4. Discussion critique

a) Résultats

• Les résultats font apparaître clairement un risque réel et sérieux d'intoxication au mercure par les populations amérindiennes. Plus ces populations vivent à proximité et en aval des sites d'orpaillage, et plus ce risque est important.

Au total, la population consommerait de 40 à 60 ug de mercure total par jour, soit près de dix fois plus que l'apport quotidien courant chez l'homme. Toutes les personnes de plus de 7 ans sont très proches ou dépassent la valeur limite hebdomadaire recommandée de 200 ug organique. Si l'on rapporte la contamination du poids corporel, tous les individus dépassent la valeur limite de 3,3 ug/kg.

S'il n'y a pas, sauf exception, de dépassement massif des seuils recommandés, ce constat ne saurait être apaisant. Il convient de s'interroger sur la valeur des normes. D'une part, faut-il distinguer les seuils tolérables pour les poissons herbivores et les poissons carnivores ? D'autre part, ces seuils, calculés pour une population moyenne, sont vraisemblablement peu adaptés à des populations pour lesquelles le poisson est à la base de l'alimentation, avec une absorption quasi quotidienne qui peut aller jusqu'à 600 grammes par jour.

Compte tenu de spécificités de l'exposition et de l'alimentation de chacune des populations, les valeurs limites recommandées ne sont pas adaptées et doivent être revues à la baisse. Les dépassements n'en sont que plus importants.

• Il faut néanmoins prendre la mesure du phénomène. D'une part, ce risque, en Guyane, est circonscrit à une fraction de la population. En d'autres termes, l'intoxication au mercure concerne les orpailleurs de la forêt et les populations amérindiennes. Les mesures d'exposition décroissent au fur et à mesure de l'éloignement des lieux d'orpaillage. A notre connaissance, il n'y a pas d'intoxication générale en Guyane, les contrôles sanitaires des autres populations du département n'ayant pas révélé d'anomalie quelconque.

Les populations riveraines des fleuves ou en estuaire également grosses consommatrices de poissons, sont cependant à surveiller (78 ( * )) .

Par ailleurs, l'on ne peut que constater que si ce risque est circonscrit à une partie de la population du département, il n'est en revanche pas spécifique à ce territoire. La population résidant dans la zone contaminée du bassin amazonien où s'exercent des activités d'orpaillage ont des résultats voisins, notamment au Brésil. Des niveaux de mercure non négligeables ont également pu être rapportés dans des populations habitant des zones non directement soumises à des activités polluantes mais fortes consommatrices de poissons. Si la moyenne des teneurs en mercure dans les cheveux de populations amérindiennes de Guyane est très élevée (11,4 ug/g), d'autres régions ont aussi des résultats surprenants : plus de 8 ug/g au sein d'une population péruvienne et aux Seychelles par exemple. Les Inuits du Canada absorbent des doses de mercure de plus du double de celles des Amérindiens.

• Le dernier constat est moins décourageant. Il n'y a en réalité pas d'intoxication générale uniforme et incontournable. Les poissons, principaux vecteurs d'intoxication au méthylmercure, ne sont pas uniformément sensibles au mercure.

Le poisson le plus consommé est très peu chargé en mercure. Le poisson le plus touché par le mercure n'est pas consommé. Sur 242 prélèvements de poissons, 14,5 % seulement dépassaient les concen-trations en mercure habituellement recommandées (0,5 mg/kg de poids frais). Quatre espèces de poissons contribuent aux trois-quarts de l'intoxication des Amérindiens.

* (78) Dans son rapport remis au Premier Ministre, la députée de Guyane, Mme Christiane Taubira-Delannon a une position beaucoup plus alarmiste, fondée vraisemblablement sur des données dont votre rapporteur n'a pas eu connaissance.

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