient affectés.

Le projet de loi de financement pour 2001 parachève le travail, puisque la recette du prélèvement social de 2 % disparaît purement et simplement, ainsi que la recette supplémentaire des droits sur les tabacs, affectée au FOREC.

Le financement de la couverture de base de la CMU

(en millions de francs)

Prévisions lors du vote de la loi

LFSS 2000

PLFSS 2001

Tabacs

3.500

3.500

0

Prélèvement social

2.700

904

0

Cotisations assurés

100

100

100

5 % droits sur les alcools

600

600

600

Cotisations véhicules terrestres à moteur

830

830

830

TOTAL

7.730

5.934

1.530

Votre rapporteur rappelle qu'il avait appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de suivre précisément, par l'existence d'une section comptable spécifique au sein de la CNAMTS, le financement de la couverture de base.

Cette solution simple n'avait pas été retenue ; votre rapporteur comprend désormais mieux pourquoi : les promesses n'ont pas été respectées.

Il était -semble-t-il- davantage nécessaire de financer les trente-cinq heures que la CMU.

C. LE GOUVERNEMENT PORTE ATTEINTE À TROIS GRANDS PRINCIPES

1. L'atteinte à l'universalité de la CSG et la CRDS sur les revenus d'activité

a) Une mesure apparemment généreuse

Le Gouvernement souhaite réduire, au cours des trois prochaines années, la CSG et la CRDS payées sur les revenus d'activité par les personnes gagnant moins de 1,3 fois le salaire minimum 39 ( * ) , soit sept millions de personnes.

La ristourne de CSG et de CRDS sera, à terme, totale au niveau du salaire minimum et dégressive jusqu'à 1,3 SMIC. Cette " ristourne " concernerait à la fois les salariés et les non-salariés.

Selon le dossier de presse du " plan d'allégement et de réforme des impôts 2001-2003 " du 31 août 2000, les personnes concernées par le salaire minimum verraient en 2003 leur revenu mensuel augmenter de 540 francs, soit près de 10 % du salaire net perçu.

Gain mensuel de salaire net résultant de la ristourne

en 2001, 2002 et 2003

(en francs)

2001

2002

2003

1 SMIC

180

360

540

1,1 SMIC

120

240

360

1,2 SMIC

60

120

180

1,3 SMIC

0

0

0

Source : dossier de la conférence de presse du 31 août 2000

Le coût de la mesure est estimé à 7,5 milliards de francs pour la CSG et 0,5 milliard de francs pour la CRDS.

b) Des objectifs plus ou moins avouables

1. L'objectif assumé : le retour à l'emploi

La réforme poursuit, selon le Gouvernement, un seul objectif : encourager l'emploi, par l'accroissement de l'écart de revenu entre inactivité et activité professionnelle. Cette solution répond aux critiques portant sur les " trappes d'inactivité " et évite de mettre en place un revenu minimum d'activité.

2. Les objectifs cachés : apaiser la majorité plurielle et compenser les trente-cinq heures

La volonté de M. Laurent Fabius, ministre de l'Economie et des Finances, de diminuer le taux marginal de l'impôt sur le revenu a été fortement combattue par différentes composantes de sa majorité plurielle ; les " plus aisés " auraient bénéficié d'un " avantage relatif ", par rapport aux " moins aisés ", puisque la diminution des taux de l'impôt sur le revenu ne concerne qu'un Français sur deux. Il fallait impérativement, pour des raisons purement politiques, un " geste " en faveur des salariés les moins aisés.

Cette nécessité de donner davantage de pouvoir d'achat aux salariés les plus modestes peut être analysée également comme un effet pervers de la modération salariale exigée par les trente-cinq heures ; sans réduction du temps de travail, les entreprises auraient, croissance aidant, probablement augmenté davantage les salaires.

c) Une mesure profondément injuste

1. L'équité socio-fiscale ne sera pas atteinte

D'ores et déjà, un ménage fiscal avec 2 enfants doit déclarer aux alentours de 140.000 francs nets (13.000 francs bruts par mois, soit grosso modo 2 fois le SMIC) de revenus pour être imposable. Ces ménages ne bénéficieront ni de l'allégement de l'impôt sur le revenu, ni de l'allégement de CSG sur les bas salaires. Ils représenteraient 3,5 millions de personnes.

La mesure est ainsi particulièrement injuste envers les ménages dont l'un des conjoints ne travaille pas (inactivité, congé parental...) et qui dispose d'un revenu compris entre 1,4 et 2 SMIC 40 ( * ) . Ces ménages se retrouvent piégés dans une " trappe à impositions ".

2. La trappe à bas salaires risque de se refermer

Le salarié en dessous d'1,4 SMIC n'aura pas grand avantage à une augmentation de son salaire : on risque de passer d'une trappe à inactivité à une trappe à bas salaires .

Certes, pour l'employeur, une augmentation du salaire est neutre. Mais pourra-t-il expliquer à ses salariés que, s'il les augmente, leur gain de pouvoir d'achat sera nul ?

La majorité plurielle ne s'y est pas trompée, demandant une ristourne de CSG allant jusqu'à 1,8 SMIC... ce qui ne fait qu'élargir le champ de la trappe.

d) L'atteinte au principe d'universalité

Votre rapporteur estime que l'état d'impréparation n'a d'égal que l'inconséquence de la mesure.

A force de " propos " autorisés de certains économistes et de différents penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième impôt sur le revenu.

Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

De plus, la CSG et la CRDS ne sont pas identiques à l'impôt sur le revenu, affecté de manière générale aux dépenses de l'Etat . Comme l'a rappelé la Cour de justice des communautés européennes, quand elle a fait échec à la volonté de l'Etat français d'assujettir les travailleurs frontaliers résidant fiscalement en France, mais relevant d'un régime de protection sociale d'un Etat membre de la communauté, ces deux prélèvements sont affectés à la protection sociale, et plus précisément à chacune des branches ou des organismes qui la composent :

- 1,1 point pour la famille ;

- 1,3 point pour le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- 5,1 points pour l'assurance maladie ;

- 0,5 point pour l'amortissement de la dette sociale (CRDS).

Le système d'exonération revient ni plus ni moins notamment à désengager les salariés au SMIC quasiment de toute contribution au financement des régimes maladie 41 ( * ) ... La représentation des salariés aux conseils d'administration, à travers les organisations syndicales, est fragilisée.

La mesure proposée par le Gouvernement risque de mettre fin à dix années d'une politique publique, menée sous six gouvernements différents.

L'histoire de la contribution sociale généralisée

1983 : le " Livre blanc de la protection sociale " évoque l'institution d'une contribution sociale généralisée.

1987 : le rapport du " Comité des sages " préconise la mise en place d'un " financement proportionnel sur tous les revenus " pesant sur " tous les particuliers sans que les entreprises, considérées globalement, aient à supporter une charge supplémentaire ".

1991 : la loi de finances crée un prélèvement non déductible de l'impôt sur le revenu de 1,1 % assis sur l'ensemble des revenus, affecté à la branche famille. Le schéma comprend une baisse des cotisations salariales vieillesse, une baisse des cotisations patronales famille et une hausse des cotisations patronales vieillesse. Un effet redistributif en faveur des faibles et moyens revenus est attendu, en raison du plafonnement des cotisations vieillesse et de la non-déductibilité.

1993 : la loi " Balladur " crée un prélèvement non déductible de l'impôt sur le revenu de 1,3 %, assis sur l'ensemble des revenus, affecté au fonds de solidarité vieillesse.

1997 : la première loi de financement crée un prélèvement déductible de 1 % destiné aux régimes maladie, en échange d'une baisse des cotisations salariales de 1,3 point.

1998 : la seconde loi de financement procède à un " basculement " massif des cotisations maladie (- 4,75 points) vers la CSG (+ 4,1 points). De fait, il existe deux CSG, une " contribution sociale généralisée " de 2,4 %, non déductible, et une " cotisation sociale généralisée ", de 5,1 %, déductible.

2000 : le Conseil national des impôts préconise de mettre fin à la déductibilité de la CSG maladie.

2001 : le projet de la loi de financement met fin à l'universalité de la CSG et introduit un caractère progressif.

La contribution sociale généralisée a été conçue pour donner à la protection sociale une assiette beaucoup plus large que les seuls salaires. Ainsi, elle frappe les revenus de remplacement et les revenus du capital. Ce prélèvement a un rendement important : 371,3 milliards de francs prévus pour 2000, 387 milliards de francs en " recettes tendancielles " pour 2001.

Pour autant, le principe était de ne supporter aucune exception sur les revenus d'activité . Son taux en fait un prélèvement parfaitement proportionnel. Les revenus de remplacement supportent un taux légèrement moins élevé (6,2 % pour les ménages imposables, 3,8 % pour les ménages supportant la taxe d'habitation, 0 % pour les ménages ne s'acquittant pas de cette taxe).

La création d'une catégorie de Français (moins d'1,4 SMIC) ne payant pas ou peu de CSG crée un précédent dangereux. Toute profession spécifique, toute situation particulière sera dès lors fondée à demander qui un taux réduit, qui un abattement pur et simple.

Exemples :

- les retraités, disposant d'une pension aux alentours du SMIC ;

- les personnes disposant de revenus du patrimoine, sans bénéficier de revenus d'activité ou de remplacement importants ;

- etc.

Un mécanisme de réduction de la base et de l'assiette de la CSG est ainsi entamé : ce prélèvement risque de subir le même processus que celui dont souffre aujourd'hui l'impôt sur le revenu (49 % des Français en sont exonérés ; 10 % en payent 50 %).

L'impôt cédulaire et l'impôt unitaire

Les revenus des contribuables peuvent être soumis :

- soit à une imposition de type cédulaire : chaque catégorie de revenu (ou cédule) est soumise à un impôt propre dont les règles d'assiette et le taux sont adaptés à la nature du revenu ;

- soit à une imposition de type unitaire qui permet d'atteindre l'ensemble des revenus imposables d'un contribuable, sans distinguer leur origine et en les soumettant à un taux de taxation uniforme.

La CSG est une imposition de type cédulaire. L'impôt sur le revenu est une imposition de type unitaire.

e) Une application complexe

Les pluriactifs (exemples d'une personne bénéficiant de deux contrats de travail au SMIC ou d'un exploitant agricole moniteur de ski l'hiver) bénéficieront de l'exonération plusieurs fois, sans qu'il soit possible d'isoler leur situation. L'article 2 a prévu un décret pour fixer les modalités de la prise en compte de l'ensemble des revenus perçus ou acquis. Les explications laborieuses de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, tant devant l'Assemblée nationale que devant votre commission, n'ont pas convaincu votre rapporteur sur ce point. En effet, il faudrait réaliser une interconnexion des fichiers informatiques des impôts et des organismes de sécurité sociale pour être sûr qu'un pluriactif ne " maximise " pas l'avantage.

Les entreprises pourront être amenées à maximiser les avantages, en toute légalité, du système ; par exemple, en versant un salaire aux alentours du SMIC pendant onze mois et une substantielle prime de fin d'année. En effet, l'exonération sera calculée au mois le mois.

Les employeurs de maison , qui représentent 1,3 million de Français, recourent de plus en plus nombreux au " chèque emploi-service ", mesure incontestable de simplification. Les exploitants agricoles utilisent le titre emploi simplifié en agriculture (TESA). Ces deux mécanismes sont incompatibles, en l'état, avec le système imaginé par le Gouvernement.

La mise en oeuvre de la mesure par les entreprises, qui précomptent elles-mêmes la CSG sur les feuilles de paie de leurs salariés, est particulièrement complexe. Elle nécessite des modifications importantes des logiciels de paie.

f) Une compensation incertaine

Le " coût " de cette mesure correspond à une perte de recettes pour la sécurité sociale : 7,5 milliards de francs en 2001 (8,4 milliards à 1,4 SMIC), 25 milliards de francs " à terme ". Le coût en 2003 de l'extension à 1,4 SMIC n'a pas été chiffré.

L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale pose le principe de la compensation des exonérations de cotisations de sécurité sociale. Le Gouvernement considère que cet article ne s'applique pas à des exonérations de contribution sociale généralisée .

Pour autant, la mesure -s'inscrivant dans le cadre d'un plan fiscal- est compensée à la sécurité sociale, par l'affectation de fractions de la taxe sur les conventions d'assurance.

Le Gouvernement aurait pu choisir d'affecter une dotation budgétaire, ce qui aurait été infiniment plus simple. La dépense aurait été inscrite en loi de finances. Des acomptes mensuels auraient été versés aux régimes concernés, suivis d'une régularisation dans les trois premiers mois de l'année n+1.

Mais le souhait de ne pas voir affichée une dépense budgétaire l'a, semble-t-il, emporté.

Affectation de la taxe sur les conventions d'assurance
proposée par le PLFSS 2001

PLFSS initial

PLFSS AN

CNAMTS

18,5 %

20,8 %

FSV

4,1 %

4,6 %

CNAF

3,9 %

4,4 %

FOREC

14,1 %

14,1 %

Etat

59,4 %

56,1 %

Deux hypothèses nécessitent d'être vérifiées pour assurer aux organismes de sécurité sociale une compensation exacte de leurs pertes de recettes :

- l'hypothèse d'un produit de la taxe sur les conventions d'assurance de 28,3 milliards de francs ;

- l'hypothèse d'une réduction dégressive de CSG égale à 7,5 milliards de francs (à 1,3 SMIC) et à 8,4 milliards de francs (à 1,4 SMIC).

Si l'une de ces deux hypothèses ne se vérifie pas, voire les deux, le législateur devra intervenir, à l'occasion de la prochaine loi de financement, pour procéder à des régularisations de recettes.

La ristourne de CRDS n'est en revanche pas compensée à la CADES 42 ( * ) .

g) Une constitutionnalité douteuse

Trois points conduisent à considérer que la constitutionnalité du dispositif est douteuse.

Premièrement, les " pluriactifs " seront mieux traités que les " mono actifs ". Cette situation pourra certes faire l'objet de toutes les " béquilles ", concoctées par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Rien ne pourra la faire disparaître.

Deuxièmement, un couple avec un salaire à 1,4 SMIC sera moins bien traité qu'un couple avec deux salaires à 1 SMIC.

Troisièmement, la CSG et la CRDS sur les revenus d'activité se caractériseront par une forme de progressivité. Elles ne seront plus strictement proportionnelles 43 ( * ) .

La CSG a été classée dans la catégorie des " impositions de toute nature " de l'article 34 de la Constitution. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que " pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. " ; le Conseil constitutionnel a décidé en 1990 que l'article 13 s'appliquait, mais qu'il appartenait au législateur " de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables " 44 ( * ) .

Sur le plan constitutionnel, cette décision laisse entrevoir des zones d'ombre pour le dispositif proposé par le Gouvernement.

- une imposition qui s'attache aux revenus d'activité peut-elle être à la fois progressive et proportionnelle ?

- peut-on établir une imposition progressive sur les revenus d'activité, alors que la même imposition est proportionnelle quand il s'agit des revenus de remplacement et des revenus du patrimoine ?

2. L'atteinte au financement de la dette sociale

a) L'exonération de CRDS pour les retraités non imposables : une mesure généreuse

L'exonération de CRDS pour les retraités non imposables permet à cinq millions de personnes de bénéficier d'un supplément de pouvoir d'achat de 0,5 %. Compte tenu de la revalorisation des pensions (2,2 %), l'exonération permet d'afficher, pour les retraités les plus modestes, une revalorisation de 2,7 %.

Votre rapporteur prend acte de cette mesure. Il entend cependant mettre le Gouvernement en garde contre une fragilisation de la CADES.

b) Une fragilisation de la CADES

La CRDS constitue la source quasi unique des recettes de la CADES. Grâce à la CRDS, la CADES peut rembourser la dette sociale.

Produit net de la CRDS (1996-2000)

(en milliards de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

Produit net de la CRDS

21,0

25,4

26,5

27,6

28,7

Cette dette sociale 45 ( * ) représente en amortissement :

- 224 milliards de francs inscrits au bilan, correspondant aux déficits des années 1994 à 1998 ;

- 110 milliards de francs, " hors bilan ", correspondant aux déficits des années antérieures à 1993, un temps pris en charge par l'Etat : sans que le lien juridique ne soit précisé, la CADES verse à l'Etat, jusqu'en 2009, 12,5 milliards de francs par an.

Naturellement, compte tenu des intérêts, le montant cumulé de CRDS nécessaire sur les années 1996-2014 est largement supérieur à 334 milliards de francs.

Or, tant la mesure d'exonération de la CRDS pour les retraités non imposables que la mesure de " ristourne dégressive " de la CRDS pour les actifs ne sont pas compensées à la CADES, sous prétexte que celle-ci bénéficierait de " deux années d'avance " par rapport à son plan de financement. Par définition, cette prévision -qui s'appuie sur un taux de croissance plutôt favorable- ne sera confirmée que dans quatorze ans.

Réduire les recettes de la CADES sans compensation revient à allonger la durée de vie de la CADES, l'échéance du 31 janvier 2014 n'étant que l'ultime échéance que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait repoussé de deux ans. Si la CADES remboursait effectivement la dette sociale deux années avant cette échéance, les générations futures gagneraient deux années.

La " signature " de la CADES sur les marchés financiers est également fragilisée.

L'effet de la ristourne de CRDS en année pleine explique l'augmentation de cette perte de recettes en 2003. Le total des exonérations atteindraient en effet 4,1 milliards de francs.

Pertes de recettes pour la CADES résultant des dispositions du PLFSS 2001

(en millions de francs)

2001

2002

2003

Exonération RDS sur revenus d'activité

625

1.250

1.875

Exonération RDS des retraités non imposables

1.811

1.850

1.900

Exonération RDS des chômeurs non imposables

373

373

373

TOTAL

2.809

3.473

4.148

En conséquence, il apparaît essentiel de compenser ces différentes mesures.

c) Des mesures contraires au champ de la loi de financement défini par la loi organique du 22 juillet 1996

Comme le montre l'amendement de suppression déposé à l'article 3 du projet de loi par M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des Finances, mais retiré en séance, il reste à déterminer si cet article a sa place ou non en loi de financement.

En effet, la CRDS ne fait pas partie des recettes par catégorie de la loi de financement.

Il reste à préciser que ce choix, opéré par le Gouvernement, repose sur une interprétation de la loi organique du 22 juillet 1996, et non de la loi organique elle-même.

Le 2° de l'article LO 111-3 dispose que la loi de financement de la sécurité sociale " prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement " tandis que le II de l'article LO 111-4, relatif à l'annexe f) , indique qu'elle doit décrire, pour " l'année en cours et l'année suivante, les comptes prévisionnels des organismes ayant pour mission de concourir au financement de ces mêmes régimes et, s'il y a lieu, à l'apurement de la dette " . Sont mentionnés dans un premier cas les " organismes créés pour concourir au financement des régimes de base " et dans un second cas les " organismes ayant pour mission de concourir au financement des régimes de base et, s'il y a lieu, à l'apurement de la dette ".

On ne saurait en induire une identité absolue entre ces deux types d'organismes. La CADES est-elle un organisme ayant pour mission de concourir au financement des régimes de base et, s'il y a lieu, à l'apurement de la dette ou est-elle un organisme ayant pour seule mission de concourir à l'apurement de la dette ?

Depuis la première loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a considéré que seule l'annexe f) la concernait. De fait, les recettes de la CADES ne sont pas " examinées " en loi de financement. Il est vrai que l'inclusion de la CRDS dans les " recettes " de la loi de financement, si elle ne pose aucun problème technique, devrait avoir une contrepartie dans les objectifs de dépenses par branche, difficile à préciser.

L'article 3, relatif à une diminution de recettes de la CADES, semble ainsi étranger au champ de la loi de financement de la sécurité sociale, de même qu'une " partie " de l'article 2, puisque ce dernier englobe d'un même tenant une diminution de la CSG sur les revenus d'activité et une diminution de CRDS sur les revenus d'activité.

Le Conseil constitutionnel a considéré, lors de son examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, que la " reprise de dette " supplémentaire que comportait le projet de loi avait un impact certain sur les comptes du régime général, puisque ses frais financiers en avaient été considérablement allégés.

Tel n'est pas le cas pour le présent projet de loi : la perte de recettes pour la CADES n'a aucun effet sur les ressources des régimes de base.

3. L'atteinte au champ de la loi de financement par l'extension de la solidarité nationale aux régimes complémentaires vieillesse

Moins importante que les deux premières mesures, l'extension du champ de la solidarité nationale aux régimes complémentaires vieillesse, à travers le financement par le FSV de la " dette " de l'Etat vis-à-vis des régimes ARRCO-AGIRC pose toutefois un problème de principe. Le fonds de solidarité vieillesse est un établissement public finançant les avantages non contributifs des régimes de base. L'extension de ses compétences aux régimes complémentaires vieillesse remet en cause cette définition.

En outre, le champ de la loi de financement, selon la loi organique du 22 juillet 1996, est limité aux régimes obligatoires de base. Cette distinction est cohérente avec l'inclusion du FSV dès lors que ce dernier est un organisme " concourant au financement " de ces régimes de base.

Dès lors, la conformité de l'article 22 du projet de loi, au regard des dispositions de la loi organique, apparaît douteuse.

D. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI : UN CATALOGUE HÉTÉROCLITE DE MESURES SANS VISION D'AVENIR DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE

1. Un catalogue hétéroclite de mesures

En dehors du " péché contre l'esprit " de la ristourne dégressive de la CSG et du financement du FOREC, le reste des mesures du projet de loi de financement ayant une incidence directe et évaluable sur les comptes des régimes de base et des organismes concourant à leur financement s'apparente à un catalogue hétéroclite :

- les articles 5 et 6 prévoient des mesures de simplification des assiettes des cotisations et de la CSG des exploitants agricoles : leur application permettrait au régime agricole de disposer d'une recette supplémentaire de 150 millions de francs ;

- les articles 14, 15, 17 et 18 sont relatifs à la " partie famille " du projet de loi. Trois mesures ont un effet sur les dépenses de la branche en 2001 : la création de trois taux de majoration d'AFEAMA (aide à la famille pour l'emploi d'une assistance maternelle agréée), représentant une dépense de 500 millions de francs ( art. 14 ), l'allocation de présence parentale, créant une dépense de 200 millions de francs ( art. 15 ) et la levée de l'interdiction du cumul entre allocation parentale d'éducation et activité professionnelle, qui permet une économie pour la branche famille de 100 millions de francs ( art. 18 ) ; la réforme des aides au logement (700 millions de francs sur les dépenses) n'apparaît pas en loi de financement.

- l'article 19 prévoit une revalorisation des retraites du régime général supérieure à l'évolution des prix, ce qui accorde un " coup de pouce " aux retraités évalué à 1.890 millions de francs ;

- l'article 26 améliore les conditions d'attribution d'une pension de vieillesse dans le régime des marins, ce qui accroît les dépenses du régime de 100 millions de francs ;

- l'article 28 aligne les prestations maladie versées par la CANAM sur celles du régime général, ce qui représente une dépense supplémentaire pour la CANAM de 1.300 millions de francs ; les autres mesures " maladie ", lorsqu'elles semblent avoir un impact financier, ont été intégrées dans le compte tendanciel 46 ( * ) ;

- l'article 42 du projet de loi institue un établissement public chargé d'administrer un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, ce qui nécessite une dépense supplémentaire de 1.500 millions de francs pour la branche accidents du travail.

Les " mesures nouvelles " du projet de loi, en dehors des modifications d'affectation de recettes, représentent un montant relativement faible, le solde des " mesures nouvelles " étant de 3.900 millions de francs.

Effet des " mesures nouvelles " du PLFSS 2001 sur les comptes 2001

(en millions de francs)

Recettes

Dépenses

Simplification des assiettes des cotisations sociales des exploitants agricoles

+ 150

Majorations de l'AFEAMA

+ 500

Allocation de présence parentale

+ 200

Cumul exercice activité - APE

- 100

" Coup de pouce " retraites

+ 1.890

Amélioration pensions de retraite régime des marins

+ 100

Alignement prestations maladie CANAM

+ 1.300

+ 1.300

Indemnisation travailleurs amiante

+ 1.500

TOTAL

+ 1.450

+ 5.390

La répartition des dépenses nouvelles par branche donne des résultats surprenants : le Gouvernement " accorde " à la branche vieillesse trois fois plus qu'à la branche famille. Le " plan " de 10 milliards annoncé par M. Lionel Jospin se concrétise pour l'année 2001, d'un point de vue législatif , par des dépenses de 600 millions de francs, compte non tenu du fonds d'investissement pour les crèches , financé à hauteur de 1,5 milliard de francs... mais sur l'excédent 1999.

Dépenses sur lesquelles se prononcera explicitement le Parlement en 2001 47 ( * )

(en millions de francs)

Branche
vieillesse

Branche
famille

Branche
accidents du travail

Branche
maladie

+ 1.800

+ 600

+ 1.600

+ 1.390

2. Les réformes structurelles sont reportées aux calendes grecques

Deux réformes structurelles n'apparaissent pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : la réforme des retraites et la réforme de l'assurance maladie.

L'absence de réforme des retraites ne constitue pas une surprise. Le balancement circonspect, résultant de la combinaison du rapport Charpin et du rapport Teulade, laissait entendre que le temps des reports, après celui des rapports, était venu. La réforme des retraites a effectivement tourné court à la suite de l'intervention de M. Lionel Jospin du 23 mars 2000. La seule argumentation du Gouvernement est désormais d'évoquer le fonds de réserve des retraites, censé représenter 1.000 milliards de francs en 2020.

Votre rapporteur rappelle une nouvelle fois que le Sénat ne s'était pas opposé, lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, au principe de la création d'un fonds de réserve. En revanche, votre commission s'était interrogée sur les hésitations du Gouvernement à préciser les modalités de gestion du fonds, sa fonction (fonds de lissage ou fonds permanent). Votre commission s'interroge toujours.

Votre rapporteur a en outre expliqué que la création d'un fonds de réserve n'était pas une mesure suffisante pour financer les retraites des Français. Un seul chiffre permet de le comprendre : à supposer que le chiffre de 1.000 milliards soit atteint en 2020, la branche vieillesse du seul régime général affichera, à la même date, un déficit cumulé de 600 milliards de francs. Les 1.000 milliards de 2020 ne feront qu'éponger cette dette, tandis que les années 2020-2040 verront se creuser chaque année davantage un déficit auquel le fonds de réserve, dépensé en deux ou trois années, ne pourra strictement plus rien.

En matière d'assurance maladie , le Gouvernement, et plus particulièrement l'ancienne ministre de l'Emploi et de la Solidarité, ont laissé " en friche " le plan Juppé. Après les avoir refusés, il a tenté de mettre en place des dispositifs comptables de la pire espèce, sans développer les aspects de restructuration et de rationalisation de l'offre de soins. Arrêté dans cette voie par le Conseil constitutionnel, il a imaginé un système parfaitement absurde, consistant à demander à la CNAMTS d'effectuer tous les quatre mois des " rapports d'étape ". Ne respectant pas les règles édictées, il s'est finalement résolu à laisser filer les dépenses de santé, espérant que les rentrées de recettes viendraient à son secours.

L'ONDAM défini en 1996 était nécessairement " comptable ". La réforme restait pourtant inachevée : il était nécessaire de lui donner un " contenu ", de définir un " panier de soins " remboursable par la collectivité. Il s'agissait du seul moyen de faire comprendre aux professionnels de santé qu'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé était nécessaire. Le Gouvernement, depuis trois années et demi, en a été incapable.

E. LES ÉQUILIBRES INCERTAINS DU PROJET DE LOI

Du fait d'une prévision de croissance de masse salariale très optimiste et des " ponctions " sur la sécurité sociale, les équilibres définis par le projet de loi apparaissent fort incertains.

1. Des prévisions de recettes probablement surestimées

Les prévisions de recettes pour 2001 du projet de loi de financement de la sécurité sociale font apparaître une progression globale, par rapport aux prévisions retenues par la loi de financement pour 2000, de + 5,04 %.

Comparée à la nouvelle estimation pour 2000, cette progression serait de + 4,65 %.

Prévisions de recettes du PLFSS 2001

(en milliards de francs et en pourcentages)

LFSS 2000
(1)

2000
(est.)
(2)

PLFSS
2001
(3)

Variation
(3)/(1)

Variation
(3)/(2)

Cotisations effectives

1.043,7

1.050,7

1.085,2

+ 3,98 %

+ 3,28%

Impôts et taxes affectés

509,8

514,7

552,1

+ 8,30 %

+ 7,27%

Cotisations fictives

199,1

199,1

201,3

+ 1,10 %

+ 1,10%

Contributions publiques

68,8

72,4

67,8

- 1,45 %

- 6,35%

Transferts reçus

4,7

1,7

2,6

- 44,68 %

+ 52,94%

Revenus des capitaux

1,7

1,7

3,2

+ 88,24 %

+ 88,24%

Autres ressources

37,1

42,2

58,3

+ 57,41 %

+ 38,15%

TOTAL

1.875,9

1.882,9

1.970,5

+ 5,04 %

+ 4,65%

LFSS 2000 : déduction faite de la taxe sur les heures supplémentaires annulée par le Conseil constitutionnel

La progression de 8,3 % des impôts et taxes affectés rend compte à la fois de l'hypothèse optimiste de croissance retenue pour 2001 et du gonflement des recettes du FOREC.

La catégorie Autres ressources augmente fortement en 2001, en raison de l'apport des recettes versées au fonds de réserve des retraites (18,5 milliards de francs issus des licences des téléphones mobiles de troisième génération et 4,7 milliards de francs des caisses d'épargne).

2. Des objectifs de dépenses généreux

Les objectifs de dépenses font apparaître une progression des dépenses de + 4,39 %.

Comparée à la nouvelle estimation disponible pour 2000, la progression est de + 3,97 %. Cette " révision " est imputable à l'objectif de dépenses de la branche maladie-maternité-invalidité-décès. La variation de l'objectif de dépenses de la branche famille ne signifie pas un effort supplémentaire pour les familles, mais l'accroissement arbitraire de ses charges (majoration de l'allocation de rentrée scolaire, majoration pour âge).

Objectifs de dépense par branche du PLFSS 2001

(en milliards de francs et en pourcentages)

LFSS 2000(1)

Prévisions septembre 2000
(2)

PLFSS 2001
(3)

Variations
(3)/(1)

Variations
(3)/(2)

Maladie - maternité - invalidité - décès

731,0

744,4

769,2

5,23 %

3,33 %

Accidents du travail

54,7

53,3

56,2

2,74 %

5,44 %

Vieillesse

802,9

802,7

828,9

3,24 %

3,26 %

Famille

261,5

257,3

277,1

5,97 %

7,70 %

Total dépenses

1.850,1

1.857,7

1.931,4

4,39 %

3,97 %

3. L'indicateur " loi de financement " : une évolution doublement inquiétante

Votre rapporteur avait pris l'habitude de considérer que " l'indicateur loi de financement ", consistant à rapporter les recettes par catégorie aux dépenses par branche, s'il n'était pas exact comptablement 48 ( * ) , constituait une approche significative sur plusieurs exercices.

" L'indicateur loi de financement "

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000 (prévisions)

PLFSS 2001

Recettes par catégorie

1.664,5

1.736,4

1.807,9

1.882,9

1.970,2

Dépenses par branche

1.695,7

1.744,8

1.806,6

1.864,2

1.931,4

Solde

- 31,2

- 8,4

+ 1,3

+ 18,7

+ 38,8

Cet indicateur subit une évolution doublement inquiétante.

Sur la forme, même cet " indicateur " imparfait n'a plus aucune signification depuis 2000. En effet, les recettes du fonds de réserve, qui ne correspondent pas à des dépenses actuelles de la sécurité sociale, sont incluses dans les prévisions de recettes.

Il convient de " retraiter " les prévisions de recettes en les diminuant à due concurrence de celles affectées au fonds de réserve :

- la catégorie impôts et taxes affectés est diminuée de la fraction du prélèvement de 2 % affectée au fonds de réserve (5,41 milliards de francs en 2000, 5,75 milliards de francs en 2001) ;

- la catégorie autres ressources est minorée des versements des caisses d'épargne (4,719 milliards de francs en 2000 et 4,719 milliards de francs en 2001), du versement de la Caisse des dépôts et consignations (3 milliards de francs en 2000), des licences des téléphones mobiles de troisième génération (18,5 milliards de francs) ;

- la catégorie transferts reçus doit être diminuée du transfert de l'excédent de la CNAVTS (2,9 milliards de francs en 2000) ;

- la catégorie revenus des capitaux doit être également revue à la baisse de 0,2 milliard de francs en 2000 et de 1,4 milliard de francs en 2001.

Prévisions de recettes du PLFSS 2001 hors recettes du Fonds de réserve

(en milliards de francs et en pourcentages)

LFSS 2000
(1)

2000
(est.)
(2)

PLFSS
2001
(3)

Variation
(3)/(1)

Variation
(3)/(2)

Cotisations effectives

1.043,7

1.050,7

1.085,2

+ 3,98 %

+ 3,28%

Impôts et taxes affectés

504,3

509,3

546,4

+ 8,35 %

+ 7,28%

Cotisations fictives

199,1

199,1

201,3

+ 1,10 %

+ 1,10%

Contributions publiques

68,8

72,4

67,8

- 1,45 %

- 6,35%

Transferts reçus

1,8

1,7

2,6

+ 44,44 %

+ 52,94%

Revenus des capitaux

1,5

1,5

1,8

+ 20,00 %

+ 20,00%

Autres ressources

34,1

34,5

35,1

+ 2,93 %

+ 1,74%

TOTAL

1.853,3

1.869,2

1.940,2

+ 4,69 %

+ 3,80%

LFSS 2000 : déduction faite de la taxe sur les heures supplémentaires annulée par le Conseil constitutionnel

Sur le fond, le calcul par votre rapporteur de " l'indicateur loi de financement révisé " fait alors apparaître une évolution particulièrement poussive de ce solde depuis 1999.

" L'indicateur loi de financement révisé "

(en milliards de francs)

1999

LFSS 2000

2000 (prévisions)

PLFSS 2001

Recettes par catégorie

1.807,9

1.853,3

1.869,2

1.940,2

Dépenses par branche

1.806,6

1.852,6

1.864,2

1.931,4

Solde

+ 1,3

+ 0,7

+ 5,0

+ 8,8

En effet, en défalquant les recettes affectées au fonds de réserve, il est aisé de se rendre compte que les dépenses progressent à un rythme à peine moins élevé que les recettes.

Progression des recettes et des dépenses 1999-2001

(en milliards de francs)

1999/1998

LFSS 2000/1999

Prévisions 2000/1999

PLFSS 2001/LFSS 2000

PLFSS 2001/prévisions 2000

Recettes supplémentaires

+ 71,5

+ 45,4

+ 61,3

+ 86,9

+ 71,0

Dépenses supplémentaires

+ 61,8

+ 46,0

+ 57,6

+ 78,8

+ 67,2

Ecart

+ 1,3

- 0,6

+ 3,7

+ 8,1

+ 3,8

Pour ces raisons, toute inflexion de conjoncture replongerait la sécurité sociale dans le déficit.

4. Le compte du régime général : l'excédent fragile

Le seul tableau dont dispose le Parlement pour lui permettre de comprendre est le fameux tableau de la page 28 de l'annexe c) du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ne concerne que le régime général.

Ce tableau ne fait pas apparaître les transferts de branche à branche.

Effet du PLFSS 2001 sur les comptes du régime général en 2001

(en millions de francs)

Recettes

Dépenses

BRANCHE MALADIE

Provision pour la réduction du temps de travail dans l'hôpital

+ 500

Dotation au fonds d'action sociale de la CNAMTS

+ 100

Prise en compte dans l'ONDAM de l'alignement des taux de remboursement de la CANAM sur ceux du régime général

- 1.000

Modification des règles d'affectation du 2 % capital

- 920

" Coup de pouce " pensions

+ 90

Total branche maladie

- 920

- 310

BRANCHE FAMILLE

Modification des règles d'affectation du 2 % capital

- 1.490

Prise en charge des majorations pour enfant des pensions de retraite

+ 2.900

Majorations de l'AFEAMA

+ 500

Allocation de présence parentale

+ 200

Réforme des aides au logement

+ 710

Dotation au Fonds action sociale

+ 1.700

Cumul exercice activité - APE

- 110

Total branche famille

- 1.490

+ 5.900

BRANCHE VIEILLESSE

" Coup de pouce " retraites

+ 1.700

Transfert FSV

- 300

Total branche vieillesse

+ 1.400

BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL

Indemnisation travailleurs amiante

+ 1.500

" Coup de pouce " pensions invalidité

+ 100

Total branche accidents du travail

+ 1.600

TOTAL GÉNÉRAL

- 2.410

+ 8.590

d'après le tableau de l'annexe c) p. 28

ONDAM : une correction comptable ?

Ce tableau fait apparaître un " effet positif " (sans que l'on sache s'il s'agit d'une atténuation de dépenses ou d'une augmentation de recettes) pour la branche maladie du régime général, correspondant à la " prise en compte dans l'ONDAM de l'alignement des taux de remboursement de la CANAM sur ceux du régime général ". Or, si cette décision a pour effet d'augmenter l'ONDAM, elle n'a - a priori - aucune conséquence sur les dépenses et les recettes du régime général.

Votre rapporteur se trouve confronté à deux hypothèses.

La première hypothèse est celle de M. Jérôme Cahuzac. Il semble que la présence de cette ligne au tableau de la page 28 de l'annexe c) ait été rendue nécessaire en raison d'une erreur de la Direction de la sécurité sociale dans le compte " tendanciel " de la CNAMTS, en ayant compté l'effet " non-salariés " sur les dépenses de la CNAMTS. Du coup, par une modification comptable purement virtuelle, il est nécessaire d'ajouter 1 milliard de recettes au compte de la CNAMTS.

Cet exemple illustre à merveille les effets pervers de la fâcheuse propension de la Direction de la sécurité sociale à anticiper, dans les comptes présentés à la Commission des comptes, des décisions qui relèvent de l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre rapporteur en déduit que le compte " tendanciel " de la CNAMTS était excédentaire ou tout au moins à l'équilibre.

La seconde hypothèse est celle avancée par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. L'ONDAM du Gouvernement (693,5 milliards de francs) serait, en fait, inférieur à l'ONDAM tendanciel " retenu " par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (693,5 milliards de francs), puisqu'il intègre la mesure non-salariés. L'ONDAM -hors effet de structure- serait de 692,2 milliards de francs. La progression ne serait plus alors de 3,5 % 49 ( * ) .

Dans ce cas, il importe de connaître par quelles mesures le Gouvernement entend infléchir la progression tendancielle de l'ONDAM.

Au total, le Gouvernement dégrade les comptes du régime général d'environ 10 milliards de francs (quinze en partant du " véritable " compte tendanciel, excluant la majoration de l'allocation de rentrée scolaire).

Le solde du régime général en 2001

(en millions de francs)

CCSS septembre 2000

Variations mesures loi de financement

Compte " loi de financement "
(p. 128 de l'annexe c) )

CNAMTS maladie

Recettes

665.871

- 939

664.932

Dépenses

666.627

- 328

666.299

Variation fonds de roulement

- 756

- 610

- 1.366

CNAMTS accidents du travail

Recettes

51.939

+ 7

51.946

Dépenses

48.552

+ 1.608

50.160

Variation fonds de roulement

3.387

- 1.601

1.786

CNAVTS

Recettes

430.611

+ 300

430.911

Dépenses

427.240

+ 1.700

428.940

Variation fonds de roulement

3.371

- 1.400

1.971

CNAF

Recettes

282.365

- 1.495

280.870

Dépenses

272.990

+ 5.920

278.910

Variation fonds de roulement

9.375

- 7.415

1.960

ENSEMBLE RG

Recettes

1.430.786

- 2.126

1.428.660

Dépenses

1.415.409

+ 8.899

1.424.308

Solde

15.377

- 11.025

4.352

5. Le compte des administrations de sécurité sociale : une dégradation importante

Le compte des administrations de sécurité sociale, à partir d'un excédent tendanciel de 0,7 point de PIB, se situe ainsi à 0,4 point de PIB, ce qui constitue de la part du Gouvernement une " performance " tout à fait remarquable.

