B. L'ILLUSION DU FONDS DE RÉSERVE

Sous la pression d'un diagnostic -celui du rapport Charpin- qui confirmait ceux déjà formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites.

La création d'une commission (voir ci-dessus le conseil d'orientation des retraites) chargée d'être " vigilante " et de faire un rapport en 2002 ne pouvait à l'évidence à elle seule persuader les Français que l'avenir de leur retraite était garanti.

Un rapport tous les trois ou quatre ans de 1991 à 2002 ne saurait, en effet, être raisonnablement considéré comme une médecine décisive.

La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat la seule mesure concrète prise par le Gouvernement.

1. La mise en place laborieuse des ressources hétéroclites

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé, au sein du FSV, un fonds de réserve pour les retraites, destiné à pallier les futures difficultés de financement des régimes par répartition.

Pour l'occasion, la loi a scindé le FSV en deux sections distinctes, la première concernant la prise en charge des opérations de solidarité vieillesse, le second étant le fonds de réserve proprement dit.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a précisé que les recettes du fonds étaient constituées :

- d'une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ;

- tout ou partie de l'excédent du FSV au titre de la première section ;

- toutes autres ressources qui pourraient être affectées au fonds de réserve en vertu des dispositions législatives.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a attribué de nouvelles ressources au fonds :

- 49 % du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital ;

- le résultat excédentaire (calculé en droits constatés) de l'ensemble du fonds dont la CNAVTS a la gestion, versé le cas échéant sous forme d'acompte provisionnel.

En outre, la loi de financement pour 2000 prenait acte d'une " contribution spontanée " de la Caisse des dépôts à hauteur de 3 milliards de francs.

La loi du 25 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière, a prévu par ailleurs que le fonds de mutualisation affecterait, au profit du fonds de réserve, de 2000 à 2003 inclus, le produit des versements reçu des caisses d'épargne et de prévoyance.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, de façon symbolique, ajuste tout d'abord à 50 % (contre 49 % précédemment) la part affectée au fonds de réserve du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital.

Mais la mesure la plus significative est le versement d'une partie des " redevances d'utilisation des fréquences allouées en vertu des valorisations d'établissement et d'exploitation des réseaux mobiles de troisième génération " qualifiées de " licences UMTS ".

Le projet de loi de finances pour 2001 (article 23) prévoit que sur un total de 32,5 milliards de francs, 18,5 milliards de francs seraient versés au fonds de réserve (57 %), le reliquat (43 %) étant affecté à la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP).

Les ressources hétéroclites du fonds de réserve prévues en fin 2001

1999

2000

2001

Ressources pérennes

Prélèvement 2 %

5.410

5.750

Ressources hypothétiques

C3S

2.000

Excédent CNAVTS n-1

5.033

1.421

Excédent FSV

0

-

Acompte excédent CNAVTS

2.900

-

Ressources exceptionnelles

Parts sociales Caisse d'épargne

4.719

4.719

Don Caisse des dépôts et consignations

3.000

Licences UMTS

18.500

Produits financiers

7

289

1.400

Total annuel

2.007

21.271

31.790

Total cumulé

23.278

55.068

2. Un plan de marche grevé d'incertitudes

Le Premier ministre a, dans sa déclaration sur l'avenir des retraites, annoncé l'accumulation de réserves à hauteur de 1.000 milliards de francs permettant d'envisager avec sérénité le passage du " pic démographique " de 2020-2040.

a) L'absence de ressources véritablement pérennes

A l'exception des 50 % du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, le fonds ne dispose pas de recettes qui lui soient automatiquement attribuées chaque année.

Hormis cette seule ressource pérenne, le fonds ne dispose que de recettes exceptionnelles ou hypothétiques.

Les ressources qualifiées d'" hypothétiques " représentent une contribution considérable des flux financiers abondant le fonds de réserve en 2000 et 2001.

