Rapport général n° 92 (2000-2001) de M. Yvon COLLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2000

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N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 24

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS ET LOGEMENT :

III . - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE : TRANSPORT AÉRIEN

ET MÉTÉOROLOGIE ET AVIATION CIVILE

Rapporteur spécial : M. Yvon COLLIN

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

PREMIÈRE PARTIE :

LE BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE

INTRODUCTION

Au cours de ces dernières années, le trafic aérien a enregistré une très forte croissance.

Plusieurs indicateurs rendent compte de ce développement.

Indicateur de variation du trafic aérien

1 er semestre 2000/

1 er semestre 1999

1 er semestres 2000/

1 er semestre 1998

1 er semestre 2000/

1 er semestre 1997

+ 5,0 %

+ 14,5 %

+ 23,7 %

Comme c'est la règle, cette forte croissance moyenne du trafic s'accompagne de phénomènes de pointes qui en compliquent l'absorption.

Indicateurs des phénomènes de pointes dans le transport aérien

1 er semestre 2000

1 er semestres 1999

1 er semestre 1998

Nombre de journées >= 7500 vols

38

18

1

Nombre de journées >= 8000 vols

9

3

0

Journées de pointe absolue au cours des années récentes

Trafic contrôlé

Vendredi 23 juin 2000

8 189 vols

Vendredi 18 juin 1999

8 147 vols

Vendredi 26 juin 1998

7 679 vols

Vendredi 20 juin 1997

6 981 vols

Cet essor, qui correspond à la phase haussière d'un cycle qui connaîtra une période d'inflexion, est évidemment un élément favorable pour l'économie du transport aérien. Globalement, les compagnies en tirent partie et il en va de même pour les constructeurs aéronautiques. Mais, pour les responsables des infrastructures du transport aérien, l'administration, les gestionnaires d'aéroports, le bilan semble plus nuancé.

D'un côté, l'augmentation du trafic accroît les ressources dont ils disposent. Mais, d'un autre côté, cette augmentation suscite des tensions en sollicitant beaucoup leurs capacités qu'il s'agisse de leurs capacités opérationnelles ou de leurs activités de régulateurs.

Un sentiment diffus de mécontentement s'est répandu dans l'opinion qui conduit à examiner les performances enregistrées par les gestionnaires d'infrastructures de transport.

Les critiques se sont concentrées sur les retards ainsi que sur certaines pratiques commerciales, et, en particulier, sur les surréservations.

Les retards, c'est à dire la différence entre l'heure de départ prévue (heure annoncée au passager sur son billet) et l'heure de départ réelle (heure à laquelle l'avion quitte son poste de stationnement) ont considérablement augmenté depuis 1997.

En France, les chiffres significatifs en matière de régularité du transport aérien, toutes causes de retards confondues, sont les suivants :

1997

1998

1999

1 er semestre 2000

Part des vols retardés > 15 ,

30,1 %

32,8 %

39,2 %

33,5 %

Retard moyen par vol réalisé (en minutes)

15,2

16,2

19,4

16,1

Retard moyen par vol retardé (en minutes)

18,8

19,6

23,2

19,4

Les causes des retards sont curieusement mal connues.

Les études actuelles en matière d'analyse des retards aériens montrent qu'en moyenne, 40 % des causes de retards sont identifiées sous le vocable " arrivée tardive de l'appareil liée aux enchaînements des rotations " ce qui rend difficile toute analyse objective.

Des études ponctuelles concernant les lignes Orly-Toulouse et Orly-Nice ont dégagé des résultats plus précis mais dont la significativité n'est évidemment que partielle.

Ces études donnent les résultats suivants pour les vols retardés de plus de 15 minutes au départ.

Part des vols retardés > 15 ,

Services de la navigation aérienne

Compagnies

Aéroport

Météo

Allongement du temps de vol *

Juin 1999

Orly > Nice

29 %

55 %

31 %

9 %

0 %

5 %

Nice > Orly

32 %

62 %

24 %

4 %

0 %

10 %

Avril 2000

Orly > Toulouse

14 %

19 %

63 %

11 %

1 %

6 %

Toulouse > Orly

19 %

32 %

54 %

4 %

2 %

9 %

Juin 2000

Orly > Nice

29 %

40 %

47 %

9 %

0 %

4 %

Nice > Orly

28 %

55 %

32 %

6 %

2 %

5 %

Source : Comité des usagers du transport aérien.

Il paraît évident que les retards liés à la Météo sont sous-évalués. Mais, ces résultats montrent que les retards, dont une part de la responsabilité incombe aux compagnies et aux aéroports, sont principalement dépendants de la capacité du contrôle aérien à traiter le trafic.

Les variations du pourcentage des retards résultant d'autres causes apparaissent mécaniques ; elles résultent des variations des retards liés au contrôle aérien.

Celui-ci semble éprouver de réelles difficultés à absorber les pointes de trafic. Un défaut d'adaptation des capacités à la demande semble être en cause.

C'est d'ailleurs ce diagnostic qui inspire les tentatives réalisées par la direction générale de l'aviation civile pour adapter les conditions de travail des contrôleurs aériens (v. infra ). Il est plus que souhaitable que ces tentatives réussissent compte tenu des inconvénients de tous ordres (personnels, économiques, environnementaux...) que provoquent les retards.

Le développement des pratiques commerciales très critiquables est un deuxième aspect du malaise ressenti par les usagers.

Hormis les incertitudes quant à l'identité du transporteur effectif qui résultent des pratiques de " partage de code " entre compagnies ou encore de sous-traitance du trafic, ce sont les surréservations qui sont ressenties comme les plus pénalisantes.

Votre rapporteur s'en est inquiété depuis longtemps puisque, dès le 27 juin 1997, dans une question au Gouvernement adressée au premier ministre, il souhaitait être assuré que l'État ne s'exemptait pas de contrôler les pratiques commerciales abusives. Sur ce point, la réponse du ministre de l'équipement, des transports et du logement était restée plus qu'évasive.

Les réponses écrites au questionnaire particulier adressé par votre rapporteur dans le cadre de l'examen du budget 2001 sont à peine plus développées. Elles relèvent que " la surréservation est une pratique très fréquente qui consiste pour un transporteur aérien à commercialiser plus de sièges que le nombre effectivement disponible pour un vol donné, afin de compenser les annulations de dernière minute et les places restées vacantes du fait de la non-présentation de passagers disposant d'une réservation ".

Elles notent que la surréservation entraîne un risque de refus d'embarquement et est un des phénomènes les plus dommageables pour les passagers que l'on puisse observer aujourd'hui. Elle indique les pouvoirs publics, au plan national comme au plan communautaire, souhaitent en limiter les inconvénients et rappelle que le règlement européen (CEE) 295/91 du 4 février 1991 prescrit notamment le versement obligatoire d'une indemnité compensatrice minimale, dont le montant varie en fonction de la distance devant être parcourue et du retard pris dans le réacheminement, en faveur des passagers ayant réservé et ne pouvant pas embarquer du fait de la surréservation.

Votre rapporteur souhaite que ce problème soit réellement traité et résolu.

Cela suppose une solution internationale puisque, ces pratiques étant un élément important des performances des compagnies, des solutions partielles engendreraient des handicaps de compétitivité pour les entreprises qui les appliqueraient.

Mais, il ne faut pas s'abriter derrière la course à la performance et, en particulier, à la maximisation du taux de remplissage des appareils, pour s'abstenir d'agir.

Il faut sans doute prendre en considération les excessives facilités offertes aux clients, qui sont mis en mesure de réserver sans engagements financiers de leur part et sans même devoir acquitter de pénalités en cas d'annulation de leurs réservations. Mais il ne faut pas imaginer que ces facilités traduisent une quelconque victoire du " consumérisme ". Elles ne sont concédées par les compagnies que parce que celles-ci y trouvent un avantage. Votre rapporteur exhorte donc le gouvernement français qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne, à mettre tout en oeuvre pour que le respect des droits des clients du transport aérien soit renforcé.

Enfin et surtout, votre rapporteur souhaite, en cette année de deuil pour le transport aérien, appeler tous les acteurs du transport aérien à la plus grande vigilance sur l'exigence essentielle que représente la sécurité du transport aérien.

En ce domaine, des évolutions préoccupantes sont en cours.

Le niveau de sécurité du transport aérien est traditionnellement évalué par les services de la circulation aérienne sur la base du nombre d'airprox enregistrés. Une procédure airprox est déclenchée par un commandant de bord lorsque celui-ci estime que la sécurité de son aéronef a été, ou aurait pu être compromise par un risque d'abordage entre aéronefs.

L'évolution des airprox durant les 10 dernières années est la suivante :

Airprox

CAG (CRNA)

CAG (hors CRNA)

Total

CAG

CAG/CAM

Total

Par million de vols IFR

1989

25

63

88

22

110

74

1990

17

49

66

25

91

58

1991

14

62

76

11

87

54

1992

14

44

58

17

75

44

1993

12

57

69

26

95

57

1994

14

52

66

22

88

50

1995

12

42

54

18

72

39

1996

21

64

85

18

103

53

1997

20

75

95

24

119

58

1998

23

82

105

31

136

62

1999

36

94

130

37

167

70

CAG : Circulation aérienne Générale

CAM : Circulation Aérienne Militaire

CRNA : Centre en Route de la Navigation Aérienne

IFR : Régime de Vol aux Instruments

Une forte augmentation du nombre d'airprox doit être déplorée ces dernières années.

Les services administratifs avancent que ce phénomène trouve un facteur d'explication dans l'équipement progressif des flottes par le système anti-collision embarqué (TCAS) au cours des dernières années.

Ils relèvent le TCAS, ne connaissant pas les instructions du contrôle peut générer de fausses alarmes.

Mais, à l'évidence, d'autres facteurs jouent. L'augmentation permanente de la complexité du trafic, la mise en place des " hubs " sur les grandes plates-formes avec la plus grande concentration d'atterrissages et de décollages dans des plages de temps réduites qui en découle, les difficultés de contrôle de l'activité d'aviation générale sont naturellement en cause. De même, l'augmentation sensible des incidents concernant aviation civile et militaire semble traduire une mauvaise coordination des contrôles.

En toute hypothèse, la répartition des airprox entre les centres en route de navigation aérienne (CRNA) et autour des dix premiers aéroports métropolitains paraît bien représentative de la densité et de la complexité du trafic dans les organismes correspondants.

Des mesures s'imposent.

1996

1997

1998

1999

CRNA/E

7

4

3

9

CRNA/N

10

10

7

16

CRNA/O

1

2

2

4

CRNA/SE

3

4

9

14

CRNA/SO

1

0

2

3

Bâle

2

2

6

8

Bordeaux

0

0

0

1

Lyon-Satolas

4

5

5

5

Marseille

1

0

1

1

Nantes

0

0

2

0

Nice

1

9

11

4

Paris CDG

10

15

19

24

Paris Orly

4

6

3

5

Strasbourg

1

2

1

0

Toulouse

4

2

1

1

Il convient, certes, de généraliser la mise en oeuvre du " filet de sauvegarde ". Celui-ci, qui est une aide automatisée destinée à avertir le contrôle lorsqu'un croisement va s'effectuer en-dessous des normes, n'est installé que dans les CRNA. Il faut en étendre rapidement l'utilisation sur les principaux aéroports.

Mais, il faut également veiller à assurer une coordination beaucoup plus satisfaisante qu'aujourd'hui des contrôles aériens civil et militaire, coordination qui, sous réserve d'inventaire, pourrait prendre la forme d'une intégration.

Il faut aussi mettre en oeuvre les capacités nécessaires à la gestion du trafic, qui sont un élément clef, aux données complexes, de la question de la sécurité du transport aérien.

Enfin, l'intégration internationale du transport aérien appelle une intégration des systèmes d'évaluation de la sécurité de ce mode de transport. Votre rapporteur le réclame depuis longtemps, constatant que les indicateurs équivalents aux indicateurs français ne sont pas publiés par les pays voisins (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne et Italie) et qu'il n'existe aucun document établissant le niveau de sécurité de la navigation aérienne dans ces pays.

Il faut veiller à ce que l'initiative prise au sein d'Eurocontrol pour permettre à l'avenir d'harmoniser les procédures relatives aux traitements des incidents, et donc ouvrir la possibilité de définir des indicateurs européens de sécurité, de formuler un règlement de sécurité (ESARR2) portant sur le recueil et l'analyse des incidents dans le contrôle aérien, soit suivie de pleins effets.

Il serait également souhaitable que l'International Air Transport Association (IATA), qui représente les compagnies aériennes régulières au niveau mondial, publie ses propres données.

CHAPITRE PREMIER :

L'ÉQUILIBRE DU BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE

Le budget annexe de l'aviation civile (BAAC) qui, l'an dernier, avait connu une stabilité qui n'était qu'apparente, s'accroîtrait de 2,8 % en 2001.

La considération du seul BAAC est toutefois de moins en moins significative des coûts et charges qu'implique la gestion du transport aérien.

Une partie des dépenses, celles concernant la sûreté, retracées traditionnellement dans le BAAC, a été " sortie " du budget annexe pour figurer au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), créé par la loi de finances pour 1999. Les crédits concernés s'élèvent à 279 millions de francs en 2001.

En outre, la même loi de finances, avec l'instauration d'une taxe d'aéroport directement affectée aux aéroports métropolitains, a procédé à une de ces opérations de débudgétisation qu'il faut proscrire, a pour effet d'occulter en loi de finances une " imposition de toutes natures " dont le produit est évalué en 2001 à 1,2 milliard de francs.

Pour retracer plus fidèlement l'augmentation des crédits budgétaires nécessaires au transport aérien, il faut donc tenir compte des transferts entre comptes, dont il convient de faire une présentation consolidée.

Consolidation des crédits du BAAC et du FIATA (1)

(en millions de francs)

2000

2001

Variation (en %)

BAAC

8.717,7

8.957,6

+ 2,8

FIATA

311

279

- 10,3

Total

9.028,7

9.236,6

+ 2,3

(1) Hors fonds de péréquation des transports aériens

A ces données, il faut ajouter la prise en compte de l'accroissement des produits de la taxe d'aéroport qui, passant de 1.070 à 1.200 millions de francs entre 2000 et 2001, augmenteraient de 12,1 % (+ 130 millions de francs).

La croissance des moyens consacrés aux infrastructures du transport aérien apparaît alors sensiblement supérieure (+ 3,3 %) à la variation optique des crédits du seul BAAC.

Pour s'en tenir aux seuls crédits du BAAC, le tableau ci-dessous en décrit les données faciales pour 2000 et 2001.

Evolution des dépenses du BAAC entre 2000 et 2001

(en millions de francs)

Variations

2000

2001

En niveau

En %

Dépenses de fonctionnement (1)

6.633,2

6.865,6

+ 232,4

+ 3,5

Dépenses en capital

2.084,6

2.092

+ 7,5

+ 0,03

Total

8.717,7

8.957,6

+ 239,9

+ 2,8

(1) Le terme "dépenses de fonctionnement" est plus approprié que celui de "dépenses d'exploitation" directement issu de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Le total des dépenses s'élève à 8.957,6 millions de francs. La variation des dépenses en capital, qui représentent 23,3 % de l'ensemble des dépenses contre 26,4 % en 1998, est cette année marginale. La hausse des dépenses de fonctionnement est élevée (+ 3,5 %).

I. LES RESSOURCES DU BAAC

Une présentation simplifiée peut en être donnée :

Recettes d'exploitation 1 ( * )

6.535,5 millions de francs

Subvention reçue du budget général

120 millions de francs

Taxe d'aviation civile

1.418,3 millions de francs

Emprunts

393,8 millions de francs

Reprises de provision

393,8 millions de francs

Total

8.957,6 millions de francs

L'évolution des différentes catégories de ressources par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2000 est retracée dans le tableau ci-dessous.

Evolution des grandes catégories de ressources 2001/2000

(en millions de francs)

2000

2001

En niveau (millions)

En %

Recettes d'exploitation

6.419,3

6.929,3

+ 510

+ 7,9

Subvention reçue du budget

210

120

- 90

- 42,8

Taxe d'aviation civile

1.258,4

1.418,3

+ 159,9

+ 12,7

Emprunts

830

610

- 220

- 26,5

Total

8.717,7

8.957,6

+ 239,9

+ 2,8

(1) Dont 393,8 millions de reprises de provisions

Sur une longue période, l'évolution des différentes ressources du BAAC a été fort contrastée. Une déformation de la structure de financement du budget annexe s'est produite. Celui-ci s'est trouvé de plus en plus alimenté par la fiscalité et l'emprunt.

Cette année, le recours à l'emprunt serait moins élevé, ce dont il faut se féliciter. Mais cette heureuse évolution n'est que la résultante d'évolutions qui, elles, sont moins favorables. Elles comportent en particulier une très forte croissance de la fiscalité affectée au financement des infrastructures du transport aérien. Elles comportent aussi un désengagement spectaculaire du budget général, la subvention provisionnée pour financer le budget annexe étant réduite de près de moitié.

A. LES RESSOURCES DE LA SECTION D'EXPLOITATION

1. Les aménagements concernant les redevances aéronautiques

L'essentiel des ressources du BAAC provient des redevances aéronautiques dont le produit s'élèverait en affichage à 6.316 millions de francs, soit 70,5% du total des ressources du budget annexe et 75,6 % du total des recettes de la section d'exploitation. La croissance apparente des produits des redevances aéronautiques serait forte (+ 4 %).

Il faut corriger ces données faciales en prenant en considération une très importante reprise de provisions. D'un montant de 393,8 millions de francs, elle provient, pour l'essentiel, du jeu du mécanisme correcteur (v. infra ). Ce mécanisme complexe d'application du droit des redevances a pour effet, cette année, d'alléger les redevances dues par les compagnies d'un montant exceptionnel.

Une fois prises en compte ces reprises de provisions, l'équivalent redevances de navigation aérienne se monteront en 2001 à 6.709,8 millions de francs et connaîtraient une augmentation de 6,6 %.

Pour la redevance de route qui représente 80 % des recettes nettes tirées des redevances aéronautiques, la recette augmenterait de 3 % par rapport aux prévisions du projet de loi de finances initiale de l'an dernier.

Cette évolution étant basée sur l'hypothèse d'une diminution du taux moyen de la redevance de route de 5,9 % elle suppose que la hausse du trafic en 2001 serait de l'ordre de 9 %. On doit dès lors s'interroger sur la fiabilité de cette prévision, ou alors sur la crédibilité des annonces effectuées quant à l'évolution des taux unitaires de la redevance de route.

Pour la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) , la progression des recettes serait plus forte, (+ 7,8 % par rapport aux estimations de la loi de finances pour 2000). En effet, la réduction du taux de la RSTCA serait sensiblement moins importante, de 2,6 %, que pour la redevance de route. Mais ce qui a été dit des prévisions de recettes portant sur la redevance de route vaut également pour la RSTCA.

Enfin, la mise à niveau de la RSTCA perçue aux abords des aéroports d'outre-mer, qui avait entraîné l'an dernier l'inscription d'une nouvelle ligne de recettes destinée à en retracer le produit dégagerait une recette de 120 millions de francs en hausse de 12,6 %.