Solde des administrations de sécurité sociale

(en millions de francs et en pourcentages)

Tendanciel commission des Affaires sociales

Tendanciel Gouvernement

Prévisions

Régime général

+ 19.377

+ 15.377

+ 4.200

Autres régimes de base

- 2.553

- 2.553

- 2.553

FSV

+ 9.768

+ 9.768

0

Régimes complémentaires (ARRCO-AGIRC)

+ 26.367

+ 26.367

+ 26.367

UNEDIC

+ 14.000

+ 10.000

+ 10.000

TOTAL administrations sécurité sociale

+ 67.459

+ 58.959

+ 38.014

PIB en 2001

9.624.400

9.624.400

9.624.400

Solde ASSO/PIB

+ 0,70 %

+ 0,60 %

+ 0,39 %

F. L'EXAMEN DU TEXTE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LES PROPOSITIONS DÉSORDONNÉES D'UNE MAJORITÉ DÉSORIENTÉE

L'Assemblée nationale a adopté pas moins de treize articles additionnels en première lecture. Ainsi se confirme le soupçon d'une dérive des lois de financement de la sécurité sociale vers le DMOS.

Nombre d'articles des lois de financement
de la sécurité sociale

Projet de loi de financement de la sécurité sociale

Loi de financement de la sécurité sociale

1997

34

40

1998

26

32

1999

36

47

2000

31

44

2001

47

60 ( * )

( * ) adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture

Le passage à l'Assemblée nationale est important en raison davantage des " annonces ", ne faisant pas l'objet d'un dispositif juridique explicite ou même implicite 50 ( * ) , que des " articles ".

En effet, Mme Elisabeth Guigou, nouvelle ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a recouru, en pleine désunion de la majorité plurielle, à quelques annonces, ne faisant pas partie, dans la plupart des cas, du " champ " de la loi de financement.

Les annonces

- Hausse du plafond de ressources ouvrant droit à la CMU (3.600 francs au lieu de 3.500 francs).

- Prolongement des droits à la couverture maladie universelle jusqu'à juin 2001 pour les personnes au-dessus du plafond, mais couvertes autrefois par l'aide départementale.

- Prise en charge des frais de lunettes pour les jeunes de 16 à 18 ans.

En ce qui concerne les articles, l'Assemblée nationale a relevé de 1,3 à 1,4 SMIC le plafond de la réduction dégressive de CSG introduite par l'article 2. Elle a compensé cette mesure par une augmentation de la taxe sur les conventions d'assurance affectée à la CNAMTS, au FSV et à la CNAF.

Le " bricolage " gagne le budget général puisque cette affectation supplémentaire de taxe sur les conventions d'assurance (1 milliard de francs) a été " compensée " à l'Etat par une taxation supplémentaire des entreprises pétrolières.

L'Assemblée nationale a étendu aux chômeurs non imposables le bénéfice de l'exonération de CRDS posée par l'article 3, ce qui confirme le danger des exonérations : le " doigt dans l'engrenage " est mis.

Elle a supprimé le mécanisme de l'article 31, la pression des professionnels de santé devenant trop forte.

Elle a enfin apporté sa contribution à la réforme des retraites en votant un amendement de suppression de la loi Thomas, que le Gouvernement n'a jamais appliquée.

Malgré des critiques plus ou moins voilées sur la complexité des comptes sociaux, émanant parfois des rapporteurs eux-mêmes, elle n'a pas remis en cause le schéma de financement général du FOREC et le détournement des excédents du FSV et de la branche famille.

IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : DÉMONTER LES TUYAUTERIES POUR PRÉPARER L'AVENIR ET PRÉSERVER LA POLITIQUE FAMILIALE

Face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui constitue désormais un appendice de la politique fiscale ou de l'emploi, mais qui opère à ce titre, non sans brouiller les pistes, des transferts financiers massifs, votre commission des Affaires sociales entend, à travers les propositions qu'elle formule, réaffirmer trois principes.

A. RÉAFFIRMER L'UNIVERSALITÉ DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La majorité de votre commission des Affaires sociales est naturellement favorable à toute mesure permettant de lutter contre la " trappe à inactivité ", c'est-à-dire l'absence de toute stimulation financière à prendre ou à reprendre un emploi, comme elle est favorable à toute mesure permettant de façon générale le retour à l'emploi, y compris celles proposées par les partenaires sociaux eux-mêmes.

De même s'inquiète-t-elle des conséquences sur l'évolution des salaires d'une politique générale et autoritaire de réduction du temps de travail. Elle observe toutefois que lutter contre la " trappe à inactivité " ne saurait conduire à verser dans la " trappe à bas salaires ".

Mais elle constate avant tout que le choix fait par le Gouvernement d'une ristourne de CSG et de CRDS est non seulement complexe et inéquitable mais bouleverse les fondements mêmes du financement de la protection sociale.

Il lui semble que l'instrument d'une politique fiscale et a fortiori budgétaire reste bien le projet de loi de finances et il est naturel que ce sentiment soit partagé par votre commission des Finances.

Aussi, un mécanisme de " crédit d'impôt " ou " d'allocation de soutien aux revenus d'activité ", s'adressant à tous les foyers fiscaux jusqu'à 1,8 SMIC et prenant en compte les charges familiales, sera proposé par la commission des Finances lors de la discussion du projet de loi de finances.

B. AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Respecter la séparation comptable des branches

L'an dernier, le Sénat s'était opposé au mécanisme du fonds de financement des trente-cinq heures (FOREC) au motif que ce dispositif, sous couvert d'une " réforme des cotisations patronales ", consistait, dans l'opacité, à ponctionner à la fois la sécurité sociale et les entreprises.

Le " FOREC 2001 " dépasse, s'il est possible, les inquiétudes qu'avait fait naître sa création. Un an après, l'établissement public n'a toujours pas été constitué et échappe à tout contrôle parlementaire. La " réforme des cotisations patronales " se traduit par l'ajout de deux taxes supplémentaires qui portent à six les impôts affectés à ce fonds. La dérive du coût des trente-cinq heures se traduit par des ponctions massives sur la sécurité sociale en 2001 mais également par des prélèvements supplémentaires rétroactivement opérés sur l'exercice 2000.

Aussi, votre commission propose d'affirmer le principe de séparation des branches et de mettre fin aux multiples détournements de recettes que comporte le projet de loi.

Au-delà de la réaffirmation d'un principe, votre commission entend préserver le fonds de solidarité vieillesse dont les excédents doivent contribuer au financement des retraites de demain et permettre à la branche famille de conserver les moyens nécessaires à une politique ambitieuse.

2. Adopter un dispositif de sincérité comptable

Les comptes de la sécurité sociale perdent en lisibilité ce qu'ils gagnent en fiabilité.

Votre commission vous propose une série d'articles additionnels tendant à améliorer la lisibilité des comptes :

- modification du rôle et du fonctionnement de la Commission des comptes de la sécurité sociale ;

- institution d'un Haut conseil comptable des organismes de sécurité sociale ;

Votre commission vous propose également des articles additionnels tendant à rendre davantage compréhensibles, pour les assurés et les contribuables, les circuits financiers des prélèvements sociaux :

- répartition fixée par la loi, en pourcentage, de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) affectée aux régimes des non-salariés non agricoles et au Fonds de réserve ;

- création d'un compte de réserve pour les excédents de la branche famille.

3. Compenser à la CADES les exonérations de CRDS

La suppression de la CRDS sur les retraités non imposables, proposée par le Gouvernement, donne au titulaire d'une pension de retraite de 4.000 francs un supplément de pouvoir d'achat de 20 francs mensuels.

L'Assemblée nationale s'est engagée dans la brèche ainsi ouverte et a étendu cette exonération aux chômeurs non imposables.

C'est l'ensemble du dispositif du remboursement de la dette sociale qui est ébranlé, alors même que ce dispositif repose pour partie sur la signature de la CADES sur les marchés de capitaux.

Il appartient à l'Etat d'assumer ses responsabilités et de compenser cette exonération, par une imputation sur le prélèvement de 12,5 milliards de francs que lui verse chaque année la CADES.

C. DÉFINIR DES OBJECTIFS POUR NOTRE PROTECTION SOCIALE

1. Sanctionner le Gouvernement sur sa gestion de l'assurance maladie

Votre commission constate que, quatre ans après la création de l'ONDAM, aucun contenu de santé publique ne lui a été donné.

Aussi cet agrégat qui est resté purement comptable a-t-il été dépassé systématiquement depuis 1998, puis a été " rebasé " par le Gouvernement avant qu'il ne lui applique mécaniquement un pourcentage arbitraire de progression.

L'année 2000 est à cet égard exemplaire : l'ONDAM, pourtant rebasé, a été largement dépassé.

Dans ce contexte à la fois d'échec dans la maîtrise des dépenses, de confusion des responsabilités entre les acteurs, de rupture avec les professionnels de santé, de mépris enfin pour le Parlement, votre commission opposera à l'ONDAM 2001 une sorte de " question préalable ", c'est-à-dire prônera un rejet solennel.

Sans ONDAM, une loi de financement est amputée d'un élément central. Cette décision est ainsi d'une exceptionnelle gravité. Votre commission l'a prise en connaissance de cause tant la dérive observée depuis quatre ans lui semble grave et devoir être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement l'ONDAM qui dérive, mais avec lui notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.

2. Instituer un système de maîtrise médicalisée des dépenses

Votre commission vous propose également la suppression du dispositif des " lettres-clefs flottantes " et l'institution d'un mécanisme de maîtrise médicalisée des dépenses, fondé sur la régionalisation et la responsabilisation des professionnels de santé.

3. Aider les familles

La création d'un " compte de réserve " des excédents de la branche famille permettrait d'éviter les effets d'un retournement de conjoncture dont le passé récent enseigne qu'il se traduit immanquablement par une remise en cause de la politique familiale.

Le mécanisme de crédit d'impôt se substituant à la réduction dégressive de la CSG aidera en outre les familles les plus modestes.

Enfin, la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui constitue un transfert de charges de l'Etat vers la branche famille, nécessite une " contrepartie " : le relèvement du plafond du quotient familial, qui sera proposé par votre commission des Finances.

4. Clarifier la question du fonds de réserve

Le fonds de réserve devrait bénéficier de 55 milliards de francs fin 2001.

Même si ce fonds sert aujourd'hui au Gouvernement de " poudre aux yeux ", le dispensant d'engager une véritable réforme des retraites, il devient urgent de préciser comment et par qui les sommes seront placées.

La majorité sénatoriale prend l'initiative, en proposant la création d'un établissement public distinct du fonds de solidarité vieillesse, permettant de garantir, sous le contrôle du Parlement, un emploi financièrement efficace et juridiquement transparent des sommes collectées.

S'agissant de l'affectation des licences UMTS, votre commission des Finances préfère que l'intégralité de leur produit soit consacrée à l'amortissement de la dette publique. Votre commission des Affaires sociales en prend acte, car elle s'interroge elle-même sur la teneur de l'arbitrage du Gouvernement qui lui semble purement optique, dès lors que des réserves seraient constituées aux dépens du remboursement de dettes.

En revanche, le fonds, suite aux propositions de votre commission, bénéficie à nouveau des excédents du FSV, ainsi que d'une fraction pérenne de C3S.

Au total, les comptes de la sécurité sociale, tels qu'ils résultent des propositions de votre commission, laissent au régime général un excédent de près de 10 milliards de francs. Ce n'est pas excessif : il suffirait d'un point de masse salariale en moins, par rapport à la prévision retenue par le Gouvernement, pour annuler un tel excédent.

Le compte du fonds de solidarité vieillesse dégagerait également un excédent important , susceptible d'être affecté au fonds de réserve.

Le solde du régime général en 2001 (propositions de la commission)

(en millions de francs)

Compte " loi de financement "
(p. 128 de l'annexe c) )

Mesures de correction

Compte de la CAS

CNAMTS maladie

Recettes

664.932

+ 920

665.852

Dépenses

666.299

- 29

666.270

Variation fonds de roulement

- 1.366

+ 949

- 417

CNAMTS accidents du travail

Recettes

51.946

51.946

Dépenses

50.160

50.160

Variation fonds de roulement

1.786

1.786

CNAVTS

Recettes

430.911

430.911

Dépenses

428.940

428.940

Variation fonds de roulement

1.971

1.971

CNAF

Recettes

280.870

+ 1.490

282.360

Dépenses

278.910

- 2.900

276.010

Variation fonds de roulement

1.960

+ 4.390

6.350

ENSEMBLE RG

Recettes

1.428.660

+ 2.410

1.431.070

Dépenses

1.424.308

- 2.929

1.420.379

Solde

4.352

+ 5.339

9.691

Compte du FSV (propositions de la commission)

(en millions de francs)

2000

2001

Solde cumulé

4.346

3.265

Solde du PLFSS 2001

- 48

- 1.081

Actions de corrections

Maintien droits alcools

+ 5.404

+ 5.669

AGIRC ARRCO

+ 2.884

Absence de transfert prélèvement social

- 2.300

Retraite de base des allocataires en cessation anticipée d'activité

+ 130

Maintien financement majorations pour enfants

- 2.900

Maintien CSG à 1,3 %

+ 7.515

Solde corrigé par la CAS

5.356

9.917

Solde cumulé corrigé par la CAS

9.702

19.619

DEUXIÈME PARTIE
-
ASSURANCE MALADIE

En matière d'assurance maladie, le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'Emploi et de la Solidarité se solde par un échec accablant.

Depuis trois ans, l'ONDAM est bafoué -les dépenses ont ainsi dérivé de près de 34 milliards de francs par rapport aux objectifs votés- et la volonté du Parlement superbement ignorée -le Gouvernement n'a jamais daigné déposer les projets de loi de financement rectificative qui auraient permis de prendre acte de ces évolutions.

La dérive des dépenses est d'ailleurs telle que la forte croissance des recettes ne parvient pas à ramener le régime général à l'équilibre.

Mme Martine Aubry laisse en partant un système conventionnel moribond. La progression considérable des dépenses d'assurance maladie intervient en effet dans un contexte de dégradation très marquée des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé. Le mécanisme pervers des lettres-clés flottantes, dont l'échec était prévisible, a de facto mis fin au système conventionnel en vigueur depuis 1971.

En matière de médicament, les augmentations excessives des prélèvements sur les entreprises pharmaceutiques risquent de mettre à mal les avancées qu'avait permis le cadre conventionnel.

Enfin, le Gouvernement n'a pas su profiter de la forte croissance pour engager les réformes nécessaires : l'ONDAM reste un agrégat comptable dépourvu de tout contenu de santé publique, la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses se fait toujours attendre, la réforme de l'hôpital est au point mort, les cliniques privées s'enfoncent dans la crise...

Il faudra du temps pour réparer les dégâts causés par une gestion au jour le jour, qui a essentiellement consisté à laisser filer les dépenses en espérant que la croissance des recettes viendrait combler les déficits.

Signe d'un désintérêt évident de la part du Gouvernement, le volet assurance maladie du présent projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, ne comporte, à l'exception du traditionnel article sur l'ONDAM, aucune disposition d'importance. Il se compose de 19 articles 51 ( * ) (14 issus du projet de loi et 5 additionnels introduits par l'Assemblée nationale) dont, pour reprendre l'analyse de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale, " certains éléments n'ont d'ailleurs sans doute pas leur place dans un tel texte " 52 ( * ) .

Votre rapporteur ne peut, à cet égard, que regretter que le Gouvernement ait, année après année, de plus en plus tendance à transformer le volet assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale en un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre sanitaire.

Le projet de loi de financement ne saurait devenir une sorte de véhicule législatif de secours pour toutes les dispositions qui auraient dû figurer dans tous les projets avortés du Gouvernement : projet de loi de modernisation sociale, projet de loi de modernisation du système de santé...

De manière assez significative, le volet assurance maladie du présent projet de loi comporte ainsi trois articles qui figuraient initialement dans le projet de loi de modernisation sociale : l'article 33 (ancien article 3 du projet de loi de modernisation sociale) , relatif au fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé, l'article 41 quater (ancien article 13) , relatif au report de la date limite de signature des conventions pour le financement des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, et l'article 32, relatif à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (partie de l'ancien article 4).

Cette pratique conduit -de manière perverse- le Gouvernement à transférer à l'assurance maladie un certain nombre de charges nouvelles dans le seul but " d'accrocher " au présent projet de loi un certain nombre de dispositions qui n'y avaient à l'évidence pas leur place...

I. UN ONDAM BAFOUÉ

L'ONDAM est la somme des dépenses des régimes obligatoires de base, dont sont exclus les prestations invalidité-décès, les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières maternité, les dépenses d'action sanitaire et sociale, les prestations extralégales, les dépenses de gestion administrative et au titre des divers fonds, les transferts et les frais financiers, et auxquelles sont ajoutées les dépenses des DOM.

Le tableau suivant résume les opérations effectuées pour passer des agrégats de dépenses de l'ensemble des régimes de base pour les branches maladie et accidents du travail à l'ONDAM.

Passage des dépenses réalisées par branche de l'ensemble des régimes de base à l'ONDAM réalisé pour l'exercice 1999

(en milliards de francs)

Branche maladie

Branche AT

Total

Dépenses des régimes de base

706,3

56,7

763,0

Prestations légales hors champ

Prestations invalidité-décès

-

-

-

Prestations incapacité permanente (AT)

-

- 30,1

- 30,1

Indemnités journalières maternité

- 12,2

-

- 12,2

Prestations à déduire

Prestations de services sociaux

- 10,7

-

- 10,7

Prestations extralégales

- 3,5

-

- 3,5

Dépenses à déduire

Frais de gestion

- 34,2

- 5,3

- 39,5

Transferts versés

- 25,5

- 6,4

- 31,9

Frais financiers

- 0,3

0,0

- 0,3

Autres dépenses

- 1,4

- 0,1

- 1,5

Solde des opérations DOM

- 6,3

0,1

- 6,2

A ajouter :

Dépenses DOM consolidées

13,4

0,1

13,5

ONDAM réalisé

625,6

15,0

640,6

L'ONDAM se décompose en quatre agrégats :

- l'objectif " soins de ville " , c'est-à-dire les honoraires, les prescriptions et les indemnités journalières maladie ;

- l'objectif " établissements sanitaires " correspondant à l'activité des établissements sous dotation globale (et les hôpitaux militaires) ;

- l'objectif " établissements médico-sociaux " , qui correspond à l'activité de ces établissements pour personnes âgées, handicapées ou enfants inadaptés ;

- l'objectif " cliniques privées " correspondant à l'activité des établissements sous objectif quantifié national et celle des établissements privés qui n'entrent pas dans le champ de cet OQN.

Avant d'examiner l'évolution de l'ONDAM en 1999, 2000 et 2001, votre rapporteur souhaite, avec l'aide de la Cour de comptes, rappeler les difficultés méthodologiques qui rendent particulièrement ardu l'exercice d'interprétation des évolutions de l'ONDAM.

L'ONDAM est un instrument à l'évidence perfectible. Comme le rappelle cette année la Cour des comptes 53 ( * ) , " l'existence de l'ONDAM constitue, comme c'était l'une de ses finalités, un indéniable progrès dans l'amélioration de la connaissance par la représentation nationale des choix effectués en la matière. Il n'en demeure pas moins que les insuffisances relevées dans les méthodes de préparation et le fait que la traduction chiffrée des objectifs de santé publique soit très grossière font que l'information présentée n'est pas encore totalement pertinente. "

La Cour souligne notamment que ce que l'on nomme " opérations de rebasage " fausse la signification de certaines informations fournies au Parlement. Sous ce vocable, il faut distinguer plusieurs choses : des changements de contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, des modifications de calculs des taux d'évolution (pour tenir compte des écarts entre estimations et objectifs), et enfin la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique.

Chaque année, le contenu de l'ONDAM est ainsi modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. Ces modifications sont liées soit :

- à l'inclusion dans l'ONDAM de dépenses de l'Etat : pour 2000, inclusion des centres de diagnostics anonymes et gratuits (CDAG), de la prise en charge des toxicomanes, et des centres de planification et d'éducation familiale (soit un total de 102 millions de francs) ;

- à des transferts vers l'ONDAM des dépenses de certains fonds de l'assurance maladie qui n'y figuraient pas auparavant : transfert de certaines dépenses du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS) et transfert du coût des affectations de longue durée (ALD) du fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS) (soit une estimation de 900 millions de francs) ;

- à des transferts entre enveloppes : onze médicaments, jusque là distribués uniquement en pharmacie hospitalière, le sont désormais aussi en officine, et sont de ce fait transférés de l'enveloppe hospitalière vers l'enveloppe soins de ville (environ 600 millions de francs) et des crédits du secteur sanitaire public sont transférés vers le secteur médico-social (entre 150 et 200 millions de francs).

La Cour juge que si certains de ces transferts sont justifiés et améliorent la cohérence de l'ONDAM, les transferts faussent la comparaison sur longue période, car il n'est fourni de rétropolation que d'une année sur l'autre.

Si l'on intègre les transferts, les taux d'évolution d'une année sur l'autre peuvent être modifiés. Par exemple, l'évolution prévue entre l'objectif de 1998 et celui de 1999 était de 2,73 % et, si l'on tient compte du rebasage, de 2,66 %. Surtout, pour les soins de ville, l'évolution d'objectif à objectif était de 2,67 % contre 1,90 % seulement, si l'on tient compte du "rebasage" lié au transfert.

Ces développements de la Cour des comptes ont amené votre rapporteur à lui adresser la question écrite suivante :

" La Cour observe (p. 183 du rapport) que, chaque année, le contenu de l'ONDAM est modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. La Cour peut-elle évaluer l'impact détaillé, par enveloppe, de ces différents transferts ?

" La Cour note notamment (p. 101 du rapport) que la croissance du poste médicaments en 1999 incorpore " l'effet en année pleine de la distribution en pharmacie de ville, à partir de 1998, de médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, et l'effet d'une décision de même type pour d'autres médicaments en 1999 (...), effets qui ne sont pas exactement connus mais qui semblent compris entre 500 millions de francs et 1 milliard de francs ". La Cour est-elle en mesure de fournir une évaluation plus précise de l'impact de ce phénomène en 1999 et 2000 ? "

La Cour lui a fait parvenir la réponse suivante :

" La Cour n'est pas en mesure de préciser l'impact détaillé, par enveloppe, des modifications du contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, qui sont intervenues chaque année. C'est d'ailleurs pourquoi elle a recommandé que, chaque année, soit annexée au PLFSS une rétropolation indiquant ce qu'auraient été les montants des enveloppes des années antérieures si la définition des enveloppes avait été la même que pour celles de l'année faisant l'objet de la loi de financement.

" En ce qui concerne l'effet en année pleine de la distribution, en pharmacie de ville, de certains médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, à la suite de décisions intervenues en 1998 puis en 1999, la Cour ne peut pas fournir d'évaluation plus précise que le montant de 500 millions à 1 milliard de francs cité dans le rapport.

" Elle ne dispose en effet d'aucun moyen d'évaluer elle-même cet effet et ne peut que constater la diversité et l'imprécision des chiffres avancés.

" Le codage des médicaments devrait cependant permettre de disposer de cette donnée à partir de 2000. "

La difficulté à évaluer ces effets fragilisent considérablement l'instrument que constitue l'ONDAM et les enveloppes qui le composent.

Pour compliquer encore la tâche du législateur et empêcher toute comparaison pluriannuelle, le Gouvernement modifie désormais le mode de calcul du taux d'évolution de l'ONDAM.

Les premières années, le taux d'évolution de l'ONDAM était fixé par référence au montant de l'ONDAM voté pour l'année précédente et non aux dépenses effectives pendant cette année. Ce système était censé permettre la récupération des éventuels dépassements des années précédentes. Cependant, l'objectif ayant été dépassé chaque année, et compte tenu de l'effet mécanique de l'accumulation des dépassements, le Gouvernement a décidé de modifier la procédure de fixation de l'ONDAM pour 2000.

Comme le rappelle la Cour des comptes, il faut en effet distinguer nettement deux choses :

- le niveau de l'ONDAM, c'est-à-dire de l'objectif que l'on se fixe, exprimé en milliards de francs ;

- l'évolution de cet objectif par rapport, soit à l'objectif qui avait été fixé pour l'année précédente (ONDAM objectif), soit par rapport aux dépenses effectives qui ont eu lieu cette année précédente (ONDAM réalisé) ; dans les deux cas, cette évolution est exprimée en pourcentage.

Seul le montant de l'objectif figure dans la loi de financement et est donc voté par le Parlement.

Le taux de croissance ne figure pas dans le projet de loi, mais cette grandeur est présentée par le Gouvernement, et davantage médiatisée que le montant.

Ce taux dépend bien entendu de la base : pour un même montant, le taux sera plus faible si la base (de l'année précédente) est plus élevée. C'est ici qu'intervient le "rebasage" : il a été décidé de prendre, pour calculer l'évolution de 1999 à 2000, la base égale non plus à l'ONDAM objectif 1999 voté par le Parlement dans la loi de financement pour 1999, mais le montant réalisé prévisionnel pour 1999 établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 1999.

Cette opération entraîne naturellement une rupture statistique qui rend particulièrement difficile la comparaison sur plusieurs années.

Depuis 1999, intervient en outre la prise en compte de la remise versée par l'industrie pharmaceutique, qui rend l'analyse encore plus délicate.

A partir de celui voté pour 1999, l'ONDAM est défini en retranchant des dépenses les remises conventionnelles versées par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires, dans le cadre des accords signés avec le comité économique des produits de santé.

Cette diminution de dépenses est enregistrée sur l'enveloppe des soins de ville, qui comprend le poste médicaments. Mais le montant de la remise n'est fixé qu'après la fin de l'année, le comité économique du médicament devant constater s'il y a eu ou non dépassement. Le montant de la remise au titre de 1998 a été fixé en avril 1999 à 1,2 milliard de francs. Son versement a été constaté dans les comptes de l'ACOSS en 1999.

Comme le souligne la Cour des comptes, le Parlement votant en décembre 1998, l'ONDAM pour 1999 a été fixé à 629,9 milliards de francs, alors qu'un dépassement de la prévision lié à la progression des dépenses de médicaments était prévisible. En fait, l'objectif réel, déduction faite de la remise, était de 628,7 milliards de francs et " ne pouvait être connu par la représentation nationale ".

La Cour des comptes considère -et votre rapporteur partage entièrement cette analyse- que " retrancher la remise de l'objectif de dépenses conduit à imputer sur 1999 des événements ayant eu lieu en 1998 et à comptabiliser une recette comme une moindre dépense, ce qui réduit d'autant la clarté de l'information et fausse les possibilités de suivi sur le long terme. "

Ces éléments démontrent indubitablement la nécessité d'élaborer un ONDAM dont la sincérité comptable ne puisse être contestée.

A. UNE DÉRIVE INQUIÉTANTE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. Un ONDAM dépassé de 11,3 milliard de francs en 1999 et de 13,2 milliards de francs en 2000

L'ONDAM 1999 : un dépassement de 11,3 milliards de francs

Les dépenses incluses dans le champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se sont établies en 1999 à 641,2 milliards de francs, soit un dépassement de 11,3 milliards de francs par rapport à l'ONDAM fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui était de 629,9 milliards de francs.

Le surcroît de dépenses est, comme en 1998, principalement imputable aux soins de ville (de l'ordre de 44,5 % des dépenses comprises dans le champ de l'ONDAM), alors que l'augmentation des dépenses des établissements est restée limitée.

Par rapport au niveau effectif des dépenses dans le champ de l'ONDAM qui avait été atteint en 1998, l'évolution est de 2,8 % : une grande part du dépassement en 1999 est donc due au dépassement de l'année antérieure, l'objectif 1999 ayant été calculé à partir de l'objectif 1998 et non des dépenses réelles de 1998, qui se sont révélées nettement supérieures à l'objectif.

Comme le souligne la Cour des Comptes 54 ( * ) , plusieurs facteurs perturbent toutefois l'appréciation exacte des dépenses : la mise en place d'une nouvelle chaîne de traitement pour la liquidation des dossiers (PROGRES) a entraîné dans l'été 1999 un allongement des délais de liquidation et ces retards n'ont été qu'en partie résorbés par la suite. En outre, pour éviter des risques lors du passage à l'an 2000, un arrêt technique a eu lieu le 31 décembre 1999.

Du fait de ces événements, l'évolution de la consommation réelle de soins en 1999 a été sous-évaluée et, par contrecoup, celle de 2000 sera surévaluée. Si on intégrait l'impact de ces phénomènes, le dépassement de l'ONDAM atteindrait 13,7 milliards de francs en 1999.

ONDAM
Réalisations 1999

(en milliards de francs et en %)

1999
Objectif

1999 Comptes CCSS

Variation en % 99-98 Hors transferts

I Soins de ville

274,7

287,4

+ 3,8

II Versements aux établissements sanitaires

339,2

338,5

+ 2,2

II.1 Etablissements sanitaires

254,0

253,3

+ 2,3

II.1.1.Etablissements sanitaires sous DG

249,0

248,2

II.1.2. Autres établissements sanitaires

4,3

4,3

II.1.3. Honoraires du secteur public

0,8

0,8

II.2 Médico-social

43,9

44,1

+ 2,1

11.2.1. Médico-social (E.I.-A.H.)

-

29,7

II.2.2. Médico-social (personnes âgées)

-

14,4

II.3. Cliniques privées

41,3

41,1

+ 1,7

III. Ressortissants français à l'étranger

0,9

1,1

- 11,3

IV. Prestations DOM

13,9

14,2

+ 5,1

Objectif national

629,9

641,2

+ 2,9

Source : Direction de la sécurité sociale (S/D PEF - 6B)

Les évolutions des différents postes sont cependant contrastées :

- Les soins de ville

L'objectif des soins de ville, fixé à 274,7 milliards de francs, a été nettement dépassé : les réalisations sur ce poste se montent en effet à 287,4 milliards de francs, soit un dépassement de 12,7 milliards de francs constituant l'essentiel du dépassement constaté en 1999 pour l'ONDAM. Par rapport à 1998, la progression atteint 3,8 % hors transferts (notamment médicaments antirétroviraux sortis de la réserve hospitalière).

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette forte augmentation est principalement imputable à la progression des dépenses de pharmacie (+ 6 %) et d'indemnités journalières (+ 6,1 %) alors que la croissance des dépenses d'honoraires a été relativement modérée (+ 0,5 %). L'écart traditionnel entre la croissance des honoraires et des prescriptions a été renforcé par l'allongement des délais de liquidation : les prescriptions, en parties télétransmises, sont en effet moins sensibles que les honoraires aux aléas de liquidation.

La progression des honoraires (+ 0,5 %) est particulièrement modérée comparée à l'année précédente (+ 3,3 % en 1998). Le ralentissement est sensible notamment pour les consultations. On observe même une diminution des dépenses de visites et d'honoraires dentaires.

Les dépenses des professionnels paramédicaux progressent plus modérément (+ 3,2 % contre + 4,3 % en 1998). Les dépenses d'analyses biologiques ont, quant à elles, connu un ralentissement sensible (+ 2,6 % contre + 6,6 % en 1998) dû à la fois à la baisse du tarif de la lettre-clé B intervenue en juillet 1999 et au ralentissement de la croissance des volumes.

Les dépenses de pharmacie et du TIPS se sont élevées à 105,8 milliards de francs en 1999 contre 98,7 milliards de francs en 1998, soit une forte progression de l'ordre de 7,2 % (6 % hors transferts). Cette progression s'explique pour une large part par la croissance des dépenses de médicaments remboursés à 100 % (+ 8,2 %).

Le taux moyen de remboursement du médicament continue à progresser et atteint 72,9 % en 1999 pour le régime général, soit une hausse de 0,5 % par rapport à 1998.

- Les hôpitaux publics

L'objectif de 254 milliards de francs pour 1999 de versements aux établissements publics et aux établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) a été respecté : les réalisations s'élèvent à 253,3 milliards de francs, soit une progression par rapport à 1998 de 2,3 %.

S'agissant des versements sous forme de dotation globale, ils ont atteint 248,2 milliards de francs et se sont donc avérés inférieurs de 800 millions de francs à l'objectif prévu : selon la Commission des comptes, l'essentiel de cette économie provient de l'évolution des recettes propres des établissements.

- Les établissements médico-sociaux

En 1999, les dépenses réalisées s'élèvent à 44,1 milliards de francs, soit une progression de 2,1 % hors transferts et un dépassement de 200 millions de francs par rapport à l'objectif, dépassement essentiellement dû, selon la Commission des comptes, à la forte évolution des dépenses entre 1997 et 1998.

La progression des dépenses se ralentit par rapport à celle enregistrée en 1998 (+ 6,4 %) en raison de la faible évolution des dépenses en faveur des adultes handicapés et enfants inadaptés (+ 0,8 % en 1999 contre + 7,2 % en 1998) que ne compense pas la progression des dépenses de médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées (+ 5,5 % en 1999 contre + 4,3% en 1998).

- Les cliniques privées

Cette enveloppe se décompose en trois postes :

- les cliniques privées sous objectif quantifié national (OQN) hors consommations intermédiaires ;

- les anciens établissements à prix de journée préfectoral qui sont passés dans le champ contractuel mais restent encadrés par un objectif propre ;

- les établissements ou les prestations hors OQN.

Les versements aux cliniques privées se sont élevés à 41,1 milliards de francs en 1999, soit 1,7 % de plus qu'en 1998. Cette faible progression résulte de la baisse du prix de journée, décidée en cours d'année afin de compenser le dépassement de l'objectif en 1998.

L'économie de 200 millions de francs réalisée par rapport à l'objectif (41,3 milliards de francs) provient :

- d'un dépassement de 200 millions de francs environ pour les cliniques sous OQN ;

- d'une économie de 400 millions de francs environ pour les dépenses des cliniques hors OQN, due notamment à des modifications de champ.

L'ONDAM rebasé de 2000 : un dépassement de 13,2 milliards de francs

L'ONDAM voté en 2000 a fait l'objet d'une opération de rebasage : les taux proposés par le Gouvernement pour 2000 ont été calculés sur la base de l'objectif initial 1999 pour les établissements publics de santé, les établissements médico-sociaux et les cliniques privées, et sur la base de la prévision d'exécution 1999, connue en septembre 1999, pour les soins de ville, secteur où l'effet report des dépassements successifs était le plus important.

Malgré son " rebasage ", l'ONDAM 2000, dont le montant voté s'élevait à 658,3 milliards de francs, serait, selon la Commission des comptes, dépassé de 13,2 milliards de francs, pour atteindre 671,5 milliards de francs, soit une augmentation de 4,9 %.

Comme en 1998 et en 1999, ce dépassement est essentiellement imputable à celui des soins de ville (+ 7 % pour le seul régime général), qui atteindrait 13,5 milliards de francs. Pour le seul régime général, le dépassement serait de 11,5 milliards de francs, en métropole sur le champ de l'ONDAM. Il porte intégralement sur les soins de ville.

La Commission des comptes considère pour sa part que la forte croissance enregistrée en 2000 - qui contraste avec l'évolution modérée de 1999 - résulte pour une part des retards de liquidation, le début de l'année 2000 ayant été affecté par des reports de soins dispensés en 1999.

Si l'on analyse l'évolution de la consommation en date de soins, et non en date de remboursement, on observe une croissance régulière des soins de ville en 1998 et 1999 sur un rythme d'environ 6 % l'an en volume. Cette tendance se poursuivrait en 2000.

Néanmoins, si l'on retire l'impact de ces reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, le dépassement net de l'ONDAM 2000 n'en atteindrait pas moins 10,8 milliards de francs.

Les données les plus récentes fournies par la CNAMTS à la mi-octobre confirment ces tendances.

A la fin du mois d'août 2000, les dépenses du régime général dans le champ de l'objectif national de dépenses voté par le Parlement sont toujours en hausse.

Les dépenses du régime général dans le champ de l'ONDAM
(situation à la fin août 2000)

Régime général - Métropole
Tous risques
Janvier à août 2000

Montants cumulés à fin août 2000

Taux d'évolution sur un an

Soins de ville

169.701

8,6 %

honoraires médicaux et dentaires

52.112

4,5 %

prescriptions

93.017

11,2 %

indemnités journalières

24.572

8,1 %

Etablissements sanitaires publics (*)

142.427

2,6 %

Etablissements sanitaires privés

23.163

2,3 %

Etablissements médico-sociaux (**)

26.698

5,6 %

Total ONDAM

361.989

5,5 %

(*) taux d'évolution calculé en neutralisant l'évolution du poids du régime général par rapport aux autres régimes.

(**) Ce poste intègre désormais les versements faits aux établissements pour personnes âgées et aux centres d'action socio-médicale précoce.

NB : les huit premiers mois de 2000 comportent le même nombre de jours ouvrés que les huit premiers mois de 1999.

Les remboursements de soins de ville progressent sur un an, entre les huit premiers mois de 1999 et les huit premiers mois de 2000, de + 8,6 % contre + 8,2 % à fin juillet, en données corrigées du nombre de jours ouvrés.

Les soldes des dossiers en instance à fin août 2000 représentent l'équivalent de 5,4 jours ouvrés, soit un niveau équivalent à celui atteint l'année dernière à la même date.

Entre les huit premiers mois de 1999 et les huit premiers mois de 2000, la croissance des dépenses déléguées à la CNAMTS est de + 6,0 %, celle des autres dépenses de ville atteint + 11,1 %.

Les dépenses de médicaments progressent de 12,2 %, celles de frais de transport de + 9,0 % et celles d'indemnités journalières de + 8,1 %. La croissance des honoraires médicaux et dentaires, plus modérée, est, sur la même période, de 4,5 %.

Les premières données disponibles sur les dépenses du mois de septembre n'apportent pas d'informations nouvelles sur la conjoncture des soins de ville. Les remboursements des neuf premiers mois de l'année devraient, en données corrigées des jours ouvrés, progresser de + 8,6 % par rapport aux neuf premiers mois de 1999 (taux inchangé par rapport à celui atteint à fin août).

Résultats provisoires sur les dépenses à fin septembre 2000

Régime général - Métropole
Tous risques
Janvier à septembre 2000

Montants cumulés à fin septembre 2000

Taux d'évolution sur un an
Jan./sept. 2000
Janv./sept. 1999


Taux d'évolution corrigé des jours ouvrés

Soins de ville

189.907

8,0 %

8,6 %

honoraires médicaux et dentaires

58.038

4,2 %

4,8 %

prescriptions

104.536

10,5 %

11,0 %

indemnités journalières

27.333

7,3 %

7,8 %

NB : Les neuf premiers mois de l'année 2000 comportent un jour ouvré de moins que les neuf premiers mois de 1999.

La croissance des remboursements de médicaments serait de + 12,1 % sur la même période. Le taux de croissance des honoraires médicaux et dentaires (+ 4,8 %) serait en légère augmentation par rapport à celui à fin août.

Le solde des dossiers à traiter à la fin du mois de septembre est légèrement inférieur, en termes de jours ouvrés (4,4 jours) à celui observé un an avant.

Parmi les soins de ville, l'objectif délégué de dépenses, qui comprend les honoraires, les auxiliaires médicaux et les analyses biologiques, progresserait de 2,4 % hors reports. En revanche, les autres dépenses de ville ont, à nouveau, connu une forte progression et, plus précisément, les médicaments (+ 7,2 % hors reports), les indemnités journalières (+ 6,3 %) et les biens médicaux (+ 13 %).

Pour les établissements de santé publics , le dépassement de l'objectif résulterait quasi exclusivement des mesures des protocoles des 13 et 14 mars dernier non financées par le fonds d'accompagnement social (FASMO) ou par l'État.

Les cliniques privées sous objectif quantifié national auraient, quant à elles, respecté cet objectif.