Elles sont constituées d'abord d'excédents de la branche vieillesse du régime général ou du fonds de solidarité vieillesse. La CNAVTS va ainsi transférer au fonds au titre des exercices 1999 et 2000 près de 9 milliards de francs.

Les excédents de la seule CNAVTS sont estimés par le Gouvernement de plus de 100 milliards de francs d'ici 2020. Selon les hypothèses très favorables d'un taux de croissance supérieur à 3 % et d'un taux de chômage de 4,5 % en 2010, la caisse pourrait effectivement générer un excédent cumulé de près de 120 milliards de francs à cette échéance de 2010 .

Toutefois, selon les mêmes hypothèses, comme ses responsables l'ont indiqué lors de leur audition par la Commission, mais comme le Gouvernement omet de le préciser, la CNAVTS enregistrera 600 milliards de francs de déficit entre 2010 et 2020 .

Ce qui veut dire que la CNAVTS aura peut-être versé au fonds de réserve 120 milliards de francs entre 2000 et 2010 mais elle affichera un déficit cumulé de 600 milliards de francs en 2020, date à laquelle le fonds de réserve doit être opérationnel.

Dit autrement, les excédents de la CNAVTS qui grossissent apparemment le fonds de réserve jusqu'en 2010 ont pour contrepartie un déficit cumulé en 2020 qui est aggravé d'autant.

En l'absence de versement au fonds de réserve, le déficit cumulé de la CNAVTS, en 2020, ne serait " que " de 480 milliards de francs.

Le fonds de solidarité vieillesse est également appelé à faire bénéficier le fonds de réserve de ses excédents. Or, comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, les recettes du FSV ont été très largement transférées au FOREC au point d'ôter toute crédibilité à l'idée d'excédents importants du FSV.

La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), qui est attribuée conjointement au FSV et au fonds de réserve des retraites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, est une ressource fiscale qui présente le même caractère hypothétique car le fonds de réserve des retraites ne pourra escompter percevoir une fraction du produit qu'en cas de résidu après mise à l'équilibre des régimes de non-salariés alignés (ORGANIC, CANCAVA).

Or, ces régimes perçoivent une part importante de C3S, à concurrence de leur déficit courant. De surcroît, ils perçoivent 5 milliards de francs pour ORGANIC, 1,9 milliard de francs pour CANCAVA au titre de la compensation démographique.

Leurs besoins de financement est appelé à croître (dans une moindre mesure pour ORGANIC) de la même façon que les régimes qui financent cette compensation (CNRACL, CNAVTS). C'est donc par un apport accru du produit de la C3S que ces régimes maintiendront leur équilibre financier.

Dans ces conditions, il est très " hypothétique " de gager le financement du fonds sur cette ressource.

Toutes ces recettes, dont votre rapporteur considère la réalisation comme hypothétique, voire improbable, sont comptabilisées pour 500 milliards de francs dans les projections de constitution du fonds de réserve, soit la moitié du fonds au total.

Le Gouvernement est probablement conscient de la fragilité du financement du fonds de réserve en l'état. Aussi a-t-il entrepris de doter celui-ci d'un certain nombre de recettes au caractère exceptionnel.

Ces dernières présentent l'avantage d'être presque indolores, du moins en tant qu'elles ne figurent pas sur les feuilles de salaire ou les feuilles d'impôts des Français. Elles permettent de ne rien faire apparaître qui pourrait s'apparenter à une " surcotisation " perçue sur les actifs d'aujourd'hui.

Ainsi, les licences UMTS, les dons de la Caisse des dépôts et consignations et les versements des Caisses d'épargne (31 milliards de francs au total) représenteront fin 2001, près de 60 % des montants du fonds.

Or, la Caisse des dépôts et consignations n'a pas renouvelé sa contribution spontanée de 2000, les versements des Caisses d'épargne s'interrompront en 2003 et ceux prévus au titre des licences UMTS (si les lois de finances successives persistent dans cette affectation) se réduiront à 8 milliards en 2002 et à 4,5 milliards par an en 2003.

Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001, M. Didier Migaud affirme que " les ressources du fonds seront majoritairement fiscales ou issues d'opérations patrimoniales de l'Etat ". S'agit-il là d'une modification du projet de financement du fonds par le Gouvernement ?

Le rapporteur général prend-il déjà acte que le financement très majoritaire du fonds de réserve par les excédents courants des régimes de retraite est d'une absolue vanité ?

Votre rapporteur constate qu'annoncé à la va-vite lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve n'est toujours pas l'objet d'un projet abouti.

b) Le manque de visibilité sur la gestion du fonds à long terme

Votre rapporteur rappelle que le fonds de réserve actuel ne constitue qu'une section du FSV.

Certes, le décret 99-898 du 22 octobre 1999 a précisé les statuts de chacune des sections, a séparé leurs documents comptables et leurs trésoreries.

Il n'empêche que le fonds de réserve des retraites, qui sera appelé à gérer plus de 55 milliards avant la fin de l'année 2001, ne dispose pas de la personnalité juridique et demeure géré par l'équipe restreinte du FSV qui compte moins de 10 personnes.

A l'occasion de la commission des comptes de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un pré-projet de loi de financement qui procédait à la création d'un établissement public.

De fait, Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, avait déclaré dès le 12 novembre 1998 " pourquoi avoir inscrit le fonds de réserve au FSV ? Tout simplement parce que c'est pour nous une position transitoire ".

Le projet final ne souffle plus mot de cette question. M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, note pourtant dans son rapport 16 ( * ) que " la réussite de la mission du fonds de réserve sera difficile tant que certaines conditions ne seront pas remplies : le fonds de réserve doit disposer d'une véritable structure distincte (...), les dirigeants du fonds doivent être clairement identifiés ".

Il note par ailleurs que le Premier ministre a présenté un schéma de financement qui repose sur 300 milliards de francs de produit financier et un taux de chômage à 4,5 % par an.

M. Didier Migaud ajoute " il sera nécessaire de mener un débat sur ces hypothèses et de s'assurer que le dispositif mis en oeuvre sécurisera le financement des retraites au-delà de 2020 ".

Sachant que le Gouvernement a subordonné tout débat sur les modalités de gestion du fonds à la création d'un établissement public, sachant que le Gouvernement semble avoir reporté la création de cet établissement, si elle a lieu, au projet de loi de modernisation sociale, qui ne sera vraisemblablement pas adopté avant la fin de la session, il semble douteux que ce débat ait lieu avant 2002.

Or, le fonds de réserve est aujourd'hui géré avec les mêmes instruments que le fonds de solidarité vieillesse qui, pour des raisons prudentielles ne sont constitués que de bons du Trésor.

M. Didier Migaud affirme, dans son rapport, qu'" un placement cohérent, sérieux et prudent des sommes affectées au fonds de réserve des retraites, permettra de profiter de l'efficacité financière qui constitue un avantage des systèmes de capitalisation. Le fonds de réserve devrait ainsi concilier les principes de la répartition auxquels chacun est légitimement attaché et l'efficacité financière, afin de contribuer au passage du cap difficile que notre système connaîtra dans les 50 ans à venir ".

Votre rapporteur se félicite du " chemin de Damas " de la majorité plurielle qui reconnaît explicitement " l'efficacité financière " de la capitalisation et combien elle constitue un complément indispensable au système de répartition pure.

La Commission européenne, qui a présenté une proposition de directive sur les institutions de retraite professionnelle, rappelle elle aussi qu'il est important de ne pas limiter les performances des fonds de retraite par des règles d'investissement trop contraignantes. Par la voix de son commissaire Frits Bolkestein, elle a noté que " dans les pays où les gestionnaires ont eu suffisamment de liberté pour décidé de l'affectation de leurs capitaux, la performance des fonds de pension a été multiplié par deux par rapport à ceux qui ont subi des règles restrictives, sans que la sécurité n'ait eu à en souffrir ".