2. Une augmentation très importante de la fiscalité spécifique affectée au transport aérien

Le produit de la taxation affectée au budget annexe de l'aviation civile s'est considérablement accru au cours de ces dernières années.

La taxe de sécurité et de sûreté dont le produit s'élevait à 652,5 millions de francs en 1995 et représentait 10,6 % des recettes de la section d'exploitation devrait rapporter au BAAC, sous son nouvel intitulé de taxe de l'aviation civile (TAC), 1.418,3 millions de francs en 2001, selon les prévisions initiales, soit 17 % des recettes d'exploitation du BAAC.

Pour appréhender totalement le produit de la TAC en 2001, il faut en outre prendre en compte la fraction de ce produit affectée au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA). La quotité affectée à ce fonds s'élevait en 2000 à 22,3 % soit 361 millions de francs.

Le projet de loi de finances pour 2001 introduit dans son article 19 une modification de la répartition du produit de la TAC en faveur du BAAC.

Elle propose en effet de diminuer la partie du produit de la TAC affectée au FIATA en la faisant passer de 22,3 à 16,4 %. Corrélativement, la quotité versée au BAAC augmenterait, passant de 77,7 à 83,6 %.

Votre commission des finances a rejeté ce dispositif de première partie de la loi de finances en s'appuyant sur des positions de principe qu'elle a constamment défendues. La volonté de transparence et de vérité budgétaire est l'une d'entre elles.

Votre rapporteur spécial rappelle que la taxe d'aviation civile a absorbé l'ancienne taxe de péréquation des transports aériens qui finançait les interventions du prédécesseur du FIATA, le fonds de péréquation des transports aériens (FPTA), pour équilibrer les liaisons d'aménagement du territoire. Ces interventions désormais retracées dans le chapitre 1 de la section de fonctionnement du FIATA ne sont pas dotées en 2001 ce qui peut se justifier compte tenu du solde créditeur très élevé de ce compte (132 millions de francs au 31 décembre 1999). Mais il aurait été convenable que le projet de loi de finances explique l'absence de réduction du taux de la taxe d'aviation civile à due proportion des économies provenant de l'absence de dotations au titre des interventions de l'ex-FPTA par les besoins en accroissement du FIATA et du BAAC plutôt que de dissimuler un alourdissement de la fiscalité réelle.

De fait, à structure constante 2 ( * ) , le produit de la taxe d'aviation civile passe de 1.569,4 millions de francs à 1.697,3 millions de francs, soit une progression de 8,1 %.

La fiscalité directement affectée aux différents comptes budgétaires retraçant l'intervention publique dans le domaine du transport aérien représenterait ainsi en 2001 deux fois et demie le montant qui était le sien en 1995 soit une augmentation moyenne de 16,4 % par an !

La montée en charge de la fiscalité affectée au BAAC est d'abord intervenue pour financer l'augmentation des crédits du budget annexe. Mais, elle a également répondu à la nécessaire mise en ordre des redevances de navigation aérienne -voir infra - et à la décrue du soutien accordé au transport aérien.

Le montant de la subvention versée au BAAC à partir du budget général s'est en effet réduit au cours du temps. Avec 120 millions de francs prévus en 2001, son niveau se réduirait dans des proportions inusuelles même s'il faut relever que la contribution en cause est régulièrement amputée en gestion au gré des arrêtés d'annulations de crédits sans nul fondement juridique.

Ce désengagement de l'Etat -voir infra - prend d'ailleurs d'autres visages très préoccupants. La navigation aérienne doit ainsi supporter la charge des exonérations accordées aux vols militaires, ce qui aboutit à la situation anormale d'un financement des services rendus par la navigation aérienne à l'armée de l'air à travers des taxes prélevées sur les clients du transport aérien commercial. Les services de l'Etat en charge des missions essentielles de sûreté se retirent des aéroports, laissant aux exploitants la charge mais aussi la responsabilité de les suppléer.

Au terme de ces évolutions, votre rapporteur spécial ne peut que constater que le transport aérien est le seul mode de transport dont les infrastructures sont financées en totalité par les compagnies et leurs clients et par les collectivités locales tandis que le budget général s'en est quasi-totalement désengagé.

B. LES RESSOURCES D'INVESTISSEMENT

La section d'exploitation du budget annexe de l'aviation civile dégage une capacité d'autofinancement portée en recettes de la section d'investissement.

Cette recette s'élèverait à 1.481,9 millions de francs en 2001, en très forte progression (+ 237 millions de francs) par rapport à 2000.

Elle représente 17,8 % des recettes de la section d'exploitation et 70,8 % des recettes de la section d'investissement, soit un niveau d'autofinancement des investissements en hausse sensible par rapport à 2000 où il n'atteignait pas 60 %.

Dans ce contexte, le recours aux emprunts diminuerait en 2001. Le montant des emprunts prévus s'élèverait à 610 millions de francs contre 830 millions de francs l'an dernier et 1.042,5 millions de francs en 1998.

II. LES DÉPENSES

A. LES GRANDES ACTIONS

Le BAAC a succédé au budget annexe de la navigation aérienne. Il retrace désormais l'intégralité des interventions de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), exception faite de la gestion des crédits de construction aéronautique civile qui figurent au budget du ministère des transports, et non plus seulement l'activité de navigation aérienne.

La répartition des crédits entre les différents agrégats serait la suivante en 2001 :

BAAC 2001 - Répartition des actions *

(en millions de francs)


Actions

Dépenses ordinaires (exploitation)

Crédits de paiement (dépenses en capital)


Total


% Part dans le total


Evolution 2000/1999

%

Direction générale

Navigation aérienne

Contrôle technique

Formation aéronautique

Bases aériennes

1.935,5

4.683,7

23,3

180,5

42,2

642,9

1.290

3

1

155

2.578,4

5.973,7

26,6

181,5

197,2

28,8

66,7

0,3

2

2,2

0,05

4,2

6,4

- 5,1

- 4,3

TOTAL

6.865,2

2.091,9

8.957,1

100

2,8

* aux arrondis près.

Traditionnellement, une part majoritaire des crédits budgétaires étant consacrée à la mission de navigation aérienne, l'agrégat " bases aériennes " était, si l'on néglige pour l'instant celui dénommé " direction générale ", le seul autre agrégat disposant de crédits significatifs.

Depuis les réorganisations apportées par la loi de finances pour 1999, les crédits consacrés à l'action " bases aériennes " qui avaient fortement augmenté au cours des années précédentes ont connu une diminution considérable au sein du BAAC.

Quant aux crédits de navigation aérienne, leur croissance connaît un rythme plus rapide que celui de l'ensemble des moyens du BAAC.

On notera à ce stade, comme d'habitude, la discordance entre les crédits budgétaires récapitulés par agrégats et les moyens réellement alloués aux différentes missions de la DGAC sur laquelle votre rapporteur reviendra. Mais, on peut d'ores et déjà relever le fort accroissement des crédits budgétaires de navigation aérienne depuis 1994.

Dépenses de navigation aérienne

(en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Différence 2001/1994

Dépenses d'exploitation

3.292,2

3.552,8

3.850,6

3.881,0

4.077,2

4.264

4.444,5

4.683,7

+ 1.391,5

Dépenses en capital

1.140,0

1.139,0

1.185,0

1.335,0

1.370

1.195,5

1.290

1.290

+ 150

Total

4.432,2

4.691,8

5.035,6

5.216,0

5.447,2

5.459,5

5.734,5

5.973,7

+ 1.541,5

C'est ainsi qu'en sept ans, le niveau des crédits annuels de navigation aérienne aura été accru de 1,3 milliard de francs soit une augmentation globale de près de 35 % et une variation annuelle moyenne de 4,4 %.

Ces évolutions se décomposent elles-mêmes en une croissance de près de 42,3 % des crédits de fonctionnement et de 13% des crédits consacrés aux opérations en capital.

La seule présentation des crédits budgétaires consacrés à la navigation aérienne fait ainsi apparaître une déformation de la structure des moyens consacrés à cette mission. Déjà très fortement consommatrice de moyens de fonctionnement en 1994 -74,3 % des crédits sont alors consacrés à l'exploitation du système-, la mission de navigation aérienne requiert en 2001 une part encore plus élevée de tels crédits (78,4 %) et, ce, malgré l'importance des flux annuels d'investissement.

La croissance annuelle moyenne des crédits d'exploitation en témoigne. Elle s'élève sur la période à plus de 5,2 %.

B. LES DEPENSES PAR NATURE

Les crédits du budget annexe correspondent pour les uns à des dépenses d'exploitation, pour les autres à des dépenses d'investissement.

1. Les crédits de la section d'exploitation

Évolution des crédits de la section d'exploitation de fonctionnement

(en millions de francs)

Variations

2000

2001

en niveau

en %

Achats et services

707

723

+ 16

+ 2,3

Services extérieurs

85,4

87,4

+ 2

+ 2,3

Impôts

29,6

31,2

+ 1,6

+ 5,4

Charges de personnel

4.361,1

4.559,9

+ 198,8

+ 4,6

dont rémunérations hors charges sociales

3.440,4

3.627,3

+ 186,9

+ 5,4

dont

primes et indemnités

1.328,8

1.438,6

+ 109,8

+ 8,3

Autres charges de gestion courante

1.184,2

1.255,5

+ 71,3

+ 6

Charges financières

190

170

- 20

- 10,5

Charges exceptionnelles

40

20

- 20

- 50

TOTAL

6.597,3

6.847

+ 249,7

+ 3,8

Les crédits nécessaires aux charges budgétaires de fonctionnement du BAAC augmentent plus rapidement que les crédits totaux du BAAC (+ 3,8 %). Comme d'habitude, l'alourdissement des rémunérations de personnel qui représentent près des 2/3 des crédits est la caractéristique essentielle de leur variation. La progression des " autres charges de gestion courante ", intitulé caractéristique d'une nomenclature budgétaire totalement opaque, doit être soulignée. Elle résulte d'abord d'une forte augmentation des prestations des organismes extérieurs. Elle provient également de l'augmentation de 63,5 % des crédits du chapitre 65-04, augmentation qui ne fait l'objet d'aucune justification.

La déformation de la structure des crédits d'exploitation fait apparaître le poids de deux contraintes : celle de la progression des charges de personnel ; celle ensuite associée à la nécessité de dégager une capacité de financement toujours plus importante.

La dynamique de ces deux catégories de dépenses explique celle du BAAC mais aussi les recherches d'économies effectuées sur les autres crédits d'exploitation. Certaines catégories d'entre eux ont connu une variation négative entre 1995 et 2001. Il s'agit en particulier des crédits pour achats et services et des crédits de services extérieurs. Ce dernier phénomène, résultat d'une politique volontariste est-il entièrement soutenable compte tenu des besoins résultant des investissements nouveaux ?

2. Les crédits de la section d'investissement

Entre 1995 et 2000, les crédits de la section d'investissement se sont accrus de 26,7 % (6,1 % l'an), sur un rythme plus rapide que celui des crédits d'exploitation. Encore doit-on observer qu'en 1999, était intervenue une réduction des crédits d'investissements ramenée de 2,2 à 2,1 milliards de francs.

Une comparaison entre 1999 et 1995 permettait de faire ressortir une évolution disparate entre les deux grandes catégories que sont les amortissements financiers et les investissements physiques.

Les premiers ont progressé très vivement. Ils étaient, en 1999, 2,5 fois plus élevés qu'en 1995. Cette évolution, reflet des besoins d'amortissement d'une dette grandissante, s'est depuis poursuivie. Dans le budget 2001, cette charge atteint 591,9 millions de francs contre 541,9 millions de francs, soit 50 millions de francs de plus.

Quant aux investissements, si leur niveau n'était supérieur en 1999 à celui atteint en 1995 que de 12 %, l'année 1999 n'était pas entièrement significative du fait d'une réduction des investissements. Une comparaison entre 1995 et 1998 permettait de faire ressortir une évolution probablement plus significative démontrant la poursuite d'une progression soutenue des dépenses d'investissement sur un rythme annuel de l'ordre de 8 %.

C'est ce qu'avait confirmé le budget 2000 puisque, à structures constantes, le niveau des autorisations de programme reprenait son envol en progressant de 6,5 %.

Et, si dans le budget pour 2001, les investissements sont en légère régression, cette évolution n'est guère significative compte tenu de l'augmentation des crédits reportables observée ces dernières années.

CHAPITRE II :

UN BUDGET QUI N'EST PAS MAÎTRISÉ

En apparence, la variation des crédits du BAAC entre 2000 et 2001 semble modérée. Mais, ceci provient de l'utilisation habile de changements de périmètre et cette modération, qui est en toute hypothèse très relative, n'apparaît pas durable.

L'expérience montre qu'il est en effet bien difficile de maîtriser les dépenses du budget annexe. En corollaire, la progression des recettes affectées aux différents comptes retraçant l'intervention publique dans le transport aérien appartient largement à un jeu d'illusion. Votre rapporteur spécial a souhaité s'inscrire dans une démarche positive. Comme parlementaire sa fonction est de contrôler l'usage des crédits du budget annexe. En ce sens, il conduit comme il l'avait annoncé, une mission d'évaluation consacrée au contrôle aérien qu'il entend situer dans son contexte européen.

Il est trop tôt pour divulguer les résultats de cette mission. Mais d'ores et déjà, se dégage un vrai besoin d'évaluation, qui concerne l'ensemble des systèmes de contrôle aérien d'Europe.. Sans souscrire à toutes les suggestions de la commissaire européenne aux transports, votre rapporteur spécial s'inquiète de la teneur des réactions de la France à son initiative relative à la création " du ciel unique européen ". Il en rappelle les principales lignes :

- la création d'une autorité réglementaire communautaire forte (la convention révisée d'Eurocontrol prévoit que l'organisation édicte des réglementations de sécurité de la navigation aérienne) ;

- la mise en place d'une réglementation de l'espace aérien, et d'un mécanisme d'organisation et de gestion de l'espace aérien et du réseau de routes au niveau européen, autant que possible au niveau communautaire ;

- l'instauration d'une séparation fonctionnelle entre les autorités réglementaires et les opérateurs de services de contrôle aérien nationaux.

S'il est bien vrai que les solutions permettant de faire face à la croissance du trafic relèvent largement de la technique et que la séparation entre opérateurs et régulateurs peut poser des problèmes, il n'en reste pas moins que la position de la France ne doit, ne peut être celle d'une forteresse assiégée. Des harmonisations sont nécessaires et il n'est pas sûr qu'elles puissent intervenir dans un organe de simple coordination. La dimension technique est essentielle mais les aspects économiques ne le sont pas moins et l'efficience n'est pas synonyme de pertes d'efficacité.

La France ne doit pas gâcher ses atouts en négligeant d'améliorer ses performances par une quête sans limite d'une maximisation des produits d'un monopole qui n'est pas irrévocable.

Le budget annexe est, avant tout, l'affaire des usagers du transport aérien, compagnies mais aussi clients de celles-ci. Votre rapporteur spécial entend à ce propos rappeler que si son rôle est de faire progresser l'attention portée à l'intérêt général, il lui apparaît parfois bien lourd lorsqu'il observe une certaine apathie chez certains qui, en charge des intérêts commerciaux de leurs usagers, devraient pourtant manifester une grande vigilance quant au financement des infrastructures de transport aérien. Il considère aussi que ce financement devrait être entouré d'une vraie concertation qui mériterait de fonctionner sans failles.

Il faut également consacrer la vocation de prestataire de services de la direction générale de l'aviation civile pour celles de ses missions qui relèvent de cette catégorie. Il faut enfin que cette administration qui, sauf contredit, n'a pas la volonté de sortir de la sphère publique adopte des comportements mieux en rapport avec ceux d'un ensemble auquel elle se dit attachée. Cela conduit à recommander la mise en chantier d'une vraie modernisation de son management.

I. LA POURSUITE DE L'ACCROISSEMENT DES CHARGES DE PERSONNEL

Le BAAC est, pour moitié, un budget de rémunérations. Les charges de personnel s'accroîtraient de près de 3,9 % par rapport à 1999 3 ( * ) après une augmentation moyenne de 5,6 % au cours des deux dernières années (successivement 6 et 5 % entre 1997 et 1998 et 1998 et 1999).

Evolution des charges de personnel depuis 1995

(en millions de francs)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Evolution 2001/1995

Evolution
2001/2000

3.311,6

3.632,5

3.766

3.990,6

4.198,8

4.361,1

4.559,9

+ 37,6 %

+ 4,6 %

La hausse des charges salariales s'explique largement par la négociation périodique de protocoles sociaux triennaux qui donne lieu à des tensions auxquelles les gouvernements successifs se sont toujours montrés très soucieux d'apporter une réponse non conflictuelle.

En 1998, dernière année de traduction budgétaire du précédent protocole triennal du 3 novembre 1994, les charges de personnel étaient supérieures d'1/5 ème au niveau atteint en 1995, première année d'application du protocole triennal.

A. LE PROTOCOLE DU 3 NOVEMBRE 1997

Un nouveau protocole a été conclu le 3 novembre 1997 qui produira lui-même un accroissement important des charges.

Ce protocole comporte en effet de nombreuses dispositions allant dans ce sens. Il s'agit d'abord des recrutements qui, tels que programmés dans le protocole, représentaient une augmentation de 5 % des effectifs.

Recrutements DGAC associés au protocole du 3 novembre 1997

Corps

1998

1999

2000

Total

ICNA

80

80

110

270

TEEAC

70

70

70

210

IESSA

30

30

30

90

IAC

4

4

4

12

IEEAC

12

12

12

36

ADM.C

1

1

1

3

ATT.

5

5

6

16

ASSIS.

8

9

9

26

ADJ.

15

15

15

45

OUVRIERS

18

21

27

66

INFIRMIERS

-

1

-

1

ASSIS. SOC.

-

1

-

1

Total

243

249

284

776

Questionnée sur l'impact financier du protocole, la DGAC a fourni le tableau suivant.

Charges nouvelles annuelles résultant du nouveau protocole DGAC

(en millions de francs)

Années

1998

1999

2000

Créations d'emplois

13

35

100

mesures catégorielles

107

114

118

TOTAL

120

149

218

Le niveau des charges de personnel devait donc être augmenté de 120 millions de francs en 1998 puis de 149 et 218 millions de francs, en 1999 et 2000 respectivement, par rapport à une situation sans protocole catégoriel.

Un nouveau protocole est en cours de négociation. Votre rapporteur spécial a interrogé le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la teneur des négociations lors de son audition par la commission des finances du Sénat le mardi 21 novembre 2000. Le ministre n'a pas répondu sur les conséquences budgétaires du nouveau protocole. Votre rapporteur spécial ayant procédé à quelques échanges avec les organisations syndicales peut faire état de leurs revendications qui concernent le niveau des effectifs mais aussi l'amélioration des carrières, des statuts et des régimes indemnitaires ainsi que la réduction du temps de travail et les pensions. Il est très regrettable qu'une indication, même révisable, permettant d'appréhender le poids de ces revendications n'ait pu être transmise au Parlement. Votre rapporteur spécial s'étonne en outre que les financeurs du budget annexe de l'aviation civile ne soient pas représentés dans ces négociations. Cette absence correspond sans doute à la situation statutaire des agents, dont l'Etat est l'employeur. Mais elle repose largement sur une fiction compte tenu du désengagement financier de l'Etat.