Dans le secteur médico-social , les dépenses seraient inférieures de 400 millions de francs à un objectif fixé à 47,2 milliards de francs. Toutefois, compte tenu de la surestimation de la base 1999, le taux d'évolution devrait être supérieur au taux prévu.

Votre rapporteur s'était enquis auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de l'impact sur les comptes 2000 de la branche maladie de la loi portant création d'une couverture maladie universelle . Il avait ainsi demandé une réactualisation, au vu des derniers chiffres de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du coût pour les finances de l'Etat, les finances locales et les finances sociales de la loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Il a reçu la réponse suivante :

" Le tableau ci-dessous résume les principaux flux financiers budgétaires attachés aux transferts liés à la loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Recettes (ou moindres dépenses) Etat

Dépenses (ou moindres recettes) Etat

Suppression de l'ancien dispositif d'aide médicale Etat

807 MF

Mise en place de l'aide médicale Etat résiduelle

495 MF

Baisse de la dotation générale de décentralisation des départements

9.127 MF

Transfert d'une fraction des droits de consommation sur le tabac au profit de la CNAMTS

3.500 MF

Subvention budgétaire au fonds CMU

7.000 MF

" La réactualisation des données afférentes à la sécurité sociale ne peut être effectuée de façon pertinente : des recettes ont été affectées à la CNAMTS en 2000 pour faire face aux dépenses supplémentaires estimées ; ces dépenses ne faisant l'objet d'aucun suivi statistique, l'écart entre les dépenses réalisées et les recettes affectées ne peut être déterminé. "

Il est par conséquent tout simplement impossible de savoir précisément quel est le coût de la CMU pour la CNAMTS !

Lors de l'examen du projet de loi portant création de la CMU, votre rapporteur, qui était également rapporteur de ce texte, avait relevé qu'aucun dispositif d'évaluation n'était prévu par le projet de loi. Il n'existait ainsi aucun dispositif technique permettant d'apprécier l'ensemble des dépenses engendrées par la création de la couverture maladie universelle, notamment au niveau de la couverture de base. Le surcoût lié à l'extension du champ était estimé par le Gouvernement à 600 millions de francs, sans aucun moyen d'apprécier a posteriori le bien fondé de cette estimation, et de manière générale, l'ensemble des évaluations qui avaient présidé au " montage financier " de ce projet de loi.

Telles étaient les raisons qui avaient conduit votre rapporteur à proposer au Sénat, qui l'avait accepté, l'adoption d'un article additionnel :

- permettant au Parlement de prendre connaissance, avant le 15 octobre de chaque année (date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale) d'un rapport sur l'évaluation des titres I à III du projet de loi ;

- prévoyant qu'un des deux rapports annuels de la Commission des comptes de la sécurité sociale présenterait un bilan financier de la mise en place de la CMU ;

- assurant l'existence d'une section comptable spécifique de la CNAMTS, afin de suivre les recettes et les dépenses liées à la CMU. La CNAMTS disposait déjà d'une telle section pour les assurés personnels.

Votre rapporteur regrette infiniment que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le Sénat sur ce dernier point.

2. L'ONDAM 2001 : + 5,32 %, + 3,25 % ou + 3,5 % ?

L'article 44 du projet de loi prévoit que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 693,3 milliards de francs pour l'année 2001.

L'exposé des motifs précise que cet ONDAM est " en progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000. "

Pour la deuxième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de l'année (n+1) est donc calculé à partir d'une prévision de réalisation de l'ONDAM et non par rapport à celui voté.

En 2001, l'opération de rebasage est cependant plus complexe.

En effet, il serait plus exact de dire que cet objectif est fondé sur une hypothèse de croissance des dépenses d'assurance maladie de 3,5 % s'appliquant à une réalisation 2000 corrigée des reports de dépenses de 1999 à 2000 consécutifs aux retards de liquidation enregistrés à la fin de l'année 1999 et de " la marge de manoeuvre " fixée pour 2000.

La Commission des comptes de la sécurité sociale évalue le dépassement " brut " de l'objectif 2000 à 13,2 milliards de francs, soit une progression des dépenses de 4,9 % pour un objectif de 2,5 %.

L'ONDAM réalisé en 2000 serait donc de 671,5 milliards de francs.

Le Gouvernement n'a cependant pas choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il a souhaité retirer à ce chiffre l'effet des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et lui ajouter 600 millions de francs correspondant à " la marge de manoeuvre " prévue pour 2000.

L'ONDAM rebasé pour 2000 s'élève donc à 669,7 milliards de francs. C'est en appliquant à cette base un taux de 3,52 %, que l'on obtient l'ONDAM 2001, soit 693,3 milliards de francs.

Ce taux de 3,5 % a donc un caractère très virtuel et vise surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé. L'expérience des quatre premières lois de financement montre en effet que le débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique est celui de l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs cette année.

Or, de quel taux parle-t-on lorsqu'on évoque le taux de progression de l'ONDAM ?

Il y a en réalité au moins six taux différents d'ONDAM, si ce n'est davantage.

Le premier est le taux de 3,5 % qui résulte d'une comparaison entre l'ONDAM 2001 voté et l'ONDAM 2000 réalisé prévisionnel puis retraité.

Le deuxième est le taux de 3,25 %, calculé en comparant l'ONDAM 2001 voté et l'ONDAM 2000 réalisé prévisionnel non retraité (671,5 milliards de francs).

Le troisième est de 5,32 %, qui résulte d'une comparaison entre l'ONDAM 2001 voté et l'ONDAM 2000 voté. Ce chiffre témoigne à lui seul de la forte dérive des dépenses d'assurance maladie.

Les deux derniers taux ne sont pas encore connus.

Le quatrième pourra être calculé en comparant l'ONDAM 2001 voté et l'ONDAM 2000 effectivement réalisé puis retraité. Ce taux sera vraisemblablement inférieur à 3,5 %.

En effet, compte tenu de l'évolution des dépenses à la fin septembre 2000, le chiffre de 671,5 milliards de francs sera très probablement dépassé. Le taux d'évolution " brut " de 4,9 % pour les dépenses sur le champ de l'ONDAM, calculé par la Commission des comptes, est en effet sous-tendu par un taux d'évolution des soins de ville de 6,6 % pour l'ensemble des régimes (7 % pour le régime général).

Cette hypothèse est minimale : si le taux d'évolution des dépenses déléguées estimé à 4,7 % est vraisemblable, le taux d'évolution des autres soins de ville, notamment 8,7 % pour le médicament, semble plutôt faible et serait de l'ordre de 10 % (à fin août, le taux observé pour le médicament est de 12,1 % pour le régime général).

Dans ces conditions, si les dépenses de l'année 2000 s'avéraient plus élevées que ce qu'a prévu la Commission des comptes, ce quatrième taux de progression de l'ONDAM en serait naturellement réduit d'autant.

Le cinquième taux sera calculé en comparant l'ONDAM 2001 voté et l'ONDAM 2000 effectivement réalisé non retraité. En suivant le même raisonnement que précédemment, ce taux sera vraisemblablement inférieur à 3,25 %.

Enfin, comme on l'a vu plus haut, l'ONDAM tient compte d'une diminution de dépenses correspondant aux remises conventionnelles versées par les entreprises pharmaceutiques au titre du dépassement de l'objectif conventionnel d'évolution de leur chiffre d'affaires, dans le cadre des accords signés avec le comité économique des produits du santé.

L'ONDAM rebasé 2000 intègre ainsi une diminution de dépenses de 900 millions de francs correspondant aux remises négociées pour 2000 au titre des dépenses de 1999. Pour mesurer l'évolution réelle de l'ONDAM en 2001, il conviendrait donc de réintégrer, pour chacun des deux exercices, les remises escomptées, évaluées entre 2 et 2,8 milliards de francs en 2001 au titre de 2000.

On aboutit alors à un sixième taux de progression de l'ONDAM, compris entre 3,7 et 3,8 % si l'on compare l'ONDAM 2001 voté et retraité à l'ONDAM 2000 rebasé en intégrant les remises.

Ces éléments suffisent à démontrer que le taux affiché de 3,5 % pour la progression de l'ONDAM résulte autant d'un choix politique que d'un calcul arithmétique.

Comme l'année passée, les données communiquées par le Gouvernement sur la répartition de l'ONDAM pour 2001 en quatre sous-objectifs ne sont pas homogènes.

Deux taux d'évolution, dans les secteurs qui ont donné lieu à des dépassements importants cette année, sont calculés par rapport à une base 2000 révisée : + 3 % pour les soins de ville et + 3,4 % pour les hôpitaux. Les deux autres taux ont été établis, plus traditionnellement, d'objectif à objectif : + 5,8 % pour le médico-social et + 3,3 % pour les cliniques privées.

Résultats provisoires sur les dépenses à fin septembre 2000

Tous régimes
(en millions de francs)

Objectif 2001

Evolution 2001/2000

Rappel évolution 1999/2000

Soins de ville

312,7

3,0 % (1)

2,0 %

Hôpitaux publics

270,6

3,4 % (1)

2,4 %

Cliniques privées

43,4

3,3 % (2)

2,2 %

Établissements médico-sociaux

49,9

5,8 % (2)

4,9 %

Objectif national

693,3

3,5 %

2,5 %

(1) par rapport à l'objectif rebasé

(2) par rapport à l'objectif initial

Expliquer, dans ces conditions, comme le fait le Gouvernement, que les cliniques privées sont aussi bien traitées que les hôpitaux publics sous prétexte que les taux accordés seraient quasiment identiques, est dès lors pour le moins abusif.

3. 1997-2000 : un dépassement cumulé de près de 34 milliards de francs

Le bilan qui peut être établi au terme des quatre premières lois de financement de la sécurité sociale est pour le moins affligeant.

Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été respecté. Sur quatre années, de 1997 à 2000, l'écart entre l'objectif voté et l'ONDAM réalisé s'accroît d'année en année : - 0,7 milliard de francs en 1997, 9,8 milliard de francs en 1998, 11,3 milliard de francs en 1999 et 13,2 milliard de francs en 2000. Le dérapage cumulé de ces quatre années s'élève à 33,6 milliard de francs.

Objectif et réalisation de l'ONDAM 1996-2001

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Objectif ( milliards de francs )

600,2

613,8

629,9

658,3

693,3

Réalisé ( milliards de francs )

599,5

623,6

641,2

671,5 (p)

Objectif (n) / Objectif (n-1)

590,4*

+ 2,27 %

+ 2,62 %

+ 4,51 %

+ 5,32 %

Réalisé (n) / Objectif (n)

- 0,12 %

+ 1,60 %

+ 1,79 %

+ 2,01 %

Objectif (n) / Réalisé (n-1)

+ 1,66 %

+ 2,39 %

+ 1,01 %

+ 2,67 %

+ 3,25 %

Réalisé (n) / Objectif (n-1)

+ 1,70 %

+ 3,90 %

+ 4,46 %

+ 6,60 %

Réalisé (n) / Réalisé (n-1)

+ 1,54 %

+ 4,02 %

+ 2,82 %

+ 4,72 %

Ecart
Réalisé (n) / Objectif (n)
(en milliards de francs )

- 0,7

9,8

11,3

13,2

* Base de référence pour l'ONDAM 1997

(p) prévisions

Dans l'esprit du constituant et du législateur organique qui ont institué les lois de financement de la sécurité sociale, le vote de l'ONDAM ne correspondait certes pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits : les assurés sociaux devaient pouvoir être remboursés de leurs dépenses en cas de dépassement de l'objectif voté par le Parlement.

Ce vote n'en avait pas moins une portée normative, une série de mécanismes responsabilisants découlant du vote du Parlement et le traduisant dans des dispositifs conventionnels entre l'Etat et l'assurance maladie, puis entre l'assurance maladie et les professionnels et établissements de santé, devait permettre le respect de l'ONDAM.

En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.

Or, depuis l'entrée en fonction de ce Gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Dans les projets de loi de financement annuels, le Gouvernement propose seulement au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en " faisant comme si rien ne s'était passé ", comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus de signification.

En cinq années, les dépenses dans le champ de l'ONDAM passeraient ainsi de 590,4 milliard de francs en 1996 à 693,3 milliard de francs en 2001, soit une augmentation de 17,4 % correspondant à 102,9 milliard de francs de dépenses supplémentaires.

Dès lors, il est légitime de s'interroger sur l'utilisation de ces sommes supplémentaires que la collectivité a ainsi consacrées au financement de notre système de santé : quel " bénéfice sanitaire " nos concitoyens en ont-ils tiré ?

Personne n'est en mesure de le dire.

Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que le conseil d'administration de la CNAMTS ait émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Votre rapporteur partage pour l'essentiel l'analyse faite par le conseil d'administration de la CNAMTS.

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 :
avis du conseil d'administration de la CNAMTS

" Lors de sa réunion du 26 septembre 2000, le conseil d'administration a procédé à l'examen des dispositions relatives à la santé et à l'assurance maladie incluses dans l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et motive ainsi sa désapprobation.

" L'objectif voté l'an dernier par le Parlement a été largement dépassé (+ 13 milliards de francs), même si la croissance particulièrement forte des recettes dissimule ce dérapage quand on ne raisonne que sur les soldes. Le projet prévoit d'entériner les dépassements de dépenses observés en 2000, après ceux observés en 1998 et 1999, sans qu'aucune analyse ne vienne confirmer la pertinence et l'efficience de ces dépenses supplémentaires.

" Sur 5 années, ce sont 100 milliards de francs supplémentaires qui ont été investis dans le système de soins, sans que l'on puisse dire quel bénéfice la population en a tiré, faute de choix explicites de priorités sanitaires.

" Constatant l'inefficacité des dispositifs de régulation subsistants et l'absence de mesures structurelles, le conseil d'administration réitère ses craintes exprimées lors de l'examen du projet de loi 2000 et confortées, depuis lors, par la pratique, qu'elles portent sur :

" - le cloisonnement du système de soins, accentué par les dernières lois de financement et caractérisé par :

" . des enveloppes budgétaires non fongibles qui empêchent que le financement suive les évolutions des pratiques médicales,

" . des financements des établissements hospitaliers sans lien direct avec l'activité médicale.

" - les contrôles, tous les 4 mois, des seules dépenses d'honoraires et les ajustements conjoncturels des tarifs qu'ils induisent qui compromettent la continuité des projets conventionnels et leur capacité à porter une réorganisation pérenne du système de soins.

" Dans ces conditions, compte tenu du choix des pouvoirs publics de neutraliser les dépassements de dépenses observés, le conseil d'administration interroge le Gouvernement sur le sens et l'intérêt des mesures de baisses d'honoraires qui devront être prises le 15 novembre, selon la loi votée l'année dernière.

" Le conseil d'administration s'oppose aux nombreuses mesures réduisant les compétences de la CNAMTS accentuant ainsi l'émiettement des responsabilités et laissant le système de soins sans pilotage efficace.

" Alors que d'autres solutions peuvent être trouvées en faveur des bas revenus, le conseil d'administration conteste le choix fait par les pouvoirs publics d'utiliser à cette fin la CSG, au risque de menacer l'universalité même de l'assurance maladie.

" Il demande que la loi de financement 2001 soit accompagnée d'une politique de santé publique et de choix explicites en matière de prise en charge des soins, en cohérence avec l'enveloppe financière qui sera arrêtée par le Parlement. "

B. LE RÉGIME GÉNÉRAL : UN DÉFICIT PERSISTANT

Certes, le déficit de la branche maladie du régime général se réduit : toutefois, l'évolution de l'ONDAM révèle que cette amélioration tient davantage à la forte progression des recettes qu'à la modération des dépenses.

1. Un déficit de 8,9 milliards de francs en 1999

Le chiffre définitif pour 1999 fait état d'un déficit de 8,9 milliards de francs pour la branche maladie.

La branche maladie du régime général en 1999
écarts entre prévisions et réalisations

LFSS 1999

1999
(septembre 2000)

Ecart

Recettes

602.947

600.988

- 1.959

Dépenses

603.053

609.889

+ 6.836

Solde

- 105

- 8.901

- 8.796

Par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, les recettes ont diminué de près de 2 milliards de francs du fait de l'utilisation du nouveau système de répartition des encaissements, dit RACINE. RACINE a permis de révéler que la branche vieillesse du régime était jusqu'alors désavantagée par rapport à la branche maladie. Les recettes de la branche maladie progressent néanmoins de 4,1 % en 1999 par rapport à 1998.

Le déficit de la branche s'explique cependant essentiellement par le dérapage des dépenses qui s'avèrent de près de 7 milliards plus élevées que prévu.

2. Un déficit de 6,1 milliards de francs en 2000

Le solde de l'année 2000 devrait rester nettement déficitaire : la Commission des comptes anticipe ainsi un déficit de 6,1 milliards de francs.

Les recettes de la branche maladie du régime général ont pourtant fortement progressé : elles seraient en 2000 supérieures de 8,5 milliards de francs à ce qui était prévu en loi de financement de la sécurité sociale, soit une augmentation de 6,2 % par rapport à 1999.

Cette forte croissance est cependant entièrement absorbée par un nouveau dérapage des dépenses qui dépasseraient de 11,8 milliards de francs les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale, soit une croissance totale de 5,6 % par rapport à 1999.

La branche maladie du régime général en 2000
écarts entre prévisions et réalisations

LFSS 2000

CCSS septembre 2000

Ecarts

Recettes

629.519

637.986

+ 8.467

Dépenses

632.229

644.101

+ 11.872

Solde

- 2.710

- 6.115

3. Un retour hypothétique à l'équilibre en 2001

La Commission des comptes de la sécurité sociale devrait en principe établir, chaque année, un " compte tendanciel " du régime général, fondé sur diverses hypothèses concernant l'exercice à venir. Ensuite, les mesures du projet de loi de financement viendraient éventuellement corriger ces prévisions en recettes comme en dépenses.

Comme l'année passée, il n'en a rien été pour les prévisions des comptes 2001.

Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes, " Les comptes présentés pour 2001 (...) ne sont pas des prévisions de ce que sera effectivement l'année 2001, puisque les dispositions de la loi de financement n'y sont pas intégrées. De ce fait, ces comptes n'ont même aucune chance de se réaliser. Ce ne sont pas non plus tout à fait des comptes " tendanciels " qui représenteraient les évolutions les plus probables en l'absence de toute mesure nouvelle, puisque sur quelques points, dont le plus notable est l'évolution des prestations maladie supposées conformes à l'ONDAM, ils s'écartent d'une stricte prévision tendancielle, au demeurant difficile à définir. (...) Il s'agit donc d'un compte hybride dont l'objet est de servir de base à la présentation de la loi de financement. "

La Commission des comptes retient un ONDAM en évolution de + 3,5 %, identique à celui retenu par le projet de loi.

Sans que l'on sache ce qui a présidé ce choix, d'ailleurs non explicité, le compte " hybride " de la branche intègre, semble-t-il 55 ( * ) :

- le financement de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (article 32) ;

- les nouvelles modalités de financement des activités d'urgence des cliniques privées (article 34) ;

- les transferts de l'Etat à l'assurance maladie (article 37) ;

- les mesures intéressant les différents fonds (FASMO, cliniques, etc.).

Le solde de ce compte " hybride " s'avère in fine déficitaire de 756 millions de francs.

A partir de ce compte, une série de mesures vient modifier l'équilibre de la branche maladie du régime général pour 2000.

Il s'agit d'abord d'une mesure intéressant les ressources de la branche, c'est-à-dire l'affectation au FSV de la part du prélèvement sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, dont la CNAM recevait 8 % du produit et qui se traduit par une diminution de recettes de 920 millions de francs.

Il s'agit également de mesures augmentant les dépenses de la branche :

- la constitution d'une provision pour la réduction du temps de travail à l'hôpital : 500 millions de francs ;

- le financement d'une dotation supplémentaire de 100 millions de francs pour le fonds d'action sociale de la CNAM dans le cadre de la mise en place de la couverture maladie universelle ; il s'agit de financer des aides, accordées au cas par cas, pour les personnes qui se trouveraient juste au-dessus du plafond fixé pour le bénéfice de la couverture complémentaire de la CMU ;

- les incidences, pour cette branche, de la revalorisation des pensions et du " coup de pouce " au titre des pensions d'invalidité, soit 90 millions de francs.

Le tableau figurant à l'annexe c comporte enfin une diminution des dépenses de 1 milliard de francs tenant aux incidences de l'alignement des prestations de la CANAM sur celles du régime général.

Interrogée sur ce point par votre rapporteur, dans le cadre d'un questionnaire complémentaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a indiqué :

" Les comptes de la Commission des comptes de la sécurité sociale supposent que les dépenses dans le champ ONDAM s'établiront à 693,3 milliards de francs. Ces comptes ne comprennent pas, par définition, la mesure d'alignement des taux de remboursement de la CANAM sur ceux du régime général. Or l'ONDAM arrêté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale s'établit lui aussi à 693,3 milliards de francs, alors qu'il comprend lui par définition la mesure d'alignement des taux de remboursement de la CANAM sur ceux du régime général. Comme cette mesure représente 1,3 milliard de francs de dépenses supplémentaires, cela veut dire que l'objectif de dépenses d'assurance maladie est, hors cette mesure, fixé à 692 milliards de francs. Par rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, c'est donc 1,3 milliard de francs de dépenses qu'il faut retirer à l'ensemble des régimes. Compte tenu de son poids, c'est de 1 milliard de francs qu'il convient donc de retirer aux dépenses d'assurance maladie du régime général (CNAMTS). "

L'annexe c du projet de loi aboutit ainsi à un déficit de la branche maladie du régime général de 1.366 millions de francs en 2001 .

Le solde de la branche maladie du régime général en 2001

CCSS septembre 2000

Compte loi de financement

Recettes

665.871

664.932

Dépenses

666.827

666.299

Solde

- 756

- 1.366

Selon les chiffres de l'annexe c du projet de loi, le régime général resterait donc déficitaire de près de 1,4 milliard de francs en 2001.

Au vu de ces éléments, votre rapporteur ne peut que faire part de son extrême perplexité quant à la fiabilité des comptes présentés et des prévisions avancées :

- il est impossible de vérifier, dans la pratique, que certaines mesures présentées comme intégrées dans le compte de la Commission des comptes l'ont bien été, notamment pour celles dont le rapport de la Commission des comptes ne fait pas mention ;

- l'intégration ou non dans le compte de la Commission des comptes ne semble répondre à aucun critère évident ;

- certaines mesures -notamment celles relatives à la ristourne dégressive de CSG et à la diminution des droits sur le tabac- ne figurent pas dans le compte de la Commission des comptes et n'apparaissent pas davantage dans le tableau de l'annexe c : où leur impact est-il intégré ?

Au terme de cette analyse, il apparaît cependant certain que la branche maladie sera encore déficitaire en 2001 et qu'il est très probable que ce déficit sera supérieur au 1,4 milliard de francs annoncé. Un simple dérapage des dépenses suffirait à revenir au niveau de déficit des années précédentes.

II. UN SYSTÈME CONVENTIONNEL MORIBOND

A. DES RELATIONS DURABLEMENT DÉTÉRIORÉES AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé. Cette dégradation résulte pour une très large part de l'application d'un mécanisme purement comptable de maîtrise de l'évolution des dépenses.

Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a défini, dans son article 24, un mode de régulation exclusivement comptable, et dans lequel rien n'est plus à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres-clés flottantes.

1. L'échec prévisible du mécanisme pervers des lettres-clés flottantes

L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a en effet procédé à une refonte totale du dispositif de régulation des dépenses de santé applicable aux soins de ville et aux professionnels de santé exerçant à titre libéral et conventionnés avec l'assurance maladie.

Cet article a donné délégation aux caisses nationales d'assurance maladie, pour la gestion, au sein de l'enveloppe soins de ville, d'un objectif de dépenses déléguées (ODD), c'est-à-dire d'une enveloppe correspondant aux honoraires des différents professionnels conventionnés (ou à défaut sous règlement conventionnel minimum) avec l'assurance maladie : les médecins généralistes, les médecins spécialistes, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes, les directeurs de laboratoires et les ambulanciers.

N'entrent donc pas dans le champ de la délégation les prescriptions dont les grands postes sont les médicaments, l'appareillage, les indemnités journalières.

L'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale stipule qu'un avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion de la branche maladie du régime général détermine, en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, l'objectif prévisionnel des dépenses de soins de ville et, en son sein, l'Objectif de Dépenses Déléguées (ODD) et précise les conditions et modalités de mise en oeuvre de ces objectifs.

Pour 2000, et, en application de cet article, l'objectif prévisionnel des dépenses de soins de ville a été fixé à 291,6 milliards de francs ; l'objectif des dépenses déléguées était fixé à 140,3 milliards de francs, soit un taux de progression de 2 %.

La répartition de ce taux entre les différentes professions a donné lieu aux annexes conventionnelles ou mesures unilatérales, publiées au Journal officiel du 20 avril 2000.

La CNAMTS est ainsi chargée, d'une part, de négocier avec les professions de santé conventionnées les objectifs de dépenses, les tarifs et toutes mesures permettant d'assurer le respect de ces objectifs, d'autre part, d'effectuer au moins deux fois par an, conjointement avec ces professions, un suivi des dépenses et de prendre les mesures d'ajustement nécessaires au respect des objectifs de dépenses. La fixation des objectifs en début d'année et le suivi des dépenses font l'objet de rapports d'équilibre transmis au Parlement et au Gouvernement. Ces rapports sont accompagnés des annexes annuelles ou des annexes modificatives conclues avec les professions conventionnées ou, à défaut de conclusion de ces accords, de propositions des caisses nationales. Le ministre chargé de sécurité sociale peut approuver les mesures prises, mais il peut également demander de nouvelles propositions et se substituer à la CNAMTS si le désaccord persiste.

Les caisses nationales sont donc tenues de réaliser des rapports d'équilibre tous les quatre mois faisant le point de la situation et proposant toutes mesures correctrices destinées à garantir le respect de l'ODD. Le rythme des rapports d'équilibre (le premier dans les 50 jours de la parution de la loi de financement, le deuxième au 15 juillet 2000, le troisième au 15 novembre 2000) est extrêmement soutenu.

Deux rapports d'équilibre ont été réalisés à ce jour par les caisses nationales. Un troisième devrait être publié très prochainement.

Dans le cadre de la fixation de cet objectif annuel, les caisses nationales ont transmis aux ministres concernés un premier rapport d'équilibre accompagné des annexes conventionnelles conclues le 7 mars 2000 avec les médecins généralistes, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthoptistes ainsi que les mesures unilatérales proposées pour les autres professions (médecins spécialistes, biologistes et transporteurs sanitaires). L'ensemble de ces dispositions a été approuvé le 20 avril 2000.

Annexes conventionnelles de mars 2000

Médecins généralistes

- Majoration de 60 francs, applicable au 1 er mai 2000 pour " maintien à domicile ", c'est-à-dire pour les visites à domicile auprès des personnes âgées de 75 ans et plus, atteintes d'une ALD et donc prises en charge à 100 %.

- Provision de 50 millions de francs pour revaloriser, au 1 er juillet prochain, le forfait du médecin référent actuellement fixé à 150 francs par patient.

Sages-femmes : revalorisation de la valeur de la consultation de 90 à 95 francs.

•  Infirmiers : revalorisation de 0,20 franc de la lettre-clé AMY.

•  Orthophonistes : revalorisation de 0,40 franc de la lettre-clé AMO conditionnée par le constat que l'évolution du nombre des actes au 1 er juillet 2000 est compatible avec l'objectif.

•  Orthoptistes :

•  Transporteurs sanitaires : augmentation de 7 % des tarifs à l'ambulance au 1 er mai 2000.

•  Médecins spécialistes : constitution d'une provision de 250 millions de francs pour l'année 2000.

Dans le cadre du suivi de l'évolution des dépenses, les caisses nationales ont transmis au Gouvernement le 13 juillet 2000 le deuxième rapport d'équilibre ainsi que les annexes conventionnelles conclues avec les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les transporteurs sanitaires et les mesures proposées pour les médecins spécialistes, les biologistes, les infirmiers, les orthoptistes et masseurs-kinésithérapeutes.

La lettre que M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS, a adressée à votre rapporteur le 3 juillet 2000 explique la démarche de la CNAMTS :

" Les évolutions constatées au terme des quatre premiers mois de l'année et donc la croissance des honoraires des professionnels s'avèrent supérieures à cette croissance provisionnelle, sur la base de laquelle les caisses avaient conclu un accord conventionnel avec la majorité des professions concernées.

" En conséquence, les caisses sont tenues de proposer des mesures destinées à infléchir le rythme de progression de l'activité et des revenus des professionnels, conformément à l'obligation de résultat qui nous est imparti par la loi, quant au respect de l'objectif de dépenses déléguées.

" Les mesures que les caisses nationales sont amenées à proposer n'ont donc en aucun cas pour objet de diminuer la rémunération des professionnels, mais de veiller, comme la loi l'exige, à ce que la croissance des recettes des professionnels n'excède pas de façon notoire, la progression des honoraires prévue en début d'année pour rester compatible avec l'ONDAM.

" Par souci d'équité, les caisses ont délibérément fondé leur analyse de l'évolution de dépenses en partant d'une mesure " en droits constatés " de l'activité des soins, seule véritablement représentative des tendances de la consommation médicale. Bien que l'ONDAM voté par le Parlement comme l'objectif de dépenses déléguées, soient établis en termes de décaissements et de dépenses comptabilisées à la date de leur remboursement par les caisses, à ce stage il aurait été inéquitable, vis-à-vis des professionnels, de tenir compte de l'activité particulièrement soutenue dans les caisses en ce début d'année, compte tenu de la résorption progressive des retards pris dans la liquidation fin 1999/janvier 2000.

" Dans le même esprit, pour tenir compte des incertitudes qui troublent l'analyse de la conjoncture, les caisses se sont attachées à ne proposer de mesure de régulation qu'en cas de dépassement notoire, par rapport aux objectifs fixés par profession en début d'année. En effet, l'essentiel est de réduire les écarts entre la tendance et l'objectif, non de l'annuler de façon stricte en cours d'année. En effet, une récupération stricte du dépassement dans sa totalité et sur le seul exercice 2000 impliquerait pour certaines professions une baisse drastique de la cotation des actes. En revanche, la pérennisation des dépassements observés doit être bannie.

" Quoi qu'il en soit, les caisses sont tenues de proposer une révision des rémunérations des professionnels par modification des tarifs d'honoraires ou des cotations à la nomenclature au cas où les évolutions de dépenses constatées ne seraient pas compatibles avec le respect de l'objectif de dépenses fixé pour chacune des 10 professions relevant de l'objectif de dépenses déléguées.

" Toutefois, les caisses ont fait le choix de préserver la mise en oeuvre de réformes structurelles négociées avec certaines professions afin d'optimiser leur pratique professionnelle.

" Des dispositions spécifiques ont été prises pour ces professions comprenant des revalorisations tarifaires qui ont été programmées pour un montant total de 1,7 milliard de francs en direction :

" - des masseurs-kinésithérapeutes (pour la révision de la nomenclature des masso-kinésithérapie) ;

" - des infirmiers (avec la mise en place du plan de soins infirmiers).

" Concernant les chirurgiens dentistes, la stabilité des dépenses autorise les caisses nationales, conformément à l'accord conclu avec cette profession, à marquer une première étape d'amélioration de la prise en charge des soins dentaires. Cette mesure ne préjuge pas cependant des conclusions de la mission confiée à M. Yahiel, débouchant sur une refonte plus large de la nomenclature.

" Parallèlement, parmi les mesures de régulation tarifaires qu'elles sont amenées à proposer et dont le détail figure dans le rapport d'équilibre, les caisses nationales se sont attachées à ne préconiser de baisses de tarifs que pour des actes occasionnés par des pratiques non conformes aux références professionnelles ou donnant lieu à la multiplication d'actes sans rapport avec la satisfaction des besoins. C'est le cas par exemple par les radios du rachis, les échographies ou les coronographies, sachant que, par ailleurs, la diffusion des progrès technologiques autorise des gains de productivité, dont le partage est légitime entre l'assurance maladie et les professionnels. Au total 5 spécialités médicales sont touchées par des mesures concernant les honoraires liés à certains actes : radiologues, neurologues, cardiologues, pneumologues, anatomo-cytho-patologistes, auxquels il faut ajouter les praticiens ayant recours à l'échographie et à la médecine nucléaire.

" Il faut insister sur le fait que ces mesures d'ajustement tarifaires restent sans incidence sur la couverture sociale des assurés sauf lorsque le professionnel, autorisé à pratiquer des honoraires libres, choisit de reporter la charge des ajustements tarifaires sur ses patients.

" Au total, l'assurance maladie malgré un dépassement significatif des objectifs à mi-parcours propose un ensemble de mesures équilibré :

" - 1,7 milliard de francs sont réinvestis pour mener à bien les réformes de fond évoquées précédemment,

" - 1,9 milliard de francs d'économies issues de la baisse de certains honoraires.

" Cet équilibre traduit la volonté de toute l'assurance maladie de concilier l'amélioration de la qualité des soins, des conditions d'exercice des professions de santé, avec la nécessaire maîtrise des coûts à l'intérieur des objectifs de dépenses issus du vote du Parlement. "

Concrètement, les mesures proposées par la CNAMTS consistaient essentiellement en des baisses du tarif de lettres-clés touchant surtout les radiologues, cardiologues et kinésithérapeutes.

Annexes conventionnelles de juillet 2000

Baisses de lettre-clé

Médecins spécialistes : baisse de la lettre KE (écho, doppler) de 12,60 francs à 12,40 francs pour les radiologues, cardiologues et gynécologues. La consultation en cabinet du cardiologue (CSC) passe de 320 francs à 300 francs. La lettre-clé ZN (médecine nucléaire) est ramenée de 10,95 francs à 10,05 francs. La lettre-clé P passe de 1,87 franc à 1,83 franc.

•  Kinésithérapeutes : baisse de 40 centimes de la lettre-clé AMK de 13,40 francs à 13 francs.

•  Biologistes : baisse de 2 centimes de la lettre-clé B qui passe à 1,74 franc, réduction de 15 % de la cotation de six actes d'allergologie, de 15 à 20 % de sept actes d'exploration de la thyroïde.

•  Orthoptistes : baisse de la lettre-clé AMY qui passe de 15,40 francs à 15,20 francs.

•  Sages-femmes : baisse du tarif des séances collectives de la préparation à l'accouchement.

Suspensions et revalorisations

Généralistes : la revalorisation de la rémunération forfaitaire du médecin référent était subordonnée à l'entrée en vigueur d'un avenant à la convention médicale devant intervenir avant le 1 er juillet. Celui-ci n'étant pas paru, la revalorisation n'a pas lieu.

Orthophonistes : la revalorisation de la lettre-clé AMO à 14,80 francs, prévue au 1 er juillet, est suspendue compte tenu du dépassement de l'objectif délégué.

Ambulanciers : revalorisation de 9 % du tarif du transport en ambulance au 1 er septembre.

•  Dentistes : inscription de trois nouveaux actes à la nomenclature. L'évolution prévisionnelle des dépenses d'honoraires autorise les caisses à prévoir l'amélioration de la prise en charge des soins dentaires.

Ces mesures ont fait l'objet d'une approbation par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en date du 1 er août 2000, à l'exception de la baisse de la majoration du dimanche et de nuit des infirmières, qui, selon la ministre, aurait été de nature à compromettre la délivrance des soins infirmiers à domicile et aurait ainsi posé un problème de santé publique.

La CNAMTS a alors considéré que la ministre n'avait pas respecté les dispositions de l'article L. 162-15-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le ministre peut soit approuver les mesures prises, soit demander de nouvelles propositions et se substituer à la CNAMTS si le désaccord persiste.

La CNAMTS a considéré que la loi ne permettait pas à la ministre de " faire son marché " parmi les mesures proposées, retenant certaines et en rejetant d'autres. Elle a fait part de son intention de déposer un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision de la ministre.

Ces mesures ont surtout suscité une très vive émotion chez les professionnels de santé, qui a abouti à la journée " santé morte " du 26 octobre dernier.

L'application pratique des mesures prévues par l'article 24 s'est donc révélée, comme l'avait prévu le Sénat, tant inefficace que très néfaste à la qualité et au contenu des relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.

Le mécanisme des lettres-clés flottantes, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses, est en effet à la fois :

- pernicieux , car il aboutit à diviser les professionnels de santé et à affaiblir les syndicats qui, n'ayant plus rien à négocier, ne peuvent plus " maîtriser " leur base ;

- absurde , car il incite naturellement les professionnels à " prendre de l'avance " sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir tous les trimestres ;

- et injuste , car il sanctionne de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.

Ce mécanisme peut à la rigueur être considéré par certains comme un moyen d'opérer ponctuellement la compensation de certains déséquilibres : il ne peut, à l'évidence, constituer un moyen de réguler de façon permanente les dépenses.

D'un point de vue pratique, l'exercice des trois rapports s'est avéré délicat à mettre en oeuvre. Le constat sur les quatre premiers mois de l'année est précoce ; les projections de tendances élaborées sur cette base peuvent donc être fragiles. En outre, le constat sur les huit premiers mois de l'année, compte tenu des délais inhérents à l'opération, n'intègre pas l'effet des mesures qui auraient été prises dans le cadre du rapport de juillet.

Ce mode de régulation tous les quatre mois repose sur l'idée erronée qu'il est possible de responsabiliser les professionnels de santé sur des objectifs déclinés sur des périodes courtes et que l'on puisse justifier un cloisonnement entre les grands secteurs sanitaires (hôpital, cliniques, établissements médico-sociaux, rémunération des libéraux, autres soins de ville) sans risquer de se voir opposer les transferts de charges qui auront lieu entre ceux-ci. Il manque une vision d'ensemble de la consommation de soins et du parcours d'un patient.

En outre, le système alourdit considérablement les charges de gestion de la CNAMTS.

Enfin, le rebasage de l'ONDAM 2001 rend dépourvu de toute signification le 3 ème rapport d'équilibre qui devait être présenté le 15 novembre prochain. La CNAMTS a, d'ores et déjà, tiré les conséquences de ce rebasage en annonçant qu'elle ne prendrait aucune mesure correctrice d'importance envers les professionnels de santé à l'occasion de ce 3 ème rapport.

On voit mal en effet comment de nouvelles sanctions pourraient être prises à l'encontre des professionnels de santé alors que le Gouvernement, prenant acte du dérapage des dépenses, annonce parallèlement un ONDAM rebasé.

L'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, insérant un article additionnel 31 bis qui prévoit que le rapport transmis au plus tard le 15 novembre -et les mesures qu'il comporte- tient compte de l'ONDAM proposé par le projet de loi de financement pour l'année suivante témoigne à l'évidence du problème que soulève la coexistence juridique d'un 3 ème rapport et l'examen concomitant par le Parlement d'un ONDAM 2001 qui " passe l'éponge " sur les dépassements constatés en 2000.

Pour sa part, votre commission ne peut accepter la remise en cause du système conventionnel institué depuis 1971 à laquelle aboutit l'application du mécanisme des lettres-clés flottantes et des rapports d'équilibre périodiques.

Comme l'an dernier, elle vous proposera un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.

2. Le blocage des relations conventionnelles

La ministre de l'Emploi et de la Solidarité avait affirmé son intention, dès son entrée en fonctions, de rénover le dialogue avec les professionnels de santé. Trois ans et demi après, les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, notamment avec les médecins, sont dans une situation de blocage qui semble durable.

Si plusieurs professions sont encore dotées de conventions, la vie conventionnelle et les dispositifs annuels de régulation afférents sont, soit inexistants, soit demeurent lettre-morte.

La politique menée par le Gouvernement depuis trois ans et demi a conduit à décourager toute velléité que pouvaient avoir les organisations syndicales de professionnels de santé d'entrer dans une démarche conventionnelle. Comme l'a souligné une des personnes auditionnées par votre rapporteur, " qui signe la convention, perd les élections (professionnelles) "

Dans son rapport de septembre 2000 sur la sécurité sociale 56 ( * ) , la Cour des comptes porte un diagnostic sévère sur le système conventionnel.

