B. UN DISPOSITIF SANS DOUTE PRÉMATURÉ

L'on doit, certes, rendre acte à la Commission d'avoir rapidement pris l'initiative de concrétiser l'une des recommandations du Conseil européen d'Helsinki. Peut-être cependant est-elle allée trop vite. L'intérêt d'un tel dispositif pourrait être mieux apprécié, son contenu plus précisément défini, au terme d'un double processus : la réforme, en cours, des instruments de l'aide extérieure communautaire, la mise en place progressive de l'organisation de la gestion civile des crises dans le cadre du deuxième pilier.

. L'amélioration indispensable des procédures communautaires

Plutôt que de se fixer de nouveaux objectifs, la Commission ne devrait-elle pas s'efforcer d'améliorer d'abord les moyens dont elle dispose déjà ?

La Commission a justifié la mise en place du DRR par l'inadaptation des instruments communautaires classiques aux situations d'urgence. Elle a mis en cause en particulier la place des comités de gestion représentant les Etats membres, dont l'intervention est supposée ralentir la capacité d'action communautaire. Ce diagnostic paraît exagéré. D'après certaines évaluations, la consultation des comités de gestion ne rallongerait que de trois mois la procédure de décision. C'est bien peu au regard des délais habituels de mise en oeuvre des décisions communautaires en matière d'aide extérieure -trois ans en moyenne... Dans ces conditions, les mécanismes de fonctionnement de la Commission portent une large part de responsabilité dans les retards enregistrés par la Communauté.

A l'initiative du commissaire chargé des relations extérieures, M. Chris Patten, la Commission a d'ailleurs pris conscience de ses responsabilités et procédé à une évaluation de ses faiblesses.

Elle a d'abord mis en avant l'insuffisance de ses effectifs . Les volumes d'aide communautaire ont été multipliés par 2,8 au cours des dix dernières années, alors même que le nombre de postes supplémentaires n'avait été multiplié que par 1,8. La Commission a été contrainte dès lors de recourir à la sous-traitance, mode d'action privilégié dans le domaine des relations extérieures (l'aide communautaire extérieure représente 90 % des dépenses totales de sous-traitance). L'utilisation des bureaux d'étude extérieurs ne permet pas toujours à la Commission d'assurer un contrôle rigoureux de l'utilisation des fonds. Cette situation, sévèrement critiquée par le Comité des experts indépendants, la Cour des comptes et le Parlement européen, a donné lieu à certaines dérives.

Les retards ne s'expliquent pas seulement par l'insuffisance des effectifs. Ils trouvent également leur origine dans l'extrême complexité des procédures et la lourdeur du circuit de décision . L'action extérieure de la Commission s'appuie en effet sur pas moins de 80 règlements différents et de nombreuses lignes budgétaires. Le nombre de directions générales chargées des relations extérieures est passé de 2 en 1984 à 6 en 1997 avec pour conséquence une dispersion des ressources, le cloisonnement des méthodes, l'affaiblissement des capacités de gestion et la difficulté de définir clairement les responsabilités de chaque service.

La Commission a elle-même admis que la " gestion est devenue extrêmement complexe et onéreuse en raison de l'hétérogénéité des procédures et l'éclatement ou l'inadéquation des systèmes de communication ".

Il faut signaler à cet égard que l'adoption du dispositif de réaction rapide constituera un élément supplémentaire dans un dispositif passablement complexe.

La Commission a décidé d'engager cette année une réforme de la gestion de son aide extérieure visant trois objectifs principaux :

- réduire de manière très significative le temps nécessaire à la mise en oeuvre des projets approuvés ;

- améliorer la qualité de gestion des projets et leur condition de contrôle ;

- renforcer l'impact et la visibilité de la coopération européenne.

Le plan d'action envisagé par la Commission comprend trois volets principaux :

- l'unification de la programmation de l'aide extérieure conformément aux objectifs des politiques de l'Union européenne ;

- la création d'un organe unique (Europeaid) chargé de la gestion du projet depuis l'identification jusqu'à l'exécution et, parallèlement, une plus grande déconcentration de l'aide (tout ce qui peut être mieux géré et décidé sur place, près du terrain, ne devrait pas être géré ou décidé à Bruxelles) -conjuguer ces deux orientations ne sera d'ailleurs pas sans poser certaines difficultés ;

- le développement d'une culture administrative commune au sein des services de la direction des relations extérieures.

Cette réforme devra être jugée à ses résultats. A cet égard, l'expérience d'une année au moins apparaît indispensable. L'adaptation des instruments existants constitue une première réponse aux questions soulevées par la gestion civile des crises ; elle représente en tout état de cause la condition préalable à la mise en place d'un nouveau mécanisme spécifique.

. La nécessaire clarification du cadre institutionnel mis en place pour la gestion civile des crises

La contribution -indispensable- de la Commission à la gestion civile des crises s'inscrit dans un ensemble plus large qui relève pour l'essentiel de la politique étrangère et de sécurité commune. Ainsi, le rôle des politiques communautaires ne peut être défini indépendamment ni du dispositif institutionnel mis en place par les Etats membres dans le cadre du deuxième pilier, ni des objectifs et des moyens qu'ils se seront fixés. Or, la Commission a présenté le projet de règlement instituant le DDR le 11 avril, alors même que les structures et les projets de gestion civile de crise sur le plan intergouvernemental n'étaient pas encore, à cette date, vraiment définis. La Commission pouvait en conséquence être soupçonnée de vouloir se présenter en chef de file d'une gestion civile des crises dont l'organisation doit reposer pourtant principalement sur des bases intergouvernementales.

Après avoir créé, au début de l'année 2000, les organes politiques et militaires destinés à préfigurer à terme les organes permanents -un comité politique et de sécurité (COPS), un comité militaire et un Etat-major- le Conseil a créé un comité chargé des aspects civils de la gestion des crises par une décision (2000/354/PESC) du 22 mai 2000. Composé des représentants des Etats membres, cette structure fonctionne comme un groupe de travail du Conseil : il rend compte de ses activités au Comité des représentants permanents (COREPER) et donne son avis au comité politique et de sécurité intérimaire sur les aspects civils de la gestion des crises.

Parallèlement, en juin 2000, le Conseil européen de Feira a identifié en matière de gestion civile des crises quatre axes prioritaires pour lesquels l'Union pourrait se doter de capacités concrètes : la police, le renforcement de l'état de droit, le renforcement de l'administration civile et la protection civile. Dès le Sommet de Feira, les capacités de police ont fait l'objet de décisions importantes : en effet, les Quinze se sont engagés à fournir d'ici 2003, dans le cadre d'une coopération volontaire, jusqu'à 5 000 policiers dont 1 000 devront pouvoir être déployés dans un délai de 30 jours pour des missions internationales couvrant toute la gamme des opérations de prévention de conflits et de gestion des crises.

Le 16 novembre dernier, le COPS, sur la base des propositions du Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises, a précisé les modalités de mise en oeuvre des objectifs définis à Feira. Le 29 novembre dernier, la présidence française a présenté plusieurs propositions relatives à la formation des forces de police à la gestion non militaire des crises. A l'heure où les objectifs de l'Union se sont précisés, il est désormais plus facile de déterminer la part qui revient à la Commission dans le domaine de la gestion civile des crises.

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