Votre rapporteur, qui constate, dans les arguments du commissaire, un rendement de 12,5 % atteint par les fonds de pension irlandais contre 6,15 % au Danemark où les règles de placement en actions sont très strictes, rappelle également que si les cours d'actions peuvent connaître de fortes fluctuations à court terme, ils sont toujours à l'origine de produits importants à long terme. C'est pourquoi le recours à l'ensemble des instruments financiers prévu par la loi du 2 juillet 1996 serait pertinent.

Mais au-delà des modalités de gestion courante, c'est la question de la finalité même du fonds qui est posé.

Un fonds de réserve ne saurait fonctionner comme le livret d'épargne d'un bon père de famille qui " met de côté " en prévision des jours difficiles.

Il constitue une technique consistant à définir un horizon de gestion, à mesurer l'ampleur et la nature du passif auquel le fonds devra faire face pour déterminer le mode de placement adéquat de son actif.

Or, quels sont la nature et l'échéancier du passif du fonds de réserve ?

Il faudrait pour le dire -et ne serait-ce que pour gérer les 55 milliards de francs dont disposera le fonds fin 2001- avoir défini les axes d'une réforme des retraites. Or, ce dossier a été refermé par le Gouvernement qui attend désormais le rapport 2002 du Conseil d'orientation des retraites.

Car, une chose est sûre, quelle que soit " l'efficacité financière de la capitalisation " soulignée par le rapporteur général de l'Assemblée nationale, le fonds de réserve actuel ne saurait, à lui seul, garantir l'avenir des retraites.

Comme le rappelle pertinemment M. Olivier Davanne, spécialiste des retraites à la Caisse des dépôts et consignations " contrairement à un sentiment largement répandu, le terme de " bosse démographique " donne une image très inexacte des difficultés qui apparaîtront à partir de 2005-2010. Si la population française reste à peu près stabilisée au cours du siècle prochain, c'est la structure démographique de 2040, qui, loin de ressembler à une bosse, constituera une situation stable. Dans un contexte de vieillissement de la population, la structure actuelle, caractérisée par des taux de dépendance supportables, est en revanche transitoire et résulte du baby boom des années cinquante et soixante. Plutôt que le passage d'une bosse, les difficultés de la première moitié du siècle prochain s'apparentent ainsi à la montée vers un plateau . "

Il n'y aura pas de retour à la situation actuelle à l'issue de cette période d'ajustement. Et c'est déjà à cette période qu'il convient de se préparer.

c) 1.000 milliards de francs : une somme symbolique ou la partie visible d'une réforme draconienne ?

Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur la signification du chiffre de 1.000 milliards de francs.

S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant en quelque sorte " beaucoup " 17 ( * ) ou repose-t-il sur une quelconque projection des besoins, ne serait-ce qu'en terme de " lissage " puisque telle semble être l'option retenue par le Premier ministre dans ses déclarations du 21 mars 2000 ?

Force est de le constater, au vu du diagnostic du commissariat au Plan et en l'absence de réforme, le fonds de réserve tel que dimensionné par le Gouvernement, apparaît comme hors d'état de faire face au choc des années 2020.

Dans le scénario intermédiaire du rapport Charpin (scénario 2), le besoin de financement annuel -sous l'hypothèse d'une indexation des pensions sur les seuls prix- est en effet de 2 points de PIB en 2020, 3,7 points de PIB en 2040.

La somme de 1.000 milliards de francs " correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040 " 18 ( * ) .

Limité au seul régime général, l'utilisation du fonds de réserve n'équilibrerait les comptes que cinq ans. En 2025, le régime général serait en cessation de paiement.

Il est donc bien évidemment erroné de prétendre que dès lors, une autre hypothèse doit être envisagée . Le montant de 1.000 milliards de francs serait cohérent avec une réforme d'ampleur des régimes de retraite dont le Gouvernement omettrait toutefois de révéler la teneur.

