Rapport n° 407 (2000-2001) de M. Jean BIZET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 juin 2001

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N° 407

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Jean BIZET au nom de la délégation pour l'Union européenne sur le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire (E-1405) et sur les propositions de règlements et de directives du Parlement européen et du Conseil relatives à l'hygiène des denrées alimentaires (E-1529),

Par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 24 (2000-2001)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Commission des Affaires économiques est saisie d'une proposition de résolution, renvoyée par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, et relative à deux documents européens : le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire et un ensemble de quatre propositions de règlements et d'une proposition de directive réformant la législation européenne sur l'hygiène des denrées alimentaires, rassemblés dans le document E-1529.

Dans un contexte marqué par la survenue d'un certain nombre de crises alimentaires et sanitaires, au premier rang desquelles la crise de l'ESB, cette proposition de résolution vise à soutenir l'objectif de renforcement de la sécurité alimentaire qui est actuellement à l'oeuvre dans un vaste programme européen de réformes.

Présenté par la Commission européenne en janvier 2000, le Livre Blanc annonce, de manière prospective, un ensemble de réformes visant à renforcer la sécurité à tous les stades de la chaîne alimentaire, « de la fourche à la fourchette ».

Les initiatives qu'il propose s'articulent autour de cinq grands axes, dont le premier est la création d'une Autorité alimentaire européenne. Cet important projet ne doit pas conduire à éluder les autres thèmes abordés par le Livre Blanc : celui-ci prévoit également diverses réformes de la législation alimentaire européenne, relatives notamment à l'hygiène alimentaire et à l'alimentation animale, aux contrôles alimentaires, à l'information des consommateurs, en particulier par l'étiquetage, et enfin à une meilleure prise en compte de la dimension internationale, de plus en plus présente dans le domaine alimentaire, comme l'attestent les normes élaborées au sein du Codex Alimentarius.

Parmi les réformes annoncées, certaines ont d'ores et déjà donné lieu à la présentation par la Commission et à la discussion par le Conseil et le Parlement européen de propositions de règlements et de directives.

La plus importante d'entre elles est sans conteste la proposition de règlement instituant l'Autorité alimentaire européenne. Présenté par la Commission au Conseil le 8 novembre 2000, ce texte déjà examiné par le Parlement européen est inscrit à l'ordre du jour du prochain Conseil extraordinaire Marché intérieur, consommation et tourisme.

Si la mise en place de cette Autorité alimentaire européenne constitue la pièce maîtresse des mesures annoncées par le Livre Blanc, il convient également de saluer d'autres initiatives, comme celles visant à rendre plus sûre l'alimentation des animaux. Des projets de texte ont été présentés à cet égard, relatifs aux substances et produits indésirables dans l'alimentation animale, aux contrôles officiels dans ce secteur ou encore à la sécurisation des sous-produits animaux, ce dernier texte ayant été présenté avant la décision de l'Union européenne de suspendre l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.

Il convient d'évoquer, par ailleurs, la mise en place d'une vaste réforme de la réglementation européenne sur l'hygiène alimentaire, qui fait l'objet des cinq propositions de règlements et directive contenus dans le document E-1529.

La proposition de résolution qui vous est soumise invite le Gouvernement à prendre position à l'égard de certains sujets visés par ces textes.

C'est ainsi qu'elle appelle à tout mettre en oeuvre pour mettre en place l'autorité alimentaire européenne avant la fin de l'année 2001 et à veiller également à ne pas conférer à l'Autorité la responsabilité de la gestion des risques.

De même, cette proposition de résolution demande que la liste des ingrédients ne pouvant entrer dans l'alimentation animale soit rapidement complétée, dans l'attente de l'élaboration d'une véritable liste positive des matériaux admis dans l'alimentation des animaux.

Elle souligne, par ailleurs, les difficultés soulevées par une autre réforme en cours dans le domaine de l'alimentation animale, qui vise à imposer l'énumération sur l'étiquette des aliments composés de toutes les matières premières, avec leur taux d'incorporation en pourcentage du poids.

Enfin, sans mettre à mal l'objectif de sécurité alimentaire qui guide l'ensemble des réformes qui vous sont présentées ici, elle soutient une disposition figurant dans deux propositions de règlements relatives à l'hygiène des denrées alimentaires, qui prévoit des adaptations aux règles énoncées, en faveur des petits établissements réalisant des fabrications traditionnelles.

Votre Commission des affaires économiques approuve tout à fait les dispositions de la présente proposition de résolution.

Elle vous propose toutefois d'en actualiser la rédaction afin de tenir compte de l'avancement des travaux et des négociations autour de certains projets de textes européens, et de formuler des considérations relatives à l'organisation et au fonctionnement de la future Autorité alimentaire européenne.

Sous cette réserve, il vous est proposé d'adopter la proposition de résolution n°24.

I. LE LIVRE BLANC SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET SES PREMIÈRES APPLICATIONS

A. LE LIVRE BLANC SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Adopté par la Commission européenne le 12 janvier 2000, le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire se donne pour objectif essentiel de garantir aux consommateurs européens le niveau le plus élevé possible de sécurité des produits alimentaires. Cette sécurité alimentaire doit reposer sur une approche intégrée « de la ferme à la table ».

Tout en rappelant l'importance des contraintes économiques, sociales et environnementales qui entourent la production des denrées alimentaires, le Livre Blanc affirme le caractère prioritaire de la protection de la santé des consommateurs. Dans cette optique, il propose un certain nombre d'initiatives qui s'articulent autour de cinq grands axes.

1. La création d'une autorité alimentaire européenne indépendante

L'une des propositions les plus marquantes du Livre Blanc est la création au niveau européen d'une « Autorité » indépendante pour la sécurité alimentaire, afin de restaurer la confiance des consommateurs.

Des organismes semblables existent d'ores et déjà dans certains Etats membres, comme l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Créé par la loi du 1 er juillet 1998, l'AFSSA est un établissement public placé sous la triple tutelle des ministères chargés de l'agriculture, de la santé et de la consommation.

Le projet d'une Autorité alimentaire européenne se fonde sur le constat de lacunes dans l'organisation actuelle. Malgré sa réforme en 1997, le système européen d'avis scientifiques souffre d'un manque de moyens entraînant des retards préjudiciables, et d'un défaut de coordination entre les différentes sources d'information. Les avis scientifiques sont actuellement fournis par huit comités scientifiques sectoriels 1 ( * ) , dont cinq couvrent, directement ou non, les domaines de l'alimentation humaine et animale.

