CHAPITRE 2
DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES
DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE

SECTION 1
De l'identité culturelle
Sous-section 1
De l'éducation et de la langue corse
Article 4
(art. L. 4424-11, L. 4424-12 et L. 4424-15
du code général des collectivités territoriales)
Carte scolaire des établissements secondaires

Cet article a principalement pour objet de préciser les attributions reconnues à la collectivité territoriale de Corse en matière d'élaboration de la carte scolaire et des programmes d'investissement correspondants.

Il s'articule en 4 paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'intitulé du chapitre IV du titre II (« La collectivité territoriale de Corse ») du livre IV (« Régions à statut particulier et collectivité territoriale de Corse ») de la quatrième partie (« La Région ») du code général des collectivités territoriales.

L'intitulé de ce chapitre IV « Attributions » devient « Compétences ».

Le paragraphe II intitule « Identité culturelle de la Corse » la section 1 de ce chapitre IV et la divise en trois sous-sections : « Education », « Culture et communication », et « Sport et éducation populaire ».

Le paragraphe III modifie l'article L. 4424-11 qui, par l'effet du réaménagement évoqué ci-dessus, devient l'article L. 4424-1. Cet article porte sur la planification scolaire.

• Le droit en vigueur

On examinera successivement les dispositions de droit commun qui régissent la planification scolaire en France, les dispositions du statut de 1991, et leur originalité.

1. Les dispositions du code de l'éducation

La planification scolaire dans les régions et départements est régie par plusieurs dispositions du code de l'éducation, dont le contenu a été précisé par une circulaire du 18 juin 1985.

Cette planification repose sur quatre documents.

Le schéma prévisionnel des formations a pour objet de définir, à un horizon donné et au niveau de la région, les besoins qualitatifs et quantitatifs, de formation qui peuvent être offerts par les collèges, les lycées, les établissements d'éducation spéciale et les écoles de formation maritime et aquacole. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'éducation, c'est au conseil régional qu'il convient de l'établir, après accord des départements, puis de le transmettre au représentant de l'Etat dans la région.

Le programme prévisionnel des investissements assure la mise en oeuvre des orientations du schéma prévisionnel en définissant, à un horizon choisi, la localisation des établissements, leur capacité d'accueil et le mode d'hébergement des élèves. Le code de l'éducation précise qu'il revient au conseil général, pour les collèges (art. L. 213-11) et au conseil régional pour les lycées (art. L. 214-5) d'inscrire à ce programme les principales opérations d'investissement qu'ils envisagent, et en particulier celles de reconstruction, de construction ou d'extension d'établissements.

La structure pédagogique générale des établissements définit les types de formations dispensées dans chaque établissement. Elle est, aux termes de l'article L. 211-2 du code précité, arrêtée chaque année par les autorités compétentes de l'Etat -le recteur , ou, pour les établissements de formation maritime et aquacole, le directeur régional des affaires maritimes- en tenant compte du schéma prévisionnel des formations.

La liste annuelle des opérations de construction ou d'extension des établissements que l'Etat s'engage à pourvoir des postes qu'il juge indispensables à leur fonctionnement administratif ou pédagogique est, aux termes de l'article L. 211-2 précité, arrêtée par le représentant de l'Etat dans la région en tenant compte des programmes prévisionnels. L'inscription sur cette liste d'une opération ne restreint pas le pouvoir de la collectivité compétente pour décider des investissements qu'elle engagera, mais constitue une garantie apportée par l'Etat quant à l'affectation des personnels dont il conserve la pleine maîtrise.

2. Le dispositif issu des articles 50, 51 et 54 du statut de 1991 et du décret de 1992

L'article 50 du statut de 1991 , codifié à l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales confie à l'Assemblée de Corse la responsabilité d'arrêter, sur proposition du représentant de l'Etat et après consultation des départements et communes intéressés, ainsi que du Conseil économique, social et culturel de Corse, la carte scolaire d'un certain nombre d'établissements : collèges, lycées, établissements d'enseignement artistique, établissements d'éducation spéciale, écoles de formation maritime et aquacole, établissements d'enseignement agricole.

Un décret d'application n° 92-1451 du 31 décembre 1992 a complété ce dispositif et précisé, en particulier, son articulation avec les outils de programmation scolaire en usage dans le reste du pays, examinés plus haut.

L'article premier de ce décret précise que « la carte scolaire des établissements du second degré de Corse comprend le schéma prévisionnel des formations et le programme prévisionnel des investissements correspondant à ce schéma ».

L'article 2 ajoute que, « pour la mise en oeuvre de la carte scolaire, l'Assemblée de Corse arrête chaque année, sur proposition du recteur, après avis des organismes compétents la structure pédagogique générale des établissements », en fonction de la répartition des emplois opérée par le président du conseil exécutif, en application de l'article L. 4424-15 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, l'article 3 confie à l'Assemblée de Corse la responsabilité d'arrêter le « programme annuel des investissements immobiliers et des équipements en mobiliers et appareils ».

L'article 51 du statut de 1991 , codifié à l'article L. 4424-12 , confie à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de financer, construire, équiper et entretenir les établissements d'enseignement secondaire évoqués ci-dessus. Il précise en outre qu'elle peut confier la maîtrise d'ouvrage des travaux qui les concernent aux départements et communes qui le demanderaient. Il fait obligation à l'Etat d'assurer à ces établissements les moyens financiers directement liés à leur activité pédagogique.

L'article 54 , codifié à l'article L. 4424-15 , confie au président du conseil exécutif la responsabilité de répartir entre les différents établissements d'enseignement les emplois attribués par l'Etat.

3. Spécificités du dispositif du statut de 1991

Le dispositif institué par l'article 50 du statut de 1991 se distingue du dispositif en vigueur sur le reste du territoire métropolitain sur les points suivants :

- la compétence de la collectivité territoriale de Corse s'étend à l'ensemble des établissements secondaires, y compris les collèges , qui, dans le droit commun, relèvent du département ;

- le statut de 1991 reconnaît à la collectivité territoriale de Corse en matière de schéma prévisionnel des formations et de programme prévisionnel des investissements une compétence comparable à celle qui est dévolue par le code de l'éducation aux régions et départements, à cette réserve près que cette responsabilité s'exerce sur proposition du représentant de l'Etat ;

- les articles 2 et 3 du décret confient à la collectivité territoriale de Corse en matière d'établissement de la structure pédagogique générale des établissements et de programme annuel des investissements des compétences que l'article L. 211-2 confie respectivement au recteur et au représentant de l'Etat, dans le reste du pays. On peut s'interroger sur la régularité de cette dérogation opérée par voie réglementaire à une règle posée par une disposition législative.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le paragraphe III modifie l'article L. 4424-11 qui devient l'article L. 4424-1 et s'articule sur trois alinéas.

Le premier alinéa confie à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de définir « la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi que le mode d'hébergement des élèves » pour les établissements d'enseignement secondaire dont elle a la charge.

Ce dispositif appelle plusieurs remarques :

- ces attributions correspondent au contenu habituel du « programme prévisionnel des investissements » et correspondent donc à une responsabilité déjà conférée à la collectivité territoriale de Corse par le statut de 1991 à travers la notion de « carte scolaire ». Le projet de loi n'évoque en revanche pas explicitement « le schéma prévisionnel des formations » qui constituait l'autre versant de la carte scolaire ;

- le projet de loi affranchit la collectivité territoriale de Corse du pouvoir de proposition reconnu par le statut de 1991 au représentant de l'Etat , mais aussi de la consultation préalable des collectivités territoriales intéressées et du conseil économique, social et culturel de Corse.

Le second alinéa reconnaît à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité d'arrêter la liste des opérations d'investissements intéressant les établissements secondaires dont elle a la charge, après avoir consulté les communes intéressées et le conseil économique, social et culturel, et après avoir recueilli l'avis du représentant de l'Etat. Il confère donc opportunément un statut législatif à une compétence que la collectivité territoriale de Corse tenait jusqu'à présent de l'article 3 du décret de 1992 précité.

Le troisième alinéa précise les modalités d'élaboration de la carte des formations : celle-ci est définie chaque année par la collectivité territoriale de Corse, et l'Etat lui fait connaître les moyens qu'il se propose d'attribuer à cette fin à l'Académie de Corse. Cette carte des formations ne devient définitive que lorsqu'une convention définissant les moyens attribués par l'Etat a été conclue entre le représentant de l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

Ce dispositif appelle deux observations :

- si la notion de « carte des formations » recoupe bien celle de « structure pédagogique générale des établissements » visée à l'article L. 211-2 du code de l'éducation, ce dispositif donne une confirmation législative à une compétence que lui reconnaissait déjà l'article 2 du décret de 1992 précité, mais supprime le pouvoir de proposition du recteur ;

- à travers le contrôle qu'il conserve sur les moyens, notamment en personnel, qu'il affecte à l'Académie de Corse, l'Etat participe à la construction de la carte des formations : celle-ci ne devient définitive qu'une fois conclue une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

Le paragraphe IV modifie la numérotation de l'article L. 4424-12 qui devient l'article L. 4424-2, et abroge l'article L. 4424-15 qui confie au président du conseil exécutif la compétence pour répartir , sur proposition de l'autorité compétente, les emplois attribués aux établissements d'enseignement.

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements :

- deux amendements rédactionnels portant sur les trois premiers alinéas (paragraphes I et II ), et dont l'objet est, notamment, de renvoyer par un souci de clarté les intitulés de la « sous-section 2 : Culture et communication » et de la « sous-section 3 : Sport et éducation populaire » à la discussion des articles 8 et 11 du projet de loi qui portent sur le contenu de ces divisions du code ;

- un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété le texte du dispositif proposé par le III pour l'article L. 4424-1 par un dernier alinéa qui prévoit une consultation préalable du représentant de l'Etat, du Conseil économique social et culturel de Corse, et des communes intéressées pour la définition de la carte des implantations et de la carte des formations ;

- un autre amendement a précisé, dans l'avant-dernier alinéa, que la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse sur la carte des formations doit également définir, outre les moyens attribués par l'Etat, leurs modalités d'utilisation .

• La position de votre commission spéciale

1) Votre commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé de la section 1 pour le rendre plus fidèle à son contenu qui porte sur les attributions de la collectivité territoriale de Corse en matière d'identité culturelle, et non, comme pourrait le laisser penser le titre actuel, sur les composantes de l'identité culturelle.

2) Le projet de loi ne reprend pas les termes du code de l'éducation applicables dans le reste de la France en matière de planification scolaire . Dans la réponse écrite qu'il a apportée à votre rapporteur, le Gouvernement indique que ce choix rédactionnel « tient à la précédente rédaction du statut de la Corse, issu de la loi de 1991, qui évoquait la notion de "carte scolaire" ».

Votre commission spéciale a rappelé les imprécisions rédactionnelles du statut de 1991, qui ont conduit le pouvoir réglementaire à expliciter le contenu de la notion de « carte scolaire » par référence aux notions définies par le code de l'Education. Elle ne souhaite pas que le dispositif qui sera adopté en matière de planification scolaire dans le projet de statut reconduise ces ambiguïtés. Elle estime que, dans la mesure où les outils de programmation utilisés en Corse ont le même contenu que ceux qui ont cours dans le reste du pays -ce qui semble être le cas, d'après les réponses écrites que le rapporteur a reçues- il n'est pas justifié de les désigner par des expressions différentes sauf à vouloir conférer, artificiellement, à l'ensemble du dispositif une originalité de façade.

Le rapprochement des réponses écrites du Gouvernement et des débats à l'Assemblée nationale illustre d'ailleurs les inconvénients de cette terminologie originale et ambiguë.

Dans les précisions qu'il a apportées à votre rapporteur, le Gouvernement écrit : « Dans le projet de loi actuel, on a tenté de clarifier les termes de carte scolaire en supprimant cette expression et en précisant les compétences concrètes de la collectivité territoriale de Corse en matière de planification scolaire : « la carte des formations, les capacités d'accueil et le mode d'hébergement des élèves », correspondent en réalité au programme prévisionnel des investissements (L. 214-5) et au schéma prévisionnel des formations (L. 214-1). »

Cependant, lorsque, dans la discussion à l'Assemblée nationale, M. Paul Patriarche a déposé un amendement proposant que l'élaboration du schéma prévisionnel des formations soit prévue par la loi, le rapporteur et le Gouvernement l'ont repoussé, non pas au motif que cette proposition était redondante, mais parce qu'il ne leur semblait « pas nécessaire d'introduire un nouveau document en sus de la carte scolaire et de la carte des formations » (débats A.N. - 2 ème séance 16 mai 2001, p. 3012).

Votre commission spéciale souhaite éviter qu'à l'occasion de l'adoption d'une disposition ambiguë, la collectivité territoriale de Corse se trouve privée d'une compétence que lui reconnaît le statut actuel, et que le code de l'Education attribue d'ailleurs à tout conseil régional.

Elle vous proposera, en conséquence :

- de substituer aux expressions originales mais mal définies du dispositif actuel, les dénominations habituelles et explicites du code de l'Education ;

- de confirmer explicitement la compétence actuelle de la collectivité territoriale de Corse en matière de définition du schéma prévisionnel des formations.

Dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales, elle vous proposera par amendement :

- dans le premier alinéa, de substituer les mots « le schéma prévisionnel des formations et le programme prévisionnel des investissements » aux mots « la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi que le mode d'hébergement des élèves » ;

- dans le troisième alinéa, de substituer les mots « la structure pédagogique générale des établissements d'enseignement mentionnés au premier alinéa », aux mots « la carte des formations ».

3) Si la collectivité territoriale de Corse est compétente en matière de planification scolaire, l'Etat conserve en revanche la maîtrise des emplois. De façon à améliorer la nécessaire concertation en amont sur la structure pédagogique générale des établissements, votre commission spéciale vous suggère d'adopter un amendement précisant que l'Etat fait connaître à l'Assemblée de Corse, après concertation avec le Président du Conseil exécutif, les effectifs qu'il se propose d'attribuer à l'Académie de Corse.

4) Le projet de loi ne précise pas l'organe de la collectivité territoriale de Corse habilité à signer la convention passée avec l'Etat qui rend définitive la structure pédagogique générale des établissements. Votre commission spéciale vous suggère d'adopter un amendement confiant cette responsabilité au Président du Conseil exécutif, agissant sur mandat de l'Assemblée de Corse.

Article 5
(art. L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales)
Actions de formation supérieure

Cet article a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à organiser ses propres actions de formation supérieure et de recherche.

• Le droit en vigueur

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 52 du statut de 1991, confie à l'Assemblée de Corse la compétence pour établir, en fonction de ses priorités, la carte des formations supérieures et des activités de recherche universitaire. Elle établit cette carte à partir des propositions formulées par le président du conseil exécutif.

L'université de Corse est étroitement associée à son élaboration : le président du conseil exécutif prend son avis avant de formuler des propositions ; la carte ne devient définitive que lorsqu'elle a fait l'objet d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse, l'Etat et l'université de Corse. Cette convention tripartite doit permettre de concilier la compétence de la collectivité territoriale de Corse avec les prérogatives de l'Etat en matière d'enseignement supérieur et avec le principe d'autonomie des établissements universitaires.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi complète les dispositions de l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales -dont il modifie la numérotation par coordination avec les dispositions de l'article 4 du projet de loi- par un alinéa additionnel.

Celui-ci a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse par délibération de l'Assemblée, à organiser ses propres actions de formation supérieure et de recherche, en passant des conventions avec des établissements d'enseignement supérieur ou avec des organismes de recherche.

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements qui ont modifié cet article et l'ont organisé en quatre paragraphes.

Un amendement de la commission des lois a substitué les mots « enseignement supérieur et recherche » aux mots « formations supérieures et activités de recherche » dans les premier, deuxième et troisième alinéas nouveaux du nouvel article L. 4424-3. D'après M. José Rossi, qui l'a défendu devant la commission, cet amendement (deux fois modifié) a pour objet « uniquement d'harmoniser les termes employés avec ceux figurant dans les autres textes relatifs à ces questions ».

L'amendement de la commission des lois adopté sur l'initiative de M. Michel Vaxès précise, dans le texte proposé par le IV pour le troisième alinéa de l'article L. 4424-3 que les actions organisées en ce domaine par la collectivité territoriale de Corse sont complémentaires de celles de l'Etat.

Un amendement de M. Jean-Yves Caullet a précisé en outre que ces actions sont organisées « sans préjudice des compétences de l'Etat en matière d'homologation des titres et diplômes ».

• La position de votre commission spéciale

La disposition qui autorise la collectivité territoriale de Corse à développer des actions complémentaires en partenariat avec des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, n'est pas dépourvue d'intérêt dans la mesure où elle pourrait être l'occasion d'une fructueuse ouverture sur l'extérieur, mais elle suscite de fortes réserves de la part de l'Université de Corse.

Votre commission spéciale l'a cependant maintenue car elle se situe dans le prolongement d'une pratique déjà très répandue sur l'ensemble de notre territoire, et qui est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, et à celui de l'autonomie des universités.

Elle vous propose, en conséquence, d'adopter cet article sans modification .

Article 6
Financement des établissements d'enseignement supérieur
et gestion des instituts universitaires de formation des maîtres

Cet article, qui comporte deux paragraphes, a pour objet de transférer à la collectivité territoriale de Corse le financement des établissements d'enseignement supérieur ( I ) et la gestion des instituts universitaires de formation des maîtres ( II ).

Le premier paragraphe ( I ) de cet article introduit dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 4424-4 qui transfère à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour financer, construire, équiper et entretenir les établissements d'enseignement supérieur figurant sur la carte des formations supérieures qu'elle a établie. Ce transfert vient compléter le bloc de compétences qui lui est déjà reconnu en matière de financement des collèges, lycées, établissements publics d'enseignement professionnel, établissements d'enseignement artistique, établissements d'éducation spéciale, écoles de formation maritime et aquacole et établissements d'enseignement agricole.

Le second paragraphe ( II ) transfère à la collectivité territoriale de Corse les compétences attribuées à l'Etat par les articles L. 722-1 à L. 722-16 du code de l'Education , à l'exception toutefois des dispositions relatives aux personnels.

Ces dispositions du code de l'Education reprennent les 16 premiers articles de la loi du 4 juillet 1990 relative aux droits et obligations de l'Etat et des départements concernant les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Alors que les bâtiments et certains personnels des anciennes écoles normales étaient gérés par les conseils généraux, les instituts universitaires de formation des maîtres, qui sont rattachés aux établissements publics d'enseignement supérieur, sont gérés par l'Etat. La loi de 1990 décrit les modalités de transfert des biens meubles et immeubles qui leur sont affectés et prévoit la possibilité d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les personnels affectés à leur entretien. Son article 2, codifié à l'article L. 722-2, autorise cependant les départements qui le souhaiteraient à conserver les responsabilités qu'ils exerçaient précédemment à l'égard des personnels et des biens affectés à ces établissements, sous réserve de la passation d'une convention avec l'Etat pour régler les conditions et les modalités de prise en charge des dépenses correspondantes.

Tel est le cas, en Corse, pour les IUFM de Bastia et d'Ajaccio, qui sont installés dans les locaux des anciennes écoles normales et à l'égard desquels les deux conseils généraux continuent, depuis 1991, d'exercer leurs obligations.

• Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le I sans modification.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des lois qui procède à la réécriture du deuxième paragraphe ( II ), sous la forme d'un article L. 722-17 additionnel après l'article L. 722-16 du code de l'Education. Ce nouveau dispositif :

- confie à la collectivité territoriale de Corse la gestion des biens meubles et immeubles affectés aux IUFM ;

- substitue à cet effet la collectivité territoriale de Corse à l'Etat pour l'application des articles L. 722-2 à L. 722-9 du code de l'Education, à l'exception de toute disposition relative aux personnels ;

- prévoit que, dans le cas d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse et le département, en application de l'article L. 722-2, le département continuera d'exercer les responsabilités qu'il assumait précédemment à l'égard des personnels affectés à l'entretien et à la gestion de ces bâtiments.

Le rapport de M. Bruno Le Roux justifie de la façon suivante cette nouvelle rédaction.

Il estime que le projet de loi initial, qui prévoit la substitution de la collectivité territoriale de Corse à l'Etat en visant l'intégralité des articles du code de l'Education relatifs aux IUFM, « laisse un doute sur le maintien de la compétence de l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de définition des contenus des enseignements délivrés dans ces instituts de formation ». L'amendement de la commission des lois est donc présenté comme un amendement de précision destiné à ne viser que les articles du code relatifs à la seule gestion des biens.

Cet amendement et sa présentation appellent un certain nombre de remarques :

- le dispositif proposé par l'Assemblée nationale procède à une sélection au sein des dispositions du chapitre du code de l'éducation relatif à la gestion des IUFM : il retient les articles qui concernent principalement la gestion des biens (articles L. 722-2 à L. 722-9) mais retranche ceux qui portent sur la gestion des personnels transférés (articles L. 722-10 à L. 722-15) ; à ce titre, il peut apparaître comme une rédaction plus précise d'un dispositif qui se proposait d'emblée d'exclure les dispositions relatives aux personnels ;

- on ne voit pas bien en revanche, pourquoi l'ancienne rédaction aurait laissé « un doute sur le maintien de la compétence de l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de définition des contenus des enseignements ». Les articles L. 722-10 à L. 722-15, dont la mention a été supprimée, portent en effet non sur les personnels enseignants, mais sur les fonctionnaires, relevant du statut de la fonction publique territoriale et affectés à l'entretien et à la gestion des bâtiments, pris en charge par l'Etat à la suite de leur affectation à un IUFM. Ces dispositions leur ouvrent la possibilité de demander leur intégration dans la fonction publique de l'Etat, et précisent les modalités de calcul et de versement de la compensation financière correspondant à leur rémunération. Elles n'évoquent pas non plus le contenu des enseignements ;

- on peut également s'interroger sur les conséquences de cette nouvelle rédaction pour les départements qui, en application de l'article L. 722-2, ont souhaité conserver la gestion des IUFM issus des anciennes écoles normales. Le nouvel article L. 722-17 pose en effet le principe général d'une prise en charge par la collectivité territoriale de Corse de la gestion des biens meubles et immeubles affectés aux IUFM . Il ajoute qu'en cas de convention entre la collectivité territoriale de Corse et le département, en application de l'article L. 722-2, le département continue d'exercer les responsabilités qu'il assumait précédemment à l'égard des personnels , ce qui semble confirmer, a contrario, que la gestion des biens meubles et immeubles lui échappera dorénavant.

Ce point n'est pas sans conséquence pour la Corse, compte tenu de la localisation respective de l'Université de Corse et des différents centres d'IUFM. Il existe en effet, à côté du siège de l'IUFM rattaché à l'Université de Corte, deux centres qui sont respectivement installés à Bastia et à Ajaccio, dans les locaux des anciennes écoles normales. Les deux conseils généraux sont attachés à l'implantation de ces deux établissements, et ont pour cette raison décidé depuis 1991, de continuer à assurer leurs obligations en matière d'entretien de ces locaux.

• Position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter une nouvelle rédaction du II permettant la substitution de la collectivité territoriale de Corse à l'Etat en matière de gestion des IUFM, dans le respect des garanties offertes aux départements dans le cadre de l'article L. 722-2.

Article 7
(art. L. 312-11 du code de l'éducation)
(art. L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales)
Enseignement de la langue corse

Cet article a pour objet d'insérer l'enseignement de la langue corse dans le cadre de l'horaire normal des écoles (I), et de prévoir que les mesures d'accompagnement nécessaires seront inscrites dans la convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat (II). Votre commission spéciale vous propose en outre d'adopter un paragraphe additionnel relatif au CAPES de langue corse.

L'insertion de l'enseignement de la langue corse dans le cadre scolaire doit permettre de sortir celui-ci d'un cadre purement identitaire, tendant au repli sur soi. Il peut et doit être un élément de lutte contre l'isolement et l'insularité, un instrument d'ouverture vers le multilinguisme et, plus particulièrement, vers l'apprentissage d'autres langues latines.

I. L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CORSE

• Le droit en vigueur

Le cadre juridique actuel de l'enseignement de la langue corse est constitué de trois éléments.

1. La loi Deixonne

Les dispositions de la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite « Loi Deixonne », ont été codifiées dans une section particulière du code de l'éducation consacrée à « l'enseignement des langues et cultures régionales ». Cette section comporte deux articles :

- un article L. 312-10 qui dispose qu'« un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité » ;

- un article L. 312-11 qui autorise les maîtres « à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles, chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française ».

Les dispositions de cette loi, d'origine parlementaire, ne concernaient initialement que le breton, le basque, le catalan et la langue occitane. Un décret du 16 janvier 1974 en a étendu le bénéfice au corse. Deux autres décrets ultérieurs, respectivement du 12 mai 1981 et du 20 octobre 1992 y ont adjoint le tahitien et les langues mélanésiennes.

Les dispositions de la « loi Deixonne », qui définissent le statut législatif de l'ensemble de ces langues régionales, corse compris, appelle les remarques suivantes :

- il s'agit d'un enseignement facultatif : aucune obligation n'est imposée ni aux élèves, ni aux maîtres, ni aux établissements scolaires ;

- le recours aux langues régionales n'est pas présenté comme une fin en soi, mais comme le moyen pour les maîtres d'en tirer un profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française.

On rappellera en outre que l'article premier de la loi n° 89-486 d'orientation sur l'éducation prévoit la possibilité d'un enseignement à tous les niveaux, de langues et cultures régionales, et que, plus récemment, la loi n° 99-533 du 29 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a prévu un schéma de services collectifs culturels dont l'une des mission est d'assurer « la sauvegarde et la transmission des langues et cultures régionales ou minoritaires ».

2. Le rôle déterminant des circulaires ministérielles

Sur le fondement de ces dispositions législatives très générales, le développement de l'enseignement des cultures et langues régionales dans le service public de l'éducation nationale a été instauré, pour l'essentiel, par voie de circulaires. Deux d'entre elles méritent une mention particulière :

• la circulaire n° 82-261 du 21 juin 1982 a consacré l'enseignement des langues régionales « non pas comme une matière marginale, mais comme une matière spécifique » dont l'enseignement devait toutefois reposer sur le volontariat des élèves et des enseignants . Elle prévoyait plus particulièrement que dans les classes maternelles, la langue régionale pourrait être utilisée pour l'accueil du matin et dans les activités d'éveil ; à l'école élémentaire, cet enseignement pourrait soit continuer de s'effectuer à l'occasion d'activités d'éveil, soit faire l'objet d'un enseignement spécifique de culture et de langue régionales. Cet enseignement, modulable de 1 à 3 heures par semaine , serait organisé par des enseignants volontaires ;

• Plus récemment, la circulaire n° 95-086 du 7 avril 1995 a précisé les deux formes que pourrait dorénavant prendre l'enseignement de langue et de culture régionales : soit un enseignement d'initiation , dispensé à raison de 1 à 3 heures hebdomadaires, et intégré dans les programmes et les horaires nationaux selon les aménagements acceptés par les inspecteurs d'académie ; soit un enseignement bilingue dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d'enseignement et est utilisée à parité avec la langue française.

C'est dans ce contexte législatif et réglementaire que « la stratégie de l'Etat en Corse », adoptée en février 1994, a posé le principe d'une développement de l'enseignement de la langue corse, avec un objectif de trois heures hebdomadaires.

D'après les indications fournies à la mission d'information de votre commission spéciale, l'enseignement de la langue corse est actuellement dispensé dans 80% des classes primaires de Corse , mais la durée de cet enseignement n'atteint l'objectif des trois heures hebdomadaire que dans 20% d'entre elles.

Toutefois, lors de sa venue en Corse, le 10 septembre dernier, le ministre de l'Education nationale a exprimé sa volonté de généraliser l'enseignement de la langue corse dans l'ensemble des écoles maternelles et élémentaires, à raison de trois heures hebdomadaires.

Le jeu conjugué des dispositions législatives existantes et des circulaires générales relatives aux langues régionales offrent donc un fondement juridique suffisant au développement, dans les écoles primaires de corse, d'un enseignement facultatif de langue corse . Les difficultés que rencontre sa généralisation sont d'ordre budgétaire, ou tiennent à l'insuffisance du nombre d'enseignants compétents dans cette matière ; elles ne sont, en aucun cas, le fait d'un obstacle juridique, qu'il conviendrait de lever par la loi, du moins si l'on reste dans le cadre actuel d'un enseignement facultatif, pour les élèves comme pour les enseignants.

3. Les conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a fixé le cadre juridique que doit respecter l'enseignement d'une langue régionale ou minoritaire pour être conforme à la Constitution. Selon une jurisprudence constante, cet enseignement peut prendre place dans le temps scolaire à condition :

- de ne pas revêtir un caractère obligatoire ;

- de ne pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements du service public de l'enseignement.

Le Conseil constitutionnel a formulé ces deux conditions dans des termes identiques à l'occasion de deux décisions importantes :

- la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse ;

- la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Dans la première de ces décisions, il a estimé que le fait pour le législateur d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à promouvoir l'enseignement de la langue et de la culture corses ne portait atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle « dès lors » qu'il respectait ces conditions.

Dans la seconde décision, il a estimé que le deuxième alinéa de l'article 115 du statut de la Polynésie, qui prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements du second degré n'était contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle, « sous réserve » de ne pas méconnaître ces deux conditions.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi initial insérait dans le code de l'éducation un nouvel article L. 312-11-1 qui prévoit que « la langue corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant ».

Cette formule transcrivait de façon fidèle le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 qui prenait acte du fait que « les élus de l'Assemblée de Corse ont unanimement demandé la définition d'un dispositif permettant d'assurer un enseignement généralisé de la langue corse dans l'enseignement maternel et primaire, de manière à favoriser l'enseignement de cette langue ».

Ce relevé de conclusions prend également acte de l'engagement pris par le Gouvernement de proposer au Parlement « le vote d'une disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, et pourra ainsi être suivi par tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ».

Il est à noter que cette formulation est demeurée dans le texte du projet de loi initial malgré l'avis défavorable du Conseil d'Etat , cité dans le rapport de l'Assemblée nationale, qui a estimé que ce dispositif, « à la différence de la procédure d'inscription applicable à tous les autres enseignements optionnels », contraignait « les représentants légaux de l'enfant à accomplir une demande expresse pour faire dispenser l'élève de l'obligation de suivre cet enseignement », ce qui revenait « à instituer dans les faits un enseignement obligatoire de la langue corse ».

• La position de l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale avait estimé, dans son rapport (p. 195) que ce dispositif se bornait « à généraliser l'offre de l'enseignement du corse à toutes les écoles maternelles et élémentaires dans le cadre de l'horaire normal... » et qu'il ne lui conférait aucun caractère obligatoire puisque le refus des parents ouvrait droit à une dispense automatique. Jugeant « discutable » l'interprétation du Conseil d'Etat, elle a cependant considéré qu'une « nouvelle rédaction du dispositif pourrait néanmoins utilement clarifier ce point de telle sorte que l'obligation pour le système éducatif de proposer cet enseignement ne puisse plus être confondue avec l'obligation d'étudier cette discipline ».

La nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale résulte de deux amendements identiques présentés respectivement par la commission des lois et par le Gouvernement et qui ont pour objet :

- de supprimer la fin de la phrase : « à tous les élèves sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant » ;

- de préciser que cette disposition ne s'applique que dans les écoles maternelles et élémentaires « de Corse », précision utile pour une disposition qui a vocation à s'insérer dans le code de l'Éducation...

La disposition relative à l'enseignement de la langue corse adoptée par l'Assemblée nationale est donc la suivante : « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse ».

Elle reprend les termes du deuxième alinéa de l'article 115 de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Celui-ci dispose que « la langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, et dans les établissements du second degré . »

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale s'interroge sur le sens et la portée du dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur l'enseignement de la langue corse.

Le Conseil d'Etat a estimé que le projet de loi initial revenait à instaurer, dans les faits, un enseignement obligatoire, dans la mesure où il subordonnait la dispense de cet enseignement à une démarche expresse des parents.

La suppression, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, de cette référence à la volonté contraire des parents, a-t-elle pour effet d'affirmer, paradoxalement, le caractère facultatif de cet enseignement ?

Votre commission spéciale en doute. Le projet de loi érige l'enseignement de la langue corse en « matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles », et rien, dans le dispositif adopté (sinon son inscription dans la loi), ne permet de distinguer le statut de cet enseignement de celui des autres disciplines du programme telles le calcul ou l'histoire, pour lesquelles il n'est pas de dispense possible.

L'interprétation contraire de l'Assemblée nationale et du Gouvernement se fonde sur le fait que le dispositif comparable, qui figure dans le statut d'autonomie de la Polynésie de 1996 précité, n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel.

Votre commission spéciale tient cependant à rappeler les termes de la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 qui ne sauraient être considérés comme une simple validation.

« Considérant que le deuxième alinéa de l'article 115 prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements du second degré ; qu'un tel enseignement ne saurait toutefois , sans méconnaître le principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire pour les élèves ; qu'il ne saurait non plus avoir pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, sous ces réserves , cet article n'est contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle . »

Ces réserves interprétatives qui, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tiennent le milieu entre la censure et la validation simple, pointent les ambiguïtés du dispositif concerné , et constituent, en quelque sorte, un avertissement dont le législateur doit, à l'avenir, tenir compte .

Votre commission spéciale juge donc préférable d'adopter un dispositif qui indique plus clairement le caractère facultatif de l'enseignement de la langue corse, plutôt que de confier, cette fois ci encore au juge constitutionnel, le soin de rappeler à quelles conditions un dispositif ambivalent peut être considéré comme respectueux des principes constitutionnels.

Le dispositif qu'il vous propose d'adopter par un amendement est le suivant :

« Article L. 312.11.1 - La langue corse est une matière dont l'enseignement est proposé à tous les élèves dans le cadre de l'horaire normal des écoles de Corse . »

II. LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE ET DE LA CULTURE CORSES

Le II de cet article modifie l'article L. 4424.14 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4425.5.

Les modifications qu'il apporte au deuxième alinéa de cet article, consacré au plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses, sont mineures.

• Le droit en vigueur

L'article 53 du statut de 1991, codifié à l'article 4424-14 du code général des collectivités territoriales , invite, dans son deuxième alinéa, l'Assemblée de Corse à adopter, sur proposition du conseil exécutif, et après avis du Conseil économique, social et culturel de Corse, un plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses . Ce plan doit notamment prévoir les modalités d'insertion de cet enseignement dans le temps scolaire , modalités qui font l'objet d'une convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat.

Cette disposition n'a cependant pu trouver sa pleine traduction :

- le plan de développement de la langue et de la culture corses n'a été adopté par l'Assemblée de Corse qu'en 1999 ;

- le lancement des consultations de Matignon, relatives à l'adoption d'un nouveau statut, a interrompu la négociation de la convention prévue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Par coordination, le projet de loi supprime la référence à l'insertion de l'enseignement de la langue corse dans l'horaire normal des écoles, puisque celle-ci devrait dorénavant être inscrite dans la loi ; il modifie, en conséquence, l'objet de la convention conclue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. Celle-ci portera sur « les mesures d'accompagnement nécessaires et notamment celles relatives à la formation initiale et à la formation continue des enseignants. »

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe ( II ) sans modification.

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter ce paragraphe ( II ) sans modification.

III. L'ORGANISATION DU CONCOURS DU CAPES DE LANGUE CORSE

Votre commission spéciale vous propose de compléter l'article 7 par un paragraphe III additionnel relatif à l'organisation du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) de langue corse .

Pour l'organisation des concours du CAPES sont actuellement prévues, aux termes de l'arrêté du 30 avril 1991, un certain nombre de sections correspondant à diverses disciplines.

L'une de ces sections est consacrée aux concours de langues régionales : basque, breton, catalan, créole, occitan, langue d'oc. Ces concours sont dits bivalents , en ce qu'ils comportent, à côté des épreuves de langues régionales, des épreuves correspondant à l'option choisie par le candidat parmi les disciplines suivantes : français, langues étrangères (en particulier, langues voisines de la langue régionale), histoire-géographie, voire mathématiques (dans le cas du breton).

Le CAPES de Corse fait l'objet d'une section à part , et ne comporte que des épreuves de langue corse.

Votre commission spéciale, qui souhaite que le développement de l'enseignement de la langue corse s'effectue dans un esprit d'ouverture sur le monde , sans compromis avec les tentations toujours possibles d'un repli sur soi identitaire , vous propose de mettre fin à la situation exceptionnelle de ce CAPES monovalent pour inciter les candidats à s'ouvrir à une discipline complémentaire .

On peut certes s'interroger sur le point de savoir si l'organisation des concours de recrutement de l'Éducation nationale relève du domaine de la loi, d'ailleurs tout autant que la désignation des matières enseignées dans le cadre de l'horaire normal des écoles.

Mais, de la même façon que le Gouvernement a jugé bon, eu égard à sa portée symbolique, d'inscrire dans la loi l'insertion de l'enseignement du corse dans les horaires scolaires, votre commission spéciale vous propose, par cette disposition relative au CAPES de Corse, d'indiquer plus généralement l'esprit dans lequel doivent se développer l'ensemble des études de langue et culture corses.

