B. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI CONNAÎT DE RÉELLES LIMITES

Votre rapporteur spécial se réjouit de la nette amélioration du marché du travail, depuis de longs mois consécutifs maintenant.

Sans entrer dans le détail des chiffres, il rappellera simplement que le taux de chômage a diminué de façon continue depuis 1997, passant de 12,6 % à la mi-année 1997 à 9,6 % à la mi-année 2000. Par ailleurs, le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois inscrits à l'ANPE (catégorie 1) a suivi la même tendance : ils étaient 3,14 millions en juin 1997, et 2,33 millions en juin 2000.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2001 indique que " en glissements annuels, environ 550.000 emplois seraient créés dans l'économie en 2000 et environ 360.000 en 2001 ". Il convient, en effet, de constater le ralentissement prévu des créations d'emploi au cours de l'année prochaine.

Cette évolution souligne l'existence de nombreuses limites à l'amélioration du marché du travail en France.

Le chômage français reste à un niveau élevé.

Selon Eurostat, l'office statistique des Communautés européennes, le taux de chômage au mois d'août dernier était de 9,6 % de la population active en France.

Il reste donc supérieur tant au taux de chômage dans l'Union européenne, 8,3 %, qu'à celui de la zone euro, 9 %.

Au sein de la zone euro, la France a le taux de chômage le plus élevé, juste derrière l'Espagne, tandis que certains Etats-membres ont de bien meilleurs résultats : 9,5 % en Allemagne, soit un taux similaire, mais 8,6 % en Belgique, 4,4 % en Irlande, 2,5 % aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, le taux de chômage est de 3,6 %. Or, dans tous ces pays, les gouvernements n'ont ni créé des emplois-jeunes, ni imposé la réduction du temps de travail.

Hors d'Europe, le Japon bénéficie d'un taux de chômage de 4,6 %, et les Etats-Unis de 4,1 %.

L'amélioration de la situation de l'emploi est relativement inégale.

En effet, si le taux de chômage s'établissait, en moyenne, à 9,6 % de la population active en juin dernier, il est plus élevé pour les femmes de près de 2 points, à 11,5 %. Les femmes de 25 à 49 ans, avec un taux de chômage de 11 % à cette époque, connaissaient également une situation plus défavorable que la moyenne.

Par ailleurs, si le chômage des jeunes a diminué, grâce à la création massive d'emplois-jeunes en particulier, il reste plus élevé que la moyenne nationale : 15,4 % pour les hommes de moins de 25 ans, et 19,5 % pour les femmes de la même tranche d'âge, soit plus du double de la moyenne.

En outre, une étude récente de l'INSEE montre que " au-delà de ces améliorations conjoncturelles, les jeunes continuent à être touchés par la croissance structurelle de l'emploi précaire. De plus, les sortants [du système scolaire] les moins diplômés profitent peu de cette amélioration ". Ainsi, si le taux de chômage des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur est de 10 %, il s'élève à 20 % pour ceux qui sont titulaires d'un baccalauréat, et à 40 % pour les détenteurs du seul brevet.

Le nombre des chômeurs de longue durée a lui aussi reculé, toutefois, l'INSEE indique que cette baisse " est moins importante que celle du nombre total de chômeurs ", et que " leur poids parmi l'ensemble des chômeurs s'est accru ".

Un recul important du chômage se heurte au niveau élevé du chômage structurel.

Si le taux de chômage a reculé de trois points depuis 1997, il semble que ce mouvement se heurte - et alors que ledit taux reste encore élevé -, au socle du chômage structurel, évalué à 8 % de la population active en France par la Caisse des dépôts et consignations, contre 3 % aux Etats-Unis.

Ainsi, la baisse actuelle du chômage serait de nature conjoncturelle, la croissance permettant des créations d'emplois jusqu'au seuil de 8 % de chômage. En-deçà, le chômage ne diminuerait plus. Du reste, les pénuries de main-d'oeuvre constatées aujourd'hui dans certains secteurs confirmeraient cette analyse 111 ( * ) .

Or, il convient de noter que la loi sur les 35 heures, en réduisant le nombre d'heures travaillées, pénalise l'environnement économique des entreprises, notamment en raison du ralentissement des gains de productivité, et aggrave le phénomène des pénuries de main-d'oeuvre, ne serait-ce que par les rigidités qu'elle a introduites en matière de recours aux heures supplémentaires.