Les comités se trouvent coordonnés par un comité scientifique directeur.

Les membres de ce comité sont choisis pour leur excellence scientifique, et leur indépendance est garantie par la stricte application des déclarations d'intérêts. Les mêmes principes (excellence et indépendance) sont repris dans le projet d'Autorité dessiné par le Livre Blanc.

Annoncée pour 2002, cette autorité d'évaluation scientifique serait appelée à devenir une référence en formulant des avis indépendants sur tous les aspects touchant à la sécurité alimentaire, et en communiquant dans une grande transparence avec les consommateurs.

Elle aurait pour mission de constituer des réseaux avec les agences nationales et les organismes scientifiques et de gérer les systèmes d'alerte rapide.

L'Autorité alimentaire européenne fournirait à la Commission l'évaluation du risque ; il incomberait à la Commission de décider de la réponse adaptée à donner à cette évaluation.

La Commission, dans son Livre Blanc, propose de ne pas transférer de compétences de gestion des risques à l'Autorité, pour deux raisons, l'une politique, l'autre juridique :

- le transfert de pouvoirs réglementaires à une autorité indépendante risquerait de diluer la responsabilité démocratique ;

- pour s'acquitter des responsabilités que leur confèrent les traités, les organes politiques (conseil, Parlement européen et Commission) doivent conserver le pouvoir réglementaire et le pouvoir de contrôle (sauf à modifier les traités).

2. La réforme de la législation européenne relative à l'alimentation

Dans la droite ligne du Livre vert sur les principes généraux de la législation alimentaire, adopté par la Commission en avril 1997, le livre Blanc prévoit la refonte et la modernisation de l'ensemble des règles européennes alimentaires en vigueur.

A cet effet, il propose plus de 80 actions, détaillées dans un plan d'actions présenté en annexe. Les questions abordées sont très diverses. Elles concernent notamment :

- la réforme de l'ensemble de la législation de l'hygiène alimentaire ;

- les additifs et les arômes alimentaires;

- les contaminants et résidus de pesticides ;

- les matériaux d'emballage ;

- les aliments diététiques ;

- l'ionisation des denrées alimentaires.

Le nouveau cadre juridique concernera toute la chaîne alimentaire, y compris l'alimentation animale. C'est pourquoi le plan d'action prévoit la modification d'un certain nombre de textes communautaires relatifs à l'alimentation animale, mais aussi plus largement à la santé animale, puisque des maladies animales telles que la brucellose, la tuberculose et la listériose peuvent avoir un impact, par l'intermédiaire de l'alimentation, sur la santé humaine.

3. Une réforme des contrôles

Le Livre Blanc entend harmoniser l'application de la législation alimentaire européenne dans l'ensemble des Etats membres par un renforcement de l'efficacité des contrôles.

Dans cette optique, il propose, en premier lieu, une mise à jour des textes communautaires relatifs aux contrôles officiels.

Il annonce également la mise en place d'un encadrement communautaire des systèmes de contrôles nationaux, fondé sur :

- la définition, à l'échelon européen, de critères opérationnels, qui s'imposeront aux autorités nationales de contrôle ;

- l'établissement, également au niveau communautaire, d'orientations à suivre, définissant des priorités ainsi que des indicateurs de performance ;

- une plus grande coopération entre Etats membres, notamment par des échanges d'information.

Enfin, le Livre Blanc établit la nécessité de renforcer les contrôles sanitaires aux frontières de l'Union européenne, par une extension du champ de ces contrôles, limité pour l'heure aux produits d'origine animale, et par une meilleure coordination entre les postes d'inspection frontaliers.

4. Une meilleure information des consommateurs

Selon le Livre Blanc, l'amélioration de l'information des consommateurs implique :

- la mise en oeuvre d'une communication des risques transparente et interactive ;

- le renforcement et la clarification des règles d'étiquetage des aliments, s'agissant en particulier de la mention de l'ensemble des ingrédients entrant dans la composition d'un produit, des allégations nutritionnelles ou encore de la présence d'organismes génétiquement modifiés ;

- l'actualisation de la directive sur la publicité trompeuse.

5. La prise en compte de la dimension internationale

Le Livre Blanc met, enfin, l'accent sur la nécessité de tenir compte de la dimension internationale que revêtent désormais les questions de sécurité alimentaire . Il évoque ainsi les normes internationales élaborées dans des enceintes telles que le Codex Alimentarius, au sein desquelles l'Union européenne se doit de s'impliquer . Il recommande également une analyse approfondie de l'évaluation des risques sur laquelle se fondent certains pays tiers pour refuser l'accès à leurs marchés de produits européens.

Par ailleurs, le principe d'équivalence doit être correctement appliqué. De même que l'Union européenne ne doit exporter que des denrées soumises aux exigences applicables pour les produits destinés au marché intracommunautaire, elle est en droit d'exiger que les denrées importées soient produites dans des conditions sanitaires équivalentes à celles qu'elle s'impose .

Le 25 octobre 2000, le Livre Blanc a été adopté à une très large majorité par le Parlement européen, sur le fondement du rapport réalisé par M. John Bowis au nom de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs.

B. LES INITIATIVES LES PLUS RECENTES PRISES POUR METTRE EN oeUVRE LES ORIENTATIONS DU LIVRE BLANC

1. La création de l'Autorité alimentaire européenne

Dans le prolongement du Livre Blanc, la Commission a présenté, le 8 novembre 2000, une proposition de règlement (E.1627) qui établit les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire et tend à instituer une Autorité alimentaire européenne (AAE).

Le chapitre III de cette proposition de règlement précise les missions, l'organisation, le fonctionnement de cette Autorité, ainsi que les principes qui doivent la régir : l'indépendance, l'excellence et la transparence.

a) Les missions de l'Autorité (articles 21 et 22)

La mission principale de l'Autorité alimentaire européenne consisterait à fournir à la Communauté des avis scientifiques indépendants de très haute qualité, sur toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs, ce qui concerne tant la production primaire de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux que la transformation, le stockage et la distribution des produits, sans négliger le stade de la consommation finale.