Elle vous propose en conséquence d'adopter un amendement ainsi rédigé : « Le CAPES de Corse est réintégré dans la section des langues régionales ; il comporte en conséquence, à côté des épreuves de langue corse, des épreuves écrites et orales dans une autre discipline, choisie par le candidat parmi différentes options, selon des modalités comparables à celles qui prévalent dans les autres CAPES de langues régionales. »

Cette réforme permettra aux titulaires du CAPES de Corse, comme c'est déjà le cas pour les titulaires des autres CAPES de langues régionales, de pouvoir enseigner une seconde discipline.

Cette amélioration de leur polyvalence ne pourra que faciliter le déroulement ultérieur de leur carrière, en évitant de les enfermer dans une voie trop étroite.

Sous-section 2
De la culture et de la communication
Article 8
(art. L. 4424-16 du code général des collectivités territoriales)
Coopération décentralisée en matière culturelle

• Commentaire du projet de loi

Cet article procède à deux modifications au sein du deuxième alinéa de l'article L. 4424-16 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4424-6 :

- la possibilité, pour la collectivité territoriale de Corse, de favoriser des initiatives et de promouvoir des actions « dans le domaine de la création et de la communication » est élargie au « domaine de la culture et de la communication » ;

- la mention de la « Communauté européenne » est remplacée par la terminologie désormais en vigueur d' « Union européenne ».

• Position de l'Assemblée

L'Assemblée nationale a adopté, outre un amendement rédactionnel portant sur l'architecture de la sous-section 2, un amendement de la commission, précisant que les actions culturelles internationales de la collectivité territoriale de Corse se déroulent « dans le cadre de la coopération décentralisée ».

La coopération décentralisée est encadrée par les dispositions du chapitre II du titre unique du Livre I du code général des collectivités territoriales (articles L. 1112-1 à L. 1112-7) qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.

• Position de la commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9
(art. L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales ;
art. L. 144-6 du code de l'urbanisme)
Compétences en matière culturelle

Cet article comporte deux paragraphes :

- le premier ( I ) modifie l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales , qui devient l'article L. 4424-7 ; ce nouvel article se subdivise lui-même en trois paragraphes qui traitent respectivement : de la compétence générale de la collectivité territoriale de Corse et de l'Etat en matière culturelle (I) ; des transferts de compétences particulières (II) et des transferts de propriété des monuments historiques et des sites archéologiques opérés au profit de la collectivité territoriale de Corse ;

- le second ( II ) modifie le troisième alinéa de l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme et porte sur le mode de désignation des membres du conseil des sites de Corse.

I. COMPÉTENCES GÉNÉRALES EN MATIÈRE CULTURELLE (nouvel article L. 4424-7 I du code général des collectivités territoriales)

? Le droit en vigueur

Les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière culturelle sont actuellement définies par l'article 56 du statut de 1991, codifié à l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales.

Le premier alinéa de cet article dispose que « la collectivité territoriale de Corse définit les actions qu'elle entend mener en matière culturelle, au vu notamment des propositions qui lui sont adressées par les communes et les départements ».

? Les modifications proposées par le projet de loi initial

Le dispositif proposé par le paragraphe I du nouvel article L. 4424-7 se différencie du dispositif actuel sur trois points : il érige la collectivité territoriale de Corse comme acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle en Corse, tout en confirmant simultanément les fondements juridiques de l'intervention de l'Etat, et modifie la nature des relations que la collectivité territoriale de Corse entretient, en matière culturelle, avec les autres collectivités locales.

1. La collectivité territoriale de Corse comme acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle en Corse

Le projet de loi affiche clairement l'intention de procéder au renforcement des prérogatives de la collectivité territoriale de Corse de façon à en faire l'acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle.

Il dispose que « la collectivité territoriale de Corse définit et met en oeuvre la politique culturelle en Corse, en concertation avec les départements et les communes, et après consultation du conseil économique et social de Corse ».

Votre rapporteur tient à souligner que l'expression « définit et met en oeuvre la politique culturelle en Corse » va bien au-delà des formules utilisées dans les textes de décentralisation relatifs aux compétences des collectivités territoriales, et conférera bien à celle-ci une compétence de premier rang.

Ces compétences sont en effet généralement définies comme le pouvoir reconnu à leurs assemblées élues de régler, par leurs délibérations, les affaires de la collectivité, ou de promouvoir leur développement, ou encore de définir les actions qu'elles entendent mener dans un certain nombre de domaines limitativement énumérés (voir par exemple les articles L. 3211-1, L. 4221-1, L. 4433-1 et L. 4433-27 du code général des collectivités territoriales).

2. La procédure d'élaboration de « la politique culturelle en Corse »

Le projet de loi précise que cette politique culturelle est élaborée en concertation avec les départements et les communes , alors que, dans le statut actuel, la collectivité territoriale de Corse définit ses actions culturelles « au vu, notamment des propositions qui lui sont adressées par les communes et les départements ».

Cette nouvelle formulation tend à associer plus étroitement les autres collectivités locales à l'élaboration de la politique conduite par la collectivité territoriale de Corse, de façon à renforcer son unité.

Il pose également le principe d'une consultation préalable du conseil économique social et culturel de Corse, rendant celle-ci obligatoire, alors que l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales ne lui confère, en matière culturelle, qu'un caractère facultatif.

3. Le maintien d'une compétence générale mais résiduelle de l'Etat

Malgré la portée des prérogatives reconnues à la collectivité territoriale de Corse, l'action culturelle reste un domaine de compétences partagées .

Le projet de loi confirme en effet le maintien d'une compétence de l'Etat en matière culturelle . Il s'agit d'une compétence générale , qui n'est pas définie en relation avec des domaines particuliers, mais par son niveau de référence : « les actions relevant de la politique nationale » ;

La réponse écrite adressée par le Gouvernement à votre rapporteur précise que la politique nationale est celle qui est « définie à l'échelon ministériel » et qui « décline la politique générale de l'Etat ». Elle précise que, en dehors de textes normatifs peu nombreux, celle-ci s'exprime à travers le décret de compétences du ministère, la Directive nationale d'orientation annuelle signée par le ministre, et enfin les moyens financiers inscrits au projet de loi de finances.

Ces différents textes donnent une définition très large et générale du champ d'intervention de la politique culturelle nationale. L'article premier du décret du 10 mai 1982 modifié relatif à l'organisation du ministère de la culture en fournit l'illustration. Il dispose en effet que celui-ci a pour mission « de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d'inventer et de créer, d'exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l'art français dans le libre dialogue des cultures du monde . ».

Saisie de l'avant projet de loi en décembre 2000, l'Assemblée de Corse avait critiqué la distinction établie entre la politique conduite par la collectivité territoriale de Corse et cette politique nationale dont l'Etat conserverait la mise en oeuvre, estimant qu'elle était « de nature à maintenir une dualité de services confuse et préjudiciable ».

Il reviendra au Gouvernement de veiller à ce que l'application qui sera faite de ce dispositif reste conforme à son esprit et qu'elle sache éviter le maintien de chevauchements de compétences préjudiciables.

4. Le rôle central de la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse

Compte tenu du caractère général de leurs compétences en matière culturelle, la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour définir l'articulation de leurs actions revêtira un caractère essentiel.

Le recours à une convention est conforme aux orientations actuelles de la politique culturelle, formulées notamment dans le schéma de services collectifs culturels qui préconisent un développement de la contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales.

On relèvera cependant que le projet de loi ne fournit aucune indication :

- ni sur les personnes autorisées à négocier cette convention (Conseil exécutif ou Assemblée de Corse d'un côté ; échelon ministériel ou préfectoral de l'autre) ;

- ni sur la durée ou la périodicité de la convention.

5. Les relations entre la collectivité territoriale de Corse et les autres collectivités locales

Le deuxième alinéa du paragraphe I confie à la collectivité territoriale de Corse un « rôle de liaison, de conseil et d'assistance aux collectivités locales en matière culturelle ».

Dans la présentation qu'il en donne, l'exposé des motifs précise que ce dispositif permettra à la collectivité territoriale de Corse de « coordonner les actions des autres collectivités territoriales ».

Si telle devait être la portée du deuxième alinéa du I, celui-ci serait certainement contraire au principe de la libre administration des collectivités territoriales dont l'une des traductions est rappelée à l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales et à la prohibition de toute forme de tutelle de l'une sur une autre.

La lecture littérale du dispositif du projet de loi évoque cependant un mode de relations plus lâche et de ce fait moins susceptible d'encourir la censure du Conseil constitutionnel. Le texte ne précise pas si cette mission de conseil et d'assistance reconnue à la collectivité territoriale de Corse a vocation à se substituer à celle qu'exercent traditionnellement les services de l'Etat, ou si les collectivités locales pourront, à leur guise, s'adresser à l'un ou l'autre de ces interlocuteurs.

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, sur le nouvel article L. 4424.7-I, un amendement déposé par le Gouvernement.

Cet amendement a deux objets :

- il complète la description des compétences de l'Etat en matière culturelle, en précisant qu'outre les actions relevant de la politique nationale, il « assure les missions de contrôle scientifique et technique » ; il répond à un amendement de la commission des lois, également adopté par l'Assemblée nationale, qui avait supprimé le dernier alinéa du paragraphe du même article, de portée voisine, puisqu'il disposait que « dans toutes les actions qu'elle conduit en matière culturelle, la collectivité territoriale de Corse reste soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat » ; ce changement de position dans le texte ne devrait pas avoir de conséquence sensible, d'autant que, par delà ce rappel de principe, l'exercice de ces missions de contrôle est généralement déjà organisé par des dispositions législatives ou réglementaires, valables, en l'état actuel des choses sur l'ensemble du territoire ;

- il ajoute au premier alinéa du I une phrase précisant que, dans la convention qu'il passe avec la collectivité territoriale de Corse, l'Etat peut charger cette dernière de la mise en oeuvre de certaines actions qui relèvent de la politique nationale ; cette possibilité pourrait ouvrir la voie à un allègement des services déconcentrés du ministère de la culture en Corse ; il convient cependant de rappeler que cette convention ne saurait avoir pour effet de transférer à la collectivité territoriale de Corse des compétences qui sont expressément attribuées par la loi à l'Etat ou à ses représentants.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose un amendement destiné à rendre facultative la passation d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, de façon à éviter toute situation de blocage du dispositif, dans l'hypothèse où les deux parties ne parviendraient pas à finaliser rapidement leur accord.

II. TRANSFERTS DE COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES AU PROFIT DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE (nouvel article L. 4424-7-II du code général des collectivités territoriales)

? Le droit en vigueur

Le deuxième alinéa de l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 56 du statut de 1991 reconnaît déjà à la collectivité territoriale de Corse un certain nombre de compétences spécifiques, en matière :

- de diffusion artistique et culturelle ;

- de sensibilisation et d'enseignement artistique ;

- de travaux de conservation des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, sous réserve des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

? Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi conforte les transferts de compétences déjà opérés, et en complète la liste.

1. Compétence en matière de patrimoine protégé

Le projet de loi confirme les compétences déjà reconnues à la collectivité territoriale de Corse en matière de travaux de conservation sur les monuments historiques ; ceux-ci pourront également porter sur leur mise en valeur. La collectivité territoriale de Corse peut également conduire des études, et proposer à l'Etat des mesures de protection des monuments historiques. Cette dernière disposition ne fait au demeurant que donner une consécration législative à une faculté qui est déjà ouverte à la collectivité territoriale de Corse comme à toute collectivité locale, aux associations ou aux propriétaires (circulaire du 24 janvier 1985 portant application des décrets n° 84-1006 et n° 84-1007 du 15 novembre 1984).

2. Compétence en matière archéologique

Cette compétence est, en revanche, nouvelle. Comme pour le patrimoine protégé, elle porte à la fois sur la conservation et la mise en valeur des sites archéologiques. Si l'élaboration de la carte archéologique reste de la compétence de l'Etat, conformément à l'article 3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, la collectivité territoriale de Corse pourra cependant y être associée de façon souple, en fournissant les éléments nécessaires à son établissement. Elle sera en outre consultée sur le programme des fouilles sur son territoire exécutées par l'Etat, dans le cadre du titre II de la loi du 27 septembre 1941.

3. Autres transferts de compétences

Le projet de loi autorise en outre la collectivité à définir les actions qu'elle entend mener en matière d'inventaire du patrimoine, de recherches ethnologiques, de muséographie, d'aide au livre et à la lecture publique, de soutien à la création, de diffusion artistique et de sensibilisation à l'enseignement artistique. Cette liste reprend assez fidèlement les demandes formulées par l'Assemblée de Corse, dans son avis de décembre 2000.

Ces compétences se rattachent à des compétences déjà en partie reconnues à la collectivité territoriale de Corse soit par des textes généraux, soit par le statut de 1991 :

- l'inventaire du patrimoine est, d'une façon générale, de plus en plus souvent réalisé par l'Etat en partenariat avec les collectivités territoriales concernées, et en particulier les départements, et les premiers protocoles de décentralisation qui ont été conclus explorent les moyens d'approfondir cette collaboration ; en Corse, un partenariat se développe sur la base de la charte culturelle de 1997 ;

- les collectivités locales disposent déjà en vertu de l'article 1423-1 du code général des collectivités territoriales d'une grande autonomie dans l'organisation et le financement de leurs musées , même si leur activité reste soumise au contrôle technique de l'Etat ;

- le statut de 1991 reconnaît déjà à la collectivité territoriale de Corse le pouvoir de mener des actions en matière de diffusion artistique et culturelle ;

- les compétences attribuées à la collectivité territoriale de Corse en matière de diffusion artistique et culturelle sont étendues au soutien à la création et à la sensibilisation à l'enseignement artistique ;

- les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière d'aide au livre et à la lecture publique devront respecter les compétences départementales et communales (celles-ci résultent, notamment des articles L. 1422-1 à 9 du code général des collectivités territoriales) ;

- des compétences lui sont également attribuées en matière de muséographie et de recherches ethnologiques .

4. Le maintien du contrôle scientifique et technique de l'Etat

Dans le projet de loi initial, un dernier alinéa précisait que, « dans toutes les actions qu'elle conduit en matière culturelle, la collectivité territoriale de Corse reste soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat ».

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à l'article L. 4424-7-II :

- le premier insère un alinéa additionnel après le deuxième alinéa destiné à associer la collectivité territoriale de Corse aux procédures de classement des monuments historiques en lui conférant la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites créée par l'article 1 er de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 ; cet amendement semble méconnaître que l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme substitue, en Corse, à cette commission un conseil des sites de Corse qui exerce, notamment, ses attributions ;

- le second procède à la suppression du dernier alinéa du paragraphe II relatif au contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les actions conduites par la collectivité territoriale de Corse. On notera que cette disposition conservatoire a été réintroduite sous une forme à peine différente, par un amendement d'origine gouvernementale, dans le paragraphe I de ce même article L. 4424-7.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous soumet, outre deux amendements rédactionnels, un amendement de cohérence supprimant le troisième alinéa de l'article L. 4424-7-II relatif à la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites, puisque cet organisme n'existe pas en Corse.

III. LE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DES MONUMENTS HISTORIQUES ET DES SITES ARCHÉOLOGIQUES (nouvel article L. 4424-7-III du code général des collectivités territoriales)

? Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi transfère la propriété des monuments historiques et des sites archéologiques appartenant à l'Etat situés en Corse. Ce transfert porte également sur les objets mobiliers qu'ils renferment ou qui en sont issus. En sont cependant exclus les bâtiments occupés par les services de l'Etat ou par les organismes placés sous sa tutelle.

Il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de fixer la liste des bâtiments et sites qui seront transférés.

Parmi les monuments et sites susceptibles de faire l'objet de ce transfert figurent la cathédrale d'Ajaccio, la chapelle impériale et les sites archéologiques d'Aleria, Cucuruzzo et l'Araguina-Sennola.

Il est à noter que le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la propriété de la cathédrale d'Ajaccio constituera une première entorse à un principe vénérable, puisqu'il trouve son origine dans un avis du Conseil d'Etat du 2 Pluviôse An XIII, selon lequel les cathédrales sont propriété de l'Etat, et les églises, celle des communes.

Ce transfert de propriété ne devrait pas se traduire, en l'état actuel du droit, par un affaiblissement de la protection des monuments classés , dans la mesure où comme en dispose l'article 8 de la loi de 1913, « les effets de classement suivent l'immeuble classé en quelque main qu'il soit ». Le déclassement d'un immeuble est prononcé selon des procédures identiques quel qu'en soit le propriétaire (article 13).

En outre, le ministre de la culture conserve, en vertu de l'article 9 de la loi de 1913 précitée, la faculté de faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l'Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d'entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments n'appartenant pas à l'Etat. Lorsque la conservation d'un immeuble classé est gravement compromise par l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, le ministre de la culture peut en outre, sur le fondement de l'article 9-1 de ladite loi, mettre en demeure le propriétaire de procéder auxdits travaux.

Quant aux monuments inscrits , ils ne peuvent faire l'objet d'aucune modification sans que ces travaux ait été notifiés, quatre mois auparavant au préfet de région permettant, le cas échéant, au ministre de la culture d'engager une procédure de classement.

? Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe (III) sans modification.

? Position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement substituant au mot bâtiment, trop restrictif, le mot immeuble qui englobe le bâti et les terrains qui l'entourent.

IV. NOMINATION DES MEMBRES DU CONSEIL DES SITES DE CORSE (article L. 144-6 du code de l'urbanisme)

L'article 9 du projet de loi comporte un deuxième paragraphe ( II ) qui a pour objet de modifier le troisième alinéa de l'article L. 144-6 du Code de l'urbanisme relatif à la composition du conseil des sites de Corse .

• Droit en vigueur

Cet alinéa précise que le conseil des sites de Corse doit comporter des représentants de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse, et que sa composition est fixée par décret après avis de l'Assemblée de Corse et des conseils généraux des départements de Corse.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi renvoie à un décret en conseil d'Etat le soin de fixer la composition du conseil des sites et opère un partage du pouvoir de nomination de ses membres. Il précise que la moitié d'entre eux seront nommés par le représentant de l'Etat , et l'autre moitié par le président du conseil exécutif.

Ce partage du pouvoir de nomination au profit du seul président du conseil exécutif, se substitue aux garanties offertes par le précédent statut à l'ensemble des collectivités locales corses :

- le décret fixant la composition du conseil était pris après consultation de la collectivité territoriale de Corse et des départements ;

- il devait garantir la présence, au sein de ce conseil, de représentants de la collectivité territoriale de Corse et des départements ;

• Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe sans modification.

Toutefois, à l'occasion de la discussion du précédent paragraphe, elle avait adopté un amendement proposant de confier à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites, qui n'existe pas en Corse.

Souhaitait-elle par delà cette erreur matérielle, confier à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence du conseil des sites, dont les attributions englobent celles qui sont exercées, sur le continent, par cette commission et par deux autres organismes ?

• Position de votre commission spéciale

Le conseil des sites de Corse , créé par l'article 59 du statut de 1991, et inséré à l'article L. 144-6 de l'urbanisme est composé de 28 membres dont 8 représentants de l'Etat, 8 représentants des diverses collectivités locales, 8 personnalités qualifiées, et 4 représentants d'associations. Il a vocation à cumuler les attributions qui, sur le reste du territoire, sont réparties entre trois organismes distincts :

1. La commission (régionale) du patrimoine et des sites (CRPS)

Prévue à l'article premier de la loi n° 97-179 du 28 février 1997, celle-ci exerce les compétences autrefois dévolues à deux organismes distincts : la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) et le collège régional du patrimoine et des sites.

Sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement ont été précisées par le décret n° 99-78 du 5 février 1999. Placée auprès du préfet de région, elle peut émettre des avis et proposer des orientations sur toutes les questions intéressant le patrimoine. Par delà cette compétence générale, elle est plus particulièrement chargée d'émettre des avis sur :

- les propositions de classement et d'inscription des monuments historiques ;

- les projets de créations de zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ;

- les demandes d'autorisation de travaux dans le champ de visibilité des édifices protégés au titre de la loi de 1913, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, et dans les secteurs sauvegardés ;

La commission comprend 30 membres qui conformément aux principe posés par la loi de 1997 sont :

- des représentants de l'Etat ;

- des personnalités titulaires d'un mandat électif national ou local, nommées par le représentant de l'Etat, parmi lesquels figure au moins un élu d'une commune dotée d'un secteur sauvegardé ou en ZPPAUP ;

- des personnalités qualifiées et des représentants d'associations oeuvrant en matière de protection du patrimoine.

2. La commission spécialisée des unités touristiques nouvelles

Prévue par l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, elle constitue une commission spécialisée, désignée en son sein par le comité de massif, et n'exerce donc ses attributions qu'en zone de montagne. Composée d'une quinzaine de membres au maximum, elle comprend, outre le représentant de l'Etat dans la région, une majorité de représentants des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements.

3. La commission départementale des sites

Prévue par les articles L. 146-4, L. 146-6 et L. 146-7 du code de l'urbanisme, elle est chargée d'émettre un avis notamment en matière de protection des sites et paysages, de création de réserves naturelles, d'élevage d'animaux non domestiques, et d'installations d'enseignes de publicité lumineuses.

Ses attributions et sa composition ont été précisées par un décret n° 98-865 du 23 septembre 1998. Celui-ci prévoit que la commission présidée par le représentant de l'Etat dans le département est composée de quatre formations selon le sujet dont elle est saisie :

- une formation dite des « sites et paysages » composée de 6 représentants de l'Etat, de 6 représentants des collectivités territoriales (3 conseillers généraux désignés par le conseil général, et 3 maires désignés par l'association départementale des maires) et 6 personnalités qualifiées ;

- trois formations dites respectivement « de la protection de la nature », « de la faune sauvage captive » et « de la publicité » qui reçoivent chacune l'apport additionnel de cinq personnalités qualifiées.

Les attributions de la commission ont été récemment étoffées par deux dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain :

- son accord permet aux communes non dotées d'un plan local d'urbanisme d'obtenir, sous certaines conditions une dérogation à l'interdiction de construire à proximité de l'axe des autoroutes et des routes à grande circulation posée à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme ;

- son accord permet, en zone de montagne, de prévoir à titre exceptionnel, des zones d'urbanisation future de taille ou de capacités d'accueil limitées (article L. 145-3 du code précité).

Votre commission spéciale tire un certain nombre d'observations de cette présentation :

a) Tout d'abord les attributions du conseil des sites de Corse sont très variées puisqu'elles correspondent à celles qui sont exercées par trois organismes distincts. Ses effectifs assez restreints (fixés à 28 membres par le décret n° 93-556 du 26 mars 1993) ne lui permettent semble-t-il pas, d'exercer pleinement ses compétences , et en particulier celles qui sont attribuées sur le continent à la commission régionale du patrimoine et des sites. Aussi conviendrait-il de prévoir, sans remettre en question le principe de son unité, que le conseil des sites de Corse est composé de plusieurs sections, ou formation s dont la composition serait modulée en fonction de leurs secteurs d'intervention ; tel est un des deux objets de l' amendement que vous propose votre commission spéciale.

b) Le partage du pouvoir de nominations entre le préfet et le président du conseil exécutif constitue une proposition novatrice qui s'écarte des pratiques en usage, et soulève un problème de fond, particulièrement si, comme l'a semble-t-il envisagé l'Assemblée nationale, elle se doublait de l'instauration d'une co-présidence au profit de la collectivité territoriale de Corse.

On relèvera en effet que les différents organismes susmentionnés, ainsi que le conseil des sites de Corse, dans sa composition actuelle, comportent des représentants des différentes collectivités territoriales, élus respectivement par leur organe délibérant, ou pour les élus municipaux désignés par l'assemblée départementale des maires. Le projet de loi propose de substituer à ces modes de désignation respectueux de l'autonomie de chacun des échelons de décentralisation, une concentration du pouvoir de nomination entre les mains du seul président de l'exécutif de la collectivité territoriale de Corse .

Celle-ci soulève de nombreux problèmes. Doit-on déduire de cette disposition qu'il reviendra au président du conseil exécutif de nommer les représentants des autres collectivités territoriales ? Mais ce pouvoir, s'il ne se borne pas formellement à prendre acte d'une désignation déjà opérée, ne pourrait-il être assimilé à une forme de tutelle exercée par une collectivité sur une autre , prohibée par le principe de libre administration des collectivités territoriales ?

Les attributions du conseil des sites portent en outre sur des matières qui intéressent directement les collectivités locales, et en particulier les communes. On citera pour mémoire l'avis qu'il est invité à rendre en appel en cas de désaccord entre le maire (ou l'autorité compétente pour mettre un permis de construire) et l'Architecte des bâtiments de France ; ou encore l'accord auquel est subordonné la dérogation à une construction sous l'axe d'une route à grande circulation.

La position prépondérante qui serait reconnue au président du conseil exécutif de Corse à travers son pouvoir de nomination, renforcée le cas échéant par l'attribution d'une co-présidence, ne pourrait-elle, là encore, apparaître comme une forme de tutelle prohibée par l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, l' amendement que vous propose votre commission spéciale aura également pour objet de garantir la présence, au sein du conseil des sites de Corse, de représentants des différentes collectivités locales de Corse, et de confier le pouvoir de nomination pour moitié au représentant de l'Etat et pour moitié à l'Assemblée de Corse, aux conseils généraux et aux assemblées départementales des maires.

Article 10
(art. L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales)
Création d'infrastructures de communication

Cet article a pour objet d'insérer un article L. 1511-6-1 dans le code général des collectivités territoriales afin de dispenser la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions imposées par l'article L. 1511-6 du même code aux collectivités territoriales qui souhaitent créer des infrastructures de télécommunications. Il est aujourd'hui vidé de l'essentiel de sa substance depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui a modifié le dispositif de l'article L. 1511-6 précité.

• Le droit en vigueur

La loi n° 99-533 du 25 juin 1999 a inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article L. 1511-6 qui autorise les collectivités territoriales à procéder elles-mêmes à l'installation de réseaux de télécommunication à haut débit , nécessaires, notamment pour une utilisation performante d'internet.

Elle ne peuvent en revanche exploiter elles-mêmes ces infrastructures « passives » mais les mettent à la disposition des opérateurs de télécommunications moyennant un tarif de location.

Le Sénat, qui souhaitait donner un fondement juridique à une pratique déjà très répandue, avait pris l'initiative, à l'occasion de la discussion de cette loi, de proposer un dispositif équilibré, n'imposant pas de contraintes excessives. Mais l'Assemblée nationale n'avait pas suivi ses propositions et avait préféré adopter un dispositif particulièrement restrictif :

- les collectivités territoriales n'étaient en effet autorisées à créer ces infrastructures que « dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'ils demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils attendent » (alinéa 1).

- elles ne pouvaient arrêter leur décision « qu'à l'issue de la mise en oeuvre d'une procédure de publicité permettant de constater la carence définie au premier alinéa, et d'évaluer les besoins des opérateurs susceptibles d'utiliser les infrastructures projetées » (alinéa 4).

- enfin, et cette dernière disposition n'était pas la moins contraignante, la durée d'amortissement prise en compte pour évaluer le tarif de la location était limitée à huit ans (alinéa 5).

Devant les difficultés suscitées par cette réglementation, le Gouvernement a déposé, à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 1511-6 qui s'inspire directement de celle adoptée par le Sénat en 1999, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Cette rédaction supprime en effet les obligations relatives à la carence des acteurs du marché, à son constat par une procédure de publicité, et à l'amortissement sur huit ans des infrastructures réalisées par une collectivité locale. Elle apporte en revanche deux nouvelles précisions :

- les collectivités territoriales sont autorisées à déduire du coût de location facturée aux opérateurs les subventions publiques qui peuvent être consenties dans certaines zones géographiques ;

- les infrastructures créées par les collectivités locales peuvent être mises à la disposition non seulement des opérateurs, mais d'utilisateurs « finaux ».

Le Sénat a adopté ce dispositif sans modification.

• Le dispositif proposé par le projet de loi

Le projet de loi insère dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 1511-6-1 qui dispense la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions posées par l'ancien article L. 1511-6 à la création, par une collectivité locale, d'infrastructures de télécommunication :

- l'existence d'une carence des acteurs du marché ;

- son constat par une procédure de publicité ;

Il n'envisageait pas, en revanche, d'allonger la durée d'amortissement prise en compte dans la fixation du tarif de location proposé aux opérateurs.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

• La position de votre commission spéciale

Le dispositif de l'article L. 1511-6 du code précité auquel l'article 10 proposait de déroger en faveur de la collectivité territoriale de Corse n'est plus en vigueur depuis la promulgation de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui lui a substitué une nouvelle rédaction.

Votre commission spéciale vous propose un amendement substituant au dispositif du deuxième alinéa, devenu sans objet, un dispositif tirant parti de la nouvelle rédaction de l'article L. 1511-6 et précisant que la Corse fait partie des zones géographiques dans lesquelles les subventions publiques peuvent être déduites du montant des coûts pris en compte dans le calcul du tarif de location proposé aux opérateurs de télécommunications, de façon à le rendre plus attractif.

Sous-section 3
Du sport et de l'éducation populaire
Article 11
(art. L. 4424-8 du code général des collectivités territoriales)
Compétences de la collectivité territoriale de Corse
en matière de sport et d'éducation populaire

Cet article introduit dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 4424-8 constitué de deux paragraphes qui ont respectivement pour objet de conférer à la collectivité territoriale de Corse une compétence générale pour mener des actions en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse ( I ) et de lui confier la répartition des subventions de fonctionnement du Fonds national pour le développement des sports destinées aux groupements sportifs locaux ( II ).

? Le dispositif proposé

Le premier paragraphe ( I ) du nouvel article L. 4424-8 définit les compétences respectives de la collectivité territoriale de Corse et de l'Etat en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse, selon des modalités comparables à celles que retient, à l'article 9, le premier paragraphe du nouvel article L. 4424-7 en matière de culture :

- il reconnaît une compétence générale à la collectivité territoriale de Corse pour « conduire des actions » en ce domaine ;

- en précisant que « l'Etat mène les actions relevant de la politique nationale », il laisse à ce dernier une possibilité d'intervention très générale ;

- enfin, il prévoit la possibilité pour l'Etat et la collectivité territoriale de Corse de passer une convention pour assurer « en tant que de besoin » la coordination de ces différentes actions : contrairement à la convention prévue en matière culturelle, cette convention reste donc facultative.

Le second paragraphe ( II ) transfère à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour répartir les subventions de fonctionnement provenant de la part régionale du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).

Créé par la loi de finances pour 1979, ce fonds est alimenté principalement par un prélèvement sur la Française des jeux, et par une contribution sur le produit de la vente des droits de diffusion télévisuelle des manifestations sportives.

Géré par le ministère de la jeunesse et des sports en concertation avec le mouvement sportif, il délivre des subventions qui correspondent à quatre types d'interventions : les subventions de fonctionnement de la « part nationale » sont destinées aux fédérations sportives ; les subventions de fonctionnement de la « part régionale » sont destinées aux clubs sportifs et aux structures déconcentrées des fédérations ; d'autres subventions sont destinées à la réalisation d'équipements sportifs et à des dépenses diverses en faveur du développement du sport.

Le Conseil du FNDS procède à la répartition globale des crédits de la part régionale, et élabore une note d'orientation destinée aux organes déconcentrés chargés de la gestion de ces crédits

En 2000, le montant des subventions de la part régionale s'est élevé à 343 millions de francs, dont 3,57 millions de francs ont été affectés à la Corse, répartis entre la collectivité territoriale de Corse (1,77 million de francs), et les deux départements (0,99 million chacun).

La procédure d'attribution de ces crédits au plan local est régie par les dispositions du décret n° 87-65 du 4 février 1987. Elle fait intervenir une commission régionale du FNDS présidée par le préfet de région et constituée sur une base paritaire comprenant :

- du côté de l'administration, les préfets des départements et le directeur régional de la jeunesse et des sports ;

- du côté du mouvement sportif, le président du comité régional olympique et sportif et des représentants des disciplines sportives dont la moitié au moins est issue des disciplines olympiques.

Cette commission est consultée sur les deux étapes de la procédure :

1) elle donne son avis au représentant de l'Etat dans la région sur les principes de la répartition des crédits de la part régionale et de la part départementale ;

2) elle donne ensuite son avis :

- au représentant de l'Etat dans la région sur la répartition des aides accordées aux organismes et actions d'intérêt régional ;

- au représentant de l'Etat dans le département sur la répartition des aides accordées aux organismes et actions d'intérêt local.

Ces dépenses sont ensuite engagées et ordonnancées par le représentant de l'Etat dans la région et le représentant de l'Etat dans le département.

Le projet de loi modifie la procédure locale de répartition de ces crédits :

- il désigne la collectivité territoriale de Corse comme « attributaire » des subventions de fonctionnement destinées aux groupements sportifs locaux ;

- il prévoit une procédure qui laisse de côté le mouvement sportif, puisqu'elle prévoit que ces subventions sont affectées « par délibération de l'Assemblée de Corse sur proposition du conseil exécutif et après consultation du représentant de l'Etat ».

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements :

- elle a complété le I par un amendement d'origine gouvernementale précisant que, dans la convention qu'il passe avec la collectivité territoriale de Corse pour assurer la coordination de leurs actions respectives, l'Etat pouvait aussi charger cette dernière de la mise en oeuvre de certaines de ces actions ; cet amendement constitue le pendant d'un amendement identique concernant la convention que l'Etat et la collectivité territoriale de Corse passent en matière d'action culturelle ;

- elle a complété le II par un amendement de la commission des lois réintroduisant une consultation des représentants du monde sportif dans la nouvelle procédure d'attribution des subventions du FNDS. A cet effet, cet amendement crée une « commission territoriale pour le développement du sport en Corse », dont la composition est fixée par délibération de l'Assemblée de Corse, et qui comprend, pour moitié, des représentants du mouvement sportif et notamment du comité régional olympique et sportif (CROS) ; ce dernier membre de phrase indiquant que, contrairement à la pratique actuelle, le CROS perdrait en Corse son monopole de représentation du monde sportif.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose un premier amendement confortant le caractère facultatif de la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour coordonner leur action.

Votre commission spéciale rappelle en outre que le Comité national olympique et sportif français , dont les statuts sont approuvés par décret en Conseil d'Etat, est, en vertu de l'article 19 de la loi de 1984 l'organisme habilité à représenter les associations sportives, les sociétés sportives que ces dernières auraient constituées, ainsi que les fédérations sportives et leurs licenciés. A ce titre, il est l'interlocuteur légal des pouvoirs publics à l'échelle nationale. Ses structures déconcentrées, comités régionaux olympiques et sportifs et comités départementaux olympiques et sportifs sont les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales à l'échelle locale.

Votre commission spéciale vous proposera donc d'adopter un amendement excluant que le mouvement sportif puisse, en Corse, être représenté par des groupements extérieurs au comité régional olympique et sportif.

SECTION 2
De l'aménagement et du développement

Consacrée à l'aménagement du territoire de la Corse et aux conditions de son développement durable, la deuxième section du chapitre II du projet de loi insère une section 2 au chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle est composée de cinq articles, respectivement regroupés en trois sous-sections relatives :

- au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (articles 12 et 13),

- aux transports et aux infrastructures (articles 14 et 15),

- et au logement (article 16).

Votre commission spéciale vous propose d'insérer deux sous-sections avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi.

Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Délimitation du domaine public maritime

Votre commission spéciale vous propose d'insérer une division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi, intitulée « De la délimitation du domaine public maritime en Corse ». Celle-ci tend à individualiser, au sein du texte, les dispositions tendant à insérer des dispositions au code du domaine de l'Etat, par deux amendements tendant à insérer des articles additionnels dont l'économie vous est présentée ci-après.

Article additionnel avant l'article 12
Modification de l'intitulé du titre V
de la première partie du livre IV du code du domaine de l'État

Cet article additionnel tend à modifier l'intitulé du titre V de la première partie du livre IV du code du domaine de l'État, par coordination.

Votre commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé du titre V du livre IV ( Dispositions diverses ) du code du domaine de l'État, actuellement intitulé Dispositions particulières et finales, afin de le consacrer aux Dispositions applicables à la collectivité territoriale de Corse et, par coordination, de déplacer l'actuel titre V, sous l'appellation de Titre VI.

L'introduction de cette division additionnelle permettrait d'insérer l'article additionnel ci après.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Délimitation du domaine public maritime en Corse

Cet article additionnel tend à fixer le principe d'une délimitation du domaine public maritime en Corse.

Au cours de sa mission dans l'île, votre commission spéciale a noté que sur de nombreuses parties du littoral de la Corse, le domaine public maritime n'était pas délimité. Cette situation pose des problèmes récurrents, à commencer par ceux que rencontrent les pouvoirs publics pour sanctionner l'occupation abusive de ce domaine.

En effet, le premier moyen invoqué par les personnes accusées d'occuper de façon illégale le domaine public maritime (DPM), est précisément l'absence de délimitation de celui-ci, et par conséquent la licéité de la contravention de grande voirie qui réprime leurs agissements.