L'incitation au travail reste trop faible, et le coût du travail trop élevé.

Le gouvernement, dans son rapport économique, social et financier précité, indique que la politique du gouvernement vise à " favoriser le retour à l'emploi ", puisque " l'entrée sur le marché du travail peut être dissuadée par des gains de revenus trop faibles, voire nuls ". Il indique d'ailleurs que " la réglementation en matière de prélèvements et de transferts pénalise, en pratique, le retour à l'emploi des travailleurs peu qualifiés ".

Pour corriger cette situation, connue sous le nome de " trappe à inactivité ", le gouvernement propose d'instaurer, sur trois ans, une ristourne dégressive de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), devant bénéficier aux salariés dont les revenus d'activité sont inférieurs à 1,3 fois le SMIC.

Ce faisant, il s'attaque à la cohérence d'impositions dont les qualités sont pourtant reconnues - base d'imposition large, taux réduits, proportionnalité.

Votre rapporteur considère qu'il aurait été plus pertinent d'instaurer un système de crédit d'impôt, et, dans le même temps, d'accorder davantage d'attention aux propositions du Sénat, qu'il s'agisse de la proposition de loi présentée par M. Christian Poncelet destinée à abaisser le taux de taxation du travail peu qualifié, ou de celle de MM. Alain Lambert et Philippe Marini proposant d'instituer un revenu minimum d'activité (RMA) afin de rompre le cercle vicieux de l'assistance, et de promouvoir l'insertion par l'activité, c'est-à-dire la reprise d'un véritable emploi dans le secteur marchand 112 ( * ) .

Le revenu minimum d'activité (RMA)

Le RMA comporterait deux parts :

- la première, appelée aide dégressive, correspondrait au minimum social ou à l'allocation perçus jusqu'alors par le bénéficiaire ;

Elle serait versée par l'Etat, ou l'UNEDIC pour l'ASS, aux entreprises qui, à leur tour, l'utiliseraient pour rémunérer le nouvel embauché, ce dernier tirant ainsi l'ensemble de ses ressources de son employeur, au lieu de bénéficier d'un revenu d'assistance. Le versement à l'entreprise serait effectué de manière dégressive pendant trois ans. Le coût pour l'Etat ou l'UNEDIC n'en sera donc pas alourdi : au contraire, il ira en diminuant de manière graduelle. En outre, l'allocataire recevra ainsi la garantie que son revenu total ne diminuera pas suite à son retour sur le marché du travail.

- la seconde part, dénommée salaire négocié, correspondrait au salaire proprement-dit versé au nouvel embauché par l'entreprise ;

Son montant serait égal à la différence entre le montant total du RMA et l'aide dégressive mentionnée ci-dessus. Il serait donc appelé à progresser au fur et à mesure de la diminution de la première part. Il conviendrait d'exonérer de charges sociales le salaire négocié afin de s'inscrire dans une logique de diminution du coût du travail, qui a démontré son efficacité en termes de créations d'emplois.

L'ensemble, c'est-à-dire le RMA, serait ainsi versé au nouveau salarié par son employeur. Le montant du RMA ne pourrait être inférieur au SMIC, mais les négociations de branches pourront librement décider de l'établir à un niveau supérieur.

L'élément central du dispositif proposé consiste à donner aux entreprises un rôle actif dans sa mise en oeuvre, la proposition de loi étant conçue comme un dispositif-cadre, et non comme un mécanisme centralisé et uniforme.

Le RMA prendrait la forme d'une convention tripartite entre l'entreprise, le bénéficiaire du dispositif, et l'Etat ou l'UNEDIC lorsqu'il s'agit de l'ASS.

En réalité, la politique de l'emploi du gouvernement obtient des résultats qui ne sont pas à la hauteur de son coût extrêmement élevé. Reposant sur des dépenses croissantes, la bonne conjoncture actuelle masque sa nocivité.

* 111 Plus de 50 % des entreprises déclarent rencontrer actuellement des difficultés à recruter, comme l'a indiqué le Gouverneur de la Banque de France lors de son audition devant votre commission, le 18 octobre dernier.

* 112 Proposition de loi n° 317 (1999-2000).

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