Votre rapporteur a en effet entendu Mme Florence Legros, professeur d'université, conseiller auprès du service des études sur la retraite de la Caisse des dépôts et consignations, membre du conseil d'orientation des retraites. Il ressort de ses travaux qu'en accumulant les excédents des régimes, il est possible de constituer un fonds de réserve de 1.000 milliards de francs qui équilibrerait le système jusqu'en 2032... pour peu que la durée de cotisation soit portée à 42,5 années.

La pertinence du fonds, dont le Premier ministre annonce avec tant de force le montant de 1.000 milliards de francs, n'aurait ainsi de sens que sous la réserve -dont il ne fait pas état- d'un allongement substantiel des durées de cotisation, de deux ans et demi dans le secteur privé et de cinq ans dans le secteur public.

d) Dettes et réserves : une coexistence problématique

En partageant les produits des licences UMTS entre fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d'amortissement de la dette publique, le présent projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de " réserves " parallèlement à la persistance de dettes considérables .

Ainsi, aux termes d'un arbitrage dont on ne sait à quelle logique il obéit : en 2001 57 % des produits de ces licences seront affectés au fonds de réserve (18,5 milliards de francs) et 43 % à l'amortissement de la dette de l'Etat (14 milliards de francs).

Ces 14 milliards de francs sont à comparer au stock de dette de l'Etat supérieure de 5.000 milliards de francs fin 2000 19 ( * ) et au déficit budgétaire pour 2001 (186 milliards de francs) qui viendra accroître cette dette.

Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des finances sociales, le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait effectivement 1.000 milliards de francs, coexisterait dès 2020 avec un déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600 milliards de francs.

La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler, ou, en termes plus imagés, à faire des " tas " à côté des " trous ", et à demander au Parlement de voter solennellement un léger grossissement du " tas " de préférence à un léger comblement du " trou ".

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2001, M. Didier Migaud, rapporteur général, fait référence à la situation américaine " Le Président Bill Clinton a proposé que les excédents budgétaires, dont l'Etat fédéral américain dispose désormais, soient affectés à hauteur de 62 % au système des réserves, afin de garantir un paiement non déficitaire des pensions du système fédéral ".

Il souligne cruellement la différence essentielle entre la France et les Etats-Unis. Notre pays ne dispose pas d'excédents budgétaires pour constituer de véritables réserves.

Quant aux excédents de nos régimes sociaux, force est de constater qu'ils sont, comme on l'a vu, très temporaires pour les régimes de retraite, fort incertains pour les régimes d'assurance maladie, et pour le reste -en l'espèce la branche famille- mobilisés notamment par la politique extrêmement coûteuse de réduction de la durée du travail.

*

* *

L'an dernier, votre rapporteur citait en conclusion de son rapport cet avertissement du Commissaire au plan : " Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire ". 20 ( * )

Il soulignait a contrario la légèreté du Premier ministre qui confiait le 29 avril 1999 21 ( * ) : " nous avons le temps ".

Le 21 mars dernier, la déclaration de M. Lionel Jospin " sur l'avenir des retraites " , faite solennellement, depuis l'hôtel de Matignon, a confirmé, au-delà des craintes formulées alors par votre rapporteur, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.

Mais, comme l'oisiveté est toujours mauvaise conseillère, la majorité plurielle a souhaité, dans le cadre de la discussion du présent projet de loi, apporter sa propre contribution à l'avenir de nos retraites en votant l'abrogation de la loi Thomas créant les plans d'épargne retraite que le Gouvernement, dès juin 1997, avait au demeurant décidé de ne pas appliquer.

*

* *

Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.

* 16 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001 (n° 2624 - tome I), p. 155 et suivantes.

* 17 Cf. le juron célèbre du Capitaine Haddock : " mille milliards de mille sabords " in Le Trésor de Mackham le Rouge - p. 48.

* 18 Discours de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de sa réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale - 21 septembre 2000.

* 19 Discours de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de sa réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale - 21 septembre 2000.

* 20 Jean-Michel Charpin - Liaisons sociales mai 1999.

* 21 Lionel Jospin dans un entretien accordé au Parisien.

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