L'adoption de cet amendement donnerait un signe tangible de la détermination de l'Etat à clarifier une question sans cesse évoquée , et qui, de l'avis unanime des spécialistes rencontrés par votre rapporteur, relève du défaut d'une volonté politique, et non d'une impossibilité technique.

Lorsque l'Etat veut délimiter le DPM, il y parvient. Il a ainsi été procédé à une telle délimitation dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, en vertu de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.

L'amendement qui vous est proposé s'inspire, en conséquence, des dispositions du dernier alinéa du II de l'article L. 89-1 du code du domaine de l'Etat, applicable aux deux département d'outre mer précités. Il prévoit que le domaine public maritime de Corse sera délimité dans un délai d'un an à compter de publication de la loi.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Dispositions relatives au littoral

Votre commission spéciale vous propose de consacrer à diverses dispositions intéressant le littoral une sous-section additionnelle avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier. Cette sous-section s'intitulerait : « Des dispositions applicables au littoral ».

Cette sous-section serait composée de cinq articles additionnels insérés par des amendements dont l'économie générale se présente comme suit :

Article additionnel avant l'article 12-
Interdiction de construire dans les espaces remarquables
où est survenu un incendie de forêt

Cet article additionnel tend à éviter que des pyromanes ne mettent le feu à des zones naturelles afin de leur faire perdre ce statut pour les rendre constructibles .

Le juge administratif considère que dès lors qu'un espace naturel remarquable a brûlé, il perd ce caractère et devient urbanisable.

Votre commission spéciale estime souhaitable de donner un signal clair à l'attention de l'opinion publique en signifiant qu'elle entend que les droits des incendiaires ne puissent primer sur la loi, et la voie de fait sur la voie de droit. C'est pourquoi elle vous propose de déclarer inconstructibles, tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect antérieur à un incendie criminel ou dont l'origine reste inconnue, les espaces qui en auront été victimes.

Cette mesure serait applicable à tout le territoire national, puisque la question des incendies de forêt ne se pose pas seulement en Corse et que les évolutions dues au réchauffement climatique donnent à penser que leur fréquence ira croissant.

Afin de conserver une certaine souplesse à cette législation, une autorisation délivrée par décret en Conseil d'Etat permettrait, le cas échéant, de déroger à cette règle.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12
Aide financière destinée au financement
des plan locaux d'urbanisme en Corse

Cet article additionnel tend à attribuer une aide financière exceptionnelle aux petites communes de Corse qui ne sont pas dotées d'un tel document.

Actuellement, 292 communes de Corse de moins de 3.000 habitants ne disposent pas de plan local d'urbanisme (PLU). Parmi elles, 31 sont soumises à la fois aux dispositions de la loi « littoral » et à celles de la loi « montagne ». Neuf sont exclusivement soumises à la loi « littoral », et 252 soumises à la seule loi « montagne ».

L'élaboration d'un tel document apparaît indispensable à votre commission spéciale dans la plupart des communes concernées :

- pour gérer dans la transparence la délivrance des permis de construire ;

- pour que les autorisations d'utilisation du sol soient délivrées au nom de la commune et non plus au nom de l'Etat, conformément à l'esprit de la décentralisation.

Le coût d'un PLU est dirimant pour de petites communes puisqu'il faut compter y consacrer, eu égard à la complexité des études requises, en moyenne 500.000 francs sur trois, voire quatre années. Les très petites communes sont donc dans l'impossibilité d'élaborer des PLU du fait du coût de ces documents. C'est pourquoi il apparaît légitime que l'Etat, leur accorde, une aide spécifique, motivée :

- parce que les difficultés d'élaboration de ces documents relèvent, bien souvent de la complexité et de l'uniformité de la législation nationale qui méconnaît les spécificités locales ;

- parce que ce sujet revêt une importance cruciale pour l'avenir de la Corse qui passe par une mise en valeur de son territoire.

C'est pourquoi, il vous est proposé de prévoir le versement d'une dotation spécifique aux communes qui souhaitent élaborer un PLU.

Le coût de cette mesure, pour les 292 communes de moins de 3.000 habitants serait, pour un PLU estimé, en moyenne, à 500.000 francs, au total de 146 millions de francs sur quatre ans, soit 36,5 millions par an pendant quatre ans. On notera que ce montant est dérisoire, par comparaison avec le montant annuel du PEI (qui serait d'un milliard de francs chaque année sur douze à treize ans) !

Le texte prévoit également un mécanisme de reversement des sommes perçues si une commune ne réalisait pas de PLU bien qu'elle ait perçu les sommes en question.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12
Gage

Cet article additionnel tend à gager l'octroi d'une dotation exceptionnelle destinée au financement de l'élaboration des PLU en Corse.

Le financement du coût de la généralisation des PLU en Corse ne saurait s'effectuer au détriment des autres collectivités locales bénéficiaires de la dotation globale de fonctionnement, ni entraîner un accroissement du montant des dépenses publiques.

Aussi vous est-il proposé d'insérer un article additionnel avant l'article 12, afin de prévoir des modalités d'attribution d'une majoration de la DGF qui ne porte pas préjudice aux autres bénéficiaires de cette dotation, ainsi que le gage de ce surcroît de dépenses.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Entrée en vigueur des dispositions
de l'article L.122-2 du code de l'urbanisme en Corse

Cet article additionnel tend à repousser de quatre ans, en Corse, le délai fixé par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme pour l'entrée en vigueur d'une disposition de la loi « SRU » qui limite la possibilité d'ouvrir certaines zones à l'urbanisation.

L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme qui résulte de l'article premier de la loi « SRU » interdit, à compter du premier janvier 2002, d'ouvrir à l'urbanisation les zones naturelles (ND) et les zones d'urbanisation future (Na) déterminées dans les PLU de toutes les communes situées dans une bande de quinze kilomètres qui s'étend à compter :

- du rivage de la mer ;

- ou de la périphérie des agglomérations de plus de 15.000 habitants.

Cette disposition rendra sans effet les mesures prises par le projet de loi pour alléger le carcan que constitue parfois le droit de l'urbanisme en Corse. Elle revient, en effet, à interdire aux communes qui ont fait l'effort de se doter d'un PLU, toute possibilité de développement, au motif qu'elles ne seront pas parvenues, dans l'année qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi « SRU », à réaliser un schéma de cohérence territoriale. A l'évidence, cette disposition, qui est compréhensible dans son esprit, puisqu'elle tend à favoriser une gestion intercommunale de l'espace, pose plusieurs problèmes aggravés dans le cas spécifique de la Corse :

- beaucoup de communes ne disposent pas de PLU, dès lors, il semble inéquitable de faire peser une obligation supplémentaire sur celles qui se sont dotées de cet instrument ;

- lorsqu'on connaît les difficultés qu'ont rencontré les services déconcentrés de l'Equipement pour établir un Atlas des espaces remarquables de la Corse et le temps qui a été nécessaire l'Etat pour définir sa propre doctrine -dont certains aspects s'avèrent, au demeurant, discutables-, on comprend aisément que plusieurs années seront nécessaires aux communes pour mener de front l'élaboration d'un PLU communal et celle d'un SCOT, à vocation intercommunale ;

- enfin à quoi sert de confier au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse le soin de fixer les grandes orientations d'urbanisme, pour permettre leur « adaptation » aux réalités locales, dans l'esprit de la jurisprudence constitutionnelle, si au même moment, ont renforce le « carcan législatif » dont se plaignent les habitants de l'île ?

C'est pourquoi il vous est proposé d'allonger de quatre ans la date entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme en Corse.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Réalisation d'aménagements légers

Cet article additionnel tend à autoriser la réalisation d'aménagement légers, sous réserve de l'adoption d'un plan d'aménagement du site dans des espaces « remarquables »

Les communes et les entités telles que le Conservatoire du littoral, qui gèrent au quotidien l'afflux des touristes dans des espaces « remarquables » se trouvent confrontés aux difficultés qui résultent de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Ce texte dispose que des aménagement légers peuvent être implantés dans des espaces remarquables, dès lors qu'ils « sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public ». Le décret pris pour l'application de ces dispositions prévoit, quant à lui, que constituent des aménagements « légers » :

- « Les chemins piétonniers et les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public , lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux ;

- « Les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières ne créant pas de surface hors oeuvre brute [...] ainsi que des locaux d'une superficie maximale de 20 mètres carrés, liés et nécessaires à l'exercice de ces activités pour répondre aux prescriptions des règlements sanitaires nationaux ou communautaires, à condition que la localisation et l'aspect de ces aménagements et locaux ne dénaturent pas le caractère des lieux et que la localisation dans ces espaces ou milieux soit rendue indispensable par des nécessités techniques.

Il s'avère, en pratique, que cette réglementation interdit l'implantation de sanitaires fixes, de chemins piétonniers ou même d'observatoires à oiseaux.

C'est pourquoi il vous est proposé d'autoriser, lorsqu'un plan de gestion du site portant sur l'ensemble de l'espace concerné a reçu un avis conforme de la commission départementale des sites ou, en Corse, du Conseil des sites, des équipements intégrés à l'environnement permettant l'accueil ou le passage des visiteurs, tels que des aires de stationnement, des observatoires de la faune, des sanitaires, des chemins piétonniers et des objets mobiliers destinés à l'information du public. Le texte précise que ces aménagements ne sauraient avoir pour objet de permettre l'hébergement des visiteurs.

Un dispositif analogue avait d'ailleurs été adopté par le Sénat, à la demande de sa commission des Affaires économiques, à l'occasion de l'examen de la loi « SRU ». En cette circonstance, le gouvernement avait indiqué par la voix de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, qu'il ne méconnaissait pas cette question, étant : « parfaitement conscient des problèmes que pose l'accueil des touristes dans les espaces remarquables, notamment auprès du littoral » 96 ( * ) . Malheureusement, ces dispositions n'avaient pas été retenues par l'Assemblée nationale.

Il est à noter qu'à la différence des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 12 du projet de loi, cette rédaction ne permet pas la délivrance d'autorisation de construire des « paillottes » , dans la bande des cent mètres et que son champ d'application concerne toute la France car le problème de la gestion de l'afflux des visiteurs se pose sur tous les littoraux où se trouvent des espaces naturels « remarquables ».

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Sous-section 1
Du plan d'aménagement et de développement durable
Article 12
Régime du plan d'aménagement
et de développement durable de la Corse (PADU)

Le premier paragraphe (I) de l'article 12 insère une section 2, intitulée « Aménagement et développement durable », au chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du CGCT, laquelle comprend les articles L. 4424-9 à L. 4424-15 de ce code, dont le dispositif figure au II du même article 12.

Le second paragraphe (II) de l'article 12 contient les articles L. 4424-9 à L. 4424-15 du CGCT qui détaillent le contenu, la portée normative et les conditions d'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable (PADU) de la Corse.

D'emblée, votre commission spéciale s'interroge sur l'opportunité de modifier des dispositions du code de l'urbanisme en procédant à des insertions au code général des collectivités territoriales. Cette méthode lui semble inappropriée, en ce qu'elle est la cause de nombreuses équivoques et d'imprécisions dommageables à la cohérence de l'ordonnancement juridique, non moins qu'à la clarté de la loi.

Après avoir rappelé l'état du droit applicable sur le littoral de la Corse, votre rapporteur présentera l'économie générale des articles insérés par l'article 12 au code général des collectivités territoriales, ainsi que les modifications que votre commission spéciale vous propose d'y apporter.

I. ÉTAT DU DROIT EXISTANT EN MATIÈRE DE DOCUMENTS DE PLANIFICATION ET DE PROTECTION DU LITTORAL

A. LES DOCUMENTS DE PLANIFICATION SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ÉLABORÉS EN CORSE EN VERTU DE LA LOI DU 13 MAI 1991

La Corse dispose actuellement de deux outils en matière de planification. D'une part, l'article 58 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 prévoit que la collectivité territoriale de Corse élabore « un plan de développement » qui vaut schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (cf. article 34 bis de la loi n° 95-115 précitée et article L. 4424-12 alinéa 2 du projet de loi). D'autre part, aux termes des articles L. 144-1 à L. 144-6 du code de l'urbanisme, cette collectivité établit un « schéma d'aménagement ».

Le plan de développement de la Corse

En vertu de l'article 4424-19 du CGCT, qui codifie l'article 58 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, la Corse élabore, au titre de ses attributions en matière de développement économique un Plan de développement qui détermine les objectifs à moyen terme du développement économique, social et culturel de l'île ainsi que les moyens nécessaires pour les atteindre et fixe les orientations sur la base desquelles doit être approuvé le schéma d'aménagement de la collectivité territoriale . Il prévoit notamment les programmes d'exécution nécessaires à la conclusion du contrat de plan avec l'Etat, qui constitue l'un des moyens par lesquels s'exerce la solidarité nationale indispensable à la collectivité territoriale de Corse pour assurer son développement économique et social.

Avant de s'intéresser à l'économie du dispositif normatif retenu par l'Assemblée nationale, il convient d'examiner, d'une part, le régime spécifique des documents d'aménagement de l'espace dont l'élaboration est prévue pour ce territoire en vertu de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 et, d'autre part, les principales dispositions de la loi « littoral » auxquelles l'article 12 apporte des dérogations. En effet, la modification du régime des documents de planification est, dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi, intimement liée à la volonté de modifier certaines dispositions de la loi littoral jugées trop contraignantes ou, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, afin de permettre « une meilleure prise en compte des spécificités géographiques de l'île, à travers une capacité d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires expérimentales encadrées dans les conditions visées à l'article 1 er » 97 ( * ) et précisées par l'article 12.

Le premier plan de développement de la Corse (PDC) a été adopté , le 29 septembre 1993 , par l'Assemblée de Corse. Dans l'introduction de ce document, l'accent est mis sur les diverses caractéristiques du modèle de développement que poursuit la Collectivité territoriale de Corse 98 ( * ) .

« Ouvert et équilibré », le développement de la Corse doit notamment permettre :

- d'élargir le marché intérieur corse ;

- de rééquilibrer la population active vers davantage de ressortissants du secteur privé ;

- de favoriser l'accroissement de la population.

Il doit également reposer sur l'environnement qui « constitue un des trois ou quatre atouts majeurs du développement de l'île » et qui « doit peser de tout son poids et davantage que par la passé lors de la réalisation d'équipements et d'infrastructures lourdes [...] ».

« Multipolaire », le développement de la Corse repose sur « un effort particulier de cohérence et de concertation préalable » qui se spécialise sur « les créneaux où la Corse bénéficie d'avantages comparatifs » (tourisme de nature, aquaculture, disciplines de recherche).

Le développement de la Corse doit en outre être « redistributif », tant au plan social qu'au plan spatial, « global » et « qualifiant », reposant sur des savoir-faire, une technicité et la volonté de mieux vendre.

Compte tenu de ces orientations générales, le PDC recommande de considérer le modèle de développement corse à l'aune de quatre fonctions :

- la fonction structurante qui suppose des actions dans les domaines des transports extérieurs, du réseau routier, des équipements collectifs liés à l'eau et à l'environnement, à l'énergie et aux télécommunications ;

- la fonction productive , qui passe par un développement du tourisme, de l'industrie, de l'artisanat, des services, des activités nouvelles, de l'agriculture et de la forêt ;

- la fonction spatiale qui repose sur la politique de l'environnement et sur l'aménagement du territoire ;

- et enfin, la fonction sociale à laquelle sont consacrées des recommandations concernant l'éducation et la formation, l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la jeunesse et les sports, les affaires sanitaires et sociales et l'habitat.

Par une délibération du 25 juin 1999, l'Assemblée de Corse a actualisé le PDC pour la période 2000-2006 , en mettant en avant les dix « points forts » figurant dans le tableau ci-après :

LES ORIENTATIONS DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORSE
RÉSULTANT DE L'ACTUALISATION
ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE DE CORSE
LE 25 JUIN 1999

1. Aménagement du territoire : privilégier les « territoires de projets » ;

2. Développement économique : substituer une logique de projet à une logique de guichet ;

3. Tourisme : structurer un secteur créateur de richesse ;

4. Transports : fiabiliser, maîtriser et rationaliser le service public ;

5. Agriculture : organiser la profession en filières ;

6. Energie et environnement : valoriser des atouts exceptionnels ;

7. Nouvelles technologies : favoriser la création de réseaux de communication performants ;

8. Education, Formation, Enseignement Supérieur et Recherche : viser l'élévation du niveau général, développer les formations professionnalisantes, ancrer et ouvrir l'université ;

9. Culture et Sports : affirmer leur rôle de lien social ;

10. Coopérations interrégionales : ouvrir la Corse sur l'extérieur.

Le schéma d'aménagement de la Corse (SDAC)

Aux termes des articles L. 144-1 et suivants du code de l'urbanisme, la collectivité territoriale de Corse établit également un schéma d'aménagement de l'espace , de protection et de mise en valeur de son territoire . Il détermine l'implantation des grands équipements d'infrastructure et les principes de localisation des activités industrielles, artisanales, agricoles, touristiques et celle des extensions urbaines . Il devait être établi dans les deux ans suivant l'adoption du premier plan de développement 99 ( * ) .

Ce schéma, qui vaut schéma de mise en valeur de la mer a, en outre, en vertu de l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement. Les documents de planification élaborés par les communes (SCOT, PLU, cartes communales) doivent être compatibles avec lui.

En application du décret n° 83-697 du 28 juillet 1983 relatif à la procédure d'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse, le délai avant le terme duquel la région Corse devait avoir statué sur le SDAC est expiré le 29 juillet 1985. Ce délai a été reporté à deux reprises par les lois n°s 85-97 du 25 janvier 1985 et 86-1290 du 23 décembre 1986, avant d'expirer le 24 décembre 1988.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, « La commission d'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse a été installée, une première fois, le 12 juin 1984 (sans parvenir à définir le programme d'études du schéma).

A la suite de la dissolution de l'Assemblée de Corse intervenue le 27 juin 1984, et de son renouvellement en août 1984, la commission, dans sa nouvelle composition, s'est réunie le 20 février 1985 et a approuvé les modalités d'élaboration du schéma et le programme d'études qui lui ont été proposés par l'exécutif régional.

De 1985 à octobre 1988, la commission ne s'est plus réunie : une réunion prévue en juin 1986 n'a pu se tenir valablement et début 1987 une réunion interservices sans valeur réglementaire a eu lieu ».

Finalement, les travaux ont commencé en octobre 1988 et ont abouti à la rédaction d'un rapport (octobre 1989) et à la réalisation de cartes (avril 1990).

Faisant application des dispositions du décret n° 83-697 du 28 juillet 1983 précité, le Gouvernement a décidé, le 16 janvier 1990, que l'Etat élaborerait lui-même le SDAC . A cette fin, le préfet de Corse a rendu public, le 25 janvier 1991, un « livre blanc » transmis à l'Assemblée de Corse, lequel a préludé au projet de schéma d'aménagement, transmis à la même Assemblée le 17 septembre 1991.

Bien que l'Assemblée de Corse ait expressément demandé que la procédure d'élaboration du SDAC soit suspendue, celle-ci s'est poursuivie jusqu'à l'approbation du projet de schéma par décret n° 92-129 du 7 février 1992.

Le schéma d'aménagement de la Corse en vigueur s'articule autour de trois orientations principales :

- doter la Corse des moyens de prendre place parmi les régions d'Europe, à la croisée de la façade méditerranéenne et de la dorsale alpine en améliorant les infrastructures ;

- préserver l'environnement pour valoriser les potentialités, tout en favorisant le tourisme et l'agriculture ;

- et enfin, intégrer littoral et intérieur dans le cadre de l'axe Ajaccio-Corte-Bastia et de diverses micro-régions.

Le schéma d'aménagement de la collectivité territoriale de Corse

Arrêté le 26 septembre 1997 par le Conseil exécutif de Corse, le projet de schéma d'aménagement a reçu l'avis défavorable du Conseil économique, social et culturel et du Conseil des sites de Corse. En janvier 1998, le Préfet de Corse, a fait savoir au Président du Conseil exécutif qu'il ne pouvait donner son accord aux dispositions du schéma valant schéma de mise en valeur de la mer (S.M.V.M.), certaines étant contraires à la loi « littoral ». Puis il a demandé au Président du Conseil exécutif, le 10 novembre 1998, de reprendre l'élaboration du schéma d'aménagement.

Le projet de loi entend fusionner les deux documents existants en un seul dispositif, élaboré au cours d'une procédure unique. A cette fin, sept articles, L. 4424-9 à L. 4424-15, seraient insérés dans le code général des collectivités territoriales (CGCT).

B. DISPOSITIONS DE LA LOI « LITTORAL » APPLICABLES EN CORSE

Afin de préserver le littoral d'une urbanisation croissante, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la protection et à la mise en valeur du littoral a établi une série de limitations au droit de construire sur les zones qui jouxtent les rivages de la mer . Cette loi, qui s'applique aujourd'hui de façon uniforme dans l'Hexagone et en Corse, est, en partie, codifiée aux articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme. Elle concerne les communes littorales visées à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, c'est-à-dire, les collectivités riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares, des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés.

La loi « littoral » distingue trois types d'espaces :

- la bande des cent mètres contiguë au rivage, située dans les espaces non urbanisés ;

- les espaces proches du rivage, qu'ils soient ou non situés dans les zones urbanisées ;

- la partie rétro-littorale , quelle que soit sa nature (urbanisée ou naturelle).

Dans la bande des cent mètres contiguë au rivage située dans des espaces non urbanisés, les constructions ou installations sont interdites , sauf si elles sont nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (article L. 146-4-III).

Dans les « espaces proches du rivage » -notion floue qui a donné lieu à une abondante jurisprudence- l'extension « limitée » de l'urbanisation est possible si elle est justifiée et motivée par le PLU en fonction de critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau . A contrario, toute autre forme d'urbanisation y est proscrite (article L. 146-4-II).

Enfin, dans la partie « rétro-littorale » qui couvre le territoire des communes littorales auquel s'applique la loi, l'extension de l'urbanisation n'est admise que :

- si elle s'effectue « en continuité » avec les agglomérations et les villages existants ;

- si elle revêt l'aspect de « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement » .

L'impact de ces dispositions est particulièrement important en Corse , dont le littoral représente 1.154 kilomètres (îles comprises) soit 14 % du linéaire côtier français . Ceci explique que la superficie des terrains acquis en Corse par le Conservatoire du Littoral soit la plus vaste de toutes les régions françaises avec 13.308 hectares, très loin devant la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) (9.990 hectares) ou la région Languedoc-Roussillon (7.138 hectares) 100 ( * ) .

Le nombre des documents d'urbanisme réalisés en Corse est peu élevé. En outre, par le jeu combiné de la loi « littoral », de la loi « montagne » et de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, toutes les possibilités de construire sont, bien souvent, « gelées ». On a vu, ci-dessus, les pesanteurs qu'occasionne parfois la loi « littoral ». On rappellera donc ici les difficultés entraînées par l'application combinée de la loi « montagne » et de la loi du 31 décembre 1913.

La loi « montagne » à laquelle la plupart des communes de Corse sont soumises, renforce, en effet, le principe d'inconstructibilité posé par le code de l'urbanisme en limitant la faculté d'y déroger, fût-ce en élaborant un PLU. Elle renforce le principe de construction en continuité avec les constructions existantes, alors même que le relief justifierait, parfois, d'y déroger. Tout au plus permet-elle, en théorie, de créer des « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement », sans que cette faculté soit, en pratique, utilisée, ni sur le continent, ni en Corse, du fait de la lourdeur d'une procédure qui revient à constituer, dans un espace à faible densité, une véritable zone d'aménagement. Enfin, la loi montagne soumet la construction d'unités touristiques nouvelles à des autorisations spécifiques, afin de lutter contre le « mitage » de l'espace montagnard et de préserver les activités agricoles et pastorales.

La loi du 31 décembre 1913 prévoit, quant à elle, que tous les permis de construire dans des zones situées dans le champ de visibilité des monuments historiques sont soumis au visa de l'architecte des bâtiments de France, ce qui limite fortement la possibilité de construire dans les environs immédiats du centre historique de nombreux villages.

La superposition de ces trois législations aboutit, en pratique, à geler toute possibilité de construire puisque, dès lors que l'on sort du champ d'application de la loi « littoral », on entre dans celui de la loi « montagne », que jouxte le périmètre de 500 mètres fixé par la loi de 1913 (notamment dans tous les petits villages dont la surface du bourg est peu étendue et où se trouve, bien souvent, un édifice classé au titre de la protection des monuments historiques).

II. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI AU RÉGIME EN VIGUEUR

Article L.4424-9 du Code général des collectivités territoriales
Contenu du PADU

Cet article détermine le contenu du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADU).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale :

L'article L. 4424-9 tel qu'il résulte du projet de loi initial , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle, repose sur une synthèse des dispositions des articles L. 4424-19 du CGCT, L. 144-1 du code de l'urbanisme, de certaines dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains et de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

En vertu du premier alinéa « le plan fixe les objectifs du développement économique, social, culturel et touristique de l'île, ainsi que ceux de la préservation de son environnement ». Cette rédaction est, pour l'essentiel, analogue à celle du premier alinéa de l'article L. 4424-19 précité qui ne fait, cependant, référence ni au développement touristique de l'île, ni à la préservation de son environnement.

Le second alinéa prévoit, quant à lui, comme l'article L. 144-1 du code de l'urbanisme relatif au schéma d'aménagement de la Corse, que le PADU définit les  « orientations fondamentales » en matière d'aménagement de l'espace , dans le cadre de la protection et de la mise en valeur du territoire de l'île, tout en enrichissant substantiellement son contenu, puisque le PADU s'intéresse aux orientations en matière :

- de transport , selon une approche multimodale (ce qui est cohérent avec l'approche multimodale de l'organisation des transports retenue par l'article 20 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée pour les schémas de service collectif) ;

- de télécommunications ;

- de valorisation des ressources énergétiques .

Reprenant des concepts déjà utilisés par l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme qui résulte de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), le second alinéa prévoit que les orientations du PADU respecteront dans une « perspective de développement durable » :

- l'équilibre entre les objectifs de renouvellement et de développement urbains ;

- la diversité sociale de l'habitat ;

- la préservation des activités agricoles et forestières ;

- la protection des espaces naturels, sites et paysages.

Le plan détermine enfin les « principes de localisation » :

- des grandes infrastructures de transport ;

- des grands équipements ;

- des espaces naturels, des sites et paysages à préserver ;

- des extensions urbaines ;

- des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives .

Observations de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souscrit à l'idée de confier à la collectivité territoriale de Corse compétence pour élaborer un document d'aménagement qui détermine les grands objectifs de développement de l'île et les orientations en matière d'aménagement de l'espace.

Elle vous propose cependant d'adopter, à l'article L. 4424-9 un amendement , afin :

d'opérer une clarification rédactionnelle tendant à faire référence, par analogie avec le 2°) de l'article L.121-1 du code de l'urbanisme au concept de « mixité sociale » plutôt qu'à celui de « diversité sociale » au troisième alinéa .

de renvoyer au code de l'urbanisme les dispositions concernant la mise en oeuvre du PADU . Il n'est, en effet, pas souhaitable que les dispositions techniques relatives au régime juridique d'un document d'urbanisme aussi important que le PADU ne figurent pas dans le code de l'urbanisme, alors même que celui-ci comprend, d'ores et déjà, un chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse au Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) de son Livre premier, consacré aux Règles générales d'utilisation du sol .

Par coordination, votre commission spéciale vous propose de déplacer dans le code de l'urbanisme les dispositions figurant aux articles L. 4424-11 à L. 4424-15 du projet de loi, par plusieurs amendements dont l'économie générale vous sera présentée ci-après.

Votre commission spéciale vous propose, en outre, d'adopter deux amendements tendant à insérer des paragraphes additionnels après l'article L. 4424-10 proposé par le projet de loi. Ils sont susceptibles de clarifier la position du PADU dans la hiérarchie des normes.

Soumission du PADU à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme

L'économie générale retenue par l'Assemblée nationale pour le régime juridique du PADU appelle une observation relative à la place du de ce document dans la hiérarchie des normes . En effet, l'exposé des motifs du projet de loi indique que le PADU devra respecter « l'ensemble des lois et règlements » 101 ( * ) . Cependant, le libellé du troisième alinéa de l'article L. 4424-9 du CGCT suscite une interrogation relative à la relation juridique existante entre le PADU et l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme. Ce dernier est capital, puisqu'il détermine les règles générales applicables à l'ensemble des documents d'urbanisme, qu'il s'agisse des directives territoriales d'aménagement (DTA) des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plan, locaux d'urbanisme (PLU) ou des cartes communales. Ces principes sont au nombre de trois :

- 1°) L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable ;

- 2°) La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural , en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ;

- 3°) Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux , la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

Certains des principes mentionnés par l'article L. 121-1 précité figurent, au moins dans leur orientation générale, dans le troisième alinéa de l'article L. 4424-9 du CGCT, à l'instar de la protection des espaces naturels et des paysages. Cependant, le libellé de certains d'entre eux est notablement différent. Dès lors, doit-on considérer que l'article L. 4424-9 se substitue à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme pour ce qui concerne le PADU et que celui-ci peut ne pas respecter les principes que pose cet article ? Ou bien -mais cette interprétation semble malaisée- que, comme l'indique l'exposé des motifs précité, celui-ci est soumis à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme comme à l'ensemble des lois et règlements ?

Le fait que le PADU ait la même valeur normative que les directives territoriales d'aménagement accentue d'ailleurs l'équivoque qui caractérise la rédaction transmise au Sénat puisque les DTA sont, elles, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme -lequel résulte d'un amendement adopté par le Sénat au projet de loi « SRU »- soumises au respect des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 121-1 précité. Ne serait-il pas contradictoire que le PADU porte les mêmes effets qu'une DTA, tout en étant soumis à une obligation légale « allégée » ?

C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel qui prévoit que les dispositions des 1° à 3° de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme sont applicables au PADU.

Cet amendement présente l'intérêt d'assurer la cohérence de la hiérarchie des normes d'urbanisme applicables dans l'île. Rien n'interdirait, en effet, si le juge considérait qu'en vertu du principe de spécialité des législations, le contenu du PADU n'est pas soumis au respect de l'article L. 121-1 précité, que l'on observe une contrariété entre les SCOT, les PLU et les cartes communales -qui sont, eux, soumis au respect de l'article L.121-1, y compris en Corse- et le PADU qui ne le serait pas, alors même que la loi lui confère la valeur d'une DTA, en théorie supérieure aux documents d'urbanisme décentralisés précités.

Soumission du PADU aux normes actuellement visées par l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme

Dans le même esprit, votre commission spéciale considère comme inopportun d'abroger, par l'article 13 du projet de loi, la totalité des dispositions de l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme qui soumettent le schéma d'aménagement de la Corse à diverses dispositions générales applicables aux documents d'urbanisme . Elle vous proposera, en conséquence, un amendement sur ce point.

Rappelons que l'article L. 144-2 prévoit notamment que le schéma d'aménagement de la Corse doit respecter :

1° Les règles générales d'aménagement et d'urbanisme à caractère obligatoire prévues au livre 1 er , ainsi que les prescriptions prévues aux articles L. 111-1 à L. 112-3 du code rural ;

2° Les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national ;

3° La législation en matière de protection des sites et des paysages ainsi qu'en matière de protection des monuments classés ou inscrits.

Ces dispositions sont spécialement importantes, puisque les prescriptions prévues aux articles L. 111-3 à L. 112-3 du code rural, prévoient notamment que :

- l'aménagement et le développement durable de l'espace rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du territoire dont la mise en valeur et la protection de l'espace agricole et forestier prennent en compte les fonctions économique, environnementale et sociale. (article L. 111-1) ;

- le document de gestion de l'espace agricole et forestier établi dans chaque département doit être consulté lors de l'élaboration des documents d'urbanisme et des schémas départementaux des carrières (article L. 112-1).

Rien n'indique pourquoi le plan d'aménagement ne serait pas soumis à ces dispositions. C'est pourquoi votre commission spéciale vous présentera un amendement tendant à conserver le contenu des dispositions précitées de l'article L. 144-2.

Article L. 4424-10 du Code général des collectivités territoriales
Dérogations à la loi « littoral » opérées par le PADU

Cet article permet à la collectivité territoriale de Corse de déroger à certaines dispositions fondamentales de la loi « littoral ».

A. LE CONTENU DE L'ARTICLE L. 4424-10 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI INITIAL

Trois types de dérogations seraient susceptibles d'être apportées, en vertu cet article, à la loi littoral, en ce qui concerne :

- la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables (paragraphe I) ;

- la détermination des espaces où peuvent être autorisés des aménagements légers et des constructions non permanentes dans certains secteurs soumis à une forte fréquentation touristique (paragraphe II) ;

- la détermination dans des espaces en principe inconstructibles, de zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées (paragraphe III).

Pour la commodité de l'exposé, votre rapporteur examinera successivement chacun des quatre paragraphes qui composent l'article L. 4424-10.

Paragraphe I : Détermination de la liste des espaces remarquables

Le droit en vigueur : L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme

En vertu de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, qui résulte de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la mise en valeur et à la protection du littoral, un décret , codifié à l'article R. 146-1 du même code détermine les principaux espaces et milieux à préserver , lesquels comportent notamment, aux termes de l'article L.146-6 précité, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, : « les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves ».

La liste des espaces et milieux à protéger comprend, quant à elle, en vertu de l'article R. 146-1 précité -qui résulte du décret en Conseil d'Etat n° 89-694 du 20 septembre 1989-, outre les sites mentionnés par l'article L. 146-6 précité :

- « les estrans 102 ( * ) , les falaises et les abords de celle-ci ;

- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares ;

- les tourbières, les plans d'eau ;

- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes 103 ( * ) , les grottes ou les accidents géologiques remarquables. »

En pratique, sur le fondement de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme, le classement des sites remarquables est opéré par les services de l'Etat sous l'égide du préfet .

Portée de la dérogation accordée à la collectivité de Corse par le projet de loi initial

Le premier paragraphe du projet de loi initial , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle, prévoit que le PADU peut , pour l'application de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, et sous réserve de l'adoption d'une délibération « particulière et motivée » de l'Assemblée de Corse, fixer la liste et la localisation des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables, ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires à un maintien des équilibres biologiques à préserver .

Cette délibération « tient lieu »du décret codifié à l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Elle semble cependant se distinguer de ce texte puisqu'elle détermine la localisation des zones en question, alors que, comme on l'a vu ci-dessus, l'article R. 146-1 précité dresse une liste générale des types d'espaces susceptibles d'être protégés, sans définir leur implantation géographique.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi, le premier paragraphe n'autorise pas la collectivité territoriale de Corse à contrevenir aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Tout au plus peut-elle modifier la liste établie par l'article R. 146-1 pour l'adapter aux spécificités de la Corse. L'exposé des motifs du projet de loi indique, au demeurant que : « bien évidemment, le plan devra respecter l'ensemble des lois et règlements, en particulier ceux qui résultent des directives communautaires et conventions internationales en vigueur dans les différents domaines qu'il couvre ainsi que les législations relatives aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation des sols, à la protection des sites et paysages, ainsi qu'à la protection des monuments classés ou inscrits » 104 ( * ) .

La délibération de la collectivité territoriale de Corse prise à cette fin sera soumise au contrôle de légalité dans les conditions prévues à l'article 2 du projet de loi et susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif.

Paragraphe II : Détermination des espaces où peuvent être créés des aménagements légers et des constructions non permanentes

Ce paragraphe tend à apporter une limitation à l'empire des dispositions de la loi « littoral » qui prohibent toute construction dans la bande des cent mètres située à proximité du rivage, dans les zones naturelles.

Le principe d'inconstructibilité dans la zone des cent mètres à compter du rivage

L'urbanisation des zones littorales est soumise à un régime très limitatif. En dehors des espaces urbanisés, les constructions et installations sont interdites sur une bande de cent mètres à compter de la limite du rivage.

Cette législation n'est pas sans entraîner de difficultés dans les zones soumises à une forte fréquentation touristique, où les visiteurs sont susceptibles d'occasionner des dommages à l'environnement, à défaut de disposer des services adaptés (sanitaires, chemins d'accès au rivage, etc...). A l'occasion de l'examen du projet de loi SRU, le législateur a d'ailleurs tenté d'apporter une première réponse à cette question en adoptant un article 42, codifié à l'article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme.

Celui-ci prévoit que pour réduire les conséquences sur une plage et les espaces naturels qui lui sont proches de nuisances ou de dégradations , liées à la présence d'équipements ou de constructions réalisés avant l'entrée en vigueur de la loi « littoral » , une commune ou, le cas échéant, un EPCI compétent peut établir un schéma d'aménagement , approuvé, après enquête publique, par décret en Conseil d'Etat , après avis de la commission des sites. En outre, afin de réduire ces nuisances ou dégradations et d'améliorer les conditions d'accès au domaine public maritime, il peut, à titre dérogatoire, autoriser le maintien ou la reconstruction d'une partie des équipements ou constructions existants à l'intérieur de la bande des cent mètres située le long du rivage, dès lors que ceux-ci sont de nature à permettre de concilier les objectifs de préservation de l'environnement et d'organisation de la fréquentation touristique.