La Cour constate qu'initialement limitées à la fixation d'un tarif unique à l'échelle nationale pour l'ensemble des professionnels, les conventions ont vu leur champ et leur objet s'élargir pour englober une part croissante des composantes de la relation entre le patient et les professionnels de santé. Elles comprennent principalement deux types de dispositions : celles visant à la régulation collective des systèmes de soins et celles qui, dans une optique plus qualitative, visent à modifier les pratiques individuelles.

La Cour des comptes relève que cette ambition croissante a rencontré des limites de plus en plus évidentes. Le bilan établi par la Cour montre que les conventions n'ont réussi ni à assurer la régulation des dépenses, ni à modifier les pratiques individuelles.

Avant que l'ordonnance du 24 avril 1996 tente de modifier le cadre de la régulation des dépenses de soins de ville, les partenaires conventionnels avaient mis en place des mécanismes de régulation fondés sur la définition d'objectifs quantitatifs.

Ces dispositifs avaient tendu à se généraliser à l'ensemble des conventions mais ils étaient très variables en ce qui concerne tant la définition de l'objectif que son caractère contraignant. Seule la convention des laboratoires d'analyse, conclue en 1994, mentionnait des objectifs contraignants mais les mécanismes qu'elle prévoyait pour les faire respecter n'ont jamais été mis en oeuvre : des ajustements ponctuels des nomenclatures et des tarifs leur ont été préférés.

Pour les autres professions, les objectifs, variables selon leur champ, n'étaient qu'indicatifs. Dès lors, il n'est pas étonnant que, lorsqu'ils ont été définis, ils n'aient pas été respectés.

La Cour rappelle que cette insuffisance de la voie conventionnelle à réguler les volumes a conduit l'ordonnance du 24 avril 1996 et son décret d'application à tenter un nouveau système. Ils pariaient sur une responsabilisation accrue des médecins dont la convention devait fixer un objectif opposable englobant les honoraires et les prescriptions. Le rôle de la convention médicale se trouvait ainsi, en apparence, doublement valorisé : d'une part, c'est dans son cadre que, chaque année, l'objectif opposable d'honoraires et de prescriptions devait être défini ; d'autre part, c'est la convention qui devait déterminer les modalités de l'individualisation de la charge du reversement entre les médecins.

La Cour souligne cependant que les mécanismes de reversement se sont avérés impossibles à bâtir pour des raisons juridiques et pratiques à la fois. En outre, l'enjeu devenait tel que les syndicats les plus représentatifs des spécialistes ont refusé de signer une convention en 1997. Un seul syndicat, très minoritaire ayant accepté de signer, le Conseil d'Etat a annulé en 1998 la convention avec les spécialistes ; depuis cette date, les spécialistes sont en dehors du système conventionnel alors qu'ils représentent à eux seuls 52 milliards de francs d'honoraires sur les 169 milliards de francs d'honoraires de l'ensemble des professions de santé. Ainsi, l'ambition d'étendre le champ de la négociation conventionnelle à une stricte maîtrise des volumes a débouché à la fois sur un échec sur ce point et sur une perturbation profonde des relations conventionnelles.

Pour les autres professions de santé, la logique de l'ordonnance rendait la négociation conventionnelle des objectifs subordonnée, voire subalterne, puisqu'une régulation globale devait être assurée via l'objectif fixé aux médecins, et aucun accord n'a pu être trouvé en 1998 et en 1999 sur la fixation des objectifs par profession, sauf pour les laboratoires d'analyse en 1998 et pour les infirmières en 1999.

L'impossibilité de mettre en place une régulation quantitative efficace a conduit à une nouvelle réforme, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Celle-ci consacre l'abandon d'une régulation fondée sur une responsabilisation des médecins sur leurs prescriptions.

Elle rend, pour chaque profession, l'objectif quantitatif en principe opposable. La régulation n'est plus recherchée par des reversements mais par des réajustements du tarif ou de la cotation des actes, à décider dans le cadre d'un calendrier contraignant de suivi des dépenses imposé aux partenaires conventionnels. Si les partenaires conventionnels ne parviennent pas à s'entendre, les caisses sont autorisées à prendre unilatéralement les mesures nécessaires.

Selon la Cour des comptes, l'échec dans la régulation des volumes n'est à l'évidence pas imputable aux seuls mécanismes conventionnels. Il résulte aussi d'évolutions plus globales, notamment de la croissance de la demande de soins et de l'organisation du système de soins. Force est cependant de constater que, pour aucune des professions, les mécanismes de régulation successivement tentés dans le cadre des conventions n'ont été véritablement efficaces, ce qui conduit à se demander si le conventionnement, tel qu'il a été pratiqué, peut contribuer efficacement à la régulation des volumes.

La Cour des comptes considère en outre, plus fondamentalement, que le cadre conventionnel lui-même, tel qu'il s'est développé, débouche sur des difficultés juridiques de fond.

Pour la Cour, la crédibilité et l'efficacité d'un système de régulation supposent sa stabilité dans le temps. Or, les relations entre l'assurance maladie et les professions de santé sont souvent conflictuelles et les conventions sont systématiquement attaquées devant les juridictions. L'ambition croissante des conventions à élargir leur domaine a accru la détermination des syndicats professionnels à obtenir une annulation.

Dans la pratique, presque toutes les conventions ont été annulées totalement et, depuis peu, partiellement. En effet, la jurisprudence du Conseil d'Etat, en admettant, depuis 1999, que les clauses d'une convention sont divisibles et que l'annulation d'une clause n'entraîne pas nécessairement celle de la convention dans son ensemble, circonscrit le risque. Il demeure cependant important comme le montrent les jurisprudences relatives à la convention médicale de 1998 dans lesquelles les annulations ont porté sur des points essentiels. Ce risque est d'autant plus réel que les annulations suppriment des contraintes et interdisent la poursuite du contentieux, sans porter atteinte aux avantages.

Dans certains cas, le dispositif a fait l'objet de validations législatives, mais une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel limite le champ de ces validations qui ne peuvent viser que les actes de portée générale et non les actes individuels, comme par exemple une décision de mise hors convention. Cette contrainte est d'autant plus sévère que le Conseil d'Etat comme les juridictions judiciaires s'estiment désormais compétents pour examiner la compatibilité de telles lois au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et peuvent juger que la validation législative rétroactive d'un arrêté annulé porte atteinte au droit à un procès équitable. Enfin, les débats juridiques générés par les validations sont longs à régler : ce n'est, par exemple, que fin 1999 que la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur un litige lié à la validation d'une convention de 1990.

Pour la Cour des comptes, cette fragilité tient, outre une insuffisante préparation juridique, à des problèmes de fond liés à la nature juridique du dispositif conventionnel.

En effet, une convention, si elle est élaborée à l'issue d'une négociation de type contractuel, est considérée par les juridictions, comme un règlement d'application d'une loi. Elle constitue une modalité d'exécution d'un service public et fait participer les professionnels de santé à l'exécution d'une mission de service public. D'autre part, elle est destinée à s'imposer à des tiers, qu'il s'agisse des patients ou des mutuelles et assureurs garantissant une protection complémentaire.

La jurisprudence considère donc que le dispositif conventionnel doit respecter à la fois les contraintes qui s'imposent aux contrats administratifs et celles qui prévalent pour les textes réglementaires. Les contraintes se cumulent. S'y ajoute le fait que le Conseil d'Etat, consulté en 1985, a estimé que les conventions ont " un caractère subsidiaire " ; c'est à dire que leurs dispositions ne peuvent empiéter ni sur le domaine de la loi, ni sur celui du règlement, sauf si la loi transfère explicitement une partie du pouvoir réglementaire aux partenaires conventionnels.

Ainsi, les gestionnaires de l'assurance maladie et les organisations professionnelles doivent prendre en compte à la fois les obligations résultant du droit communautaire, les normes constitutionnelles et les principes généraux du droit, le champ de leur habilitation légale, l'existence d'autres lois, le champ de compétence réglementaire qui leur est délégué et enfin les contraintes spécifiques liées à l'élaboration contractuelle de l'acte. Cet ensemble exceptionnel de contraintes est d'autant plus difficile à respecter qu'il doit être pris en compte dans un contexte de négociations marquées par un rapport de force et des intérêts souvent antagonistes.

La Cour considère que l'extension progressive du champ des conventions ne pouvait qu'accroître la difficulté. L'hétérogénéité des délégations de compétence au profit des partenaires conventionnels selon les professions l'aggrave également. En effet, la tentation existe pour les négociateurs de ne pas s'en tenir au domaine circonscrit par la loi, pour une profession donnée, avec le risque que le juge, raisonnant a contrario, à partir de l'habilitation explicitement donnée pour d'autres professions, les censure. La loi de financement pour 2000 a commencé à uniformiser les dispositifs d'habilitation sans toutefois aller au bout de cette logique.

Pour la Cour, une réflexion devrait donc être menée sur la possibilité de créer un dispositif d'habilitation unique qui pourrait bien sûr être décliné profession par profession mais avec un champ de compétences identifié et précis en spécifiant la possibilité, pour les partenaires conventionnels, de ne pas épuiser la totalité de ce champ.

Plus profondément, la Cour des comptes estime qu'il serait nécessaire de réfléchir à la possibilité de redéfinir les domaines respectifs de compétence de la loi, du règlement et de la convention. L'objectif devrait être d'éviter qu'un même texte ne cumule les contraintes du contrat et celles du règlement et de restaurer un champ spécifique pour le domaine contractuel. Cela suppose, d'une part que certaines dispositions relèvent clairement du champ réglementaire, éventuellement après négociation avec les syndicats professionnels et d'autre part, que les dispositions qui ne sont pas liées à l'accomplissement d'une mission de service public ressortent désormais du champ purement contractuel. Cette réflexion pourrait s'appuyer sur le fait que certaines dispositions des conventions, selon la Cour de Cassation, ne sont pas opposables aux patients et, de ce fait, pas de nature réglementaire.

Il est intéressant de noter que le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Claude Evin, souligne également la nécessité d'un nouvel élan en matière de politique conventionnelle 57 ( * ) .

Il " souhaite que la politique conventionnelle soit refondée et relancée. Il faut remettre à plat le fonctionnement actuel et définir de nouvelles relations entre l'Etat, les caisses de sécurité sociale et les professionnels de santé. Les rôles de chacun des acteurs doivent être clairement définis. Cette clarification des rôles permettra de mettre fin à la dilution des responsabilités qui est un des facteurs essentiels d'inefficacité de notre système de soins.

" Premièrement, le cadre juridique des conventions doit être entièrement revu afin que le dispositif conventionnel gagne en stabilité dans le temps et en efficacité.

" Il est indispensable de réfléchir à la possibilité de redéfinir les domaines respectifs de compétence de la loi, du règlement et de la convention. L'objectif devrait être d'éviter qu'un même texte ne cumule les contraintes du contrat et celles du règlement et de restaurer un champ spécifique pour le domaine contractuel. De la même façon, une plus grande place doit être laissée aux relations individuelles entre caisses et professionnels de santé, afin de donner un contenu à l'adhésion individuelle de ces derniers. L'adhésion est aujourd'hui inscrite dans les textes mais sans contenu ni conséquences réelles.

" Deuxièmement, la CNAMTS doit également développer une politique avec les professionnels qui ne soit pas uniquement fondée sur les ajustements de tarifs. La vie conventionnelle ne saurait se limiter à la discussion sur l'objectif de dépenses déléguées qui ne concerne que les honoraires. "

Votre rapporteur souscrit naturellement à cette déclaration d'intention ; il considère cependant que ce n'est pas en maintenant le dispositif de régulation actuel, fondé sur les lettres-clés flottantes, que l'on rétablira le dialogue avec les professionnels de santé.

B. UNE POLITIQUE DU MÉDICAMENT ESSENTIELLEMENT RÉPRESSIVE

Lors de la réunion de la Commission des comptes du 21 septembre 2000, Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, avait indiqué que le Gouvernement entendait " modérer notre dépense de médicaments par des dispositifs structurels efficaces ".

L'analyse du projet de loi de financement révèle que cette action ambitieuse repose avant tout sur une bonne vieille recette déjà maintes fois utilisée : l'augmentation des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique et les grossistes-répartiteurs.

Pour le Gouvernement, régulation rime décidément avec taxation.

1. L'accroissement des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique

Le Parlement a adopté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un article 31 instituant à titre permanent une contribution due par les entreprises pharmaceutiques en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Cette taxe comporte plusieurs taux qui croissent très fortement avec le dépassement des dépenses par rapport à l'ONDAM, et comporte des effets de seuils massifs :

Taux d'accroissement (T) du chiffre d'affaires par rapport à l'ONDAM

Taux de la contribution sur le chiffre d'affaires

ONDAM < T ONDAM + 1 point

0,15 %

ONDAM + 1 point < T ONDAM + 2 points

0,65 %

ONDAM + 2 points < T ONDAM +4 points

1,3 %

ONDAM + 4 points < T ONDAM +5,5 points

2,3 %

T > K + 5,5 points

3,3 %

Le texte adopté par le Parlement en 1998 a prévu que les entreprises conventionnées avec le Comité économique du médicament seraient exonérées du paiement de cette contribution, à condition que cette convention :

- fixe les prix de tous les produits de la gamme de l'entreprise ;

- comporte des engagements de l'entreprise portant sur le chiffre d'affaires de chacun des produits dont le non-respect entraîne, soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise.

Après que les pharmaciens d'officines ont conclu avec l'Etat, en 1998, deux protocoles d'accords, un accord sectoriel a été signé le 9 juillet 1999 entre le Comité économique du médicament 58 ( * ) et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Il a vocation à couvrir la période 1999-2002.

Cet accord institue, afin d'assurer un meilleur suivi des dépenses de médicaments, un groupe paritaire de concertation. Son objectif sera, non seulement de garantir la régularité d'un suivi, mais aussi de mieux établir les conséquences des modifications de périmètre des dépenses remboursées et non remboursées au sein du chiffre d'affaires de l'industrie.

La régulation conventionnelle instituée par l'accord sectoriel visait ainsi à substituer aux mécanismes de taxation " de sauvegarde " organisés par la loi, et dans les conditions que celle-ci prévoit, un système de remises quantitatives de fin d'année produisant des résultats financièrement équivalents pour la sécurité sociale, mais d'une manière plus adaptée à la différenciation des besoins de santé selon les catégories de médicaments et à la libre concurrence entre les entreprises.

Concrètement, ce sont 148 59 ( * ) laboratoires ou groupes qui ont passé avec le comité une convention pluriannuelle exonératoire de la contribution de sauvegarde, sur les 178, représentant la totalité des ventes de médicaments remboursables, auxquels une telle convention avait été proposée par le comité. Le chiffre d'affaires cumulé de ces 148 entreprises représentait 97 % des ventes de médicaments remboursables en France.

Au titre de 1999 , le versement devait atteindre, en 2000, 500 millions à 1 milliard de francs. Il ne sera en réalité que 75 millions de francs, au titre de la seule contribution, c'est-à-dire pour les entreprises qui n'ont pas pris partie au conventionnement. Si l'on y inclut les remises, 900 millions de francs ont été reversés, qui viennent s'imputer en moindres dépenses pour l'année 2000.

Au titre de 2000 , pour la contribution versée en 2001, l'article 29 de la loi de financement pour 2000 a fixé un seuil de déclenchement de la contribution à 2 %, taux ad hoc , déconnecté de tout lien avec l'ONDAM. 2 à 2,8 milliards de francs devraient être versés à ce titre en 2001.

Ces chiffres démontrent que le système conventionnel a bien fonctionné : une très grande majorité des entreprises ont en effet choisi de passer convention avec le Comité économique des produits de santé.

On peut dès lors se demander pourquoi le Gouvernement a souhaité, dans l'article 41 du projet de loi , augmenter ce prélèvement jusqu'à atteindre un taux quasi-confiscatoire de 70 %.

L'article 41 procède en effet à un nouvel ajustement de ce mécanisme :

- pour le seuil de déclenchement de la contribution, il substitue au taux de progression de l'ONDAM un taux de progression fixé à 3 % pour 2001 ;

- pour le calcul de la contribution, il abandonne le mécanisme actuel, fonction de l'importance du dépassement mais générateur d'effets de seuil, au profit d'un système de récupération " linéaire " permettant de récupérer une part constante (70 %) du dépassement.

L'objectif n'est pas tant, comme le prétend le Gouvernement, de retenir " un mode de calcul plus simple, linéaire " mais bien de " récupérer 70 % du dépassement ".

Dans la mesure où la quasi-totalité des entreprises pharmaceutiques échappera, par le biais de la convention, à cette taxation supplémentaire, on pourrait s'interroger sur la portée réelle d'une telle augmentation.

En réalité, le Gouvernement souhaite, par ce dispositif, augmenter fortement le montant des remises négociées dans le cadre conventionnel, de façon à récupérer une somme à peu près équivalente à ce qu'aurait rapporté l'application de la clause de sauvegarde.

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement, par des prélèvements excessifs, prenne le risque de décourager les entreprises pharmaceutiques de participer au système conventionnel.

Il considère au contraire qu'il est indispensable de préserver l'intérêt, pour les entreprises, d'entrer dans un cadre conventionnel qui leur permette de s'engager individuellement par contrat sur un certain nombre de sujets importants : génériques, réévaluation de la gamme thérapeutique, engagements promotionnels notamment...

2. L'augmentation des taxes sur les grossistes-répartiteurs

Pour corser le tout, un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture prévoit en outre une forte augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs.

Les grossistes-répartiteurs constituent la principale catégorie des intermédiaires entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines. L'exercice de cette activité est soumis à des obligations. Tout grossiste-répartiteur doit placer ses établissements sous la responsabilité d'un pharmacien, déclarer son secteur d'activité, référencer un assortiment de médicaments représentant au moins 90 % des présentations autorisées sur le marché français, détenir un stock permettant de satisfaire au moins deux semaines de consommation, livrer tout médicament dans un délai maximum de 24 heures. Ces obligations répondent à des préoccupations de santé publique, visant à ce que tout médicament puisse être délivré en tout point du territoire dans les délais les plus brefs.

Pour les produits autres que les médicaments remboursables, les grossistes-répartiteurs déterminent librement leurs marges depuis 1986. En revanche, pour les médicaments remboursables, le taux de marge est fixé par voie réglementaire. Cette régulation de la rémunération des grossistes-répartiteurs est complétée par un encadrement des remises commerciales accordées aux pharmaciens d'officine et par un dispositif d'écrêtement des éventuels surplus d'activité.

Une contribution exceptionnelle sur les grossistes-répartiteurs a été instaurée afin de taxer les évolutions trop rapides des ventes de médicaments remboursables. Mise en place en 1991, elle a été revue chaque année. La dernière modification a été apportée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 qui a fixé six niveaux de taux (entre 0,72 % et 1,72 %) en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires.

L'article additionnel 41 bis augmente de 0,45 % le taux de cette contribution. Le Gouvernement a justifié cet amendement en expliquant que la croissance du marché pharmaceutique bénéficiait également aux distributeurs en gros.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de Solidarité, a ajouté : " Cette mesure, qui devrait rapporter 450 millions de francs en année pleine, devrait permettre de stabiliser l'évolution de la rémunération des distributeurs en gros au cours de l'année 2001. "

Votre rapporteur n'est pas favorable à un tel accroissement de prélèvement. La politique du médicament ne peut en effet se limiter à des hausses répétées des taxes et contributions pesant sur la filière pharmaceutique.

En outre cette contribution est acquittée tant par les grossistes-répartiteurs que par les entreprises pharmaceutiques qui font de la vente directe auprès des officines. Les entreprises concernées sont essentiellement celles qui produisent et distribuent des spécialités génériques.

Cet alourdissement de la contribution est donc contradictoire avec la volonté de promouvoir le développement des spécialités génériques à travers la substitution par les pharmaciens.

III. LES RÉFORMES ENTERRÉES

A. L'ABSENCE D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

1. Les orientations de santé publique absentes des projets de loi de financement de la sécurité sociale

Les orientations de santé publique sont toujours absentes des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Le législateur organique de 1996 avait pourtant été soucieux de ne pas réduire la loi de financement à une simple juxtaposition de chiffres 60 ( * ) .

Les ordonnances de 1996 ont ainsi créé en matière de santé publique un nouvel organisme, la conférence nationale de santé, qui s'ajoute au Haut comité de la santé publique. Une " chaîne vertueuse ", où chacun trouvait sa place, était ainsi prévue : le Haut comité, " instance d'experts ", élabore un rapport annuel, transmis à la conférence nationale de santé et au Parlement. La conférence nationale de santé, préparée par des conférences régionales, regroupe les " professionnels " et retient des orientations de santé publique. Ces orientations se retrouvent ensuite dans le contenu des lois de financement. Ainsi, la décision politique est préparée très en amont.

Au vu de quatre années de lois de financement, il semble que le schéma prévu fonctionne difficilement.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 61 ( * ) , la Cour des comptes note ainsi qu'après " avoir dégagé lors de sa première édition dix priorités qualifiées "d'égale importance", la conférence nationale de santé a consacré ses travaux ultérieurs à l'approfondissement de ces thèmes. Or, en quatre années d'existence, la conférence n'a pas réussi à affirmer clairement son positionnement. Négligeant de facto la dimension financière de ses attributions -alors qu'elle a explicitement pour mission de "proposer les priorités de la politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge des soins" (souligné par la Cour)-, la conférence nationale s'est cantonnée à une mission d'expertise, terrain sur lequel sa contribution n'apporte qu'une faible valeur ajoutée par rapport aux travaux du Haut comité . En témoigne en général la grande proximité des rapports de la conférence nationale et de celui élaboré par le comité sur les thèmes choisis en concertation avec le bureau de la conférence. Elle n'est par ailleurs pas davantage parvenue à nouer de réelles relations avec des conférences régionales qui lui ont préexisté dans la pratique et qu'elle n'est venue coiffer qu'a posteriori. En dépit de la présence à la conférence nationale de représentants des conférences régionales, il n'existe entre les deux niveaux aucune liaison autre que formelle - synthèse des travaux des conférences régionales par la conférence nationale, et présentation des réflexions et des thèmes d'étude retenus par la conférence nationale lors des conférences régionales suivantes, qui en tiennent compte de façon variable.

" La difficile insertion de la conférence nationale dans le paysage institutionnel rend délicat l'établissement du bilan d'impact de ses propositions, leur caractère d'ailleurs très général et incontestable autorisant le plus souvent à rattacher de multiples actions à leur mise en oeuvre. C'est ainsi que le plan de relance pour la santé scolaire adopté en mars 1998 intègre ainsi plusieurs des propositions formulées l'année précédente par la conférence nationale. Pour autant, malgré l'ambition affichée initialement par l'ordonnance de 1996, il est difficile d'apprécier dans quelle mesure, en l'absence des travaux de la conférence nationale, les dispositions des projets de loi de financement de la sécurité sociale auraient été différentes . Leur prise en compte dans le rapport du gouvernement annexé au projet de loi de financement "sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale", rapport dont la nature et le contenu sont examinés à la section suivante, a certes été effective dans les rapports pour 1997 et 1998, mais toute référence explicite aux travaux de la conférence a disparu depuis. "

S'agissant du rapport annexé à l'article premier des lois de financement, la Cour, au terme d'une analyse particulièrement balancée de l'intérêt et des faiblesses du dispositif, formule deux recommandations qui peuvent apparaître contradictoires : " renforcer le lien entre le rapport annexé et la loi elle-même " et " réfléchir (...) à un débat parlementaire sur la politique de santé en dehors du cadre de la loi de financement et sans périodicité annuelle ".

Votre rapporteur a par conséquent demandé à la Cour si la première de ces recommandations, combinée à la seconde, ne conduisait pas, d'une part, à supprimer, dans le rapport, " les orientations de la politique de santé " qui devraient faire l'objet d'un débat, voire d'une loi pluriannuelle, à accentuer, d'autre part, le caractère " exposé des motifs " dudit rapport et en définitive à remettre en cause son existence même, du moins assortie d'une approbation.

La Cour des comptes a formulé la réponse suivante :

" Le Sénat interroge la Cour des comptes sur la contradiction qui lui apparaît entre la recommandation visant à " renforcer le lien entre le rapport annexé à la loi de financement et la loi elle même " et celle incitant à " réfléchir à l'intérêt et à la possibilité de susciter un débat parlementaire sur la politique de la santé en dehors du cadre de la loi de financement et sans périodicité annuelle ".

" La Cour, en formulant ces deux propositions a voulu souligner la complémentarité entre l'approche de la politique de la santé au travers de la loi de financement et celle qui pourrait résulter d'un autre débat parlementaire, entièrement consacré à la santé. Les deux démarches n'ont ni la même temporalité, ni la même ampleur, ni les mêmes objectifs.

" Les deux réflexions répondent à des ambitions différentes. Le débat d'orientation serait une réflexion à moyen terme sur les principales évolutions à conduire en matière de santé publique. Un tel débat n'a pas à être renouvelé tous les ans car les inflexions dans ce domaine sont longues à être mises en oeuvre et n'ont de signification que dans la durée. Le rapport annexé à la loi de financement serait davantage lié aux dispositions de la loi de financement de l'année. Il pourrait notamment préciser les mesures qui seront financées dans le cadre annuel parmi les grandes priorités de santé déjà définies. C'est en ce sens que la dernière recommandation de la Cour vise à renforcer le lien entre le rapport annexé et la loi elle-même.

" A travers ses deux recommandations, la Cour des comptes distingue en fait deux types de débat parlementaires sur la politique de la santé : l'un, annuel et lié aux sujets figurant dans la loi de financement, l'autre, pluriannuel, et permettant une réflexion à moyen terme sur l'ensemble de la politique de la santé . Toutefois, il n'est pas certain qu'il soit possible de proposer en matière de santé une véritable loi de programmation dont la déclinaison annuelle figurerait dans la loi de financement, aussi la Cour n'évoque-t-elle dans sa recommandation qu'un débat au Parlement. "

Votre rapporteur considère également que les orientations de la politique de santé ne sauraient être cantonnées à un cadre annuel. Les travaux du Haut comité de santé publique et de la Conférence nationale de santé en témoignent clairement. Cette constatation de bon sens ne doit pas conduire à s'abstenir de tout débat au motif que les lois de financement de la sécurité sociale s'inscrivent dans un cadre annuel.

Il est au contraire nécessaire de mettre ces lois en perspective grâce à un cadre qui dépasse les aspects purement comptables : celui d'une loi d'orientation pluriannuelle qui définirait les axes d'une véritable politique de santé publique et qui, au-delà de la seule politique de soins, aborderait résolument les voies et moyens d'une politique d'éducation et de prévention.

2. Un ONDAM sans contenu de santé publique

Il revenait à la loi de financement, à travers l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), de traduire, dans son domaine, les priorités de santé publique arrêtées.

Or, constitué nécessairement à l'origine sous la forme d'un agrégat comptable, l'ONDAM est resté, cinq ans plus tard, le même agrégat comptable, qui a dérivé, que le Gouvernement a " rebasé " et auquel il a appliqué mécaniquement des pourcentages de progression.

L'exposé des motifs de l'article 44 du présent projet de loi résume parfaitement la situation actuelle et le sens que donne le Gouvernement à l'instrument central des lois de financement :

" L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est fixé à 693,3 milliards de francs pour l'année 2001, en progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues pour 2000. "

Il était à l'évidence nécessaire de donner un " contenu " à l'ONDAM, de définir un " panier de soins " remboursable par la collectivité. Le Gouvernement, depuis trois années et demi, en a été incapable.

Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des malades, les progrès de la médecine et a fortiori les priorités de l'action publique, l'ONDAM et sa progression arbitraire constituent aujourd'hui un arbitrage nécessairement contesté entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.

Aussi n'est-il pas étonnant que la maîtrise des dépenses de santé reste inefficace tout en entraînant, faute d'orientations et de priorités clairement affichées, la confusion des responsabilités entre l'Etat et l'assurance maladie et une rupture durable avec les professionnels de santé.

B. LES RETARDS DANS LA MISE EN PLACE DES OUTILS DE LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE

Le Gouvernement semble peu pressé de mettre en place les outils d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Trois dossiers témoignent de cette inertie coupable : la tarification à la pathologie, la nomenclature des actes, les réseaux et filières de soins.

1. La tarification à la pathologie

L'article 55 de la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle a prolongé, pour une période de cinq ans, les expérimentations en matière de tarification à la pathologie.

Le financement à la pathologie consiste à rémunérer les établissements en fonction de leur activité médicale effective et ceci à un coût égal pour l'assurance maladie, pour une pathologie donnée, quel que soit le lieu de production des soins.

Il s'agit de :

- fonder les financements des établissements de santé sur la juste mesure de leur activité,

- permettre la mise en oeuvre de modes de régulation plus efficaces en vue d'améliorer les mécanismes de régulation macro-économiques actuels,

- corriger les effets néfastes des modes de financement et de régulation distincts entre les secteurs public et privé.

Ces trois objectifs répondent aux difficultés résultant des modes de financement actuels des établissements de santé : hôpitaux publics sous dotation globale et cliniques privées à but lucratif sous objectif quantifié national (OQN) avec une facturation à la journée et à l'acte.

En effet, ces modes de financement, déconnectés de l'activité médicale, sont à l'origine de nombreux effets pervers :

- inégalités figées, rentes de situation, frein au dynamisme et prime au plus dispendieux dans le secteur public,

- tarification complexe, prime à la durée de séjour, disparités et sédimentations tarifaires historiques dans le secteur privé.

Sur ce dossier pourtant essentiel, le Gouvernement prend son temps. Un cahier des charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi pour la fin de l'année 2000 afin de permettre la mise en oeuvre effective d'opérations de simulation financière pour la campagne budgétaire 2002...

2. La nomenclature des actes

Le codage des actes des professionnels de santé admis au remboursement par l'assurance maladie a été rendu obligatoire par la loi du 4 janvier 1993. L'activité des médecins de ville est décrite par la nomenclature générale des actes professionnels des médecins (NGAP). Obsolète et imprécise, elle ne peut servir au codage. Le catalogue des actes médicaux (CDAM) utilisé dans les hôpitaux, notamment pour le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), bien que plus détaillé, ne couvre qu'une partie trop spécifique de l'activité médicale ; il est inutilisable en pratique de ville. C'est pourquoi, il a été décidé, en 1996, de fondre ces deux instruments en un, la classification commune des actes médicaux (CCAM).

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 62 ( * ) , la Cour des comptes a étudié l'état d'avancement des travaux. Elle souligne que la quatrième -et dernière- phase, celle de la valorisation 63 ( * ) , doit débuter en principe début 2001.

Compte tenu de sa complexité, cette phase devrait durer plusieurs mois. Ce n'est donc qu'au début de 2002 que peut être espérée une application de la nouvelle CCAM. Encore, souligne la Cour, ne faut-il pas sous-estimer les difficultés : une incertitude subsiste sur le processus en cas d'absence d'accord entre caisses et syndicats médicaux sur la phase de valorisation.

La Cour relève en outre que des travaux importants demeurent à mener : la réforme la nomenclature des actes cliniques ; celle de la tarification des cliniques privées, une partie de leur rémunération étant calculée par rapport aux actes de la nomenclature ; la refonte de la nomenclature des actes des professions prescrites (infirmiers, masseurs,...).

Devant l'étendue des difficultés prévisibles, les ministres ont confié, le 23 février 2000, au professeur Escat, président de la commission permanente de la nomenclature des actes professionnels, une mission d'expertise sur les différents scénarios possibles d'achèvement de la réforme, et de propositions sur la gestion de la CCAM, une fois la réforme appliquée, sujet qui avait fait l'objet du rapport Prieur/Portos en 1997.

La Cour conclut qu'un important travail technique a été entrepris pour établir la classification commune des actes médicaux mais, faute de moyens, il se sera étalé sur plus de quatre années au moins.

La Cour souligne l'importance des travaux qui restent à mener tant pour faire déboucher effectivement le codage des actes médicaux que pour lancer et réaliser celui des actes des autres professions de santé. Au rythme actuel, il aura fallu au moins dix ans pour mettre, effectivement, en place une obligation résultant de la loi de 1993. En cas de blocage des négociations entre l'assurance maladie et les syndicats médicaux, d'autres solutions devraient être recherchées pour que ne soit pas encore repoussée une réforme indispensable, en tout cas dans le cadre d'un remboursement à l'acte.

La Cour rappelle également qu'au codage des actes doit être associé un codage des pathologies, problème en partie plus simple puisqu'il existe une classification internationalement reconnue (la classification internationale des maladies).

3. Les réseaux et filières de soins

L'expérimentation en matière de réseaux et filières de soins ne progresse guère.

L'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 6 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996, permet en effet, pour une durée de 5 ans à compter de la publication de l'ordonnance, de mener des actions expérimentales en vue de promouvoir " des formes nouvelles de prise en charge des patients d'organiser un accès plus rationnel au système de soins ainsi qu'une meilleure coordination dans cette prise en charge, qu'il s'agisse de soins ou de prévention. "

Ces actions peuvent consister à mettre en oeuvre des filières de soins organisées à partir des médecins généralistes, chargés du suivi médical et de l'accès des patients au système de soins, des réseaux de soins expérimentaux permettant la prise en charge globale de patients atteints de pathologies lourdes ou chroniques, ainsi que tous autres dispositifs visant à favoriser un accès plus rationnel au système de soins et une meilleure coordination des intervenants constitués en réseaux.

A cette fin, un Conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux a pour mission d'instruire les projets présentés par les promoteurs (caisses, associations, organismes de protection complémentaire...) et de rendre un avis aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, qui disposent du pouvoir d'agrément.

Ce conseil, actuellement présidé par M. Raymond Soubie, n'a pour l'instant approuvé qu'une douzaine de projets. En quatre ans, le Gouvernement n'a, pour sa part, donné son agrément qu'à sept réseaux expérimentaux.

Votre rapporteur considère que la mise en réseau des professionnels de santé et des établissements de santé constitue un instrument de maîtrise médicalisée qui n'a pas été suffisamment exploité.

Il ne peut, dans ces conditions, que déplorer le maigre bilan des expérimentations menées en application de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale et s'interroger sur les raisons qui ont parfois conduit le Gouvernement à refuser d'agréer certains des projets approuvés par le conseil d'orientation.

Dans sa rédaction initiale, l'article 29 du présent projet de loi prévoyait de reporter l'échéance de ces expérimentations au 31 décembre 2001.

L'Assemblée nationale a tout d'abord adopté un amendement présenté par le Gouvernement repoussant l'échéance de ces expérimentations au 31 décembre 2006.

Elle a ensuite adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement présenté par M. Claude Evin, rapporteur, comportant une réforme considérable du dispositif existant.

L'amendement adopté modifie l'article L. 162-31-1 afin de prévoir que les projets d'intérêt régional seront agréés par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation, sur rapport du directeur de l'union régionale des caisses d'assurance maladie. Les autres projets resteront agréés par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé après avis du conseil d'orientation.

Votre rapporteur se félicite de l'initiative prise par le rapporteur de l'Assemblée nationale et formule le souhait que la régionalisation de la décision d'agrément des filières et réseaux de soins relance effectivement la dynamique des expérimentations.

C. LA RÉFORME DE L'HÔPITAL AU POINT MORT

1. La " nouvelle étape hospitalière "

Les protocoles signés les 13 et 14 mars 2000 entre le Gouvernement et les organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière et des médecins hospitaliers réaffirment trois priorités : adapter l'offre de soins aux besoins de la population, promouvoir la qualité et la sécurité des soins et réduire les inégalités dans l'accès aux soins.

Le protocole du 14 mars comporte des mesures immédiates, visant à accroître les remplacements, à améliorer les conditions de travail, à prévenir la violence, à soutenir l'investissement hospitalier et à renforcer les urgences.

Il prévoit des moyens pour accompagner la modernisation et la transformation de l'hôpital, avec notamment l'élaboration systématique d'un volet social dans les projets d'établissement, la création d'un fonds de modernisation, le développement de la formation professionnelle.

Le protocole du 13 mars 2000 signé avec les représentants des médecins hospitaliers comprend également un ensemble de mesures destinées à renforcer l'attractivité de la carrière à l'hôpital : valorisation particulière de l'exercice exclusif au sein du service public, une revalorisation de carrière et des mesures d'incitation à pourvoir des postes structurellement vacants.

Le financement de ces mesures repose sur des mécanismes particulièrement complexes, enchevêtrant allègrement les dépenses d'assurance maladie et les crédits budgétaires.

Mesures financées dans le champ de l'ONDAM

Au total, le coût complet des protocoles de mars a été évalué en dépenses hospitalières encadrées pour l'année 2000 à 1.372 millions de francs pour la France entière.

Leur surcoût par rapport à ce qui était prévu au départ dans le montant des dépenses hospitalières s'est élevé à 1.122,25 millions de francs, car certaines mesures comprises dans les protocoles ont été financées dans le cadre de la campagne budgétaire initiale pour 2000 des établissements de santé financés par dotation globale à hauteur de 250 millions de francs.

Ces protocoles ont été suivis d'autres négociations, qui ont également donné lieu à des accords portant sur les médecins universitaires (27 juillet 2000), internes et résidents (3 mai 2000) et chefs de clinique-assistants (9 mai 2000). Leur impact financier est évalué à 128 millions de francs.

Le coût total de l'ensemble des protocoles pour 2000 est donc de 1.500 millions de francs en dépenses hospitalières encadrées pour les établissements publics de santé et les établissements privés financés par dotation globale. Le surcoût total, donc défalcation faite des 250 millions de francs déjà financés, est évalué à 1.250 millions de francs en dépenses hospitalières et à 1.162 millions de francs en ONDAM.

Pour 2001, le coût prévisionnel en dépenses hospitalières encadrées est évalué à 2.900 millions de francs pour la France entière. Ce coût comprend le financement en année pleine des mesures 2000 et les mesures nouvelles pour 2001 de tous les protocoles (y compris ceux qui ont suivi les protocoles sur le service public hospitalier).

Mesures financées sur crédits d'assurance maladie hors du champ de l'ONDAM

Le protocole du 14 mars 2000 prévoit la création du fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) destiné à se substituer au fonds d'accompagnement social à la modernisation des hôpitaux (FASMO).

Pour l'année 2000, le FASMO est doté de 800 millions de francs supplémentaires, afin de financer les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail (400 millions de francs) et les volets sociaux des contrats d'objectifs et de moyens (400 millions de francs). Le fonds continuera de financer les aides individuelles concernant la formation, la mobilité et la reconversion, liées à des opérations de recomposition, selon des critères assouplis par rapport aux règles existant actuellement.

Pour 2001, ce fonds sera doté de 300 millions de francs. Le reliquat de crédits 2000 sera reporté en 2001. Le fonds de modernisation des établissements de santé se substituera à l'actuel FASMO au début de l'année 2001 et reprendra les financements disponibles.

Mesures financées sur crédits d'Etat

Le protocole du 14 mars 2000 prévoit d'amplifier le soutien de l'Etat aux opérations d'investissement hospitalier. Les critères d'éligibilité au fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) ont ainsi été élargis, puisque le fonds pourra être utilisé non seulement pour des opérations de rapprochement entre établissements, mais également pour des opérations de modernisation propres à un établissement, dans lesquelles l'investissement est lié à des transformations internes. En 2000, le FIMHO s'est vu abondé de 600 millions de francs d'autorisations de programme, la dotation du fonds étant ainsi portée à 800 millions de francs d'autorisations de programme. Conformément au protocole, le Gouvernement propose au Parlement d'ouvrir 500 millions de francs d'autorisations de programme en loi de finances initiale pour 2001.

