B. DES PROPOSITIONS GOUVERNEMENTALES ENCORE TRÈS FLOUES

L'année 2001 a été particulièrement riche en réflexions souvent intéressantes sur l'avenir des soins de ville. Cette émulation intellectuelle contraste avec l'attentisme du Gouvernement qui se limite à formuler aujourd'hui des propositions encore particulièrement floues.

1. Une année riche en concertations et en réflexions sur l'avenir des soins de ville

Constatant que les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, notamment avec les médecins, étaient dans une situation de blocage durable, la ministre de l'emploi et de la solidarité a organisé, le 25 janvier 2001, un « Grenelle de la Santé » réunissant les syndicats représentatifs des professions de santé libérales, les représentants des caisses d'assurance maladie ainsi que ceux de la Fédération hospitalière de France.

L'objectif de cette journée était de « renouer le dialogue » entre le Gouvernement et les acteurs du monde de la santé, même si un certain nombre d'entre eux, notamment l'industrie pharmaceutique, n'avait pas été convié.

• La contribution des caisses de sécurité sociale

A l'occasion de cette journée, les trois principales caisses d'assurance maladie (CNAMTS, CANAM et MSA) ont diffusé un document de réflexion dressant un bilan de la situation actuelle du système de santé et faisant des propositions « pour replacer le patient au centre de ce système » .

On retrouve dans ces propositions des trois caisses un certain nombre des pistes qui avaient été suggérées au Gouvernement par la CNAMTS dans son plan stratégique de 1999, notamment concernant l'adoption d'un mode de financement identique pour tous les actes de soins réalisés dans les établissements de santé, que ceux-ci soient publics ou privés, ou encore concernant la prise en charge du médicament (hors innovations) dans le cadre de tarifs de référence.

Le document suggère en outre d'aborder le problème du respect des référentiels par les médecins, non plus en termes de sanction, mais en termes, sinon d'incitation, tout au moins de garantie d'une contrepartie (ou en cas de respect de ces référentiels par les professionnels de santé, les caisses se substitueraient à eux en responsabilité civile en cas de contentieux avec leur patient).

Propositions de la CNAMTS, de la CANAM et de la MSA

1) La régulation pour garantir solidarité et équité

Les trois caisses insistent sur la nécessité de bâtir un système de régulation, car « un système de santé non régulé, inorganisé, est un système qui entretient les inégalités et les gaspillages et compromet à la fois l'équité et la solidarité ».

Sans régulation, l'ajustement se fait :

- soit au prix de renoncement à des soins par les populations les plus vulnérables, c'est-à-dire au prix d'un recul de la solidarité ;

- soit au prix d'une augmentation des charges financières.

Dans tous les cas, il se traduit par un contexte et un avenir incertains pour les professionnels.

Une régulation fondée sur la qualité et l'utilité

Dès lors que chacun admet la nécessité de la régulation, c'est autour des notions de qualité et d'utilité que pourraient alors se rencontrer les intérêts des professionnels et ceux des assurés sociaux. La régulation pourrait devenir le garant d'une prise en charge équitable de soins de qualité pour tous et de la capacité du système à anticiper les évolutions à venir, liées au vieillissement ou aux innovations techniques.

Cette démarche de qualité implique tous les acteurs. Elle passe par la transparence et la diffusion des connaissances.

Transparence et disponibilité des données

Ainsi, les caisses nationales entendent mettre à la disposition de tous les acteurs les données que leur fonction de remboursement leur permet de collecter et d'agréger, données qui seront chaque jour plus éclairantes à mesure que s'étendra le codage des actes. En particulier, elles souhaitent que le Gouvernement publie sans tarder les textes qui font défaut pour permettre la transmission des données statistiques qu'elles possèdent aux Unions régionales des médecins libéraux (URML) qui les attendent.

Des référentiels largement diffusés pour une amélioration des connaissances

Pour faire un pas décisif vers la qualité des soins, il est nécessaire de multiplier aussi les références positives, les recommandations de bonne pratique, qu'il appartient à la communauté médical et scientifique d'élaborer. Les caisses qui doivent recouvrer leur faculté de proposition, peuvent participer à leur diffusion auprès des professionnels et également à la mesure de leur suivi.

Cette diffusion de référentiels auprès des professionnels doit également s'accompagner d'une diffusion, auprès de la population, dans un langage adapté, bien sûr, de leur contenu car le respect par les professionnels de ces recommandations nécessite que les patients, parallèlement, prennent la part de responsabilité qui leur revient dans la détermination de leur comportement face à la santé et aux soins.

