N° 391

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 juin 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relative à la lutte contre les discriminations ,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Gérard Dériot, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2566 , 2609 et T.A. 565

Deuxième lecture : 2853, 2965 et T.A. 646

Sénat : 26 , 155 , 256 et T.A. 55 (2000-2001)

Droits de l'homme et libertés publiques.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations 1 ( * ) a été adoptée en première lecture le 12 octobre par l'Assemblée nationale et le 9 janvier par le Sénat.

Cette première lecture a été l'occasion de constater une concordance de vues entre nos deux assemblées quant à la nécessité de modifier notre droit pour mieux lutter contre les discriminations. Cette nécessité était devenue d'autant plus pressante qu'il incombait à notre pays de transcrire dans le droit national les dispositions prévues par deux directives européennes 2 ( * ) dont une comportait une date limite fixée au 1 er janvier 2001.

Cet accord de principe n'a pu cependant se traduire par une convergence sur la manière de lutter contre les discriminations.

Le Sénat a certes adopté conforme trois articles à l'issue de la première lecture.

Il s'agit de :

- l'article 3 qui intègre l'objectif de lutte contre les discriminations dans la négociation collective, tant au niveau de la branche que dans les travaux de la commission nationale de la négociation collective ;

- l'article 5 qui étend l'aménagement de la charge de la preuve aux litiges relatifs à l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ;

- l'article 7 relatif à la protection des salariés des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que des salariés employés à domicile en vue d'aider des personnes âgées ou handicapées lorsque lesdits salariés témoignent de faits de maltraitance.

Il a par ailleurs modifié les articles 6 (recevabilité des listes de candidats à l'élection de conseillers prud'hommes et au contentieux de cette élection) et 8 (accueil téléphonique gratuit) et créé deux nouveaux articles, l'article 9 qui étend les missions du fonds d'action sociale à la lutte contre les discriminations à l'encontre des populations immigrées ou issues de l'immigration et l'article 10 qui améliore la protection des fonctionnaires contre les discriminations.

Cependant, un désaccord important est apparu concernant la disposition la plus importante de ce texte, c'est-à-dire l'aménagement de la charge de la preuve.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture des dispositions qui s'éloignent sensiblement de la lettre des directives européennes et reprennent pour partie la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Dans cette rédaction, en cas de litige, le plaignant se devrait simplement de présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence » d'une discrimination directe ou indirecte. Par ailleurs, la partie défenderesse se devrait alors de prouver que sa décision « est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

En première lecture, le Sénat a suivi les propositions de sa commission qui considérait que cette rédaction n'était pas assez rigoureuse juridiquement et avait pour conséquence de laisser le juge seul décideur de l'existence d'une discrimination puisque la nécessité de présenter des faits était pour le moins assouplie.

Notre Assemblée avait dans ces conditions décidé de modifier le régime de la charge de la preuve afin de « coller au plus près » du texte des directives. Elle avait ainsi prévu que le plaignant aurait à établir « des faits qui permettent de présumer l'existence » d'une discrimination directe ou indirecte, la partie défenderesse devant prouver que sa décision « n'est pas contraire aux dispositions » légales énoncées.

Un autre désaccord a porté également en première lecture sur le rôle reconnu aux syndicats et aux associations pour agir en justice.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte concernant l'aménagement du régime de la charge de la preuve après que le rapporteur a considéré comme « fondamentale » la différence entre les deux textes. 3 ( * )

Elle a en revanche maintenu plusieurs dispositions adoptées au Sénat, comme l'ajout de l'âge dans la liste des motifs de discrimination, dont elle a par ailleurs précisé la mise en oeuvre ( article 2 bis nouveau ), l'affichage obligatoire des coordonnés du service d'accueil téléphonique gratuit dans les établissements privés et publics ( article 8) , l'extension de la compétence du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles ( article 9 ) et l'extension à la fonction publique du principe de lutte contre les discriminations ( article 10 ), dont elle a précisé les modalités concernant les discriminations fondées sur l'âge.

Si elle a rétabli son texte concernant le droit d'action des syndicats sans l'accord exprès de la victime ( article 2 ), l'Assemblée nationale, a cependant tenu compte des remarques du Sénat concernant le « droit d'alerte » des associations, celles-ci se voyant maintenant reconnaître le droit d'agir directement comme les directives européennes en ouvrent la possibilité.

Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli le texte initial de l'intitulé de la proposition de loi en supprimant les mots « dans l'emploi » ajoutés par le Sénat qui permettaient pourtant de clarifier son objet comme sa portée.

En deuxième lecture, votre commission vous propose de rétablir l'ensemble de ses dispositions de première lecture concernant en particulier l'aménagement du régime de la charge de la preuve et la nécessité d'un accord exprès du salarié pour permettre l'action d'un syndicat en justice concernant une discrimination dont il aurait été victime, cette disposition étant étendue aux associations.

Votre commission vous proposera également de modifier à nouveau l'intitulé de la proposition de loi afin d'y ajouter les mots « à l'embauche et dans l'emploi » afin de préciser que cette proposition de loi ne couvre pas l'ensemble du champ de la lutte contre les discriminations qui concerne aussi le logement et les loisirs par exemple.

En effet, le projet de loi de modernisation sociale 4 ( * ) comporte parallèlement un important dispositif relatif à la lutte contre les discriminations dans l'accès au logement. Il est, à cet égard, regrettable que le Gouvernement ait choisi d'aborder une même problématique dans deux textes discutés parallèlement et simultanément et de prendre le risque d'une incohérence entre eux.

Le texte que votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter ainsi modifié devrait permettre des progrès sensibles dans la lutte contre les discriminations sans pour autant compromette la nécessaire marge de manoeuvre des entreprises dans la gestion de leur personnel.

* 1 Cette proposition de loi, déposée le 13 septembre 2000, est issue du projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai 2000 dont les articles correspondants ont été disjoints par lettre en date du 12 décembre 2000 de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Il était loisible de penser que la « partie » progresserait plus vite que le « tout ». Mais, en définitive, les deux textes sont l'un et l'autre, en cette fin de session 2000-2001, en instance de deuxième lecture au Sénat.

* 2 Directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique .

* 3 JO Débats Assemblée nationale - 3 ème séance du 3 avril 2001, p. 1726.

* 4 Projet de loi n° 384 (2000-2001) adopté par l'Assemblée nationale le 13 juin 2001.

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