Dans le protocole signé le 14 mars 2000, le Gouvernement a également prévu qu'une enveloppe de 2 milliards de francs par an pendant trois ans serait accordée aux établissements financés par dotation globale, afin de résoudre les difficultés de fonctionnement qui tiennent à l'insuffisance des possibilités de remplacement des agents absents. 2 milliards de francs ont donc été attribués aux établissements financés par dotation globale en 2000. Il en sera de même en 2001.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 64 ( * ) , la Cour des comptes formule à cet égard le souhait que dans la loi de financement pour 2001, les dépenses liées aux accords signés en mars 2000 avec les syndicats hospitaliers " soient intégrées dans l'ONDAM, avec la rétropolation correspondante des montants de 2000 ".

Votre rapporteur a souhaité faire préciser par la Cour cette analyse. Il lui a demandé si la Cour entendait par ce souhait signifier que ces dépenses devraient être financées par l'assurance maladie et figurer par conséquent dans l'ONDAM, ou financées par l'Etat tout en étant parallèlement intégrées à l'ONDAM. Il a demandé quelles réflexions inspirait à la Cour le choix de faire prendre en charge par le budget de l'Etat des dépenses de fonctionnement des établissements hospitaliers.

En outre, il l'a interrogée sur l'impact financier de ces mesures sur l'ONDAM :

" La Cour évalue l'impact financier de ces mesures sur l'ONDAM à 489 millions de francs en 2000. Sur quels éléments chiffrés s'appuie la Cour pour formuler cette estimation ? Comment la Cour peut-elle expliquer la différence entre cette estimation et l'estimation formulée par le Gouvernement en mai 2000 qui évaluait l'impact à 1.038,3 millions de francs (cf. rapport du Sénat n° 356 (1999-2000) sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale) ?

La Cour des comptes a formulé la réponse suivante :

" Le protocole d'accord signé en mars 2000 avec les syndicats hospitaliers comporte deux types de mesures : une enveloppe de 2 milliards de francs destinés à financer l'impact salarial des remplacements de personnel dont le financement est assuré hors ONDAM et d'autres dispositions financées dans le champ de l'ONDAM et dont l'estimation de l'impact financier a varié au cours du temps.

" La difficulté d'évaluation de ces autres dispositions vient, semble-t-il, du fait que certaines d'entre elles avaient déjà été inscrites dans la loi de financement à hauteur de 252 millions de francs. L'évaluation du surcoût, indiquée à titre provisoire dans le rapport, et qui malheureusement n'a pas été actualisée ensuite lors de la contradiction réalisée avec les services du ministère, a varié au cours du temps. Ce surcoût devrait finalement s'établir à 996 millions de francs (et non à 489 millions de francs comme indiqué dans le rapport).

" Concernant le financement des remplacements, la Cour s'est inquiétée d'un financement de la masse salariale à caractère pérenne qui resterait hors ONDAM. Dès lors que l'ONDAM décrit l'évolution des dépenses prises en charge par l'assurance maladie, et non l'ensemble des dépenses autorisées, la non-prise en compte dans l'ONDAM d'un financement budgétaire a sa logique, mais ses modalités de mise en oeuvre méritent réflexion : compte tenu de la nature salariale de ces charges qui entrent dans les dépenses de fonctionnement autorisées des établissements, elles devraient être intégrées à l'ONDAM, sauf à affaiblir les efforts entrepris depuis plusieurs années pour maîtriser les évolutions des dépenses hospitalières et à fausser tant la perception de l'évolution de ces dépenses que la comparaison avec l'évolution de celles des cliniques privées. Ainsi, la charge serait dans un premier temps supportée par l'assurance maladie, quitte à ce que l'Etat, s'il le décide, lui apporte un financement budgétaire. "

Votre rapporteur approuve entièrement cette analyse de la Cour des comptes.

2. La procédure de l'accréditation

La procédure d'accréditation des établissements de santé par l'ANAES avance lentement : l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 avait pourtant prévu que tous les établissements de santé publics et privés, soit environ 4.000 établissements, devaient être engagés dans la démarche d'accréditation avant 2001.

Au 19 septembre 2000, 198 établissements s'étaient engagés dans la procédure d'accréditation. Au total, 400 établissements de santé devraient s'être engagés fin 2000.

Au total, 10 comptes rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés et aux agences régionales d'hospitalisation dont ils relèvent.

3. Les trente-cinq heures : le saut dans l'inconnu

Les hôpitaux doivent passer aux " trente-cinq heures " au 1 er janvier 2002. Nul ne sait aujourd'hui dans quelles conditions ce basculement s'opérera.

En réponse au questionnaire adressé en juillet 2000 par votre rapporteur (" les trente-cinq heures à l'hôpital. Perspectives et coût de l'opération "), la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a formulé la réponse écrite suivante :

" La réduction du temps de travail constitue pour les hôpitaux une opportunité majeure pour améliorer l'organisation du travail, décloisonner les services, enrichir le contenu des tâches, développer la qualité du service rendu et améliorer les conditions de vie au travail.

" Aujourd'hui et après la mise en oeuvre des protocoles des 13 et 14 mars 2000, le chantier sur la réduction du temps de travail peut s'ouvrir. Il aboutira concrètement à la réduction du temps de travail effectif pour les 700.000 agents (ETP) de la fonction publique hospitalière dès le 1 er janvier 2002. La réduction du temps de travail s'accompagnera de créations d'emplois.

" Les pouvoirs publics, comme pour le protocole du 14 mars 2000, proposeront aux organisations syndicales de travailler à un accord-cadre national. "

On ne saurait être plus évasif... L'état d'avancement de ce dossier à un an de l'entrée en vigueur de la mesure laisse votre rapporteur pour le moins songeur...

La question du financement du passage aux " trente-cinq heures " reste entière : il faudrait accorder en année pleine plus de 10 milliards de francs aux hôpitaux pour financer les recrutements supplémentaires.

D. DES CLINIQUES PRIVÉES ASPHYXIÉES

La conjugaison d'une enveloppe moins généreuse que celle de l'hôpital public et du passage effectif aux trente-cinq heures a profondément fragilisé les cliniques privées. L'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.

1. Une situation sociale difficile

La situation sociale difficile que connaissent beaucoup d'établissements de santé privés trouve son origine dans la conjonction d'un double phénomène :

- la création d'emplois -de 7,3 % en un an- consécutive à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques par application de la loi dite Aubry I puis de l'accord national du 27 janvier 2000 signé entre les fédérations de salariés et les employeurs de l'hospitalisation privée ;

- la création d'emplois et les différentes mesures d'ordre social prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, à travers le protocole d'accord de mars dernier.

Trois régions ont été particulièrement touchées par des conflits sociaux dans les établissements de santé privés : Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine. La principale revendication mise en avant concernait les moindres rémunérations des personnels soignants par rapport au secteur public.

Ces mouvements ont donné lieu à la signature d'accords d'établissement prévoyant des augmentations significatives des rémunérations.

Par ailleurs, les organisations nationales représentatives des établissements (FIEHP et UHP) ont décidé, dans le cadre de leur convention collective respective, de revaloriser les salaires de 4 % (augmentation de 3 % de la valeur du point et de 1 % de la masse salariale consacrée à des mesures particulières en faveur des bas salaires et des personnels soignants). Elles se sont également engagées à accélérer le processus de fusion engagé il y a quelques mois, qui devrait déboucher sur l'adoption d'une convention collective unique à tout le secteur de l'hospitalisation privée.

Les cliniques privées sont en outre confrontées à de graves pénuries de personnel infirmier. Au total, on peut estimer le nombre de postes non pourvus ou à créer d'infirmiers à plus de 18.000 dont 4.500 pour les établissements du secteur privé, du fait de la mise en oeuvre de ces différentes décisions d'ordre légal ou réglementaire.

2. Des moyens en faible progression

L'article 33 de la loi du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 a instauré de nouvelles procédures d'allocation des ressources aux cliniques privées en faisant varier progressivement les tarifs tant au niveau des régions que des établissements, pour tenir compte de l'activité médicale et de l'implication de la structure dans les réponses aux besoins de santé.

Il revient ainsi désormais, chaque année, à un accord conclu au niveau national entre l'Etat et les fédérations de cliniques, de fixer d'une part, l'évolution moyenne nationale et l'évolution moyenne, dans chaque région, des tarifs des prestations, d'autre part, les variations maximale et minimale des taux d'évolution qui peuvent être alloués aux établissements par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

Pour l'année 2000, un accord national conclu le 1 er mars prévoit une augmentation moyenne des tarifs de 1,25 % à compter du 1 er mai 2000 pour la métropole (1,33 % France entière), cette augmentation étant modulée entre les régions sur la base de critères analogues à ceux utilisés pour les établissements sous dotation globale. Cet accord fixe, en outre la fourchette de modulation des tarifs entre établissements situés dans une même région à - 0,7 point et + 40 points par rapport au taux moyen régional. Enfin, il prévoit une enveloppe de 100 millions de francs destinée à financer des revalorisations de tarifs des activités d'obstétrique et de chirurgie cardiaque.

Les moyens accordés aux cliniques privées progressent donc très modérément.

L'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a certes institué, pour une durée de cinq ans, à compter du 1 er janvier 2000, un fonds géré par la Caisse de dépôts et consignations, dénommé " fonds pour la modernisation des cliniques privées ", destiné prioritairement à accompagner des opérations de modernisation et d'adaptation de l'offre hospitalière pour ce qui concerne les établissements de santé privés sous OQN. Le montant du fonds est fixé à 100 millions de francs pour l'année 2000.

Il revient à l'ARH d'attribuer chaque année les subventions du fonds après avis du comité régional des contrats.

Une circulaire à destination des ARH devrait fixer la répartition du fonds entre les régions pour l'année 2000 en fonction des critères suivants :

- 90 millions de francs au prorata des dépenses réalisées pour chaque région en 1999. Pour la première année de mise en oeuvre, une répartition du fonds proportionnelle à l'importance du secteur privé au sein des régions est apparue comme la plus adaptée, les dépenses subventionnables de modernisation du tissu hospitalier étant a priori proportionnelles au nombre et à l'importance des établissements.

- 10 millions de francs en fonction de la répartition géographique des établissements retenus dans le cadre de l'expérimentation PMSI en soins de suite et de réadaptation. Cette expérimentation devrait permettre notamment d'établir une échelle de coûts relatifs adaptée à cette activité.

Le tableau suivant récapitule les montants accordés à chacune des régions.

Dépenses du fonds pour la modernisation des cliniques privées
(en francs)

Régions

Enveloppe de base

Enveloppe PMSI

Total enveloppe régionale

Ile-de-France

17.395.200

282.000

17.677.200

Champagne-Ardenne

1.786.200

1 786 200

Picardie

1.400.900

1.400.900

Haute-Normandie

1.962.300

1.962.300

Centre

3.471.800

552.300

4.024.100

Basse-Normandie

1.711.700

270.300

1.982.000

Bourgogne

2.280.100

2.280.100

Nord-Pas-de-Calais

4.997.800

282.000

5.279.800

Lorraine

2.389.000

2.389.000

Alsace

1.413.300

282.000

1.695.300

Franche-Comté

946.400

946.400

Pays-de-la-Loire

3.934.900

3.934.900

Bretagne

3.458.200

301.000

3.759.200

Poitou-Charentes

1.808.400

270.300

2.078.700

Aquitaine

5.799.600

1.730.000

7.529.600

Midi-Pyrénées

5.568.500

1.154.300

6.722.800

Limousin

825.900

825.900

Rhône-Alpes

7.554.900

571.300

8.126.200

Auvergne

1.935.400

1.935.400

Languedoc-Roussillon

5.983.200

1.424.600

7.407.800

PACA

11.165.600

2.609.600

13.775.200

Corse

632.400

632.400

Guadeloupe

500.700

500.700

Martinique

254.500

254.500

Guyane

80.000

80.000

Réunion

743.100

270.300

1.013.400

France entière

90.000.000

10.000.000

100.000.000

La dotation du fonds paraît notoirement insuffisante pour accompagner efficacement les restructurations nécessaires : il est douteux que les 50 millions de francs supplémentaires prévus par l'article 35 du présent projet de loi améliore sensiblement la situation.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour ses dispositions relatives aux équilibres généraux et à l'assurance maladie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ ET DE MME DOMINIQUE GILLOT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA SANTÉ ET À L'ACTION SOCIALE

Le mardi 7 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité et de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'état à la santé et aux handicapés , sur le projet de loi n° 64 (2000-2001) de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que la sécurité sociale était sortie de l'urgence financière, puisque, après les lourds déficits de 1996 et de 1997, elle avait renoué avec l'équilibre, ce qui se traduisait par un excédent de 16,2 milliards de francs en 2000 et de 18,9 milliards de francs en 2001. Elle a précisé que, pour l'ensemble des administrations sociales, l'excédent atteignait 0,5 % de la richesse nationale.

Soulignant que les comptes sociaux contribuaient à la maîtrise des déficits et au désendettement du pays, elle a fait observer que l'assainissement des comptes n'était pas une fin en soi, mais un moyen permettant d'améliorer notre système de protection sociale.

Concernant la famille, elle a indiqué que les marges de manoeuvre de la branche famille, redevenue excédentaire depuis 1999, permettaient au Gouvernement de mener une politique familiale de grande ampleur, illustrée par les actions décidées à la conférence de la famille du 15 juin dernier. Elle a indiqué qu'un effort financier de plus de 10 milliards de francs serait réalisé pour mettre en oeuvre trois mesures : la création d'une allocation de présence parentale ; la création d'un fonds d'investissement pour les crèches venant soutenir les initiatives prises dans ce domaine, notamment par les collectivités locales ; la réforme des aides à l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

S'agissant de l'assurance vieillesse, elle a indiqué que l'objectif était d'associer les retraités aux fruits de la croissance et de préparer l'avenir des régimes des retraites.

Elle a rappelé que la branche vieillesse connaissait un excédent de 3,7 milliards de francs en 1999 et de 3,4 milliards de francs en 2000, avant versement au fonds de réserve des retraites.

Elle a mis l'accent sur la mesure de revalorisation des pensions, à hauteur de 2,2 % en 2001, qui permettrait de porter à 1,3 % depuis 1997 le gain de pouvoir d'achat des retraités par rapport à l'inflation.

Elle a indiqué que le Gouvernement avait annoncé, au cours du débat à l'Assemblée nationale, que le minimum vieillesse serait revalorisé de 2,2 %, comme les pensions de base.

Enfin, elle a souligné que les 5 millions de retraités les plus modestes, non imposables à l'impôt sur le revenu, enregistreraient de surcroît un gain de pouvoir d'achat supplémentaire résultant de la suppression de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) d'un taux de 0,5 %.

S'agissant de la préparation de l'avenir des retraites, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que le fonds de réserve, créé en 1998, pour faire face aux conséquences des évolutions démographiques, s'était vu affecter des ressources nouvelles dès 1999, dont elle a détaillé le contenu.

Elle a précisé que le fonds de réserve disposerait de 50 milliards de francs à la fin de 2001 et de 1.000 milliards de francs en 2020, cette somme correspondant à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040.

Concernant la branche accidents du travail et maladie professionnelle (AT-MP), après avoir rappelé les mesures particulières en faveur des victimes de l'amiante déjà adoptées, elle a souligné que serait créé en 2001 un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, financé par les employeurs et par le budget de l'Etat.

Puis Mme Elisabeth Guigou a abordé le volet relatif à la santé en indiquant que l'objectif était d'améliorer la qualité du système de santé tout en maîtrisant correctement l'évolution des dépenses.

Elle a indiqué que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) s'établirait à 693,3 milliards de francs en 2001, soit une progression de 3,5 % par rapport à 2000.

Elle a estimé que cette progression était cohérente avec la situation économique et financière du pays et qu'elle permettrait de financer de nouvelles avancées dans la qualité du système de santé et de la couverture maladie.

Elle a relevé que l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se situait en dépassement de 1,6 % par rapport à l'objectif de 2000, en tenant compte des reports des dépenses de la fin de 1999, qui s'élevaient à 11 milliards de francs et de la progression des dépenses d'assurance maladie à un rythme supérieur à 4 %.

Elle a précisé que le dépassement était dû aux soins délivrés en ville alors que, pour les hôpitaux, les objectifs avaient été tenus.

Elle a rappelé que les dépenses des cliniques privées et des établissements médico-sociaux progressaient respectivement de 2,2 % et de 4,9 % en 2000, conformément aux objectifs fixés. Elle a estimé que les dépenses de santé étaient restées en-deçà de l'évolution de la richesse nationale en France, tout en constatant l'évolution rapide des dépenses de santé des pays voisins de la France probablement sous l'effet de la reprise économique.

Concernant les objectifs de la santé pour 2001, elle a précisé que le Gouvernement répondrait aux priorités de santé publique en mettant en oeuvre un plan " cancer " et un plan " greffe ", ainsi que des mesures de réduction des risques sanitaires, concernant en particulier la maladie de Creutzfeld-Jacob.

Elle a souligné la priorité accordée aux établissements sociaux et médico-sociaux, à travers une augmentation de 5,8 % de leurs dépenses, afin de financer des places supplémentaires pour les personnes handicapées et de développer la médicalisation des établissements pour les personnes âgées dépendantes.

Elle a précisé que les budgets hospitaliers et des cliniques privées pourraient progresser de 3,3 % et que la progression des soins de ville était fixée à 3 % pour 2001.

S'agissant de la maîtrise des dépenses de santé, elle a souligné sa nécessité, ce qui supposait la responsabilité de chacun des acteurs qu'il s'agisse de l'Etat, des caisses d'assurance maladie, des praticiens libéraux et des malades eux-mêmes.

Concernant les réformes structurelles, après avoir rappelé les priorités en matière de recomposition du tissu hospitalier, elle a souligné que le projet de loi prévoyait la création du fonds de modernisation sociale des établissements de santé, la possibilité de rémunérer les urgences dans les cliniques et un abondement de 150 millions de francs au titre du fonds d'investissement des établissements privés.

Dans le domaine du médicament, elle a indiqué que la dépense avait progressé de 7 % en 2000 en estimant que cette évolution était très proche de celle de l'année précédente et en relevant que la plupart des pays occidentaux connaissaient une évolution encore plus rapide de ces dépenses.

Elle a précisé que la procédure d'évaluation des médicaments était pratiquement achevée en 2000, en notant que près de 2.663 spécialités avaient été évaluées, soit plus des deux tiers des spécialités pharmaceutiques françaises. Elle a noté que le Gouvernement avait ajusté en conséquence le taux de remboursement de certaines spécialités.

Elle a rappelé à cet égard que le projet de loi facilitait le recours à la publicité pour les médicaments qui ne seraient plus pris en charge par l'assurance maladie.

Elle a ajouté que le projet de loi permettait que soit apportée aux médecins une autre information que celle dont ils disposaient aujourd'hui, en créant un " groupe confraternel d'informations des prescripteurs " adossé à un fonds de promotion de l'information médicale, financé par une fraction de la taxe sur la promotion pharmaceutique.

Enfin, elle a indiqué que serait modifiée, dans le texte, la contribution de l'industrie pharmaceutique, dite " clause de sauvegarde ".

Dans le domaine des soins de ville, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi pour 2001 complétait le dispositif de régulation issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 sur deux points : les réseaux de soins et le fonds d'aide à la qualité des soins de ville.

Elle a souligné que le Gouvernement s'engageait par ailleurs dans une politique déterminée d'amélioration de la couverture maladie autour de trois mesures : relèvement du seuil de la couverture maladie universelle (CMU) et extension au 30 juin 2001 des droits des anciens bénéficiaires de l'aide sociale départementale ; amélioration des conditions de remboursement des lunettes ; amélioration de la couverture maladie des non-salariés non agricoles.

Enfin, elle a indiqué que l'institution d'une ristourne dégressive de contribution sociale généralisée (CSG) et de la CRDS, comprise entre 1 et 1,4 fois le salaire minimum de croissance (SMIC), permettrait de franchir une nouvelle étape en matière de réforme du financement de la sécurité sociale.

Elle a souligné que cette mesure poursuivait trois objectifs : réduire l'écart entre le salaire brut et le salaire net ; accroître le pouvoir d'achat du SMIC net et lutter contre les trappes à inactivité.

Concernant le pouvoir d'achat du SMIC, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que, depuis 1997, le SMIC net s'était déjà accru de l'équivalent d'un " treizième mois " et a estimé que la mesure proposée dans le projet de loi permettrait de consentir un avantage du même ordre en termes de gain de pouvoir d'achat aux titulaires du SMIC.

Elle a estimé que la mesure proposée renforcerait l'attrait du revenu d'activité par rapport aux minima sociaux et qu'elle viendrait ainsi compléter utilement les mesures déjà prises par le Gouvernement en matière de taxe d'habitation, dans le domaine des aides au logement et en matière d'intéressement pour les titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, a indiqué que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale avait été atteint grâce à la croissance retrouvée, à des mesures de redressement et à des politiques structurelles.

Elle a déclaré ne pas ignorer le mécontentement exprimé par certains professionnels de santé ainsi que les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour aider à atteindre les objectifs du Gouvernement.

Rappelant que l'équilibre était encore fragile, elle a déclaré veiller à ce qu'aucun dérapage ne vienne le compromettre.

Elle a souhaité que le dialogue indispensable entre les pouvoirs publics et les représentants des professions citées se poursuive ou soit renoué et que chaque décision soit expliquée et justifiée devant les intéressés.

Estimant que la définition claire d'une politique de santé publique était devenue en quelques années une exigence, elle a considéré que les Français aspiraient à une politique de santé publique plus transparente, plus juste et plus égalitaire.

Puis elle a évoqué les grands axes de la politique de santé du Gouvernement.

Concernant l'égal accès aux soins, elle a souligné les trois avancées que représentaient la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) et la mise en place des permanences d'accès aux soins de santé (PASS) dans les hôpitaux.

S'agissant du renforcement de la sécurité sanitaire, elle a rappelé la mise en place au 1 er janvier 2000 de l'établissement français du sang et la création prochaine de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE).

Elle s'est félicitée que la France soit dotée d'un dispositif permettant l'évaluation scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions qui étaient reconnues sur le plan international et au niveau européen.

Elle a précisé que le Gouvernement travaillait également sur la lutte contre les infections nosocomiales, les accidents iatrogènes, la sécurité anesthésique ainsi que l'accueil et le traitement des urgences.

S'agissant du développement de la transparence et des droits des malades, Mme Dominique Gillot a rappelé les premiers résultats de la procédure d'accréditation par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et a présenté les priorités du futur projet de loi de modernisation du système de santé : reconnaître et préciser les droits fondamentaux des personnes dans leur relation avec le système de santé, rééquilibrer les relations entre le professionnel de santé et le malade, mettre en place les bases de l'expression et de la participation des usagers du système de santé à travers un statut des associations de malades et d'usagers, renforcer la régionalisation au sein du conseil régional de santé, mieux réparer le risque sanitaire.

Concernant la politique de prévention, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, a tout d'abord abordé la lutte contre les maladies infectieuses en évoquant les mesures contre l'hépatite C ainsi qu'en faveur des personnes touchées par le virus du syndrome immunodéficient acquis (SIDA) ou par des pathologies chroniques sévères.

Elle a abordé ensuite la prise en charge et la prévention des pratiques addictives en rappelant la poursuite des actions engagées depuis 1999 en matière de lutte contre le tabagisme ainsi que la réorganisation du dispositif de prise en charge des dépendances à l'alcool, au tabac et aux drogues illicites.

Elle a indiqué la mise en oeuvre d'autres programmes de prévention importants dans les domaines de la prévention du suicide, de la santé chez les sportifs et de la lutte contre le dopage ainsi que de la nutrition.

Concernant l'amélioration de la prise en charge de certaines catégories de malades, Mme Dominique Gillot a fait le point sur le dépistage généralisé des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal.

Elle a fait état de la poursuite des programmes de lutte contre la douleur, de développement des soins palliatifs et d'organisation de l'hospitalisation à domicile.

Elle a rappelé les dispositions législatives en cours d'examen concernant le droit d'accès à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui permettraient d'améliorer la santé des femmes.

Elle a souhaité par ailleurs une intégration renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales en s'inquiétant notamment de la désaffection des professionnels de santé pour la psychiatrie publique.

Elle a rappelé les programmes relatifs à la prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques ainsi qu'à l'amélioration de la santé des personnes détenues.

En conclusion, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, a considéré que la politique suivie participait à l'amélioration des conditions de santé pour tous et qu'il fallait aujourd'hui s'engager dans la modernisation de notre système de santé.

Constatant que le Gouvernement avait contribué à réduire les inégalités de santé, elle a considéré qu'il faudrait demain introduire plus de démocratie au coeur de notre système de santé.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a rappelé que les conseils d'administration des quatre caisses de la sécurité sociale avaient voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qu'ils avaient fondé leur position notamment sur une opposition au dispositif de réduction dégressive de la CSG et de la CRDS et aux circuits de financement de la réduction du temps de travail. Il s'est demandé s'il n'était pas regrettable que le nécessaire débat sur le financement de la sécurité sociale soit occulté par un mécanisme fiscal et par la question du financement des politiques de l'emploi.

Il a demandé si le Gouvernement entendait proposer une amélioration de la rédaction de l'article 2 pour tenir compte de la situation des pluri-actifs. Il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles serait compensée une partie des exonérations de la CRDS à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

S'agissant de l'assurance maladie, il s'est montré sceptique quant à la possibilité pour le Gouvernement de rétablir le dialogue avec les professionnels de la santé dès lors que serait maintenu le système des " lettres-clés flottantes ". Il s'est interrogé sur le coût et les modalités de financement du passage des hôpitaux aux trente-cinq heures hebdomadaires de travail. Il s'est étonné que le texte transmis par l'Assemblée nationale ne comporte aucune des dispositions annoncées concernant l'aménagement de la CMU.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a rappelé que la branche famille était " ponctionnée " de 7,4 milliards de francs en 2001 et que le fonds d'investissement pour les crèches, doté de 1,5 milliard de francs, s'imputait en réalité sur les excédents de 1999. Il s'est demandé pourquoi la base mensuelle de calcul des allocations familiales n'était revalorisée que de 1,8 %, alors que la branche famille dégageait des excédents. Il s'est interrogé sur le transfert à la branche famille de la bonification pour enfants à charge des personnes retraitées.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a rappelé que la hausse annoncée de 2,2 % des retraites ne concernait pas les régimes complémentaires et qu'au total, le montant des retraites n'augmenterait que de 1,1 %, soit une progression inférieure à l'inflation. Il s'est demandé quand le Gouvernement abaisserait le taux de la surcompensation imposée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui entravait le retour à l'équilibre de cet organisme. Il s'est interrogé sur les modalités de gestion du fonds de réserve pour les retraites. Il s'est demandé comment le Gouvernement entendait assurer le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) qui devrait être de 600 milliards de francs entre 2010 et 2020, alors que le fonds de réserve ne serait pas encore opérationnel. Il a regretté que, malgré la revalorisation annoncée du seuil de la CMU, les bénéficiaires du minimum vieillesse et les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) soient toujours exclus du champ d'application du dispositif. Il a souhaité que le Gouvernement revienne sur la réforme du quotient familial, compte tenu du retour à l'équilibre de la branche famille.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a abordé tout d'abord la situation des pluri-actifs.

Elle a rappelé que la CSG et la CRDS étaient perçues à un taux proportionnel selon les catégories de revenus. Elle a précisé que, pour les personnes qui perçoivent plusieurs salaires, la pluri-activité serait prise en compte par la " proratisation " du temps de travail.

Dans le cas où une personne perçoit à la fois un revenu salarié et un revenu non salarié, la loi a prévu que des dispositions particulières seraient prévues par décret pour assurer l'égalité devant les charges publiques.

Elle a indiqué que, dans ce cas, la réduction serait d'abord appliquée sur le revenu salarié et ensuite opérée sur le revenu non salarié si la somme des deux revenus ne dépassait pas 1,4 SMIC et en tenant compte de la réduction déjà opérée sur le revenu salarié.

S'agissant de deux activités non salariées, elle a précisé que la réduction serait appliquée dès lors que la somme des revenus liés à ces deux activités n'excéderait pas 1,4 SMIC.

Elle a précisé que les formalités de calcul seraient simples, puisque la déclaration unique de revenu, que le non-salarié non agricole adresse chaque année à la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) et que le non-salarié agricole adresse à la Mutualité sociale agricole (MSA), serait complétée par une information sur les revenus bruts que ce non-salarié retire par ailleurs d'une activité salariée ou non salariée, ce qui permettrait à l'organisme chargé du recouvrement de calculer la réduction dégressive selon les différents revenus. Elle a souligné qu'il n'y aurait ainsi ni avantage indu, ni risque d'inconstitutionnalité.

M. Jean Delaneau, président, a estimé que le dispositif de l'article 2 demeurait particulièrement complexe et s'est interrogé sur les modalités concrètes de mise en oeuvre du dispositif.

Concernant le financement de la réduction du temps de travail, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) supporterait 85 milliards de francs de dépenses en 2001, dont 30 milliards de francs au titre du passage aux " 35 heures " et le solde au titre de l'amélioration des réductions de charge sociale pour les bas salaires.

Elle a souligné que le fonds rendrait " visibles " les exonérations de charges, tout en rendant clair et lisible le financement du passage aux trente-cinq heures hebdomadaires de travail.

Concernant le financement de la CADES, elle a indiqué qu'une réflexion était en cours avec le ministère de l'économie et des finances sur les modalités de la compensation des exonérations de la CSG et de la CRDS, tout en précisant que ne seraient compensées que les mesures relatives aux chômeurs, la CADES disposant d'excédents qui lui permettraient de faire face sans compensation aux autres exonérations.

Concernant le dialogue avec les professionnels de santé, elle a estimé que le système des lettres-clés flottantes était un système de pénalisation financière qui était appliqué par la CNAMTS pour compenser les volumes d'actes excessifs de certaines professions.

Elle a souhaité que la CNAMTS utilise toutes les possibilités de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 en matière de " code de bonne pratique ".

Elle a rappelé que le nouveau système de régulation des soins de ville, confié, depuis l'année dernière, à la CNAMTS, visait à renforcer les responsabilités des partenaires sociaux et a souhaité parvenir à un système conventionnel de maîtrise intelligente des dépenses de santé.

Elle a estimé que la concertation de la CNAMTS avec les professionnels devrait être renforcée et diversifiée. Mais elle a souligné que l'on ne pouvait pas à la fois critiquer les dépassements de l'ONDAM et reprocher au Gouvernement de se donner les moyens de maîtriser les dépenses de santé.

Concernant la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, elle a indiqué que les négociations seraient ouvertes très prochainement en application du protocole du 15 mars dernier et que son coût serait calculé en fonction des créations d'emplois.

Concernant la CMU, elle a admis que si le relèvement du seuil proposé par le Gouvernement ne bénéficierait pas aux titulaires du minimum vieillesse ou de l'AAH, il permettrait néanmoins d'intégrer dans le dispositif 300.000 personnes supplémentaires.

Elle a souligné que 5 millions de personnes au total entreraient dans le champ de la CMU alors que l'ancien dispositif de l'aide médicale gratuite ne concernait que 2,5 millions de personnes.

Concernant les allocations familiales, elle a rappelé que, si leur taux de revalorisation était moins élevé que celui des pensions de retraite, il était vrai également que les retraites intégraient des avantages familiaux, notamment la majoration de 10 % au-delà de trois enfants, et qu'il n'était pas anormal à cet égard que la branche famille assume cette dépense qui dépend d'une politique familiale globale.

Elle a souligné que le Gouvernement avait souhaité maintenir le pouvoir d'achat global des allocations familiales tout en finançant des mesures ciblées mais significatives telles que celles adoptées en juin 2000 lors du conseil de la famille.

Concernant la revalorisation des retraites, elle a rappelé que la décision d'indexer strictement les retraites de base sur les prix avait été prise par le Gouvernement de M. Edouard Balladur en 1993.

Concernant les retraites complémentaires, elle a rappelé que leur niveau dépendait des décisions prises par les partenaires sociaux et elle a souligné que le Gouvernement avait réglé un contentieux ancien avec les régimes de l'association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) et de l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) pour un coût de 2,3 milliards de francs inscrits dans le projet de loi qui permettrait de calculer de manière plus favorable les retraites complémentaires.

Concernant la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), elle a rappelé que le taux de la " surcompensation " était passé de 38 % à 30 % en deux ans ce qui permettrait de s'engager vers une remise à plat de la situation financière de cette caisse.

S'agissant du fonds de réserve, elle a indiqué que le nouvel instrument de gestion devrait répondre à une préoccupation de transparence car il faudrait pouvoir répondre à tout moment aux interrogations des Français sur l'évolution de leur épargne collective. Elle a évoqué à cet égard la création d'un établissement public autonome distinct du FSV.

Elle a estimé que les partenaires sociaux devraient être associés à la définition des orientations et au contrôle des résultats du fonds de réserve et a indiqué que le fonds devrait être géré par des professionnels reconnus et indépendants.

Concernant le quotient familial, elle a rappelé que ce dispositif avait été supprimé parce qu'il bénéficiait aux ménages les plus favorisés et que la réforme avait été décidée en contrepartie du retour à l'universalité des prestations familiales.

A l'issue de ses réponses aux rapporteurs, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que les contraintes de son agenda la conduisaient à devoir quitter la commission. Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, a fait valoir qu'il ne lui était pas davantage possible de poursuivre l'audition.

M. Jean Delaneau, président, a regretté que les membres de la commission n'aient pu poser leurs questions aux ministres ni, a fortiori, entendre les réponses. Il a indiqué que MM. Serge Franchis, Roland Muzeau, Jean Chérioux, Claude Huriet, François Autain, Louis Souvet, Bernard Cazeau et Guy Fischer s'étaient inscrits pour interroger le Gouvernement et que les nombreux autres commissaires présents auraient certainement complété cette liste.

S'interrogeant sur la possibilité de poursuivre cette audition à une autre date, il a constaté que l'examen du rapport le lendemain matin et une discussion en séance publique le mardi suivant rendaient cette solution difficile, voire impossible, à mettre en oeuvre.

II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. PIERRE JOXE, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES ACCOMPAGNÉ DE M. GABRIEL MIGNOT, PRÉSIDENT DE LA 6ÈME CHAMBRE ET DE M. CLAUDE THÉLOT, RAPPORTEUR GÉNÉRAL

Réunie le mercredi 25 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des Comptes accompagné de M. Gabriel Mignot, président de la 6 ème chambre et de M. Claude Thélot, rapporteur général, sur le rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'il avait demandé à la Cour de préciser ou de développer plusieurs points de son rapport annuel et que les réponses écrites à ce questionnaire étaient distribuées aux membres de la commission. Il s'est félicité de la qualité et de l'intérêt des réponses apportées.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a indiqué que le rapport de la Cour des Comptes avait été publié cette année plus tôt que d'habitude, ce qui permettait notamment au Sénat de disposer de plus de temps que les années précédentes pour l'examiner. Il a rendu particulièrement hommage au travail du président et du rapporteur général de la sixième chambre qui avait permis d'améliorer le contenu du rapport.

Il a précisé qu'il ressortait d'une enquête réalisée auprès des lecteurs que le rapport n'était pas seulement un document de référence à l'usage des parlementaires, mais que les deux tiers des lecteurs s'étaient procurés le rapport afin de disposer d'une vision générale de la sécurité sociale.

Il a souligné que la sixième chambre, qui avait été créée à la suite de la mise en place des lois de financement de la sécurité sociale, avait fait un travail utile dans un domaine qui avait été auparavant peu approfondi tout en mettant en oeuvre des procédures totalement nouvelles.

Il s'est félicité de la publication, pour la première fois cette année, d'un document de synthèse délibéré par la Cour des Comptes qui présentait une mise en perspective des résultats des enquêtes.

M. Pierre Joxe a indiqué que l'élément marquant en 1999 était le retour à l'équilibre du régime général après dix ans de déficits. Il a précisé que l'amélioration était notable dans toutes les branches et qu'elle était due, en grande partie, à la croissance économique qui a entraîné une augmentation des recettes. Il a considéré, en conséquence, que les efforts devaient être poursuivis.

M. Pierre Joxe a rappelé que lorsque la Cour des Comptes avait entrepris ses travaux sur les finances sociales, la comptabilité des organismes de sécurité sociale n'était pas adaptée au suivi et au contrôle. Il a précisé que les recommandations de la Cour des Comptes en ce domaine avaient été assez largement suivies par les administrations, tout en reconnaissant que beaucoup de progrès restaient à faire pour mettre en oeuvre les mesures adéquates et poursuivre la modernisation engagée.

Puis M. Pierre Joxe a évoqué quelques-uns des sujets que la Cour avait souhaité approfondir dans son rapport.

S'agissant de la politique de santé, la Cour avait, pour la première fois, effectué un examen approfondi de la politique de lutte contre le cancer en matière d'épidémiologie, de prévention de dépistage et d'organisation des soins. Il a souligné que la Cour avait dû s'entourer de l'avis de nombreux experts pour être en mesure de porter un jugement pertinent sur cette politique qui fait appel à des techniques médicales avancées. Il a estimé que le jugement de la Cour était " éclairant ", notamment parce qu'il comportait des éléments de comparaison avec les pays voisins.

S'agissant de la gestion, il a indiqué que la Cour avait procédé à un premier bilan de l'application des conventions d'objectifs et de gestion qui se révélait positif du point de vue des relations entre l'Etat et les différents organismes de sécurité sociale.

Enfin, il a indiqué que la Cour avait présenté une étude sur les inégalités de traitement entre les différentes catégories professionnelles concernant les avantages familiaux (droits ouverts par le nombre d'enfants) et conjugaux (pensions de réversion) dans les systèmes de retraite.

Rappelant que ces inégalités résultaient souvent de l'empilement de mesures successives, il a souligné que la démarche de la Cour n'était pas d'instruire un procès, mais d'exposer une réalité afin de permettre aux responsables politiques et aux partenaires sociaux de prendre des décisions sur l'évolution et l'adaptation de notre système de retraite.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a tout d'abord rappelé que la qualité des comptes était déterminante pour permettre aux responsables politiques de prendre des décisions pertinentes.

A cet égard, il a estimé que la qualité des données comptables relatives à la sécurité sociale était, il y a quelques années, " assez mauvaise ", particulièrement si on les compare aux comptes de l'Etat. Parmi les raisons de cette situation, il a souligné que la sécurité sociale devait agréger des comptes établis par de multiples organismes de droit privé.

Il s'est félicité que la situation ait évolué et que les progrès soient aujourd'hui significatifs : ainsi, chacun des organismes de sécurité sociale établit désormais leurs comptes en droit constaté. Il reste que les comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale et le projet de loi de financement sont encore présentés en encaissement/décaissement.

M. Gabriel Mignot a toutefois observé que, pour la première fois cette année, tant le rapport de la commission des comptes que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportaient une annexe présentée en droit constaté, prélude à la présentation du projet de loi de financement pour 2002 selon cette norme comptable.

Concernant les délais de production des comptes, M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a indiqué que, pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé en septembre de chaque année, il était important de pouvoir disposer des comptes consolidés de l'année précédente dès le mois de juillet de l'année en cours. Il a indiqué que l'ensemble des organismes de sécurité sociale avait adopté les comptes de gestion de l'exercice précédent avant le mois d'avril de l'année en cours, alors que les comptes étaient adoptés auparavant de mai à octobre.

Il a rappelé que la mission interministérielle relative à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Deniel, aujourd'hui décédé, avait demandé qu'un plan comptable général unique soit adopté pour l'ensemble des organismes de sécurité sociale et appliqué à partir de 2002.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a considéré que l'inscription dans la loi de financement d'une " date butoir ", pour l'adoption de ce plan comptable unique, aurait un effet incitatif important pour les administrations compétentes.

Evoquant l'une des questions posées par la commission, concernant l'analyse des écarts entre prévision et réalisation, M. Gabriel Mignot a indiqué que la sixième chambre était bien dans son rôle en s'efforçant de présenter les causes des écarts constatés.

Il a précisé que ces écarts, analysés dans la réponse écrite communiquée à la commission, étaient dus soit à des erreurs de prévisions sur l'évolution d'une donnée macro-économique complexe, telle que la masse salariale, soit d'une mauvaise appréhension des effets d'une mesure.