Outre cette mission principale, la Commission européenne propose que l'Autorité soit chargée de la gestion quotidienne du réseau d'alerte rapide en matière d'alimentation humaine et animale, et qu'elle joue un rôle dans la gestion des situations de crise, sous la responsabilité de la Commission.

L'AAE serait également chargée de fournir des informations claires et accessibles au public sur toutes les questions relevant de son mandat, de collecter et d'analyser les données permettant la caractérisation et le suivi des questions liées à la sécurité alimentaire dans la Communauté européenne.

b) L'organisation et le fonctionnement (articles 23 à 28)

L'AAE se composerait d'un conseil d'administration, d'un directeur exécutif et du personnel, d'un forum consultatif, d'un comité scientifique, ainsi que de groupes scientifiques.

Le Conseil d'administration comprendrait des représentants des Etats membres, de la Commission, du Parlement européen et des acteurs économiques intéressés, comme les consommateurs et l'industrie.

Afin d'intégrer au mieux les compétences et moyens des Etats membres dans la réalisation de la mission confiée à l'Autorité, un forum consultatif composé de représentants des instances analogues des Etats membres assurerait le fonctionnement des différents réseaux de collecte d'information et des mécanismes auxiliaires. En particulier, ce forum interviendrait lorsque apparaissent des divergences d'avis scientifique entre l'AAE et un organisme national , pour tenter de résoudre le conflit voire, en cas d'impossibilité, remettre à la Commission un document commun qui apporte des éclaircissements sur les questions litigieuses.

Le Comité scientifique et les huit groupes scientifiques permanents 2 ( * ) seraient chargés, chacun dans leur domaine de compétence, de fournir les avis scientifiques de l'Autorité . La création de ces comités conduirait au transfert, au sein de l'AAE, des comités scientifiques existant actuellement et chargés des questions relevant désormais de l'Autorité.

c) Saisine de l'AAE (article 28)

La Commission européenne prévoit que le Parlement européen, les Etats membres ou leurs instances compétentes peuvent adresser des demandes d'avis à l'AAE , à l'exception des questions concernant des domaines où la législation communautaire prévoit obligatoirement sa consultation. Dans ce cas, la Commission serait la seule responsable pour adresser une question à l'Autorité.

L'Autorité aurait, en outre, la capacité de s'auto-saisir.

2. La réforme de la législation relative à l'hygiène alimentaire

La Commission européenne a adopté, le 14 juillet 2000, une série de quatre propositions de règlement, ainsi qu'une proposition de directive, visant à refondre la législation européenne en matière d'hygiène. Cette législation est actuellement constituée de 17 directives, dont la directive n° 93/43 sur l'hygiène générale et des directives sectorielles pour les denrées d'origine animale.

a) La proposition de règlement relatif à l'hygiène des denrées alimentaires

Ce texte actualise les dispositions de la directive n° 93/43/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative à l'hygiène des denrées alimentaires, en étendant leur application à tous les stades de la chaîne de production et de distribution, y compris à celui de la production primaire.

Cette proposition de règlement « hygiène générale » introduit, en outre, un certain nombre de principes nouveaux qui visent à responsabiliser davantage les acteurs de la filière alimentaire face aux exigences de la sécurité sanitaire.

La réforme de la législation européenne sur l'hygiène alimentaire prévoit, en effet, d'abroger les prescriptions détaillées qui figurent dans les directives sectorielles en vigueur pour les denrées animales, les exploitants devant désormais définir eux-mêmes les mesures de sécurité sanitaire à respecter, comme c'est déjà le cas pour les denrées végétales.

A cet effet, elle prévoit la mise en oeuvre du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), selon lequel les entreprises alimentaires -à l'exception toutefois des producteurs primaires- doivent elles-mêmes identifier les dangers et les points critiques de leur mode de production et mettre en oeuvre les moyens de les prévenir. Les mesures préventives prises dans ce cadre doivent être consignées dans un registre des autocontrôles.

Des guides de bonnes pratiques d'hygiène pourront néanmoins être élaborés par les fédérations professionnelles pour guider les entreprises dans cette démarche.

Parallèlement, ce texte devrait servir de fondement à l'élaboration d'objectifs de sûreté alimentaire (OSA) , destinés à orienter les professionnels sur les résultats à atteindre dans ce domaine. Dans l'attente de leur élaboration, les critères définis dans les directives sectorielles restent en vigueur.

Par ailleurs, la proposition de règlement tend à renforcer la traçabilité des denrées alimentaires à travers deux types de dispositions. Elle soumet, d'une part, l'ensemble des entreprises du secteur alimentaire à une obligation d'enregistrement auprès de l'autorité compétente, le numéro attribué à cette occasion devant accompagner le produit jusqu'à destination. Elle impose, d'autre part, aux opérateurs de garantir l'efficacité des procédures de retrait du marché en cas de risque pour la santé des consommateurs.

Enfin, elle autorise une certaine flexibilité dans l'application de ces règles en faveur des petits établissements , notamment ceux situés dans des régions soumises à des contraintes géographiques particulières, ainsi que pour la fabrication de produits traditionnels , sous réserve que la mise en oeuvre des objectifs de sûreté alimentaire ne soit pas menacée.

b) La proposition de règlement fixant les règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées d'origine animale

Dans cette proposition de règlement sont maintenues une partie des règles d'hygiène spécifiques aux denrées animales, qui relèvent actuellement de directives sectorielles.

Ces règles concernent l'ensemble des denrées animales -viandes, ovoproduits, lait, produits de la pêche-, classées selon deux catégories :

- les produits non transformés ;

- les produits transformés.

De même que le projet de règlement dit « hygiène générale », ce projet de règlement « hygiène spécifique » permet l'application de règles spéciales pour les établissements de petite taille desservant le marché local ou situés dans des régions soumises à des contraintes d'approvisionnement particulières, dès lors que la sécurité alimentaire des produits reste assurée.