Il est tout à fait anormal que les payeurs effectifs soient écartées d'un processus déterminant du point de vue de leurs contributions futures.

La dynamique de dépenses induite par les protocoles est, il faut le souligner, retardée dans ses effets puisque le plein impact budgétaire des recrutements est reporté compte tenu de la formation initiale des contrôleurs aériens. Ainsi, les effets des recrutements prévus par le protocole de 1997 ne se traduisent donc pas encore pleinement dans les données budgétaires mais imposeront de très lourdes charges à l'avenir.

Votre rapporteur spécial ne peut que souscrire à la proposition formulée dans le cadre de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 de renforcer l'information du Parlement en exigeant une projection pluriannuelle des effets budgétaires des mesures nouvelles.

B. LES AUTRES FACTEURS D'ÉVOLUTION

Mais, pour apprécier l'accroissement des charges de personnel, il faut prendre en compte les autres facteurs d'augmentation que sont les recrutements hors protocole, les mesures générales applicables à la fonction publiques et les mesures indemnitaires résultant des clauses protocolaires.

Les recrutements réalisés par la DGAC sont, en effet, allés très au-delà des clauses protocolaires. Pour 2001, 429 emplois seraient créés représentant une augmentation des effectifs de 4 % très supérieure aux 284 emplois prévus dans le protocole.

Les créations d'emplois budgétaires excédent en pratique trop fréquemment les autorisations données par le Parlement.

L'habitude extrêmement critiquable d'autoriser les surnombres en gestion (157 emplois concernés en 1999 et 216 en 2000) affecte la sincérité des budgets présentés au Parlement.

Cette sincérité est également en cause lorsque, comme c'est le cas cette année, les provisions nécessaires aux inéluctables revalorisations de rémunération ne sont pas passées. Le budget pour 2001 ne comporte aucune trace des mesures générales qui pourraient intervenir non plus que des mesures catégorielles dont votre rapporteur spécial fait le pari qu'elles ne manqueront pas de conclure la négociation du nouveau protocole.

Malgré cela, les dépenses de personnel s'accroissent de 195,8 millions de francs (+ 4,6 %).

Ces évolutions sont évidemment préoccupantes puisqu'elles font apparaître le maintien d'un rythme de progression des charges de personnel très rapide et sans commune mesure avec les conditions générales de progression des rémunérations de la fonction publique.

Pour s'en tenir aux seuls chapitres de rémunération hors cotisations et prestations sociales, les évolutions significatives suivantes doivent être rappelées :

Evolution de la masse salariale du BAAC hors charges sociales

1995

1997

1998

1999

2000

2001

Ecart 1

2001/1995

Ecart 1

2001/2000

Rémunérations des titulaires et contractuels

1.463,9

1.644,4

1.752,5

1.820,6

1.892,1

1.968,8

+ 34,5

+ 4,1

Rémunérations des personnels ouvriers

170,7

186,3

191,9

199,5

201,2

204,6

+ 19,8

+ 1,7

Vacataires et divers

12,7

19,2

18,9

15,9

18,3

15,3

+ 20,5

- 16,4

Primes et indemnités

886,3

1.074,8

1.164,6

1.264,2

1.328,8

1.438,6

+ 62,3

+ 8,3

Total

2.533,6

2.924,7

3.127,9

3.300,2

3.440,4

3.627,3

+ 43,2

+ 5,4

(1) En pourcentage

Rapportée au nombre d'agents, la masse salariale hors cotisations sociales donnait un coût par agent de 255.000 francs en 1995, de 284.920 francs en 1997, de 301.000 francs en 1998, de 311.398 francs en 1999 et de 319.206 francs en 2000 soit un niveau de rémunération individuelle supérieur de 25 % au montant atteint en 1995. Ce coût serait en 2001 de 323.663 francs, en augmentation de 1,4 %.

Une part significative de la progression de la masse salariale de la DGAC résulte donc de la revalorisation des rémunérations individuelles. Celle-ci provient d'ailleurs surtout de la très forte augmentation des " rémunérations accessoires " fondées sur les primes et indemnités. Leur dérive aboutit à un rapprochement rapide de leur montant avec celui des rémunérations principales. Ce phénomène ne peut manquer d'inquiéter. Alors que se profilent pour les années à venir de nombreux départs en retraite, la composition du régime indemnitaire des agents entraîne une déconnexion de plus en plus nette entre leurs revenus d'activité et leurs revenus de remplacement calculés sur une assiette plus réduite et moins dynamique. Ce phénomène profite d'abord aux agents dont l'assiette des cotisations sociales n'est pas en rapport avec le niveau des rémunérations. Mais il entretient pourtant des revendications sociales qui n'ont été que partiellement satisfaites dans le passé au moyen de " demi-mesures ". Un risque important en résulte avec la perspective d'une nette augmentation des crédits pour pensions.

Au dynamisme des rémunérations individuelles s'ajoute l'accroissement des effectifs. Il est justifié par la nécessité de mettre en place des capacités nouvelles de traitement du trafic. Cette justification ne peut être acceptée sans nuances. Une évaluation réaliste des conditions de formation et de travail des agents du contrôle aérien doit être entreprise en préalable, ce à quoi votre rapporteur s'emploie dans le cadre de sa mission de contrôle et d'évaluation de la navigation aérienne.

Les conditions dans lesquelles est gérée la masse salariale du BAAC débouchent sur des évolutions évidemment peu raisonnables.

En la matière une inquiétude supplémentaire provient d'abord de la perspective de conflits portant sur la durée du travail des personnels.

Sous bénéfice d'inventaires, cette question devrait pourtant être abordée avec circonspection compte tenu des conditions dans lesquelles est organisé le travail d'une partie importante des personnels.

A titre d'exemple, pour les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, les obligations de service dans les différents organismes définies par les instructions de la direction de la navigation aérienne sont les suivantes :

Pour les centres en route de la navigation aérienne et sur les aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle, les contrôleurs sont tenus d'effectuer, en moyenne hebdomadaire, 32 heures de présence dont 24 heures en tenue effective d'un poste de contrôle. En application des protocoles signés en 1988 et 1991, des modulations d'horaire sont mises en conduisant les contrôleurs a effectuer 36 heures de présence hebdomadaire dans les périodes chargées.

Sur les aérodromes autres qu'Orly et Charles-de-Gaulle, la durée hebdomadaire moyenne de présence sur le lieu de travail est adaptée de la durée réglementaire fixée pour la fonction publique (actuellement 39 heures par semaine) par application des coefficients de pondération destinés à compenser les contraintes résultant du travail effectué la nuit, les dimanches et jours fériés. Selon les aérodromes, cette durée peut varier de 34 heures 30 à 37 heures 30 par semaine. La durée effective de tenue d'un poste de contrôle en est déduite par application d'un coefficient tenant compte de la pénibilité du travail (contraintes nerveuses et fatigue visuelle liées au travail sur écran radar notamment).

Dans le cadre du protocole signé le 3 novembre 1997, il est en outre prévu de réduire à partir de la fin 2000, la durée hebdomadaire moyenne de présence sur le lieu de travail à 22 heures pour les aérodromes de Nice, Lyon, Marseille, Toulouse, Bâle, Bordeaux, Strasbourg, Montpellier, Nantes, Clermont-Ferrand, Lille, Pau, Le Bourget, Pointe-à-Pitre, et Fort-de-France.

Des modulations d'horaires du même type que celles mise en place pour les centres en route de la navigation aérienne, d'Orly et Charles-de-Gaulle sont également prévues (le total des heures de présence au-delà des 32 heures hebdomadaires dans la limite de 36 heures ne pourra excéder 64 heures sur l'année).

L'on doit également redouter une importante augmentation des charges de pensions.

II. LES PROBLÈMES POSÉS PAR LES CRÉDITS POUR DÉPENSES EN CAPITAL

Le niveau des dépenses en capital s'élève à 2.091,9 millions de francs. Il est stable par rapport aux évaluations de la loi de finances initiale pour l'année en cours.

Cette stabilité qui résulte d'évolutions très contrastées ne supprime pas les questions que posent les crédits pour dépenses en capital du budget annexe.

A. L'EXPLOSION DES DÉPENSES D'AMORTISSEMENT FINANCIER

Les dépenses d'amortissement financier correspondent au remboursement en capital des dettes du BAAC. Leur progression sur moyenne période est considérable : de 33,8 % en 1999 et de 21,4 % en 2000, elle serait encore de 9,2 % cette année, cette charge s'élevant à 591,9 millions de francs. Cette tendance au terme de laquelle les dépenses d'amortissement constituent la catégorie de dépenses la plus dynamique du budget annexe reflète l'endettement passé.

Le tableau qui suit retrace la progression de l'endettement brut au 31 décembre de chacune des dernières années connues 4 ( * ) .

(en millions de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

1.852,9

1.668,9

1.861,3

2.439,4

3.098,1

3.798,8

4.507,8

4.891,6

6.167,8

De 1992 à 1998, l'endettement a été multiplié par plus de 2,4. L'endettement nouveau a tendu progressivement vers le niveau du milliard de francs par an et a engendré une situation alarmante.

Il en résulte une progression spontanée des charges d'amortissement dont l'évolution enregistrée depuis 1992 rend compte.

Evolution des charges d'amortissement

(en millions de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

174,9

183,9

187,7

261,9

252,3

283,5

333,5

446,2

514,9

591,9

De 1992 à 2001, les charges d'amortissement ont été multipliées par 3,4. Sans que l'échéance puisse être précisément établie puisqu'elle dépendra des mesures d'étalement des amortissements, la dérive vers un niveau de charges proche de 1 milliard de francs est en cours. Les tensions financières qui en résulteront seront telles que la pérennité du BAAC est en cause. Un élément parmi d'autres le démontre assez : le ratio dettes/fonds propres du BAAC atteint 2 lorsque des analystes financiers jugent sain un ratio de 1. Il faut dans ces conditions se féliciter de la réduction du rythme de progression de la dette du BAAC enregistrée cette année. Toutefois, elle apparaît très insuffisante puisque l'endettement programmée dépasse les charges d'amortissement prévues en 2001. Elle n'est en outre acquise que moyennant une augmentation de la fiscalité affectée totalement excessive.

B. LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

Les dépenses d'investissement s'élèveraient à 1.500 millions de francs, soit une chute de 2,8 % après la diminution de 8,4 % enregistrée l'an dernier où la diminution des charges d'investissement avait été peu significative. Elle s'expliquait, en effet, par des facteurs non récurrents : la terminaison de l'opération immobilière portant sur le nouveau siège de la DGAC ; le transfert au FIATA de dépenses d'équipement autrefois financées par le BAAC.

1. Le contrôle aérien

Les investissements de navigation aérienne nécessiteraient des autorisations de programme à hauteur de 1.290 millions de francs, en hausse par rapport à leur niveau de 2000 (+ 5,7 %). Les crédits de paiement, avec 1.290 millions de francs, en hausse sensible l'an dernier (+ 7,9 %), seraient stabilisés à un haut niveau.

Les investissements de la navigation aérienne ont suivi une progression quasi parallèle à celle du trafic aérien. Ils ont connu une forte croissance durant la décennie passant de 407 MF (1988) à 1.400 MF (1994, 1995), 1.300 MF en 1997 et 1998 avant d'être ramenés à 1.155,5 MF en 1999. Mais, ce dernier montant résultant notamment, d'un transfert de charges vers des articles " Bases Aériennes " pour le financement des dépenses de Sécurité Incendie et Sauvetage.

Le tableau ci-après résume, en engagements sur 1999 et en prévisions pour 2000 et 2001, les dépenses d'investissements du budget annexe de l'aviation civile, partie navigation aérienne.

(en millions de francs)

Exercice 1999
(fin d'exercice)

Exercice 2000
(point au 31/7/2000)

Exercice 2001
(prévisions)

Domaine en route et grandes approches

611.500

563.200

480.000

Aérodromes
(Métropole)

115.500

121.500

110.000

Aérodromes
(Outre Mer)

94.000

84.700

105.000

Sécurité et sauvetage (SAR)

6.000

5.000

5.000

Moyens sauvetage

431.300

381.900

360.000

Etudes et essais

95.400

90.300

90.000

Total

1.353.700

1.246.600

1.150.000

Une part importante des investissements de navigation aérienne a consisté à mettre en oeuvre le programme "Operator Input and Display System" -ODS- nouvelle dénomination du programme PHIDIAS. Initié au début de la décennie, ce programme représente un coût qui, estimé à l'origine à 1,025 milliard de francs dont plus de la moitié -530 millions de francs- pour des achats de matériels, a été depuis révisé à la baisse (850 millions de francs). En 2001, les crédits nécessaires à ODS ne sont plus que de 65 millions de francs.

Les investissements dans le domaine des radars étaient, quant à eux, jusqu'à un passé récent, en constante diminution. En 1990, 17,5 % du budget d'investissement de la navigation aérienne lui étaient consacrés ; ce pourcentage est tombé à moins de 3 % en 1999, à la suite de l'achèvement du programme de mise en oeuvre du réseau de stations radar secondaire dites à monoimpulsion.

L'exercice 2000 s'est traduit par une reprise des achats de radars, dans le domaine radar de surface d'une part -une station acquise pour 10 MF environ- et dans le domaine de la transformation de certaines stations radar secondaire à monoimpulsion en stations dites mode S, pour lesquelles une fonction de transmission automatique de données est ajoutée à la fonction de surveillance.

Ce mouvement de reprise se poursuivra en 2001 : 2 radars de surface et 2 stations mode S devraient être approvisionnés. En outre, un effort de renouvellement des radars primaires d'approche devrait être entrepris, en particulier pour Nice et Marseille-Vitrolles. Si ces prévisions pouvaient être concrétisées, elles représenteraient un investissement de plus de 80 MF et feraient remonter le domaine radar à plus de 10 % du budget d'investissement de la navigation aérienne.

Les investissements réalisés dans le domaine de la navigation aérienne sont à l'origine d'interrogations récurrentes.

La forte composante immobilière de ces investissements doit être mise en évidence. Plusieurs CRNA ont fait l'objet de réaménagements qui se sont traduits par des réimplantations totales. Il aurait peut-être été plus économe de limiter la péremption des installations existantes.

Surtout, si les investissements nationaux réalisés par les pays européens dans le domaine de la navigation aérienne sont justifiés par la nécessité d'absorber l'augmentation du trafic, ils posent des problèmes auxquels n'échappent pas les investissements réalisés en France.

Des redondances existent entre les programmes de recherche nationaux et entre ces programmes et les travaux réalisés au sein d'Eurocontrol.

Le projet CAUTRA-5 est un projet à très long terme, 2015, et est l'homologue français du programme " EATCHIP " d'Eurocontrol.

La définition du stade ultime du schéma est encore un sujet de recherche, mais cette recherche est éclatée en Europe.

On comprend mal ce qui justifie la redondance des efforts consentis pour construire le schéma de navigation aérienne du futur.

Il est impératif de rechercher une meilleure cohérence entre les programmes de recherche nationaux et les programmes européens.

Le programme ODS pose le même type de problèmes.

Il est certain qu'une meilleure intégration des investissements de navigation aérienne en Europe apporterait de réelles économies. Sa faisabilité doit être soigneusement évaluée.

L'argumentaire développé par la DGAC pour justifier ces investissements appelle enfin un examen vigilant. L'un de ses éléments essentiel concerne les gains de productivité qu'ils permettraient. Leur démonstration reste à apporter. Pour l'heure, les investissements de navigation aérienne semblent davantage relever de la catégorie des investissements de capacité qu'ils ne laissent entrevoir de progrès d'efficience.

2. Les investissements du service des bases aériennes

De 483 millions de francs en 1998, les investissements du service des bases aériennes seraient réduits à 413 millions de francs en 2001, en y incluant les crédits désormais logés dans le FIATA. Cette réduction n'est toutefois qu'apparente puisqu'en 1998 les crédits destinés à la construction du nouveau siège social de la DGAC, étaient intégrés dans les crédits inscrits au budget. Par rapport à 1998, les crédits opérationnels du service des bases aériennes sont de fait majorés de 12,4 %.

Evolution des investissements des bases aériennes

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ecarts en %

1999/1996

2001/2000

Infrastructures

Siège de la DGAC

Sûreté

Total

123

24,7

166

313,7

140,6

100

166

406,6

163

130

190

483

173,3

56,8

190

420,1

118,7

-

40

158,7

110

-

40

150

40,9

x 2,3

14,4

33,9

- 7,3

0

0

- 5,5

Traditionnellement, la moitié de ces crédits était destinée à financer le programme d'amélioration de la sûreté. Ces crédits sont désormais principalement " logés " dans le FIATA à l'exception de 40 millions de francs de crédits de paiement correspondant à des engagements antérieurs.

L'évolution des autorisations de programme engagées dans le domaine de la sûreté à partir des éléments du budget de l'Etat est rappelée dans le tableau ci-dessous.

Montant des autorisations de programme engagées

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000 1)

2001 2)

Achat de matériels pour l'inspection-filtrage des passagers et des bagages à main



22



24



25



25



23



22

Achat de matériels pour le contrôle des accès à la zone réservée des aéroports et financement des travaux dans les installations




43




18




17




43




10




9

Contrôle des bagages de soute : achat de matériel de détection des explosifs et participation aux travaux d'aménagements des aérogares




94




136




123




68




72




115

Participation à l'amélioration de la conception des aérogares pour la sûreté



19



11



-



-



-



-

Patrimoine immobilier de la DGAC affecté à la sûreté (BGTA 2) , logements de gendarmes...)



8



11



24



34



65



92

Diverses

4

5

-

-

-

-

Total

190

205

189

170

170

238

1) Prévisions

2) Brigades de gendarmerie du transport aérien

Les variations qu'il fait apparaître démontrent une exécution un peu conjecturale des interventions nécessaires au programme de mise à niveau du contrôle des bagages de soute, qui absorbe la partie plus importante des moyens.

Le tableau ci-dessus montre aussi l'importance des dépenses d'intérêt général financées par les clients du transport aérien. C'est une situation que votre commission a constamment contesté.

Elle a de la même manière vivement critiqué la création par la loi de finances pour 1999 de la taxe d'aéroport. Au terme de cette opération de débudgétisation, la détermination des moyens et des interventions dans les domaines de la sécurité et de la sûreté échappe au Parlement.

Dès lors, leur évolution n'est que peu significative puisque les transferts de charge entre le budget de l'Etat et les aéroports qui s'ensuivent ôtent beaucoup de leur signification aux documents budgétaires.

Cette débudgétisation concerne un volume d'opérations très élevé et en expansion.

Produits de la taxe d'aéroport

(en millions de francs)

1999

2000

2001

Classe 1

ADP

287,5

577

660

Classe 2

4 grands aéroports (Lyon, Marseille, Nice, Toulouse)

81,598

Classe 3

82 aérodromes de métropole

110,318

14 aérodromes d'outre-mer

27,818

Total classe 3

138,136

Total

219,734

1.070

1.200

Cette augmentation des produits provient en partie d'une augmentation des taux unitaires de la taxe.