D'une manière générale, M. Gabriel Mignot a estimé que les moyens de la direction de la sécurité sociale (DSS) consacrés à l'élaboration et à la critique des comptes sociaux n'étaient pas suffisamment importants. Soulignant le contraste avec les moyens dévolus à la direction du budget, il a estimé souhaitable un rattrapage du déséquilibre tout en admettant que celui-ci prendrait du temps.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, après avoir rappelé que la Cour des Comptes recommandait de distinguer le débat parlementaire annuel, lié aux sujets figurant dans la loi de financement et un autre débat, pluriannuel, permettant une réflexion à moyen terme sur l'ensemble de la politique de santé, a considéré que le débat sur les orientations de la politique de santé devait nécessairement se situer dans un cadre pluriannuel mais il a insisté sur le souhait exprimé par la commission que soit également organisé, au printemps chaque année, un débat portant sur l'exécution de la loi de financement à mi-parcours et sur les orientations des finances sociales.

Il a évoqué la possibilité d'améliorer la rédaction de l'article 45 du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du plan comptable unique et il a rappelé son souhait que le secrétariat général de la commission des comptes de la sécurité sociale dispose de moyens propres plus importants.

Rappelant que la commission des Comptes, qui devait se tenir en mai 2000, avait été repoussée du fait d'un retard dans l'établissement des comptes sociaux, il a estimé que tous les organismes de sécurité sociale devraient être tenus de déposer leurs comptes avant le 31 mars. Il s'est interrogé sur la multiplication des transferts tant en recettes qu'en dépenses entre les différentes branches du régime général et sur la confusion de leurs déficits et de leurs excédents qui lui semblaient porter gravement atteinte au principe de la séparation des branches. Il a souhaité que soit précisée la position de la Cour des Comptes concernant les avantages sociaux des professions de santé et a demandé si la Cour des Comptes envisageait d'étudier le coût de gestion des exonérations de cotisations sociales.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a tout d'abord rappelé que la Cour des Comptes était un organe collectif dont les " positions " ne pouvaient être prises que par délibération collective sur un document écrit.

Il a rappelé que le principe de l'agrégation des comptes des différentes branches de la sécurité sociale avait été posé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale elle-même. Il a souligné que la loi de finances procédait de même à une agrégation de dépenses de nature très différente.

Il a souhaité une amélioration de la présentation des différents comptes qui permettrait d'obtenir une vision consolidée de tous les comptes publics, y compris les comptes des collectivités territoriales et les financements européens.

Il a estimé que, du point de vue de la Cour des Comptes, la loi de financement de la sécurité sociale constituait un important progrès qui avait permis de faire progresser la comptabilité de la sécurité sociale.

Concernant le coût de gestion des exonérations, il a rappelé que les exonérations fiscales ou de cotisations sociales résultaient souvent d'amendements parlementaires. Il a souligné que l'évaluation du coût de gestion des exonérations ne saurait être un motif suffisant pour interdire l'usage de cette technique aux parlementaires ou au Gouvernement. Il a estimé qu'un travail de la Cour des Comptes sur ce thème ne serait véritablement utile que s'il était accompagné d'une véritable volonté de réforme.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a tout d'abord indiqué, s'agissant des délais de production des comptes, qu'il fallait distinguer le moment où les comptes sont déposés par les différents organismes et celui où l'on dispose de comptes consolidés, en rappelant que cette opération était relativement longue en raison précisément de l'absence du plan comptable unique.

Concernant le coût de gestion des exonérations de sécurité sociale, il a estimé qu'il serait utile de présenter à la fois l'impact des dépenses et des non-recettes résultant de ces exonérations. Il a estimé qu'un effort de transparence était souhaitable, mais qu'il serait difficile à conduire.

Concernant la présentation des comptes, il a rappelé qu'il était utile, sur le plan comptable, de disposer à la fois d'un agrégat unique et de comptes de branches, en soulignant que le choix d'affecter une recette à une branche relevait d'une décision politique.

M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a indiqué que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) était un progrès majeur, mais qu'il serait utile que le Parlement puisse mesurer l'effet du changement du périmètre de celui-ci. Il a souhaité que le Parlement dispose d'éléments sur l'évolution de l'ONDAM, à périmètre constant d'une année sur l'autre, ce qui nécessiterait un renforcement des moyens statistiques de la direction de la sécurité sociale.

Il a estimé, par exemple, que l'augmentation de 2 milliards de francs, décidée, au cours de l'été, au titre de la revalorisation de la rémunération des personnels des hôpitaux publics, aurait dû être réintégrée au sein de l'ONDAM prévu pour 2000.

M. Claude Thélot s'est penché sur l'articulation entre la définition d'une politique de santé et le vote de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que l'exemple de la lutte contre le cancer, étudiée par la Cour, avait montré que les politiques de santé publique n'étaient pas définies " avec netteté ". Il a estimé que la déconnexion entre les orientations de santé publique et le débat annuel de la loi de financement était inévitable. Il a considéré que le débat sur la politique de santé devrait être un débat à moyen terme.

S'agissant de la prise en charge par la sécurité sociale des cotisations des personnels de santé, il a relevé que la Cour avait considéré dans son rapport que ces avantages devenaient de plus en plus " invisibles ". Il a estimé que cette prise en charge devrait être comprise dans les honoraires, ce qui aurait pour conséquence de " gonfler " l'ONDAM.

Répondant aux interrogations de M. Charles Descours sur la surestimation, deux années de suite, de l'évolution prévisionnelle des prestations de la branche famille, il a noté que les difficultés d'appréciation étaient causées par les modifications récentes de la politique familiale : mise sous condition de ressources, puis retour à l'universalité des allocations familiales, recul des majorations pour âge, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles ayant un enfant. Il a estimé que la CNAF devait se pencher avec attention sur cette évolution des dépenses de la branche famille. Il a ajouté que le ministère de l'emploi et de la solidarité, à travers la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) devait désormais mener des études poussées.

M. Jean-Louis Lorrain, évoquant le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie (COTSAM), s'est interrogé sur les outils statistiques disponibles pour éclairer les différents acteurs de santé.

M. Claude Huriet a rappelé que le Conseil de surveillance de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), dont il est président, avait souhaité une simplification des 15.000 règles de droit que doivent appliquer les agents de la CNAF. Il a demandé si la Cour disposait d'éléments évaluant le coût de la complexité de ces règles.

Evoquant ces " rapports d'étape " de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), il s'est interrogé sur la pertinence de mesures d'adaptation conjoncturelle prises sur la foi de données imprécises. Citant l'exemple du coût des médicaments anti-cancer, il a considéré que l'impact de ces nouvelles thérapies était contradictoire avec la maîtrise des dépenses médicamenteuses.

M. Claude Thélot, répondant à M. Jean-Louis Lorrain, a rappelé que le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie avait été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a indiqué que le rapport de cet organisme dont il est président, figurait à l'annexe b1 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a observé que ce rapport montrait que des progrès indéniables étaient constatés en matière de statistiques. Il a expliqué que la CNAMTS diffusait désormais des statistiques en date de soins, et non plus en date de remboursement.

Il a considéré que le COTSAM qui s'était fixé deux types d'objectifs, l'un à court terme et le second à deux-trois ans, permettait aux " différents partenaires " (Etat, caisses, professionnels de santé) de " travailler ensemble ". Il a observé qu'il serait dommage que ces travaux soient affectés par des prises de position publiques excessives sur la médiocre qualité des statistiques de l'assurance maladie.

Répondant à M. Claude Huriet, il a observé que la complexité des règles appliquées par la branche famille s'expliquait en raison de dispositions législatives et réglementaires, conçues pour mettre en place le système le plus équitable possible. Citant les aides au logement, il a estimé que les règles les définissant étaient les plus complexes, mais que ces aides étaient en même temps les plus efficaces pour lutter contre la pauvreté.

Il a estimé qu'il était cependant souhaitable de réduire la complexité, en raison de son coût financier et social.

S'agissant des rapports d'étape de la CNAMTS, il a considéré que les décisions devaient prendre en compte l'imprécision des données, mais que cet " halo d'imprécision " ne devait pas non plus devenir un prétexte pour empêcher toute décision.

Il a reconnu que le coût des médicaments anti-cancéreux allait contribuer à la hausse des dépenses de médicaments. Il a rappelé que ces traitements donnaient de meilleurs résultats, ce qui entraînait des économies sur d'autres postes des dépenses de santé.

M. Guy Fischer a demandé si la dernière réforme des aides au logement ne remettait pas en cause une certaine efficacité de ces aides, ainsi que le principe d'égalité.

M. Claude Thélot a répondu par la négative. Il a ajouté qu'il avait voulu simplement mettre en garde contre la " précipitation " qui pourrait présider à certaines demandes radicales de simplification.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur la régionalisation de la politique de santé, à travers la transformation éventuelle des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) en agences régionales de santé (ARS). Elle a demandé si la Cour, qui diffuse ses rapports sur Internet, envisageait de " vulgariser " ses travaux, en rendant davantage accessible, pour les internautes, le contenu de ses observations et recommandations.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a rappelé que la Cour des Comptes des Pays-Bas effectuait une mission d'audit de la Cour des Comptes. Il a précisé que l'exercice était " difficile ", mais " très intéressant ". Il a ajouté que les observations des magistrats hollandais tendaient précisément à faire prendre conscience que les rapports devaient être déclinés sous une version davantage orientée vers le " grand public ". Il a rappelé que M. Claude Thélot, auparavant directeur de l'évaluation et de la prospection du ministère de l'éducation nationale, attachait beaucoup d'importance à cette question.

M. Charles Descours a observé que la complexité croissante des lois de financement ne facilitait pas l'intelligibilité des travaux de la Cour.

Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, a déclaré ne pas avoir " de sentiment " ni " d'opinion " sur la régionalisation de l'assurance maladie. Il a rappelé que la Cour avait décrit les différentes dispositions de l'ordonnance de 1996. Il a observé que les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) n'étaient pas intégrées dans le dispositif des unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), ce qui pouvait apparaître étonnant. A titre personnel, il a douté de la pertinence de définir 25 ONDAM régionaux.

M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a ajouté que le rapport de la Cour montrait que les différents outils étaient mis en place et qu'il était désormais nécessaire de mieux organiser l'action des différents acteurs plutôt que de changer les périmètres.

M. Roland Huguet a demandé si la Cour s'était penchée sur les établissements à double tarification.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a répondu qu'il était possible que la Cour examine cette question, mais que cette dernière nécessitait une coopération étroite avec les chambres régionales des comptes. Il a rappelé que les chambres définissaient, en toute autonomie, leur programme de travail. Il a estimé qu'une demande de la commission des affaires sociales, portant sur le financement de la dépendance, pourrait faciliter un travail commun entre la Cour et les différentes chambres régionales de comptes.

M. Claude Huriet a demandé si la Cour prenait connaissance de la répartition des différentes enveloppes de l'ONDAM.

M. Gabriel Mignot a répondu que ces répartitions faisaient l'objet de commentaires dans le rapport de la Cour. Il a observé que les inégalités régionales dans le domaine de l'accès aux soins posaient un véritable problème pour définir une péréquation équitable.

M Jean Delaneau, président, remerciant les intervenants, s'est félicité du dialogue engagé avec la Cour à l'occasion de cette audition.

B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE (CNAMTS)

Réunie le mardi 17 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 .

M. Jean Delaneau, président , a indiqué à la commission que le conseil d'administration de la CNAMTS avait émis le 26 septembre un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a expliqué que cet avis défavorable avait été adopté par 25 voix pour, 2 abstentions (CGC), la CGT et FO ne participant pas au vote.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que, comme l'an passé, la conjoncture économique avait permis l'annonce de l'équilibre de la sécurité sociale, mais que la branche maladie restait en déficit. Tout en se réjouissant de cette amélioration des comptes, il a expliqué que cet équilibre tenait essentiellement à la bonne santé de l'économie et donc, à la croissance massive des recettes, et non à une maîtrise des dépenses.

M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé ce qu'il était advenu de ces rentrées supplémentaires et à quel service rendu à la population elles avaient été affectées. Il a souligné que nul n'était en mesure de le dire. Rappelant les débats auxquels avait donné lieu l'utilisation possible des recettes fiscales supplémentaires, il s'est dit frappé de que ce débat soit inexistant, et même impossible aujourd'hui, pour les recettes de l'assurance maladie. Le système de soins n'étant pas régulé, celles-ci étaient dépensées avant même d'avoir pu être mesurées. Du fait de l'organisation même du système de soins, la collectivité, et au premier chef la représentation nationale, étaient privées d'un débat pourtant nécessaire pour donner un sens à l'évolution des dépenses de santé.

Evoquant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et la proposition faite par le Gouvernement de fixer l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 693,3 milliards de francs, M. Jean-Marie Spaeth s'est avoué incapable de dire si ce montant était pertinent. Il a ajouté qu'il craignait que tout le monde ne soit dans la même situation que lui.

Il a jugé que si l'augmentation, chaque année, des dépenses de santé dans un pays comme le nôtre n'avait a priori rien d'anormal, l'enjeu du débat parlementaire devait être de pouvoir répondre à plusieurs interrogations : à quel rythme ? pour répondre à quels besoins de la population ? pour servir quelle politique de santé publique ?

M. Jean-Marie Spaeth a souligné qu'entre la première loi de financement de la sécurité sociale, votée à la fin de l'année 1996, avec un ONDAM de 590 milliards de francs, et celle que le Parlement s'apprêtait à examiner, la collectivité avait décidé d'injecter plus de 100 milliards de francs dans le système de soins. Il s'est interrogé sur le bénéfice tiré par la population de cet investissement de 100 milliards de francs, alors même que des besoins mal couverts, par exemple sur les soins dentaires, voire non couverts, subsistaient.

M. Jean-Marie Spaeth a ensuite évoqué le " rebasage " de l'ONDAM, qui consiste à fixer un objectif à partir des dépenses effectives de la branche maladie, et non des dépenses prévues par le Parlement en début d'année. Il a considéré qu'à première vue cette méthode était une simple démarche de bon sens, dès lors que les objectifs de début d'année se révélaient inférieurs aux dépenses réelles. Il est difficile en effet d'ignorer les dépassements constatés et de fixer des objectifs qui s'éloigneraient chaque année davantage de la réalité. Il n'était pas admissible en revanche que l'on remette les pendules à l'heure, chaque année, sans se préoccuper du fonctionnement du mécanisme de la pendule et de ses aiguilles. Pourquoi l'objectif des dépenses serait-il davantage respecté l'an prochain ? Et quel était alors le sens du vote du Parlement ?

M. Jean-Marie Spaeth a jugé qu'il était de plus en plus indispensable que le vote du Parlement soit assorti à la fois de choix de politique de santé, de leurs traductions dans la loi elle-même, et de la définition d'un dispositif de régulation des dépenses qui puisse à la fois être efficace et porteur des évolutions nécessaires du système de soins, tant pour les assurés sociaux que pour les professionnels de santé.

Il a considéré que tel n'était pas le cas, comme on pouvait le craindre, du dispositif instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Dès le débat parlementaire, la CNAMTS, qui pourtant appelle de ses voeux une clarification des rôles de l'assurance maladie et des pouvoirs publics, avait fait part de ses craintes quant au dispositif de régulation des dépenses proposé par le Gouvernement. La CNAMTS s'interrogeait en effet sur les conséquences de ce dispositif sur les relations entre l'assurance maladie et ses partenaires professionnels de santé et, plus largement, sur son efficacité en termes d'évolution et de régulation du système de santé.

S'agissant des relations avec les professions de santé, M. Jean-Marie Spaeth a souligné que l'actualité confirmait les craintes exprimées l'an passé : comment, en effet, construire des relations conventionnelles porteuses de projets de réforme à moyen terme, si les termes de l'équilibre trouvé entre les partenaires peuvent, tous les quatre mois, être remis en cause en raison des obligations économiques qui pèsent sur l'assurance maladie ? Comment des syndicats de professionnels de santé peuvent-ils s'engager sans visibilité ?

M. Jean-Marie Spaeth a rappelé que la CNAMTS avait proposé l'année passée des amendements qui auraient permis de marquer une différence claire et apparente entre les professions qui s'engagent dans la voie conventionnelle et celles qui s'y refusent. Il a estimé que ces questions restaient d'actualité.

Il a jugé nécessaire de redonner des perspectives claires aux professionnels de santé, qui ressentaient aujourd'hui un malaise certain. Il a considéré que la collectivité, si elle apportait des revenus en hausse à ces professionnels, ne leur apportait pas en revanche de réponse claire sur le rôle qu'elle leur assignait, sur leur place, sur la reconnaissance collective de leur fonction.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que les modalités, selon lesquelles le rapport d'équilibre présenté par la CNAMTS en juillet 2000 avait été approuvé par les pouvoirs publics, avaient semblé ouvrir une brèche dans l'entreprise de clarification des rôles entre l'assurance maladie et les pouvoirs publics, en mettant à mal le principe de l'unicité des interlocuteurs des professions de santé libérales.

Il s'est demandé par conséquent dans quelles conditions et avec quels objectifs la CNAMTS pouvait préparer et élaborer avec ses partenaires le rapport d'équilibre qu'elle doit remettre au Parlement et au Gouvernement avant le 15 novembre prochain. Il a rappelé que le conseil d'administration, le 26 septembre dernier, avait exprimé sa désapprobation sur le projet de loi de financement et avait souhaité interpeller le Gouvernement sur la pertinence et l'intérêt des mesures qui devaient être prises le 15 novembre à l'encontre de certaines professions de santé.

M. Jean-Marie Spaeth a en effet expliqué que la CNAMTS et les autres caisses nationales étaient censées proposer à cette occasion des mesures permettant d'assurer le respect de l'objectif des dépenses d'honoraires tel qu'il avait été fixé en début d'année, par déclinaison de l'objectif global voté par le Parlement. Dans le même temps, le Gouvernement, en proposant un objectif rebasé pour 2001, affirmait clairement avoir renoncé au respect des objectifs fixés pour 2000.

M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé quelle devait être, dans ces conditions, l'attitude de la CNAMTS : respecter la loi en vigueur et prendre des mesures qu'aucune profession ne peut comprendre ni admettre ? Ou anticiper sur une loi qui ne sera pas encore adoptée ? Il a considéré pour sa part que les pouvoirs publics avaient dispensé de fait la CNAMTS de l'obligation de résultat économique que la loi de financement pour 2000 lui confiait.

S'agissant de la contribution sociale généralisée (CSG), M. Jean-Marie Spaeth a fait part de sa totale désapprobation quant aux abattements institués par le projet de loi. Il a expliqué que la CSG, qui s'appliquait jusqu'à maintenant à l'ensemble des revenus, matérialisait l'universalité de la sécurité sociale. Ce mode de financement consacrait cette universalité, en étendant l'assiette du financement de l'assurance maladie au-delà des seuls revenus du travail et donnait corps au principe fondamental de l'assurance maladie : chacun paie selon ses revenus, et reçoit selon ses besoins.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'en choisissant d'exonérer totalement une partie de la population, le Gouvernement remettait en cause ce principe. Il a estimé que revaloriser les revenus des populations les moins favorisées était un enjeu réel, mais qu'il existait d'autres solutions pour y répondre qui ne mettent pas à mal cet élément de citoyenneté qu'il avait fallu tant d'années pour bâtir.

M. Jean Delaneau, président, a constaté le caractère insatisfaisant de l'évolution des lois de financement de la sécurité sociale depuis 1997 et s'est interrogé sur le sort des déficits cumulés de l'assurance maladie en 1999 et 2000.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a constaté que M. Jean-Marie Spaeth avait en partie répondu, par avance, à deux questions qu'il entendait lui poser : l'une portant sur le bilan que dressait la CNAMTS de la gestion déléguée d'une partie de l'enveloppe " soins de ville ", l'autre sur la signification que pouvait désormais revêtir le rapport d'équilibre du 15 novembre dans la mesure où le Gouvernement avait décidé de " rebaser " l'ONDAM 2001.

Il a souligné que les conseils d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) avaient tous émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et qu'il ne s'était trouvé qu'une seule personne, au sein de ces quatre conseils d'administration, pour approuver ce texte.

Il a estimé que la décision de procéder à un abattement de CSG sur les bas salaires avait été inspirée par le ministère de l'économie et des finances, contre l'avis du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il s'est inquiété de voir ainsi disparaître le principe de l'universalité de la CSG et a exprimé sa crainte de voir se multiplier à l'avenir les exonérations de CSG.

Constatant, d'une part, que le Parlement avait voté depuis 1996 une augmentation de 50 milliards de francs de l'ONDAM et que les dépenses réelles avaient progressé parallèlement de 100 milliards de francs, d'autre part, que le Gouvernement s'apprêtait à " rebaser " l'ONDAM pour la deuxième année consécutive, M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que la volonté du Parlement était bafouée et a appelé de ses voeux le vote en cours d'année d'une loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Estimant que le dispositif de régulation des dépenses de soins de ville institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne pouvait pas fonctionner et avait échoué de manière assez prévisible, il a déclaré qu'il proposerait au Sénat de supprimer ce système qui mettait fin à toute politique conventionnelle.

M. Charles Descours, rapporteur, a enfin souhaité connaître le sentiment de la CNAMTS sur l'article 31 du projet de loi, relatif aux procédures de règlement des litiges entre les caisses et les professionnels de santé.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il avait toujours été favorable à ce que le Parlement retrouve ses prérogatives en matière de sécurité sociale. Il a jugé nécessaire de sortir de l'implicite pour exprimer des choix explicites déterminant les biens et services qui avaient vocation à être couverts par la sécurité sociale.

Il a considéré que le système des " lettres-clés flottantes " n'était pas satisfaisant et ne pouvait constituer un mécanisme de régulation permanent. Il a jugé qu'en refusant d'approuver certaines des mesures proposées par la CNAMTS en juillet 2000, dans le cadre des prérogatives qui lui ont été accordées par la loi, le Gouvernement n'avait pas respecté le texte de la loi, lequel l'autorisait à rejeter le plan proposé par la CNAMTS mais ne lui permettait pas de choisir parmi les mesures proposées. Il a confirmé que la CNAMTS avait formé un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision du Gouvernement.

S'agissant de l'article 31 du projet de loi, M. Jean-Marie Spaeth a précisé que la CNAMTS ne pouvait que se féliciter de l'intention du Gouvernement de restaurer la capacité juridique de caisses à pouvoir prendre des mesures à l'issue des contrôles des professionnels de santé qu'elles mènent. Cette capacité avait été progressivement réduite à néant, au fur et à mesure des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat et de la paralysie des instances compétentes. M. Jean-Marie Spaeth s'est cependant interrogé sur le dispositif prévu, qui n'avait, à sa connaissance, fait l'objet d'aucune concertation, ni avec les caisses, ni avec les professionnels.

M. Claude Huriet a souligné le coût élevé des traitements anticancéreux et s'est interrogé sur la façon dont on pouvait tenir compte de cet élément dans la progression des dépenses. Il s'est interrogé sur la fiabilité des données fournies par la CNAMTS, sur lesquelles reposait le rapport d'équilibre publié tous les quatre mois. Il s'est demandé si la séparation des enveloppes entre soins de ville et hôpital était pertinente et si le système actuel pouvait être simplement " replâtré " ou devait être profondément réformé.

M. Bernard Cazeau a souhaité connaître la répartition entre les différents postes de dépenses de l'augmentation de 100 milliards de francs de l'ONDAM intervenue depuis 1996. Il a considéré que la forte croissance des dépenses d'assurance maladie provenait probablement d'une forte demande liée à la croissance économique et des progrès thérapeutiques qui entraînaient une augmentation des coûts. Il s'est interrogé sur la part de ces deux facteurs dans l'augmentation de l'ONDAM.

M. Guy Fischer s'est dit inquiet de la détérioration des relations entre les caisses et les professionnels de santé. Après s'être interrogé sur les modalités du passage des hôpitaux aux 35 heures, il a jugé que l'on sentait se manifester des attentes et des mécontentements chez les professionnels de santé.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il communiquerait ultérieurement à la commission la ventilation par poste de dépenses de l'augmentation de l'ONDAM depuis 1996. Après avoir considéré qu'une croissance forte pouvait vraisemblablement entraîner une augmentation de la demande de soins, il a souligné qu'une diminution de la croissance devrait a contrario induire une diminution des besoins, ce qui était rarement le cas. Il a estimé qu'il était légitime que les citoyens sachent à quels besoins et à quels droits correspondait le prélèvement qu'on leur imposait.

M. Jean-Marie Spaeth a jugé indispensable de définir des critères de prise en charge et s'est interrogé, à titre d'exemple, sur le caractère prioritaire, pour la collectivité, du remboursement des cures thermales. Il a jugé que l'accès aux soins était aujourd'hui profondément inégalitaire, avec des files d'attente pour certaines interventions chirurgicales, et que le système profitait avant tout à ceux qui en connaissaient les rouages. Il a souligné qu'il n'appartenait pas aux caisses de définir les priorités de santé publique de la collectivité.

Evoquant le médicament, M. Jean-Marie Spaeth a souhaité que l'on définisse des règles claires en matière de remboursement, qui mettent fin aux critères arbitraires aujourd'hui en vigueur. Il a regretté que l'on continue à rembourser des médicaments dont le service médical rendu s'avérait insuffisant. Il a cité à cet égard l'exemple des veinotoniques qui n'étaient vendus qu'en France et dans certains pays d'Afrique noire. Il a rappelé que notre pays se caractérisait par une consommation particulièrement élevée de médicaments, ce qui n'était pas nécessairement une bonne chose.

M. Claude Huriet a considéré que le médicament constituait l'exemple type de l'échec des politiques visant à freiner la croissance de la consommation par l'augmentation des prix.

M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que la CNAMTS soumettrait au Parlement une proposition d'amendement permettant aux médecins de prescrire des molécules, et non plus uniquement des spécialités. Il a souhaité l'institution d'un prix de référence pour les médicaments les plus courants.

Abordant les relations avec les professionnels de santé, M. Jean-Marie Spaeth a évoqué l'exemple du plan de soins infirmiers (PSI) qui permettrait de recentrer l'activité de ces professionnels sur le coeur de leur métier. S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes, il a souligné que ceux-ci s'étaient engagés à respecter un certain volume d'actes et qu'il n'était pas étonnant, par conséquent, qu'ils soient sanctionnés s'ils ne respectaient pas cet engagement.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré que l'Etat ne jouait pas suffisamment son rôle, qui consistait avant tout à donner un contenu médical aux dépenses de santé et à définir des priorités, élément indispensable à la préservation d'un système fondé sur la solidarité. Il a considéré que les professionnels de santé avaient aujourd'hui conscience de la nécessité d'une rénovation de leurs statuts.

M. Charles Descours, rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, s'est dit favorable à l'organisation d'un véritable débat sur les orientations de santé publique.

S'agissant de la fiabilité des données fournies par la CNAMTS, M. Jean-Marie Spaeth a expliqué que les dépenses d'assurance maladie étaient toujours calculées en encaissements-décaissements. Cette méthode avait conduit, en raison de la régularisation d'arriérés au début de l'année 2000, à sous-estimer les dépenses de la branche en 1999 et à les surestimer en 2000.

M. Jean-Marie Spaeth a précisé que la CNAMTS n'avait pas appliqué strictement la loi, dans la mesure où elle s'était uniquement fondée, pour proposer des mesures correctrices, sur les dépenses réellement prescrites en 2000, et non sur les dépenses effectives enregistrées. Répondant aux interrogations de certains syndicats médicaux quant à la fiabilité des statistiques de la CNAMTS, il a expliqué que les données sur lesquelles s'appuyait la caisse résultaient de l'agrégation des chiffres d'honoraires des médecins à l'attention du fisc, qui n'étaient pas contestés par les intéressés.

M. Jean-Marie Spaeth a reconnu que l'on pouvait certes observer des mécanismes de transfert entre les différentes enveloppes et que la CNAMTS menait actuellement des études pour déterminer quel était véritablement l'impact de ce phénomène. Il a jugé à cet égard qu'il conviendrait probablement de mettre en place une certaine fongibilité des enveloppes, par exemple au niveau régional.

Après avoir fait part de sa préoccupation quant à la nécessité de garantir un accès de tous aux soins, M. Dominique Leclerc s'est dit inquiet des phénomènes de pénurie de chirurgiens spécialisés qui commençaient à se manifester dans certaines zones géographiques. Il s'est interrogé sur la volonté réelle des caisses locales de sanctionner les fraudeurs. Il a considéré que la politique d'encouragement du médicament générique constituait un travail de longue haleine, souvent difficile pour les pharmaciens, et qu'il convenait par conséquent de réfléchir à une éventuelle obligation pour les médecins de prescrire des génériques.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que les caisses locales avaient les moyens de constater les fraudes et les abus, mais qu'elles manquaient d'outils juridiques pour poursuivre et sanctionner les contrevenants.

C. AUDITION DE M. MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE SANTÉ

Réunie le mercredi 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu M. Marc Brodin , président de la Conférence nationale de santé .

M. Marc Brodin , président de la Conférence nationale de santé, a tout d'abord présenté les trois membres du Bureau de la Conférence nationale de santé (CNS) qui l'accompagnaient : MM. Louis Serfaty et Francis Peigne, appartenant au collège des représentants des institutions et établissements publics et privés de santé, M. Michel Pinson, représentant la région de Bretagne .

Puis il a indiqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 avait été construite sur deux orientations majeures : d'une part, capitaliser les acquis des dix priorités définies en 1996, des conférences régionales et des programmes régionaux de santé et, d'autre part, tracer des lignes pour des travaux futurs sur plusieurs années. Il a précisé que la Conférence nationale de santé s'était attachée à réexaminer les dix priorités formulées par la première conférence et à mettre en exergue celles qui n'avaient pas été suffisamment prises en compte, telles que la relation entre nutrition et état de santé et la prévention des accidents.

S'agissant de la prévention, M. Marc Brodin a souligné que les Français disposaient, à l'âge de 65 ans, de la meilleure espérance de vie d'Europe et, jusqu'à cet âge, de la plus mauvaise en raison de la part importante de décès prématurés provoqués par des accidents.

Il a indiqué que la Conférence nationale de santé s'était, depuis sa création, attachée à l'étude d'un certain nombre de thèmes : les inégalités de santé intra et interrégionales, le vieillissement et la prise en charge de la dépendance, la santé mentale et les phénomènes addictifs... Il a ajouté que les priorités qui n'avaient pas pu être abordées par la conférence avaient souvent été néanmoins prises en compte par les pouvoirs publics, comme en témoignait l'institution de la couverture maladie universelle.

Il a expliqué que la Conférence nationale de santé de mars 2000 s'était saisie de nouveaux sujets qui allaient être étudiés pendant plusieurs années, tels que la prise en charge des maladies chroniques, qui soulevait la délicate question du panier de soins. La Conférence nationale de santé avait également étudié le thème de la prévention et mis l'accent sur l'éducation sanitaire, la prévention en direction des personnes malades, le dépistage et les enjeux éthiques que ces questions soulevaient. Elle avait également abordé la question de la vie régionale et de l'éventuelle institution d'une autorité régionale en matière de santé.

M. Charles Descours, rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, a demandé à M. Marc Brodin s'il pensait que le rapport de la Conférence nationale de santé avait eu une quelconque influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a regretté qu'il n'y ait aucune prise en compte des problématiques de santé pour le calcul de l'ONDAM.

Il a cité le rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 de la Cour des comptes selon lequel la Conférence nationale de santé négligeait " de facto la dimension financière de ses attributions - alors qu'elle a explicitement pour mission de proposer des orientations pour la prise en charge des soins " et qu'elle " s'était cantonnée à une mission d'expertise, terrain sur lequel sa contribution n'apporte qu'une faible valeur ajoutée par rapport aux travaux du Haut comité (de la santé publique) ". Il a souhaité connaître les commentaires de la Conférence nationale de santé sur cette analyse a priori sévère.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que la Cour des comptes considérait également que la Conférence nationale de santé n'était pas " parvenue à nouer de réelles relations avec les conférences régionales de santé ". Il a souhaité connaître l'analyse de la Conférence nationale de santé sur ce point.

Après avoir considéré que les travaux de la Conférence nationale de santé étaient excellents, M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que le problème résidait dans l'utilisation de ces travaux et leur articulation avec la loi de financement de la sécurité sociale.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, M. Marc Brodin a souligné les différences structurelles séparant la Conférence nationale de santé des conférences régionales de santé. Il a rappelé que le président de la Conférence nationale de santé était élu par les membres de cette institution tandis que les conférences régionales de santé étaient pilotées par l'administration et présidées par les préfets ou les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales.

Il a expliqué que les flux d'échanges entre la Conférence nationale de santé et les conférences régionales de santé étaient pour le moment plutôt descendants, dans la mesure où la direction générale de la santé du ministère de l'emploi et de la solidarité donnait des instructions aux conférences régionales de santé pour qu'elles appliquent les travaux de la Conférence nationale de santé. Il a considéré que les travaux des conférences régionales de santé étaient insuffisamment exploités, et s'est dit convaincu de la nécessité de les valoriser. Il a indiqué à cet égard qu'une circulaire avait été envoyée aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales, dès avril 2000, afin de préparer la Conférence nationale de santé de 2001.

Il a jugé que la Conférence nationale de santé pouvait avoir un rôle de médiation et de construction de consensus entre deux cultures aujourd'hui opposées : celle de la CNAMTS reposant sur des notions de coût et d'efficacité et celle de la direction générale de la santé reposant sur la notion de sécurité sanitaire. Il a considéré que les membres de la Conférence nationale de santé, issus d'horizons très divers, avaient aujourd'hui appris à se connaître et à communiquer.

M. Marc Brodin a estimé que les travaux de la Conférence nationale de santé n'avaient pas eu d'impact direct et que certaines recommandations telles que celle relative à la création d'une incitation géographique à l'installation des médecins, n'avaient pas été suivies d'effet. Il a précisé que la Conférence nationale de santé avait toujours procédé par autosaisine et n'avait jamais été sollicitée par le Gouvernement sur un dossier. Il a indiqué que le projet de loi de modernisation du système de santé, actuellement en préparation, prévoyait une coopération formalisée entre le Gouvernement et la Conférence nationale de santé.

S'agissant de l'ONDAM, M. Marc Brodin a souligné que les propositions de la Conférence nationale de santé couvraient un champ plus vaste que celui de l'ONDAM, qui ne portait que sur une partie du système de soins. Evoquant la notion de panier de soins, il a constaté qu'on raisonnait depuis 25 ans de manière marginale en ajoutant des biens et services chaque année, sans jamais procéder à un réexamen d'ensemble du contenu du panier.

M. Charles Descours, rapporteur, a regretté que l'ONDAM ne fasse pas l'objet d'un travail qualitatif et qu'il n'existe aucune articulation entre l'évaluation des besoins de santé et la détermination de cet objectif. Il s'est interrogé sur la façon dont on pourrait, par exemple, prendre en compte dans l'ONDAM les thérapeutiques nouvelles.

M. Marc Brodin a indiqué que la Conférence nationale de santé avait cette année décidé de faire travailler les représentants des établissements de santé sur l'utilisation de l'ONDAM.

M. Francis Peigné a constaté que la dimension financière n'avait pas été prise en compte dans les travaux de la Conférence nationale de santé, lesquels n'avaient eu aucune influence sur la détermination de l'ONDAM. Il a expliqué que la Conférence nationale de santé était d'abord un lieu de rencontres entre médecins libéraux, représentants des établissements de santé et syndicats de salariés.

Précisant que la Conférence nationale de santé s'était efforcée de se rapprocher des conférences régionales de santé, il a néanmoins reconnu que les relations entre ces entités étaient encore insuffisantes. Il a jugé que la Conférence nationale de santé n'était pas là pour donner des directives aux conférences régionales de santé et qu'elle n'avait pas assez tenu compte de leurs contributions.

M. Francis Peigné a rappelé brièvement l'historique de la Conférence nationale de santé. Il a souligné que le rôle de cette instance avait évolué en fonction de la personnalité de ses présidents successifs. Il a indiqué que le premier président de la conférence, M. Joël Ménard, avait souhaité faire de cette instance un lieu d'expertise : on avait alors défini dix priorités sans tenir compte de la dimension financière. Lors des deux premières années, le rapport de la Conférence nationale de santé n'avait été qu'un " super rapport " du Haut comité de la santé publique, sans réelle valeur ajoutée. Sous l'influence de M. François de Paillerets, deuxième président, la Conférence nationale de santé avait commencé à travailler sur l'organisation sanitaire et le panier de soins, de façon à pouvoir fournir des éléments pour le débat parlementaire.

M. Louis Serfaty a considéré que la Conférence nationale de santé n'avait pas les moyens d'éclairer ou d'influencer l'ONDAM. Il a estimé qu'il revenait à la Conférence nationale de santé de définir son rôle et a jugé nécessaire qu'elle alerte le Parlement sur ce que devrait être demain une véritable politique de santé et sur ce qu'étaient les besoins de santé.

M. Michel Pinson a constaté que la Conférence nationale de santé donnait la part belle aux institutions et aux organisations représentatives. Il a expliqué que les représentants des régions n'étaient pas mandatés par les conférences régionales de santé, lesquelles n'avaient pas su s'organiser pour faire remonter les résultats de leurs travaux. Il a jugé nécessaire de mettre en place des politiques plus affirmées au niveau régional. Il a souligné que les priorités de santé définies par les conférences régionales de santé avaient eu un impact important sur les programmes régionaux de santé. Il a jugé sévère le diagnostic porté par la Cour des comptes sur l'activité de la Conférence nationale de santé.

Après avoir comparé la Conférence nationale de santé à un " Parlement de la santé ", M. Lucien Neuwirth s'est interrogé sur l'existence d'un exécutif de la santé. Il a regretté que notre pays n'ait pas de politique globale de la santé et a considéré que cette carence provenait de l'absence d'un véritable ministère de la santé.

Evoquant les inégalités entre régions, M. Francis Giraud a souhaité savoir si la Conférence nationale de santé avait pu mesurer d'éventuels progrès dans la correction de ces inégalités. Il a considéré que la démographie médicale présentait des évolutions inquiétantes, dans la mesure où certaines spécialités apparaissaient durablement sinistrées.

M. Claude Huriet a jugé qu'il n'était pas possible d'avoir une politique nationale de santé mais des politiques de santé thématiques. Il a considéré que les conférences régionales de santé avaient bien du mérite de continuer à fonctionner dans la mesure où il n'existait pas de politique régionale de santé. Il s'est interrogé sur l'utilité de la multitude d'organismes travaillant sur les problématiques de santé et sur la pertinence d'une réunion annuelle de la Conférence nationale de santé. Evoquant les cancers recto-coliques, il a demandé si la Conférence nationale de santé avait les moyens de suivre les effets de ses recommandations.

M. Jean Chérioux a considéré qu'il convenait que la Conférence nationale de santé définisse les priorités possibles dans le cadre de l'ONDAM.

M. Guy Fischer a considéré que la définition du panier de soins était au coeur du débat. Il a exprimé sa crainte que le souci de rentabilité et d'efficacité ne fasse perdre de vue les enjeux de santé publique.

Evoquant les textes en cours d'examen au Parlement relatifs à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse, M. Jean-Louis Lorrain a regretté que l'on oublie trop souvent la dimension santé dans les problèmes de société.

M. Marcel Lesbros s'est inquiété du problème de l'avenir des médecins étrangers qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux.

Evoquant les nouvelles formes de pathologies, M. Louis Souvet s'est interrogé sur les moyens de les prévenir, plutôt que de les guérir.

En réponse aux différents intervenants, M. Marc Brodin a fait valoir que la Conférence nationale de santé disposait de très peu de moyens matériels avec, en tout et pour tout, une attachée principale d'administration et une dotation de 300.000 francs pour l'organisation de la conférence annuelle. Il a souligné que le fonctionnement du Haut comité de santé publique reposait également sur le bénévolat.