Les règles les plus détaillées sont renvoyées à des annexes, dans l'attente de l'élaboration des guides professionnels de bonnes pratiques.

c) Proposition de règlement fixant les règles de police sanitaire régissant la production, la mise sur le marché et l'importation des produits d'origine animale

Cette proposition de règlement opère une refonte des règles de police sanitaire, qui tendent à prévenir la propagation de maladies animales telles que la fièvre aphteuse et la peste porcine.

d) Proposition de règlement fixant les modalités d'organisation des contrôles officiels concernant les produits d'origine animale

Ce texte comporte des dispositions spécifiques en matière de contrôle des produits d'origine animale, destinées à s'appliquer indépendamment des dispositions du futur règlement relatif aux principes généraux des contrôles des denrées alimentaires.

Ces contrôles spécifiques visent à prévenir des risques propres aux denrées animales, tels que la contamination par les salmonelles ou la listéria.

3. Les initiatives dans le domaine de l'alimentation animale

Le Livre Blanc prévoit l'application à l'alimentation animale des principes de sécurité alimentaire, tels que la traçabilité ou le principe de précaution, prévus pour les denrées destinées à la consommation humaine.

Il met l'accent sur la nécessité de définir les matériaux pouvant entrer sans risque dans les aliments pour animaux, proposant de compléter dans un premier temps la liste des matériaux interdits, et d'envisager à terme l'élaboration d'une liste positive des ingrédients autorisés à entrer dans l'alimentation animale.

A la suite des récentes crises de la dioxine et de l'ESB, qui ont fortement affecté ce secteur, la Commission européenne a présenté un certain nombre de textes destinés à renforcer la sécurité sanitaire de l'alimentation animale.

Le Livre Blanc envisage également la révision des textes européens relatifs aux sous-produits animaux, en vue de sécuriser les co-produits entrant dans la chaîne alimentaire.

Enfin, il prévoit de renforcer l'agrément des établissements et les contrôles dans le secteur de l'alimentation animale.

Plusieurs propositions de textes ont été présentées en vue de mettre en oeuvre les orientations du Livre Blanc en matière d'alimentation animale.

Une proposition de modification de la directive 95/53/CE du Conseil du 25 octobre 1995 fixant les principes relatifs à l'organisation des contrôles officiels en alimentation animale propose ainsi de renforcer l'efficacité des contrôles menés sur les entreprises de nutrition animale :

- en obligeant les Etats membres à mettre en place des plans d'urgence décrivant les actions à entreprendre lorsqu'un produit destiné à l'alimentation animale présente un grave danger ;

- en instaurant une clause de sauvegarde intracommunautaire ;

- en rendant obligatoire la déclaration par les professionnels de tout risque dont il aurait connaissance.

S'agissant plus particulièrement de la question de la liste des ingrédients utilisés en alimentation animale, il convient de citer diverses initiatives, qui s'inscrivent dans un contexte marqué par des crises récentes telles que l'incorporation de boues des stations d'épuration dans l'alimentation animale, la contamination d'aliments par des dioxines ou encore les contaminations croisées par des farines animales.

Par une décision du 5 avril 2000, la Commission a modifié la décision 91/516 du 9 octobre 1991 fixant la liste des ingrédients dont l'utilisation est interdite dans les aliments composés pour animaux, en vue d'interdire l'utilisation des boues des stations d'épuration dans les aliments composés pour animaux .

Une autre proposition de modification de cette décision est en cours, qui vise à interdire l'utilisation dans l'alimentation animale de certaines huiles et graisses, ayant par exemple fait l'objet de recyclage.

Une proposition de directive modifiant la directive 1999/29/CE du Conseil du 22 avril 1999 concernant les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux tend notamment à étendre le champ des substances visées aux additifs et à interdire la possibilité de recourir à des dilutions pour abaisser les teneurs en substances indésirables de produits dépassant les teneurs maximales fixées.

S'agissant des sous-produits animaux, une proposition de règlement avait été déposée par la Commission européenne en octobre 2000, en vue d'interdire le recyclage dans la chaîne alimentaire de sous-produits animaux présentant des risques , notamment à l'égard d'une possible transmission de l'ESB.

Modifiant la directive 90/667/CEE du Conseil du 27 novembre 1990 arrêtant les règles sanitaires relatives à l'alimentation et à la transformation des déchets animaux, cette proposition de règlement distingue entre trois catégories de sous-produits, dont une seule, constituée des sous-produits dérivés d'animaux sains, pourrait être utilisée dans l'alimentation animale.

Enfin, une autre initiative importante est constituée par la proposition de modification de la directive 79/373/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la commercialisation des aliments composés pour animaux , qui tend à réformer les modalités d'étiquetage de ces aliments.

Dans sa version en vigueur, la directive 79/373 laisse en effet aux fabricants la possibilité soit d'énumérer l'ensemble des ingrédients entrant dans la composition des aliments composés, dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale, soit d'indiquer les seules catégories auxquelles appartiennent ces matières, à moins que celles-ci ne relèvent d'aucune catégorie.

Prenant en compte les exigences de transparence des éleveurs, renforcées dans le contexte actuel de la crise de l'ESB, la proposition de directive prévoit d'imposer aux fabricants de fournir la liste détaillée, en pourcentage pondéral, de tous les ingrédients entrant dans la composition d'un aliment composé.

II. DES PROJETS DE REFORME DISCUTÉS

A. L'ÉTAT DES DÉBATS AU NIVEAU EUROPÉEN

1. Les points d'achoppement de la proposition de règlement instituant l'Autorité alimentaire européenne

Le Parlement européen s'est prononcé sur la proposition de règlement (E.1627) instituant l'Autorité alimentaire européenne en première lecture lors de sa séance plénière du 12 juin 2001.

Sur le fondement du rapport Whitehead présenté par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs, il a adopté la proposition de règlement modifiée par plus de deux cents amendements.

Le conseil extraordinaire Marché intérieur, consommation et tourisme du 29 juin 2001 appellera les Etats membres à se prononcer sur cette proposition, sur laquelle ils ont travaillé de manière informelle depuis quelques mois de manière afin de parvenir à une position commune fin juin.

Quelques points de la proposition de règlement E.1627 restent en discussion au sein du Conseil et du Parlement européen. Les divergences majeures portent sur la mise en oeuvre concrète des grands principes que sont l'indépendance et la transparence de l'Autorité Alimentaire et sur la séparation entre l'évaluation et la gestion du risque.

La répartition des tâches d'analyse du risque

L'analyse du risque comprend trois volets relatifs à l'évaluation, la notification et la gestion du risque.