Coûts et taux de la composante sûreté de la taxe d'aéroport en 2000

(en millions de francs)

Coûts en F/pax

Contrôle des bagages de soute

Inspection filtrage

Contrôle des accès


Total sûreté

Taux de la taxe passager en F/pax

ADP

5

5

1

11

16

En moyenne, pour les aéroports de la classe 2

3

4

1

8

13

En moyenne, pour les aéroports de la classe 3

4

7

3

14

35

Coûts et taux de la composante sûreté de la taxe d'aéroport en 2001

(en millions de francs)

Coûts en F/pax

Contrôle des bagages de soute

Inspection filtrage

Contrôle des accès


Total sûreté

Taux de la taxe passager en F/pax

ADP

7

5

3

15

18

En moyenne, pour les aéroports de la classe 2

3

5

1

9

14

En moyenne, pour les aéroports de la classe 3

49

5

41

95

43

Contrairement aux assurances qui avaient été données, la création de la taxe d'aéroport n'a pas été compensée par une baisse à due proportion des redevances perçues par les aéroports.

La forte augmentation du poids de la taxe d'aéroport est justifiée par la DGAC par l'accroissement des besoins des aéroports que résument les tableaux ci-dessous.

Dépenses des aéroports en matière de sûreté en 2000

(en millions de francs)

Coûts en MF

Contrôle des bagages de soute

Inspection filtrage

Contrôle des accès

Total

ADP (seul aéroport de la classe 1 en 2000)

172

178

47

397

Pour l'ensemble des aéroports de la classe 2

40

55

15

110

Pour l'ensemble des aéroports de la classe 3

32

48

16

96

Total

244

281

78

603

Dépenses des aéroports en matière de sûreté en 2001

(en millions de francs)

Estimations 2001, en MF

Contrôle des bagages de soute

Inspection filtrage

Contrôle des accès

Total

ADP (seul aéroport de la classe 1 en 2000)

264

197

108

569

Pour l'ensemble des aéroports de la classe 2

47

66

15

128

Pour l'ensemble des aéroports de la classe 3

80

74

32

186

Total

391

337

155

883

Il est surprenant que les dépenses de sûreté des aéroports doivent progresser de 46,4 % et notable que cette augmentation contraste avec une chute des crédits du FIATA consacrés à la sûreté et à la sécurité de 10,3 %.

En toute hypothèse, il existe un écart considérable entre les dépenses de sûreté des aéroports (883 millions de francs en prévision) et le produit de la taxe d'aéroport pour 2001 (1.200 millions de francs).

Si une part de cet écart peut s'expliquer par l'existence des charges liées à la sécurité du transport aérien, que finance aussi la taxe d'aéroport, il reste à vérifier que les tarifs de cette dernière soit en parfaite adéquation avec les coûts subis par les gestionnaires d'aéroports.

Mais, précisément, cette vérification n'est, semble-t-il, pas garantie puisque l'examen de ces conditions par les commissions économiques consultatives fonctionnant dans les plates-formes aéroportuaires est entravé au motif qu'élément de fiscalité, les compagnies qui n'en sont pas les redevables n'auraient, par principe, pas voix au chapitre en matière de taxe d'aéroport.

Les effets d'une débudgétisation que votre commission redoutait dès l'origine se produisent un à un. Il faudra rapporter la taxe d'aéroport.

CHAPITRE III :

UN BUDGET CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS

JURIDIQUES ET FINANCIÈRES

Le budget annexe de l'aviation civile s'est trouvé confronté à des difficultés juridiques profondes, diverses dans leur nature.

Des progrès ont été accomplis pour donner plus d'assise juridique aux redevances aéronautiques. Mais, il reste des difficultés substantielles de ce point de vue.

Cependant, même en supposant des redevances entièrement satisfaisantes sur le plan du droit, il est apparu impossible de réaliser une saine gestion du BAAC.

I. MALGRÉ DES AMÉLIORATIONS CERTAINES, LE SYSTÈME DES REDEVANCES RESTE FRAGILE

Les redevances aéronautiques représentent près de 70 % des ressources du BAAC. Elles ont fait l'objet de contestations récurrentes au terme desquelles plusieurs décisions de justice sont intervenues pour rappeler que ce type de financement devait être réservé à la couverture de prestations de services rendus aux usagers.

Le Parlement à l'initiative de la commission des finances du Sénat s'est également saisi de la question. Des progrès ont pu être accomplis. Mais, il reste des éléments de fragilité.

A. DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS

1. L'intervention du Conseil d'Etat

L'intervention de la juridiction administrative, limitée pour des motifs juridiques quelque peu contestables à la RSTCA, a permis d'exercer un contrôle sur les taux de cette redevance et d'exclure le recours à cette formule pour le financement de missions d'intérêt général.

Rappel de certains contentieux

Depuis 1995, cinquante deux requêtes ont été déposées par le syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA) devant le tribunal administratif de Paris pour l'essentiel, et le SCARA a formé trois pourvois (dont une demande d'astreinte) devant le Conseil d'Etat.

Pour l'heure, aucun arrêt n'a été rendu par le Conseil d'Etat.

Les cinquante deux requêtes se composent d'abord de vingt deux demandes tendant à l'allocation d'une indemnité afin de réparer le préjudice résultant d'un trop perçu de la RSTCA résultant des titres de perception rectificatifs pris à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat de 1995, sur la base d'un arrêté du 21 février.

La loi du 18 décembre 1998 a validé les titres de perception émis sur la base de cet arrêté. Mais dans une lettre du 28 mai 1999, le président de la Section du rapport et des études du Conseil d'Etat a indiqué que, s'agissant d'un litige relatif à l'obligation de rembourser une redevance pour service rendu à la suite d'une décision de justice passée en force de chose jugée, la loi de validation du 18 décembre 1998 n'apparaissait pas compatible avec les dispositions de l'article 6-I de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dans leur réponse du 26 novembre 1999, les ministres intéressés ont indiqué avoir donné instruction à leurs services de faire droit aux demandes des compagnies aériennes dans le respect des prescriptions relatives aux voies et délais de recours contre les titres de perception, résultant en particulier des articles 7 à 9 du décret du 29 novembre 1992, dont le contenu était rappelé sur les titres attaqués. A l'occasion du débat parlementaire sur la loi de finances pour 2000, le ministre avait été amené à confirmer cette position.

Cependant, après un examen de l'ensemble des demandes de remboursement, les services ont conclu que seule l'opposition formée par la compagnie Air Liberté était recevable, les autres compagnies aériennes n'ayant pas fait opposition dans les délais réglementaires et étant considérées comme forcloses à le faire.

Le tribunal administratif de Paris dans une série de jugements en date du 27 avril 2000 a confirmé cette analyse.

Ce litige est maintenant devant la Cour administrative d'appel de Paris. Votre rapporteur souligne le caractère formel de la position de l'administration.

Dix neufs demandes tendent à l'annulation de décisions par lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile a rejeté les oppositions formées par les compagnies requérantes contre les titres de perception émis par l'agent comptable de la direction générale de l'aviation civile pour le paiement de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne au titre des vols effectués par lesdites compagnies durant certains mois de l'année 1998.

Onze requêtes tendent à la condamnation du ministre des transports à verser en référé aux compagnies requérantes une provision sur les demandes d'indemnité visant à la réparation du préjudice résultant d'un trop-perçu de la RSTCA résultant des titres de perception rectificatifs adressés aux compagnies requérantes en juin 1996, sur la base de l'arrêté du 21 février 1996.

Enfin, deux pourvois formés devant le Conseil d'Etat tendent à l'annulation des arrêtés interministériels des 28 décembre 1998 et 23 juillet 1999 fixant les taux unitaires de la RSTCA, au motif que n'auraient pas été retirés de l'assiette de ladite redevance les coûts que le Conseil d'Etat avait estimé ne pas devoir être inclus dans l'assiette de la RSTCA, et la section du rapport et des études du Conseil d'Etat a été saisie afin qu'il soit enjoint au ministre chargé des transports, sous astreinte d'un million de francs par jour de retard, de rembourser aux compagnies aériennes qui l'ont demandé le trop perçu de la RSTCA de 1991 à 1996.

L'arrêt du 10 février 1995 sur la RSCTA

Rendu par la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à la demande de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, un arrêt du 10 février 1995 a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports daté du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

Les motifs retenus par le Conseil ont été les suivants :

Le premier, technique, a consisté à reprocher aux auteurs de l'arrêté de n'avoir pas établi la liste des aérodromes où les services de circulation aérienne rendus donnaient lieu à rémunération en considération du seuil d'activité des bases aéroportuaires. En somme, l'administration se serait affranchie d'exercer son pouvoir d'appréciation qui est aussi, en droit public français, un devoir.

Le second a consisté à estimer qu'en imputant de façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts supportés par la DGAC comme des coûts générés par le contrôle d'approche, l'administration n'étant pas en mesure de justifier que la fraction des coûts ainsi imputée correspondait bien à des charges auxquelles l'expose ledit contrôle.

Par cet arrêt dont votre commission avait rendu compte, le Conseil d'Etat rappelait que les redevances devaient trouver une contrepartie directe et proportionnelle dans un service rendu à ceux priés de les acquitter.

Le même jour, un autre arrêt du Conseil d'Etat sur la redevance de contrôle technique apportait la confirmation d'une jurisprudence constante.

L'arrêt du 10 février 1995 sur la redevance de contrôle technique

Par un arrêt du 10 février 1995, le Conseil d'Etat a considéré que les dépenses de contrôle technique étaient des dépenses liées à une mission de service public d'intérêt général. Il en a conclu qu'elles ne pouvaient être financées par des redevances pour service rendu .

Votre commission en avait également rendu compte en ces termes :

" Le sens de l'arrêt du Conseil d'Etat est dépourvu d'ambiguïté : les missions exercées par la DGAC au service de l'intérêt public ne sauraient être financées par redevances.

Sans préjuger des solutions juridictionnelles qui n'ont pas été sollicitées à ce jour, il est loisible de penser que cette règle trouve à s'appliquer dans d'autres domaines d'activité de la DGAC et, en particulier, dans l'un, dont le développement pourrait s'accélérer à l'avenir, la sûreté -v. infra- 5 ( * ) . "

Il apparaissait alors à votre commission comme un fait très probable que d'autres difficultés surgiraient à partir des mêmes causes.

C'est ce qui s'est produit puisque par un arrêt du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé divers arrêtés fixant le taux de la RSTCA au motif que les coûts de certaines missions d'intérêt général encore inclus dans l'assiette de la RSTCA (Services de sécurité d'incendie et de sauvetage -SSIS- et de gendarmerie du transport aérien) devaient être financés autrement que par redevances.

2. L'initiative du Parlement

a) L'article 99 de la loi de finances pour 1996

Mais, le Parlement a également beaucoup contribué à améliorer la situation.

Il était apparu à votre commission qu'une source importante de contentieux venait de ce que les comptes à partir desquels étaient fixés les tarifs des redevances de transport aérien manquaient de transparence. Cette situation nourrissait à l'évidence le soupçon que les coûts des missions d'intérêt général exercées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) étaient, au moins partiellement, financés par les redevances.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur avait pris l'initiative de proposer un amendement, devenu l'article 99 de la loi de finances pour 1996, qui prescrivait que soit remis chaque année au Parlement un état récapitulatif présentant la répartition des coûts complets de la DGAC avec un tableau de correspondance avec les crédits budgétaires, en distinguant ceux afférents aux prestations de services rendus aux usagers et ceux résultant des missions d'intérêt général public assumés par la DGAC.

Cette initiative, qui visait à l'établissement d'une véritable comptabilité analytique, avait évidemment d'abord pour objet de favoriser le contrôle parlementaire du budget annexe de l'aviation civile.

Mais, il s'agissait aussi, d'une part, de traduire l'exigence d'une meilleure transparence des opérations conduites par la DGAC et, d'autre part, un effort de pédagogie et d'ouverture ayant été réalisé à destination des redevables, de faciliter le dialogue entre ceux-ci et l'administration.

Dans l'ensemble, ces objectifs ont été atteints et d'ailleurs les conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat produites à l'occasion de l'examen du contentieux qui devait donner lieu à l'arrêt du 20 mai 1998 pouvaient indiquer :

" L'administration a, par ailleurs, accompli d'importants efforts de clarification et d'information, comme le lui impose d'ailleurs l'article 99 de la loi de finances pour 1996. Ainsi le rapport établi à ce titre à l'automne 1996 fournit d'utiles explications sur le mode de calcul actuel de la RSTCA. Et de manière générale, c'est à notre avis à juste titre que le rapport du sénateur Collin sur le budget annexe de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1997 salue (p. 28) les efforts réalisés dans le sens de la transparence. "

A l'heure où se profile une réforme de l'ordonnance organique de 1959 destinée, entre autres, à améliorer la lisibilité des budgets, votre rapporteur ne saurait trop insister sur les enjeux d'une meilleure connaissance des coûts des différentes politiques publiques. Sans sous-estimer les progrès encore à réaliser pour aboutir à une comptabilité analytique impeccable au sein de la DGAC, il veut mettre en évidence l'exemplarité des progrès de méthode réalisés en son sein.

b) Le rapport annuel

Grâce à la production de ce rapport les problèmes posés par les modes de fixation des tarifs des redevances sont désormais clairement exposés.

Ces problèmes sont doubles .

(1) L'identification des coûts de la navigation aérienne

Cette identification n'est pas simple. Elle suppose en premier lieu de disposer d'une comptabilité analytique fiable permettant d'isoler les coûts effectifs attachés à cette mission. Les difficultés les plus sensibles rencontrées dans cet exercice concernent l'identification des dépenses d'administration générale qu'il est possible de rattacher à l'exercice de la mission de contrôle aérien. A cet égard, l'on peut souligner que des variations sensibles sont intervenues. Alors qu'un peu moins de 58 % de ces charges étaient considérés comme relevant de cette mission en 1999, ce taux atteint désormais 59,4%.

Mais d'autres conditions s'imposent pour que l'identification des coûts de la navigation aérienne puisse être jugée convenable. Il faut, en particulier, que le calcul des charges à incorporer dans ces coûts soit pertinent.

Deux questions sont à évoquer :

- celle des investissements ;

- celle du calcul des intérêts.

S'agissant des investissements , on ne peut en effet retenir l'ensemble des charges budgétaires exposées dans l'intérêt du contrôle aérien pour établir le montant des coûts du contrôle. En effet, les recommandations de l'Organisation de l'administration civile internationale -OACI- qui paraissent, sur ce point, conformes à notre droit public précisent que la valeur d'origine des immobilisations doit être amortie sur l'estimation de leur durée de vie utile et que les coûts d'amortissement ne doivent commencer à courir qu'une fois l'installation mise en service .

S'agissant du calcul des intérêts , on rappelle que l'OACI considère que les intérêts doivent être calculés sur la base de la valeur nette des immobilisations en service au cours de l'exercice.

Enfin, surgit l'écueil du calcul des coûts dénommés dans le rapport susmentionné " éléments supplétifs d'assiette " et dont l'essentiel consiste dans les coûts des prestations d'organismes extérieurs à la DGAC aux premiers rangs desquels, le ministère de l'équipement et celui de la défense. Leur prise en compte intégrale, alors même que la DGAC ne supporte pas de dépenses à due proportion au profit de ces deux ministères, est justifié par l'administration au nom du principe qui veut que l'ensemble des coûts d'un service soit pris en compte pour en asseoir le tarif.

(2) L'imputation des coûts de navigation aérienne.

A ce propos, plusieurs difficultés doivent être relevées.

La première concerne le " mécanisme correcteur" . Les taux des redevances de navigation aérienne sont établis de la façon suivante. Une fois déterminées les assiettes des redevances, leur tarif découle de prévisions portant sur le niveau des unités de service taxables 6 ( * ) . Si une erreur survient sur l'un ou l'autre nombre de ce rapport, il se peut que les produits appelés soient inférieurs ou supérieurs aux coûts effectivement engagés pour satisfaire la mission de contrôle aérien. Le déficit ou l'excédent de produit est alors ajouté ou déduit de l'assiette des redevances, avec un décalage de 2 ans. Par exemple, ce mécanisme aboutit cette année à un surcroît de produit de 316 millions de francs correspondant à un trop perçu équivalent en 1999.

Une deuxième difficulté déjà relevée l'an dernier concerne le sort des créances impayées . (30 millions de francs en 1999).

Avec les difficultés posées par les exemptions et exonérations , on aborde une troisième difficulté , de taille puisque les montants concernés atteindraient 766 millions de francs en 2001. Pour ces vols, la DGAC renonce à percevoir les redevances pour des prestations de contrôle aérien rendues par elle.

Les exemptions concernent la RSTCA qui n'est perçue que lorsque le trafic d'un aéroport dépasse le seuil de 5.000 unités de service par an en moyenne sur les trois dernières années.

Les exonérations s'appliquent à certains types de vol et, en particulier, aux vols militaires.

Des exonérations de fait concernent l'outremer où les redevances effectivement perçus ne couvrent pas plus de 28 % des coûts effectifs de la navigation aérienne.

S'il apparaît justifié de réduire les coûts associés à ces prestations pour calculer les coûts facturables par voie de redevances, il ne faut pas en déduire que ces coûts n'existent plus "ipso facto". En réalité, ils subsistent et doivent être couverts par d'autres ressources.

B. DES FRAGILITÉS SUBSISTENT

La complexité du droit de redevances, ses exigences sont une source permanente de vulnérabilité.

A ce propos, l'on avait vivement déploré que le rapport transmis au Parlement puisse contenir des données de fait contestables. Il faut citer à ce propos les conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat relatives à l'évaluation des coûts de l'école nationale de l'aviation civile pris en compte pour calculer le taux de la RSTCA.

" On peut cependant éprouver davantage de doute sur une question qui se situe en réalité en amont de l'existence ou non d'une erreur manifeste, celle de la manière dont est justifiée la prise en compte des dépenses de formation et notamment du coût de fonctionnement de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC).

Les doutes que l'on éprouve à ce sujet s'accroissent en outre lorsque l'on relève le caractère évolutif, et en réalité contradictoire des explications fournies sur le calcul de ce taux.

Dans le document de la DGAC présentant sa comptabilité analytique, on peut lire, p. 40, que la répartition des coûts d'administration générale de l'ENAC " est effectuée au prorata de coûts opérationnels de la DGAC ". Or une telle clé est étrangère à la nature des personnels formés par l'ENAC, le seul critère pertinent conduisant à distinguer, parmi les agents qui bénéficient de ces formations, selon qu'ils sont liés ou non au contrôle aérien et, plus précisément, qu'ils concourent ou non aux missions que la redevance litigieuse a pour objet de financer.

Conscient sans doute de cette faiblesse, le ministre avance une autre explication dans son dernier mémoire, en indiquant que le taux de 57,2 % résulte d'un calcul qui tient compte, d'une part de la proportion des élèves qui suivent les formations intéressant le contrôle aérien, d'autre part du coût relatif des différentes formations.