Il a indiqué que la Conférence nationale de santé avait souhaité travailler dorénavant avec un éventail d'interlocuteurs plus vaste que le seul Haut comité de la santé publique. Il a expliqué que certains dossiers seraient préparés par exemple par le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) pour la conférence de l'année 2001. Il a reconnu que cela revenait en réalité à travailler grâce aux moyens d'autres structures.

M. Marc Brodin a indiqué que l'on observait parallèlement une réduction dans les inégalités relatives à l'accès aux soins et une augmentation des inégalités en matière d'état de santé des populations. S'agissant des cancers recto-coliques, il a précisé que les recommandations de la Conférence nationale de santé étaient désormais inscrites dans les orientations de la direction générale de la santé.

Il a considéré que le rôle de la Conférence nationale de santé devait être aussi de réfléchir aux évolutions qui voyaient progressivement le marché, l'individu et le droit entrer dans le domaine de la santé. Il a regretté que l'on confonde trop souvent dans notre pays santé et soins, prévention et soins. S'agissant de la démographie médicale, il a souligné que ce n'était pas une question de quantité, mais de qualité.

S'agissant de la périodicité des réunions de la Conférence, M. Francis Peigné a fait observer qu'il fallait généralement plusieurs années pour élaborer un rapport sérieux. Il a jugé qu'une réunion de la Conférence nationale de santé tous les deux ans serait suffisante si on l'accompagnait d'une communication annuelle de l'état d'avancement des travaux de la Conférence. Il a considéré que la Conférence nationale de santé devait être un creuset d'élaboration des politiques de santé.

M. Louis Serfaty s'est félicité de ce que l'on ne parle plus seulement de maîtrise des dépenses, mais aussi de la façon dont on allait soigner les Français.

D. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Réunie le mercredi 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président du Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) .

M. Bernard Caron a tout d'abord observé que les recettes de la sécurité sociale représentaient désormais 1.970 milliards de francs, soit un montant supérieur à celles de l'Etat. Il a ajouté que leur complexité croissait encore plus vite que leur volume. Il a estimé que les " croisements " entre loi de finances et loi de financement finissaient par rendre la lecture des comptes sociaux " particulièrement opaque ". Il a rappelé, en outre, que le champ des objectifs de dépenses et celui des prévisions de recettes votés par le Parlement ne coïncidaient pas. Evoquant le taux d'évolution des recettes affectées à la sécurité sociale (5,7 %), il a considéré que le discours sur la baisse des prélèvements obligatoires apparaissait en conséquence " douteux ".

M. Bernard Caron a estimé que les dépenses de la sécurité sociale avaient une tendance naturelle à la hausse et constaté que si cette évolution se poursuivait, l'intégralité du produit intérieur brut ne suffirait pas à couvrir ces dépenses. Aussi a-t-il plaidé pour la nécessité de " rendre des arbitrages ". Il a considéré que la France était arrivée à la limite de " l'exercice consistant à chercher l'intérêt général sans toucher à un seul intérêt particulier ".

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître la teneur de l'avis du conseil d'administration de l'ACOSS sur l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il s'est interrogé sur la manière dont l'ACOSS avait été associée à l'élaboration du dispositif du projet de loi créant un mécanisme de " ristourne dégressive " de la CSG sur les revenus d'activité. Il a souhaité connaître le chiffrage de cette mesure, ainsi que les conséquences de cette mesure sur les entreprises. Il s'est interrogé également sur le financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) et sur la manière dont étaient traités les déficits cumulés de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Bernard Caron a indiqué que le vote du conseil d'administration de l'ACOSS avait été très majoritairement négatif, comme dans les autres branches du régime général. Il a rappelé qu'une délégation syndicale ne prenait pas part traditionnellement au " vote " (Force ouvrière - FO) tandis qu'une délégation syndicale s'était abstenue (Confédération générale du travail - CGT). Il a estimé que la complexité croissante et le changement de logique du financement de la sécurité sociale étaient le dénominateur commun des opinions négatives. Rappelant que les réformes législatives récentes en matière de sécurité sociale avaient visé à séparer les branches de la sécurité sociale, il a considéré que les " opérations de tuyauterie ", modifiant de manière permanente les affectations de recettes et de dépenses, aboutissaient à un " immense bazar " et ne permettaient pas d'effectuer des comparaisons pertinentes d'une année sur l'autre. Il a considéré que le conseil d'administration de l'ACOSS n'arrivait plus à distinguer la finalité des prélèvements affectés aux différentes branches de la sécurité sociale.

M. Bernard Caron a précisé que l'ACOSS n'avait été associée en aucune façon à l'élaboration du mécanisme de ristourne dégressive de la contribution sociale généralisée (CSG). Rappelant que cette imposition avait pour objectif de créer un prélèvement universel et à la source sur tous les revenus, il a considéré que la démarche visant à instaurer une réduction sur la CSG sur les revenus d'activité des personnes à " faibles revenus " tendait à réinventer un impôt progressif sur le revenu. Il a estimé qu'il était de plus en plus difficile d'expliquer aux citoyens la finalité des prélèvements et que cette évolution mettait en cause le débat démocratique.

S'agissant des difficultés d'application de la " ristourne dégressive ", il a observé que l'ACOSS appliquerait scrupuleusement la loi votée et tenterait de " faire face ". Il a indiqué que les moyens informatiques de l'ACOSS étaient en perpétuel chantier et que les investissements informatiques de la branche du recouvrement s'élevaient déjà à 200 millions de francs pour permettre le passage du système national de production sur le système d'exploitation Unix. Il a considéré que le bulletin de paie devenait de plus en plus illisible et que le mécanisme de ristourne dégressive créerait une ligne supplémentaire sur le bulletin de paie, dont le fondement et le calcul seraient incompréhensibles pour le salarié. Il a indiqué que la branche du recouvrement essaierait d'expliquer l'application de la mesure aux entreprises et que celles-ci devraient modifier de manière considérable leurs logiciels de paie, " faisant la fortune des producteurs de ces logiciels ". Il a considéré que cette mesure renforcerait l'insécurité juridique des entreprises et que, dans le cas d'un redressement social portant sur les trois années précédentes, cette insécurité juridique pourrait remettre en cause la survie même des entreprises redressées. Il a estimé que la branche du recouvrement arriverait probablement à s'adapter, mais que des questions très importantes restaient en suspens. Il a rappelé que la prise en compte des revenus globaux, dans le cadre des pluriactifs, était très difficile. Il a considéré que l'ACOSS était pour le moment incapable de préciser comment la mesure serait applicable aux personnes payées par le mode du chèque emploi-service. Il a observé en outre qu'un des effets pervers de la mesure serait de désinciter à la majoration des salaires. Il a enfin constaté que cette mesure, décidée sans concertation technique, était applicable dès le 1 er janvier 2001.

Concernant le chiffrage de la mesure, il a confirmé qu'elle était estimée initialement à 7 milliards de francs en 2001, 16 milliards de francs en 2002 et 25 milliards de francs en 2003.

M. Bernard Caron a indiqué que les dépenses prises en charge par le FOREC devraient atteindre 67 milliards de francs en 2000 et 85 milliards de francs en 2001. Il a estimé que le financement de la réduction du temps de travail n'était pas assuré. Rappelant que les branches de la sécurité sociale devaient à l'origine financer les trente-cinq heures par des contributions, il a considéré que le Gouvernement avait " réinventé " un autre type de contributions, " moins visibles ", par des réaffectations de recettes. Il a ajouté que le résultat était " calamiteux " et qu'il n'y avait aucune logique à financer le FOREC par les droits sur les alcools et les droits sur les tabacs. Il a rappelé que le principe d'un équilibre branche par branche était la première des conditions pour assurer une véritable politique de redressement des comptes sociaux.

Concernant l'exonération de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), non compensée pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), il a rappelé que cette caisse avait été créée pour " faire payer aux générations futures les insuffisances des générations passées ". Il a considéré que si cette Caisse était en avance sur son plan de remboursement, le plus simple aurait été de diminuer sa durée de vie, et non de diminuer le produit du prélèvement qui lui est affecté.

Estimant que la pérennité des régimes de sécurité sociale, " appartenant au patrimoine français ", était une nécessité absolue, il a considéré qu'il fallait éviter de prélever toujours davantage sur les actifs. Il a observé que la construction européenne et la mondialisation rendaient nécessaire une comparaison des différents systèmes de protection sociale, afin d'éviter une fuite des capitaux et des actifs les plus qualifiés, " épouvantail " qui pourrait finir par se concrétiser.

Répondant à la question de M. Charles Descours sur les déficits de la CNAMTS, il a indiqué que ces déficits étaient " escamotés " et que le régime général était revenu à une situation où les branches excédentaires permettaient de financer les pertes des branches déficitaires.

M. Jean Delaneau, président, a observé que chaque caisse du régime général devait normalement bénéficier de produits financiers ou supporter des frais financiers en conséquence de ses excédents ou de ses déficits.

M. Bernard Caron a indiqué que les déficits de la CNAMTS n'avaient pas de conséquence réelle. Il a constaté que le dépassement de l'ONDAM n'était assorti d'aucune sanction, en raison du " rebasage " consistant à anticiper le dépassement de l'année en cours dans la prévision de l'année suivante. Il a observé qu'il n'y avait pas de mécanisme de régulation des dépenses. Il a estimé que " les dérapages ne cesseraient pas tout seuls " et qu'il fallait " cesser de dire qu'ils allaient s'arrêter tout seuls ".

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que, pour cette raison mais également suite à la mise en oeuvre d'une " nouvelle étape " pour la politique hospitalière et au refus de la conformité, à la Constitution, par le Conseil constitutionnel de la taxation des heures supplémentaires, la commission des affaires sociales avait demandé la discussion d'une loi de financement rectificative.

M. Marcel Lesbros a évoqué Mme Nicole Questiaux, qui, dans ses cours professés à l'Institut d'études politiques de Grenoble, indiquait que la notion de déficit de la sécurité sociale était contestable et qu'il fallait parler d'un simple " besoin de financement ". Il a estimé qu'il était nécessaire de tenir compte des besoins de santé.

M. Charles Descours a rappelé l'évolution des dépenses d'assurance maladie depuis 1996 et s'est interrogé sur les réels " progrès " en matière de satisfaction des besoins de santé.

M. Francis Giraud a considéré que si l'aspect financier n'était pas unique, les sommes injectées dans le financement de l'assurance maladie pourraient certainement mieux être employées.

M. Bernard Caron a considéré que les besoins de santé étaient " incommensurables ", de même que ceux liés à la dépendance, et qu'il était désormais nécessaire de rendre des arbitrages.

M. Jean-Louis Lorrain a indiqué qu'il participait aux travaux du Conseil de transparence des statistiques de l'assurance maladie, présidé par M. Claude Thélot. Il a observé qu'il était très difficile de développer des outils d'analyse convaincants. Il a regretté qu'une approche exclusivement comptable ne permette pas d'associer les professionnels de santé. Il s'est déclaré partisan d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé, permettant de transformer les professionnels en " acteurs " du système.

M. Bernard Caron a rappelé qu'il était également membre du conseil d'administration de la CNAMTS. Il a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement de la responsabilité des médecins, mais d'une responsabilité politique. Il a évoqué trois questions, montrant que peu de progrès avaient été enregistrés depuis plusieurs années : l'allocation des ressources (certaines régions ayant des dépenses de santé infiniment supérieures à d'autres régions), l'accréditation (les travaux de l'ANAES n'ayant pas avancé) et la tarification par pathologie, restant au stade des balbutiements. Il a estimé que d'autres pays, comparables à la France, affichaient de meilleurs résultats. Il a ajouté que l'objectif n'était pas de " moins soigner ", mais au contraire de " mieux soigner ", à travers une optimisation des ressources.

M. Bernard Cazeau a dénoncé une vision excessivement technocratique de la maîtrise des dépenses de santé. Il a considéré qu'il n'était pas recevable de rejeter sur les " politiques " la responsabilité d'un éventuel échec du système d'assurance maladie. Il a indiqué que les organismes de sécurité sociale disposaient de pouvoirs de contrôle. Il a appelé à un dialogue positif avec l'ensemble des organisations professionnelles.

M. Bernard Caron a répondu qu'il n'entendait pas mettre en cause la responsabilité des " politiques ", mais qu'il appartenait à la collectivité, à travers des choix " politiques au sens noble ", de décider d'affecter des ressources à des besoins. Il a indiqué que la CNAMTS ne disposait d'aucune marge de manoeuvre concernant ses recettes et ses dépenses, à part celles de sa gestion administrative. Il a expliqué que certaines erreurs avaient été faites, comme de ne pas rendre obligatoire le système SESAM-VITALE.

M. Bernard Cazeau a demandé à M. Bernard Caron s'il rencontrait des professionnels de santé et s'il leur tenait le même discours.

M. Bernard Caron a répondu qu'il intervenait fréquemment dans des réunions organisées par les professionnels de santé et qu'il tenait le même discours. Il a indiqué que le mécanisme même de l'assurance maladie n'incitait pas en France à la rationalité. Il a considéré que les professionnels de santé étaient certes des " professions libérales ", mais dont le chiffre d'affaires était assuré par la collectivité. Il a estimé que leurs prestations devaient relever en conséquence d'un cahier des charges.

E. AUDITION DE M. FRANÇOIS MONIER, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Réunie le mercredi 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale .

M. François Monier a indiqué qu'il était secrétaire général de la commission des comptes depuis 1999. Il a rappelé que la commission des comptes examinait deux rapports par an, le premier au mois de mai, concernant le seul régime général, et le second au mois de septembre, concernant l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale. Il a précisé que le dernier rapport, présenté lors de la réunion du 21 septembre 2000, était relatif aux comptes définitifs de l'année n-1 (1999), aux comptes prévisionnels de l'année n (2000) et aux comptes " tendanciels " de l'année n+1 (2001). Il a ajouté que ces comptes étaient appelés " tendanciels " parce qu'ils n'incluaient pas, par construction, les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a estimé toutefois que ces comptes " tendanciels " n'étaient pas tout à fait " spontanés ", puisque la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) -de 3,5 % sur les dépenses prévues pour 2001- retenait l'objectif figurant dans le projet de loi.

M. François Monier a précisé que la réforme dite des " droits constatés ", introduite dans le régime général en 1996 et dans les autres régimes en 1997, franchissait cette année un nouveau cap, puisque les comptes de la sécurité sociale étaient pour la première fois présentés également selon ce mode de comptabilisation, et non plus seulement en " encaissements-décaissements ", conformément à l'engagement pris par Mme Martine Aubry, alors ministre de l'emploi de la solidarité, lors de la discussion devant le Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Le rapport et les annexes des projets de loi de financement resteront toutefois en encaissements-décaissements jusqu'en 2002.

Il a fait part d'une seconde innovation, relative aux statistiques d'assurance maladie : la CNAMTS présente désormais des " statistiques en dates de soins ", et non plus des " statistiques de remboursement ", ce qui est très utile pour analyser les dépenses d'assurance maladie.

M. François Monier a également précisé qu'il avait essayé d'orienter davantage le rapport, par l'intermédiaire d'un " petit chapitre ", vers une analyse de la situation de l'ensemble des régimes, alors que le rapport était traditionnellement centré sur les comptes du seul régime général. Rappelant que l'homogénéisation des pratiques comptables n'était pas encore assuré, en raison de l'inexistence d'un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale, il a estimé cependant qu'il était de plus en plus nécessaire de présenter des comptes agrégés. Il a constaté que les contraintes du calendrier, lors de la réunion de septembre, mettaient les rédacteurs du rapport " à rude épreuve " et limitaient ainsi les " innovations ". Il a ainsi indiqué que des arbitrages ministériels avaient été rendus dans les deux jours qui précédaient la réunion de la commission des comptes.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les questions du mode de comptabilisation et du plan comptable unique étaient très importantes. Evoquant les propos tenus par M. Jean-Marie Spaeth lors de son audition du mardi 17 octobre 2000, il a rappelé que les médecins contestaient souvent les chiffres de la CNAMTS. Il a observé que la commission des affaires sociales avait appelé depuis de nombreuses années à un renforcement des moyens de la direction de la sécurité sociale, chargée de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de mai était également préparée en urgence, comme le montrait le report de date qui avait été décidé au printemps dernier, imputable selon certains à la direction de la sécurité sociale et pour d'autres aux régimes sociaux.

Puis M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons de l'absence, dans le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale, des comptes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), alors que l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale fait notamment obligation à la commission de prendre connaissance d'un " bilan relatif aux relations financières entretenues par le régime général de la sécurité sociale avec l'Etat et tous autres institutions ou organismes ". Citant l'avant propos du rapport de septembre 2000, rédigé par le secrétaire général de la commission des comptes, selon lequel " la modification des règles d'affectation des recettes ", effectuée par le Gouvernement, " faisait perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général ", il s'est interrogé, en conséquence, sur la pertinence du maintien d'une commission des comptes de la sécurité sociale. Il a demandé pourquoi les comptes prévisionnels de l'année 2000 de la branche famille incluaient une accélération de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, par rapport à la provision inscrite dans la loi de financement pour 2000 votée par le Parlement, cette accélération devant être en principe décidée dans le collectif budgétaire de fin d'année, non encore déposé et a fortiori non encore voté. Il a rappelé que le Sénat avait adopté, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un amendement de la commission visant à donner au secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale un mode de nomination et des moyens propres lui permettant une réelle autonomie d'analyse. Il s'est demandé si la création, évoquée dans le rapport de la commission des comptes mais ne figurant pas dans le projet de loi, d'un " Haut conseil des organismes de sécurité sociale ", n'allait pas dans le sens souhaité par le Sénat. Enfin, il a demandé à M. François Monier si, ses fonctions de secrétaire général de la commission des comptes lui semblaient compatibles avec sa participation, en tant que magistrat de la cour, au vote du rapport annuel de la haute juridiction consacrée à la sécurité sociale.

M. François Monier a reconnu que les comptes du FOREC auraient dû faire partie du rapport présenté à la commission des comptes, au même titre que ceux du fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais qu'ils n'avaient pas été inclus, en raison des incertitudes sur le volet recettes. Il a précisé qu'ils seraient détaillés dans la version définitive du rapport, édité par la Documentation française.

Il a considéré que l'avant-propos était une façon pour le secrétaire général de formuler des observations plus personnelles qui, compte tenu du peu de temps laissé à l'analyse, pouvaient être considérées comme insuffisamment fondées. Il a reconnu que la modification des affectations de recettes était " une affaire l'ayant frappé ". Il a ajouté que ces modifications lui paraissaient justifiées, comme l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites.

M. Charles Descours a demandé si ces modifications étaient conformes à la loi du 25 juillet 1994, posant le principe de la séparation comptable des branches.

M. François Monier a indiqué qu'il n'était pas " un juriste ", mais que ces modifications étaient au bout du compte adoptées par le Parlement. Il a expliqué que, pour ces raisons, la présence de comptes agrégés était de plus en plus nécessaire, ce qui ne remettait pas en cause l'existence d'une commission des comptes de la sécurité sociale.

S'agissant de l'accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille, il a reconnu que cette option était discutable. Il a expliqué que l'option de retenir un ONDAM tendanciel progressant au même rythme que celui de l'ONDAM du projet de loi avait été retenue avant son arrivée. Il a précisé que, pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le choix de retenir une telle accélération faisait partie des éléments notifiés deux jours avant la réunion de la commission des comptes. Il a ajouté que les comptes n'étaient pas établis par le secrétaire général, mais par la Direction de la sécurité sociale. Il a estimé que le rôle du secrétaire général, outre la rédaction d'un avant propos, était de veiller à ce que toutes les hypothèses ou options retenues soient expliquées de manière claire. Il a relevé que l'administration de la sécurité sociale considérait qu'il était préférable, pour des raisons de simplicité, de retenir ses propres prévisions. Concernant l'ONDAM, il a reconnu que, compte tenu du taux de progression retenu dans le projet de loi, la prévision retenue dans le compte pour 2001 le mettait " moins mal à l'aise " que celle des années précédentes.

M. François Monier a indiqué que l'autonomie du secrétaire général était " grande " et que sa parole était " libre ". S'agissant des moyens, il a reconnu être seul, puisque l'intégralité du travail est réalisé par la direction de la sécurité sociale. Il a estimé disposer d'un " rôle d'animation " et que le rapport du mois de mai était le moyen de présenter des analyses quelque peu différentes d'une simple présentation des comptes par l'administration, comme le montre la publication des éléments statistiques fournis par la CNAMTS sur la consommation médicale dans le rapport de mai 2000. Il a considéré que la réforme des droits constatés et la mission interministérielle de réforme des organismes des sécurité sociale (MIRCOSS), ayant à charge de définir un plan comptable unique, avaient absorbé l'intégralité des forces de la direction de la sécurité sociale. Il a indiqué que cette direction devait en outre rebâtir l'intégralité de ses moyens informatiques.

Revenant sur l'article de l'avant projet de loi de financement de la sécurité sociale créant un " Haut conseil de l'information comptable ", il a indiqué que sa disparition dans le projet de loi s'expliquait pour des raisons juridiques, la création d'une telle instance relevant du pouvoir réglementaire. Il a précisé que ce Haut conseil était d'une nature différente de celle de la commission des comptes de la sécurité sociale, puisqu'il aurait pour fonction de dégager une " méthodologie des comptes " et de suivre la mise en oeuvre du plan comptable unique de sécurité sociale. Il a ajouté que la création d'une mission permanente était en outre envisagée et que cette mission centraliserait tous les comptes des différents organismes, afin de les diffuser auprès des destinataires institutionnels, dont la commission des comptes de la sécurité sociale et le Parlement.

M. François Monier a précisé qu'il faisait partie auparavant de la sixième chambre de la Cour des comptes et qu'il l'avait quittée à la suite de sa nomination au poste de secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a reconnu que sa participation au vote sur le rapport de la Cour pouvait être critiquée, mais qu'il partageait totalement les appréciations de ce rapport sur les moyens de la direction de la sécurité sociale.

F. AUDITION DE M. PATRICE RACT-MADOUX, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE (CADES)

Réunie le mercredi 3 mai 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

M. Jean Delaneau, président, a souligné que la commission des affaires sociales procédait, pour la première fois, à l'audition du président du conseil d'administration de la CADES. Il a rappelé que si la CADES n'était pas un " organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base ", ses comptes faisaient l'objet d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que les comptes 1999 de la CADES avaient été arrêtés par son conseil d'administration le 30 mars 2000, et qu'ils seraient examinés, par son comité de surveillance, le 17 mai prochain. Il a rappelé que quatre parlementaires faisaient partie de ce comité, dont deux sénateurs, MM. Charles Descours et Jacques Oudin.

Evoquant la création de la CADES par l'ordonnance du 24 janvier 1996, il a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait réaffirmé les missions de la caisse en lui confiant l'apurement d'un reliquat de dettes de la sécurité sociale, cette opération ayant été qualifiée de " réouverture " de la CADES.

M. Patrice Ract-Madoux a fait valoir que la mission unique de la Caisse était de rembourser la dette ancienne de la sécurité sociale et qu'à ce titre, l'établissement devait disparaître le 31 janvier 2014, à l'issue de cette mission. Il a observé que le système avait été construit pour assurer une " étanchéité " très forte entre la CADES et les résultats des caisses de sécurité sociale.

Il a expliqué que deux " stocks " de dette étaient inscrits au bilan. Le premier " stock ", transféré en janvier 1996, est de 137 milliards de francs, correspondant aux déficits du régime général en 1994 et 1995, et à son déficit prévisionnel de 1996 ; le deuxième " stock ", transféré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, est de 87 milliards de francs, représentant le reliquat du déficit de 1996, le déficit de 1997 et le déficit prévisionnel de 1998. En conséquence, 224 milliards de francs de dette, qui a, par ailleurs, été presque intégralement convertie en euros, ont été inscrits au bilan de la CADES.

M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que la CADES avait en outre pour mission de verser à l'Etat, chaque année jusqu'en 2009, 12,5 milliards de francs, cette somme constituant une recette non fiscale du budget. Il a rappelé que cette charge correspondait, sans existence d'un lien juridique explicite, aux 110 milliards de francs de dette sociale -antérieure à 1994- pris en compte par l'Etat. Le montant total de la dette à amortir par la CADES est, en conséquence, de 334 milliards de francs, dont 224 milliards de francs figurent à son bilan, les versements à l'Etat jusqu'en 2009 constituant un engagement hors bilan de la caisse. L'établissement s'est tout d'abord endetté à court terme, puis a réaménagé sa dette, en procédant à des emprunts à échéances échelonnées. La dette de la CADES est constituée par ces différents emprunts, dont le dernier doit être remboursé en 2013.

M. Patrice Ract-Madoux a rappelé que la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), dont l'assiette est très large, constituait la principale recette de la CADES. Il a observé que le taux de la CRDS avait été fixé en 1996 à 0,5 % et l'hypothèse retenue d'une croissance de son produit de 3 à 3,5 % par an permettant un remboursement de la dette au 31 janvier 2009. Il a indiqué qu'à l'occasion de la " réouverture " de la CADES, le taux avait été maintenu, mais que la période de perception avait été allongée de cinq années.

Il a indiqué que le montant net de CRDS attribué à la CADES avait représenté 21 milliards de francs en 1996 (la recette n'étant pas prélevée sur l'ensemble de l'année), 25,4 milliards de francs en 1997, 26,5 milliards de francs en 1998 et 27,6 milliards de francs en 1999. Il a observé que le produit de la CRDS en 1999 incluait, pour la première fois, 440 millions de francs, nets de provision, correspondant à des créances à recouvrer. Il a constaté que la croissance de la CRDS en 1999 s'était établie, hors prise en compte de ces créances, à 4 %, soit un taux cohérent avec les hypothèses de départ.

Il a rappelé que la CADES bénéficiait également du produit de la vente du patrimoine immobilier privé à usage locatif des caisses du régime général. Il a précisé que les ventes des immeubles de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) avaient représenté, en 1999, 1,5 milliard de francs. Il a observé que l'ordonnance du 24 janvier 1996 prévoyait la dévolution, à la CADES, du patrimoine non vendu avant le 31 décembre 1999. Il a précisé que l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité du 27 décembre 1999, paru au Journal officiel du 30 décembre 1999, avait procédé, comme prévu, au transfert du patrimoine immobilier de la CNAVTS, évalué entre 1 à 1,2 milliard de francs. Il a précisé qu'un litige demeurait, relatif à un immeuble considéré par la CNAMTS comme un " immeuble d'exploitation ", et devant échapper, à ce titre, à la vente.

Evoquant le remboursement des créances hospitalières sur les Etats étrangers , M. Patrice Ract-Madoux a expliqué que cette recette ne devait être affectée à la CADES qu'en cas de résultat excédentaire de la CNAMTS. Enfin, il a expliqué que, même si la CADES n'avait pas pour mission d'effectuer des placements, et que son objectif était de tendre à une trésorerie zéro, une gestion de trésorerie minimale, afin de prévoir le versement à l'Etat ou le remboursement des emprunts, permettait de dégager des produits financiers.

Revenant sur le versement à l'Etat de treize annuités de 12,5 milliards de francs, il a observé que ce versement correspondait -compte tenu de la dette de référence de 110 milliards de francs- à un taux d'intérêt de 6 %. Il a ajouté que, si en 1996, le versement représentait 6,7 milliards de francs d'intérêts et 5,8 milliards de francs d'amortissement du capital, cette proportion s'établirait en 2008 à respectivement 700 millions et 11,8 milliards de francs. Il a estimé ainsi qu'au 31 décembre 1999, 84,7 milliards de francs restaient à rembourser.

Abordant la dette inscrite au bilan (224 milliards de francs), il a constaté que le résultat comptable de la CADES avait une " signification relative ". En 1996, la CADES a connu un résultat négatif d'1 milliard de francs (la situation nette étant de - 138 milliards de francs). En 1997, l'excédent était de 6,5 milliards de francs (situation nette de - 131,6 milliards de francs). A la suite de la " réouverture " de la CADES, en 1998, les comptes se sont logiquement dégradés, avec un résultat excédentaire ramené à 3,5 milliards de francs, et une situation nette de - 215 milliards de francs. En 1999, le résultat s'est élevé à 7 milliards de francs, la situation nette étant désormais de - 208 milliards de francs.

M. Patrice Ract-Madoux a précisé que le résultat pour 1999 était relativement exceptionnel, compte tenu de la prise en compte du produit de la vente des immeubles de la CNAMTS et de la CNAVTS et d'une évolution à la baisse des taux d'intérêt. Il a rappelé que le cumul des résultats excédentaires de la CADES, sur les années 1996-2014, devrait normalement, au 31 janvier 2014, avoir " épongé " la situation nette.

Il a observé que le mécanisme vertueux mis en place par la CADES n'avait de sens que si des dispositions étaient prises, parallèlement, pour assurer l'équilibre, à long terme, des régimes de sécurité sociale.

Additionnant, au 31 décembre 1999, le reste dû à l'Etat (84,7 milliards de francs) figurant hors bilan et la situation nette de l'établissement (208 milliards de francs), il a considéré qu'il restait à la caisse 292,7 milliards de francs à rembourser, ce qui paraissait possible, compte tenu du rendement de la CRDS.

Evoquant la question de l'affectation de la CRDS à une autre fin que celle pour laquelle elle est aujourd'hui perçue, il a souligné que les emprunts internationaux contractés par la CADES comportaient des clauses juridiques très précises. Il a observé que la notation AAA dont bénéficient les opérations de la Caisse était liée à l'affectation exclusive d'une imposition à l'amortissement de la dette sociale.

M. Jean Delaneau, président, s'est félicité que la CADES ait le souci de donner une information adaptée à la communauté financière mais s'est demandé si les pouvoirs publics partageaient ce souci ; il s'est interrogé en effet sur les circonstances dans lesquelles l'Etat n'avait pas souhaité percevoir en 1999 l'intégralité des sommes qui lui étaient dues afin de " dégonfler " les recettes de cet exercice budgétaire.

Il a constaté que ce choix conduisait la CADES à faire figurer, fin 1999, une dette de 5 milliards de francs à son bilan. Il a souhaité connaître l'échéancier habituel des versements à l'Etat et l'échéancier particulier retenu pour 1999 et 2000. Se référant au rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, sur l'exécution du budget de 1999, il a souhaité savoir si la CADES avait dû acquitter, comme en faisait état ce rapport, des intérêts de retard sur le versement que l'Etat lui avait demandé de différer.

M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que le versement annuel de 12,5 milliards de francs se décomposait en acomptes trimestriels, 2,5 milliards de francs pour les trois premiers trimestres et 5 milliards de francs pour le dernier trimestre. Il a rappelé que les marchés financiers étaient relativement agités à la fin de l'année 1999, en raison des incertitudes liées au bogue de l'an 2000, et que l'on avait enregistré alors une tension sur les taux à court terme. Or, pour faire face à l'échéance des 5 milliards de francs dus à l'Etat, l'établissement aurait été obligé d'emprunter. La décision de reporter ce versement au 9 février 2000 a été prise d'un commun accord entre le ministère de l'économie et des finances, qui n'était pas pressé de recouvrer sa créance, et la CADES, qui ainsi évitait d'emprunter à un taux élevé. Ce report n'a pas eu pour conséquence le paiement à l'Etat d'intérêts de retard : au contraire, la CADES a pu dégager des produits de trésorerie. Enfin, le versement du premier trimestre 2000 (2,5 milliards de francs) s'est effectué dans des conditions normales, le 31 mars 2000.

M. Patrice Ract-Madoux a précisé en outre que, si le versement de 5 milliards de francs était inscrit en recette non fiscale de l'Etat pour 2000, il constituait bien une charge de l'exercice 1999 de la CADES.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur l'existence d'un plan d'amortissement de la dette sociale.

Evoquant le taux d'intérêt de 6 % calculé par le président de la CADES, il a demandé à M. Patrice Ract-Madoux s'il lui apparaissait normal que la CADES n'ait pas été en mesure de procéder à une renégociation de ce taux. Il a demandé dans quelles conditions la CADES assurait désormais la gestion du parc immobilier des immeubles des caisses. Il s'est interrogé sur le statut de la CADES, qui n'est pas " un organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base ". Il a demandé si les frais d'assiette et de recouvrement de la CRDS, supportés par la CADES, se justifiaient.

Il s'est interrogé également sur la possibilité d'un remboursement anticipé de la dette sociale, compte tenu de la situation économique, et sur l'éventualité d'une affectation à la CADES des excédents du régime général, prévisibles d'ici 2005.

Enfin, citant les prises de position récentes d'un certain nombre de responsables politiques et syndicaux, il s'est interrogé sur l'affectation éventuelle de la CRDS au fonds de réserve pour les retraites.

M. Patrice Ract-Madoux a rappelé que les comptes de la CADES étaient élaborés selon la double règle de la comptabilité publique et des établissements de crédit. Il a indiqué qu'au-delà de l'analyse de ces comptes quelquefois difficilement " lisibles ", il s'était efforcé de donner à la commission des affaires sociales une approche plus économique. Evoquant le plan d'amortissement de la dette sociale, il a relevé qu'il suffisait de comptabiliser les différents emprunts émis par la CADES, ainsi que leurs échéances, pour disposer de ce schéma.

Concernant le versement annuel de 12,5 milliards de francs, il a insisté à nouveau sur le fait qu'aucune disposition juridique ne liait ce versement à la dette de 110 milliards de francs autrefois prise en charge par l'Etat. Il a reconnu que le taux de 6 % paraissait élevé, compte tenu de la baisse des taux intervenue dans les années 1998-1999, mais que, d'une part, ce taux correspondait à la situation des années 1996-1997 et que, d'autre part, il devait être apprécié sur l'ensemble de la période.

Répondant à la question sur la gestion du patrimoine immobilier, il a indiqué que le souhait des responsables de la CADES était de ne pas alourdir les frais de structure de la Caisse : trois personnes chargées des salles de marché, trois " contrôleurs ", une personne pour la gestion administrative, une assistante de direction et le président du conseil d'administration, soit un total de neuf agents publics. En conséquence, une convention a été signée avec la CNAVTS, selon laquelle les personnels affectés à la gestion des immeubles poursuivaient leur mission, un plan de reconversion de ces personnels étant par ailleurs prévu.

M. Patrice Ract-Madoux a observé qu'un changement d'affectation de la CRDS ne pouvait être décidé que par une disposition législative. Il a rappelé toutefois que la signature de la CADES sur les marchés financiers reposait sur l'affection de cette recette fiscale au remboursement de la dette sociale.

Concernant l'affectation éventuelle des excédents de la sécurité sociale d'ici 2005, il a estimé qu'il s'agissait d'une " idée dangereuse ", puisqu'elle mettait à mal l'étanchéité, souhaitée en 1996, entre la Caisse et le régime général de sécurité sociale. Il a observé en effet que la CADES pourrait, dans ce cas, être également sollicitée pour financer d'éventuels déficits.

Concernant les frais d'assiette et de recouvrement, M. Patrice Ract-Madoux a précisé que les contributions assises sur les revenus d'activité et de remplacement étaient quotidiennement reversées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la CADES, au fur et à mesure de leur collecte, et que les contributions assises sur les autres revenus étaient centralisées par les services financiers de l'Etat (recettes des impôts, trésoreries, recettes des douanes), avant d'être reversées à la CADES.

Il a indiqué que les frais d'assiette et de recouvrement étaient à la charge de la CADES : le montant des contributions versées par les organismes collecteurs subissait un prélèvement égal à 0,5 % ; la part de CRDS sur les revenus du patrimoine perçue par voie de rôle par le réseau du Trésor public était versée à la CADES sur la base des rôles émis et non des recouvrements effectués. En contrepartie, les sommes versées faisaient l'objet d'un prélèvement de 4,1 % constitué des frais d'assiette et de recouvrement (0,5 %) ainsi que des frais de dégrèvement et de non-valeurs prévus à l'article 1641 du code général des impôts (3,60 %).

Evoquant l'éventualité d'un remboursement anticipé de la dette sociale, il a indiqué que les hypothèses " raisonnables " montraient que la CADES remplirait sa mission à la date prévue. Il a précisé qu'il était nécessaire de concilier plusieurs hypothèses très favorables (taux de croissance élevés, taux d'intérêt bas, inflation basse) pour envisager un remboursement intégral de la dette sociale douze à dix-huit mois avant l'échéance du 31 janvier 2014.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur la signification des 12,5 milliards de francs versés à l'Etat. Il a demandé si la CADES avait bénéficié de la baisse des taux intervenue en 1998 et en 1999.

M. Patrice Ract-Madoux a précisé que le versement des 12,5 milliards de francs avait remplacé le versement, d'un montant supérieur, que devait effectuer -initialement- le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que la CADES avait effectivement bénéficié de la baisse des taux, en lançant des emprunts à taux fixe pendant cette période. Il a précisé que 20 % des emprunts restaient à taux variables et que deux emprunts étaient indexés sur l'inflation, le premier remboursable en 2006, le second en 2013. Il a observé que cette diversification représentait une plus grande sécurité et permettait de faire face à des échéances échelonnées dans le temps.

M. Michel Esneu s'est interrogé sur la progression importante de la CRDS, entre les 21 milliards de francs de 1996 et les 27,6 milliards de francs prévus pour 1999.

M. Patrice Ract-Madoux a répondu que le chiffre de 1996 (21 milliards de francs) devait être relativisé, puisque la CRDS avait été perçue sur les seuls onze derniers mois de l'année. Il a observé que la croissance de la CRDS, hors éléments exceptionnels, était de l'ordre de 4 % l'an. Il a précisé que le retour à l'emploi de nombreux chômeurs n'avait pas une conséquence déterminante pour le rendement de la CRDS (contrairement à celui de l'impôt sur le revenu), puisque les indemnités chômage sont soumises à cette imposition.

ANNEXE
-
RÉPONSE DE LA COUR DES COMPTES
AU QUESTIONNAIRE DE LA COMMISSION

QUESTION 1

Par lettre en date du 2 mars 2000, la Cour avait indiqué à la Commission qu'elle s'efforcerait, dans son rapport de septembre 2000, de fournir un tableau décomposant les écarts entre le solde " commission des comptes " de la loi et le solde définitif constaté. La Cour ajoutait qu'un tel effort supposait que l'administration fournisse l'équivalent de l'annexe C du projet de loi de financement sur la loi elle-même, ce que la Cour entendait demander.

La Cour entendait également décomposer les écarts entre prévisions et réalisations entre écarts dus à la différence entre prévisions et réalisations macro-économiques de 1999 et écarts dus aux différences de chiffrages ex ante et estimations ex post des mesures spécifiques figurant dans la loi.

Le rapport de la Cour ne semble pas, sur ces deux points, comporter d'avancées significatives en-dehors, sur le second point, de la mention d'une erreur massive de chiffrage imputable à la Caisse des dépôts et consignations (article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999).

Quelles sont les raisons de ce résultat décevant ?

RÉPONSE 1

Cinq types d'éléments sont, de façon générale, susceptibles de générer des écarts entre les prévisions (de recettes) ou les objectifs (de dépenses) contenus dans les lois de financement de la sécurité sociale et leur réalisation.

1. Les écarts entre les prévisions macro-économiques et les évolutions constatées

La prévision dont l'incidence est la plus forte, car elle détermine largement les perspectives de recettes, est celle de la masse salariale. Ainsi, 0,1 point de masse salariale, en plus ou en moins, a comme incidence une variation de 700 millions de francs des cotisations encaissées par le régime général et de 900 millions de francs de ses recettes totales (y compris la CSG).

Il n'y a pas eu pour l'année 1999 d'erreur importante dans le cadrage macro-économique de la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, la croissance de la masse salariale du secteur privé s'est finalement établie à 4,1 % contre 4,3 % dans le cadrage économique de septembre 1998 qui avait servi de base au PLFSS. L'ampleur de la révision à la baisse intervenue en raison du " trou d'air " de la croissance du début 1999 n'a pas été confirmée (l'hypothèse de progression de la masse salariale avait été réduite à 3,8 % lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1999).