Cette dérogation à la loi « littoral », récemment adoptée, s'inscrit dans un mouvement plus général qui a conduit le législateur, à l'occasion de l'examen de la loi « SRU », à apporter d'autres dérogations au principe d'inconstructibilité qu'édicte le code de l'urbanisme, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

LES ASSOUPLISSEMENTS AUX LIMITATIONS DU DROIT DE CONSTRUIRE RÉCEMMENT ADOPTÉS PAR LE LÉGISLATEUR

Le code de l'urbanisme repose sur le principe de constructibilité limitée qui s'applique sur l'ensemble du territoire et, de façon renforcée, dans les zones de montagne et dans les zones littorales.

SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Le principe général est posé par l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme qui dispose qu' en l'absence de PLU seules sont autorisées en dehors des parties urbanisées du territoire :

1° - l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ;

2° - les constructions nécessaires à des équipements collectifs, agricoles, ou destinés à la mise en valeur des ressources naturelles ou à la réalisation d'opérations d'intérêt général ;

3° - les installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées ;

4° - les constructions motivées par l'intérêt de la commune, si elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

L'article 33 de la loi « SRU » a modifié le 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme afin de permettre que l'« intérêt de la commune » justifie une dérogation au principe de constructibilité limitée afin d'éviter une diminution de la population communale . L'expérience prouvait, en effet, que certaines petites communes qui n'ont pas les moyens d'élaborer un POS ne pouvaient, de ce fait, autoriser des constructions nouvelles hors des zones urbanisées, alors même que ces constructions auraient permis de maintenir le niveau de leur population.

EN ZONE DE MONTAGNE

Le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme pose le principe de l'urbanisation en continuité avec les bourgs, et villages existants en zone de montagne . Cette règle suscitait des difficultés dans les zones où, faute d'espace, aucun terrain n'était constructible à proximité des zones urbanisées.

C'est pourquoi l'article 16 de la loi « SRU » a prévu la possibilité de déroger au principe de construction en continuité, à titre exceptionnel, pour créer des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, après accord de la chambre d'agriculture et de la Commission des sites .

Modifications proposées par le projet de loi initial

Le deuxième paragraphe (II) de l'article 12 dispose, quant à lui, que le PADU peut déterminer, en tenant compte de la fréquentation touristique de certains sites et de la préservation de l'environnement, les espaces situés dans la bande littorale des cent mètres dans lesquels peuvent être autorisés des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l'accueil non hôtelier du public dans le respect des paysages et des caractéristiques propres à ces sites.

La détermination de ces espaces reposerait sur une délibération « particulière et motivée » de l'Assemblée de Corse ; tandis que la réalisation des aménagements et constructions serait soumise à une enquête publique analogue à celle d'ores et déjà prévue pour la réalisation de constructions nécessaires à des activités exigeant la proximité immédiate de l'eau (cf. article L. 146-6-III alinéa 2). Cette enquête publique pourrait être unique et porter sur l'ensemble des constructions et aménagements prévus, dès lors que le dossier soumis à cette procédure préciserait les conditions d'aménagement et de gestion de l'ensemble des espaces concernés.

Modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au premier alinéa du deuxième paragraphe de l'article L. 4424-10, l'Assemblée nationale a adopté, outre une modification de précision, un amendement de MM. Bruno Leroux et Noël Mamère aux termes duquel les aménagements et constructions non permanentes pour l'accueil du public ne sauraient être destinés à une forme d'hébergement .

Paragraphe III : Détermination, dans des espaces inconstructibles, de zones d'urbanisation future

Tout comme le précédent, ce paragraphe limite la portée du régime d'inconstructibilité qui résulte de la loi « littoral » .

Régime de constructibilité au delà de la zone des cent mètres qui borde le littoral

Afin de lutter contre le « mitage » des espaces riverains du littoral et de préserver les zones naturelles et non urbanisées, le « I » de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme prévoit que dans les communes littorales, l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.

Modifications proposées par le projet de loi initial

Par dérogation à ces dispositions, le troisième paragraphe du projet de loi initial prévoit que le PADU pourrait définir, dans des espaces qu'il détermine, des règles relatives à l'extension de l'urbanisation adaptées aux particularités géographiques locales et déroger, ipso facto, aux dispositions de l'article L. 146-6 précité .

La procédure de détermination de ces zones serait identique à celle prévue au paragraphe II (délibération particulière et motivée) pour la création d'aménagements légers.

Le texte précise, en outre, que :

- les modalités d'organisation et d'insertion dans les sites et les paysages de l'extension de l'urbanisation sont définies et justifiées dans le PADU ;

- que ces règles sont applicables dans des « périmètre restreints » dès lors qu'il existe un Plan local d'urbanisme (PLU) ou une carte communale opposable aux tiers.

Examinant l'article 12, le Conseil d'Etat a jugé souhaitable de disjoindre le troisième paragraphe du reste du projet de loi, considérant qu'« en l'absence [...] de précisions suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des dérogations [...] apportées au régime législatif de droit commun, les dispositions susmentionnées équivalent à une délégation du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse [...], contraire à l'article 34 de la Constitution ».

Dans son rapport présenté devant l'Assemblée nationale, M. Bruno Le Roux « confirme le bien fondé de ces observations et, partant, considère qu'il convient de leur apporter une réponse appropriée », en estimant toutefois que « la collectivité territoriale saura, mieux que l'autorité administrative, fixer la liste des espaces remarquables de l'île 105 ( * ) ».

Modifications votées par l'Assemblée nationale

Le dispositif du troisième paragraphe a été très substantiellement modifié par trois amendements de l'Assemblée nationale.

Le premier prévoit que la délibération particulière et motivée par laquelle l'Assemblée de Corse peut déroger à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme précisera les modalités d'organisation et de tenue d'un débat public préfigurant l'évaluation mentionnée au IV. Votre commission spéciale s'interroge sur la portée de cette disposition dans la mesure où rien n'indique le contenu juridique de cette « préfiguration ». C'est pourquoi elle vous proposera de supprimer par un amendement cette expression .

Le deuxième amendement, présenté par le rapporteur de l'Assemblée nationale, et sous-amendé par M. Pierre Albertini, supprime la possibilité de procéder à des « adaptations législatives » , tout en autorisant la collectivité territoriale de Corse à prévoir la création de zones d'urbanisation limitées sous plusieurs conditions tendant à assurer la préservation des espaces naturels susceptibles d'être menacés.

Alors que, dans le projet de loi initial, la collectivité territoriale de Corse pouvait déterminer, sans réel encadrement législatif, des règles relatives à l'extension de l'urbanisation « adaptées aux particularités géographiques locales », ce pouvoir lui est retiré, au profit d'une compétence restreinte. La collectivité pourrait définir des espaces où « la topographie et l'état des lieux » sont susceptibles de justifier une dérogation à la règle de construction en continuité des constructions existantes . Ces espaces ne sauraient être situés :

- ni dans les espaces « remarquables » mentionnés au premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- ni dans les espaces, les paysages et les milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un aspect exceptionnel, caractéristique du patrimoine naturel et culturel de l'île ;

- ni dans les espaces nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes .

Le champ dans lequel ces dérogations sont susceptibles d'être établies est donc plus restreint que celui envisagé par le projet de loi initial.

Encore peut-on se demander s'il ne serait pas souhaitable d'interdire ces dérogations dans les sites remarquables visés par l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme, lequel dresse, rappelons-le, une liste plus exhaustive que celle établie par l'article L. 146-1 puisqu'elle comprend en outre :

- « les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ;

- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares ;

- les tourbières, les plans d'eau ;

- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourriceries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes, les grottes ou les accidents géologiques remarquables. »

Or, rien n'interdirait, en apparence, à l'Assemblée de Corse d'établir une liste plus restrictive que celle qui résulte de l'article R.146-1, tout en étant conforme à l'article L.146-6, sous réserve du contrôle du juge.

Il revient, en outre, au PADU de définir, « selon des modalités compatibles avec la préservation du caractère naturel de ces espaces, les règles d'organisation et les conditions d'insertion dans les sites et les paysages de ces zones d'urbanisation future ».

Dans les espaces ainsi limités, seuls les PLU pourraient créer « des zones d'urbanisation future de taille et de capacité limitées » , expression qui rappelle celle utilisée par l'article L. 145-3-III du code de l'urbanisme pour les zones de montagne, lequel permet de créer des zones d'urbanisation future de taille limitée, à titre exceptionnel, après avis de la commission des sites et de la chambre d'agriculture.

La compétence dévolue au PLU ne semble, en théorie, pas sans garde-fous puisque la nouvelle rédaction du III prévoit que les espaces en question seront, eux aussi, créés après consultation de la chambre d'agriculture et du Conseil des sites de Corse, et après enquête publique.

Paragraphe IV : Entrée en vigueur et caducité des délibérations prévues par l'Assemblée territoriale de Corse en matière d'aménagement, pour déroger aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme

Selon l'exposé des motifs du projet de loi 106 ( * ) , la possibilité de procéder à des « adaptations des dispositions législatives et réglementaires » était à la fois « expérimentale » et « encadrée » par les dispositions du quatrième et dernier paragraphe de l'article L. 4424-10 du CGCT, à savoir :

- la durée d'expérimentation limitée à quatre années ;

- l' établissement d'un rapport d'information annuel sur leur mise en oeuvre ;

- la caducité des mesures prises à l'issue du délai précité à défaut d'une prorogation par des lois ultérieures .

L'Assemblée nationale a donné une nouvelle rédaction au paragraphe IV. En effet, l'adoption de modifications au III a rendu sans objet les dispositions du quatrième paragraphe (IV) qui prévoyaient d'instaurer une période d'évaluation de quatre ans pour la mise en oeuvre du dispositif initial. Aussi un amendement du rapporteur a-t-il modifié ce paragraphe qui prévoit désormais qu'un rapport d'évaluation annuel, établi par la collectivité territoriale de Corse, sur la mise en oeuvre de ces dispositions, précisera leur impact réel sur l'environnement et le développement durable et sera adressé au Premier ministre qui le transmettra au Parlement.

B. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE SUR L'ARTICLE L. 4424-10 DU CODE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

L'Assemblée nationale a tenté de retrancher du projet de loi initial les dispositions qui, en prévoyant des « adaptations législatives », s'avéraient manifestement contraires à la Constitution. Elle y a, malheureusement introduit, par un choc en retour, d'autres dispositions qui encourent des critiques.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe I

Pour votre commission spéciale, le texte du projet de loi transmis au Sénat, dont la conformité à la Constitution, s'avère pour le moins discutable, est susceptible de susciter des espoirs infondés et d'occasionner de graves incertitudes juridiques.

L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme a, en effet, confié au pouvoir réglementaire le soin de définir, par un décret, la liste des sites « remarquables » situés sur le littoral. Or, en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre est investi de la plénitude du pouvoir réglementaire, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République. La jurisprudence du Conseil d'Etat considère que de ce fait, le pouvoir réglementaire peut toujours intervenir, même à défaut d'habilitation législative, pour l'application de la loi.

Dans sa décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 sur la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a, quant à lui, considéré que si les dispositions de l'article 21 précité ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette loi n'habilite cette autorité qu'à prendre des mesures de portée limitée, tant par leur champ d'application que par leur contenu. Il a d'ailleurs sanctionné, sur ce fondement, une habilitation trop étendue.

Le projet de loi a, quant à lui, pour objet de donner à la collectivité de Corse la faculté d'adopter une délibération qui « tient lieu » d'un décret. A l'évidence, si cette disposition tend, en transférant une partie du pouvoir réglementaire du chef du gouvernement à la CTC, à interdire l'édiction d'un décret concurrent, sur un objet pour lequel la délibération de la CTC « tiendrait lieu » de texte, elle est contraire à la constitution :

- car elle porte atteinte à l'intégrité du pouvoir réglementaire du Premier ministre ;

- puisqu'elle ne peut être regardée comme ayant une portée « limitée » au sens de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.

Un texte qui suscite de vains espoirs

En apparence, le premier paragraphe de l'article L. 4424-10 autorise une délibération de la CTC à fixer, en lieu et place d'un décret, les modalités d'application de la loi. Ceci aurait théoriquement pour effet de permettre à la CTC de diminuer la liste des espaces remarquables -telle est du moins l'idée exprimée par plusieurs des personnalités remontées par la délégation qui s'est rendue en Corse-. Pour autant, sa délibération serait-elle légale ? Rien n'est moins sûr. En effet, le premier alinéa de l'article L.146-6 du code de l'urbanisme prévoit :

- qu'un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver ;

- que cette liste comprend notamment les dunes, les landes côtières... etc...

L'article 146-6 ne détermine donc pas une liste exhaustive des types d'espaces remarquables, tout au contraire. L'adverbe notamment souligne que la liste qu'il fixe n'est pas limitative, pas plus, au demeurant, que celle qui résulte de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Le juge administratif a d'ailleurs fait sienne cette interprétation, estimant que les listes fixées par les articles L. 146-6 et R. 146-1 ne sont nullement exhaustives. Dès lors, dans le cas où la CTC omettrait, dans une délibération, de classer un espace comme remarquable, tout donne à penser, au vu de la jurisprudence, que le juge administratif annulerait cette délibération, considérant qu'elle ne protège pas des espaces naturels et s'avère, de ce fait, illégale « par omission ». La juridiction administrative a elle-même, d'ores et déjà, ajouté des critères à la définition habituelle 107 ( * ) des espaces remarquables, preuve que pour elle les listes codifiées n'ont aucun caractère exhaustif.

Vers de nouvelles incertitudes juridiques

En donnant à la CTC le droit d'adopter une délibération qui « tient lieu » d'un décret le projet de loi crée une nouvelle source d'insécurité juridique, en se fondant sur une ambiguïté : l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme fixe une liste de types d'espaces qu'il cite (estrans, mangroves, etc...) sans viser aucune localisation ni mentionner aucune carte .

Le PADU, tout au contraire, déterminera de façon précise des sites, sur une carte. Dès lors, les citoyens qui demanderont des autorisations d'occupation du sol ou les maires qui élaboreront un plan local d'urbanisation après avoir consulté le PADU pourront croire, en toute bonne foi, que puisque ce document qui a valeur de DTA a été approuvé et puisqu'il ne classe pas un espace comme ayant un caractère « remarquable », ils pourront y construire. Bien mal leur en prendra car ils encourront tout de même la sanction du juge administratif, fondée sur l'illégalité du PADU...

Le système proposé par le projet de loi n'offre donc aucune garantie juridique quant à la légalité de la liste et à celle de la localisation de ces espaces par le PADU. Le juge pourrait en effet être saisi, dans le délai du recours contentieux, au titre du contrôle de légalité, mais aussi par les personnes intéressées, dans le délai de recours pour excès de pouvoir, ou encore, plusieurs années après l'entrée en vigueur du PADU, par voie d'exception à l'occasion d'une contestation relative à la délivrance d'une autorisation d'utilisation du sol. La garantie qu'offre le PADU semble, en conséquence, largement illusoire.

Aussi votre commission spéciale vous proposera un amendement tendant à supprimer le premier paragraphe de l'article L. 4424-10, tout en observant que par un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à l'article 12, elle vous a proposé de mieux concilier la nécessité de protéger le littoral et celle d'assurer le développement économique de la Corse répondant, ipso facto, au problème posé sans avoir recours à la solution retenue par l'Assemblée nationale.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe II

Pour votre commission spéciale, le texte du « II » soulève, outre une grave question de principe, des difficultés techniques fort complexes.

La question de principe tient à ce que la rédaction de ce paragraphe tend à autoriser des « aménagements légers et des constructions non permanentes destinées à l'accueil du public, à l'exclusion de toutes formes d'hébergement ». Votre commission spéciale constate que le concept « d'aménagements légers » est réservé par le code de l'urbanisme (article L. 146-6 alinéa 2) aux aménagements susceptibles d'être réalisés dans des espaces « remarquables », notion « élastique » qui vise des espaces qui sont souvent situés à plus de 100 mètres du rivage. Or, le II de l'article L. 4424-10 du CGCT tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne fait pas référence aux aménagements légers situés dans les espaces remarquables. Il crée une nouvelle catégorie juridique d'aménagements légers et de constructions non permanentes situées... dans la bande des 100 mètres instituée par le deuxième alinéa du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Ce faisant, les auteurs de cette rédaction visent, en utilisant une périphrase et en n'osant appeler les choses par leur nom, à autoriser la construction de paillotes dans la bande des cent mètres !

Rappelons qu'en vertu des dispositions du III de l'article L.146-4 en vigueur, seules peuvent être construites dans la bande des cent mètres :

- les constructions et installations nécessaires à des services publics ;

- les activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.

Le II de cet article introduit donc une dérogation majeure à la loi « littoral ».

S'agissant de la question de principe, votre commission spéciale apporte une réponse négative : elle ne considère pas souhaitable de favoriser la construction de « paillotes » dans la bande des cent mètres, fussent-elles exclusives de toutes formes d'hébergement. C'est pourquoi elle vous propose par un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à cet article de permettre la création d'aménagements légers dans les seuls espaces « remarquables », considérant que cette mesure résout un problème ignoré par le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Au demeurant, le texte soulève de graves problèmes juridiques qu'une lecture attentive ne permet pas de dissiper :

Les « paillotes » devront-elles recevoir un permis de construire ou se contenteront-elles de « l'autorisation » sui generis visée par le premier alinéa du II ou encore auront-elles besoin de recevoir l'une et l'autre ? On sait, en effet, que l'on ne peut tirer argument du caractère provisoire d'une construction pour prétendre se dispenser de l'obtention du permis de construire 108 ( * ) .

Quelle autorité délivrera cette autorisation : la CTC ? La commune, s'il existe un plan local d'urbanisme (PLU) ? Le maire au nom de l'Etat en l'absence de PLU ?

L'enquête publique évoquée au dernier alinéa précèdera-t-elle la délivrance de l'autorisation et celle du permis de construire ?

Que fera-t-on, dans le cas où l'enquête aurait lieu après la délivrance de l'autorisation, si celle-là contredit celle-ci ?

Compte tenu de ces éléments votre commission spéciale estime souhaitable de supprimer, par un amendement , le deuxième paragraphe de cet article, au bénéfice d'un article additionnel avant l'article 12 qui tend à autoriser la construction d'aménagements légers pour régler les problèmes posés par l'afflux des touristes dans les espaces « remarquables ».

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe III

Sous couvert d'accorder à la CTC une compétence pour déroger à la loi « littoral », assortie d'apparents « garde fous », le III de cet article procède à un transfert du pouvoir législatif de façon subreptice , et prévoit un mécanisme dont la lourdeur pose de graves problèmes techniques.

Le seul motif pour lequel la CTC peut se fonder pour définir, par dérogation aux dispositions du I de l'article L. 146-4, des « zones d'urbanisation future », -c'est-à-dire des zones qui ne soient ni situées en continuité avec les agglomérations existantes ni constitués en « hameaux nouveaux »- sont « la topographie et l'état des lieux ». Ainsi confère-t-on un quasi pouvoir législatif à la CTC (puisqu'elle peut déroger à la loi) tout en n'encadrant pas celui-ci, puisque des catégories juridiques imprécises telles que la « topographie » ou « l'état des lieux » n'indiquent en rien ce qui justifiera une dérogation : Tous les espaces littoraux ont une topographie, tous ont un état des lieux. Dès lors -sauf à considérer que tout espace littoral a vocation à bénéficier d'une dérogation par rapport au régime de droit commun- le texte devrait, à tout le moins, préciser ce qui dans l'un ou l'autre cas justifie une dérogation. La seule mention stéréotypée de ces concepts dans une délibération ne saurait, à elle seule, servir de motif pour autoriser la CTC à instituer une dérogation à la loi.

Conscients de cette grave lacune, les rédacteurs du III ont tenté d'y remédier en restreignant le champ géographique dans lequel ces dérogations peuvent survenir et en substituant à l'encadrement juridique qu'exige la jurisprudence constitutionnelle un cantonnement « géographique ». De ce fait, ils ont terriblement alourdi une procédure censée alléger la pesanteur du régime des espaces « remarquables ». C'est ainsi que selon le III, les zones d'urbanisation future ne pourraient être créées :

- ni dans les espaces « remarquables » (dont le I tend à restreindre l'étendue)

- ni dans des « espaces, des paysages et des milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un caractère exceptionnel, caractéristique du patrimoine de naturel ou culturel de l'île ».

Il va sans dire que la détermination par la jurisprudence du nouveau concept d'intérêt esthétique « indéniable » [ sic ] ou du caractère « exceptionnel » d'un espace [ sic ] sera le terreau d'innombrables contentieux.

Deux derniers éléments techniques affaiblissent enfin le dispositif du III :

Les « zones d'urbanisation futures » qui y sont visées ressortiront-elles du CGCT qui n'en donne aucune définition ? Ou bien faut-il comprendre que, par prétérition, le texte renvoie au régime des zones « NA » visées au code de l'urbanisme ?

La dernière phrase indique que le PADU définit les règles d'organisation de ces zones. Ce libellé est, pour le moins, impropre puisque le PADU ne peut définir que les règles d'organisation et les conditions d'insertion des constructions et non pas, a priori, celles de zones d'urbanisation future.

Votre commission spéciale ne méconnaît pas la nécessité d'assouplir certaines dispositions de la loi « littoral », tout en ne souscrivant pas au système retenu par le III de cet article. Aussi vous propose-t-elle de supprimer, par un amendement, le troisième paragraphe de cet article au bénéfice du mécanisme tendant à concilier la protection des zones remarquables et la nécessité d'urbaniser de façon très limitée les espaces proches du rivage, lequel fait l'objet d'un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à l'article 12.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe IV

Votre commission spéciale ayant souhaité supprimer les trois premiers paragraphes de l'article L. 4424-10, elle vous présente un amendement tendant à apporter une modification rédactionnelle, par coordination, au paragraphe IV qui prévoit l'établissement d'un rapport sur les conséquences de la mise en oeuvre du PADU.

C. PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE EN CE QUI CONCERNE LE RÉGIME APPLICABLE AU LITTORAL

Afin de contribuer à résoudre les problèmes posés par l'application de certaines dispositions de la loi « littoral » en Corse, votre commission spéciale vous propose d'insérer trois paragraphes additionnel avant le II de l'article 12 du projet de loi. Ceux-ci ont été élaborés au vu des conclusions tirées par la délégation de votre mission d'information qui s'est rendue en Corse, du 5 au 9 septembre 2001.

Pour votre commission spéciale, la principale caractéristique du littoral de Corse tient au fait qu'il a été largement préservé de l'urbanisation depuis l'après guerre, n'étant que peu touché par le déferlement des constructions qui a atteint le littoral du sud de la France. De ce fait même, l'espace littoral corse présente, dans sa quasi-totalité, un caractère exceptionnel, et recèle de nombreux « espaces remarquables » au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, ainsi que diverses zones qui font l'objet de protection de nature environnementale : zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), réserves classées notamment. Le Conservatoire du littoral s'est rendu maître, par voie d'acquisition, d'environ 20 % du linéaire côtier et pourrait encore procéder à des acquisitions au cours des années à venir, -si ses moyens financiers le lui permettent-. Votre commission spéciale souscrit, sur ce point, aux recommandations formulées par le sénateur Louis Le Pensec qui, dans un récent rapport remis au Gouvernement, estimait souhaitable de « donner au conservatoire les moyens d'une nouvelle ambition » et recommandait d'accroître la dotation de l'Etat pour l'acquisition et l'aménagement.

Parmi les interlocuteurs rencontrés, tant en Corse qu'à l'occasion des auditions tenues au Palais du Luxembourg, nul n'a remis en cause la nécessité de préserver le littoral corse du danger d'un « bétonnage généralisé ». Cependant, de l'avis unanime des élus rencontrés, le développement économique de la Corse pourrait passer de manière significative par le tourisme et, partant, par un renforcement des infrastructures hôtelières, puisqu'il est avéré que le nombre de lits correspondants aux normes en vigueur demeure insuffisant pour faire face à l'accroissement de la demande.

Face à la nécessité de protéger le littoral et de permettre le développement touristique, une solution de transaction mérite d'être trouvée entre des exigences qui pourraient apparaître, en première analyse, quasiment inconciliables . Comme l'ont montré les auditions auxquelles a procédé votre commission spéciale, nul ne sait déterminer avec précision, hormis pour certains cas extrêmes :

- ni quelle surface totale devrait être ouverte à l'urbanisation ;

- ni s'il est réellement impossible de trouver, en l'état actuel du droit de l'urbanisme, des espaces urbanisables.

Dès lors on peut craindre qu'une modification législative inspirée par d'indéniables problèmes particuliers n'aboutisse à priver le littoral corse d'une protection d'autant plus nécessaire que la qualité de son environnement constituera, dans le futur, un réel avantage comparatif par rapport à d'autres espaces touristiques de la Méditerranée occidentale qui n'ont, eux, pas bénéficié des mêmes précautions .

Aussi votre commission spéciale vous propose-t-elle d'adopter plusieurs amendements qui découlent de ces considérations et dont l'économie générale s'articule autour de trois grands principes, dans le droit fil de l'amendement tendant à généraliser, en Corse, l'existence de documents d'urbanisme :

- il est souhaitable de donner un degré de liberté supplémentaire par rapport à la situation actuelle, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable ;

- le mécanisme institué doit permettre de mesurer la réalité des contraintes excessives que la législation en vigueur fait peser sur certaines communes du littoral de Corse et non pas donner un « blanc seing » aux autorités intéressées qui ne le demandent d'ailleurs nullement ;

- il convient de protéger aussi bien les espaces « remarquables » que la bande dite « des cent mètres » à proximité du littoral , si bien que les seuls espaces où une urbanisation limitée peut être autorisée, outre la partie rétrolittorale, sont les « espaces proches du rivage » ;

- enfin, les concessions faites par rapport aux principes édictés par la loi « littoral », vu la nécessité de permettre un développement limité dans des espaces actuellement inconstructibles, doivent avoir pour contrepartie un renforcement de l'étendue des espaces qui mériteraient, à l'évidence, de figurer dans le patrimoine du Conservatoire du littoral , mais n'ont pu être acquis faute de moyens.

Sur la base de ces orientations, votre commission spéciale a élaboré un dispositif qui prévoit :

1°) Une procédure d'identification des communes où les dispositions de la loi « littoral » interdisent toute construction nouvelle ;

2°) Des modalités de détermination des espaces proches du rivage où des construction nouvelles pourraient , sous de strictes conditions, être réalisées ;

3°) Un mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de terrains au Conservatoire du littoral .

Procédure d'identification des communes où les dispositions de la loi « littoral » interdisent toute construction nouvelle

Votre commission spéciale vous propose qu'une directive territoriale d'aménagement ou un document ayant les mêmes effets 109 ( * ) puisse déterminer, à la demande des communes qui disposent d'un plan local d'urbanisme, la carte des sites dans lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-6 du code de l'urbanisme a pour effet d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol.

Cette carte ne pourrait concerner que les portions du littoral de la Corse caractérisées par :

- une faible urbanisation antérieure à la promulgation de la loi n°86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;

- l'existence de nombreux espaces « remarquables » ou, pour reprendre la formulation utilisée à l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, ou des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Il ne saurait, en effet, être question de faciliter l'urbanisation de zones dans lesquelles une urbanisation incontrôlée a, d'ores et déjà, porté atteinte à la qualité du paysage.

Cette carte serait élaborée après avis du Conseil des sites dans des conditions analogues à la procédure fixée par l'article L. 146-4-II pour l'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage.

Détermination des espaces proches du rivage où des construction nouvelles pourraient être réalisées

Dans les « espaces proches du rivage » -ce qui exclut aussi bien la bande des cent mètres que les « espaces remarquables »- une nouvelle forme d'  « urbanisation limitée » serait autorisée, dès lors qu'une commune figurerait dans la carte annexée au PADU. Cette carte délimiterait les zones dans lesquelles une urbanisation limitée non située en continuité avec les constructions existantes peut être réalisée. Elle serait élaborée au vu de la demande exprimée par une délibération de chaque commune concernée qui préciserait les motifs qui la conduisent à solliciter cette inscription, à savoir :

- le diagnostic élaboré avant l'élaboration du SCOT ou celui qui précède l'élaboration du PLU, ainsi que les motifs pour lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme (qui ont codifié la loi « littoral ») a pour effet d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol et empêche, de ce fait, soit la réalisation du projet de développement et d'aménagement durable retenu dans le SCOT, soit celle du projet de développement et d'aménagement durable défini dans le PLU ;

- les principes applicables à l'insertion paysagères des constructions dans les zones pour lesquelles l'autorisation est demandée ;

- le coefficient d'occupation des sols ou les principes en tenant lieu que la commune fixera dans cette zone ;

- la liste des espaces susceptible d'être donnés, en contrepartie, au Conservatoire du littoral.

Mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de terrains au Conservatoire du littoral

Ces dispositions constituent un aménagement de la rigueur de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme qui limite, actuellement, la possibilité de construire dans les « espaces proches du rivages » à l'extension limitée de l'urbanisation par rapport aux espaces déjà urbanisés si elle motivée par des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.

Elles auraient pour contrepartie une cession de terrains à titre gratuit au Conservatoire du littoral , selon une procédure qui s'inspire de celle prévue par l'article L. 130-2 du code de l'urbanisme. Celui-ci permet à une commune de donner un terrain à bâtir à un propriétaire qui consentirait à lui donner un espace boisés classé, ou d'autoriser ce propriétaire à construire sur une superficie correspondant au dixième de la superficie qu'il remet, à titre gratuit, à la commune intéressée.

La superficie des espaces susceptibles d'être urbanisés dans des espaces proches du rivage du fait d'un don consenti au conservatoire du littoral ne pourrait excéder :

- un dixième du total des espaces proches du rivage couverts par le plan local d'urbanisme, cédés en contrepartie, à titre gratuit, au Conservatoire du littoral ;

- un centième du total des espaces « remarquables » cédés, aux mêmes fins, au Conservatoire.

Les terrains pris en compte pour effectuer cette opération devraient être compris dans le territoire de la ou des communes, relevant du PLU.

L'ensemble de ce dispositif s'inscrit dans la logique de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme, applicable aux « espaces proches » du rivage. Celui-ci prévoit qu'un SCOT peut déroger aux interdictions qu'il édicte : le régime proposé par votre commission spéciale est plus protecteur puisqu'il prévoit, outre l'intervention de l'autorité chargée d'élaborer le PADU, une cession à titre gratuit au conservatoire du littoral.

Article L. 4424-11 du Code général des collectivités territoriales
Portée normative du PADU

Cet article , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, détermine la place du PADU dans la hiérarchie des normes .

A l'instar du schéma d'aménagement de la Corse, dont la valeur normative est définie par l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, le PADU aura les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement (DTA). Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales devront être compatibles avec lui .

Rappelons qu'en vertu de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, les DTA « peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires. Elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. Ces directives peuvent également préciser pour les territoires concernés, les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme, adaptées aux particularités géographiques locales. [...] ».

Les DTA sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat, et approuvées par décret en Conseil d'Etat. Au cours de l'examen du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, le Sénat a obtenu une modification du régime des DTA afin de prévoir que ces documents seront soumis aux principes généraux relatifs à l'utilisation économe du territoire qui s'appliquent à tous les autres documents de planification de l'espace, (article L. 121-1 du code de l'urbanisme, dernier alinéa).

Actuellement, sept sites sont concernés par la préparation d'une DTA : les Alpes-Maritimes, l'aire métropolitaine marseillaise, les estuaires de la Loire et de la Seine, les Alpes du Nord, l'aire urbaine lyonnaise et la zone des bassins miniers lorrains. On notera que la procédure d'élaboration de ces documents est très lourde puisque les études relatives aux premiers projets de DTA précités ont débuté en 1996 et que, cinq ans plus tard, aucune DTA n'est entrée en vigueur.

En outre, le PADU pourra préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales des dispositions des lois « montagne » et « littoral » codifiées aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme.

Le dernier alinéa de l'article prévoit enfin, à l'instar du dernier alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme qui concerne les DTA, que les dispositions du PADU s'appliquent aux personnes et aux opérations mentionnées aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme qui concernent les dispositions particulières applicables aux zones de montagne, et au littoral.

Rappelons qu'en vertu de la décision du Conseil constitutionnel n° 94-358 du 26 janvier 1995, si les DTA peuvent comporter des adaptations à des particularités géographiques locales, celles-ci ne peuvent conduire à méconnaître les dispositions des lois d'aménagement et d'urbanisme.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-12 du Code général des collectivités territoriales
Valeur normative du PADU eu égard à la mise en valeur
de la mer et aux transports

Cet article , auquel l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel, dispose que le PADU vaut schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) et schéma régional de transport.

En vertu de l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, le SMVM fixe les « orientations fondamentales de la protection, de l'exploitation et de l'aménagement du littoral. Il détermine la vocation générale des différentes zones et notamment les zones affectées au développement industriel et portuaire, aux cultures marines et aux activités de loisirs. Il précise les mesures de protection du milieu marin. Il détermine également les vocations des différents secteurs de l'espace maritime et les principes de compatibilité applicables aux usages correspondants, ainsi que les conséquences qui en résultent pour l'utilisation des divers secteurs de l'espace terrestre qui sont liés à l'espace maritime. Il peut, en particulier, édicter les sujétions particulières intéressant les espaces maritime, fluvial ou terrestre attenant, nécessaires à la préservation du milieu marin et littoral. »

Elaboré par l'Etat, le SMVM est soumis pour avis aux communes, aux départements et aux régions intéressés, puis approuvé par décret en Conseil d'Etat. Il a les mêmes effets qu'une DTA.

Le PADU vaut également schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) . Aux termes de l'article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée 110 ( * ) , le SRADT fixe « les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional. » Il définit notamment « les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière. » Enfin, il veille à « la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'Etat et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional. »

Enfin, les dispositions du plan valent schéma régional de transport au sens de l'article 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée 111 ( * ) , d'orientation des transports intérieurs et s'imposent aux plans départementaux des transports.

Les schémas régionaux de transport sont, quant à eux, élaborés par les régions. Ils comprennent un volet « transport de voyageurs », et un volet « transport de marchandises ». Ils « ont pour objectif prioritaire d'optimiser l'utilisation des réseaux d'équipements existants et de favoriser la complémentarité entre les modes de transport et la coopération entre les opérateurs en prévoyant, lorsque nécessaire, la réalisation d'infrastructures nouvelles ».

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-13 du Code général des collectivités territoriales
Procédure d'élaboration du PADU

Cet article dispose que le PADU est élaboré par le Conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse et prévoit la procédure préalable à son entrée en vigueur.

A l'instar du plan de développement visé à l'article L. 4424-19 du CGCT et du schéma d'aménagement mentionné aux articles L. 144-1 et L. 144-3 du code de l'urbanisme, le plan d'aménagement et de développement durable est préparé par le Conseil exécutif puis adopté par l'Assemblée de Corse. Alors que la loi ne prévoyait pas que le projet de plan de développement soit soumis à enquête publique, et tandis que le projet de schéma d'aménagement était seulement « mis à la disposition du public » (cf. article L. 144-3, avant dernier alinéa), le PADU sera soumis à l'enquête publique puis approuvé par la même assemblée.

La coopération des entités intéressées par ce document est renforcée, lors de son élaboration, par rapport au système antérieur . En effet, alors que pour la préparation du plan de développement, les départements, les communes, le Conseil économique, social et culturel de Corse et les partenaires économiques et sociaux étaient « consultés », le texte prévoit que diverses entités juridiques sont « associées » à l'élaboration du projet de plan par le Conseil exécutif, selon des modalités définies par l'Assemblée de Corse. Il s'agit :

- de l'Etat , en la personne de son représentant ;

- des départements , communes et EPCI compétents en matière d'urbanisme ;

- des chambres consulaires ;

Cette procédure d'association se rapproche donc de celle prévue pour l'élaboration du schéma d'aménagement par l'article L. 144-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur.

Le représentant de l'Etat porte à la connaissance du Conseil exécutif les projets d'intérêt général et les opérations d'intérêt national qui doivent être prises en compte, ainsi que les dispositions nécessaires à la bonne fin de ces projets et de ces opérations, selon une procédure en vigueur pour les documents de planification et d'aménagement (SCOT, PLU, ...).

Une fois le projet de PADU arrêté par l'exécutif , il est soumis pour avis :

- au Conseil économique, social et culturel ;

- au Conseil des sites.

L'Assemblée de Corse adopte le projet de schéma avant qu'il ne soit mis à l'enquête publique accompagné :

- des délibérations « particulières et motivées » prises pour l'application de la loi « littoral » en vertu de l'article L. 4424-10, dans la rédaction proposée par le projet de loi ;

- des avis motivés du Conseil économique, social et culturel de Corse et du conseil des sites de Corse 112 ( * ) .

L'enquête publique se déroule dans les conditions de droit commun prévues par les articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement. Au vu de son résultat, le PADU est approuvé par l'Assemblée de Corse selon des modalités analogues à celle prévues pour son adoption.

Le seul amendement adopté par l'Assemblée nationale , en première lecture au deuxième alinéa de cet article prévoit :

- qu'une délibération de l'Assemblée de Corse précisera les conditions dans lesquelles les organisations consulaires seront associées à l'élaboration du projet de plan ;

- que des organisations professionnelles pourront être associées à son élaboration, dans les mêmes conditions.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

- de tirer la conséquence de la suppression des trois premiers paragraphes de l'article L. 4424-10 qui vous est proposée.