Mais outre qu'il est pour le moins fâcheux que les indications données au Parlement dans le document que nous avons mentionné à l'instant soient radicalement différentes , l'administration - pourtant invitée à le faire par une mesure d'instruction prescrite par votre 8° sous-section- ne nous paraît pas avoir justifié que cette nouvelle explication permettait de rendre compte d'un taux aussi élevé ".

Il reste à vérifier que ces difficultés aient été résolues.

Quant aux autres facteurs de vulnérabilité des redevances qui persistent, il y a lieu d'évoquer sommairement les questions suivantes.

Il n'est d'abord pas certain que les règles posées pour encadrer la prise en compte des investissements et études pour le calcul des taux de redevances soient entièrement respectées.

Si elles paraissent l'être s'agissant des investissements directement financés par le BAAC, c'est plus douteux s'agissant des investissements et études effectués par Eurocontrol dans la mesure où la DGAC a pris le parti d'incorporer aux coûts de la navigation aérienne la totalité de sa contribution annuelle à Eurocontrol. Il faudrait alors s'assurer que les appels à contribution de cette organisation tiennent elles-mêmes compte des recommandations de l'OACI.

S'agissant du calcul des intérêts , la règle de l'OACI est contestable en ce que l'application du taux d'intérêt ne tient pas compte du niveau d'autofinancement des immobilisations, étant uniforme quelque soit le mode de financement - sur emprunt ou sur ressources propres- de l'investissement.

Or, en cas d'autofinancement sur ressources tirées des redevances, le choix d'appliquer cette règle revient à faire supporter deux fois le coût financier d'opportunité des investissements aux redevables des redevances.

S'agissant du fonctionnement du " mécanisme correcteur ", il conviendrait sans doute d'améliorer le système en affectant aux sommes qu'il concerne un taux d'intérêt représentatif du coût d'opportunité que l'immobilisation de ces montants suppose. Le projet de budget pour 2001 illustre avec l'importance des reprises de provisions les enjeux d'une telle exigence. Il est très peu satisfaisant que des compagnies aériennes dont l'équilibre économique peut être fragile doivent supporter la charge de " trop-versés " durant deux années. La question de la restitution des " trop-perçus " par l'administration en cas de cessation d'activité des entreprises appelle d'ailleurs quelques éclaircissements.

S'agissant des créances impayées, par leur intégration dans la base de calcul des coûts de la navigation aérienne, l'administration choisit de prélever auprès des " bons payeurs " des sommes représentatives, par définition, de coûts qui ne leur sont pas imputables. Autrement dit, une partie, certes minime, du tarif des redevances apparaît, non pas comme la contrepartie d'un service rendu aux redevables, mais bien comme la conséquence d'un mécanisme de solidarité collective entre les usagers. Cette option, qui n'apparaît pas conforme aux principes de calcul des redevances rappelées par le juge administratif, pourrait constituer, pour l'administration, un élément désincitatif à un recouvrement diligent de créances auprès des mauvais payeurs. Elle devrait être abandonnée.

Trois conséquences nocives résultent de la complexité du système des redevances :

elle pose d'abord un problème de compréhension aux redevables qui nuit à l'acceptation des redevances ;

elle suppose des arbitrages parfois contestables qui entretiennent le doute et la suspicion ;

elle s'accompagne de transferts peu transparents entre administrations.

Mais, surtout le régime encadrant les redevances a engendré un redoutable problème de financement du budget annexe.

II. L'ÉCUEIL DU FINANCEMENT DE LA NAVIGATION AÉRIENNE

Il est apparu que les redevances ne permettaient pas d'assurer un financement équilibré du BAAC. S'en est suivi un dilemme dont il convenait de sortir. Les recommandations répétées de votre commission ont été enfin mises en oeuvre.

A. UNE IMPASSE DE FINANCEMENT

Le tableau ci-après, tiré du rapport déposé au mois d'octobre 2000 en application de l'article 99 de la loi de finances pour 1996 est, à soi seul, éloquent.

Coûts

2001

- Charges incorporables

5.650

- Coûts supplétifs

272

- Assiette totale

7.468

- Recettes accessoires

- 11

- Mécanisme correcteur

- 316

- Exemptions et exonérations

- 766

- Assiette réduite (facturée)

6.375

Selon ce tableau, le total des coûts de navigation aérienne à financer s'élève à 7.468 millions de francs.

Ce chiffre peut être mis en rapport avec celui des recettes tirées des redevances aéronautiques qui s'élèveraient, elles, à 6.316 millions de francs en 2001.

L'écart entre ces deux données, 1.152 millions de francs, manifeste d'abord que le système des redevances ne permet pas de couvrir les coûts économiques de la navigation aérienne . Cette situation s'explique principalement (pour 766 millions de francs), par les exemptions et exonérations dont bénéficient certains vols.

Il faut souligner que si tous les bénéficiaires devaient contribuer également aux coûts des prestations de la navigation aérienne, le BAAC enregistrerait en 2001 un supplément de recettes de 766 millions de francs, ce qui permettrait soit une modification, à la hausse, du taux d'autofinancement des investissements, soit d'alléger les autres prélèvements affectés au budget annexe.

La somme susmentionnée comporte les exonérations dont bénéficient certains usagers. Elles sont supportées par les clients du transport aérien ce qui est quelque peu déconcertant dans les cas rappelés plus haut.

Mais, il y a plus grave : les produits des redevances sont inférieurs aux crédits budgétaires ouverts en loi de finances au titre de la navigation aérienne.

Cette situation peut s'expliquer pour partie, et parfois seulement, par le jeu du " mécanisme correcteur ". On en trouve une illustration spectaculaire cette année puisque les excédents de redevance perçus au cours de l'exercice 1999 qui atteignent 316 millions de francs permettent, en affichage, de minorer l'appel de redevances pour 2001.

Sur la base d'une clef de répartition réaliste ne mesurant pas artificiellement les crédits nécessaires pour couvrir les charges de la navigation aérienne, on aboutit à une estimation des crédits budgétaires de navigation aérienne de 6.793,3 millions de francs correspondant à la sommation de 5.227,7 millions de francs de crédits d'exploitation et de 1.564,7 millions de francs de crédits pour opérations en capital.

Les produits budgétés au titre des redevances aéronautiques s'élevant à 6.316 millions de francs, une impasse de financement de 477,3 millions de francs doit être couverte par d'autres ressources.

Le niveau de cette impasse impose, est, doit-on observer, une fonction directe du niveau des investissements de navigation aérienne une année donnée. Plus celui-ci est élevé, plus l'écart se creuse entre les ressources disponibles et les crédits à financer.

Une première solution s'offre pour financer cette impasse. Elle passe par la réduction du niveau des investissements. Utilisée en 1999, sa maniabilité est toutefois limitée comme le montre les budgets 2000 et 2001.

L'autre solution trop largement éprouvée, consiste dans le recours à des ressources alternatives.

B. LES DEUX ÉCUEILS

1. Déséquilibre financier ou alourdissement de la fiscalité ?

Comme les redevances sont insuffisantes pour financer les crédits budgétaires de navigation aérienne, le recours à d'autres sources de financement s'impose.

L'objectif d'assurer un meilleur autofinancement des crédits de la navigation aérienne du fait des limites de l'endettement contraignent à accroître structurellement le taux de la taxe de l'aviation civile, qui devient la ressource d'ajustement d'un budget annexe qui, sans elle, verrait son équilibre financier sérieusement menacé.

Cette année, cette contrainte joue à plein. Le produit de la taxe de l'aviation civile affecté au BAAC s'accroît de 12,7 %.

2. Un alourdissement de la fiscalité affectée en question

La formule du budget annexe constitue une exception à la règle de non-affectation des recettes posée à l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 portant loi organique relative aux lois de finances. Ce même article dispose en effet que certaines recettes pouvant être directement affectées à certaines dépenses, ces affectations spéciales "prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe ." Mais, l'accroissement de la fiscalité affectée au BAAC et à l'origine de doutes quant à la pérennité même du BAAC.

a) Qu'est-ce qu'un budget annexe ?

L'article 20 dispose que " les opérations financières de services de l'Etat que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou rendre des services donnant lieu au paiement de prix, peuvent faire l'objet de budgets annexes ."

La formule du budget annexe, exception aux principes d'universalité et d'unité budgétaire et à son corollaire le principe de non-affectation, permet donc deux formes d'affectation distinctes :

l'affectation directe de certaines recettes à certaines dépenses ;

l'affectation par procédure particulière.

Cette deuxième catégorie d'affectation est décidée par voie réglementaire dans les conditions prévues à l'article 19 de l'ordonnance. Ce dernier article précise que les procédures particulières d'affectation sont la procédure de fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

Des définitions précises de ces procédures sont données à l'article 19. Elles encadrent et limitent les procédures particulières d'affectation et, par conséquent, l'entorse qu'elles apportent au principe général de non-affectation des recettes. Il va de soi que l'actuelle taxe de sécurité et de sûreté, comme d'ailleurs toute autre taxe venant s'y substituer, n'entre pas dans ce cadre réservé, on le sait, aux ressources non fiscales.

Un problème majeur avait été mis en évidence par votre commission, celui de l'interprétation à donner aux termes de l'article 21 de l'ordonnance organique.

Celui-ci précise que " les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses".

En fixant le contenu et la structure des opérations budgétaires retracées par un budget annexe, il semblait que l'article 21 jetait les principes à partir desquels on pouvait définir le champ de l'affectation directe de recettes à certaines dépenses ouvert par la formule du budget annexe.

Suivant cet article, deux types de ressources semblaient, seules, pouvoir être affectées au BAAC : des ressources d'exploitation et des ressources spéciales. Mais aucune définition explicite de ces ressources n'étant donnée par le texte, il fallait tenter une exploration de la logique particulière du budget annexe pour comprendre ce que peuvent être ces ressources. Au terme de cette exploration, les conclusions suivantes s'imposaient.

L'article 20 mentionné plus haut invite à considérer que les recettes d'exploitation visées par l'article 21 sont les recettes perçues en contrepartie de la tarification d'un prix censé rémunérer l'exploitation du service rendu aux bénéficiaires des prestations de la DGAC soit, pour l'essentiel, les recettes tirées des redevances.

Cette interprétation est confortée par l'accolement des termes "d'exploitation" au mot "recettes" alors que, pour le budget général, le mot "recettes" n'est accompagné d'aucun élément de précision. De plus, le texte concernant les budgets annexes vise les "dépenses d'exploitation" là où, pour le budget général, sont visées les dépenses ordinaires.

On peut constater que le lexique des budgets annexes diffère donc de celui du budget général et trouver cette situation logique dans la mesure où les budgets annexes retracent les opérations financières de services qui, par leur nature, offrent des prestations "donnant lieu au paiement d'un prix", ce que ne fait pas le budget général.

On peut conclure que les recettes d'exploitation du BAAC sont principalement les redevances de navigation aérienne, d'autres ressources tirées de l'exploitation entreprise par la DGAC pouvant y être ajoutées comme des recettes issues des autres prestations de service.

Dans cette acception, le concept de recettes d'exploitation diffère profondément de celui de recettes de fonctionnement. Il s'agit en effet d'un concept économique et non d'un concept purement comptable.

Cette lecture du texte de l'article 21 de l'ordonnance n'est pas la seule mais elle paraît plus heureuse que celle qui considérerait comme d'étroits synonymes les termes "recettes d'exploitation" et "recettes de fonctionnement".

En effet, si cette dernière interprétation purement juridique devait être privilégiée, les recettes d'exploitation ne pourraient couvrir aucune des charges d'investissement du budget annexe. Celles-ci devraient toutes être financées à partir des "ressources spéciales" visées par l'article 21 de l'ordonnance. Dans cette hypothèse, les deux sections du budget annexe, la section d'exploitation et celle des opérations en capital, devraient être, chacune, équilibrées par des recettes propres sans possibilité de transfert d'une section à l'autre.

Mais, il s'ensuit que ni des recettes purement fiscales ni des ressources d'emprunt ne sauraient être assimilées à des recettes d'exploitation. Par conséquent ces recettes ne pouvant être considérées comme des recettes d'exploitation ne sauraient, au terme de l'article 21 de l'ordonnance organique, couvrir les dépenses d'exploitation du BAAC, c'est-à-dire les dépenses liées à la mission de navigation aérienne alors que, dans la réalité, elles y contribuent.

Le même écueil se retrouve du côté des dépenses : que sont les dépenses d'exploitation du budget annexe ?

L'article 21 de l'ordonnance distingue clairement les dépenses d'exploitation des dépenses d'investissement pour indiquer quelles dépenses peuvent figurer à un budget annexe 7 ( * ) .

Ce faisant, l'ordonnance apporte plus de confusion que de clarté puisque la distinction qu'elle opère entre les dépenses d'exploitation et les dépenses d'investissement donne à penser que les charges d'investissement seraient à exclure du champ des dépenses d'exploitation des prestations de navigation aérienne. Dans cette hypothèse, les dépenses d'investissement devraient n'être financées que par les ressources spéciales qu'évoque l'ordonnance.

On sait bien qu'il n'en est rien -v. supra- et que, si les crédits budgétaires d'investissement doivent être distingués des dépenses d'exploitation, celles-ci sont néanmoins tributaires pour partie des dépenses d'investissement.

En bref, la notion de dépenses d'exploitation devrait être distinguée de celle de dépenses de fonctionnement : pour la cerner, il faut ajouter aux dépenses de fonctionnement liées au service offert aux usagers les charges des opérations en capital qui concourent à rendre possible l'exploitation du service rendu aux usagers.

Une autre interprétation qui retiendrait l'idée d'équivalence entre dépenses d'exploitation et dépenses de fonctionnement serait ruineuse pour le budget annexe. On sait que, dans la pratique, la part des recettes dites d'exploitation qui excède les besoins de fonctionnement courant du BAAC, est virée en recette de la section d'investissement. Si une conception des recettes d'exploitation tendant à les assimiler aux recettes de fonctionnement courant devait prévaloir les principes d'affectation posés par l'article 21 de l'ordonnance devraient interdire cette pratique qui reviendrait à affecter à des dépenses d'investissement d'autres ressources que les ressources spéciales mentionnées par l'ordonnance.

Face à une lecture purement juridique des budgets annexes, l'interprétation juridique et économique qu'on propose de retenir conduit à ceci que, les dépenses d'exploitation seraient constituées de l'ensemble des coûts d'exploitation du service de la navigation aérienne et les recettes d'exploitation, des redevances et autres recettes directement tirées de l'exploitation du service.

Ce n'est pourtant pas cette voie qu'à suivie le Conseil Constitutionnel dans sa décision sur la loi de finances pour 1998.

Par cette décision, le Conseil a affirmé le principe d'universalité des budgets annexes. Il en a conclu que les ressources fiscales affectées au budget annexe n'avaient pas à être affectées à une dépense plutôt qu'à une autre et qu'elles pouvaient ainsi sans contrarier la Constitution ni l'ordonnance organique concourir aux conditions de l'équilibre général du budget annexe.

On observera que cette décision a pour effet d'atténuer considérablement la portée de l'article 21 de l'ordonnance organique qui semblait, par dérogation aux principes rappelés par le Conseil et à la règle de non affectation posée par l'article 18 de la même ordonnance, articuler des règles d'affection de recettes à certaines dépenses.

Il est bien possible que le Conseil en négligeant une disposition spéciale au profit d'une référence à des règles d'ordre général ait souhaité neutraliser un article qui, à l'évidence, relève d'une conception un peu vague et est entaché d'une rédaction plutôt floue et ambiguë.

Il n'empêche que la décision du Conseil, simplificatrice, a pour effet de réduire la spécificité des budgets annexes et, au fond, d'atténuer également la portée de l'article 20 de l'ordonnance.

Il sera sans doute utile à l'avenir d'apporter quelques précisions au texte de l'article 21 de l'ordonnance organique.

b) De quelques compromis peu satisfaisants

C'est peut-être parce qu'il a été conscient de ce problème que le Conseil s'est attaché à commencer à régler une difficulté considérable sur le plan des principes.

On sait que le budget annexe de l'aviation civile abrite des opérations qui n'ont pas vocation à y être retracées et reçoit, du coup, des financements qui ne devraient pas lui être affectés.

Ce problème lassant avait été perçu lorsque le BANA 8 ( * ) avait été transformé en BAAC.

Dans l'avis du Conseil d'Etat du 17 juillet 1990, la Haute Assemblée avait considéré que :

" Si, en revanche, les missions de la Direction Générale, en ce qui concerne la sûreté des passagers dans les aéroports, ne peuvent être regardés comme tendant à rendre des services donnant lieu au paiement d'un prix, dès lors qu'en ce domaine le législateur a créé la taxe définie à l'article 302 Bis K du Code Général des Impôts, ces activités ne représentent, du point de vue tant des moyens en personnel que des charges financières, qu'une part très faible de l'ensemble de l'activité de la direction générale de l'aviation civile qui serait reprise dans le budget annexe ; il s'ensuit que, même en tenant compte de cette part des missions de la direction générale les conditions définies à l'article 20 resteraient remplies ; par suite, il est loisible au législateur de créer un budget annexe pour les opérations financières de la direction générale de l'aviation civile correspondant à l'ensemble des missions ci-dessus rappelées et de décider que les recettes correspondant au produit de la taxe de sûreté sur les aéroports seront affectées à ce budget".

Dès l'origine, l'avis du Conseil d'Etat pouvait ne pas emporter complètement la conviction.

La Haute Assemblée se référait en effet à l'article 20 de l'ordonnance et négligeait l'article 21. Or, si son interprétation de l'article 20 peut satisfaire, même si le choix de conférer à l'adverbe "essentiellement" le sens de l'adverbe "principalement" plutôt que celui, plus philosophique de "naturellement" peut être contesté, le défaut de référence à l'article 21, décidément peu prisé par nos juristes, posait problème .

Comme aucune des dépenses régaliennes assumées par le budget annexe ne peut être assimilée soit à une dépense d'exploitation, soit à une dépense d'investissement nécessaire à l'exploitation d'un service, ces dépenses ne peuvent donc être retracées par le budget annexe que moyennant "l'oubli" des dispositions de l'article 21 de l'ordonnance.

Il y a sans doute une contradiction entre cet article 21 et l'article 20 que le Conseil a alors choisi de résoudre en privilégiant celui-ci plutôt que celui-là, comme le Conseil Constitutionnel l'a, semble-t-il, plus récemment, fait. Ce compromis peu satisfaisant n'a pas réglé toutes les difficultés.

Depuis, le problème est resté pendant et s'est trouvé aggravé par l'ampleur prise par la part des dépenses régaliennes dans le budget annexe et par celle du financement trouvé dans les taxes affectées à ce budget.

Sur ce sujet, il faut souligner que, dans son avis, le Conseil d'Etat avait considéré que ses observations ne pouvaient valoir que pour autant que les activités autres que de prestations de service conservent une place très faible dans l'ensemble de l'activité de la DGAC et que, parallèlement, la taxe de sûreté procure une part très faible des recettes du budget.