Toutes choses égales par ailleurs, le décalage de 0,2 point sur la prévision de la masse salariale s'est donc traduit par des recettes du régime général au titre des cotisations minorées d'environ 1,4 milliard de francs par rapport à la prévision initiale. C'est un des éléments d'explication de l'écart négatif (-1,1 milliard de francs) noté dans le rapport de la Cour (p. 46) entre l'objectif de recettes de cotisations pour les régimes obligatoires de base et la réalisation. L'impact de cette erreur de prévision est cependant limité, non seulement par rapport au montant total des recettes mais au regard des autres aléas susceptibles d'avoir pesé sur la mise en oeuvre de la LFSS (voir ci-dessous).

2. Les différences entre les chiffrages ex ante et les estimations ex post des mesures figurant dans la loi de financement

Le chiffrage ex ante des mesures de la loi de financement peut s'avérer difficile. Une des erreurs de prévision les plus importantes de l'année 1999 a concerné la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS). L'article 19 de la loi de financement a étendu l'ARS et sa majoration aux familles ayant un enfant à charge sous réserve de la condition de ressources. Jusqu'alors, le bénéfice de la mesure supposait de percevoir une autre prestation familiale, l'APL ou le RMI. Cette mesure concerne donc un public antérieurement non-allocataire et donc peu connu par les CAF : l'évaluation de son impact n'allait donc pas sans difficulté pour sa première année d'application. Une erreur de prévision a été effectivement commise : elle est commentée dans le rapport de la Cour (p. 94). Le rapport précise par ailleurs que les éléments actuellement disponibles ne permettent pas à la Cour de comprendre le léger recul des dépenses au titre de la majoration de l'ARS en 1999 par rapport à 1998 : 6.715 millions de francs contre 6.747 millions de francs. Un commentaire plus précis de cette erreur figure ci-dessous à la réponse à la question 3.

La CSG sur les revenus du capital (dont le taux a augmenté de 4,1 points en 1998) fournit un autre exemple des difficultés de chiffrage ex ante . Son rendement dépend d'abord en effet de la nature des produits financiers dont les dates de sortie sont différentes (ce qui a pour conséquence que la valeur de point de CSG maladie sur les revenus du capital, actuellement en phase de montée en charge, est actuellement inférieure à celle de la CSG famille et vieillesse sur les mêmes revenus). Il dépend aussi, et surtout, des variations de ces revenus susceptibles d'être fortes d'une année à l'autre. Le rapport de la Cour sur la LFSS pour l'année 1998 a mis l'accent (p. 33-34) les difficultés de la prévision en la matière. Le rapport de la Cour de septembre 2000 (page 46) souligne que le bon rendement de la CSG sur les revenus du capital et du prélèvement de 2 % sur les mêmes revenus est une des causes des recettes supérieures aux prévisions pour l'année 1999 en matière d'impôts et de taxes affectées.

3. Les incertitudes sur les déterminants de certaines recettes ou dépenses de la sécurité sociale

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000, revenant sur l'évolution récente des dépenses maladies, note que l'on constate une accélération de la dépense d'assurance maladie en période de croissance mais que les mécanismes précis de la relation empiriquement constatée ne sont pas clairs.

En 1999, les dépenses incluses dans le champ de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ont progressé de 2,8 % par rapport à l'année précédente : cette évolution est légèrement inférieure à celle des dépenses de consommation des ménages (2,9 %). Par contre, par rapport à l'objectif initial de la LFSS pour 1999, la progression est de plus de 4,4 % ce qui pourrait être interprété comme un " dérapage " significatif. En fait, comme le souligne le rapport de la Cour (p. 99), l'objectif initial manquait sans doute de réalisme. A cet égard, le changement de méthode de fixation de l'objectif (" rebasage ") intervenu avec la LFSS 2000 paraît de nature à permettre une appréciation plus réaliste des évolutions. Sur les changements qui affectent l'ONDAM, cf. la réponse aux questions 10 et 11 ci-dessous.

4. Les conditions d'activité des organismes de sécurité sociale

Les conditions d'activité des organismes de sécurité sociale sont susceptibles d'agir sur la réalisation des prévisions et objectifs de recettes et dépenses. Ces éléments sont malaisés à prendre en compte en prévision.

En matière de recettes, il s'agit de l'évolution du taux de recouvrement du réseau ACOSS-URSSAF : celui-ci a augmenté en 1999 : 98,90 % contre 98,76 % en 1998 (rapport LFSS 1999 p. 48). 0,1 point de variation du taux de recouvrement représente environ 1 milliard de francs de recettes des URSSAF et CGSS (de l'ordre de 0,8 milliard de francs pour les seules cotisations). Cette amélioration (partiellement liée au climat économique) a donc en partie contrebalancé la moindre progression de la masse salariale signalée au point 1.

En matière de dépenses, il convient de prendre en compte les variations des délais de liquidation et de mise en paiement des prestations. La Cour a noté (p. 100 de son rapport) l'allongement de ces délais pour ce qui est de l'assurance maladie. L'impact de cet allongement a, selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre dernier, contribué à minorer la progression des dépenses par rapport à 1998 de plus de 2 milliards de francs. A cet égard, il convient de souligner l'effort fait par la Caisse nationale d'assurance maladie pour permettre un suivi des dépenses en date de soins.

5. Les conventions de présentation de la loi de financement ou de comptabilisation de certains flux

Pour ce qui est des conventions de présentation de la loi de financement, la Cour a, dans ses rapports antérieurs, souligné le problème de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. En 1999, sa non prise en compte a réduit les prévisions de recettes et de dépenses de la loi de financement de 6,4 milliards de francs. La mise en oeuvre du transfert de la majoration de l'ARS à la CNAF, annoncée par le Premier Ministre en juillet 1999, va donc dans le sens d'une meilleure appréhension de la réalisation des lois de financement.

Par ailleurs, des régularisations au titre des années antérieures peuvent affecter les recettes de certaines caisses ce qui est de nature à compliquer l'interprétation des évolutions d'année en année.

Outre ces éléments susceptibles d'influer chaque année sur les conditions de mise en oeuvre de la loi de financement, l'année 1999 a été une année spécifique du fait du passage à l'an 2000. En raison de la fermeture de la journée comptable du 31 décembre 1999, des encaissements qui auraient dû normalement intervenir en 1999 ont été reportés sur l'an 2000. Le montant de ces reports est difficile à évaluer avec précision : le rapport de la Cour pour 1999 signale (p. 52) que l'ACOSS chiffre leur ordre de grandeur à 0,3 % des cotisations (soit de l'ordre de 2,5 milliards de francs). La Direction de la sécurité sociale avance une évaluation légèrement plus élevée (0,35 % des rentrées de l'ACOSS). C'est un élément supplémentaire qui a pesé sur l'évolution des cotisations par rapport aux prévisions et qui s'ajoute donc à ceux signalés plus haut (évolution de la masse salariale, taux de recouvrement des URSSAF et CGSS).

*

* *

Au total, les écarts entre réalisation des agrégats et PLFSS ont été globalement limités en 1999. Le décalage entre recettes prévues et réalisées est de l'ordre de 0,5 point (8,6 milliards de francs par rapport à une prévision initiale de 1.799,5 milliards de francs). Le surcroît de dépenses est de même ampleur (8,1 milliards de francs à rapprocher d'un objectif de 1.789,1 milliards de francs) ; seule la branche maladie enregistre un vrai dépassement de l'objectif initial de dépense. Comptablement, aussi bien en recettes qu'en dépenses, l'essentiel des écarts s'explique par la non prise en compte dans la loi de financement de la majoration de l'ARS.

Dans l'élaboration de son rapport, la Cour a pris en compte une grande partie des éléments ayant affecté la réalisation des agrégats de la loi de financement. A titre d'illustration, on trouvera ci-dessous le rappel des écarts et leurs causes entre prévision et réalisation pour les cotisations :

- Prévisions de la LFSS

1.062.9 milliards de francs

- Réalisations

1.061,8 milliards de francs

- Ecart

- 1,1 milliard de francs

- Régime général (prévisions de septembre 1998 pour l'année 1999)

877 milliards de francs

- Réalisations (commission des comptes de septembre 2000)

873,4 milliards de francs

-Ecart

- 3,6 milliard de francs

- Eléments d'explication :

Hypothèse de masse salariale : - 1,4 milliard de francs

Taux des restes à recouvrer : + 0,8 milliard de francs

Passage à l'an 2000 : - 2,5 milliards de francs

Les éléments ci-dessus semblent donc permettre d'expliquer une grande partie (3,1 milliards de francs sur 3,6 milliards de francs) du " manque à gagner " du régime général pour ce qui est des cotisations, mais ils restent très approximatifs.

Faire un bilan sur l'ensemble de la loi de financement aurait supposé de faire l'exercice réalisé pour le régime général sur les autres régimes du champ de la loi. Ceci ne sera possible que lorsque les comptes, normalisés, seront disponibles à une date plus précoce. Cela est encore plus vrai si l'on veut faire un bilan d'ensemble. Enfin, de tels calculs n'auraient qu'une valeur strictement indicative. Ils n'entrent d'ailleurs pas forcément dans les attributions de la Cour.

La cour s'efforcera donc, dans ses rapports à venir, d'approfondir son information sur les écarts entre prévision et réalisation des agrégats de la loi de financement.

QUESTION 2

La Cour estime-t-elle souhaitable de conserver le " champ " de la sécurité sociale retenu par la Commission des comptes de la sécurité sociale, puisqu'il ne correspond ni au champ de la loi de financement, ni au champ des administrations de sécurité sociale ?

RÉPONSE 2

A plusieurs reprises, au moins dans les trois derniers rapports sur la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour a souligné les différences de définition de la sécurité sociale entre la loi, la commission des comptes et les comptes de la nation notamment, et les difficultés qui pouvaient en résulter (rapport de 1998, en particulier pp. 7-12, rapport de 1999, en particulier p. 107-113, rapport de 2000, pp. 10-12, 139-141, 160-179). Devant ces différences, la Cour a souhaité, plutôt que d'harmoniser les champs, ce qui paraît très difficile à court terme, que soient établis tous éléments de passage de l'une à l'autre pour que l'information soit la plus complète et la plus facile à comprendre possible. A un terme plus lointain, des aménagements coordonnés pourraient être envisagés, de façon à ce que les champs couverts par la loi, la commission des comptes et les comptes de la nation se rapprochent.

QUESTION 3

La Cour (p. 95 de son rapport) observe que les évolutions constatées des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire " ne peuvent être totalement expliquées par les éléments à la connaissance de la Cour " et recommande que " la Caisse nationale d'allocations familiales et la Direction de la sécurité sociale (conduisent) des études permettant de mieux comprendre les évolutions survenues ".

Par ailleurs, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000 indique (p. 79 - tome I - version provisoire) que " les statistiques disponibles sur le premier semestre 2000 amènent à considérer les économies, assez largement inexpliquées, enregistrées en 1999, comme durables ".

La Cour a-t-elle pris l'attache de la Caisse nationale d'allocations familiales et de la Direction de la sécurité sociale pour tenter de trouver une explication à une évolution qui n'est pas, semble-t-il, cantonnée à l'exercice 1999.

Peut-elle fournir cette explication à la commission le 25 octobre ?

Sinon considère-t-elle que cette question peut constituer une demande formulée par la Commission à la Cour en application de l'article LO. 132-3-1 du code des juridictions financières ou estime-t-elle qu'il appartient à la Caisse nationale d'allocations familiales ou à la Direction de la sécurité sociale d'apporter une réponse à la question posée ?

RÉPONSE 3

Dans son rapport, la Cour avait signalé que les dépenses d'allocation de rentrée scolaire s'écartaient sensiblement des prévisions. Au moment de la rédaction de ce rapport, la CNAF et la DSS poursuivaient leurs études sur ce point.

Il apparaît désormais clairement que le chiffrage de la mesure d'extension de l'ARS aux familles d'un enfant qui ne perçoivent aucune prestation familiale était erroné. Sans qu'on puisse exclure qu'une partie des allocataires potentiels de cette mesure n'en aient pas bénéficié faute d'une information suffisante (les CAF ne possédant pas d'éléments dans leurs fichiers qui leur auraient permis de faire une prospection systématique de ces familles), l'effectif total des bénéficiaires devrait rester très en deçà des 350.000 familles estimées lors de la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

L'évolution des effectifs -hors effet de l'extension visée ci-dessus- a été inférieure à la prévision. La CNAF a exploré cet été divers éléments qui pourraient expliquer cet écart :

- sous estimation de l'incidence de l'écart entre le plafond d'exclusion de l'ARS (qui a été augmenté comme les prix) et le revenu des familles qui évolue à un rythme supérieur ;

- légère surestimation de la cible qui évolue avec la sortie des enfants les plus âgés du système scolaire et l'entrée des plus jeunes à l'école d'une part, le taux de scolarisation au delà de 16 ans d'autre part ;

- erreurs de gestion et/ou de la comptabilisation dans les CAF de la région parisienne dont les données s'écartaient, semble-t-il, de façon significative de l'évolution moyenne.

L'écart -de moindre intensité- entre prévisions et résultats sur les allocations familiales pourrait résulter d'une estimation imparfaite de l'évolution démographique (notamment de l'évolution de l'espacement des naissances ou du poids relatif des naissances de rang 1) ou du taux d'activité des jeunes adultes (qui n'ouvrent plus droit aux allocations familiales lorsque leur rémunération dépasse 55 % du SMIC). Par ailleurs, l'année 1999 a été marquée par deux réformes affectant les dépenses d'allocations familiales (report à 20 ans de l'âge limite permettant d'ouvrir droit à ces prestations d'une part, recul d'un an de l'âge d'octroi des majorations pour âge) ; il est possible que de légères erreurs de chiffrage soient intervenues sur ces points.

Ce début d'explication des écarts devra être confirmé au cours des années prochaines. D'une façon générale, la Cour considère que c'est à la CNAF et au ministère de l'emploi et de la solidarité (DSS et DREES) de réaliser les études susceptibles d'éclairer sur ces écarts.

QUESTION 4

La Cour traite, dans le chapitre XIII de son rapport, des avantages familiaux et conjugaux dans les systèmes de retraite. De son examen ressort un double trait caractéristique de ces avantages : des inégalités suivant les régimes et un financement opaque car croisé entre solidarité nationale, branche vieillesse et branche famille.

La Cour considère-t-elle que la mesure inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 -en l'espèce la prise en charge progressive par la branche famille des majorations de pension pour enfants- constitue une réponse aux observations qu'elle a formulées ? Cette mesure est-elle de nature à clarifier les sources de financement de ces avantages ou au contraire à en accroître l'opacité ?

RÉPONSE 4

La mesure inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (article 19) a pour objet de transférer progressivement du FSV à la CNAF le financement des bonifications pour enfants servies par le régime général et les régimes alignés, soit une somme estimée à 19,4 milliards de francs. 15 % de cette dépense, soit 2,91 milliards de francs, seraient ainsi pris en charge par la CNAF en 2001.

Cette mesure n'a pas d'effet sur les inégalités entre régimes soulignée par la Cour dans son rapport, ni sur le caractère controversable d'un système de financement qui fait supporter la charge de ces bonifications, soit par les régimes eux-mêmes, soit par un tiers -en l'espèce la CNAF- dont les ressources sont pourtant prélevées sur l'ensemble des cotisants.

Elle aura pour effet de soulager le FSV et de diminuer les marges de financement de la politique familiale par la branche famille.

QUESTION 5

La Cour recommande (p. 179 de son rapport) " d'accroître et d'améliorer les moyens que la Direction de la sécurité sociale consacre à l'élaboration des informations comptables (...) en développant les équipes et leurs polyvalences ".

La Cour peut-elle rappeler l'accroissement et l'amélioration des moyens de la Direction de la sécurité sociale, voire de la sous-direction plus directement concernée, qui ont été mis en oeuvre, chaque année, depuis l'instauration des lois de financement ?

Au regard de l'évolution, pendant la même période, des moyens des autres services du ministère, peut-elle mesurer le degré de priorité accordée dans le passé, par le ministre, à la question fondamentale des délais et de la qualité de l'information sur les comptes sociaux ?

RÉPONSE 5

La Direction de la sécurité sociale s'est mise en mesure de faire face aux tâches résultant de l'instauration des lois de financement en modifiant son organisation. Une 6 ème sous-direction (sous-direction de la prévision et des études financières) a été créée. Elle comprend 18 agents de catégorie A. En son sein, le bureau 6 A (bureau des comptes de la sécurité sociale) est plus spécialement chargé de l'élaboration des comptes.

Outre le sous-directeur, onze agents de catégorie A interviennent dans l'élaboration des comptes. Huit d'entre eux appartiennent au bureau 6A, deux au bureau 6B (économie de la santé) et un au bureau 6C (études et évaluations).

Par rapport à la situation antérieure à la création de la 6 ème sous-direction, les effectifs intervenant directement dans l'élaboration des comptes sont constants.

Le travail de production des comptes (pour la loi de financement, pour la commission des comptes) représente une charge importante. La direction de la sécurité sociale a fait un effort de raccourcissement des délais de l'information. Tout en ne relâchant pas l'action en la matière, l'aspect essentiel est désormais qualitatif (comptes en droits constatés, ....). Les améliorations à venir (qui correspondront aux résultats de chantiers déjà en cours au sein de la Direction) ne dépendent pas seulement au nombre d'agents directement impliqués dans la production des comptes, mais également des aspects qualitatifs, tels que la polyvalence des équipes et l'organisation d'une documentation recommandées par la Cour dans son rapport.

La Cour n'a pas procédé à une évaluation de l'ensemble des moyens du ministère, ayant considéré que la priorité doit être donnée aux services chargés de l'établissement des comptes. A cet égard, la création et la montée en charge de la DREES vont dans le bon sens.

QUESTION 6

La Cour note (p. 177 et 179 du rapport), s'agissant des cadres chargés, à la Direction de la sécurité sociale, d'élaborer les informations comptables, " un manque de documentation de leurs pratiques qui compromet (...) la transparence des opérations ".

Cette observation apparaît d'une particulière gravité sachant qu'il résulte des développements du rapport de la Cour, que ces cadres sont au total la source quasiment unique de l'information mise à la disposition des " analystes " des comptes sociaux : Commission des comptes de la sécurité sociale -qui est une émanation univoque de la Direction de la sécurité sociale- Parlement qui est tributaire des annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et Cour des comptes elle-même.

La Cour entend-elle, à défaut de " certifier " les comptes sociaux, du moins, valider les pratiques retenues pour leur élaboration ?

A-t-elle des exemples concrets de l'absence de transparence relevée ?

RÉPONSE 6

La Cour a relevé dans l'élaboration des comptes de la sécurité sociale un manque de documentation à l'appui des traitements réalisés qui compromet la transparence des opérations. Compte tenu des différences de concepts utilisés par les différents régimes et des dates auxquelles les informations de base sont disponibles, des retraitement et des évaluations statistiques sont nécessaires. Dans le passé, les méthodes utilisées n'ont pas fait l'objet d'une description systématique, ce qui rend difficile le débat contradictoire. Pour autant, la Cour n'en a jamais tiré argument pour mettre en cause la qualité des traitements effectués par la DSS, ni la compétence de ses agents.

La DSS procède actuellement à une réécriture du système informatique. Celui-ci devrait être l'occasion d'établir une documentation décrivant les traitements réalisés lors de l'élaboration des comptes. La Cour, qui avait formulé une recommandation en ce sens, y sera attentive et a prévu de suivre la mise en place du nouveau système.

D'une façon générale, la priorité doit être accordée à la mise en place des recommandations de la MIRCOSS visant à établir des comptes normalisés des organismes de sécurité sociale. La question de la " certification " des comptes sociaux agrégés ne se posera que dans un second temps.

QUESTION 7

La Cour annonce une étude d'ensemble sur les frais de gestion supportés par la sécurité sociale lorsqu'elle verse des prestations pour le compte de l'Etat. Entend-elle étudier également le coût de gestion pour les URSSAF des mesures d'exonération de cotisations de sécurité sociale ?

RÉPONSE 7

La Cour a inscrit a son programme de travail pour le rapport 2001 une étude sur les frais de gestion supportés par la sécurité sociale lorsqu'elle verse des prestations pour le compte de l'Etat et sur ceux relatifs aux taxes et impôts dont les services fiscaux assurent le recouvrement.

La question du coût de gestion des mesures d'exonération de cotisations ne relève pas de cette problématique, et la Cour n'a pas aujourd'hui prévu de conduire une étude sur ce point.

QUESTION 8

Au regard des dispositions de la loi organique qui encadrent le recours au décret pour relever les plafonds de recours à l'emprunt, que pense la Cour d'un décret pris le 7 octobre 1999, dont l'urgence a été dûment justifiée par un rapport au Parlement déposé le 22 octobre, qui a été ratifié par une loi adoptée définitivement début décembre, dont l'objet était de faire face à un creux de trésorerie que la Cour situe " jusqu'à la mi-novembre " et dont on découvre en définitive qu'il était inutile ?

La Cour estime-t-elle que la ratification d'un tel décret demeurait nécessaire au moment (mi-novembre) où pourtant il apparaissait qu'il était caduc ?

RÉPONSE 8

La trésorerie de la sécurité sociale, indépendamment de tout solde négatif en fin d'exercice, connaît d'amples fluctuations qui tiennent aux rythmes différents de l'encaissement des ressources et de versements des prestations. Le profil saisonnier de la trésorerie connaît ainsi d'amples fluctuations en cours d'année, que les services de l'ACOSS s'efforcent de prévoir avec la meilleure approximation possible.

Par rapport au passé, ce profil a été modifié par la substitution de la CSG aux cotisations maladie. Il en résulte un creux plus prononcé au début de l'automne (jusqu'à la mi novembre), lié pour l'essentiel au calendrier de reversement à l'ACOSS de la CSG sur les revenus de remplacement et du capital par les services fiscaux.

En outre, la croissance plus forte des dépenses de santé que lors du vote de la loi de financement et la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, non prévu initialement et dont le remboursement par l'Etat n'intervient qu'en fin d'année, ont fait craindre la possibilité que le plafond des avances puisse être dépassé pendant quelques jours. C'est la raison pour laquelle le gouvernement, par précaution, a fait prendre un décret relevant le plafond d'avances du régime général de 24 à 29 milliards de francs. Après coup cette mesure s'est avérée inutile.

Le gouvernement ne peut être critiqué pour un excès de prudence. Il l'aurait été si, n'ayant pas pris cette précaution, le creux de trésorerie s'était révélé plus important que ce qui a été constaté.

La solution réside dans l'amélioration de la prévision de la trésorerie de l'ACOSS, elle même dépendante de la régularité des reversements de l'Etat.

QUESTION 9

S'agissant du rapport annexé à l'article premier des lois de financement, la Cour, au terme d'une analyse particulièrement balancée de l'intérêt et des faiblesses du dispositif, formule deux recommandations qui peuvent apparaître contradictoires : " renforcer le lien entre le rapport annexé et la loi elle-même " et " réfléchir (...) à un débat parlementaire sur la politique de santé en dehors du cadre de la loi de financement et sans périodicité annuelle ".

La première de ces recommandations, combinée à la seconde, ne conduit-elle pas d'une part à supprimer, dans le rapport, " les orientations de la politique santé " qui devraient faire l'objet d'un débat, voire d'une loi pluriannuelle, à accentuer d'autre part le caractère " exposé des motifs " dudit rapport et en définitive à remettre en cause son existence même, du moins assortie d'une approbation ?

Selon la Cour, le principe intérêt du rapport annexé semble être la possibilité pour le Parlement de l'amender. La Cour a-t-elle procédé à une analyse spécifique de la mise en oeuvre des engagements qui résultent des amendements parlementaires ?

RÉPONSE 9

1 - Le Sénat interroge la Cour des comptes sur la contradiction qui lui apparaît entre la recommandation visant à " renforcer le lien entre le rapport annexé à la loi de financement et la loi elle même " et celle incitant à " réfléchir à l'intérêt et à la possibilité de susciter un débat parlementaire sur la politique de la santé en dehors du cadre de la loi de financement et sans périodicité annuelle ".

La Cour, en formulant ces deux propositions a voulu souligner la complémentarité entre l'approche de la politique de la santé au travers de la loi de financement et celle qui pourrait résulter d'un autre débat parlementaire, entièrement consacré à la santé. Les deux démarches n'ont ni la même temporalité, ni la même ampleur, ni les mêmes objectifs.

Les deux réflexions répondent à des ambitions différentes. Le débat d'orientation serait une réflexion à moyen terme sur les principales évolutions à conduire en matière de santé publique. Un tel débat n'a pas à être renouvelé tous les ans car les inflexions dans ce domaine sont longues à être mises en oeuvre et n'ont de signification que dans la durée. Le rapport annexé à la loi de financement serait davantage lié aux dispositions de la loi de financement de l'année. Il pourrait notamment préciser les mesures qui seront financées dans le cadre annuel parmi les grandes priorités de santé déjà définies. C'est en ce sens que la dernière recommandation de la Cour vise à renforcer le lien entre le rapport annexé et la loi elle-même.

A travers ses deux recommandations, la Cour des comptes distingue en fait deux types de débat parlementaires sur la politique de la santé : l'un, annuel et lié aux sujets figurant dans la loi de financement, l'autre, pluriannuel, et permettant une réflexion à moyen terme sur l'ensemble de la politique de la santé. Toutefois, il n'est pas certain qu'il soit possible de proposer en matière de santé une véritable loi de programmation dont la déclinaison annuelle figurerait dans la loi de financement, aussi la Cour n'évoque-t-elle dans sa recommandation qu'un débat au Parlement.

2 - Le Sénat demande si la Cour a analysé les conditions de mise en oeuvre des engagements résultant d'amendements parlementaires.

Les conséquences de la discussion parlementaire sur le texte du rapport annexe ont été examinées lors des travaux d'investigations conduits en vue de la rédaction des conclusions de la Cour. De façon générale, les discussions parlementaires n'ont jamais modifié l'équilibre initial du projet d'annexe présenté par le gouvernement et ont rarement imposé des engagements précis supplémentaires.

Les modifications les plus nombreuses introduites par les parlementaires ont concerné la loi de financement pour 1999 : ajout d'un septième objectif aux six définis initialement par le gouvernement (faire vivre et développer les droits des malades) ; ajout de priorités nouvelles (handicap auditif, politique gérontologique) ; reprise de priorités de l'année précédente (dopage, prévention et soins dentaires) ; demande d'engagements précis du gouvernement (présentation début 1999 d'un programme de lutte contre les infections nosocomiales).

Le tableau suivant ne permet pas de conclure à une mise en oeuvre complète des engagements résultant des amendements parlementaires :

Principaux engagements inscrits dans l'annexe de loi de finance-ment pour 1999 en matière d'ac-tions de santé publique, résultant d'amendements parlementaires 1 .

Principales mesures prises en 1999 (ou, éventuellement, début 2000)

Respect formel dans l'année, ou début 2000, des engagements pris (lorsque ces engagements étaient insuffi- semment précis).

1. Développement des droits du malade

Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 qui crée un livre préliminaire dans le code de la santé publique, intitulé " Droits de la personne malade et des usagers du système de santé ".

Groupe de travail sur la place des usagers dans le système de santé qui a remis son rapport en février 2000.

oui

2. Présentation au Parlement d'un programme de lutte contre les infections nosocomiales début 1999.

Publication de guides, recom- mandations et du décret du 6 dé- cembre 1999 relatif à l'organisa- tion de la lutte contre les infec- tions nosocomiales dans les éta- blissements de santé. Mais aucun rapport ne semble avoir été remis au Parlement.

Politique active, mais engage- ment formel non respecté.

3. Dopage et protection de la santé des sportifs : étude de l'in- térêt d'un remboursement de la consultation médicale nécessaire à l'obtention de la première licence sportive.

Etude pas encore menée.

non

4. Etude et propositions pour améliorer la prise en charge de la compensation du handicap auditif.

Un rapport (fait par Mme Gillot, députée du Val d'Oise), avait été remis au Premier Ministre le 30 juin 1998 (" Le droit des sourds, 115 propositions "). Aucune proposition n'a été faite par le Gouvernement en 1999.

non

5. Définition en 1999 d'une véritable politique de gérontolo- gie.

Annonce le 30 novembre 1999 des grandes lignes de la politique en faveur des personnes âgées.

Formellement, une politique a été présentée (mais il est difficile d'estimer si elle correspond à la " véritable politique de gérontologie " qui avait été annoncée.

1.Les engagements ne figurant pas dans la partie santé (cf. le maintien à domicile des personnes âgées) ou ne faisant l'objet que d'engagements très imprécis et de rappels de mesures déjà prises ne sont pas repris dans ce tableau.

QUESTION 10

La Cour observe (p. 183 du rapport) que, chaque année, le contenu de l'ONDAM est modifié et des transferts entre enveloppes sont effectués. La Cour peut-elle évaluer l'impact détaillé, par enveloppe, de ces différents transferts ?

La Cour note notamment (p. 101 du rapport) que la croissance du poste médicaments en 1999 incorpore " l'effet en année pleine de la distribution en pharmacie de ville, à partir de 1998, de médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, et l'effet d'une décision de même type pour d'autres médicaments en 1999 (...), effets qui ne sont pas exactement connus mais qui semblent compris entre 500 MF et 1 MdF ". La Cour est-elle en mesure de fournir une évaluation plus précise de l'impact de ce phénomène en 1999 et 2000 ?

RÉPONSE 10

La Cour n'est pas en mesure de préciser l'impact détaillé, par enveloppe, des modifications du contenu de l'ONDAM et des transferts entre enveloppes, qui sont intervenues chaque année. C'est d'ailleurs pourquoi elle a recommandé que, chaque année, soit annexée au PLFSS une rétropolation indiquant ce qu'auraient été les montants des enveloppes des années antérieures si la définition des enveloppes avait été la même que pour celles de l'année faisant l'objet de la loi de financement.

En ce qui concerne l'effet en année pleine de la distribution, en pharmacie de ville, de certains médicaments jusqu'alors exclusivement disponibles à l'hôpital, à la suite de décisions intervenues en 1998 puis en 1999, la Cour ne peut pas fournir d'évaluation plus précise que le montant de 500 millions à 1 milliard de francs cité dans le rapport.

Elle ne dispose en effet d'aucun moyen d'évaluer elle-même cet effet et ne peut que constater la diversité et l'imprécision des chiffres avancés.

Le codage des médicaments devrait cependant permettre de disposer de cette donnée à partir de 2000.

QUESTION 11

La Cour (p. 181 du rapport) formule le souhait que dans la loi de financement pour 2001, les dépenses liées aux accords signés en mars 2000 avec les syndicats hospitaliers " soient intégrées dans l'ONDAM, avec la rétropolation correspondante des montants de 2000 ".

La Cour entend-elle par ce souhait signifier que ces dépenses devraient être financées par l'assurance maladie et figurer par conséquent dans l'ONDAM, ou financées par l'Etat tout en étant parallèlement intégrées à l'ONDAM ? Quelles réflexions inspire à la Cour le choix de faire prendre en charge par le budget de l'Etat des dépenses de fonctionnement des établissements hospitaliers ?

La Cour évalue l'impact financier de ces mesures sur l'ONDAM à 489 millions de francs en 2000 (p. 114 du rapport). Sur quels éléments chiffrés s'appuie la Cour pour formuler cette estimation ? Comment la Cour peut-elle expliquer la différence entre cette estimation et l'estimation formulée par le Gouvernement en mai 2000 qui évaluait l'impact à 1.038,3 millions de francs (cf. rapport du Sénat n° 356 (1999-2000) sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale) ?

RÉPONSE 11

Le protocole d'accord signé en mars 2000 avec les syndicats hospitaliers comporte deux types de mesures : une enveloppe de 2 milliards de francs destinés à financer l'impact salarial des remplacements de personnel dont le financement est assuré hors ONDAM et d'autres dispositions financées dans le champ de l'ONDAM et dont l'estimation de l'impact financier a varié au cours du temps.

La difficulté d'évaluation de ces autres dispositions vient, semble-t-il, du fait que certaines d'entre elles avaient déjà été inscrites dans la loi de financement à hauteur de 252 millions de francs. L'évaluation du surcoût, indiquée à titre provisoire dans le rapport, et qui  malheureusement n'a pas été actualisée ensuite lors de la contradiction réalisée avec les services du ministère, a varié au cours du temps. Ce surcoût devrait finalement s'établir à 996 millions de francs (et non à 489 millions de francs comme indiqué dans le rapport).

Concernant le financement des remplacements, la Cour s'est inquiétée d'un financement de la masse salariale à caractère pérenne qui resterait hors ONDAM. Dès lors que l'ONDAM décrit l'évolution des dépenses prises en charge par l'assurance maladie, et non l'ensemble des dépenses autorisées, la non prise en compte dans l'ONDAM d'un financement budgétaire a sa logique, mais ses modalités de mise en oeuvre méritent réflexion : compte tenu de la nature salariale de ces charges qui entrent dans les dépenses de fonctionnement autorisées des établissements, elles devraient être intégrées à l'ONDAM, sauf à affaiblir les efforts entrepris depuis plusieurs années pour maîtriser les évolutions des dépenses hospitalières et à fausser tant la perception de l'évolution de ces dépenses que la comparaison avec l'évolution de celles des cliniques privées. Ainsi, la charge serait dans un premier temps supportée par l'assurance maladie, quitte à ce que l'Etat, s'il le décide, lui apporte un financement budgétaire.

* 1 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 130.

* 2 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 128.

* 3 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 132.

* 4 Rapport n°58 (1999-2000), tome I, p. 44.

* 5 Sauf éventuellement la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur le chiffre d'affaires, mais dont le produit ne s'élève jamais qu'à 18 milliards de francs.

* 6 Présentée à l'annexe b1) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 7 Cf. en annexe du présent tome I les réponses de la Cour des comptes au questionnaire de notre commission. M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, consacre en outre un développement à cette question.

* 8 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2000, p. 162 et suivantes.

* 9 C'est-à-dire d'un document établi par la Direction de la sécurité sociale : on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même...

* 10 Cf. infra.

* 11 Les observations du rapport d'information n° 433 (1998-1999) " Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible " présenté par votre rapporteur en mai 1999 restent, pour l'essentiel, d'actualité.

* 12 Cf. infra le compte rendu de l'audition de M. Jean-Marie Spaeth sur l'utilité du " rapport de novembre ".

* 13 Cf. sur tous ces points le rapport d'information n°356 (1999-2000) publié par votre commission le 24 mai 2000 consacré à l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, un bilan à mi-parcours.

* 14 Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.

* 15 Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République - réception des conseils économiques et sociaux régionaux (Palais de l'Elysée - mercredi 19 janvier 2000.

* 16 Avis A.N. n° 2631, p. 11.

* 17 A raison de 3,5 millions de francs de produits financiers " perdus " par mois de retard.

* 18 Réponse du ministère de l'économie et des finances au questionnaire de M. Didier Migaud, rapporteur général, AN, n°2387, p. 51.

* 19 Cf. notamment l'article 37 du présent projet de loi.

* 20 Pour mémoire, un régime de protection sociale porte le nom de " fonds ". Il s'agit du " fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat " (FSPOIE), régime spécial de retraite géré par la Caisse des dépôts.

* 21 Cette interprétation de la loi organique du 22 juillet 1996 est celle de l'administration. Cf infra, partie III.

* 22 L'annexe f), conçue pour être une annexe " mineure " des lois de financement, devient de facto l'annexe la plus importante.

* 23 Alain Déniel, disparu prématurément au printemps, avait mis toutes ses forces pour que cette mission fonctionne dans de bonnes conditions.

* 24 Rapport septembre 2000, p. 159.

* 25 Rapport CCSS septembre 2000, p. 9.

* 26 Cf. article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances : " l'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique intitulé budget général ".

* 27 Une réunion par anticipation, en quelque sorte... la loi étant parue au Journal officiel du 29 décembre 1999.

* 28 Rapport Charles Descours sur le PLFSS 2000, tome I, p. 39.

* 29 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 126.

* 30 cf. supra.

* 31 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 189.

* 32 En fait, 85,5 % de 90,9 %.

* 33 Communiqué à la presse du " ministère " de l'Emploi et de la Solidarité du jeudi 20 janvier 2000, cf. rapport d'information n°356 (1999-2000).

* 34 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, p. 46.

* 35 Un relèvement des quotités sur la pollution atmosphérique et les huiles usagées devant par ailleurs représenter 250 millions de francs de recettes supplémentaires.

* 36 C'est ce décalage entre les recettes et les dépenses que prend aujourd'hui en charge l'ACOSS.

* 37 Compte tenu du relèvement du seuil de mise en recouvrement, la perte aurait été légèrement moins élevée que prévu : entre 5,4 et 5,5 milliards de francs.

* 38 Une aide incitative à la réduction du temps de travail, déduction forfaitaire et dégressive (9.000 francs par an et par salarié en moyenne).

* 39 Ce plafond a été porté à 1,4 SMIC par l'Assemblée nationale ; cf. infra.

* 40 Dans le cadre du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale.

* 41 Il reste une cotisation maladie salariale de 0,75 %.

* 42 Cf. infra.

* 43 Les cotisations famille et maladie étaient, jusqu'à une époque récente, plafonnées en fonction du revenu ; c'est toujours le cas des cotisations vieillesse, chômage et de retraite complémentaire.

* 44 Décision n°90-285 du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990 sur la loi de finances pour 1991.

* 45 Votre commission des Affaires sociales -anticipation malheureuse ?- avait procédé le 3 mai dernier à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du Conseil d'administration de la CADES. Le compte rendu de cette audition figure infra.

* 46 Votre rapporteur en déduit que le vote du Parlement sur ces mesures semble une question parfaitement secondaire .

* 47 D'autres mesures ont une influence sur les comptes, mais elles ne sont pas approuvées explicitement par le Parlement, étant prises par la voie réglementaire. Cf. infra.

* 48 En raison de la non-inclusion, dans les objectifs de dépenses par branche, des dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants, dont le montant est toutefois limité (2 à 3 milliards de francs).

* 49 Votre rapporteur consacre un développement sur les multiples taux possibles de progression de l'ONDAM 2001 dans la partie " Assurance maladie ", cf. infra.

* 50 Lorsque l'Assemblée nationale vote un amendement du Gouvernement sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, majorant cet objectif de 200 millions de francs en raison d'une hausse du minimum vieillesse, elle approuve implicitement une mesure qui sera prise sous forme réglementaire.

* 51 Y compris l'article 44, relatif à l'ONDAM.

* 52 Avis présenté au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale par M. Jérôme Cahuzac, A.N. n° 2631, p. 122.

* 53 Rapport sur la sécurité sociale, septembre 2000, p. 181 et suivantes.

* 54 Op. cit. p. 100.

* 55 Source : Avis présenté par M. Jérôme Cahuzac au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, n° 2631, p. 147.

* 56 P. 327 et suivantes.

* 57 Rapport fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, A.N. n° 2633, Tome II, p. 23.

* 58 Devenu depuis le Comité économique des produits de santé.

* 59 Les non-signataires sont deux laboratoires dont le chiffre d'affaires est important et 28 dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions de francs.

* 60 Cf. Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible. Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires sociales par M. Charles Descours, Sénat, n° 433 (1998-1999), p. 39.

* 61 pp. 229-230.

* 62 p. 24 et suivantes.

* 63 La hiérarchisation des actes et le calcul du coût de la pratique doivent déboucher sur des valeurs d'honoraires objectives mais néanmoins dépendantes de l'enveloppe financière totale, allouée à la rémunération des actes techniques, prise comme référence initiale de calcul. Il appartiendra aux caisses d'assurance maladie et aux syndicats médicaux de négocier un passage, étalé sur plusieurs années, des honoraires de l'actuelle NGAP aux honoraires cibles de la CCAM.

* 64 p. 181.

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