Un consensus sans faille s'est dessiné d'emblée pour séparer l'évaluation du risque de sa gestion et distinguer ainsi l'expertise scientifique de la responsabilité politique. En revanche, il n'est pas simple de déterminer sans erreur ce qui relève de l'évaluation et de la gestion : l'application du principe de séparation soulève donc quelques questions.

Au premier rang de ces questions figure l'attribution de la responsabilité du fonctionnement du système d'alerte rapide. Selon l'article 34 de la proposition initiale, c'est à l'Autorité que revient d'assurer le fonctionnement de ce système d'information immédiate des membres du réseau concernant tout risque « grave, direct ou indirect, pour la santé humaine lié à une denrée alimentaire ou à un aliment pour animaux ». La Commission considère dans son projet que cette gestion du système d'alerte rapide peut relever de l'évaluateur du risque, à savoir l'Autorité, sans empiéter sur les prérogatives des institutions politiques européennes chargées de la gestion du risque.

Plusieurs Etats membres considèrent que le seul fait d'évaluer le caractère d'urgence d'un risque ressort déjà de la gestion. La France en particulier s'oppose à ce que l'Autorité gère le système d'alerte rapide. C'est pourquoi elle plaide pour confier la responsabilité entière de la gestion du système d'alerte rapide à la Commission et rendre l'AAE destinataire de toutes les notifications véhiculées par le réseau d'alerte afin de la doter d'une vision globale sur les problèmes de sécurité alimentaire auxquels sont confrontés les Etats membres.

Par ailleurs, entre l'évaluation et la gestion des risques, la notification des risques peut être source de confusion. Elle est, aux termes de la proposition de règlement instituant l'Autorité, de la compétence partagée de l'Autorité et de la Commission. L'article 39 de la proposition de règlement prévoit en effet que l'AAE communique de sa propre initiative dans les domaines qui relèvent de sa mission, « sans préjudice des compétences dont dispose la Commission pour communiquer ses décisions sur la gestion des risques ».

Cette prérogative de l'Autorité est essentielle en ce qu'elle garantit à la fois sa transparence et son indépendance et donc contribue à accroître la sécurité alimentaire. Elle devra être utilisée raisonnablement afin d'éviter que l'excès d'information ne banalise les alertes. Elle peut, en outre, engendrer quelques difficultés dans la mesure où ses contours ne sont pas strictement définis et qu'un flottement dans la communication entre l'Autorité et la Commission serait préjudiciable à la bonne gestion du risque. C'est pourquoi il faudra veiller à ce que ces deux pôles de communication s'articulent en vue d'une politique cohérente évitant de semer le trouble inutilement dans l'esprit du consommateur.

Le degré de représentativité des Etats membres au sein du conseil d'administration

S'agissant du conseil d'administration, les Etats membres sont partagés entre deux exigences : la représentativité et l'indépendance.

L'article 24 de la proposition de la Commission, ne réserve que quatre sièges sur seize aux représentants des Etats membres nommés par le Conseil, ce qui a pu paraître insuffisant. Toutefois, pour des impératifs d'indépendance comme d'efficacité, il ne paraît pas souhaitable que le nombre de représentants du Conseil soit égal au nombre d'Etats membres.

C'est pourquoi une solution mixte pourrait être retenue, qui tend à accroître la représentativité sans nuire à l'efficacité. Au lieu que chacune des trois institutions politiques nomme quatre membres, douze représentants seraient nommés par le Conseil après avis du Parlement européen et sur proposition de la Commission. Quatre représentants des filières alimentaires (du producteur au consommateur) demeureraient présents. Les membres de ce conseil d'administration, au lieu de disposer d'un mandat de quatre ans renouvelable une fois, seraient, à l'issue du premier mandat de quatre ans, renouvelables par moitié tous les deux ans, ce qui assurerait une rotation permanente garantissant à tous les Etats membres une représentation équivalente.

L'étendue du mandat dévolu à l'Autorité

L'article 21 de la proposition de résolution propose d'entendre largement le champ de mission de l'Autorité, puisqu'il prévoit que ce champ couvre toute la chaîne alimentaire.

Outre les questions de sécurité alimentaire, il comprendrait les domaines de la santé et du bien-être des animaux, la protection des végétaux, l'évaluation des problèmes liés aux organismes génétiquement modifiés, ainsi que l'éducation nutritionnelle.

Des réserves subsistent sur le bien-fondé des missions de l'AAE en matière de santé animale et végétale et de bien-être des animaux. Ainsi, le rapporteur du parlement européen, M. Philip Whitehead, préconise de retrancher des compétences de l'Autorité les OGM et la santé animale et végétale, si ces questions n'ont pas de lien direct ou indirect avec la sécurité alimentaire. La France, quant à elle, reste favorable à un mandat étendu afin d'éviter les erreurs passées et de ne pas disperser l'expertise.

Le degré de transparence de l'Autorité en cas de divergence d'avis scientifiques

Il est prévu par l'article 29 de la proposition initiale que les sources potentielles de « conflits » d'avis scientifiques soient identifiées en amont par l'Autorité. Cette vigilance doit permettre à l'Autorité de s'assurer que toute l'information scientifique est bien partagée et que le désaccord de fond ne peut être résolu par la collaboration entre l'Autorité et l'organisme concerné et par la consultation du forum consultatif si cet organisme est national.

Si, malgré ces démarches, le conflit n'est pas levé, l'article 29 dispose que l'Autorité et l'organisme concerné doivent présenter un document commun clarifiant les points scientifiques de conflit.

Dans un tel schéma, le rôle de l'Autorité ne s'apparente donc pas à celui d'arbitre en dernier recours. Certains Etats membres le déplorent, préférant donner aux avis de l'Autorité une primauté sur les avis concurrents, à des fins de meilleure lisibilité. Le Parlement européen a également retenu un amendement en ce sens. D'autres, à l'instar de la France, restent toutefois attachés à la proposition initiale dont ils soulignent la plus grande transparence.

Les limites de la saisine

La restriction prévue par la Commission à l'article 28, excluant toute saisine dans un domaine relevant de la législation alimentaire communautaire, ne paraît pas légitime.

En effet, cette restriction limiterait considérablement le pouvoir de saisine du Parlement européen et des Etats membres puisque le champ de compétence de l'Autorité devrait, à terme, être entièrement couvert par la législation alimentaire.