Article L. 4424-14 du Code général des collectivités territoriales
Conditions d'adoption d'un contrat de plan entre l'Etat
et la collectivité territoriale de Corse

Cet article , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que le contrat de plan Etat-Corse ne peut être conclu qu'après l'approbation du PADU.

Cette disposition lie donc le versement des aides liées au contrat de plan à la réalisation du PADU, ce qui constitue une incitation beaucoup plus forte que celle prévue par les textes en vigueur. L'article L. 4424-19 du CGCT dans sa rédaction actuelle se borne, en effet, à prévoir que le plan d'aménagement doit être établi dans un délai d'un an courant à compter de l'installation de l'Assemblée de Corse, lequel s'est, comme on l'a vu ci-dessus, avéré trop bref.

Comme, en vertu de l'article 12 du projet de loi, l'actuel plan d'aménagement reste en vigueur, cette disposition n'est appelée à prendre effet, au plus tôt, que lors de la renégociation des contrats de plan postérieurs à 2006.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-15 du Code général des collectivités territoriales
Modification du PADU destinée à réaliser un projet d'intérêt général
ou une opération d'intérêt national

Cet article permet au représentant de l'Etat d'obtenir la modification du PADU pour parvenir à réaliser un programme d'intérêt général ou une opération d'intérêt national.

L'actuel article L. 144-2, 2°, prévoit que le schéma d'aménagement doit respecter les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national et qu'il prend en compte les programmes de l'Etat. Il revient au préfet, sur le fondement de l'article L. 144-4, de demander à la collectivité territoriale de Corse de procéder aux modifications du schéma d'aménagement destinées à permettre la réalisation d'une opération prévue par l'article L. 144-2, 2°, précité. Toutefois, des adaptations législatives ou réglementaires peuvent être apportées au code de l'urbanisme par la collectivité territoriale de Corse, dans les conditions prévues par l'article 26 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 précitée. Si la procédure de révision n'a pas abouti dans les six mois suivant la demande du représentant de l'Etat, il peut y être procédé par décret en Conseil d'Etat ou, en cas d'urgence, par décret en conseil des ministres.

La rédaction initiale de l'article L. 4424-15 reprend, en substance, les dispositions figurant actuellement à l'article L. 144-4 du code de l'urbanisme. Cependant, l'Assemblée nationale a modifié le dernier alinéa de cet article afin de supprimer la possibilité de modifier le PADU par décret pour imposer la prise en compte d'un projet d'intérêt général (PIG). Cette rédaction aboutit à permettre au préfet de demander la modification du schéma dans un délai de six mois, sans assortir de sanction ni l'absence de réponse émanant de la collectivité territoriale de Corse, ni le maintien de dispositions du PADU contraires à un PIG.

Votre Commission spéciale s'interroge tant sur le libellé du premier alinéa de cet article que sur l'opportunité de la suppression opérée à l'Assemblée nationale, puisque des dispositions analogues permettent au préfet de faire primer les opérations d'intérêt général sur les SCT ou les PLU (cf. articles L. 123-12 et L. 123-14 du code de l'urbanisme).

C'est pourquoi elle propose au Sénat d'adopter un amendement tendant à :

- revenir à une rédaction analogue à celle actuellement en vigueur ;

- codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter l'ensemble de l'article 12 ainsi modifié.

Article 13
Abrogations

Par coordination avec les dispositions que supprime l'article 12 du projet de loi, cet article abroge diverses dispositions du code général des collectivités territoriales, du code de l'urbanisme et de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Il précise que le schéma d'aménagement et le plan de développement applicables à la date de publication de la loi restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

Dans le code général des collectivités territoriales, seraient abrogés les articles :

- L. 4424-19 (régime juridique du plan de développement de la Corse) ;

- et L. 4424-20 (détermination du régime des aides économiques pour la collectivité territoriale de Corse).

S'agissant du code de l'urbanisme , l'article 13 prévoit d'abroger les articles :

- L. 144-1 (régime juridique du schéma d'aménagement de la Corse) ;

- L. 144-2 (règles qui s'imposent au schéma directeur) ;

- L. 144-3 (modalités d'élaboration du schéma) ;

- L. 144-4 (modification du schéma à l'initiative du représentant de l'Etat) ;

- L. 144-5 (équivalence entre ce schéma et une DTA).

L'article 12 prévoit enfin de donner, également par coordination, une nouvelle numérotation aux articles L. 4424-18 et L. 4424-21 du code général des collectivités territoriales.

A cet article, votre commission vous propose d'adopter deux amendements de coordination.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article 13 ainsi amendé.

Sous-section 2
Des transports et de la gestion des infrastructures
Article 14
Transports

Cet article détermine le régime des obligations de service public susceptibles d'être imposées sur certaines liaisons aériennes ou maritimes.

Il est composé de huit paragraphes. Six d'entre eux consistent en des abrogations, des dispositions de coordination et des re-numérotations d'articles (paragraphes I à III, et VI à VIII). Les paragraphes IV et V contiennent, quant à eux, des dispositions essentielles pour l'évolution du système de transport de la Corse dont on présentera les spécificités, avant d'examiner le contenu des deux paragraphes précités.

I. LE RÉGIME DES TRANSPORTS DE LA CORSE

A. UNE COMPÉTENCE DÉTERMINANTE POUR L'AMÉNA-GEMENT DU TERRITOIRE

En vertu de la sous-section 5 de la section VI du chapitre IV du titre II du livre IV du Code général des collectivités territoriales, qui résulte des articles 113 ( * ) 71 à 75 et 78-V de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, la collectivité territoriale de Corse joue un rôle central dans l'organisation des transports en collaboration avec les départements .

Elle établit un schéma des transports interdépartementaux , qui s'impose aux plans départementaux de transport. Il revient au département d'organiser les liaisons interdépartementales dans le cadre d'une convention conclue avec la collectivité territoriale de Corse.

En matière de transports ferroviaires , la collectivité territoriale de Corse est substituée à l'Etat . A ce titre, elle reçoit un concours budgétaire équivalent aux charges assumées du fait de l'exploitation des transports ferroviaires.

S'agissant des transports maritimes et aériens , la collectivité territoriale de Corse définit leurs modalités d'organisation entre l'île et toute destination de la France continentale , en particulier en matière de desserte et de tarifs. Les liaisons sont assurées dans le cadre d'un service public qui garantit des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix destinées à atténuer les contraintes de l'insularité .

L'Office des transports de la Corse est constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial de la collectivité territoriale de Corse . La loi le charge de procéder :

- à la conclusion de conventions quinquennales qui règlent les conditions d'exécution, de qualité de service et les modalités de contrôle de celui-ci ;

- à la répartition de la dotation de continuité territoriale entre les différents modes de transport .

En matière de voirie , la collectivité territoriale de Corse assure la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion de la voirie classée en route nationale , laquelle est transférée dans son patrimoine. Elle peut en déléguer la mise en oeuvre aux départements.

La collectivité territoriale de Corse reçoit de l'Etat, en vertu de l'article L. 4425-4 du CGCT une dotation de continuité territoriale qui constitue un concours individualisé au sein de la dotation générale de décentralisation.

B. DES FLUX DE TRANSPORT DIVERS ET IMPORTANTS POUR LES ÉCHANGES DE L'ÎLE

Liaisons maritimes et aériennes

L'étude d'impact présentée par le Gouvernement résume comme suit les principales caractéristiques des liaisons aériennes et maritimes de l'île, qui ont concerné 5,509 millions de passagers en 1999, dont 3,106 millions pour le transport maritime et 2,402 millions pour le transport aérien.

En ce qui concerne la desserte aérienne , le trafic des lignes qui assurent la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale, entre les aérodromes de Bastia, Ajaccio, Calvi et Figari, et ceux de Paris, Marseille, Nice et Lyon, a représenté environ 2.230.000 passagers en 1999 (+ 8 % par rapport à 1998).

Les lignes de service public subventionnées sont gérées par Air France (Paris-Ajaccio, Bastia et Calvi) et Air Liberté (Paris-Figari). Elles ont transporté près d' un million de passagers en 1999 .

Les lignes reliant les aérodromes corses à Marseille, Nice et Lyon bénéficient de l'aide sociale au passager en contrepartie du respect d'obligations de service public (depuis octobre 2000 pour Lyon). Elles sont notamment exploitées par la compagnie Corse-Méditerranée (CCM), Air Liberté et Air Littoral.

S'agissant de la desserte maritime , on distingue le trafic passager du trafic fret.

En 1999, neuf compagnies maritimes desservaient l'île (dont 3 françaises : SNCM, CMN et Corsica-ferries) à partir de 13 ports continentaux dont 3 ports français (Marseille, Toulon, Nice) et 10 ports italiens. La part du transport maritime de passagers dans le cadre du service public assuré par les deux concessionnaires (SNCM et CMN) représentait 1,45 million de passagers.

Selon l'étude d'impact : « Ce trafic est réalisé pendant les périodes de vacances estivales. Les mois de juillet et août représentent près de 50 % du trafic annuel. Cette concentration du trafic sur une courte période pose le problème de la disponibilité des navires en période de forte demande et celui de la desserte, peu attractive, en moyenne et basse saison. » En outre : « Depuis les ports français, la concurrence est effective depuis 1996 avec l'ouverture par un armateur privé de lignes desservant l'île avec des navires rapides pendant les mois d'été. Cette desserte a été étendue à l'année entière avec un transbordeur, depuis le milieu de l'année 1999 » .

Le trafic fret, assuré à parts quasiment égales par la SNCM et la CMN dans le cadre du principe de la continuité territoriale a atteint 950.000 tonnes en 1999 (799.000 tonnes entrant en Corse et 151.000 tonnes en sortant).

Le quatrième paragraphe de l'article 14 tend à modifier le régime juridique des dessertes aériennes et maritimes de la Corse.

II. L'ADAPTATION DU RÉGIME DES DESSERTES AÉRIENNES ET MARITIMES À LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE (PARAGRAPHE IV)

Ce paragraphe donne une nouvelle rédaction de l'article L. 4424-19 du code général des collectivités territoriales et transpose à la Corse des dispositions des règlements du conseil des ministres européens qui prévoient le libre accès de chaque transporteur communautaire aux liaisons intra-communautaires aériennes et maritimes.

A. LE RÉGIME DES LIAISONS AÉRIENNES ET MARITIMES PÉRIPHÉRIQUES AU REGARD DU DROIT EUROPÉEN

Dans le cadre de la constitution du marché intérieur européen , deux règlements du Conseil des ministres ont parachevé la mise en oeuvre du libre accès aux liaisons intra-communautaires des Etats de l'Union, tout en prévoyant la faculté d'instituer des obligations de service public .

Le principe de libre accès des transporteurs

Le règlement du Conseil n° 92-2408 du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intra-communautaires a libéralisé l'accès aux liaisons aériennes intra-communautaires entre les Etats de l'Union .

Quant au règlement du Conseil n° 3577-92 du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des Etats membres (cabotage maritime), il a aboli les restrictions aux prestations de service de transport maritime à l'intérieur des Etats membres , pour les armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un Etat membre et battant pavillon de cet Etat membre , sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet Etat membre.

Le principe général de libéralisation est assorti d'une dérogation relative à la possibilité d'instituer des obligations de service public, lesquelles intéressent spécifiquement des îles telles que la Corse.

La faculté d'instituer des obligations de service public

Afin de prendre en compte les spécificités de certaines lignes, aériennes ou maritimes, les deux règlements précités ouvrent aux Etats la possibilité d'instituer des obligations de service public .

Dans le domaine du transport aérien , l'article 4 du règlement n° 2408-92 du 23 juillet 1992 prévoit qu'« un Etat membre peut [...] imposer des obligations de service public sur des services aériens réguliers vers un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire [...] si ces liaisons sont considérées comme vitales pour le développement économique de la région dans laquelle est situé l'aéroport, dans la mesure nécessaire pour assurer sur cette liaison une prestation de service adéquate répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial ».

Le même article prévoit que le droit d'exploiter ces services est concédé après appel d'offres publié au Journal Officiel des communautés européennes , et que l'Etat membre peut verser une compensation à un transporteur aérien sélectionné au titre d'une liaison soumise à des obligations de service public.

S'agissant des transports maritimes , l'article 4 du règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992 dispose, quant à lui, qu'« un Etat membre peut conclure des contrats de service public avec des compagnies de navigation qui participent à des services réguliers à destination et en provenance d'îles ainsi qu'entre des îles ou leur imposer des obligations de service public en tant que condition à la prestation de services de cabotage. Lorsqu'un État membre conclut des contrats de service public ou impose des obligations de service public, il le fait sur une base non discriminatoire à l'égard de tous les armateurs communautaires. S'ils imposent des obligations de service public, les États membres s'en tiennent à des exigences concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à rendre le service, les tarifs pratiqués et l'équipage du navire. Toute compensation due, le cas échéant, en contrepartie d'obligations de service public doit être versée à tous les armateurs communautaires. »

Telles sont les dispositions que le projet de loi transpose en droit français.

B. LE PROJET DE LOI INITIAL TRANSPOSE LES DEUX RÈGLEMENTS DE 1992

Le paragraphe IV de l'article 14 du projet de loi initial prévoit, en premier lieu, que la collectivité territoriale de Corse peut imposer des obligations de service public sur certaine liaisons aériennes ou maritimes, pour assurer le respect du principe de continuité territoriale . Ces obligations ont pour objet d'offrir, compte tenu des spécificités de chaque mode de transport, des dessertes « dans des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix destinées à atténuer les contraintes de l'insularité, à faciliter le développement économique de l'île, l'aménagement équilibré du territoire insulaire et le développement des échanges économiques et humains entre l'île et le continent ».

Cette rédaction reprend, pour partie, celle de l'article L. 4424-28 du code général des collectivités territoriales en vigueur. Elle s'en distingue cependant en ce qu'elle fait référence à des « obligations de service public », terme issu de la réglementation communautaire, dont l'objet est beaucoup plus vaste que celui du « service public adapté à chaque mode de transport » auquel l'article L. 4424-28 précité faisait référence.

Rappelons qu'en vertu du règlement du Conseil européen n° 2408-92 du 23 juillet 1992 précité, les obligations de service public, sont définies comme : « les obligations imposées à un transporteur aérien en vue de prendre, à l'égard de toute liaison qu'il peut exploiter en vertu d'une licence qui lui a été délivrée par un Etat membre, toutes les mesures propres à assurer la prestation d'un service répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial », tandis que le règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992 précité les définit comme « les obligations que s'il considérait son propre intérêt commercial, l'armateur communautaire [...] n'assumerait pas [...] ».

Conformément aux dispositions des deux règlements du Conseil des ministres européens précités, les deuxième et troisième paragraphes de l'article L. 4424-19 inséré par le IV de l'article 14 prévoient respectivement que lorsque la collectivité territoriale de Corse décide de soumettre les lignes à des obligations de service public, elle peut :

- s'agissant des compagnies aériennes , désigner pour l'exploitation de ces liaisons des titulaires d'une licence d'exploitation de transporteur aérien délivrée par un Etat membre de l'Union européenne ou Partie à l'Espace économique européen ;

- et en ce qui concerne les compagnies maritimes , désigner pour l'exploitation de ces liaisons des compagnies dont la flotte est immatriculée dans un Etat membre de l'Union européenne ou Partie à l'espace économique européen et battant pavillon de cet Etat membre ou Partie, sous réserve que les navires de cette flotte remplissent toutes les conditions fixées par cet Etat membre ou Partie pour être admis au cabotage.

La collectivité est toutefois tenue de procéder aux formalités de publicité prévues notamment par l'article 4, a) et d) du règlement CEE 2408/92 pour les liaisons aériennes.

Le dernier alinéa de l'article L. 4424-19, dans la rédaction proposée par l'article 14 du projet de loi ouvre, quant à lui, à la collectivité territoriale de Corse la facilité d'établir, pour les liaisons de desserte aérienne ou maritime, un régime « d'aide individuelle à caractère social » pour certaines catégories de passagers.

C. MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre deux amendements de précision rédactionnelle, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements à l'article L 4424-19 inséré par le paragraphe IV :

Au premier alinéa, un amendement tente de donner un tour contraignant à la faculté d'imposer des obligations de service public que le projet initial reconnaissait à la collectivité territoriale de Corse. Ce texte portait, en effet, que la collectivité « peut » imposer des obligations de service public, alors que la rédaction transmise au Sénat indique que des obligations de service public « sont imposées » par cette collectivité, le présent de l'indicatif ayant valeur d'impératif. Toutefois, ces obligations ne peuvent être imposées que sur « certaines » lignes aux termes du même texte. La modification opérée en première lecture par l'Assemblée nationale est donc d'une portée normative faible, voire nulle.

En outre, cet amendement précise que ces obligations sont « à même d'atténuer » les contraintes liées à l'insularité.

Le deuxième amendement adopté au Palais Bourbon à l'initiative du rapporteur supprime le dernier alinéa 3° du V de l'article 14 afin de rectifier une erreur matérielle .

Enfin, le dernier amendement , adopté à l'initiative du Gouvernement au septième paragraphe du texte , prévoit que sur le territoire de la Corse, par dérogation à l'article L. 110-3 du code de la route, la liste des routes à grande circulation est fixée par délibération de l'Assemblée de Corse.

L'article L. 110-3 précité définit les routes à grande circulation, comme celles qui « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont des routes qui assurent la continuité d'un itinéraire à fort trafic, justifiant des règles particulières en matière de police de la circulation ».

Selon les propos du ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale, cette extension s'inscrit dans la logique qui favorise le développement des transports de l'île et renforce les compétences de la collectivité territoriale de Corse en la matière.

On notera, cependant, que cette modification aurait pour effet que les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme qui interdisent les constructions de part et d'autres des routes à grande circulation ( amendement « Dupont ») seront désormais rendues applicables par une délibération de l'Assemblée de Corse, alors même que celle-ci s'efforcera de desserrer le « carcan » que constitue parfois l'application du code de l'urbanisme.

D. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

Votre commission spéciale considère que cette modification qui résulte, il convient de le noter, d'un amendement du Gouvernement constitue le type même du « cadeau empoisonné ». En effet, elle aurait pour effet que les dispositions de l'amendement « Dupont » (article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme) seraient désormais rendues applicables par une délibération de l'Assemblée de Corse, alors même que celle-ci n'aurait aucune latitude pour juger de l'opportunité de leur application. De ce fait, c'est à la suite d'une décision de cette assemblée que les constructions nouvelles seraient interdites dans une bande de cent mètres située de part et d'autre des voies qu'elle aurait classées à grande circulation.

N'est-il pas contradictoire de souhaiter adapter certaines dispositions du code de l'urbanisme aux spécificités de la Corse en ne donnant à la collectivité territoriale de Corse qu'une compétence procédurale, un pouvoir lié, qui ne lui laisse qu'une marge d'appréciation ? Aussi votre commission spéciale vous présente-t-elle un amendement tendant à supprimer cette disposition et à laisser à l'Etat le soin d'appliquer la législation qu'il édicte et d'assumer, ce faisant, ses responsabilités.

III. COORDINATION (paragraphe V)

Le cinquième paragraphe de l'article 14 modifie l'article L. 4424-29 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4424-29 du même code.

Il transforme son deuxième paragraphe afin de tenir compte des modifications opérées par le paragraphe IV.

Dans l'état du droit en vigueur, le deuxième paragraphe de l'article L. 4424-29 prévoit que l'Office des transports de la Corse conclut avec les compagnies de transport concessionnaires du service public, des conventions quinquennales qui définissent notamment les tarifs, les conditions d'exécution et la qualité de service.

La nouvelle rédaction fait référence à la conclusion de conventions de délégation de service public , expression qui permettra à la collectivité territoriale de Corse de recourir à d'autres modes de gestion que la concession, tels que l'affermage, tout en définissant, comme par le passé, les conditions d'exécution et la qualité du service, ainsi que les modalités du contrôle auquel il est soumis.

Votre commission spéciale vous demande enfin d'adopter cinq amendements de coordination à cet article.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 15
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie
du code général des collectivités territoriales)
Gestion des infrastructures de transport

Cet article transfère à la collectivité territoriale de Corse la propriété des infrastructures de transport que constituent les ports, les aérodromes et le réseau ferré auxquels s'ajoutent les biens de l'Etat mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique de Corse.

Il se situe dans la même logique que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 26 juin 2001, prévoit :

- de renforcer la participation des collectivités territoriales régionales à la gestion des ports d'intérêt national ( article 43 B ) ;

- d'accroître le rôle des régions dans le développement des infrastructures aéroportuaires ( article 43 C, nouveau ).

Il est composé de deux paragraphes. Le premier insère un second paragraphe à la sous-section 2 « Transport et gestion des infrastructures » du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales. Il comprend quatre articles L. 4424-22 à L. 4424-25. Le second opère, par coordination, une modification à l'article L. 211-1 du code des ports maritimes.

I. TRANSFERTS DE PATRIMOINE (paragraphe I)

Article L. 4424-22 du Code général des collectivités territoriales
Compétence de la collectivité territoriale de Corse
en matière de ports maritimes

En vertu des articles 6 et 9 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée, les départements ont reçu une compétence de droit commun pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche . L'article 4 de ce texte avait prévu qu'une loi déterminerait les transferts de compétences dans le domaine des ports et des voies d'eau, mais ce texte n'est jamais intervenu. Aussi, l'Etat conserve-t-il sa compétence en ce qui concerne :

- les ports maritimes autonomes ;

- les ports maritimes d'intérêt national et les ports maritimes contigus aux ports militaires.

L'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle à l'article L. 4424-22, qui résulte de l'article 15 du projet de loi initial. Celui-ci donne à la collectivité territoriale de Corse compétence pour créer, aménager, entretenir et gérer les ports maritimes de commerce et de pêche , et pour en étendre , le cas échant, le périmètre , à l'exception des ports qui, à la date de promulgation de la loi relèveront de la compétence des départements.

Il dispose également que les biens appartenant à l'Etat, les ports d'Ajaccio et de Bastia , à l'exception des plans d'eau, sont transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui est substituée à l'égard des tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux bien transférés.

Selon l'étude d'impact présentée par le Gouvernement l'activité du port de Bastia « s'articule essentiellement autour du trafic de passagers, notamment entre la Corse et le continent (France et Italie), et du trafic de ciment et de produits de consommation courante à l'importation pour les marchandises. Le trafic d'hydrocarbures s'effectue à l'extérieur du port sur un dépôt pétrolier. Le concessionnaire estime le trafic passagers à 1.915.000 passagers en 2000 (soit une hausse de 6,2 %). Il devrait se maintenir à ce niveau en 2001.

En 2000, le chiffre d'affaires de ce port a atteint 38,7 millions de francs, en diminution de 3,3 millions de francs par rapport à 1999, sous l'effet d'une baisse du tarif sur les droits de port marchandises de 5 %. En 2001, le chiffre d'affaires est estimé à 36 millions de francs, en repli de 2,7 millions de francs sous l'effet, notamment, d'une nouvelle baisse tarifaire. »

L'activité du port d'Ajaccio concerne, quant à elle, principalement « le trafic de passagers, notamment entre la Corse et le continent, l'activité croisière et le trafic d'hydrocarbures et de produits de consommation courante à l'importation, pour les marchandises. Pour 2000, l'estimation du trafic fait apparaître une augmentation du trafic passagers de 4,5 % pour atteindre 713.000 passagers. Cette tendance doit se confirmer en 2001 avec une prévision d'augmentation de 2,8 % .

En 2000, le chiffre d'affaires de la concession portuaire d'Ajaccio est de 28,9 millions de francs, en progression de 0,6 million de francs par rapport à 1999. L'augmentation du chiffre d'affaires avait été plus importante les années précédentes (22,4 millions de francs en 1997, 26,5 millions de francs en 1998 et 28,3 millions de francs en 1999). En 2001, le concessionnaire a prévu lors de l'établissement de son budget une légère augmentation du chiffre d'affaires à 29,2 millions de francs. »

Le troisième alinéa soumet les ports d'Ajaccio et de Bastia non pas à l'article L. 1311-1 du CGCT, qui détermine le régime des biens du domaine public des collectivités territoriales et prévoit qu'ils sont inaliénables et imprescriptibles, mais aux articles L. 34-1 à L. 34-7 du code domaine de l'Etat qui disposent notamment que :

- le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat a un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise, ce droit lui conférant, pour la durée de l'autorisation, les prérogatives et obligations du propriétaire (article L. 34-1) ;

- les droits, ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne peuvent être cédés, ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir (article L. 34-2) ;

- à l'issue du titre d'occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis, soit par le titulaire de l'autorisation, soit à ses frais, à moins que leur maintien en l'état n'ait été prévu expressément par le titre d'occupation ou que l'autorité compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition (article L. 34-3).

Le même article prévoit, en outre, que les autorisations, décisions et agréments prévus par les articles L. 34-1 à L. 34-7 précités seront pris, après consultation du représentant de l'Etat, par le président du Conseil exécutif, ou par le concessionnaire lorsque la concession le prévoit expressément.

En ce qui concerne la police et la sécurité , le dernier alinéa prévoit que :

- l'Etat demeurera compétent pour assurer la police des ports maritimes ;

- la collectivité territoriale de Corse mettra gratuitement à sa disposition les installations et aménagements nécessaires au fonctionnement des services chargés de la police et de la sécurité , dans des conditions définies par une convention.

L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un seul amendement de portée purement rédactionnelle à cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter trois amendements à cet article.

Pour éviter toute équivoque, il vous est suggéré de supprimer, par un amendement , au deuxième alinéa de cet article, toute référence à la substitution de la collectivité territoriale de Corse dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés. En effet, cette indication est inutile car l'article 35 du projet de loi dispose que les transferts de patrimoine visés par l'article L. 4424-2 s'effectuent dans les conditions prévues par l'article L. 4422-44 du même code (lequel reprend le contenu de l'actuel article L. 4422-31, en vertu de l'article 3 du projet de loi). Or, ce texte prévoit que la collectivité territoriale de Corse assume l'ensemble des obligations du propriétaire pour les biens transférés et qu'elle est substituée à l'Etat pour les droits et obligations résultant des contrats et marchés dérivant du fonctionnement des services.

En outre, la formule dont la suppression est proposée est susceptible de susciter des interrogations chez le lecteur non averti puisque si elle figure, à l'identique, à l'article L. 4424-23 (relatif au transfert des aérodromes) elle n'est, en revanche, pas mentionnée aux articles :

- L. 4424-7-III (article 9 du projet de loi) relatif au transfert de propriété des biens culturels ;

- L. 4424-24 (article 15 du projet de loi) qui s'applique au transfert du réseau ferré ;

- L. 4424-25 (même article) qui prévoit le transfert des biens de l'Office d'équipement hydraulique de Corse.

Rien ne justifie donc la persistance d'une mention que votre commission spéciale vous proposera de supprimer par un amendement à l'article L. 4424-23.

Outre un amendement de coordination, votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement de précision au dernier alinéa de cet article.

Celui-ci institue, en effet, deux procédures pour la délivrance des autorisations d'occupation du domaine public prévues par les articles L. 34-1 et suivants du code du domaine public.

Si les autorisations délivrées par le président du Conseil exécutif le sont après consultation du représentant de l'Etat, celles accordées par le concessionnaire ne sont pas soumises à l'avis du préfet. Rien ne justifie une telle asymétrie, c'est pourquoi un amendement qui prévoit la consultation du représentant de l'Etat quelle que soit la nature de l'autorité chargée de délivrer les autorisations vous sera présenté.

Article L. 4424-23 du Code général des collectivités territoriales
Compétences de la collectivité territoriale de Corse
en matière d'aérodromes

Cet article donne à la collectivité territoriale de Corse compétence pour créer, aménager, entretenir, gérer et, le cas échéant, étendre le périmètre des aérodromes dans les conditions prévues par le code de l'aviation civile.

A l'instar des dispositions de l'article L. 4424-22 du code général des collectivités territoriales pour les ports, l'article L. 4424-23 prévoit que les biens appartenant à l'Etat (aérodromes d'Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari) sont transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui est substituée à l'égard des tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés.

Cette expression vise notamment les droits et obligations issues des délégations de service public (concession), ou les questions de responsabilité.

Cependant les emprises et installations réservées à l'Etat pour les besoins de la défense nationale, de la police et de la sécurité de la circulation aérienne ne seront pas transférés.

Une convention réglera, dans les conditions fixées par l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile 114 ( * ) les relations entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, en particulier les mesures nécessaires à un fonctionnement des services chargés de la police et de la sécurité de la circulation aérienne.

L'Assemblée nationale a adopté, à cet article, un amendement de clarification rédactionnelle .

Votre commission spéciale vous présentera, quant à elle, un premier amendement afin de supprimer la référence à la substitution de la collectivité territoriale de Corse dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés, pour les mêmes raisons que celles développées dans le commentaire de l'article L. 4424-22, ci-dessus.

Un second amendement tend à prévenir les difficultés qui résulteront de l'expiration de la concession des aéroports de l'île dont le texte prévoit qu'il seront transférés à la collectivité territoriale. En effet, La gestion des aéroports est actuellement confiée par l'Etat à la Chambre de commerce et d'industrie.

Or, bien que la convention de concession expire le 31 décembre 2001, rien, dans le texte transmis ne précise les conditions dans lesquelles s'effectuera la « passation des pouvoirs » entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse qui est donc, ipso facto, réputée gérer des aéroports sans même avoir les moyens de connaître leur situation exacte au plan économique et financier.

C'est pourquoi un amendement tend à prolonger de deux ans à compter de la date prévue de leur expiration, les conventions précitées. Cette période transitoire permettra à la collectivité territoriale de déterminer, sans improvisation, les conditions dans lesquelles elle entend gérer les aéroports concernés.

Article L. 4424-24 du Code général des collectivités territoriales
Transfert du réseau ferré dans le patrimoine
de la collectivité territoriale de Corse

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que le réseau ferré de Corse est transféré dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui en assurera « l'aménagement, l'entretien, la gestion et, le cas échéant, l'extension ».

Le réseau ferré de Corse, qui compte 232 kilomètres de voies ferrées, ainsi que l'indique l'encadré ci-après, constitue un réseau secondaire d'intérêt général.

LES CHEMINS DE FER DE LA CORSE

« Le Chemin de fer corse est un réseau secondaire d'intérêt général , long de 232 km , comprenant deux lignes à voie métrique (Bastia - Ajaccio, soit 158 km, et Ponte Loccia - Calvi, soit 74 km), d'un écartement d'un mètre.

1. Régime du réseau

Le réseau ferré corse ne fait pas partie du réseau ferré national . Il appartient aux « autres réseaux ferroviaires ouverts au public » dont les modalités de gestion sont fixées par l'article 18, dernier alinéa de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI). Depuis l'origine, et jusqu'au 1 er janvier 1983, l'Etat avait confié l'exploitation de ce réseau à des petites compagnies de chemin de fer privées. Les biens de ce réseau ont été mis à la disposition de la Région de Corse par la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 (article 27) puis de la Collectivité territoriale de Corse , qui en est devenue gestionnaire en vertu de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 (article 82). La loi du 30 juillet 1982 (article 18), puis la loi du 13 mai 1991 (article 72) substituent la Région, puis la Collectivité de Corse dans les droits et obligations de l'Etat pour l'exploitation du chemin de fer corse.

2. Modalités d'exploitation

L'exploitation du réseau corse n'entre pas dans le cadre du monopole conféré à la SNCF par l'article 18 , 2 e alinéa, de la LOTI en ce qui concerne l'exploitation du réseau ferré national. La collectivité Territoriale de Corse a donc le choix de son délégataire.

La Direction des transports terrestres a, par lettre du 24 décembre 1982, dénoncé la convention avec la CFTA pour « laisser le champ libre à la Région » dans le cadre de la décentralisation. Par lettre du 29 décembre de la même année, le ministre a demandé à la SNCF d'assurer provisoirement l'exploitation du réseau corse sur la base de l'ancien contrat, confirmé par le décret n° 83-775 du 30 août 1983. En janvier 1983, par décision du ministre, la SNCF, a été substituée au dernier exploitant, la CFTA.

Le 1 er juillet 1983, la Région de Corse a été substituée à l'Etat et a décidé de reconduire l'exploitation par la SNCF. La convention d'exploitation actuelle, passée entre la collectivité Territoriale de Corse et la SNCF, venait à échéance fin 1998. La procédure prévue par la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption et transparence de la vie publique (loi « Sapin ») prévoit un appel d'offres pour choisir un nouvel exploitant. L'Assemblée territoriale de Corse a décidé de prolonger d'un an (soit jusqu'au 31 décembre 1999 ), par avenant , la convention d'exploitation . Ce délai a été mis à profit par la CTC pour faire réaliser un audit sur l'exploitation.

Un avis d'appel à candidature a été lancé le 6 mai 1999, à l'issue duquel trois entreprises ont fait acte de candidature. La seule offre déposée auprès de la CTC a été celle de la SNCF, dont la validité de l'offre a été constatée de 10 février 2000 par la commission de dépouillement de la CTC. Dans la mesure où la délégation de service public n'avait pas abouti en décembre 1999, une « convention transitoire », destinée à assurer la gestion courante du réseau, et par là même la continuité du service public, a été conclue, pour l'exercice 2000 et une partie de l'exercice 2001, entre la SNCF et la CTC. Le conseil d'administration de la SNCF a approuvé le projet de convention de délégation de service public, conclue pour une durée de neuf ans, lors de la séance du 11 juillet 2001. L'assemblée territoriale de Corse l'a approuvé lors de sa séance du 27 juillet 2001. Le président de l'Assemblée de Corse et le président de la SNCF doivent signer cette convention le 6 septembre 2001. ».

Source : Ministères de l'intérieur et de l'équipement.

Article L. 4424-25 du Code général des collectivités territoriales
Transfert des biens de l'Etat
mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique
de la collectivité territoriale de Corse

Adopté sans modification par l'Assemblée nationale, cet article prévoit que les biens de l'Etat mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique de Corse seront transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui en assurera l'aménagement, l'entretien, la gestion et, le cas échéant, l'extension.

II. COORDINATION (paragraphe II)

Par coordination avec les dispositions de l'article L. 4424-22 qui transfère les ports maritimes à la collectivité territoriale de Corse, le second paragraphe fait figurer les collectivités territoriales dans la liste des personnes susceptibles d'administrer un port où un droit de port peut être perçu dans les conditions fixées par l'article L. 211-1 du code des ports maritimes 115 ( * ) .

Sous-section 3
Du logement
Article 16
Logement

Composé de trois paragraphes , cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, apporte des modifications de coordination aux articles du code général des collectivités territoriales relatifs aux compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de logement .

Le paragraphe I transforme la sous-section 4 de la section 6 en sous-section 3, « Logement » de la même section.

Le paragraphe II inclut l'article L. 4424-26 dans la sous-section 3 de la section 2.

Enfin, le paragraphe III substitue, par coordination, l'expression « plan d'aménagement et de développement durable » utilisé à l'article L. 4424-26, à la référence, devenue obsolète, au « plan de développement ».

SECTION 3
Du développement économique
Sous-section 1
De l'aide au développement économique
Article 17
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie
du code général des collectivités territoriales)
Aides au développement économique

Cet article a pour objet de modifier le chapitre IV (Attributions) du titre II (La collectivité territoriale de Corse) de la quatrième partie (La région) du code général des collectivités territoriales, afin d'offrir à la collectivité territoriale de Corse des facultés d'intervention plus larges en matière d'aides aux entreprises.

1.° Le cadre juridique actuel des aides publiques aux entreprises

Les interventions économiques des collectivités locales sont longtemps restées soumises à des conditions extrêmement restrictives, sinon à une interdiction totale, définies dans une large mesure par la jurisprudence administrative.

Celle-ci considérait que seules des circonstances particulières de temps et de lieu ou un intérêt public local pouvaient justifier une intervention des collectivités locales 116 ( * ) . Toutefois, au fil des années et sous la pression de la crise économique née du choc pétrolier de 1973, le « corset juridique » 117 ( * ) dans lequel étaient enserrées leurs initiatives s'était peu à peu dénoué.

Les lois de décentralisation de 1982 118 ( * ) ont marqué un tournant décisif en reconnaissant les capacités d'intervention des collectivités locales dans le secteur économique.

Les aides publiques aux entreprises doivent ainsi se conformer non seulement aux règles de droit interne, relatives aux modalités d'intervention de l'Etat et des collectivités locales, mais aussi aux règles communautaires, de plus en plus nombreuses et précises.

• Les règles de droit interne

L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi. Dans ce cadre et sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire, les collectivités territoriales peuvent intervenir en matière économique et sociale 119 ( * ) .

L'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales - qui a codifié les dispositions de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 - précise que « les collectivités locales et leurs groupements peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activités économiques, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises. »

Faute d'être dégagé par la loi elle-même, le critère de distinction entre aides directes et aides indirectes l'a été par la jurisprudence administrative 120 ( * ) : l'aide directe se traduit par la mise à disposition de moyens financiers à l'entreprise bénéficiaire, avec une conséquence comptable (immédiate ou potentielle) dans son compte de résultats.