Votre rapporteur avait fait valoir que tel n'était plus le cas et que, par conséquent, l'entorse au principe de non-affectation des recettes pourrait bien dégénérer en une fracture du BAAC.

Il avait ajouté qu'on ne pourrait "sauver" l'affectation à ce budget annexe des taxes qu'en considérant celles-ci comme appartenant à la catégorie de ces ressources spéciales que vise l'article 21 de l'ordonnance organique.

Mais, il avait précisé alors que son produit devrait être affecté aux seules dépenses d'investissement -ce qui est loin d'être le cas-, ce qui supposerait, au demeurant, que le budget annexe puisse abriter des dépenses d'investissement conséquentes destinées à autre chose qu'à l'exploitation d'un service faisant l'objet de prestations donnant lieu au "paiement de prix".

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998 allait globalement confirmer le bien-fondé des observations de votre rapporteur en indiquant que, de la combinaison des articles 20 et 21 de l'ordonnance organique, il résultait " que, pour l'essentiel, les recettes des budgets annexes doivent être constitués de rémunérations pour services rendus et que la part des ressources fiscales qui leur sont affectées doit demeurer réduite ". Le Conseil devait conclure que tel était encore le cas. Mais, le rappel des principes a été compris par chacun comme une sorte de mise en garde devant le renforcement d'un risque constitutionnel substantiel.

C. UNE SOLUTION EN PARTIE INSUFFISANTE

La création du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) par la loi de finances pour 1999 a permis d'atténuer quelque peu les risques encourus par le BAAC.

Le FIATA résulte d'une extension du compte d'affectation spéciale n° 902-25 intitulé "Fonds de péréquation des transports aériens" (FPTA).

Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour 1995 afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).

Le FIATA continuera à assumer cette dernière charge mais il est en outre appelé à financer :

a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la sûreté, à l'exception des dépenses de personnel ;

b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de sécurite-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux ;

c) les frais de gestion ;

d) les restitutions des sommes indûment perçues ;

e) les dépenses diverses ou accidentelles.

Le FIATA est financé au moyen d'une part du produit de la taxe d'aviation civile (TAC).

L'évolution du FIATA entre 2000 et 2001 est rappelée dans le tableau ci-après.

Evolution des crédits du FIATA entre 2000 et 2001

(En millions de francs)

2000

2001

Péréquation lignes aériennes

50

0

Financement aéroportuaire

dont :

311

279

dépenses en capital directes de l'Etat

174

216

péréquation petites plates-formes

84

10

dépenses de fonctionnnement de l'Etat

53

53

Total

361

279

Le transfert de crédits du BAAC vers le FIATA est une solution satisfaisante, recommandée par votre commission. La quasi-totalité des dépenses de sûreté de l'Etat y figure désormais hormis les crédits de paiement nécessaires à la couverture des autorisations de programme engagées à partir du BAAC. Cette évolution favorable ne doit pas cacher une réalité qui, elle, l'est beaucoup moins. Il s'agit du système adapté pour financer les dépenses nécessitées par la sécurité et la sûreté mises à la charge des aéroports. On sait qu'à cet effet a été instituée une taxe d'aéroport.

Or, le statut budgétaire de la taxe d'aéroport n'est pas satisfaisant.

La taxe d'aéroport est à ranger dans la catégorie des impositions de toutes natures .

Par conséquent, son régime juridique devrait obéir aux règles qui, dans notre droit budgétaire, s'appliquent à de telles impositions. Elle devrait être retracée dans les recettes de l'Etat, sa perception devrait être autorisée chaque année par la loi de finances et son affectation comptable devrait respecter les dispositions prévues par le chapitre II de l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. En particulier, il faudrait respecter la règle posée à l'article 18 de cette ordonnance selon laquelle " Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général. "

Le dispositif adopté l'an dernier contrevient manifestement à cet ensemble de contraintes constitutionnelles. Il n'est en effet pas prévu de rattacher le produit de la nouvelle taxe au budget général non plus d'ailleurs que de mentionner, dans le budget,les charges qu'elle est appelée à financer. Mais, plus grave, la mention du texte selon laquelle " la taxe... est perçue au profit des exploitants des aérodromes " si elle s'inspire des dispositions traditionnellement retenues en matière de taxes parafiscales n'a pas lieu d'être s'agissant d'une imposition et soutient une affectation contraire aux règles du droit budgétaire.

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1999 est, sur ce point, déconcertante.

Il est politiquement inacceptable d'instaurer un système de financement de cette importance, son montant excéderait 1,2 milliard de francs en 2001 et il concerne des missions d'intérêt général essentielles, sans que le Parlement n'en soit saisi en totalité à travers des documents budgétaires dont c'est la raison d'être.

S'il est bien vrai que le Conseil constitutionnel avait déjà admis dans sa décision du 29 juillet 1998 rendue à propos de l'affectation d'une taxe appartenant à la catégorie des impositions de toute nature à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat qu'un établissement public pouvait bénéficier de l'affectation du produit d'une imposition, il est plus surprenant qu'il ait choisi une solution analogue à propos de la taxe d'aéroport.

On peut d'abord observer que l'existence juridique autonome des aéroports n'est pas établie dans la plupart des cas.

On peut également faire valoir que certains aéroports sont gérés par des personnes morales de droit privé qui se trouvent ainsi affectataires d'une imposition.

On doit surtout ajouter que comme la jurisprudence du Conseil d'Etat l'avait clairement établi que "les services rendus par les services de sécurité d'incendie et de sauvetage et par la gendarmerie correspondent à des missions d'intérêt général qui incombent, par nature à l'Etat ".

Dans ces conditions, l'on voit mal pourquoi il a été accepté que des dépenses correspondant à des charges qui incombent naturellement à l'Etat puissent ne pas être intégrées dans le budget de l'Etat, censé les retracer en totalité et constituer le support de leur autorisation et de leur gestion.

Il n'est pas souhaitable d'engager nos finances publiques sur la voie d'un démembrement qui est déjà trop acclimaté et qui constitue une violation de l'esprit même de l'ordonnance de 1959 qui régit sagement les lois de finances.

L'on avait observé, l'an passé, que la voie empruntée débouchait sur l'inscription d'un crédit de 84 millions de francs dans le FIATA au titre de la couverture des besoins des aéroports en mal de produits de taxe d'aéroport dont on avait souligné qu'on ne savait pas à quoi il correspondait. Nul ne pouvait en effet préciser aujourd'hui quels seraient les besoins à couvrir puisqu'aussibien le recouvrement de la taxe d'aéroport semblait poser de vraies difficultés tandis que les dépenses prévisibles des plates-formes n'étaient pas connues.

Cette analyse est pleinement validée par les données budgétaires pour 2001 puisque le montant des crédits dont l'ouverture est demandée à ce titre n'y est plus que de 10 millions de francs.

Les exigences du contrôle démocratique invitent à conclure que les sources de financement des dépenses réalisées par les gestionnaires d'aéroport devraient être retracées par le budget de l'Etat.

De la même manière, il faut réintégrer dans le budget de l'Etat les dépenses, qui, concernant la sûreté publique, ne peuvent être considérées autrement que comme des charges incombant par essence à l'Etat qu'au prix d'une conception difficilement compatible avec les principes républicains.

Les problèmes de financement du budget annexe de l'aviation civile conduisent à approfondir la réflexion sur les solutions susceptibles d'assurer un financement sûr et équitable des prestations de navigation aérienne. Votre rapporteur spécial n'est pas favorable à la voie extrême préconisée dans la proposition de réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 déposée à l'Assemblée nationale qui consiste à supprimer la catégorie des budgets annexes. L'adoption d'une telle mesure est susceptible d'avoir deux conséquences, ou la réintégration au budget général des opérations de financement de la navigation aérienne, avec les incertitudes qui découleraient d'une certaine forme de banalisation, ou l'instauration d'un établissement public, voire d'une entreprise privée de la navigation aérienne.

Cette dernière branche de l'alternative ne résoudrait, de loin, pas tous les problèmes de financement de la navigation aérienne, engendrerait un fort besoin de régulation de la pratique tarifaire d'un organisme qui serait monopolistique et comporterait une forte dose de débudgétisation, qui est précisément l'écueil que devra supprimer le réforme de l'ordonnance.

Votre rapporteur spécial veut souligner la nécessité d'une meilleure implication des compagnies dans la résolution des problèmes de financement des infrastructures du transport aérien.

Les charges qui en découlent pour les clients du transport aérien sont considérables et leur augmentation a été très forte. Il appartient au premier chef aux compagnies de défendre les intérêts commerciaux de leurs clients sur lesquels cette charge pèse " in fine " .

L'exemple d'Air France est illustratif. Les charges liées au financement du BAAC ont augmenté de 432,7 % en cinq ans et celles liées au financement des aéroports de 448,3 %.

Evolution des " charges d'Air France " de financement du BAAC

(en millions de francs)

Variation 95/96 à 99/00

1995/1996

1996/1997

1997/1998

1998/1999

1999/2000

en MF

En %

Redevance de route

737,7

762,5

740,5

760

803,8

+ 66,1

+ 8,1

Redevance d'approche

421,4

428,8

424,2

430,6

452,3

+ 30,9

+ 7,3

Taxe d'aviation civile*

396,6

417,6

463,5

640,8

732,3

+ 335,7

+ 84,6

Total

1.555,7

1.608,8

1.628,1

1.831,4

1.988,4

+ 432,7

+ 27,8

* Taxes de sécurité-sûreté et de péréquation avant 1999

Source : Air France France

Evolution des " charges d'Air France " de financement des aéroports français

(en millions de francs)

Variation 95/96 à 99/00

1995/1996

1996/1997

1997/1998

1998/1999

1999/2000

en MF

En %

Redevances liées à l'avion*

737,1

786,9

789,8

816,7

758,5

+ 21,4

+ 2,9

Redevances passagers

656,6

742,4

765,8

859,1

838,9

+ 182,3

+ 27,8

Taxe d'aéroport**

-

-

-

-

244,6

+ 244,6

-

Total

1.393,7

1.529,3

1.555,6

1.675,8

1.842,0

+ 448,3

+ 32,2

* Atterrissage, balisage, stationnement

** Effet sur trois trimestres de l'exercice 1999/2000

Source : Air France

En conséquence, alors que les charges d'exploitation d'Air France ont progressé de 15,6 % entre 1997 et 2000, les charges liées au BAAC ont augmenté de 22,1 % et celles liées aux aéroports français de 18,5 %.

Ces dérives devraient conduire la compagnie à réagir mais votre rapporteur spécial relève une certaine discrétion de l'entreprise sur ce sujet. Il est vrai que sa tutelle est la même qui fixe le tarif des taxes et redevances. Il est vrai qu'un conflit dans le secteur de la navigation aérienne coûterait plus de 200 millions de francs par jour si l'on en croit certaines estimations. Il est vrai qu'Air France, du fait de sa dimension, peut, mieux que d'autres, absorber les chocs résultant de la hausse des prélèvements.

Dans ce panorama, votre rapporteur spécial confesse le sentiment qu'il a parfois de défendre un peu seul les préoccupations d'intérêt général. Mais, il puise dans cette fonction qui est sa raison d'être une détermination sans relâche.

DEUXIÈME PARTIE :

LES CRÉDITS DE TRANSPORT AÉRIEN ET DE

MÉTÉOROLOGIE DU BUDGET DU MINISTÈRE DE

L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

CHAPITRE PREMIER :

VERS L'UNIFICATION DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE EUROPÉENNE

Votre commission des finances avait adopté au mois de juin 1999 un rapport 9 ( * ) consacré à définir un projet aéronautique européen susceptible d'assurer les positions de l'Europe dans un secteur industriel stratégique du point de vue économique mais aussi politique.

Soulignant les acquis engendrés par les rapprochements intervenus au sein de l'industrie française, il appelait à une relance du processus de concentration européenne en en énonçant les conditions.

La fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA, rejoints par l'entreprise espagnole CASA et, pour une partie de ses activités, par l'italien Alenia, pour constituer, ensemble, l'entité " European Air Defence and Space " (EADS) constitue un pas décisif vers une Europe aéronautique plus forte.

I. LA STRUCTURATION DE L'INDUSTRIE EUROPÉENNE

Au prix d'une série d'opérations complexes à caractère juridique et financier, la réorganisation de l'industrie française a donné naissance à un champion national occupant en outre des positions majeures sur l'échiquier européen.

Puis la constitution d'EADS a engendré une intégration partielle, mais décisive, de l'industrie aéronautique européenne.

A. LA STRUCTURATION DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE

Apports, fusions et privatisation ont été nécessaires pour réorganiser l'industrie aéronautique française.

1. Le transfert de la participation de l'Etat dans Dassault Aviation à Aérospatiale, une démarche inachevée

Fin décembre 1998, l'Etat a transféré à Aérospatiale 45,76 % du capital de Dassault Aviation.

Ce dessaisissement n'a été que partiel puisque les droits de l'Etat dans l'entité Dassault-Systèmes n'ont pas été transférés à Aérospatiale. Cette réduction du périmètre transféré à l'entreprise publique est, à coup sûr, très notable compte tenu de la valorisation boursière de Dassault-Systèmes et de ce que la participation de l'Etat au capital de Dassault Aviation lui confère 16,33 % de cette capitalisation. D'un point de vue stratégique, l'exclusion de Dassault-Systèmes du périmètre transféré à Aérospatiale peut être justifiée par la nature du métier de l'entreprise -conception industrielle par ordinateur- et par sa position commerciale qui fait de Boeing l'un de ses premiers clients. Il semble que l'Etat souhaite céder cette participation courant 2001.

Mais ce transfert a supposé la renonciation de l'Etat aux droits de vote double dont il bénéficierait.

La question se pose alors évidemment du degré de contrôle d'Aérospatiale sur Dassault Aviation résultant de cette opération. Aérospatiale n'étant pas appelée à bénéficier des privilèges liées à la participation de l'Etat elle détient 45,76 % du capital de Dassault Aviation, ce qui en fait certes un actionnaire de référence majeur mais toutefois un actionnaire minoritaire par rapport à la holding Dassault Industries qui en détient 49,90 %, le reste, 4,34 % étant en Bourse.

L'accord intervenu entre les parties a, sans doute, inclus des dispositions élargissant les droits d'Aérospatiale au-delà des seuls droits attachés à sa participation et dont seule une connaissance précise permettrait d'en évaluer l'impact. Mais, en contrepartie, il semble que l'actionnaire majoritaire se soit vu conférer des prérogatives particulières incluant des clauses de préemption.

Le rapport susmentionné appelait à des clarifications qui restent nécessaires.

Sauf à être durablement sous-optimale, la démarche de rapprochement entre Aérospatiale et Dassault Aviation devra donc être prolongée.

2. Le transfert des activités satellites à Thomson, une opération à la cohérence remise en cause

Une importante modification du périmètre d'Aérospatiale est intervenue avec le transfert à Thomson CSF des activités d'Aérospatiale dans le domaine des satellites à l'été 1998. Le chiffre d'affaires de cette division s'était élevé à 3,4 milliards de francs en 1997 contre 5 milliards en 1996 représentant 6 % de l'activité totale de l'entreprise. Ce transfert était accompagné d'une clause de non rétablissement par laquelle Aérospatiale s'était engagée à abandonner toute activité dans le secteur. En contrepartie de ce transfert, Aérospatiale avait reçu 4 % du capital de Thomson CSF remodelé après l'entrée d'Alcatel et de Dassault Industries dans l'entreprise, si bien que celle-ci s'est trouvée privatisée de facto.

Cette opération a été remise en cause par le projet de fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies qui, accompagnée de la privatisation d'Aérospatiale, constitue l'élément principal des opérations portant sur l'entreprise et l'événement majeur de la structuration de l'industrie aéronautique française.

Toutefois, une solution de compromis a alors été décidée consistant à sortir du périmètre d'Aérospatiale sa participation dans Thomson CSF pour la faire porter par l'Etat. Cette solution n'est évidemment pas appelée à persister. Son dénouement sera certainement concomitant avec les évolutions que devra entreprendre Thomson CSF.

3. Le rapprochement Aérospatiale - Matra Hautes Technologies, un événement majeur

Ce rapprochement décisif a comporté trois accords particuliers.

L'accord du 15 février 1999 entre l'Etat et Lagardère SCA précise les solutions financières.

Le groupe Lagardère, en échange de ses apports, recevrait 31,45 % du capital de la future entreprise, le périmètre d'Aérospatiale étant préalablement réduit du fait du transfert à l'Etat de la participation de l'entreprise dans le capital de Thomson CSF (3,87 %).

Le groupe Lagardère se voit reconnaître, par un pacte d'actionnaires, le statut de partenaire privilégié dans la future entreprise, statut défini à travers les droits reconnus à Lagardère par ledit pacte d'actionnaire conclu avec l'Etat dont il reste à préciser complètement la substance.

Outre l'apport des actifs de MHT à Aérospatiale, Lagardère SCA versera à l'Etat une soulte de 850 millions de francs au minimum représentative de 1,55 % du capital de l'entreprise, et dans la limite de 1.150 millions de francs, une somme variant selon la performance boursière relative du titre Aérospatiale-Matra appréciée sur une période de deux ans.

Plus le titre se valorisera par rapport au CAC 40, moins la soulte à verser par Lagardère sera substantielle ; si le cours du titre monte de 10 % par rapport au CAC 40, la dette de Lagardère sera annulée. Une clause prévoit en outre que tout désengagement du nouvel actionnaire dans les deux ans rend exigible la soulte calculée prorata temporis .

Selon le communiqué de presse du 15 février 1999, l'une des clauses du pacte d'actionnaires conclu entre l'Etat et Lagardère SCA stipule que " les principales décisions concernant le nouveau groupe seront arrêtées d'un commun accord entre ses deux premiers actionnaires, l'Etat et le groupe Lagardère. "

L'avis de la CPT évoque en outre l'organisation d'un système croisé de droits de préemption. L'Etat dispose de la possibilité d'acquérir la participation de Lagardère SCA si cette société change de contrôle ou si elle entend céder sa participation.

L'avis indique que " Réciproquement, Lagardère SCA pourra acquérir les actions cédées par l'Etat si la participation de celui-ci descendait en-dessous de 20 % ".

Le troisième pilier de l'opération est constitué par un accord industriel conclu le 3 mars 1999 entre Aérospatiale d'une part, Lagardère SCA et MHT d'autre part. Cet accord restera en vigueur tant que Lagardère SCA détiendra plus de 20 % des droits de vote de la nouvelle entité.

Votre rapporteur spécial ne rappellera pas ici les conditions particulières qui ont présidé au plan financier au rapprochement des deux entités. Il veut, en revanche, souligner l'importance des responsabilités de gestion confiées à Lagardère SCA. Elles dépassaient de beaucoup la part de cette entité dans le capital de la nouvelle entreprise et la constitution d'EADS a, semble-t-il, été l'occasion d'amplifier cette prééminence.

4. La privatisation d'Aérospatiale

Pour finir, la privatisation d'Aerospatiale est intervenue après la cession d'une fraction de la participation publique -17 %- approuvée par la Commission des participations et des transferts.