Les modalités du financement

La proposition de règlement prévoit, dans son article 42, que les recettes de l'Autorité se composent de la contribution de la Communauté et, accessoirement, des « redevances éventuellement perçues par l'Autorité en rémunération des services dont elle assure la prestation ». Le financement prévu pour les trois prochains exercices de l'Autorité est exclusivement public ; en revanche, trois ans après la création de l'Autorité, la possibilité et l'opportunité d'instaurer des redevances qui seraient versées par les entreprises pour l'obtention d'une autorisation communautaire seront examinées. Si une telle option était alors retenue, des intérêts partisans seraient introduits et l'indépendance de l'Autorité pourrait s'en trouver diminuée.

La localisation de l'Autorité

Plusieurs villes sont candidates à l'accueil du siège de l'Autorité alimentaire européenne : Helsinki, Parme, Barcelone et Lille.

Les critères qui seront retenus pour l'attribution du siège sont au nombre de trois :

- une longue tradition dans le domaine de la sécurité alimentaire ;

- une infrastructure scientifique solide ;

- une accessibilité aisée.

Le Parlement européen a souhaité donner à la question du choix de la ville d'accueil un ton plus politique : en retenant l'amendement 188, il a exprimé sa préférence pour le siège localisé dans le pays comptant auprès de la Cour de Justice des Communautés Européennes le moins d'affaires en suspens pour violation présumée de la législation européenne. Cet amendement remet en cause le bien-fondé des candidatures française et italienne. Mais le gouvernement français ne laisse pas de soutenir la candidature de Lille, qui est une ville bien desservie et proche des institutions communautaires et qui peut compter sur l'important potentiel de recherche scientifique de la région Nord pour aider l'AAE à remplir au mieux ses mission.

2. La réforme de la réglementation relative à l'hygiène des denrées alimentaires

La proposition de réforme de la législation alimentaire européenne a été présentée au Conseil de l'agriculture du 17 juillet 2000, puis a fait l'objet d'un échange de vues au Conseil du marché intérieur, de la consommation et du tourisme  le 20 septembre 2000.

Depuis cette date, les travaux se poursuivent au sein du groupe des experts vétérinaires. Ils ont, jusqu'à présent, surtout concerné les deux propositions de règlements, relative aux règles d'hygiène générales et aux règles d'hygiène spécifiques aux denrées d'origine animale.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les négociations avancent lentement, les arbitrages de nature technique se poursuivant alors qu'ils auraient dû être achevés lors de la présentation des projets de règlement au Conseil. Il semblerait, à cet égard, que la consultation en amont des services techniques nationaux par la Commission européenne n'ait pas été suffisamment approfondie. Il est regrettable que l'élaboration et la discussion de textes aussi importants pour la sécurité des consommateurs et les acteurs de la filière se déroulent dans de telles conditions.

Un certain nombre de points sensibles restent au centre des discussions.

S'agissant, en premier lieu, des modalités de l'enregistrement et de l'agrément des établissements du secteur alimentaire, certains Etats, en particulier la France, souhaitent une harmonisation communautaire des conditions d'agrément, ainsi qu'une prise en compte du fonctionnement de l'entreprise, et non de la simple conformité des locaux aux critères à remplir pour obtenir l'agrément.

La question de l'opportunité de faire figurer le numéro d'enregistrement ou d'agrément sur les denrées est également débattue, dans la mesure où la surcharge d'informations pourrait nuire à la lisibilité de l'étiquette, au détriment du consommateur.

Enfin, la portée des dérogations à accorder à certains petits établissements, notamment ceux soumis à des contraintes géographiques , ou réalisant des fabrications traditionnelles, est encore à définir. Se pose en particulier la question de savoir si ces dérogations ne doivent être octroyées que dans le cas où les denrées alimentaires sont destinées au seul marché local.

3. Les propositions de textes dans le domaine de l'alimentation animale

La proposition de directive 1999/29/CEE du 22 avril 1999 modifiée concernant les substances et produits indésirables dans l'alimentation animale a été adoptée à l'unanimité au conseil des ministres de l'agriculture du 19 juin 2001. Il en est de même pour la proposition de modification de la directive 95/53/CEE du 25 octobre 1995 relative aux contrôles officiels en alimentation animale.

Votre rapporteur se réjouit de ces avancées qui contribueront à sécuriser la production d'aliments pour animaux.

S'agissant de la proposition tendant à modifier la directive 79/373/CEE du 2 avril 1979 relative à la commercialisation des aliments composés, il existe actuellement un désaccord entre le Parlement européen, qui appuie le principe d'une liste exhaustive des ingrédients accompagnés de leur pourcentage d'incorporation en fonction du poids -ce qui constitue l'option dite « déclaration ouverte »- et le Conseil des ministres, qui propose comme disposition alternative une liste exhaustive des ingrédients classés par fourchette de taux d'incorporation -système de la « déclaration semi-ouverte ».

A l'occasion de l'examen de ce texte lors de sa session d'avril 2001, le Parlement européen a adopté un amendement demandant à la Commission européenne l'établissement d'une liste positive des matières premières utilisées en alimentation animale, pour le 31 décembre au plus tard. En réponse à cette demande, la Commission a annoncé le lancement d'une étude de faisabilité sur l'établissement d'une telle liste, à la suite de laquelle des propositions pourraient être formulées.

Votre rapporteur attendra avec intérêt la publication de cette étude.

L'examen du projet relatif aux règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux a, quant à lui, été retardé par la décision 200/766/CE, prise par le Conseil le 4 décembre 2000, de suspendre l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.

Si ce moratoire, prévu initialement pour une durée de six mois, vient d'être prolongé au moins jusqu'au 1 er janvier 2002, la situation demeure ambiguë en raison du refus de prendre en compte l'incidence de la suspension des farines animales sur ce projet de texte. La volonté de le faire avancer est certes justifiée par la présence de dispositions importantes relatives au traitement des matières à risque exclues de la chaîne alimentaire. Cependant, l'appréhension du problème des farines comme une simple mesure de sauvegarde ayant vocation à figurer dans le règlement cadre sur les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) fait douter de la volonté de certains Etats membres de pérenniser l'interdiction des farines dans l'alimentation animale.

