II. AUDITION DE M. JEAN-MICHEL CHARPIN, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PLAN

Réunie le mercredi 9 février 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a entendu M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan.

M. Jean Delaneau, président, a relevé les fortes divergences qui opposaient les conclusions du rapport de M. Jean-Michel Charpin et les conclusions de l'avis du Conseil économique et social.

Après avoir déclaré que nul n'était plus qualifié que M. René Teulade pour commenter l'avis du Conseil économique et social, M. Jean-Michel Charpin a fait valoir les différences d'approche qui existaient entre son rapport et le rapport de M. René Teulade.

Il a rappelé que l'avis du Conseil économique et social s'était largement appuyé, en la citant, sur l'étude de cette même assemblée rédigée par Mme Chantal Lebatard. En se fondant sur certains des scénarios étudiés par Mme Lebatard, l'avis du Conseil économique et social avait été amené à souligner qu'un taux de croissance de 3,5 % par an pendant 40 ans serait nécessaire pour permettre le financement des retraites sans augmentation de la part de celles-ci dans le PIB. Il a fait valoir que l'étude de Mme Lebatard présentait comme irréalisable le maintien d'un tel taux de croissance à long terme.

S'interrogeant sur la raison qui conduisait les travaux du Conseil économique et social à minorer de 50 %, soit plusieurs centaines de milliards de francs par an, les charges futures des régimes de retraite, M. Alain Vasselle a relevé une erreur de méthode majeure : il a souligné que les projections retenues par le Conseil économique et social " oubliaient " que la pension moyenne augmentait à long terme au même rythme que les salaires, quand bien même les pensions seraient indexées sur les prix. Dans ces conditions, il n'apparaissait guère surprenant que le Conseil économique et social ait pu conclure à une diminution à long terme de la part des dépenses de retraite dans le PIB.

Interrogé sur ce point, M. Jean-Michel Charpin a confirmé cette analyse. Il a expliqué que les pensions servies dépendent des salaires perçus par les assurés pendant leur carrière, chaque génération d'actifs bénéficiant de salaires plus élevés que les générations précédentes ; la pension moyenne augmente donc, en termes réels, d'une année sur l'autre, du simple fait du renouvellement des générations de retraités, et ceci, quel que soit le mode retenu d'indexation des pensions.

M. Jean-Michel Charpin a précisé que, compte tenu des conséquences lourdes que pouvait entraîner une telle omission, il avait souhaité consacrer à la question de l'évolution de la pension moyenne une annexe spécifique de son rapport au Premier ministre. Il a constaté que cet effort de pédagogie n'avait manifestement pas porté ses fruits.

Evoquant les différences de méthodes entre les travaux qui avaient été menés sous sa direction et l'étude du Conseil économique et social, M. Jean-Michel Charpin a observé que son rapport reposait sur des projections multi-régimes réalisées en collaboration étroite avec les responsables techniques des différents régimes de retraite, alors que l'étude du Conseil économique et social raisonnait tous régimes confondus. La mission qu'il avait conduite disposait, il est vrai, de moyens beaucoup plus importants que ceux sur lesquels s'était appuyée Mme Lebatard.

S'agissant du rôle de la croissance dans le financement des retraites, M. Jean-Michel Charpin a constaté que l'avis du Conseil économique et social, tout comme l'étude de Mme Lebatard, présentait des taux de croissance, sans préciser quelle part provenait d'une croissance de la productivité et quelle part découlait d'une croissance de l'emploi. Or, ces deux facteurs pouvaient avoir des impacts très différents sur les recettes des régimes de retraite.

Il a expliqué que, dans les scénarios étudiés par le commissariat du Plan, il apparaissait nettement que, seule, l'augmentation de la productivité pourrait susciter une croissance supplémentaire après 2010, dans la mesure où les gisements d'emplois subsistant s'avéreraient alors très limités. Il a fait observer qu'une croissance uniquement fondée sur la productivité se traduirait inévitablement par une hausse des salaires, et donc des cotisations, ce qui augmenterait à terme la charge des retraites.

S'agissant de l'horizon retenu pour traiter de l'avenir des retraites, M. Jean-Michel Charpin a considéré que certaines mesures, comme l'augmentation des cotisations, pouvaient être prises au jour le jour, au vu de la dégradation de l'équilibre financier des régimes, alors que d'autres, tels les mécanismes de capitalisation ou de réserve, devaient être programmées à l'avance et donc engagées sans tarder.

Après avoir rappelé que les régimes de retraite ne connaîtraient aucune difficulté avant 2006, M. Jean-Michel Charpin a souligné les dangers, pour l'équité entre les générations, que comporterait un défaut d'anticipation face au déséquilibre, connu depuis plus de dix ans, qu'entraînera, à partir de cette date, le départ à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'hypothèse, avancé par le Conseil économique et social, d'une augmentation du taux de fécondité. Après avoir fait remarquer que plus on attendait pour prendre des mesures, plus ces mesures seraient draconiennes, il a souhaité savoir quelle serait l'évolution des systèmes de retraite calculée en points, tels que ceux de l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) et de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC).

Mme Gisèle Printz s'est enquise de l'évolution future des retraites des veuves.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Jean-Michel Charpin a précisé que dans les régimes en points, la liquidation se faisait en fonction du nombre de points accumulés et de la valeur du point, et non des salaires perçus pendant les périodes d'activité. Ces régimes étaient aujourd'hui de facto indexés sur les prix, ce qui se traduisait par des évolutions très limitées de la pension moyenne.

Il a indiqué que l'évolution du taux de fécondité était un phénomène difficile à prévoir, même si ce taux avait peu évolué depuis une dizaine d'années. Il a fait observer qu'une augmentation forte du taux de fécondité n'aurait un impact réel sur les régimes de retraite qu'après 2020.

En réponse à Mme Gisèle Printz, M. Jean-Michel Charpin a précisé que les travaux menés sous sa direction n'avaient pas étudié une éventuelle modification des règles applicables aux personnes veuves. Il a indiqué que les femmes bénéficieraient de carrières de plus en plus complètes et donc de pensions de retraite supérieures à celles des générations précédentes, ce qui avait été intégré dans les projections du commissariat du Plan.

M. Jean Delaneau, président, a conclu en soulignant que la profonde différence de nature qui apparaissait entre l'avis du Conseil économique et social et les travaux menés par le commissaire du Plan, du point de vue notamment de la rigueur scientifique, conduisait à considérer, comme l'avait fait d'ailleurs M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dès le 9 janvier dernier, que le rapport Charpin restait, à l'évidence, le rapport de référence sur l'avenir des retraites.

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