Cette opération s'est accompagnée d'une sur-souscription du placement réservé aux institutionnels (plus de 35 fois) et pourtant offert au prix le plus élevé de la fourchette prévue dans le cadre du pré-placement, le bond du titre le premier jour de sa cotation et l'introduction d'une clause de revalorisation du produit de la cession consentie au bénéfice du Consortium de réalisation(CdR), principal vendeur dans cette opération en témoignent.

B. LA NAISSANCE D'EADS

Les objectifs fixés par les responsables politiques européens n'avaient pas été atteints lorsque votre commission des finances avait adopté le rapport précité.

Les obstacles aux processus d'intégration envisagés n'avaient pas été surmontés. Certaines initiatives malheureuses avaient de surcroît contrarié l'aboutissement nécessaire des restructurations.

Ayant évalué les difficultés à surmonter, votre commission avait formulé plusieurs recommandations. La naissance de la société européenne d'aéronautique de défense et spatial (EADS) a constitué depuis un événement majeur dont les suites méritent examen.

1. Les difficultés d'une unification aéronautique européenne

Il était apparu à votre commission que malgré d'immenses difficultés, l'unification de l'aéronautique européenne était un projet viable.

Les entreprises européennes présentaient des caractéristiques propres qui rendaient leur union difficile.

Le point d'achoppement principal est venu de la question de la structure de l'actionnariat de la future EADS.

Le constat d'une grande hérérogénéité des structures d'actionnariat des différentes entreprises concernées pouvait être fait. A l'époque de la confection du rapport :

Aérospatiale était détenue à 99 % par l'Etat français (directement ou indirectement).

BAe était totalement privée, et cotée en bourse, avec des actionnaires très diversifiés sans actionnaire de " référence ". Le Gouvernement britannique disposait d'une action avec droit de véto (" golden share ") limité essentiellement à la détention d'actions par des étrangers à hauteur de 49,5 %.

CASA était détenue à 99% par l'Etat espagnol, le gouvernement espagnol ayant l'intention de privatiser la société, sans en avoir encore décidé les conditions.

DASA était controlée par des actionnaires privés (environ 94 % par Daimler-Benz AG, 6 % par Freie und Hansestadt Hamburg et d'autres actionnaires privés minoritaires), le Gouvernement allemand ne détenant aucune action avec droit de véto.

Cette diversité des formes d'actionnariat a fait naître des divergences entre les industriels portant sur la conception de l'actionnariat de la future EADC.

BAe et CASA ont pu considéré que celui-ci devait reposer sur la base d'un actionnariat distribué et d'investisseurs institutionnels.

De leur côté, les actionnaires de DASA et d'Aérospatiale ont pu conditionner la fusion de leurs actifs à la conservation de la propriété directe de leur participation sans dilution des droits attachés aux actions.

En fait, un progrès décisif vers la résolution des difficultés est intervenu avec la cession par l'Etat d'une part majoritaire du capital d'Aérospatiale et l'entrée dans le groupe d'un actionnaire privilégié extérieur au secteur public et doté de prérogatives importantes de gestion.

Un autre conflit latent portait sur la valorisation des actifs apportés par les différents industriels, valorisation constituant en elle-même une variable décisive pour déterminer les droits des actionnaires dans la future entreprise unifiée.

L'exigence posée par BAe de voir retenue pour évaluer ses apports la capitalisation boursière de l'entreprise, concept non extensible à DASA qui n'était pas cotée ni " a fortiori " à Aérospatiale et à CASA, entreprises encore publiques alors, était susceptible de susciter nombre d'objections compte tenu de son aspect exagérément simplificateur.

Une démarche fondée sur d'autres variables s'imposait tout particulièrement en l'espèce en ce sens que deux des principaux acteurs concernés n'avaient pas de " vécu financier " autonome. La cotation d'Aérospatiale n'était en effet acquise que depuis peu et ne pouvait refléter le potentiel de l'entreprise qui, appartenant au secteur public, n'a pas été gérée selon les canons des entreprises privées du secteur. Quant à DASA, elle faisait partie, comme indiqué plus haut d'un groupe beaucoup plus vaste.

Le caractère hétéroclite des différentes entreprises rajoutait une difficulté supplémentaire.

La situation des entreprises européennes variait beaucoup au regard de la nature de leur activité .

BAe était essentiellement tournée vers les métiers de la défense quand Aérospatiale avait une vocation Airbus affirmée, un peu atténuée depuis la fusion avec MHT, partagée à un moindre degré par DASA.

Chiffre d'affaires généré par Airbus en 1997
pour les trois grandes sociétés

(en millions de francs)

Aérospatiale

27.025

BAe (1)

13.387 (1)

DASA (1)

14.383 (2)

(1) Sur la base d'une livre britannique = 9,80 francs.

(2) Sur la base d'un DM = 3,36 francs.

Les données du tableau ci-dessus en témoignent. Elles indiquaient aussi qu'en marge des règles de retour à chaque industriel au sein du GIE Airbus -voir supra-, il existe une disproportion entre les chiffres d'affaires générés par Airbus chez Aérospatiale et DASA au profit de la première quand, pourtant, les deux entreprises ont des droits équivalents dans le consortium (37,9 %).

Cette situation est d'ailleurs à l'origine de différents conflits dont l'un, important, tient aux divergences d'intérêt qu'elle fait naître entre les partenaires. On sait, en effet, que les entreprises du GIE bénéficient de deux types de rémunérations du fait de leur participation dans Airbus : l'une qui provient des ventes au consortium qu'elles réalisent ; l'autre qui provient de la redistribution des profits du consortium en fonction de leurs droits sociaux.

Les entreprises dont l'activité au profit du GIE est proportionnellement supérieure à leurs droits dans Airbus ont intérêt à pratiquer les prix de cession les plus élevés alors que la situation inverse prévaut pour les autres.

En tout cas, la dépendance de chaque entreprise par rapport à Airbus était très variable comme le montre le tableau ci-après réalisé avant les opérations Aérospatiale-MHT et BAe-GEC.

Part du chiffre d'affaires Airbus dans le total du chiffre d'affaires
des trois grandes sociétés en 1997

Aérospatiale

48 %

BAe

16 %

DASA

28 %

Le panorama offert par les industriels pourrait être résumé à partir des caractéristiques suivantes :

une industrie britannique dominée par une entreprise fortement orientée vers la défense et intégrée verticalement (BAe) ;

une industrie française animée par une entreprise à vocation plus commerciale qui, du fait des concentrations récentes, a diversifié ses activités (Aérospatiale - MHT) ;

une industrie allemande disposant d'une entreprise au portefeuille d'activités de dimension très significative et diversifiées qui doit néanmoins faire des choix stratégiques ;

des industries, l'espagnole, l'italienne, la suédoise, abritant des acteurs disposant de savoir-faire incontestables mais sous-dimensionnés et parfois insuffisamment intégrées aux alliances européennes.

Enfin, l'une des difficultés majeures à résoudre résultait de la concurrence existant entre les productions des industriels européens.

Cette difficulté importante lorsqu'on envisage le portefeuille d'activités de l'industrie italienne vouée aux productions américaines atteint une ampleur considérable avec la coexistence de deux avions de combat concurrents, le Rafale et l'Eurofighter.

2. L'EADS, une étape majeure qui mérite examen

L'EADS devrait résulter d'une mise en commun de tous les actifs des deux entreprises française et allemande, à l'exception notable du motoriste allemand MTU et d'un transfert de liquidités de 3,4 milliards d'euros 10 ( * ) de DASA vers Daimler-Chrysler, sa maison-mère. Son chiffre d'affaires, augmenté des apports de CASA et d'Alenia, atteindrait 22,5 milliards d'euros.

La création de la société entraînerait donc l'intégration européenne totale d'une large gamme d'activités aéronautiques et spatiales, au terme de laquelle l'entreprise gérerait le troisième groupe mondial, loin toutefois derrière Boeing (53 ,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires) mais proche de Lockheed Martin (25 milliards d'euros de chiffre d'affaires).

La structure capitalistique d'EADS résumée dans le graphique ci-dessous serait la suivante : 34,5 % en bourse ; 30 % à Aérospatiale-Matra ; 30 % à DASA ; 5,42 % à la SEPI (CASA).

Situation du groupe

Lagardère

3 %

37 %

Sogepa
(Etat français)

50 %

Holding française
Sogeade

SEPI

MTU

Public
30,65 % 45,82 %

8,36 %

100 %

Investisseurs institutionnels français

13 %

Holding

45,82 %

Daimler Chrysler

65,5 %

1,14 %

EADS

36,1 %

Marché

Cet agencement s'accompagnerait d'une participation de l'Etat français dans EADS de 15 %, soit un peu plus que ses droits arithmétiques.

3. Des questions subsistent

Votre commission des finances s'était réjoui qu'une étape majeure sur la voie d'une industrie européenne unifiée ait ainsi été franchie.

Elle avait déploré, en revanche, qu'un tel projet ait pu être conduit sans qu'une quelconque information lui ait été spécifiquement adressée.

Elle regrette aussi que cette fusion franco-allemande puisse déboucher sur le choix d'une localisation du siège de la nouvelle entreprise aux Pays-Bas, et elle y voit une nouvelle confirmation du bien-fondé de ses analyses sur la concurrence fiscale en Europe.

Elle souhaite rappeler certaines questions.

Les parités retenues entre Aérospatiale-Matra et DASA peuvent susciter quelques interrogations.

Il faut également s'interroger sur les conditions dans lesquelles seront résolus les problèmes résultant des perspectives d'une offre monopolistique.

La constitution d'une grande entreprise aéronautique en Europe offre en effet une perspective qui n'est jamais réjouissante pour un client, celle de se trouver face à un unique fournisseur.

Or, les Etats européens sont appelés à être clients d'une entreprise, souhaitée par eux, qui se retrouverait dans une telle situation.

On rappelle que cette éventualité considérée avec défaveur par le Pentagone a suscité aux Etats-Unis des initiatives des pouvoirs publics destinées à garantir la coexistence d'au moins deux fournisseurs.

L'aversion au monopole s'appuie sur deux considérations principales :

les difficultés à se procurer dans un tel cas des équipements au meilleur prix :

le danger d'une " anesthésie " du progrès technique, le monopole supprimant toute incitation à la recherche de produits de meilleure qualité que ceux de la concurrence.

Ces objections ne sont évidemment pas infondées. Cependant, elles ne doivent pas être exagérées et ne peuvent en Europe déboucher sur les mêmes décisions qu'aux Etats-Unis.

La capacité des Etats européens à développer des moyens tels qu'au moins deux entreprises puissent concourir pour un même grand programme d'avion militaire n'existe pas plus que la capacité de chaque entreprise européenne à assumer seule les coûts d'un tel programme.

L'exemple de la coexistence des programmes Rafale et Eurofighter démontre qu'une telle option est excessivement coûteuse pour les finances publiques.

Elle prive en outre des moyens de poursuivre des programmes diversifiés alors que l'Europe a précisément besoin de se doter d'une capacité industrielle élargie.

Dans l'arbitrage entre une diversité d'entreprises ou une diversité de programmes, le second terme l'emporte évidemment.

Mais il est nécessaire de mettre en place les moyens pour surmonter les risques du monopole. Etant observé que celui-ci ne sera pas parfait -des offres non-européennes demeureront- l'on doit alors souhaiter la mise en oeuvre d'un strict contrôle des coûts des programmes ainsi que d'une politique de soutien à la recherche vigilante sur le degré d'incorporation du progrès technique aux produits commandés.

Les gains d'efficience attendus des consolidations industrielles seront aussi d'autant mieux mobilisés que les Etats européens seront capables de gérer les incitations nécessaires à la bonne gestion de tout programme militaire.

Il faudra enfin résoudre divers problèmes d'accompagnement.

Les interdépendances entre l'industrie aéronautique et les pouvoirs publics sont grandes. L'européanisation de la base industrielle suppose une européanisation de l'action des pouvoirs publics. :

L'intégration des industries aéronautiques européennes nécessite suppose des progrès décisifs sur plusieurs fronts :

- dans le secteur militaire , sur l'harmonisation des spécifications, l'engagement de financements à long terme et la direction des programmes par une agence intergouvernementale du type de l'Occar ;

- dans le domaine du soutien à l'industrie aéronautique, sur la constitution de fonds européens d'avances remboursables pour le lancement des nouveaux programmes et l'élaboration d'une politique commune de promotion des exportations et d'aide à la restructuration ;

- dans le domaine de la police administrative sur l'édiction de règles harmonisées concernant la sécurité nationale, la sécurité d'approvisionnement, et le contrôle des exportations.

Dans le domaine fiscal , il conviendra de mieux veiller qu'aujourd'hui à ce que les Etats partenaires reçoivent un revenu sur une base juste.

Enfin, la capacité de l'Etat à assurer la défense de ses intérêts d'actionnaire au sein d'EADS reste une interrogation. On remarquera à ce sujet que le capital de la Sogeade, holding française du groupe, est réparti par moitié entre l'Etat et deux groupes d'actionnaires privés, Lagardère SCA et BNP-Paribas et Axa.

On observera que la Sogeade est représentée dans EADS par les intérêts privés. On n'en conclura pas pour autant que ceux-ci s'abstiendront de défendre les intérêts de la Sogeade dans son ensemble, se contentant de noter le relatif éloignement de l'actionnaire public par rapport aux " parties chaudes " du système.

CHAPITRE II :

LES CRÉDITS DE TRANSPORT AÉRIEN ET DE MÉTÉOROLOGIE

I. LES CRÉDITS DE TRANSPORT AÉRIEN ET DE MÉTÉOROLOGIE

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Crédits de paiement du transport aérien

(en millions de francs)

2000

2001

Ecart en %

Subvention au BAAC

Soutien à la recherche amont

Avances remboursables

Subventions

Total

210

484

916

20

1.630

120

342

1.228

20

1.710

- 42,8

- 29,3

+ 34,1

-

+ 4,9

Les crédits du transport aérien s'élèveraient à 1.710 millions de francs, soit une stabilisation de leur niveau par rapport à 1999.

Le montant de la subvention versée au BAAC serait en baisse à 120 millions de francs. Cette évolution confirme la volonté du gouvernement de désengager l'Etat du financement du budget annexe, désengagement au terme duquel le transport aérien serait le seul mode de transport financé en totalité par ses clients, et par le contribuable local.

Le montant des soutiens à la recherche-amont diminuerait nettement (- 29,3 %).

Les crédits prévus pour payer en 2001 les échéances des avances remboursables augmenteraient, passant de 916 à 1.228 millions de francs, soit une augmentation de 34,1 %.

Le montant des subventions à des organismes tiers serait stabilisé.

La baisse du montant de la subvention versée au BAAC confirme le regrettable désengagement de l'Etat.

Subvention d'équilibre du BAAC

(en millions de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

305

265

260,6

260

215

215

215

210

120

S'agissant des crédits consacrés au soutien à l'industrie aéronautique, leur évolution entre 1996 et 2001 est récapitulée dans le tableau ci-dessous.

Evolution des crédits de transport aérien
Crédits de paiement

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Moyenne 2000-1996

Etudes et recherche amont

11,2

1,0

451,0

477,1

484

338

- 30,2

Hélicoptères

68,0

94,0

86

55

18

- 67,3

Moteurs

374,0

149,0

40,0

10

75

115

+ 53,3

Equipements de bord

200,0

190,0

190,0

170

145

130

- 10,3

Aviation légère

7,0

6,0

6,0

4

4

4

-

Aviations de transport

434,0

318,0

642,5

664

637

965

+ 51,4

Subventions

48,9

37,0

27,0

20

20

20

0

Total

1.075,1

763,0

1.450,5

1431,1

1.414

1.590

+ 12,4

Les crédits d'études et de recherche qui avaient presque disparu du budget, conséquence de leur transfert au budget du ministère de la défense, ont été réaffectés au budget des transports dans la loi de finances pour 1998 du fait d'un transfert en sens inverse, résultat des débats tenus lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Ils s'élèvent à 342 millions de francs en crédits de paiement et connaissent une forte baisse.

Les avances remboursables représentent l'essentiel des crédits avec 1.228 millions de francs.

Le montant des crédits de météorologie augmenterait de 28 millions de francs. Ils atteignent, avec plus de 1.200 millions de francs, un niveau important.

Crédits de météorologie pour 2001

(en millions de francs)

Fonctionnement

933,2

Investissement

275

Total

1.208,2

Ils ne couvrent qu'une partie des coûts de " Météo France " mais une partie importante puisqu'en 2000 les crédits budgétaires en représentaient 77,3 %.

B. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS

L'exécution des crédits de transport aérien souffre régulièrement des régulations budgétaires intervenant en cours d'année.

En 1999, leur montant a atteint 149 millions de francs en autorisations de programme et 299 millions de francs en crédits de paiement soit le cinquième des dotations ouvertes. Un gel de crédits s'applique également pour 2000, mais, interrogés sur son ampleur et sa nature, les services n'ont pu fournir de réponse à votre rapporteur spécial. Tout cela n'est pas raisonnable.

Sans doute faut-il nuancer. Pour les avances remboursables , les annulations de crédits peuvent être le reflet des difficultés des industriels à conduire les programmes conventionnés sur la base des prévisions contractuelles. Plusieurs exemples passés le démontrent. Ainsi, pour les programmes relatifs aux moteurs, en 1997 ces derniers devaient théoriquement donner lieu à 149 millions de francs d'avances remboursables. Cette prévision s'est révélée excessive compte tenu des développements réels si bien que les crédits ont pu être réduits de 92 millions de francs (61 % des dotations initiales). Cette annulation de conséquence est, en particulier, venue de l'échec rencontré par la SNECMA dans le développement du moteur CFM XX.

Mais, tel n'est pas toujours le cas et les annulations de crédits d'avances remboursables peuvent aussi être la conséquence d'un ralentissement du soutien public aux programmes accordé par l'Etat.

En la matière, certaines difficultés peuvent venir de la coordination des soutiens publics nationaux s'agissant de programmes le plus souvent conduits en coopération. L'exemple de l'A318 le montre. Il convient donc de rechercher une meilleure coordination.

En revanche, pour ce qui concerne les crédits de recherche-amont , les annulations de crédits ne peuvent être considérées autrement que comme une réduction des soutiens publics à un secteur de recherche essentiel pour l'avenir industriel, dont la programmation devrait être soigneusement élaborée et scrupuleusement respectée.

C. LE DÉTAIL DES CRÉDITS POUR 2001

1. Les avances remboursables

Le niveau des avances remboursables dépend des conventions passées avec les industriels et des projets nouveaux ayant reçu l'aval des pouvoirs publics.

Leur affectation prévisionnelle a évolué comme indiqué ci-dessous.