Quant aux aides indirectes, elles recouvrent toutes les autres formes d'aides consistant, soit à mettre à la disposition des entreprises des biens immobiliers, soit à améliorer leur environnement économique et à faciliter l'implantation ou la création d'activités.

Les aides directes aux entreprises sont limitativement énumérées 121 ( * ) et strictement encadrées par la loi. Il s'agit de la prime régionale à la création d'entreprises, de la prime régionale à l'emploi, des prêts, avances et bonifications d'intérêts.

Elles sont attribuées par la région 122 ( * ) , dans des conditions fixées par trois décrets en Conseil d'Etat, codifiés aux articles R. 1511-1 à R. 1511-18 du code général des collectivités territoriales et modifiés récemment par le décret n° 2001-607 du 9 juillet 2001 afin de prendre en compte la réglementation européenne.

L'aide est octroyée par une décision de l'exécutif local prise en exécution d'une délibération de l'assemblée délibérante 123 ( * ) . C'est une compétence qui ne peut faire l'objet d'aucune délégation. L'entreprise bénéficiaire doit se trouver dans une situation régulière au regard de ses obligations fiscales et sociales.

Les aides indirectes sont en principe libres, car elles sont censées ne pas profiter à l'entreprise en établissant un lien financier avec la collectivité qui les accorde.

L'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, seuls ou conjointement . » Il écarte ainsi toute primauté régionale et toute liste limitative.

Toutefois, certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une réglementation ultérieure : il s'agit des rabais sur les ventes et locations immobilières 124 ( * ) , des garanties d'emprunt et cautionnements 125 ( * ) et des participations au capital de sociétés 126 ( * ) .

Sur ce point, on notera simplement que l'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales autorise les régions à participer au capital des sociétés de développement régional 127 ( * ) et des sociétés de financement interrégionales ou propres à chaque région ainsi que des sociétés d'économie mixte.

Outre ces différentes formes d'aides indirectes, il convient de relever, parmi les moyens dont disposent les collectivités locales pour favoriser la création d'entreprises sur leur territoire les exonérations d'impôts locaux qu'elles peuvent accorder, tout particulièrement les exonérations de taxe professionnelle.

Enfin, votre rapporteur rappelle qu'existent de nombreuses aides spécifiques , qu'il s'agisse des subventions aux entreprises exploitant des salles de spectacles cinématographiques, des aides à l'équipement rural ou encore des aides directes ou indirectes aux entreprises en difficulté -ces dernières ne sont ouvertes qu'aux régions et aux départements 128 ( * ) .

L'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, modifié par l'article 16 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation sur l'outre-mer, dispose que « des actions de politique économique notamment en faveur de l'emploi peuvent être entreprises par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir le cas échéant en dérogeant aux conditions d'utilisation prévues pour les collectivités territoriales par les dispositions du II de l'article 87 de la loi de finances pour 1987. »

Ces conventions peuvent être passées pour autoriser les collectivités locales à intervenir dans le cadre de dispositifs qui ne sont pas prévus par le régime de droit commun des interventions économiques défini aux articles L. 1511-1 à L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Elles ne peuvent toutefois avoir pour objet de modifier, par voie conventionnelle, le dispositif général prévu par les dispositions législatives susvisées et leurs décrets d'application. Par ailleurs, les actions prévues par ces conventions doivent être compatibles et cohérentes avec la politique menée par l'Etat en terme de soutien aux entreprises et de développement économique.

• Les dispositions propres à la Corse

Le régime des interventions économiques de la collectivité territoriale de Corse est défini par l'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions reprennent celles de l'article 61 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la Corse.

A la différence des autres régions, la collectivité territoriale de Corse a la possibilité de déterminer elle-même le régime des aides directes et indirectes en faveur du développement économique.

L'Assemblée de Corse peut ainsi, par ses délibérations, fixer des montants et des modalités d'attribution des aides directes ou indirectes à des entreprises différents de ceux fixés, pour les autres régions, par décret en Conseil d'Etat.

Cependant, le droit commun des garanties d'emprunt, des prises de participation dans le capital de sociétés privées, des aides aux entreprises en difficulté, au maintien des services en milieu rural et aux sociétés d'économie mixte locales reste applicable 129 ( * ) .

D'autre part, les plafonds d'aide ne peuvent être fixés que dans les conditions et limites posées par le droit communautaire en matière de concurrence.

Par une délibération du 23 octobre 1992, l'Assemblée de Corse a décidé la création d'une agence de développement économique de la Corse (ADEC), chargée principalement de gérer les aides aux entreprises attribuées par la collectivité territoriale.

Cet établissement public industriel et commercial doté d'un conseil d'administration de vingt-trois membres (douze désignés par l'Assemblée de Corse et onze par des organismes consulaires, professionnels, bancaires et de recherche) est présidé par un conseiller exécutif désigné par le président du conseil exécutif.

Votre rapporteur relève que le préfet de Corse, jugeant la création de cet organisme illégale , avait formé le 15 janvier 1993 un recours gracieux contre la délibération de l'Assemblée. Son recours reposait sur un double moyen :

- d'une part, loi du 13 mai 1991 n'a pas prévu la création d'un établissement public industriel et commercial chargé de la gestion des aides aux entreprises de la collectivité territoriale ; dès lors celle-ci ne disposait pas de l'habilitation législative nécessaire pour créer un tel organisme ;

- d'autre part, la loi confiant au seul président de l'exécutif la capacité d'attribuer les aides dans le cadre des interventions économiques prévues par la collectivité territoriale, celui-ci ne peut déléguer cette compétence à un organisme distinct de la collectivité.

En réponse aux observations du préfet, l'Assemblée de Corse n'a pas modifié les statuts de l'agence mais a demandé, par une délibération du 19 novembre 1993, une validation législative du statut de l'ADEC.

La délibération du 23 octobre 1992 n'a pas été déférée au tribunal administratif. Toutefois, dans l'attente d'une éventuelle validation législative , l'individualisation des aides de la collectivité territoriale est effectuée non plus par le Bureau de l'agence, comme le prévoyaient ses statuts, mais par le conseil exécutif lui-même, comme le prévoit la loi. Le rôle de l'ADEC se limite donc désormais à l'instruction des dossiers de demandes d'aides, à la formulation, par le Bureau, d'un avis sur chaque dossier et à la préparation des arrêtés attributifs d'aide signés par le président du conseil exécutif.

Par ailleurs, la collectivité territoriale de Corse peut participer à un fonds de développement économique géré par une société de développement régional ayant pour objet l'apport de fonds propres aux entreprises en développement 130 ( * ) .

Le versement de dotations pour la constitution d'un fonds d'investissement présente l'avantage d'être moins risqué que la prise de participation au capital d'une société . En effet, lorsqu'une collectivité devient actionnaire d'une société et qu'elle en est gestionnaire de droit ou de fait, elle peut encourir une action en comblement de passif si cette dernière fait faillite. D'autre part, la constitution d'un fonds d'investissement permet de ne pas modifier la répartition du capital social entre les actionnaires. En revanche, les subventions versées constituent un élément du bénéfice imposable de la société. Leur montant réel est donc diminué du montant de l'impôt que l'entreprise doit acquitter.

• Le droit communautaire

En vertu de l'article 87 du traité instituant les Communautés européennes, les aides d'Etat qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou productions sont incompatibles avec le marché commun et, en conséquence, prohibées. Les aides des collectivités territoriales aux entreprises sont assimilées à des aides d'Etat 131 ( * ) .

Seules certaines aides sont autorisées , soit parce qu'elles sont considérées d'office comme compatibles avec le marché commun, ce qui est le cas des aides à caractère social, soit parce qu'elles rentrent dans des catégories définies et remplissent certaines conditions susceptibles de les rendre compatibles avec le marché. Il s'agit notamment des aides destinées à soutenir le développement de certaines activités ou de certaines régions ou à promouvoir d'importants projets communs d'intérêt communautaire.

En principe, tout nouveau régime d'aide doit être notifié à la Commission européenne, qui apprécie sa compatibilité avec le marché commun. La procédure applicable a été précisée par le règlement n° 659/99 du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 88 du traité instituant les Communautés européennes.

D'autre part, la Commission européenne a publié, sous forme de « lignes directrices » et de « communications », les conditions que doivent respecter certaines aides pour être réputées compatibles avec le marché commun . Depuis 1988, elle a été habilitée à fixer ces conditions par voie de règlements. Les catégories d'aides visées dans ces règlements sont dispensées de la procédure de notification et d'approbation préalables.

Trois règlements , dits « d'exemption » ont été adoptés à ce jour : le règlement sur les aides « de minimis » qui fixe à cent mille euros par entreprise, sur trois ans, le montant total des aides qui peuvent être accordées librement, en excluant toutefois certains secteurs ; le règlement sur les aides aux petites et moyennes entreprises ; le règlement sur les aides à la formation 132 ( * ) .

En France, le secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) est chargé de coordonner l'ensemble des notifications qui lui sont proposées par les ministères compétents, y compris les aides mises en oeuvre au plan local. Aussi, lorsqu'un projet d'aide ne relève pas d'un régime approuvé ou dépasse les seuils de cumul autorisés, le préfet saisit le département ministériel principalement concerné afin d'envisager les modalités de notification de ce projet d'aide à la Commission européenne.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la France a déjà notifié et fait approuver une cinquantaine de régimes d'aides. Dans la mesure où les collectivités locales s'y conforment, leurs interventions sont considérées comme compatibles avec le marché commun.

2. Le texte soumis au Sénat

• Des mesures de coordination

Le premier paragraphe (I) du présent article contient de simples mesures de coordination. Il procède à la renumérotation et à la réorganisation de la section consacrée au développement économique.

La section 3 « Du développement économique » (ancienne section 6) ne comprendrait désormais plus que quatre sous-sections :  « Interventions économiques » ; « Tourisme » ; « Agriculture et forêt » ; « Formation professionnelle et apprentissage ». Les sous-sections « Logement », « Transports » et « Energie » seraient transférées dans d'autres sections.

Le deuxième paragraphe (II) donne une nouvelle rédaction à la sous-section 1 : « Interventions économiques ». Elle ne comprendrait plus désormais que les dispositions relatives aux entreprises, ainsi que celles portant sur les projets industriels d'intérêt régional qui figurent dans l'actuel article L. 4424-21 133 ( * ) . Ce dernier deviendrait l'article L. 4424-30 en application de l'article 13 du présent projet de loi.

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à réparer une omission.

Les dispositions relatives aux aides aux entreprises seraient ainsi codifiées dans trois nouveaux articles L. 4424-27, L. 4424-28 et L. 4424-29, auxquels s'ajouterait l'article L. 4424-30.

• La reprise des dispositions actuelles relatives aux aides directes et indirectes

L'article L. 4424-27 reprend, en la modifiant légèrement, la rédaction des trois premiers alinéas de l'actuel article L. 4424-20 qui donne compétence à la collectivité territoriale de Corse pour déterminer, par ses délibérations, le montant et les modalités d'attribution des aides directes ou indirectes à des entreprises.

Contrairement à l'article L. 4424-20, il ne prévoit plus l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour préciser les conditions dans lesquelles la collectivité territoriale doit définir le régime des aides. Il précise, en revanche, qu'elle doit agir dans le respect des engagements internationaux de la France, ce qui vise en particulier le droit communautaire.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi initial, le Gouvernement indique que la référence à des mesures réglementaires d'application serait inutile. Saisi d'un projet de décret élaboré en application de l'article L. 4424-20 et prévoyant notamment des règles de plafonds en matière d'aides directes, le Conseil d'Etat avait en effet considéré que le pouvoir réglementaire n'était plus compétent pour fixer de telles règles, et que ce texte devait se limiter à préciser les conditions de forme requises pour l'adoption des délibérations de l'Assemblée de Corse fixant le régime des aides. Dans ces conditions, le Gouvernement de l'époque n'avait pas jugé utile de prévoir un texte réglementaire et avait retiré son projet.

• La possibilité de participer à un fonds d'investissement auprès d'une société de capital investissement

L'article L. 4424-28 autorise la collectivité territoriale de Corse à participer, par versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement auprès d'une société de capital-investissement ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises.

Pour assurer la mixité des capitaux, le montant des dotations versées par la collectivité territoriale ne pourrait excéder 50 % du montant total du fonds. Les conditions générales d'emploi des dotations seraient fixées dans le cadre d'une convention passée avec la société gestionnaire 134 ( * ) .

La novation par rapport au droit existant consiste à permettre à la collectivité de Corse de participer à un fonds d'investissement qui ne soit pas nécessairement géré par une société de développement régional.

Une seule société de développement régional, la Caisse de développement de la Corse (CADEC), a été créée en Corse, en 1982, dans le cadre des lois de décentralisation et du premier statut particulier de l'île.

La collectivité territoriale de Corse est, avec l'Etat, son principal actionnaire. Instrument essentiel du financement de l'économie locale, la CADEC. représentait, en 1998, environ le quart des encours de crédit à moyen terme distribués sur l'île. En raison de graves difficultés, en partie imputables à des erreurs de gestion, dont certaines ont été vivement dénoncées par le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des fonds publics en Corse 135 ( * ) , cette société a dû cesser son activité de financement à la fin de l'année 1999, pour se concentrer sur le recouvrement des créances.

Actuellement, il existe une seule société de capital investissement en Corse : la société « Femu Qui » (fait ici), qui a été créée en 1992 pour mobiliser l'épargne populaire, afin de favoriser la création d'emplois sur l'île. Son capital, auquel participe déjà la Caisse des dépôts et consignations, est encore relativement modeste ; il devrait être prochainement porté de quatre à vingt-trois millions de francs.

Votre rapporteur rappelle que les interventions des collectivités publiques en faveur du capital investissement sont, elles aussi, soumises aux dispositions des articles 87 et 88 du traité instituant les Communauté européennes, dans des conditions précisées par une « Communication » de la Commission européenne du 25 mai 2001.

Les dispositifs envisagés doivent donc être notifiés et approuvés par la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre, conformément aux dispositions de l'article 88-3 du traité. Toutefois, afin d'exonérer les collectivités de cette procédure préalable, le Gouvernement a notifié un régime cadre d'intervention en faveur du capital investissement, qui a été approuvé le 25 juillet 2001 136 ( * ) .

Ce régime, qui s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2008, est destiné à servir de fondement juridique communautaire à l'intervention des collectivités locales dans ce domaine. Applicable à toutes les opérations de capital-investissement (amorçage, création, développement, reprise-transmission), il fixe les règles d'intervention publique en matière de capital-investissement quelle que soit l'origine des fonds : État, collectivités territoriales, Fonds structurels.

Dans la mesure où la collectivité territoriale de Corse respectera les dispositions de ce régime, ses interventions seront considérées comme compatibles avec le marché commun.

• La possibilité de définir de nouveaux régimes d'aides

L'article L. 4424-9 habilite la collectivité territoriale de Corse à définir de nouvelles aides directes ou indirectes, en sus de celles qui sont définies par la loi .

La nature, la forme et les modalités d'attribution de ces aides seraient fixées par délibération de l'Assemblée de Corse. Le président du conseil exécutif devrait, chaque année, rendre compte à l'Assemblée, dans un rapport spécial, du montant des aides accordées et de leur effet sur le développement économique local.

La collectivité de Corse aurait ainsi la possibilité de mettre en oeuvre l'ensemble des régimes notifiés et approuvés par la Commission européenne, d'accorder des aides entrant dans le cadre des règlements d'exemption précités, mais également de créer tout autre régime, à la condition toutefois de le notifier et de le faire approuver par la Commission .

3. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale appelle de ses voeux une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques des collectivités locales. Elle constate que le présent article consacre et approfondit un transfert du pouvoir réglementaire à la collectivité territoriale de Corse en matière d'aides économiques. L'adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, en instance au Sénat, priverait ses dispositions d'une partie de leur portée.

• La nécessaire réforme du régime des interventions économiques des collectivités locales

Comme le soulignait notre collègue Daniel Hoeffel, rapporteur du groupe de travail de la commission des Lois sur la décentralisation 137 ( * ) , les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer pour maintenir un certain niveau d'équité sociale et territoriale. A travers des demandes partenariales, les élus locaux, qui connaissent le tissu économique, sont bien placés pour identifier les besoins et imaginer des solutions pour l'emploi local.

Cependant, l'efficacité des interventions économiques des collectivités territoriales est mise en question par la complexité du cadre juridique national , en décalage avec la réalité, à laquelle s'ajoutent des incertitudes résultant de son défaut d'harmonisation avec le droit communautaire d'inspiration plus libérale.

Une telle situation ne peut être que périlleuse pour les collectivités et leurs élus, exposés à une insécurité permanente , comme l'a parfaitement souligné le rapport présenté par notre collègue Michel Mercier au nom de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation, présidée par Jean-Paul Delevoye 138 ( * ) .

Elle justifie une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques des collectivités locales qui, selon les préconisations du groupe de travail de la commission des Lois sur la décentralisation, devrait avoir pour triple objet une meilleure coordination avec le droit communautaire , la recherche d'une plus grande complémentarité des différentes interventions économiques, le maintien des interdictions actuelles et l'approfondissement des règles prudentielles qui protègent les collectivités locales contre des risques financiers excessifs.

Votre commission spéciale ne peut donc que déplorer le retard pris pour réformer le régime des interventions économiques, malgré les initiatives du Sénat, en particulier l'adoption, le 10 février 2000, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, de la proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires, qui n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

• L'extension de la faculté reconnue à la collectivité territoriale de Corse de définir des régimes d'aides aux entreprises

Dans la mesure où, en l'état actuel du droit, les différentes aides directes qui peuvent être mises en place sont définies par la loi 139 ( * ) , il est légitime de s'interroger sur le point de savoir si le pouvoir donné à la collectivité territoriale de Corse d'en créer de nouvelles catégories ne correspondrait pas à une délégation du pouvoir législatif .

Lors de l'examen du présent projet de loi, le Conseil d'Etat n'a, semble-t-il, pas retenu cette interprétation . Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, il aurait fait observer que la création de nouvelles aides ne relevait pas d'une des matières réservées à la loi par l'article 34 de la Constitution. L'interdiction faite aux collectivités locales de définir elles-mêmes les catégories d'aides qu'elles souhaitent accorder aux entreprises résulterait simplement d'une disposition législative qui avait encadré leur compétence dans ce domaine. Dès lors, le Conseil d'Etat aurait estimé que la loi pouvait, sans méconnaître l'article 34 de la Constitution, élargir les conditions d'exercice de cette compétence et autoriser les collectivités locales à créer elles-mêmes de nouvelles catégories d'aides.

S'inspirant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, le Conseil d'Etat a indiqué, dans son avis rendu sur le présent projet de loi, que « Les dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire, ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une collectivité territoriale dont, en vertu de la l'article 72, la loi prévoit les conditions de la libre administration, le soin de définir les conditions d'application d'une loi, mais il ne peut le faire qu'à condition que cette habilitation porte sur des mesures dont elle définit précisément le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre et ne porte pas atteinte à la compétence qui appartient au Premier ministre d'édicter des règles nationales applicables à l'ensemble du territoire. »

Sur ce fondement, le Conseil d'Etat a disjoint du projet de loi certaines dispositions de son article premier mais a reconnu, comme il l'avait fait à l'occasion du projet de décret élaboré en application de l'article 61 de la loi du 13 mai 1991, que la loi pouvait confier à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de créer des régimes d'aides aux entreprises.

Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel n'avait pas jugé contraire à la Constitution le pouvoir reconnu à la collectivité territoriale de Corse de déterminer elle-même le régime des aides directes aux entreprises. On relèvera cependant que le texte qui lui était soumis prévoyait expressément l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions d'exercice de cette compétence. Par la suite, ce même Conseil d'Etat a considéré, sans que le Conseil constitutionnel ait apporté aucune précision sur cette disposition dont il n'avait pas été directement saisi, que la loi avait opéré un transfert total du pouvoir réglementaire. Rien ne permet donc d'affirmer que le Conseil constitutionnel considère que cette habilitation revête une portée limitée.

• Une portée atténuée par le projet de loi relatif à la démocratie de proximité

L'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 25 juin 2001, tend à modifier l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, relatif aux aides directes aux entreprises, auquel se réfère le présent article.

Adopté à l'initiative du Gouvernement sans avoir été examiné par la commission des Lois de l'Assemblée, après que M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, se fut engagé lors de l'examen du présent projet de loi au Palais Bourbon à étendre à l'ensemble des régions certaines des dispositions prévues pour la Corse 140 ( * ) , cet article dispose que « les aides directes revêtent la forme de subventions, de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances remboursables à des conditions plus favorables que celle du taux moyen des obligations. »

Sans mettre fin à la distinction entre aides directes et aides indirectes, dénoncée par la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité tend donc à définir les aides directes en fonction de leur forme et non plus de leur régime.

Celui-ci sera fixé par une délibération du conseil régional et non plus par décret en Conseil d'Etat. L'article 43 A rappelle que les aides devront être attribuées dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de concurrence et d'aménagement du territoire et des engagements internationaux de la France .

Votre rapporteur observe que l'article L. 4424-27 proposé par le présent projet de loi ne mentionne que le respect des engagements internationaux tandis que celui de l'article L. 4424-29 ne fait référence au nécessaire respect que des dispositions législatives -et non plus réglementaires- en matière de concurrence et d'aménagement du territoire et des engagements internationaux de la France.

On ne peut que s'étonner devant une telle discordance entre toutes ces rédactions, dont la portée semble d'ailleurs singulièrement limitée, puisque les collectivités territoriales sont bien évidemment tenues de respecter tant les engagements internationaux de la France, que les dispositions législatives et réglementaires nationales.

C'est la raison pour laquelle, votre commission spéciale vous propose d'adopter deux amendements de suppression de ces mentions imprécises, inutiles et dangereuses puisqu'elles pourraient laisser entendre que la collectivité territoriale de Corse ne serait pas tenue au respect des dispositions législatives et réglementaires qui ne sont pas citées.

Votre rapporteur observe, d'autre part, que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité confirme la primauté de la région dans l'octroi d'aides directes aux entreprises. Les départements, les communes et leurs groupements ne pourront que participer au financement des aides définies par le conseil régional, sans qu'aucune consultation préalable soit exigée, dans le cadre d'une convention.

Le régime des aides indirectes resterait inchangé. A l'exception des garanties d'emprunt et des aides à l'immobilier d'entreprises qui demeureraient encadrées, toutes les autres aides indirectes seraient libres.

Enfin, l'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité autorise les régions du continent à participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres aux entreprises.

A la différence de la collectivité territoriale de Corse, le montant de leur participation serait limité à 30 % du montant total du fonds. Il a été indiqué à votre rapporteur que cette différence tenait à la « situation particulière de l'économie corse ». Il serait ainsi difficile pour la collectivité territoriale, en raison de la structure du tissu industriel de l'île, de trouver des partenaires financiers susceptibles de prendre des participations pour la mise en place d'un fonds d'investissement, en particulier si ce fonds n'a pour seul objet que d'intervenir en faveur des entreprises corses. Les autres régions disposeraient d'un tissu industriel bien plus dense et auraient la possibilité de mettre en place des fonds interrégionaux.

Ainsi que le Gouvernement l'a indiqué lui-même à votre rapporteur, l'adoption de l'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité privera de toute portée, sauf sur ce dernier point, les dispositions du présent article. Comme en 1982, il est donc regrettable de devoir discuter d'adaptations avant de connaître le droit commun.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

Sous-section 2
Du tourisme
Article 18
(art. L. 4424-31 du code général des collectivités territoriales)
Orientations en matière de développement touristique

Cet article vise à modifier l'article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales, qui deviendrait l'article L. 4424-31 en application de l'article 14 du présent projet de loi, afin de renforcer les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de promotion et de développement touristiques.

1. La répartition actuelle des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le secteur du tourisme

Les lois de décentralisation, en particulier la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 portant répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, n'ont pas considéré le tourisme comme un secteur spécifique nécessitant la création d'un bloc de compétences au profit d'une catégorie de collectivités locales.

La loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, adoptée à l'initiative du Sénat, a consacré la concurrence des compétences en disposant dans son article premier que « L'Etat, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent ces compétences en coopération et de façon coordonnée. »

Si les communes, les départements et les régions disposent de quelques attributions spécifiques, la concurrence de leurs compétences nécessite donc des mécanismes de concertation.

• Les compétences spécifiques des collectivités locales

Les communes ont reçu des compétences propres en ce qui concerne la réalisation et la gestion de certains aménagements et équipements à vocation touristique, en particulier les ports de plaisance, les remontées mécaniques ou encore les zones de mouillage. Elles peuvent réaliser des zones d'aménagement concerté ayant pour objet le développement des loisirs et du tourisme. Leur responsabilité est particulièrement soulignée par les lois n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Enfin, les compétences des communes en matière d'urbanisme et de police administrative trouvent à s'appliquer aux activités touristiques.

Les départements ont une vocation particulière en matière de développement du tourisme rural. Ils établissent un programme d'aide à l'équipement rural, un plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées et peuvent élaborer un plan départemental de randonnées nautiques.

Ils ont obtenu le transfert dans leur dotation globale d'équipement, des subventions de l'Etat au titre de la modernisation de l'hôtellerie rurale et accordent de nombreuses aides aux hébergements touristiques ruraux (gîtes, chambres d'hôte, campings à la ferme...)

Enfin, la loi du 23 décembre 1992 leur confère la possibilité d'établir un schéma d'aménagement touristique départemental, qui doit prendre en compte les orientations définies par le schéma régional du développement du tourisme et des loisirs.

Les régions constituent, quant à elles, le cadre privilégié de l'élaboration d'une politique locale de développement du tourisme et se sont vu reconnaître des compétences importantes en matière d'aménagement touristique. La loi du 23 décembre 1992 dispose que, dans le cadre de leurs compétences en matière de planification, elles définissent les objectifs à moyen terme du développement touristique régional, dont les modalités et conditions de mise en oeuvre, notamment au plan financier, sont déterminées par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs, prévu par la loi du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme.

Les régions peuvent se voir transférer les attributions exercées par les missions interministérielles d'aménagement touristique. Elles peuvent être associées à la définition, à la gestion et au contrôle des sociétés d'aménagement régional. Elles ont l'initiative de la création des parcs naturels régionaux et ont compétence pour créer des canaux et des ports fluviaux.

On notera que la loi leur fait obligation de créer des comités régionaux du tourisme, même si elle les laisse libres de fixer leur nature juridique, leur organisation et leur champ de compétences, à la condition de respecter un minimum de représentation. La création d'offices municipaux et de comités départementaux du tourisme est, quant à elle, facultative.

• Les compétences générales

Les types d'interventions des collectivités territoriales en faveur du développement du tourisme se sont diversifiés . Les régions, les départements et les communes organisent selon des modalités diverses un service destiné à accueillir et à informer les touristes. Elles engagent des actions de promotion de leur territoire -participation à des foires, publicité, édition de documentation- et s'efforcent de mettre en place des outils facilitant la commercialisation des produits touristiques. Elles réalisent des équipements en infrastructures (travaux de voirie notamment) et en superstructures (ports de plaisance, remontées mécaniques) ou accordent des aides aux entreprises et organismes qui interviennent dans le secteur du tourisme. Elles s'efforcent également de mettre en place des animations -fêtes, spectacles. Enfin, elles sont chargées d'établir des statistiques et de mener des études , surtout les régions, qui ont mis en place, avec l'INSEE, des observatoires régionaux du tourisme .

Les interventions des collectivités locales trouvent leurs limites dans le nécessaire respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie , des règles d'aménagement et d'urbanisme et dans la prise en compte des risques financiers.

• Les compétences de l'Etat

Selon les termes de la loi du 23 décembre 1992, l'Etat définit et met en oeuvre la politique nationale du tourisme .

A l'instar des collectivités locales, il exerce la plupart des missions que lui a reconnues le législateur en liaison, en coopération ou concurremment avec les collectivités territoriales ou l'une de leurs structures : il assure le recueil, le traitement et la diffusion des données et prévisions relatives à l'activité touristique, en liaison et en coopération avec les observatoires régionaux du tourisme ; il définit et conduit les opérations de promotion touristique nationale en liaison et en coopération avec les collectivités territoriales et les partenaires concernés ; il favorise la coordination des initiatives publiques et privées dans le domaine du tourisme ; il apporte son concours aux actions de développement touristique engagées par les collectivités territoriales, notamment par la signature des contrats de plan avec les régions.

Seules deux catégories de compétences lui sont reconnues à titre exclusif : la détermination et la mise en oeuvre des procédures d'agrément et de classement des équipements, organismes et activités touristiques, selon des modalités fixées par décret 141 ( * ) ; la fixation des règles et des orientations de la coopération internationale dans le secteur du tourisme et leur mise en oeuvre, notamment au sein des organisations internationales compétentes.

• Une harmonisation nécessaire

La concurrence des compétences des collectivités publiques nécessitait une certaine harmonisation, dont l'instrument principal reste la contractualisation . Les contrats de plan conclus entre les régions, les autres collectivités locales et l'Etat définissent ainsi la participation de chaque partenaire à la réalisation d'un objectif précis.

La technique de la concertation est également utilisée puisque l'avis ou l'accord de l'organe délibérant d'une collectivité concernée est souvent requis lorsque la décision est prise par l'Etat ou une autre collectivité dont le territoire inclut celui de la première. Ainsi, les départements doivent-ils demander l'avis des communes intéressées avant d'élaborer les plans départementaux de randonnées pédestres et équestres. De même les conseils généraux sont consultés à propos de la création de parcs naturels nationaux ou régionaux.

L'organisation de l'harmonie et de la cohérence des interventions des collectivités publiques dans le domaine du tourisme constituait l'un des objectifs majeurs de la loi du 23 décembre 1992. D'aucuns, à l'instar de M. Pierre Py, ont regretté que l'objectif de l'harmonisation des compétences ait pris le pas sur celui de leur répartition 142 ( * ) .

2. La situation de la Corse

• Le tourisme, un enjeu essentiel pour le développement de l'île

En Corse, plus qu'ailleurs sans doute, le secteur du tourisme présente la double face de Janus .

La situation géographique de l'île, ses caractéristiques physiques et la structure de son économie font sans conteste des activités touristiques l'un des moteurs de son développement. Après une période morose entre 1993 et 1996, ce secteur connaît une forte croissance depuis 1997. La saison touristique 2000 a été marquée par d'excellents résultats : durant le seul mois de juillet, un peu plus d'un million de passagers ont emprunté les transports aériens et maritimes entre la Corse et le continent ; ils étaient 5,6 millions en cumul sur douze mois. Le flux touristique tend à se diversifier, au profit, notamment, de personnes en provenance du nord de l'Europe, même si la clientèle reste française à près de 70 %, et le tourisme familial majoritaire.

D'ores et déjà, le tourisme constitue le premier secteur économique privé de l'île. Selon les tableaux de l'économie corse établis par l'I.N.S.E.E., il engendre près de 10 % de son produit intérieur brut (effets d'entraînement inclus), soit davantage que l'agriculture ou la construction. L'emploi salarié du secteur se concentre dans les structures d'hébergement et de restauration. Il équivaut à 3 400 « temps complets employés toute l'année ». En période estivale, plus de 6 000 salariés travaillent dans le secteur, près de 7 000 autour du 15 août.

Pourtant, l'opportunité de développer le tourisme sur l'île a longtemps fait l'objet de controverses , en raison de ses conséquences potentiellement dommageables sur l'environnement et l'identité locale.

La conciliation entre développement touristique, valorisation des sites et préservation de l'environnement est délicate, et l' enjeu réel car, malgré les bons résultats obtenus depuis quelques années, le tourisme conserve, en Corse, un fort potentiel de développement . Les flux sont limités par la qualité moyenne de l'offre, la saturation des capacités d'hébergement et le manque de professionnalisation de la filière.

Il s'agissait donc, dans l'esprit du relevé de conclusions du 20 juillet 2000, qui mentionnait le tourisme parmi les compétences susceptibles de faire l'objet d'une décentralisation renforcée, d'approfondir un transfert de compétences déjà entamé par la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

• La répartition des compétences dans le secteur du tourisme en Corse

L'article 69 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 143 ( * ) dispose que : « La collectivité territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan de développement, les grandes orientations du développement touristique de l'île. »

Par dérogation à la loi n° 87-10 du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme, la loi du 13 mai 1991 a créé une institution spécialisée chargée, dans le cadre des orientations définies par la collectivité territoriale, de la coordination de l'ensemble des actions de développement du tourisme en Corse.

Cette institution assure la promotion touristique de l'île et met en oeuvre la politique d'aide à la modernisation et au développement des structures d'accueil et d'hébergement.

Présidée par un conseiller exécutif désigné par le président du conseil exécutif, l' Agence du tourisme de Corse dispose d'un budget de 50 millions de francs environ et emploie une quarantaine de personnes.

La répartition des compétences dans le domaine du tourisme prévue par la loi du 23 décembre 1992 ne se vérifie pas non plus complètement à l'échelon départemental.

Faute de moyens humains et financiers, la structure juridique créée par le département de Corse-du-Sud, à la fin des années 1980, n'a eu aucune fonction opérationnelle.

Le département de Haute-Corse avait créé, par délibération du conseil général, un comité départemental du tourisme et des loisirs en 1994. Cette structure associative a été dissoute en 1999. Depuis lors, elle a été remplacée par une nouvelle association dénommée « Haute-Corse Développement » qui joue un rôle actif, notamment en matière d'assistance technique aux porteurs de projets. Un programme de signalétique touristique et un plan départemental des itinéraires de promenades et randonnées ont été lancés.

Enfin, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, le maillage institutionnel local présenteraient des lacunes en termes qualitatifs et quantitatifs puisque 25 structures locales seulement répondraient aux critères de la loi du 23 décembre 1992.

3. Le projet de loi soumis au Sénat

• Un transfert de compétences peu clair

Le présent article tend à confier à la collectivité territoriale de Corse le pouvoir de déterminer et de mettre en oeuvre , dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, les orientations du développement touristique de l'île.

En l'état actuel du droit la collectivité territoriale ne peut que définir, et non mettre en oeuvre, les grandes orientations du développement touristique. Les autres collectivités locales disposent des mêmes compétences que leurs homologues du continent.

Le projet de loi lui confie également la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique du tourisme et des actions de promotion de l'île, compétences qu'elle pouvait déjà exercer, à moins que le projet de loi n'entende lui confier la mise en oeuvre de la politique nationale ou instituer un quelconque pouvoir de tutelle sur les autres collectivités locales.

La collectivité territoriale serait désormais chargée du recueil , du traitement et de la diffusion des données relatives à l'activité touristique, compétences jusqu'à présent dévolues à l'Etat en liaison et en coordination avec l'observatoire régional du tourisme, qui dépend de l'Agence du tourisme de Corse.

Enfin, elle serait chargée de coordonner les initiatives publiques et privées dans les domaines du développement, de la promotion et de l'information touristique, mission dévolue à l'Etat par la loi du 23 décembre 1992 et à l'Agence du tourisme de Corse par la loi du 13 mai 1991.

Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement d'ordre rédactionnel en première lecture.

• Un renforcement du contrôle de la collectivité territoriale de Corse sur l'Agence du tourisme

Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a instauré une tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur l'Agence du tourisme et prévu que le conseil d'administration de cette dernière devra être composé à titre majoritaire de représentants de l'Assemblée de Corse .

M. Bruno Le Roux, rapporteur, a considéré cette disposition comme « une solution équilibrée rapprochant le régime applicable en Corse de celui du droit commun applicable aux régions » et souligné sa cohérence avec les dispositions de l'article 40 du projet de loi, qui autorisent l'Assemblée de Corse à exercer directement les missions confiées aux différents offices.

M. Bernard Roman, président de la commission des Lois, a quant à lui indiqué que l'existence des offices, leurs modalités de fonctionnement et leur latitude d'action pouvaient constituer un obstacle à l'exercice par les élus des nouvelles prérogatives accordées à la collectivité territoriale de Corse. Prenant acte du fait que l'assemblée territoriale n'avait pas souhaité la dissolution immédiate de ces organismes, il a estimé que cet amendement permettrait d'améliorer considérablement la situation existante en garantissant la présence majoritaire des élus au sein du conseil d'administration de l'Agence du tourisme.

4° La position de votre commission spéciale

Les dispositions soumises au Sénat, qui n'appellent aucune objection de principe de la part de votre commission spéciale, consacrent donc moins un transfert effectif de compétences que la volonté de confier à la collectivité territoriale, davantage qu'à l'Etat, le soin de définir, d'animer et de coordonner les différentes actions conduites sur l'île. A cet égard, elles s'inscrivent pleinement dans le cadre, certes imparfait, de la loi du 23 décembre 1992. Au demeurant, le projet de loi n'envisage pas la suppression de la délégation régionale au tourisme, qui ne compte guère aujourd'hui que six agents, contrairement au souhait exprimé par le conseil exécutif de Corse dans son avis sur l'avant projet de loi.