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

1. Les termes de la proposition de résolution

Adoptée le 12 octobre 2000 par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, la proposition de résolution n°24 présentée par votre rapporteur se réfère au Livre Blanc sur la sécurité alimentaire, ainsi qu'à l'ensemble de propositions de règlement et de directive réformant la réglementation de l'hygiène des denrées alimentaires.

Approuvant l'objectif affiché par la Commission européenne de parvenir à un niveau élevé de protection et de santé des consommateurs, cette proposition de résolution insiste toutefois sur la nécessité de prendre en compte, dans la poursuite de cet objectif, des préoccupations telles que la protection de l'environnement, le maintien des méthodes de production traditionnelles, l'approvisionnement alimentaire des régions soumises à des contraintes géographiques particulières ou la préservation de l'emploi.

A cet effet, elle invite le Gouvernement à contribuer à la mise en place de l'agence alimentaire européenne avant la fin de l'année 2001, en veillant à ce que la compétence de gestion du risque reste attribuée aux institutions européennes. Elle l'invite également à proposer la candidature d'une ville française pour accueillir cet organisme.

La proposition de résolution demande aussi que la liste des aliments interdits en alimentation animale soit complétée, tout en plaidant pour l'établissement d'une liste positive, ne comprenant que les ingrédients pouvant entrer dans la composition d'aliments pour animaux.

S'agissant de la réforme de la réglementation relative à l'hygiène des denrées alimentaires, elle soutient le principe de l'existence, dans les futurs règlements, d'une disposition prévoyant des dérogations pour les productions traditionnelles des petits établissements.

Enfin, cette proposition de résolution souhaite que la mise en oeuvre de l'étiquetage quantitatif des ingrédients se concilie avec le respect de la compétitivité des industries agroalimentaires, en évitant de porter atteinte à leurs secrets de fabrication. Cette disposition vise en particulier la situation des industries de la nutrition animale au regard de la proposition de réforme de l'étiquetage des aliments composés.

2. La position de la Commission des Affaires économiques

La Commission des affaires économiques approuve les orientations de la proposition de résolution transmise par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Cependant, il lui est apparu nécessaire, lors de sa réunion du 21 juin 2001, de modifier quelque peu le texte de cette proposition, afin de prendre en compte les avancées des travaux réalisés au plan européen.

La Commission des affaires économiques a d'abord souhaité inscrire dans la proposition de résolution que les développements récents de la crise de l'ESB confortaient les démarches initiées à l'échelle européenne pour renforcer la sécurité alimentaire et plaidaient en faveur d'une coopération efficace entre Etats membres et institutions européennes.

Conformément à la proposition de règlement E-1627 instaurant cet organisme, qu'elle ajoute par ailleurs à la liste des documents visés, elle a remplacé le terme d'agence par celui, désormais officiel, d'Autorité alimentaire européenne.

La Commission des affaires économiques a également souhaité inscrire que l'Autorité alimentaire européenne ne doit pas se voir confier la gestion des risques, laquelle doit continuer à relever, y compris s'agissant de la responsabilité du système d'alerte rapide, des institutions européennes.

Elle a en outre voulu inviter le Gouvernement à s'assurer de la cohérence de la politique de communication des risques, et de la représentation des Etats membres et des acteurs de la filière alimentaire au sein du conseil d'administration de l'Autorité.

La ville de Lille ayant désormais déclaré sa candidature à l'accueil de l'Autorité, la Commission des affaires économiques a supprimé par cohérence la disposition, devenue obsolète, invitant le Gouvernement à proposer à ses partenaires la candidature d'une ville française.

S'agissant, par ailleurs, des autres thèmes abordés par la proposition de résolution, la Commission des affaires économiques a souhaité procéder à deux modifications rédactionnelles.

Elle a préféré indiquer qu'il fallait « mettre à jour » plutôt que « compléter » la liste des matériaux interdits dans l'alimentation animale, ce terme permettant non seulement l'extension de la liste, mais également l'évaluation scientifique des produits qui y figurent, laquelle est également prévue.

Enfin, à propos des dispositions en faveur des petits établissements réalisant des fabrications traditionnelles, elle a remplacé le terme « dérogations » par celui « d'adaptations », qui est utilisé dans les propositions de règlements européens, et semble plus conforme à l'esprit de la réforme sur l'hygiène alimentaire, laquelle s'apparente plutôt à une déréglementation.

III. EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 21 juin 2001, sous la présidence de M. Jean Huchon, vice-président, la Commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Bizet sur sa proposition de résolution n° 24 (2000-2001) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire (E-1405) et sur les propositions de règlements et de directive du Parlement européen et du Conseil relatives à l'hygiène des denrées alimentaires (E-1529).

M. Jean Bizet, rapporteur, a présenté les grandes orientations de sa proposition de résolution.

Après cette intervention, M. Jean-Paul Emorine s'est déclaré favorable à une liste positive des matières premières utilisées en alimentation animale. Il a estimé qu'une liste négative était insatisfaisante puisque les aliments n'y figurant pas se trouvaient de facto autorisés. Il s'est, en outre, prononcé en faveur non seulement de l'étiquetage quantitatif des ingrédients, mais encore de la mention de leur pays d'origine, afin de tenir compte des risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine.

M. Hilaire Flandre a exprimé ses doutes quant au bien fondé du recours à une liste énumérant limitativement les produits entrant dans l'alimentation animale, alors que les matières premières susceptibles d'entrer dans la composition des produits sont en constante évolution.

S'agissant de la notion de responsabilité primaire des producteurs, M. Gérard Le Cam a estimé que les producteurs ne pouvaient être véritablement tenus pour seuls responsables, dès lors qu'ils dépendent des coopératives et des fournisseurs d'aliments pour bétail. Il a plaidé pour une interprétation modulée de leur responsabilité.

Il s'est par ailleurs félicité de la délimitation du champ des compétences dévolues à l'Autorité alimentaire européenne qui, de même que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a pour rôle d'aider à la décision politique.

Sur le sujet de l'importation des aliments, M. Gérard Le Cam a considéré qu'il fallait l'étendre et l'appréhender à l'échelon mondial, afin d'optimiser la sécurité alimentaire. Il a estimé que l'Union européenne devait soumettre les importations de denrées alimentaires aux mêmes exigences sanitaires que celles en vigueur sur le marché intracommunautaire.