Les avances remboursables en 2001

(en millions de francs)

AP

CP

Airbus A 340-500/600

265

290

A 3XX

900

642

Moteurs SNECMA

153

115

Hélicoptère EC 165

13

18

Equipements de bord

200

130

Divers

33

Total

1.531

1.228

Les programmes soutenus seraient les suivants :

L'EC 165

L'hélicoptère EC 165 est le successeur du Dauphin dans la catégorie des hélicoptères moyens de 4 à 6 tonnes. Capable d'accueillir 12 passagers, sa charge utile est de 2,5 tonnes. Cet hélicoptère livrable à partir de l'an 2000 affichera une vitesse de 330 Km/h et une distance franchissable de 890 km. Le niveau acoustique de l'appareil se situe à - 8 db par rapport aux normes de l'OACI. Le marché potentiel est estimé à plus de 600 unités.

En 1997, année de début du soutien, ce programme a fait l'objet d'une dotation 90 MF en AP de 68 MF en CP, ramenée à 67 MF en AP et 51 MF en CP par suite d'une annulation de crédits de 23 MF et 17 MF ; ces dotations ont été complétées, en 1998, à hauteur de 103 MF en AP et 94 MF en CP. La demande pour 2001 s'élève à 13 MF en AP et 18 MF en CP.

Le programme aurait dû être achevé en 1999. Toutefois, cette échéance a été retardée.

Les moteurs

Le projet de moteur CFM XX, d'une poussée voisine de 42.000 livres a dû être abandonné. Ce programme avait été envisagé dans le but de motoriser les premiers projets de version allongée de l'A 340. Après une analyse de marché et des besoins des compagnies aériennes, Airbus Industrie a finalement opté pour un projet d'avion de capacité et de rayon d'action sensiblement plus grands, qui demande pour sa propulsion un réacteur plus puissants (près de 56.000 livres).

La SNECMA travaille maintenant sur une amélioration du moteur GE 90 qui équipe le B 777 et sur le compresseur haute pression du GP 7000 destiné aux A3 XX et B 747 allongés.

Les dotations demandées sont destinées à soutenir ces projets.

Les équipements de bord

Cette ligne budgétaire a pour objet d'aider les industriels français à développer, seuls ou en coopération, les équipements de bord destinés essentiellement aux Airbus, mais également aux autres avions français ou étrangers sur lesquels ils peuvent être retenus.

Les avions de transports

Airbus a entrepris la réalisation de nouvelles versions de l'Airbus A340-500 et 600 qui auront une capacité et un rayon d'action accrus. L'A340-600 pourra emporter 370 passagers sur des distances voisines de 13.900 kms, alors que l'A340-500 emmènera jusqu'à 313 passagers sur 15.800 kms. Ces deux nouvelles versions, qui font déjà l'objet de 34 commandes fermes et 40 options seront disponibles dès 2002 et concurrenceront directement les Boeing B777-300 et B747-400.

Les dotations inscrites s'élèvent à 290 millions de francs et permettront la poursuite du soutien par avances remboursables.

Les autres aéronefs (aviation légère)

Depuis le début des années 80, l'Etat, en apportant son aide à de nombreux développements (TB 20, TBM 700, Robin 3000, moteurs JPX et PRV, planeurs Marianne et Pégase...), a contribué au maintien de la construction aéronautique légère française. Plus récemment, cette politique d'aide a permis à la Socata et Renault Sport de développer un moteur pour avions légers, permettant de mettre fin au monopole détenu par l'américain Lycoming. Il est prévu de poursuivre cette politique à l'avenir et de soutenir les projets de développement ou de recherche susceptible d'accroître le dynamisme de ce secteur.

2. Les crédits de recherche-amont

La recherche aéronautique peut être subdivisée selon les principaux secteurs d'activité de l'industrie aéronautique.

On peut ainsi distinguer les cellules d'avions subsoniques, les moteurs d'avions, les technologies supersoniques, les hélicoptères et moteurs associés et les équipements.

Le tableau ci-dessous détaille l'utilisation des crédit en 1997, 1998 et telle qu'elle est prévue en 1999.

Affectation des crédits de recherche-amont

(en millions de francs)

1997

1998

1999

Cellules d'avions subsoniques et systèmes

237

275

251

Moteurs d'avions subsoniques

239

195

181

Technologies supersoniques

36

0

0

Hélicoptères et moteurs associés

77

155

88

Equipements

58

30

148

Total

646

655

668

En ce qui concerne les cellules d'avion subsoniques, les disciplines les plus importantes sont l'aérodynamique (codes de calcul, maîtrise de la laminarité), les matériaux et structures, les systèmes (avionique, commandes de vol, systèmes électriques) et la réduction du bruit et des nuisances. Les soutiens ont pour but de conforter les avionneurs dans leur métier de concepteur et de réalisateur. Les financements sont apportés essentiellement à Aérospatiale-Matra, Dassault Aviation et l'ONERA. Les recherches sur les systèmes associent également les équipementiers.

Les recherche sur les moteurs d'avions subsoniques sont réalisées par la Snecma et l'ONERA et portent sur la conception d'ensemble et les différentes parties des moteurs civils, haute pression et basse pression.

Les études techologiques supersoniques correspondent à une simple vieille technologique et portent principalement sur les avant-projets, l'aérodynamique, les moteurs et l'intégration motrice. Elles sont réalisées par Aérospatiale-Matra, la Snecma et l'ONERA.

Pour les hélicoptères (Europcopter) et les moteurs associés (Turbomeca), les principaux sujets de recherche sont la réduction du bruit, l'extension du domaine de vol en mauvaises conditions météorologiques, la maintenance, la sécurité, et les calculs aérodynamiques d'ensemble. L'ONERA est également soutenu sur ces thèmes.

En matière d'équipements avioniques , les recherches portent sur l'architecture future (avionique modulaire), l'intégration de l'aéronef dans le système de gestion de trafic, les aides à l'atterrissage, l'interface homme-machine, la sécurité (anticollision), etc...

Des études sont également réalisées sur les équipements mécaniques (train d'atterissage, systèmes de conditionnement, systèmes électriques, systèmes carburant, dégivrage, ...).

Les bénéficiaires potentiels des crédits sont les nombreux équipementiers français.

II. OBSERVATIONS SUR L'EFFORT DE SOUTIEN PUBLIC

A. DES DOTATIONS SUFFISANTES ?

La réduction des crédits de recherche amont atténue un peu les effets favorables, cette année, de la progression des crédits d'avances remboursables.

Les dotations inscrites au budget pour 2000 pouvaient apparaître rétrospectivement comme essentiellement provisionnelles puisque la décision de lancement de l'A3 XX n'avait pas été prise. De fait, la consommation des 192 millions de francs ouverts à ce titre dans le budget 2000 paraît hypothétique. Il ne devrait pas en aller de même de la dotation de 642 millions de francs prévue pour 2001.

Votre rapporteur spécial se félicite du lancement annoncé le 23 juin dernier.

Cet appareil est indispensable à Airbus pour réunir les conditions d'une vraie compétitivité face à Boeing. Cette entreprise dispose en effet, avec le B747, du monopole de l'offre sur le segment haut du marché de l'aviation commerciale qui lui permet de livrer une guerre des prix sur les autres catégories d'appareils où Airbus oppose une concurrence.

Le coût de développement de la famille A3XX étant estimé à 10,7 milliards de dollars, le montant des avances qui seraient nécessaires pour un financement à hauteur de 33 % de la part française serait d'environ 6 milliards de francs. L'échéancier prévisionnel, dans l'hypothèse du calendrier initialement retenu par Airbus (lancement industriel à mi-2000) et sur la base des estimations provisoires de coût disponibles actuellement, s'établit de la façon suivante

2000

2001

2002

2003

2004 et au-delà

Total (MF)

240

700

1.250

1.250

2.560

6.000

La dotation inscrite pour 2001 ne couvrira pas les besoins estimés par l'industriel pour les deux premières années de développement et, a fortiori, représente une infime partie des soutiens publics qu'il faudra prévoir.

Votre rapporteur spécial remarque que l'Allemagne a annoncé un soutien dynamique de 1 milliard d'euros. Il souhaiterait que la France s'associe à cette démarche et qu'elle vérifie les intentions des gouvernements britannique et espagnol qui sont également concernés.

B. UN SYSTÈME DE SOUTIEN PERFECTIBLE

En comparaison des soutiens publics dont bénéficie l'aviation commerciale aux Etats-Unis, l'Europe reste à la traîne.

L'unification de l'industrie aéronautique européenne invite à rappeler les principales conclusions du rapport adopté par la commission des finances sur ce thème le 24 juin 1997.

Un réexamen des règles internationales qui encadrent la politique de soutien public s'impose qu'il s'agisse de l'accord euro-américain du 17 juillet 1992 ou de l'adaptation des règles européennes relatives aux aides publiques.

Le soutien public à la construction aéronautique civile doit être augmenté et mis à niveau afin de contrer les effets sur notre compétitivité des soutiens publics accordés par nos concurrents et de permettre à nos constructeurs de poursuivre un développement sans lequel les acquis seraient perdus.

En effet, l'avenir de nos entreprises aéronautiques est certes conditionné par des efforts de maîtrise des coûts mais aussi par leur capacité à développer leurs chiffres d'affaires, ce qui suppose de diversifier une offre encore insuffisante.

Il apparaît prioritaire de développer l'A3XX et de mettre la SNECMA en mesure de suivre l'offre mondiale.

La panoplie de notre soutien public doit être diversifiée.

Une mise à niveau des fonds propres des entreprises s'impose , qui doit s'accompagner, si les entreprises concernées devaient rester, pour l'essentiel publiques, d'une clarification des rapports entre l'Etat et ces entreprises et, en particulier, d'une réforme des modalités de contrôle de l'Etat passant par l'affirmation d'un " chef de file " qui devrait être le ministre chargé de la conception de la politique dans le domaine de l'aéronautique civile.

La proportion des aides indirectes doit être accrue puisque les avances remboursables sont, en l'état, soumises à de stricts plafonds. Mais, cela suppose une meilleure programmation des soutiens à la recherche au niveau national et européen.

L'environnement des entreprises de construction aéronautique doit être amélioré.

L'environnement européen doit être fortifié.

- Il est nécessaire de construire de vrais ensembles européens sans que les difficultés rencontrées par ce processus obèrent les développements industriels nécessaires.

- Une diplomatie aéronautique doit émerge à l'échelle européenne sur le modèle de la diplomatie Boeing.

- Une plus grande harmonisation en Europe doit marquer différentes procédures qui constituent l'environnement du transport aérien : la certification, mais aussi les procédés de navigation aérienne et la promotion à l'exportation des normes et procédés européens.

Au plan national, certaines mesures s'imposent. Nous devons nous doter d'un pôle permanent d'expertise et d'animation de notre politique de soutien à l'industrie aéronautique civile, les processus de décision en ce domaine n'apparaissant pas pleinement satisfaisants. L'administration principalement chargée de la conception de notre politique en ce domaine, la Direction des programmes aéronautiques civils du ministère des transports, doit se voir reconnaître une responsabilité éminente et ses moyens propres doivent être renforcés sans accroissement net des fonctionnaires publics.

Il faut rappeler, pour combattre l'image complaisamment répandue selon laquelle notre système de soutien " distordrait " la concurrence en octroyant un avantage indû à nos entreprises que si notre système offre un avantage ponctuel aux entreprises, il n'est pas un mécanisme systématique de financement public de la construction aéronautique civile comme c'est le cas aux Etats-Unis. Il convient donc de compléter les avances remboursables et de rééquilibrer les interventions de l'Etat.

C'est d'autant plus nécessaire qu'actuellement le montant des avances remboursables est significativement inférieur à celui des remboursements dûs sur les avances remboursables antérieurement concédées, si bien que le bilan du mécanisme est défavorable à nos industriels.

Cette charge, si elle est la rançon des avantages octroyés dans le passé et si elle traduit en outre les succès commerciaux des programmes alors soutenus, n'en est pas moins considérable au moment où la concurrence fait rage.

On a exposé plus haut les conséquences de cette situation sur la valorisation d'Aérospatiale lors de l'opération de fusion avec MHT. Il convient de prolonger les réflexions sur un réaménagement de nos soutiens publics qui devra de plus tenir compte des conditions industrielles nouvellement apparues.

EXAMEN EN COMMISSION

Le jeudi 16 novembre 2000, la commission des finances présidée par M. Alain Lambert, président, a procédé, sur le rapport de M. Yvon Collin, rapporteur spécial chargé de l'aviation civile, à l'examen du projet de budget annexe de l'aviation civile pour 2001 et des crédits des transports aériens et de météorologie du budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement.

Commençant son exposé par le budget annexe de l'aviation civile, (BAAC), M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a indiqué que ses crédits atteindraient en 2001, 8.957,6 millions de francs soit une augmentation de 2,8 %.

Il a concédé que cette augmentation, en contrastant avec des progressions annuelles usuellement de l'ordre de 6 %, pouvait paraître relativement modérée, mais il a observé que cette modération était largement optique, s'expliquant pour beaucoup par une modification de la structure du budget annexe. Il a dénoncé à ce propos la débudgétisation intervenue en 1999 au moyen de l'instauration de la taxe d'aéroport, qui, directement affectée aux aéroports, permet de soulager le budget annexe d'interventions jusqu'alors à sa charge.

Il a souligné, en outre, que des dépenses inéluctables n'étaient pas budgétées, citant les revalorisations indemnitaires promises par la négociation d'un nouveau protocole social pour les années 2001-2003. Il a observé que, malgré cette impasse, l'augmentation des crédits du BAAC était due principalement au dynamisme des crédits de rémunération des personnels, sous l'effet du dernier protocole. Il a rappelé que si celui-ci s'était traduit par des créations d'emplois, il en était également résulté de fortes augmentations catégorielles de rémunérations individuelles, portant principalement sur les rémunérations accessoires qui, entre 1995 et 2001, avaient augmenté de 62,3 % (plus de 8 % par an). Il a estimé que ces évolutions n'étaient guère en rapport avec celles constatées dans la fonction publique en général et a fait remarquer que la structure du régime indemnitaire des agents de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) entretenait des revendications portant sur une mise à niveau des pensions. Il a expliqué que malgré des aménagements, celles-ci étaient majoritairement calculées sur les rémunérations principales, et qu'il en résultait un important décrochage entre revenu d'activité et revenu de remplacement.

Evoquant les dépenses en capital, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a tout d'abord souligné l'intervention de transferts financiers entre le BAAC et les aéroports qui viennent alléger les charges d'équipement auparavant financées par le BAAC. Il a alors souligné la dérive des dépenses liées au remboursement de la dette du BAAC, expliquant leur augmentation, de 77,7 % en trois ans, par la situation financière très dégradée du budget annexe.

S'agissant des investissements physiques, il a rappelé qu'ils étaient désormais concentrés sur les investissements de navigation aérienne (1,5 milliard de francs) qui, d'un niveau élevé, sont justifiés par la nécessaire modernisation des équipements. Il s'est toutefois interrogé sur les conditions d'utilisation des équipements de navigation aérienne.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial , ayant regretté la permanence des problèmes de financement que doit affronter le BAAC, en a rappelé la composante juridique, avec les fragilités des redevances.

Il s'est ensuite soucié de la sincérité budgétaire du budget annexe. Ayant mentionné les charges non budgétées et les effets du transfert de certaines charges du BAAC vers les aéroports, il a souligné que le régime de la taxe d'aéroport était l'illustration typique des débudgétisations que la réforme de l'ordonnance organique proposée par le président Alain Lambert devait s'attacher à supprimer.

Ayant évoqué enfin les effets d'une importante reprise de provisions (de l'ordre de 400 millions de francs), sur le financement du BAAC, il a souligné que le transport aérien était le seul mode de transport pour lequel l'Etat ne finançait rien.

Examinant ensuite les crédits de transport aérien et de météorologie, M. Yvon Collin, rapporteur spécial , s'est félicité que le niveau des avances remboursables soit augmenté. Il a rappelé, à ce propos, qu'elles correspondaient au dispositif par lequel notre pays manifeste son soutien financier à son industrie aéronautique civile.

Rappelant son attachement au développement de l'avion gros porteur Airbus A3XX, il a salué son lancement par les industriels et la volonté du gouvernement de le soutenir. Il a remarqué cependant qu'alors que l'Allemagne prévoyait un soutien d'1 milliard d'euros, la France se devait d'afficher un soutien plus déterminé qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. Il a également déploré que le bilan du mécanisme d'avances remboursables ait été ces dernières années très négatif pour notre industrie.

M. René Ballayer a demandé au rapporteur spécial quelles étaient les modalités exactes de planification du transport aérien en Europe.

M. Jacques Pelletier, ayant souligné les erreurs de prévisions météorologiques successives au cours de l'année 2000, a souhaité que cette question puisse faire l'objet d'éclaircissements de la part du Gouvernement.

M. Roland du Luart a abondé dans le sens de cette intervention.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est inquiétée du déroulement pratique du programme A3XX.

M. Alain Lambert, président, a souhaité savoir quelles sortes de problèmes concrets posaient les débudgétisations dénoncées, à juste titre, par le rapporteur spécial.

En réponse aux intervenants, M. Yvon Collin, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que, si avec Eurocontrol, l'Europe s'était dotée d'un organisme de coopération et de coordination du transport aérien, un pas supplémentaire pouvait être envisagé. Rappelant les propositions en ce sens de la commissaire européenne chargée du transport, il a précisé que, dans sa mission de contrôle de la navigation aérienne, il les examinerait avec beaucoup d'attention. Il a proposé de questionner le ministre et les responsables de Météo-France sur le point de savoir si les erreurs de prévision constatées depuis la fin 1999 pouvaient avoir des causes budgétaires.

Il a confirmé son jugement selon lequel, rapportées au système de soutien public américain, nos modalités d'aide à l'industrie aéronautique civile sont à l'origine d'un handicap de compétitivité pour l'Europe.

Ayant salué les succès d'Airbus, il a souhaité que chacun s'attache à promouvoir les meilleures conditions pour un développement réussi de l'A3XX. Estimant que le site de Toulouse offrait un cadre optimal à cet effet, il a appelé le Gouvernement à afficher les ambitions et le soutien de la France à ce programme.

Enfin, il a remarqué que, non seulement les débudgétisations étaient nuisibles à l'information du Parlement mais qu'en plus, elles le privaient du pouvoir de décision dans les domaines où elles interviennent.

Puis, dans une autre séance tenue le mardi 21 novembre 2000, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a rejeté les crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement du projet de loi de finances pour 2001 et le budget annexe de l'aviation civile.

* 1 Y compris les produits financiers.

* 2 Hors la part de la TAC finançant les actions d'aménagement du territoire non-dotées de crédits en 2001.

* 3 La masse salariale hors charges sociales augmenterait plus vite : + 4,2 %.

* 4 Hors crédits fournisseurs et divers.

* 5 Rapport général 86 M. Alain Lambert, annexe n° 20 Aviation civile - M. Yvon Collin du 21 novembre 1996.

* 6 Qui correspondent grosso modo au volume du trafic.

* 7 Et, dans le même temps, indiquer les recettes pouvant être affectées à chaque type de dépenses.

* 8 Budget annexe de la navigation aérienne.

* 9 " L'industrie aéronautique européenne ou l'impératif de l'Union ". Sénat. Commission des finances. Yvon Collin N) 414. 9 juin 1999.

* 10 22,3 milliards de francs.

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