La portée du dispositif doit cependant être appréciée au regard des dispositions de l'article 19 du présent projet de loi, qui confient à la collectivité territoriale le classement des stations et de l'ensemble des organismes de tourisme, et de son article 40, qui tend à autoriser l'Assemblée de Corse à exercer directement les missions qui sont aujourd'hui confiées à l'Agence du tourisme.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à supprimer les dispositions législatives relatives à l'Agence du tourisme , par coordination avec le dispositif qu'elle vous propose à l'article 40 du présent projet de loi.

Il s'agit de supprimer la mention ad nominem des offices dans la loi et de reconnaître à l'Assemblée de Corse la possibilité de créer des établissements publics placés sous sa tutelle pour leur confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences.

On observera qu' en application de la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, la collectivité territoriale de Corse devra créer un comité régional du tourisme comparable à ses homologues du continent.

Par le même amendement, et dans un souci de clarification, votre commission spéciale propose de supprimer la disposition selon laquelle la collectivité territoriale de Corse définit, met en oeuvre et évalue la politique du tourisme de Corse et les actions de promotion qu'elle entend mener.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

Article 19
(art. L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales)
Classement des stations, organismes et équipements de tourisme

Cet article tend à insérer un article L. 4424-32 dans le code général des collectivités territoriales, afin de confier à la collectivité territoriale de Corse le classement des stations, organismes et équipements de tourisme.

Elle serait ainsi dotée, selon M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, des moyens lui permettant d'exercer la compétence que lui reconnaît l'article 18 du projet de loi en matière de développement touristique.

1. Le classement des stations touristiques

• L'état actuel du droit

L'expression de « station classée » est ambiguë. Il existe en effet un classement officiel, prévu par la loi, et des classements organisés par des associations de communes pour favoriser leur promotion, comme par exemple l'Association des stations vertes de vacances et des villages de neige.

Les deux textes de base concernant les stations classées sont la loi du 24 septembre 1919 et la loi du 3 avril 1942, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 2231-1 à L. 2231-18 du code général des collectivités territoriales. Ces deux textes ont été complétés par de nombreuses lois, en particulier celle n° 64-698 du 10 juillet 1964 relative à la création d'offices du tourisme dans les stations.

Le classement a pour objet de faciliter la fréquentation de la station, de permettre son développement et, le cas échéant, de faciliter la prise en charge des personnes privées de ressources suffisantes.

Il peut concerner une commune, une fraction de commune ou un groupe de communes 144 ( * ) qui offrent, selon les termes de l'article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales, soit un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques ou artistiques, soit des avantages résultant de leur situation géographique ou hydrominéralogique, de leur climat ou de leur altitude, tels que ressources thermales balnéaires, maritimes, sportives ou uvales.

• Les conditions de classement

Le classement requiert la possession d'une « ressource touristique » et d'une capacité d'accueil .

La première condition a conduit le législateur à distinguer six catégories : les stations hydrominérales qui possèdent une ou plusieurs sources minérales ou un établissement exploitant ces sources ; les stations climatiques , qui offrent aux malades des avantages climatiques ; les stations uvales qui possèdent sur leur territoire des cultures de raisins de table aptes à une cure thérapeutique et sont placées dans un centre touristique ; les stations de tourisme , qui offrent aux visiteurs un ensemble de curiosités naturelles ou artistiques ; les stations balnéaires , qui offrent des avantages balnéaires ou maritimes résultant de leur situation géographique ; les stations de sports d'hiver ou d'alpinisme , qui remplissent des conditions d'altitude, d'accessibilité et d'intérêt pour les sports de montagne 145 ( * ) .

Le classement comme station nécessite également l'existence d'une capacité d'accueil en termes sanitaires (alimentation en eau potable suffisante, réseau d'assainissement, ramassage des ordures ménagères, assistance médicale), d'animations (distractions et manifestations) et d'équipements (transports, hébergements, équipements spécifiques à chaque catégorie de station).

En général, les normes exigées ne sont pas précisées par les textes , ce qui laisse aux autorités compétentes un large pouvoir discrétionnaire d'appréciation. Toutefois , des décrets et des arrêtés définissent avec précision des normes de classement particulières à certaines catégories de stations, notamment celles de sports d'hiver et d'alpinisme 146 ( * ) , et le Conseil supérieur de l'hygiène publique de France, le Conseil national du tourisme ou encore le Conseil d'Etat ont établi des directives relativement précises.

• La procédure de classement

En principe , l'initiative du classement appartient aux collectivités locales intéressées 147 ( * ) . La procédure est lourde et complexe . A l'échelon local, elle nécessite la réalisation d'une enquête publique et l'obtention de nombreux avis d'organismes départementaux. Au niveau national, plusieurs avis sont également requis et l'instruction est conduite par des ministres différents suivant le type de stations. Finalement, le classement est prononcé par un décret en Conseil d'Etat .

• Les conséquences du classement

Le classement impose aux stations quelques obligations, mais il leur offre de nombreux avantages.

Les stations classées se voient ainsi imposer certaines obligations en matière d'hygiène 148 ( * ) et en matière d'urbanisme, puisqu'elles doivent établir un plan local d'urbanisme.

Par ailleurs, la jurisprudence paraît plus exigeante en matière de police administrative, notamment en ce qui concerne la sécurité publique, à l'égard des stations classées qu'à l'égard des autres communes 149 ( * ) .

Les stations classées jouissent de nombreux avantages tant sur le plan administratif que financier. Elles peuvent créer un office municipal du tourisme 150 ( * ) ; certaines d'entre elles 151 ( * ) peuvent voir accorder à des casinos l'autorisation de pratiquer des jeux de hasard, normalement interdits.

Sur le plan financier, elles disposent ou peuvent disposer de ressources particulières : la taxe de séjour (facultative), la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière exigible sur les mutations à titre onéreux, le prélèvement progressif sur le produit des jeux dans les casinos. Par ailleurs, les conseils municipaux des stations classées peuvent voter des majorations d'indemnité de fonction 152 ( * ) .

Enfin, le classement constitue en lui-même un avantage puisqu'il constitue un instrument de promotion des stations auprès de la clientèle.

• Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe I du présent article tend à confier à la collectivité territoriale de Corse, par dérogation au droit commun, le classement des stations touristiques.

Le classement serait prononcé par délibération de l'Assemblée de Corse , à la demande ou sur avis conforme de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme, après consultation du conseil départemental d'hygiène 153 ( * ) et du conseil des sites -dont la composition serait modifiée à l'article 9 du présent projet de loi- et après enquête publique .

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est extrêmement réservée sur la dévolution d'une telle prérogative à la collectivité territoriale de Corse.

De nombreuses critiques sont actuellement adressées au système de classement des stations touristiques. Lui sont ainsi reprochés : l'archaïsme des normes, qui mettent davantage en exergue les ressources que les équipements ; leur imprécision, qui nuit à l'information précise des touristes ; l'injustice du classement, conservé par des stations qui ne le méritent plus et refusé à des communes qui font des efforts considérables pour le développement du tourisme ; ou encore la complexité des procédures.

Aussi le Conseil national du tourisme a-t-il été chargé, en la personne de M. Jean Launay, de proposer une réforme dont les éléments devraient être connus à la fin de l'année 2001. On rappellera également qu'un « livre blanc » avait été élaboré par l'Association des maires des communes touristiques et thermales et des stations classées. Il semble donc préférable de procéder à une réforme d'ensemble du régime de classement, à la lumière des propositions du Conseil national du tourisme.

D'autre part, confier à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de prononcer le classement risque de s'apparenter à une forme de tutelle sur les communes et leurs groupements. Certes, le classement ne pourrait être prononcé qu'à la demande ou sur avis conforme de la collectivité concernée. En revanche, l'Assemblée de Corse ne serait-elle pas libre de refuser de délivrer cette reconnaissance en prenant une délibération qui relève actuellement d'un décret en Conseil d'Etat ?

La procédure de l'enquête publique, qui doit éclairer et assurer l'objectivité de la décision, ne constitue peut-être pas un palliatif suffisant à l'imprécision actuelle des normes de classement. Saisi, d'un éventuel contentieux, le juge administratif sera en peine d'apprécier l'erreur manifeste d'appréciation de la collectivité territoriale.

Votre commission spéciale rappelle que l' interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre , posée dans la loi 154 ( * ) , constitue une dimension essentielle du principe de la libre administration des collectivités locales consacré par l'article 72 de la Constitution.

Aussi votre commission spéciale vous soumet-elle un amendement de suppression du paragraphe I de cet article.

2. Le classement des organismes et équipements touristiques

Le paragraphe II du présent article a trait à la procédure d'agrément et de classement d'un certain nombre d'équipements et organismes.

• L'état actuel du droit

Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme dispose que : « L'Etat détermine et met en oeuvre les procédures d'agrément et de classement des équipements, organismes et activités touristiques selon des modalités fixées par décret. »

Le classement est une décision administrative qui consiste à insérer un hébergement dans une catégorie définie par des normes ayant pour objet essentiel le confort de l'établissement, afin d'assurer l'information des touristes.

L' agrément est un acte par lequel une autorité administrative confère à un organisme, outre une reconnaissance, le bénéfice de certains avantages, facultés ou prérogatives.

Organisé dès le 7 juin 1937 pour les hôtels de tourisme, le classement concerne aujourd'hui toutes les formes classiques de l'hébergement touristique (hôtels, meublés, campings) aussi bien que les formes nouvelles (villages de vacances, parcs résidentiels de loisirs).

Les normes de classement (de confort, de qualité des équipements et des services, d'accessibilité aux personnes handicapées, etc.) doivent être adaptées aux évolutions techniques et aux goûts de la clientèle. Aussi, les sources juridiques du classement sont elles à la fois instables et complexes . Des régimes différents coexistent bien souvent, afin de laisser aux gestionnaires d'hébergements le temps de s'adapter aux nouvelles normes.

La décision de classement est prise par arrêté du préfet du département, après avis de la commission départementale de l'action touristique 155 ( * ) . La procédure varie selon les catégories d'hébergement.

Des agréments sont souvent imposés pour l'octroi des aides publiques aux villages de vacances et aux terrains de campings gérés par des organismes à but non lucratif, ainsi qu'aux maisons familiales. A titre d'exemple, les terrains de campings ne peuvent ainsi recevoir d'aides de l'Etat ou des collectivités locales qu'après avoir obtenu un agrément préfectoral 156 ( * ) .

• Le texte soumis à l'examen du Sénat

Aux termes du présent article, l'Assemblée de Corse pourrait dorénavant, par dérogation à l'article 2 de la loi du 23 décembre 1992, déterminer « les règles de procédure relatives à l'instruction des demandes d'agrément et de classement » des équipements et organismes suivants :

-  Hôtels (aujourd'hui classés en cinq catégories, de une à 4 étoiles et « Luxe ») et résidences de tourisme (établissements dotés d'un minimum d'équipements et de services communs, constitués, en principe, d'un ensemble de chambres ou d'appartements meublés, disposés en unités collectives ou pavillonnaires).

-  Campings et caravanages (également classés en cinq catégories).

-  Villas, appartements et chambres meublées loués à la semaine.

-  Restaurants de tourisme.

-  Offices de tourisme (créés par les conseils municipaux ou, dans les stations classées et les communes littorales, par arrêté du préfet, à la demande du conseil municipal intéressé).

La décision de classement ou d'agrément, quant à elle, serait prise, désormais, non plus par le préfet, mais par arrêté du président du conseil exécutif de Corse .

Il convient de souligner, toutefois, que les dispositions précitées ne font référence qu'aux « règles de procédure » et à la « décision » de classement. D'après les indications communiquées à votre rapporteur, ces formulations n'engloberaient pas la définition des normes qui fondent ce classement : visées, dans la loi du 23 décembre 1992, sous l'expression : « les procédures d'agrément et de classement », elles sont et resteraient fixées par le secrétariat d'Etat au tourisme .

Sous le bénéfice de cette précision, votre commission spéciale vous propose d'adopter cette disposition. Elle vous soumet toutefois un amendement tendant à compléter la liste des catégories d'hébergements susceptibles de faire l'objet d'un classement par la collectivité territoriale de Corse, afin d'y inclure les villages de vacances et les parcs résidentiels de loisirs .

Selon l'étude d'impact du projet de loi, le nombre d'établissements touristiques susceptibles d'être concernés par les mesures de classement précitées s'élèverait, aujourd'hui, à : 348 hôtels (10 408 chambres, soit 1,6 % du parc national, classées, pour près de la moitié d'entre elles, dans la catégorie « deux étoiles ») ; 15 résidences de tourisme (2 167 lits) ; 9 résidences hôtelières non classées ; 159 campings (2,4 % du parc national et 60 % de l'offre d'accueil sur l'île) ; 644 gîtes ruraux ; 29 gîtes communaux ; 4 gîtes d'étape ; 5 chalets de loisirs ; 45 chambres d'hôte avec table ; 75 chambres d'hôte sans tables ; 12 campings à la ferme.

L'implantation de ces hébergements est fortement concentrée sur le littoral, dans quatre zones au demeurant assez spécialisées en termes de structures d'accueil : la zone « Ajaccio et nord » (un tiers de la capacité hôtelière et près de la moitié des résidences de tourisme) ; l'extrême sud de l'île (plus du quart des campings) ; la plaine orientale (près de la moitié des lits offerts par les villages de vacances) ; la Balagne, dont l'offre est la plus diversifiée. L'intérieur de l'île offre également de nombreux gîtes qui participent à l'essor du tourisme rural.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .

Sous-section 3
De l'agriculture et de la forêt
Article 20
(art. L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales,
art. L. 112-11, L. 112-12, L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural)
Orientations en matière de développement agricole, rural et forestier

Cet article vise à modifier l'article L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales et les articles L. 112-11, L. 112-12, L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural afin, d'une part, d'affirmer la compétence de la collectivité territoriale de Corse pour la détermination des grandes orientations du développement agricole, rural et forestier de l'île, d'autre part, de créer une commission territoriale d'orientation de l'agriculture.

1. L'état actuel du droit

Revendiquée de longue date, la compétence de la collectivité territoriale de Corse en matière agricole et rurale n'est pas nouvelle.

• Un rôle essentiel dans la vie sociale de la Corse

Le secteur primaire ne réalise qu'un peu plus de 2 % du produit intérieur brut de l'économie insulaire : le nombre d'exploitations est en forte diminution ; elles connaissent des difficultés incontestables liées, pour partie, à la topographie de l'île. Il conserve toutefois un rôle essentiel dans la vie sociale de la Corse , qui demeure une terre de tradition agricole. L'élevage occupe une place importante, au même titre que les productions végétales (les fruits, notamment, et les agrumes, en particulier) et la viticulture.

L'agriculture présente deux visages distincts, tous deux typiquement méditerranéens. Sur les coteaux et dans les montagnes de l'intérieur de l'île, soit la majeure partie du territoire, se pratique une agriculture d'aspect traditionnel , fondée sur l'élevage extensif et la culture du châtaignier et de l'olivier. Dans la plaine , sur la côte orientale essentiellement, est installée une agriculture moderne , mécanisée et intensive, tournée vers les productions végétales, viticoles et fruitières. La superficie agricole utilisée couvre, selon l'INSEE, 309 500 hectares, soit 36 % du territoire de l'île, dont 71 % en Haute-Corse. La main d'oeuvre agricole familiale représentait environ 5 000 personnes en 1997.

Aussi, dès la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région de Corse, la collectivité territoriale s'est-elle vu confier une compétence en matière agricole, qui a été élargie par l'article 64 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991.

• Des prérogatives anciennes

Aux termes de l'article L. 4424-22 du code général des collectivités territoriales, « la collectivité territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan de développement, les grandes orientations du développement agricole et rural de l'île. »

A cette fin, elle dispose de deux établissements publics à caractère industriel et commercial , dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière, sur lesquels elle exerce son pouvoir de tutelle. Ceux-ci sont présidés par un conseiller exécutif, désigné par le président du conseil exécutif de Corse, et gérés par un directeur nommé, sur proposition du président de l'office, par arrêté délibéré en conseil exécutif.

L'office du développement agricole et rural de Corse (ODARC) est chargé de la mise en oeuvre des actions tendant au développement de l'agriculture et à l'équipement du milieu rural.

L'office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) est chargé de l'aménagement et de la gestion de l'ensemble des ressources hydrauliques de l'île.

• L'office de développement agricole et rural de Corse

Depuis la loi du 30 juillet 1982 157 ( * ) et le décret n° 83-705 du 28 juillet 1983, l'ODARC , héritier de l'ancienne société de mise en valeur agricole de la Corse (SOMIVAC), exerce les compétences dévolues par le code rural aux « commissions départementales des structures agricoles » et au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles ( CNASEA ) 158 ( * ) .

Il est le représentant en Corse des offices d'intervention du secteur agricole 159 ( * ) relevant du ministre de l'agriculture et exerce les compétences qui lui sont confiées à ce titre. Ses relations avec les offices sont régies par voie de conventions approuvées par le ministre.

L'ODARC est ainsi chargé de l'élaboration , dans le cadre du plan de développement, des programmes de développement agricole qui définissent, notamment, le cadre d'intervention de l'office d'équipement hydraulique de Corse en matière d'expérimentation et de diffusion des techniques de conduite de l'irrigation.

Il gère les actions de développement agricole financées par l'Association nationale de développement agricole au moyen du Fonds national de développement agricole , et assure la coordination des autres actions conduites par toutes personnes morales, publiques ou privées intervenant dans ce domaine (chambres d'agriculture, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural...), éventuellement par voie de convention.

Il peut créer et gérer un réseau d' agents de développement mais également des stations d'expérimentation et de recherche appliquée, conduire des études et des actions relatives à l'assistance commerciale, à la modernisation et au développement de l'agriculture.

Enfin, il est chargé de la mise en oeuvre des programmes spéciaux au titre des règlements communautaires , de la distribution des aides financières aux exploitations agricoles et à leurs groupements, et participe à toutes actions d'assistance technique et de coopération internationale.

Aux termes de l'article L. 128-2 du code rural, le président de l'office de développement agricole et rural de Corse ou son représentant est membre titulaire des commissions départementales d'aménagement foncier des départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse.

• L'office d'équipement hydraulique de Corse

Depuis la loi du 30 juillet 1982, l'office d'équipement hydraulique de Corse a pour mission, dans le cadre du plan de la collectivité territoriale de Corse, l'aménagement et la gestion de l'ensemble des ressources hydrauliques de Corse pour les usages autres qu'énergétiques . A cet effet, il étudie, réalise et exploite les équipements nécessaires au prélèvement, au stockage et au transfert des eaux. De même, il étudie, réalise, exploite des réseaux collectifs d'irrigation et d'assainissement des terres agricoles. Il peut, à la demande des collectivités locales, en faire de même pour les équipements nécessaires à la distribution d'eau potable ainsi qu'au traitement des eaux usées. Il peut, à la demande de la collectivité territoriale de Corse, étudier, réaliser ou exploiter des ouvrages à destination énergétique dont la puissance est inférieure à 8 000 kW 160 ( * ) .

L'office assure, en liaison avec l'office de développement agricole et rural de Corse, les actions d'accompagnement liées à la mise en valeur des terres dans les périmètres irrigués. A ce titre, il procède à des expérimentations et diffuse les techniques de conduite de l'irrigation dans le cadre des programmes pluriannuels de développement. Il peut apporter également son concours technique à l'office de développement agricole et rural de Corse pour les actions de mise en valeur engagées par cet organisme, incluant des opérations d'irrigation. L'office est consulté lors de l'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse pour ce qui concerne l'implantation des équipements d'infrastructure et la localisation des activités dans le domaine de l'eau 161 ( * ) .

Enfin, l'office peut intervenir en tant que : concessionnaire de l'Etat, notamment dans le cadre de l'article L. 112-8 ; concessionnaire ou exploitant pour le compte des collectivités territoriales ; maître d'ouvrage recevant délégation des collectivités territoriales ou de toute autre personne de droit public ou privé ; maître d'oeuvre ou encore prestataire de services.

En dehors de l'île, y compris à l'étranger, il peut se voir confier des études ou des travaux dans les domaines où il aura acquis une expérience particulière 162 ( * ) .

• Les modalités de gestion des offices

Les organisations professionnelles agricoles sont associées à l'organisation et à la gestion des deux offices . Deux tiers au moins des sièges de leur conseil d'administration sont attribués aux représentants des exploitants et des salariés agricoles 163 ( * ) ; ils sont répartis proportionnellement aux voix obtenues par les organisations lors des élections aux chambres d'agriculture.

Le conseil d'administration délibère notamment dans les matières suivantes : les programmes généraux ; l'état annuel des prévisions des recettes et des dépenses et, le cas échéant, les états rectificatifs en cours d'année ; les comptes de chaque exercice et l'affectation des résultats ; les emprunts, les acquisitions, échanges et aliénations de biens immobiliers ; les prises, extensions et cessions de participations financières ; les conditions générales de tarification de vente des produits de l'exploitation et des prestations de services ; les conditions générales de passation, de financement et de contrôle des marchés.

Mais c'est la commission technique permanente qui a compétence pour individualiser les aides . Cette commission est composée de huit membres : le président de l'ODARC, deux conseillers territoriaux et cinq socioprofessionnels.

Le représentant de l'Etat dans la collectivité de Corse remplit les fonctions de commissaire du Gouvernement. Il peut demander un nouvel examen des délibérations et décisions -cette demande, qui doit être motivée, revêt un caractère suspensif- et saisir le tribunal administratif s'il estime qu'elle est contraire à la légalité. Aucune délibération du conseil d'administration ou décision prise par délégation de celui-ci ne peut engager financièrement l'Etat sans son accord 164 ( * ) . Un contrôleur d'Etat est nommé par arrêté du ministre des Finances.

De même, la collectivité territoriale de Corse dispose d'un certain nombre d'instruments de contrôle sur les deux offices. Aucune délibération du conseil d'administration ou décision prise par délégation de celui-ci ne peut engager les finances de la collectivité au-delà des crédits que celle-ci a délégués à l'office qu'avec l'accord préalable du conseil exécutif et de l'Assemblée de Corse.

En principe, le président du conseil exécutif détient des prérogatives non négligeables. Il dispose d'un pouvoir d'information, de conseil et de suggestion sur le fonctionnement économique et financier de l'ODARC. Il se fait communiquer tout document nécessaire à l'exercice de ses missions. Il transmet ses avis et suggestions au président de l'office. Il informe l'Assemblée de Corse du fonctionnement économique et financier de l'office. Il reçoit copie des délibérations de son conseil d'administration. Il peut demander un nouvel examen d'une délibération. Cette demande doit être motivée. Avant la fin du premier semestre de chaque année, il présente à l'Assemblée de Corse le rapport d'activités de l'office et les comptes de l'exercice écoulé.

• La mise en oeuvre de la politique forestière

Les pouvoirs publics ont très tôt affirmé la nécessité de planifier et d'encadrer la gestion et la mise en valeur des forêts, publiques et privées, afin d'assurer le respect des impératifs économiques de production, écologiques de protection et sociaux d'accueil du public.

M. Jacques Liagre a ainsi relevé que, déjà « sous la monarchie féodale on trouvait des mesures destinées à empêcher une exploitation anarchique et abusive des forêts, aussi sommaires et incertaines étaient-elles 165 ( * ) . » Le code forestier de 1827 institua, au travers du régime forestier 166 ( * ) , l'obligation de doter les forêts de l'Etat et des collectivités territoriales d'un « aménagement », qui est devenu au fil des années un outil complet de gestion forestière. Les forêts privées ont, elles aussi, été soumises à un régime obligatoire de gestion avec l'institution, en 1963, des « plans simples de gestion. »

L'article L. 1 du code forestier, introduit par la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation pour la forêt dispose ainsi que « La mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d'intérêt général. La politique forestière prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale des forêts et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objet d'assurer la gestion durable des forêts et de leurs ressources naturelles, de développer la qualification des emplois en vue de leur pérennisation, de renforcer la compétitivité de la filière de production forestière, de récolte et de valorisation du bois et des autres produits forestiers et de satisfaire les demandes sociales relatives à la forêt. »

La politique forestière qui relève de la compétence de l'Etat 167 ( * ) , est définie au niveau national avant d'être affinée au niveau régional.

La politique forestière nationale tend à la mise en valeur économique, écologique et sociale de la forêt. L'Etat doit notamment résorber le déficit du commerce extérieur de la filière et permettre le développement des nouvelles fonctions, écologiques et sociales, de la forêt. A l'égard des propriétaires privés, la politique forestière tend à encourager l'investissement forestier, à favoriser la formation des sylviculteurs, à inciter toutes formes de regroupement, à améliorer la qualité des bois et leurs débouchés et à accroître la rentabilité de la sylviculture.

L'adaptation régionale de la politique forestière donne lieu, sur le continent comme en Corse, à des orientations régionales forestières 168 ( * ) .

Les orientations régionales forestières sont préparées par les commissions régionales de la forêt et des produits forestiers, présidées par le préfet, puis arrêtées par le ministre chargé des forêts après avis du conseil régional et consultation des conseils généraux. Elles constituent la norme juridique et technique officielle de référence.

Elles sont précisées, pour les forêts privées, par des orientations régionales de production, remplacées depuis la loi du 9 juillet 2001 par des schémas régionaux de gestion sylvicole. Le projet de schéma est élaboré par le centre régional de la propriété forestière, puis adressé au ministre de l'agriculture et de la pêche. Le ministre l'approuve après avoir recueilli l'avis du Centre national professionnel de la propriété forestière ; il l'arrête lui-même si le centre régional de la propriété forestière refuse les modifications demandées.

Votre rapporteur rappelle que les centres régionaux de la propriété forestière 169 ( * ) , au nombre de dix-sept, ont une implantation et un ressort fixés par voie réglementaire. Ce sont des établissements publics nationaux à caractère administratif, chargés de développer et d'orienter la production des bois des particuliers.

Chaque centre est dirigé par un conseil d'administration élu pour deux tiers parmi les propriétaires forestiers d'au moins quatre hectares groupés dans des collèges électoraux départementaux. Le tiers restant des administrateurs est élu par les organisations professionnelles les plus représentatives de la forêt privée, groupées en collège régional.

La compétence des centres régionaux de la propriété forestière concerne l'élaboration et la révision des schémas régionaux de gestion sylvicole des forêts privés et des codes des bonnes pratiques sylvicoles, l'agrément des plans simples de gestion, le développement des groupements forestiers et la vulgarisation de la sylviculture intensive. Dotés de personnels techniques, ils ont peu à peu affirmé leur rôle, notamment à l'égard des plans simples de gestion qu'ils doivent agréer.

Les orientations régionales forestières sont précisées par des directives régionales d'aménagement pour les forêts domaniales et par des schémas régionaux d'aménagement pour les forêts des collectivités publiques. Ces documents sont élaborés par l'Office national des forêts et arrêtés par le ministre en charge des forêts.

L' Office national des forêts est un établissement public national à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle de l'Etat. Il gère et équipe les forêts et terrains à boiser de l'Etat mais aussi les forêts des collectivités territoriales et personnes morales relevant du régime forestier. La compétence de l'ONF est donc d'abord liée à la mise en oeuvre du régime forestier, régime juridique spécifique, dans les forêts soumises.

L'ONF intervient également, par convention, comme prestataire de services pour réaliser des travaux de protection, d'aménagement et de développement des ressources, pour le compte de propriétaires forestiers publics et privés. Ses missions concernent, essentiellement, la conservation des espèces et l'aménagement des espaces forestiers.

Les directives et schémas, qui s'inscrivent dans le cadre défini par les orientations régionales forestières, sont opposables aux documents de gestion qui constituent le dernier échelon, individuel, applicable à chaque forêt. Enumérés par l'article L. 4 du code forestier, ces documents de gestion sont : les documents d'aménagement pour les forêts relevant du régime forestier, les plans simples de gestion applicables à certaines forêts privées, les règlements types de gestion et les codes des bonnes pratiques sylvicoles.

Si la politique forestière a donc fait l'objet d'une déconcentration certaine, elle a largement échappé à la décentralisation.

2. Le texte soumis au Sénat

• Le projet de loi initial

Le présent article a pour principal objet de compléter la compétence dévolue à la collectivité territoriale de Corse en matière agricole et rurale par un volet forestier et de l'inscrire dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable.

Son paragraphe I insère un article, numéroté L. 4424-33, dans la sous-section 3 « Agriculture et forêts », elle-même insérée dans la section 3 du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales par le paragraphe I de l'article 17 du projet de loi.

Ses paragraphes II et III modifient la rédaction de cet article L. 4424-33, qui correspond en fait, dans le droit actuel, à l'article L. 4424-22, dont la numérotation a été modifiée par le paragraphe VIII de l'article 14 du projet de loi.

La collectivité territoriale de Corse déterminerait désormais, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, les grandes orientations du développement agricole et rural, mais aussi forestier, de l'île.

Toutefois, à l'image de ce qui est proposé, par exemple, pour les actions de promotion des activités physiques et sportives (article 11), les conditions de mise en oeuvre de la politique forestière devraient faire l'objet d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale.

Le paragraphe IV tend à redéfinir le rôle de l'Office du développement agricole et rural de Corse.

Il convient de rappeler, préalablement, que les articles 40 et 41 du projet de loi autorisent la collectivité territoriale, par délibération de l'Assemblée de Corse, à mettre fin à l'existence des offices et à exercer directement leurs attributions.

Sous cette réserve, le présent article propose, dès à présent, de restreindre les compétences de l'ODARC . Celui-ci conserverait les attributions normalement dévolues au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, c'est-à-dire, notamment, l'application des dispositions législatives et réglementaires d'aide à l'aménagement des structures agricoles.

En revanche, il n'exercerait plus les compétences dévolues à la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui consistent, pour l'essentiel, en un rôle consultatif sur les actions menées en matière agricole. Celles-ci seraient désormais assumées par une commission territoriale d'orientation de l'agriculture ( paragraphe V du présent article), comprenant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des professionnels, mais dont la composition serait fixée par décret. Le présent article dispose toutefois qu'elle serait présidée, conjointement, par le préfet et le président du conseil exécutif ou leurs représentants.

• Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements, le premier d'ordre rédactionnel, le second assurant une représentation majoritaire des élus de l'Assemblée de Corse au sein des conseils d'administration des offices de développement agricole et rural et d'équipement hydraulique.

A l'initiative de MM. José Rossi, Paul Patriarche et Jean-Yves Caullet, elle a également prévu, contre l'avis du Gouvernement et sans que celui de sa commission des Lois soit clair, la signature d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat pour fixer les conditions de mise en oeuvre de ses orientations dans le domaine agricole.

3. La position de votre commission spéciale

A l'instar de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse 170 ( * ) , votre commission spéciale relève à la fois l'étendue des compétences déjà dévolues à la collectivité territoriale de Corse dans le domaine agricole et les difficultés qu'elle éprouve à les exercer.

Conçu comme le « guichet unique » du développement agricole en Corse, l'ODARC joue le rôle d'une instance distributrice d'aides en provenance de l'Etat, de l'Union européenne et de la collectivité territoriale. En 1998, la totalité des subventions allouées au secteur agricole s'était élevée, selon le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, à 250 millions de francs.

Celle-ci affirme que « l'établissement public apparaît, à bien des égards, comme le lieu de mise en oeuvre de la politique agricole. L'Etat n'a, en effet, plus la capacité d'impulser une politique agricole en Corse car, dans ce secteur important pour l'économie insulaire, la décentralisation a été poussée très loin. »

Cependant, « investi par les professionnels qui font bloc pour réclamer des aides toujours plus abondantes, l'office s'est révélé incapable de mettre en place une politique de développement agricole et rural dans l'île. » Sont ainsi dénoncés moult gaspillages, un « vide sidéral des dossiers » , que ne parviennent à empêcher le contrôle théorique du préfet de Corse, le contrôle très relatif de la collectivité territoriale ou encore l'impuissance des directions régionales et départementales de l'agriculture et de la forêt.

Sans confier de nouvelles compétences à la collectivité territoriale de Corse en matière agricole, le présent article vise donc à lui redonner les moyens de mettre en oeuvre ses orientations en renforçant son contrôle sur les deux offices . C'est également dans cet esprit, semble-t-il, qu'a été adopté l'amendement de MM. Patriarche, Rossi et Caullet prévoyant la signature d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale.

Ainsi qu'il l'a été exposé, votre commission spéciale vous propose de supprimer dès à présent toute mention des offices et des agences dans la loi, tout en donnant à la collectivité territoriale de Corse les moyens de recréer, si elle le souhaite, des établissements publics sur lesquels elle exercerait un réel pouvoir de tutelle.

Elle vous propose également de clarifier, tant que faire se peut, la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse et de prévoir une coordination de leurs actions au moyen d'une convention.

Outre un amendement tendant à réparer une omission , votre commission spéciale vous soumet donc un amendement visant :

- d'une part, à préciser , comme à l'article 9 du présent projet de loi, que la collectivité territoriale de Corse détermine et met en oeuvre ses orientations en matière de développement agricole, rural et forestier et qu'elle passe une convention avec l'Etat pour coordonner leurs actions ;

- d'autre part, à supprimer l'ensemble des dispositions législatives relatives à l'office du développement agricole et rural et à l'office d'équipement hydraulique de Corse .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 20 ainsi modifié .

Article 21
(art. L. 181-1 du code forestier)
Propriété et gestion des forêts

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de transférer à la collectivité territoriale de Corse la propriété des forêts domaniales et d'organiser les conditions de leur gestion.

1. Le transfert de la propriété des forêts domaniales et leur soumission au régime forestier

Le paragraphe I tend à créer dans le livre I er du code forestier un titre VIII intitulé « Dispositions particulières à la collectivité territoriale de Corse » , comprenant un article L. 181-1 aux termes duquel la propriété des forêts et terrains à boiser qui font partie du domaine privé de l'Etat ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis serait transférée à la collectivité territoriale de Corse.

Les biens transférés , qui couvriraient une superficie de 50.000 hectares environ, relèveraient du régime forestier. Ils continueraient d'être gérés par l'Office national des forêts, dans les conditions prévues par le code forestier pour les forêts non domaniales, c'est-à-dire sous la responsabilité et conformément aux directives de la collectivité territoriale de Corse.

Institué par le code forestier de 1827, le régime forestier constitue un régime de gestion obligatoire pour le propriétaire, destiné à la conservation de la forêt et justifié par le caractère d'intérêt général que représente la préservation de ce patrimoine.

Aux termes de l'article L. 111-1 du code forestier, les forêts et terrains à boiser de l'Etat, ou indivis des collectivités territoriales, établissements publics, sociétés mutualistes et caisses d'épargne, en relèvent de droit. Les autres bois et forêts des collectivités locales, établissements publics, sociétés mutualistes et caisses d'épargne y sont soumis lorsqu'ils sont susceptibles d'aménagement, d'exploitation ou de reconstitution.

Lorsque la soumission au régime forestier n'est pas de droit, la décision de l'appliquer est prise par le préfet, si l'ONF et le propriétaire en sont d'accord. En cas de désaccord, la décision de soumission est prise par arrêté du ministre en charge de la forêt.

L'ONF assure la délimitation et le bornage de la propriété forestière soumise. C'est l'Etat qui, sur sa proposition, décide des atteintes éventuelles à l'assise foncière des forêts : défrichement, aliénation, concession, etc. Les coupes de bois sont programmées dans des « aménagements » élaborés par l'établissement public, agréés par la collectivité propriétaire et approuvés par le préfet de région.

Dans ces forêts, l'ONF assure la surveillance, le constat des infractions, la marque des coupes, la vente des bois et le contrôle des exploitations. Cette prestation de services est prise en charge, en partie par les collectivités propriétaires (frais de garderie représentant à peu près 20 %), en partie par une subvention de l'Etat.

L'Office national des forêts gère ainsi : 1,7 million d'hectares de forêts domaniales ; 2,6 millions d'hectares de forêts (soit 17 % de la forêt française) appartenant à 11 000 communes (dont 81 000 hectares appartenant, d'ores et déjà, aux collectivités locales de Corse) ; 8,4 millions d'hectares de forêts dans les départements d'outre-mer (dont huit millions en Guyane) ; certains terrains reboisés par l'Etat pour le compte de leurs propriétaires, tant que ces derniers restent débiteurs de l'Etat ; des bois, forêts et terrains à boiser appartenant à des groupements fonciers.

Votre commission spéciale précise donc que le transfert de la propriété des forêts domaniales à la collectivité territoriale de Corse, s'il revêt un caractère symbolique certain, ne signifiera pas une liberté totale de gestion. En revanche, il risque d'induire un coût financier non négligeable.

2. La compensation financière du transfert

Le paragraphe II du présent article précise que les modalités de ce transfert feront l'objet d'une convention entre l'Etat, la collectivité territoriale de Corse et l'Office national des forêts, ayant notamment pour objet de déterminer la compensation financière résultant du transfert des revenus, charges et obligations y afférents.

Cette compensation serait calculée sur la moyenne actualisée des crédits nécessaires pour assurer l'équilibre des comptes de l'Office national des forêts en Corse, relatifs à la gestion des biens transférés au cours des dix dernières années , déduction faite des dépenses restant à la charge de l'Etat et de l'établissement public.