M. Jean Huchon, président, s'est rangé à l'avis de M. Gérard Le Cam, considérant que la Communauté européenne se devait d'être aussi exigeante avec les pays tiers qu'elle l'était à l'égard de ses propres producteurs.

M. Louis Moinard a rappelé que les crises alimentaires dont l'Europe a été victime étaient imputables aux insuffisances de l'étiquetage des produits plutôt qu'aux produits eux-mêmes, les étiquettes ne mentionnant pas le pays d'origine des ingrédients.

De ce fait, il a soutenu la proposition d'une liste positive des ingrédients entrant dans la production d'aliments pour animaux et a souligné qu'une telle liste ne manquerait pas d'évoluer grâce aux procédures d'agrément.

En réponse aux interventions de ses collègues, M. Jean Bizet, rapporteur, a relevé que l'échange de vues qui venait d'avoir lieu sur la liste positive reflétait les débats qui se tenaient dans les instances communautaires. Justifiant sa préférence pour une liste positive, il a précisé qu'une telle liste ne serait pas verrouillée mais annuellement complétée. Il a insisté sur le fait qu'une liste négative pouvait être mise en porte-à-faux quotidiennement par la découverte d'une nouvelle molécule ou d'une révélation comme la découverte, dans les années 80, de la présence d'hormones. A l'inverse, il a remarqué qu'une liste positive, même si son établissement ne se concevait qu'à moyen terme en raison du travail qu'il nécessitait, apparaissait beaucoup plus sécurisante.

S'agissant de l'obligation qui serait imposée aux fabricants de fournir la liste détaillée de tous les ingrédients entrant dans la composition d'un aliment, le rapporteur a évoqué l'opposition des professionnels qui souhaitent préserver leur secret de fabrication et qui s'approvisionnent en matières premières selon l'évolution des cours. C'est pourquoi il a réaffirmé son soutien au projet d'une déclaration semi-ouverte dans laquelle l'étiquetage se bornerait à indiquer la part des ingrédients par fourchettes de pourcentages. Il a précisé que ce projet ne compromettait pas l'objectif d'une sécurité alimentaire optimale.

En réponse à M. Gérard Le Cam, M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué qu'il partageait ses réserves sur la notion de responsabilité des producteurs. Il a tenu, à ce sujet, à évoquer les débats avec M. Jean-Paul Emorine sur le principe de précaution, lors de l'examen du projet de loi d'adaptation au droit communautaire relatif à la santé des animaux. Il avait alors mis en balance le principe de précaution et le principe de compensation, lequel avait été retenu par le Sénat mais malheureusement écarté par l'Assemblée nationale.

Enfin, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité rassurer M. Jean Huchon, en lui indiquant que la proposition de règlement E.1529 relative à l'hygiène des denrées alimentaires prévoyait le principe d'équivalence, selon lequel les exigences sanitaires applicables aux denrées produites dans l'espace intracommunautaire s'imposent également aux importations. Il a par ailleurs souligné que l'internationalisation des exigences de sécurité alimentaire se trouvait à l'oeuvre dans l'élaboration de normes mondiales précises au sein du Codex Alimentarius.

La Commission des Affaires économiques a adopté à l'unanimité la proposition de résolution ci-après :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre blanc sur la sécurité alimentaire adopté par la Commission européenne le 12 janvier 2000,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité alimentaire européenne et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (COM (2000) 716; n° E-1627),

Vu le document E-1529 contenant notamment une proposition de règlement relative à l'hygiène des denrées alimentaires,

Considérant que les développements récents de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine renforcent la nécessité de prendre en compte les impératifs de santé publique et appellent une coopération véritable entre les Etats membres et les institutions européennes,

Approuve sans réserve l'objectif poursuivi par la Commission européenne de parvenir à un niveau élevé de protection de la santé humaine et des consommateurs,

Souhaite que la poursuite de cet objectif prenne en compte, dans toute la mesure du possible et sans remettre en cause la sécurité alimentaire, d'autres facteurs légitimes tels que la protection de l'environnement, le maintien des méthodes de production traditionnelles, l'approvisionnement alimentaire des régions soumises à des contraintes géographiques particulières ou la préservation de l'emploi,

Invite en conséquence le Gouvernement :

- à tout mettre en oeuvre pour que l'Autorité alimentaire européenne soit créée dans les délais prévus par la Commission européenne, c'est-à-dire au plus tard en décembre 2001 ;

- à s'opposer cependant à ce que cette Autorité soit investie de la responsabilité de gestion des risques, en particulier du système d'alerte rapide, laquelle doit continuer à relever des institutions européennes ;

- à veiller à une représentation satisfaisante des Etats membres et des différents acteurs de la chaîne alimentaire au sein de son conseil d'administration ;

- à s'assurer de la cohérence de la politique de communication des risques prévue par la proposition de règlement n° E-1627 ;

- à oeuvrer pour que la liste des produits ne pouvant être utilisés dans la production d'aliments pour animaux soit rapidement mise à jour ; à soutenir la Commission européenne dans son projet de substituer à terme à cette liste une liste énumérant limitativement les produits pouvant entrer dans la composition des aliments pour animaux ;

- à veiller à ce que le futur règlement relatif à l'hygiène des denrées alimentaires contienne une disposition permettant aux Etats, sans remettre en cause la sécurité alimentaire, de prévoir des adaptations pour prendre en considération les exigences propres aux fabrications traditionnelles faites par des petites et moyennes entreprises ;

- à défendre, sur la question de l'étiquetage quantitatif des ingrédients, une position qui ne menacerait pas la compétitivité des industries agro-alimentaires européennes, notamment par les risques qu'elle comporterait au regard du secret de fabrication.

* 1 Alimentation humaine, alimentation animale, mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique, plantes, santé et bien-être des animaux, produits cosmétiques et produits non alimentaires, médicaments et dispositifs médicaux, toxicité, écotoxicité et environnement.

* 2 (Additifs alimentaires, arômes, auxiliaires technologiques et matériaux en contact avec les aliments ; additifs et produits ou substances utilisés en alimentation animale ; produits phytopharmaceutiques et résidus ; organismes génétiquement modifiés ; produits diététiques, nutrition et allergies ; risques biologiques ; contaminants de la chaîne alimentaire ; santé animale et bien-être des animaux).

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