N° 22

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, relative à la lutte contre les discriminations ,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Nicolas About, président ; Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Françoise Henneron, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Serge Mathieu, Mmes Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2566 , 2609 et T.A. 565

Deuxième lecture : 2853 , 2965 et T.A. 646

Commission mixte paritaire : 3309

Nouvelle lecture : 3174 , 3311 et T.A. 713

Sénat : Première lecture : 26 , 155 et T.A. 55 (2000-2001)

Deuxième lecture : 256 , 391 et T.A. 124 (2000-2001)

Commission mixte paritaire : 11 (2001-2002)

Nouvelle lecture : 18 (2001-2002)

Droits de l'homme et libertés publiques.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La réunion de la commission mixte paritaire du 10 octobre dernier à l'Assemblée nationale n'a pas permis aux deux Assemblées de rapprocher leurs points de vue quant aux dispositions qui demeuraient en débat à l'issue de deux lectures successives.

Outre l'intitulé de la proposition de loi que le Sénat avait souhaité compléter pour préciser que la lutte contre les discriminations visée par cette proposition de loi ne concernait que l'embauche et l'emploi, il demeure deux séries de dispositions ayant donné lieu à une opposition, en apparence, irréductible : le régime de la charge de la preuve et le rôle reconnu aux syndicats pour se substituer aux salariés dans une procédure contentieuse.

Sans rouvrir le débat, au demeurant fort intéressant et de grande qualité, que nos deux assemblées ont pu avoir au cours de la discussion de cette proposition de loi, votre commission souhaiterait néanmoins formuler quelques remarques à ce stade de la discussion.

L'engagement du Sénat dans la lutte contre les discriminations tout d'abord, ne fait pas de doute comme en témoignent ses prises de position constantes antérieures à la discussion même de cette proposition de loi. Celui-ci n'a jamais été discuté il est vrai, mais il n'est pas inutile de rappeler que notre Haute Assemblée a souhaité prendre toute sa part dans l'amélioration de ce dispositif législatif essentiel.

Deuxième remarque : le texte que votre commission vous propose de rétablir constitue un arsenal déjà suffisant qui devrait permettre, s'il était finalement retenu, de faire progresser considérablement l'état du droit. A cet égard, il convient d'observer que ce texte, adopté déjà par deux fois par le Sénat, reprend littéralement le texte des directives européennes qui correspondent au droit déjà appliqué par la plupart de nos partenaires européens et que ceux-ci n'ont pas jugé nécessaire d'aller au-delà pour l'instant.

Troisième remarque, le texte proposé par l'Assemblée nationale ne présente pas toutes les garanties de rigueur juridique. Les propos tenus par M. Jean Le Garrec, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, lors du débat en nouvelle lecture selon lesquels « l'élément de fait réside, par exemple, dans la réponse différente adressée à deux curriculum vitae identiques, mais envoyés l'un sous un nom d'origine maghrébine et l'autre sous un nom français » 1 ( * ) en constituent un exemple suffisamment édifiant. Ils signifient que tous les employeurs doivent s'attendre, si le texte était adopté dans la version de l'Assemblée nationale, à recevoir deux séries de curriculum vitae avec un procès en perspective. Le texte déjà adopté par le Sénat lors des deux premières lectures a précisément pour objet d'éviter ce genre de dérives.

Ensuite, et c'est la quatrième remarque, le rôle des syndicats et des associations dans la défense du salarié présumé victime d'une discrimination n'est toujours pas parfaitement clarifié. Certes, l'Assemblée nationale a finalement adopté les modifications proposées par le Sénat concernant l'encadrement de l'action des associations ; celles-ci devront pouvoir justifier de l'accord écrit du salarié et le salarié pourra mettre un terme à tout moment à l'action de l'association. Il s'agit de précautions heureuses qui n'enlèvent rien à la capacité d'action de l'association.

C'est pourquoi on ne peut qu'être étonné que la liberté du salarié n'ait pas été reconnue de la même manière concernant l'action du syndicat, ceci alors même qu'un consensus avait paru s'esquisser suite au débat important qui a eu lieu en commission mixte paritaire à l'occasion des propos tenus par notre collègue député, M. Jean-Pierre Michel. La solution conservée par l'Assemblée nationale est profondément choquante si l'on veut bien convenir que, dans tout autre domaine, aucun d'entre nous n'accepterait qu'un tiers se porte en justice à notre place et sans notre accord dans une affaire civile. Sur ce point précis, votre commission souhaite que l'Assemblée nationale, en dernière lecture, modifie sa position une nouvelle fois pour tenir compte de l'excellent débat qui a eu lieu lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Enfin, le rapporteur de votre commission mentionnera, pour mémoire, la position exprimée par notre collègue député, M. Anicet Turinay, lors de la discussion en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, selon laquelle : « le meilleur moyen de combattre la discrimination à l'embauche et dans l'emploi, c'est l'éducation qui doit faire évoluer les mentalités » 2 ( * ) . Ces propos ne peuvent que rappeler que ce texte ne suffira pas, à lui seul, à supprimer les discriminations et qu'il doit seulement être considéré comme une étape sur la voie d'une plus grande justice dans l'accès à l'emploi. Cela constitue un motif supplémentaire pour essayer d'aboutir à un texte véritablement applicable.

C'est pourquoi votre commission vous propose le rétablissement du texte voté par le Sénat en deuxième lecture sur les dispositions restant en discussion et qui n'ont toujours pas fait l'objet d'un accord.

* 1 Compte rendu analytique officiel - AN, deuxième séance du jeudi 11 octobre 2001, p. 24.

* 2 Idem, p. 20.

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