Votre commission spéciale relève que cette disposition s'écarte des règles habituelles en matière de compensation des transferts de biens et de compétences à un double titre : d'une part, elle retient un mode de calcul original différent du principe d'une évaluation des charges à compenser à la date du transfert, d'autre part, il n'est pas certain que la rédaction proposée garantisse une consultation de la commission d'évaluation des charges transférées instituée à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales pour la Corse.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la compensation financière du déficit que pourrait laisser à la charge de la collectivité territoriale de Corse la gestion des forêts domaniales serait estimée à 4,6 millions de francs .

L'appréciation du déficit semble toutefois présenter des difficultés particulières. La gestion de l'Office national des forêts revêt ainsi des modalités différentes selon qu'il s'agit de forêts appartenant à l'Etat (régime forestier intégral) ou à des collectivités territoriales (régime forestier moins contraignant), ce qui affectera à la fois les recettes et les dépenses. D'autre part, certaines dépenses, en particulier la rémunération des personnels ayant le statut de fonctionnaires, resteront à la charge de l'Etat.

Faute de pouvoir se fonder sur la comptabilité de l'Office national des forêts relative à la gestion des forêts domaniales corses pour apprécier le déficit de gestion après le transfert de propriété, la solution proposée renvoie à une convention .

Selon les simulations réalisées par le ministère de l'agriculture et de la pêche, « le transfert devrait s'effectuer à coût quasi nul pour la collectivité territoriale de Corse dans les conditions de facturation des honoraires d'ingénierie publique en vigueur en 1999 (...). En revanche, dès lors que ces honoraires seraient facturés au coût complet à la collectivité territoriale de Corse, la dépense serait d'environ 3,3 millions de francs par an. Compte tenu des incertitudes de la comptabilité analytique de l'ONF (qui ne remonte pas au-delà de six ans), l'enveloppe demandée est fondée sur un coût de 4,6 millions de francs. »

Votre commission spéciale se réjouit que le ministère de l'agriculture et de la pêche, nonobstant la simplicité de ses calculs, ait décidé « d'affiner ces données » , en déléguant un montant de 250.000 francs à la direction régionale de l'agriculture et de la forêt pour la réalisation d'un audit sur l'état des forêts domaniales et leur gestion, conformément au souhait émis par l'Assemblé de Corse.

Elle vous soumet toutefois un amendement tendant à renvoyer, sans les modifier, les modalités de calcul de la compensation financière à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales, qui est modifié par l'article 34 du présent projet de loi.

Ainsi, toutes les dispositions relatives à la compensation des transferts de charge figureront-elles au sein d'un même article qui prévoit un avis de la commission d'évaluation des charges, ce qui constituera une garantie supplémentaire pour la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 21 ainsi modifié .

Sous-section 4
De l'emploi et de la formation professionnelle
Article 22
(art. L. 4424-34 du code général des collectivités territoriales,
art. L. 910-1 du code du travail)
Formation professionnelle et apprentissage

Cet article tend à modifier l'article L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales et l'article L. 910-1 du code du travail, afin d'accroître les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.

A cette fin, il modifie la place et l'intitulé de l'actuelle sous-section 6 (Formation professionnelle) de la section VI (Attributions de la collectivité territoriale de Corse en matière de développement économique) du chapitre IV (Attributions) du code général des collectivités territoriales, de telle sorte qu'elle devienne la sous-section 4 (Formation professionnelle et apprentissage) de la section 3 (Du développement économique). Les dispositions de l'actuel article L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales seraient modifiées et insérées dans un article L. 4424-34.

1. Les compétences actuelles des régions et de la collectivité territoriale de Corse en matière de formation professionnelle et d'apprentissage

• Les attributions des régions

L'article 82-1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 a confié à la région une compétence de droit commun et mis à sa disposition un fonds régional pour la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

En matière d' apprentissage , les régions peuvent créer par convention et financer, grâce au produit de la taxe d'apprentissage mais surtout au moyen de subventions, des centres de formation d'apprentis (CFA), qui sont gérés par des associations.

Elles jouent un rôle de programmation, en élaborant des schémas prévisionnels de l'apprentissage . Ces schémas doivent s'intégrer dans le document plus global que constitue le plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes. Ils sont précisés par des cartes de l'apprentissage préparées par les régions, qui définissent le nombre de centres d'apprentis, leur aire géographique, leur capacité d'accueil et la nature des différentes sections qu'ils comportent.

L'Etat conserve un rôle décisif, d'une part en exerçant un contrôle pédagogique sur le contenu des enseignements et la qualification des personnels des centres de formation d'apprentis, d'autre part en conservant la maîtrise des primes et des exonérations de charges sociales aux entreprises qui forment des apprentis.

L'opacité des modalités de distribution des fonds perçus auprès des entreprises par les organismes collecteurs au titre de la taxe d'apprentissage fait l'objet de critiques récurrentes. La loi n° 96-376 du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage a ainsi recentré l'affectation du produit de cette taxe sur le financement des centres de formation d'apprentis, entre lesquels la péréquation a été renforcée.

Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la région est compétente pour arrêter chaque année un programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue . Ce programme donne lieu à consultation du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi 171 ( * ) , ainsi que des comités départementaux correspondants.

Ces programmes doivent permettre à la région de se déterminer sur les orientations générales qu'elle entend mettre en oeuvre pour les catégories de formation à aider, les organismes habilités à les délivrer ou les priorités à établir concernant les publics bénéficiaires. Ils doivent permettre de recenser les actions cofinancées avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan ou des contrats d'objectifs . Ces derniers sont conclus par l'Etat, une région et des organismes socioprofessionnels pour fixer des objectifs concernant le « développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle. »

Les programmes régionaux sont mis en oeuvre par voie de conventions passées avec les établissements publics d'enseignement, les organismes paritaires de formation ou d'autres organismes habilités.

Comme le relevait la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation : « L'exercice de la compétence régionale repose ainsi sur l'affirmation d'une fonction de coordination et de régulation au sein de l'espace régional. Les programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue ont été conçus davantage comme des schémas directeurs que comme des engagements programmatiques et les contrats d'objectifs comme des protocoles d'intention plutôt que des conventions normatives 172 ( * ) . »

Le souhait des conseils régionaux de devenir des acteurs pivot du système de formation professionnelle se heurte au manque d'organisation des branches professionnelles au niveau régional et au poids des services de l'Etat , en particulier de l'Education nationale.

Enfin, la loi quinquennale n°  93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a renforcé les attributions des régions dans le domaine de la formation professionnelle des jeunes .

Elles ont ainsi reçu compétence pour organiser les actions qualifiantes -dès 1994- et préqualifiantes -entre 1994 et 1999- pour les jeunes et préparer chaque année un plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes .

Les plans, qui ont vocation à couvrir l'ensemble des filières de formation (formation initiale, apprentissage, contrats d'insertion en alternance, actions de formation professionnelle pour les jeunes demandeurs d'emploi), sont élaborés par le conseil régional « en concertation » avec l'Etat, après consultation obligatoire de diverses instances : organismes consulaires, conseils généraux, conseil académique de l'Education nationale, comité régional de l'enseignement agricole, conseil économique et social régional, organisations d'employeurs et de salariés. Le schéma prévisionnel de l'apprentissage doit y être intégré. Le plan est mis en oeuvre par des conventions d'application.

Comme en matière de formation continue, le rôle de la région est moins de diriger que de coordonner.

• Le rôle de l'Etat

L'Etat conserve une place centrale dans le dispositif de formation professionnelle. Si elle est de droit commun, la compétence des régions n'en est en effet pas pour autant exclusive.

Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la compétence « résiduelle » de l'Etat porte tout d'abord sur les politiques de formation en faveur de certaines catégories de la population (détenus, réfugiés, jeunes placés en éducation surveillée, handicapés) correspondant à l'expression d'une solidarité nationale et dont les actions ne relèvent pas d'une région déterminée.

L'Etat demeure compétent en ce qui concerne les actions de portée nationale de formation professionnelle continue ou d'apprentissage. Par actions de portée nationale, il faut entendre soit les actions relatives à des stages assurés par un même organisme dans plusieurs régions, soit des formations destinées à des apprentis ou à des stagiaires sans considération d'origine régionale.

Cette définition permet à l'Etat d'inscrire directement des crédits de formation aux budgets des différents ministères qui ne relèveront pas des fonds régionaux de la formation professionnelle et de l'apprentissage. L'instrument principal de gestion de ces crédits et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (A.F.P.A.) qui comprend près de 200 sites de formation sur tout le territoire et qui est dotée d'un budget de près de 4 milliards de francs.

Compte tenu du poids de l'A.F.P.A. mais aussi de l'A.N.P.E., dans le dispositif de formation, l'Etat conserve un levier d'action non négligeable : il procède à l'agrément des stages et rémunère les stagiaires suivant une procédure de gestion très centralisée.

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

Créée en 1949, l'A.F.P.A. est une association de la loi de 1901 à gestion paritaire (Etat, partenaires sociaux) chargée d'une mission de service public par délégation du ministre du travail.

Composante du service public de l'emploi, elle intervient aux côtés de l'A.N.P.E. et des services déconcentrés de l'Etat, pour permettre à des personnes engagées dans la vie active d'acquérir une qualification, de la maintenir ou de la développer, afin de favoriser leur insertion ou leur évolution dans l'emploi en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1994, les relations de l'A.F.P.A. avec l'Etat sont régies par un « contrat de progrès ». Le contrat signé pour la période 1999-2003 précise que la mission centrale de l'A.F.P.A. est de permettre à des demandeurs d'emploi adultes d'acquérir une qualification favorisant leur insertion dans l'emploi.

L'A.F.P.A. est théoriquement gérée par deux organes délibérants, l'assemblée générale et le Bureau. Mais, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 1997, « le président élu » par l'assemblée générale a toujours été choisi au sein du collège des représentants de l'administration ; le ministère du travail, chargé de la tutelle de l'A.F.P.A., désigne en fait le directeur général et le fait ensuite agréer par « l'assemblée générale ».

En 1998, le budget de l'A.F.P.A. était de 5,44 milliards de francs, dont 73 % provenaient d'une subvention de l'Etat. L'A.F.P.A. employait 11.397 salariés, répartis sur 190 sites d'information et d'orientation professionnelle et 262 sites de formation. L'A.F.P.A. avait procédé à 161.118 actions de formation et avait accueilli 155.000 stagiaires environ.

L'Etat conserve également la maîtrise des stages créés en application de programmes établis en fonction des orientations prioritaires qu'il définit conformément à la procédure prévue à l'article L. 910-2 du code du travail. Celles-ci sont déterminées par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale, après consultation des organisations professionnelles et syndicales. Le Plan national d'action pour l'emploi (PNAE), adopté en 1998, illustre cette notion de programme prioritaire.

La dernière compétence maintenue par la loi à l'Etat porte sur les « études et actions expérimentales nécessaires à la préparation de (ses) actions ainsi que les moyens pour assurer l'information sur les politiques engagées. »

Mais, surtout, l'Etat conserve, par delà les textes, plusieurs attributions essentielles qui lui donnent un pouvoir de fait considérable. C'est lui qui définit le cadre juridique des interventions de la formation professionnelle : les modalités de conventionnement des organismes de formation ou le statut des stagiaires relèvent de son pouvoir normatif.

Il reste maître du contenu pédagogique des formations dispensées : il détermine les programmes de formation et gère l'homologation des filières et des diplômes.

De surcroît, l'Etat conserve un rôle prépondérant dans la définition des relations avec les partenaires sociaux : les confédérations d'employeurs et les syndicats qui disposent d'une représentation nationale se tournent naturellement vers lui pour la définition des orientations prioritaires.

En matière de contrôle , l'Etat détient une vraie compétence exclusive, qu'il s'agisse du respect par les employeurs de l'obligation de financement de la formation continue et de la taxe d'apprentissage, des dépenses des organismes collecteurs de fond ou du contrôle pédagogique des organismes de formation.

Enfin, il conserve la maîtrise des quatre cinquième des crédits publics relatifs à la formation professionnelle.

• Les attributions de la collectivité territoriale de Corse

En matière de formation professionnelle, outre les compétences dévolues aux régions par la loi du 7 janvier 1983, la collectivité territoriale de Corse est chargée de mettre en oeuvre, dans le cadre d'une convention passée avec l'Etat, les stages créés en application des programmes prioritaires prévus à l'article L. 910-2 du code du travail et financés sur les crédits du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Les opérations d'équipement d'intérêt national conduites par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes font l'objet d'une concertation entre le représentant de l'Etat et la collectivité territoriale. Le programme des autres opérations d'équipement de l'association est déterminé par cette dernière, c'est-à-dire préparé par le président du conseil exécutif, après consultation de l'Association, et adopté par l'Assemblée de Corse.

Les transferts de compétence n'en demeurent pas moins limités dès lors qu'en sont exclus les dispositifs qui relèvent du Fonds national pour l'emploi et compte tenu des compétences déjà cogérées par la collectivité territoriale de Corse et l'Etat dans le cadre du contrat de plan.

2. Le texte soumis au Sénat

Aux termes du présent article, la collectivité territoriale de Corse serait désormais compétente pour élaborer, en concertation avec l'Etat et après consultation des départements et du conseil économique social et culturel 173 ( * ) , un « plan régional de la formation professionnelle des jeunes et des adultes » , document unique qui concernerait tous les publics et non plus les seuls jeunes.

Au titre de sa mise en oeuvre, dont elle aurait désormais la charge, elle pourrait arrêter le programme des formations et de l'ensemble des opérations d'équipement de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes en Corse. La distinction entre les opérations d'équipement d'intérêt national et celle d'intérêt local serait ainsi supprimée.

En revanche, ne figure plus dans le projet de loi la disposition selon laquelle la collectivité territoriale de Corse met en oeuvre des stages créés en exécution de programmes établis au titre des orientations prioritaires de l'article L. 910-2 du code du travail et financés sur les crédits du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Par coordination avec cet élargissement des prérogatives de la collectivité territoriale, le présent article tend à étendre la procédure de consultation du comité régional de la formation, de la promotion sociale et de l'emploi, prévu par l'article L. 910-1 du code du travail, aux programmes d'investissement définis par la collectivité territoriale de Corse.

Pour la mise en oeuvre de son plan de formation, celle-ci devrait désormais signer une convention avec les organismes publics agréés en matière de formation professionnelle, et donc l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes 174 ( * ) .

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement d'ordre rédactionnel. Sur proposition de M. Jean-Yves Caullet et après un avis favorable de la commission des Lois et un avis de sagesse du Gouvernement, elle a indiqué explicitement que la collectivité territoriale de Corse pourrait signer une convention avec l'ensemble des organismes publics agréés et non avec la seule Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

3. La position de votre commission spéciale

Comme pour les aides aux entreprises (article 17), votre commission spéciale tient à rappeler les propositions formulées par la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation. Elle constate avec étonnement que les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité sont sensiblement différentes de celles proposées par le présent article.

• Les propositions de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation

A l'instar de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, votre commission spéciale considère que l'Etat ne devrait conserver de compétences, en dernier ressort, que sur les seules actions de formation professionnelle qui relèvent de la solidarité nationale et qui ne peuvent à ce titre être rattachées à aucune région déterminée : il s'agit des actions en faveur des détenus, des étrangers ayant le statut de réfugiés, des jeunes relevant des institutions d'éducation surveillée et des personnes handicapées, dont le financement doit impliquer l'ensemble de la collectivité nationale.

La mission d'information du Sénat a proposé que deux domaines fassent l'objet d'une décentralisation plus achevée :

- le premier porte sur les actions de formation continue qui ne relèvent pas aujourd'hui du Fonds régional de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s'agit notamment des actions de formation de droit commun pour la formation professionnelles des adultes ;

- le second concerne les programmes prioritaires en faveur notamment des chômeurs de longue durée, relevant des orientations prioritaires définies annuellement par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale, dont la mise en oeuvre est assurée par la collectivité territoriale pour ce qui concerne la Corse.

Elle a appelé de ses voeux une réorganisation territoriale de l'A.F.P.A . en agences régionales placées sous la responsabilité des régions afin de permettre à ces dernières de détenir une capacité d'impulsion accrue en ce qui concerne l'homologation des enseignements et l'adaptation de leurs contenus aux réalités locales.

Le présent article répond, au moins en partie, aux souhaits formulés par le Sénat d'un plus grand contrôle des régions sur l'AFPA. En revanche, il diffère des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

• Les dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité

Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 25 juin 2001, comporte deux articles relatifs à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

L'article 43 E prévoit la prise en charge par la région de l'indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs au titre des contrats d'apprentissage .

Votre rapporteur rappelle que les entreprises qui recrutent des apprentis bénéficient d'exonérations de charges sociales 175 ( * ) et d'une indemnité compensatrice forfaitaire 176 ( * ) . Cette dernière, destinée à compenser le temps que consacre l'entreprise à la formation de son apprenti, en particulier celui du maître d'apprentissage, se compose :

- d'une aide à l'embauche, d'un montant de 6.000 francs, lorsque l'entreprise n'emploie pas plus de vingt salariés et forme des apprentis d'un niveau de formation équivalent au CAP, au BEP ou moins (niveau V) ;

- d'une indemnité de soutien à l'effort de formation versée à l'issue de chaque année du cycle de formation -le montant de base est fixé à 10.000 francs mais il est augmenté en fonction, notamment, de l'âge et de la durée de la formation.

En application de l'article 43 E , la région serait chargée de l'attribution de cette indemnité, dans le cadre de sa compétence de droit commun en matière d'apprentissage. Elle pourrait en moduler le montant et les éléments dans des conditions et limites fixées par décret. Les crédits correspondants seraient transférées selon des modalités prévues par la loi de finances correspondante.

Votre rapporteur observe que la mise en oeuvre de cette disposition nécessitera une bonne coordination entre les services de l'Etat et ceux de la région. En effet, seuls les contrats d'apprentissage régulièrement enregistrés par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle peuvent ouvrir droit à cette indemnité.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, l'indemnité compensatrice forfaitaire, qui représente près de 5 milliards de francs en 2001, devrait augmenter de plus de 50 % les crédits figurant dans la dotation globale de décentralisation de la formation professionnelle.

Les conditions du transfert des crédits correspondants aux régions devront être examinées avec attention en raison du désengagement récent de l'Etat. Celui-ci a supprimé la prime à l'embauche pour les entreprises de plus de vingt salariés dans la loi de finances pour 2001, après en avoir exclu les employeurs d'apprentis d'un niveau de formation supérieur ou égal au niveau IV dans la loi de finances pour 1999.

Dans son avis sur les crédits consacrés à la formation professionnelle en 2001, notre collègue Annick Bocandé relevait ainsi qu'au total, « que ce soit par de nouvelles mesures restrictives ou par des « tours de passe-passe » budgétaire, l'Etat se désengagera en 2001 à hauteur de 283 millions de francs de l'apprentissage 177 ( * ) . » Il ne faudrait pas que ce désengagement de l'Etat se traduise par une diminution correspondante de la compensation financière versée aux régions .

Afin de ne pas préjuger du débat qui s'ouvrira au Sénat sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité , votre commission spéciale ne vous propose pas d'étendre immédiatement à la collectivité territoriale de Corse le bénéfice de cette disposition. En effet, le droit commun des régions s'applique à cette collectivité en l'absence de dispositions contraires.

L'article 43 F tend à étendre à l'ensemble des régions la possibilité reconnue dans le présent projet de loi d'élaborer un plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes .

A cette fin, il réécrit les articles L. 214-13 et L. 214-14 du code de l'éducation, mais non l'article L. 214-12, afin de préciser son contenu 178 ( * ) , notamment celui du volet « adultes ». Ce faisant, il transfère dans le premier des dispositions du second et modifie sensiblement les modalités d'association de l'ensemble des « acteurs » de la formation professionnelle à la mise en oeuvre de cette politique au niveau régional.

Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes serait désormais élaboré par le conseil régional en concertation, non seulement avec l'Etat, mais également avec les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives à l'échelon national .

Actuellement, le plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes n'est élaboré qu'en concertation avec l'Etat mais après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés au niveau régional.

D'autre par le projet de loi ne prévoit plus de consultations lors de l'élaboration du plan mais seulement avant son approbation par le conseil régional.

Les conseils départementaux (c'est-à-dire les conseils généraux ainsi renommés par le projet de loi), le conseil académique de l'éducation, le comité régional de l'enseignement agricole, qui étaient consultés lors de l'élaboration, ne le seraient désormais qu'avant l'approbation, à l'instar du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, qui donne actuellement son avis sur le programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue -cet avis serait maintenu.

En revanche, ne seraient plus du tout consultés ni les organisations syndicales d'employeurs et de salariés au niveau régional, ni les chambres consulaires, ni le conseil économique et social.

Cette disposition a pour avantage d'alléger la procédure et pour inconvénient d'affaiblir la portée des consultations : en l'état actuel du droit les personnes consultées peuvent indiquer si leurs propositions ont ou n'ont pas été prises en compte lors de l'élaboration du plan.

Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes devrait prendre en compte, comme c'est actuellement le cas, les priorités définies par les contrats d'objectifs conclus avec l'Etat et les organisation représentatives des milieux socioprofessionnels, auxquels peuvent être associées les chambres consulaires, ainsi que les dispositions relatives à la formation professionnelle qui figurent au schéma prévisionnel des établissements de l'éducation nationale.

Le volet « jeunes » du plan resterait inchangé. Son volet « adultes » couvrirait l'ensemble des actions de formation professionnelle visant à favoriser l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des actifs, notamment : les actions organisées par le conseil régional ; les formations destinées aux demandeurs d'emploi dans le cadre de conventions conclues avec les organisations représentatives des milieux socioprofessionnels ; les actions relevant des programmes prioritaires de l'Etat pour la prévention et la lutte contre le chômage de longue durée et les exclusions, en particulier celles organisées par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

On retrouve ici, semble-t-il, les dispositions qui n'étaient jusqu'ici applicables qu'en Corse et qui ne figurent plus dans le présent projet de loi.

A cette fin, la région arrêterait, dans le cadre de la convention tripartite d'adaptation du contrat de progrès prévue à l'article L. 910-1 du code du travail, un schéma régional des formations de l'A.F.P.A. Dans le cadre de ses actions prioritaires, elle définirait également les programmes pour lesquels elle ferait appel au dispositif national de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Comme dans le droit en vigueur, des conventions annuelles d'application préciseraient pour l'Etat et la région, la programmation et le financement des actions. Elles seraient signées par le président du conseil régional, le représentant de l'Etat dans la région et les « divers acteurs concernés », alors qu'actuellement seules sont visées les autorités académiques.

Enfin, chaque région arrêterait, comme elle le fait aujourd'hui, un programme annuel régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue, qui serait évalué par le comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

Au terme de cet examen, votre commission spéciale tient à souligner le manque de cohérence entre le droit en vigueur, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité et le projet de loi relatif à la Corse .

Ce dernier indique, au présent article, que le plan de développement de la formation professionnelle (et non des formations professionnelles) des jeunes et des adultes doit être élaboré en concertation avec l'Etat (et non avec les organisation syndicales) et après consultation des départements et du conseil économique, social et culturel.

Cette consultation interviendra seulement au moment de l'élaboration, à la différence du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, où elle est prévue avant l'approbation, et du droit en vigueur où elle est prévue aux deux stades de la procédure. Les personnes consultées ne seront pas les mêmes. Enfin, rien n'est dit, mais cela est sans doute implicite, de la nécessaire prise en compte des contrats d'objectifs.

En revanche, la collectivité territoriale de Corse sera compétente pour mettre en oeuvre le plan qu'elle aura élaboré, ce que ne précise pas le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, mais était-ce nécessaire ?

S'agissant des relations entre la collectivité territoriale de Corse ou les régions et l'A.F.P.A., les rédactions retenues par les deux projets de loi en cours d'examen ne coïncident pas davantage.

Aucune réponse n'a été fournie aux questions de votre rapporteur pour expliquer toutes ces contradictions. Dans ces conditions et dans la mesure où le droit commun des régions s'applique à la collectivité territoriale de Corse en l'absence de dispositions contraires, votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement tendant à :

- conserver la mention selon laquelle la collectivité territoriale de Corse assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue dans les conditions prévues pour les régions non plus d'ailleurs par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, mais par le code de l'éducation ;

- supprimer les dispositions relatives au plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes, moins complètes que celles contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie ;

- maintenir les dispositions relatives aux relations entre la collectivité territoriale de Corse et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui vont dans le sens des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation.

- rétablir, dans l'attente d'une éventuelle adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, les dispositions prévoyant la mise en oeuvre par la collectivité territoriale de Corse des programmes prioritaires financés par le Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Une nouvelle mesure de coordination entre les deux textes sera alors nécessaire lors de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 22 ainsi modifié .

* 96 JORF, Débats, Sénat, séance du 4 mai 2000, page 2388.

* 97 Projet de loi initial n° 2931 (Assemblée nationale), pages 11 et 12.

* 98 Cf. Le plan d'aménagement de la Corse, Septembre 1993, pages 19 à 30.

* 99 CGCT, article L. 4424-19, alinéa premier.

* 100 Chiffres à jour au 1 er janvier 1998, cités par l'Evaluation environnementale élaborée par la Préfecture de Corse et la collectivité territoriale de Corse avant l'établissement du DOCUP, 2000-2006, page 14.

* 101 Page 11.

* 102 Portions du littoral situées entre les plus hautes et les plus basses mers.

* 103 Type stratigraphique. La stratotypie est l'étude des couloirs sédimentaires déposés à la surface du sol.

* 104 Page 11.

* 105 Rapport n° 2995, page 223.

* 106 Pages 11 et 12.

* 107 CAA de Nantes, 4 mai 1994, Commune de Crozon, et 24 novembre 1994, Jacob et Monchoi ; Conseil d`Etat, 20 octobre 1995, commune de Saint Jean Cap Ferrat, 29 juin 1998 Chouzenoux, cités dans le Rapport sur les conditions d'application de la loi « littoral », du Conseil général des Ponts et Chaussées du 25 juillet 2000, page 34.

* 108 C'est ainsi que les construction temporaires et amovibles entrent dans le champ d'application du permis dès lors qu'elles présentent les caractéristiques d'un bâtiment, de même que les bâtiments dépourvus de fondations. Cf. Crim. Dame Leccia, 26 février 1969.

* 109 C'est à dire le PADU, cette expression est actuellement utilisée pour le schéma d'aménagement de la Corse, cf. art. L. 144-5 du CU et L. 4414-11 ( nouveau ) du CGCT proposé par le projet de loi.

* 110 Par l'article 5 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée.

* 111 Par l'article 44 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée.

* 112 Dans le régime antérieur, le plan était adopté après consultation du CES tandis que le schéma d'aménagement était soumis pour avis au Conseil des sites. Cf. les articles L. 4424-19 alinéa 4 du CGCT et L. 144-3 alinéa 3 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur.

* 113 Codifiés aux articles L. 4424-25 à L. 4424-31 du CGCT.

* 114 L'article 222-1 du code de l'aviation civile prévoit que la création d'un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique, lorsqu'il n'appartient pas à l'Etat, est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui crée l'aérodrome.

* 115 « Un droit de port peut être perçu dans les ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, des départements et des communes, à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires qui y sont effectués. L'assiette de ce droit, qui peut comporter plusieurs éléments, et la procédure de fixation des taux de ce droit sont fixées par voie réglementaire ».

* 116 Conseil d'Etat, 30 mai 1930, chambre syndicale du commerce en détail de Nevers.

* 117 J.-C. Nemery, Le nouveau régime des interventions économiques des collectivités locales, Actualité juridique du droit administratif, 20 février 1993, page 65.

* 118 Lois n° 82-6 du 7 janvier1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 et n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 119 Articles L. 2251-1 et L. 3231-1 du code général des collectivités territoriales.

* 120 Conseil d'Etat, 18 novembre 1991, département des Alpes-Maritimes, avec les conclusions du commissaire du Gouvernement Pochard, Revue de droit public, 1992, page 354.

* 121 Conseil d'Etat, 15 février 1993, région Nord-Pas-de-Calais.

* 122 Les départements, les communes et leurs groupements ne peuvent que compléter l'aide régionale lorsque celle-ci n'atteint pas le plafond fixé par décret ; ils ne doivent intervenir que dans les zones et les secteurs d'activités retenus par le conseil régional ; enfin, ils ne peuvent accorder une aide directe à une entreprise que si la région a décidé, au préalable, de lui octroyer une aide. Toutefois, la région ne peut rien faire qui s'apparenterait à une mise sous tutelle des départements et des communes, prohibée par l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales (Tribunal administratif de Montpellier, 20 juin 1983, commune de Narbonne c/ région Languedoc-Roussillon).

* 123 Conseil d'Etat, 17 mars 1993, conseil régional de Bourgogne.

* 124 Articles L. 1511-3 et R. 1511-19 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 125 Article L. 1511-3, L. 4253-1 et R. 1511-24 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 126 Articles L. 2253-7, L. 3231-7, L. 4253-3 et R. 1511-36 à R. 1511-39 du code général des collectivités territoriales.

* 127 Créées en application du décret n° 55-876 du 30 juin 1955, les sociétés de développement régional ont pour vocation de concourir au financement des investissements productifs dans leurs zones géographiques respectives. Ce sont des établissements de crédit qui relèvent de la catégorie des institutions financières spécialisées disposant d'un certain nombre de privilèges et d'obligations du fait d'une convention passée avec l'Etat : garantie d'un dividende minimal pour leurs actionnaires, exonération fiscale pour leurs produits financiers et leurs plus values. Les sociétés de développement régional peuvent apporter aux entreprises l'ensemble des produits financiers à moyen et long terme : interventions en fonds propres, prêts à long terme, crédit-bail immobilier, cautionnement de crédits bancaires à moyen terme.

* 128 Articles L. 3231-3 et L. 4211-1 6°.

* 129 L'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales permet à l'Assemblée de Corse de déterminer le régime des aides prévues au titre 1 er du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. Or les dispositions concernées figurent respectivement aux articles L. 4253-1, L. 4253-3, L. 4211-1 6° et aux articles L. 1521-1 et suivants du même code et sont donc applicables à la collectivité territoriale de Corse.

* 130 En l'état actuel du droit, les autres régions ne peuvent que prendre des participations au capital des sociétés de développement régional et des sociétés de financement interrégional.

* 131 Cour de justice des Communautés européennes, 27 mars 1984, Commission c/ République italienne, pour un régime d'aide à l'agriculture institué par la région de Sicile.

* 132 Règlements (CE) n° 69/2001, n° 70/2001 et n° 68/2001 de la Commission européenne du 12 janvier 2001.

* 133 L'article L. 4424-21 dispose que « Le comité de coordination pour le développement industriel de la Corse est composé par tiers de représentants de l'Etat, de représentants de l'Assemblée de Corse à la proportionnelle des groupes et de représentants des sociétés nationales. Il se réunit à la demande du Premier ministre ou de l'Assemblée de Corse. Il anime et coordonne les actions des sociétés nationales en Corse afin de réaliser des projets industriels d'intérêt régional.»

* 134 La convention devrait notamment déterminer l'objet, le montant et le fonctionnement du fonds d'investissement, les modalités d'information de la collectivité territoriale par la société, ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification ou de cessation d'activité du fonds.

* 135 Rapport n° 1077 (Assemblée nationale, onzième législature) de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des fonds publics en Corse présidée par M. Jean Glavany, pages 173 à 189.

* 136 Régime cadre communautaire n° 448-2001.

* 137 « La décentralisation - Messieurs de l'Etat encore un effort ! » Rapport n° 239 (Sénat, 1996-1997) au nom du groupe du travail présidé par M. Jean-Paul Delevoye.

* 138 « Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation », rapport n° 166 (1999-2000).

* 139 Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

* 140 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du 17 mai 2001, page 3089.

* 141 Voir article 19 du présent projet de loi.

* 142 Pierre Py, La loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, Revue de droit public, 1994, page 215.

* 143 Premier alinéa de l'article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales.

* 144 Les espaces touristiques ne coïncident pas toujours avec le territoire communal. Les stations d'altitude constituent un exemple caractéristique de cette distinction physique entre les lieux de résidence et les lieux d'accueil des touristes.

* 145 Article L. 2231-3 du code général des collectivités territoriales.

* 146 Décret n° 68-1031 du 14 novembre 1968 et arrêté du 23 mars 1973.

* 147 Le classement peut être prononcé d'office, mais cette possibilité ne semble pas utilisée.

* 148 Cf les articles R. 2231-8 et R. 2231-9 du code général des collectivités territoriales relatifs aux obligations en matière d'hygiène des stations hydrominérales et climatiques.

* 149 Conseil d'Etat, 9 février 1966, Le Touquet-Paris-Plage, à propos de la sécurité de baigneurs.

* 150 Les offices municipaux de tourisme sont des établissements publics industriels et commerciaux. A ce titre, ils sont plus étroitement contrôlés par les conseils municipaux que les offices de tourisme et les syndicats d'initiative, associations de la loi de 1901 créées par les professionnels.

* 151 Les stations balnéaires, thermales ou climatiques.

* 152 Article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales.

* 153 Présidé par le préfet, le conseil départemental d'hygiène est consulté, en application de l'article L. 1416-1 du code de la santé publique, sur toutes les questions intéressant la santé publique et la protection sanitaire de l'environnement. Il comprend des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des usagers et des personnalités compétentes.

* 154 Article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales.

* 155 Créées en 1965, régies par le décret n° 85-249 du 15 février 1985, les commissions départementales de l'action touristique sont présidées par le préfet et composée de membres permanents, représentants de l'administration, des comités départementaux du tourisme et des chambres consulaires, et de membres siégeant uniquement pour les affaires qui les intéressent. Elles sont chargées de donner un avis au préfet sur toutes les affaires touristiques relevant des attributions de l'Etat..

* 156 Arrêté du 11 mars 1976.

* 157 Article L. 314-1 du code rural.

* 158 Etablissement public national créé en 1966, le CNASEA assure l'application concrète des dispositions législatives et réglementaires de sa compétence, par l'intermédiaire de délégations régionales ou départementales et le concours contractuel des associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. Les actions du CNASEA sont relatives à l'installation ou à la cessation d'activité des agriculteurs, à l'aménagement rural, à la modernisation des exploitations. Des mesures communautaires, aides au retrait des terres arables ou au développement des productions extensives, mesures forestières en agriculture, programme agri-environnemental sont aussi mises en oeuvre par cet établissement.

* 159 Cf la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d'offices d'intervention dans le secteur agricole et l'organisation des marchés.

* 160 Article R. 112-32 du code rural.

* 161 Article R. 112-33 du code rural.

* 162 Article R. 112-34 du code rural.

* 163 Article L. 112-13 du code rural.

* 164 Article R. 112-26 du code rural.

* 165 La forêt et le droit- droit forestier et droit général applicables à tous bois et forêts. Editions La Baule, 1997, page 195.

* 166 Voir article 21.

* 167 Aux termes de l'article L. 2 du code forestier, « la politique forestière relève de la compétence de l'Etat qui en assure la cohérence nationale. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent passer des contrats avec l'Etat, notamment dans le cadre des chartes forestières de territoire, en vue de concourir à la mise en oeuvre de cette politique. »

* 168 Article L. 4 du code forestier.

* 169 Article L. 221-1 du code forestier.

* 170 « Corse : l'indispensable sursaut. » Rapport n° 1077 (Assemblée nationale, 1998) de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête présidée par M. Jean Glavany, pages 157 à 170.

* 171 Le COREF est une instance purement consultative : composé de représentants de l'Etat, de la région et des partenaires sociaux, présidé par le préfet ou le président du conseil régional selon les sujets abordés, il est informé des programmes et moyens mis en oeuvre dans chaque région par l'Agence nationale pour l'emploi et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (A.F.P.A.).

* 172 Pour une République territoriale - l'unité dans la diversité. Rapport n° 447 (Sénat, 1999-2000) de M. Michel Mercier au nom de la mission commune d'information sur la décentralisation présidée par M. Jean-Paul Delevoye, page 377.

* 173 Ne seraient plus consultés les organismes consulaires, le conseil académique de l'Education nationale, le comité régional de l'enseignement agricole, ni même les organisations d'employeurs et de salariés, alors qu'ils doivent l'être actuellement dans le cadre de l'élaboration du plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes. Aucune consultation ne serait désormais prévue avant l'approbation du plan.

* 174 En l'état actuel du droit, la collectivité territoriale de Corse, à l'instar des autres régions, passe des conventions avec les établissements et organismes de formation pour la mise en oeuvre du plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes.

* 175 Articles L. 118-5 et L. 118-6 du code du travail et article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987, complété par loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988.

* 176 Article L. 118-7 du code du travail.

* 177 Avis n° 96 - Tome V (Sénat, 2000-2001) de Madame Annick Bocandé, page 16.

* 178 Le plan devrait avoir pour objet, en sus des objectifs qui lui sont actuellement assignées, d'assurer « la progression professionnelle des jeunes et des adultes » et de définir des « priorités relatives à la validation des acquis professionnels. »

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