2) Responsabilité individuelle ou collective

Responsabilité des professionnels de santé

Mieux articuler responsabilité collective et responsabilité individuelle

Il est nécessaire de clarifier les responsabilités de chacun : il apparaît clairement que les professionnels ont une réticence à s'inscrire dans une responsabilité collective et préféreraient que soient explorées plus avant les voies de la responsabilité individuelle.

Pour les caisses, il faut alors explorer toutes les facettes d'une régulation individuelle et voir comment elle s'articule et garantit, in fine , les intérêts de la collectivité. Il faudra définir comment évaluer les pratiques médicales individuelles et quelles conséquences tirer de ces évaluations.

Une approche individuelle doit également se concilier avec des impératifs de santé publique.

Pour les trois caisses, c'est bien un nouvel équilibre entre l'individuel et le collectif qui est l'enjeu des débats qui s'ouvrent.

Respect des références médicales et engagement de la responsabilité des professionnels de santé

Selon leur discipline médicale, certains professionnels commencent à craindre des phénomènes de judiciarisation ou de recours en responsabilité qui pourraient être engagés contre eux. Il est certain que cette crainte compromet la sérénité dans laquelle doivent s'exercer les professions médicales et paramédicales. Les référentiels peuvent répondre à cette préoccupation car les caisses pourraient, si cela rejoignait le souhait des professionnels, se substituer à eux en responsabilité civile dès lors que ces référentiels ont été respectés. Ce serait là une expression légitime et forte de la responsabilité de la collectivité, émettrice de référentiels, au côté de la responsabilité individuelle des professionnels.

Responsabilité des assurés sociaux

C'est le même équilibre entre individuel et collectif qui fait envisager aux caisses nationales une piste comme celle qu'elles ont proposée dans une réforme de la prise en charge des soins dentaires, où la responsabilité des assurés sociaux serait engagée au bénéfice de meilleurs remboursements dès lors qu'ils adoptent des attitudes de prévention et de soins précoces.

3) Repenser l'accès aux soins

Organiser et harmoniser l'accès aux soins

C'est la même problématique qui se pose lorsqu'il s'agit de veiller à ce que l'ensemble du territoire soit couvert par une offre de soins cohérente et complémentaire. Comment cette exigence collective se concilie-t-elle avec les modalités actuelles de choix d'une installation des professionnels ? Comment prendre en compte l'intégralité de l'offre de soins, depuis l'hôpital, du CHU à l'hôpital de proximité, en passant par toutes les disciplines professionnelles ? Les partenaires conventionnels pourraient proposer des modulations des avantages conventionnels [financement des cotisations sociales ou autres rémunérations forfaitaires] pour influer sur la répartition des professionnels sur le territoire et couvrir ainsi de façon équitable tout le territoire, les zones rurales comme les zones périurbaines.

Organiser les réseaux

La réflexion en termes de « métier » paraît d'autant plus importante qu'elle permet d'accompagner des projets de meilleure organisation des soins, de veiller aux meilleures complémentarités entre les professionnels au service des patients. C'est cette réflexion qui sous-tend, de façon plus ou moins consciente, les organisations en réseaux ou toute autre forme de coordination des soins. Pour les trois caisses, c'est également par cette voie que seront reconnus les apports et compétences de chacun.

Prise en charge des médicaments

Ce nécessaire équilibre entre les responsabilités des différents acteurs pourrait être utilement et rapidement illustré sur le secteur du médicament, selon la CNAMTS, la CANAM et la MSA. Le rythme d'évolution des dépenses de ce secteur montre, s'il en était encore besoin, les limites et l'inefficacité d'un système de prix administré. Le remboursement sur la base de tarifs de référence, pour les produits autres que les spécialités particulièrement innovantes, la révision régulière de la liste des produits remboursés sur la base de l'évaluation du service médical rendu et enfin la liberté donnée aux médecins de prescrire en DCI constituerait une première réforme qui redonnerait :

- au pharmacien, son magistère scientifique ;

- aux médecins, sa liberté de choix thérapeutique ;

- à l'Etat, sa fonction de garantie sanitaire ;

- aux laboratoires pharmaceutiques, leur capacité d'innovation.

4) Repenser les relations entre les acteurs de la santé

Mieux clarifier les rôles respectifs de chacun et leurs marges d'action

Redéfinir les responsabilités et rôle de chacun conduit à redéfinir aussi la nature de leurs relations et leurs marges d'action respectives.

Il y a consensus sur le fait que la définition de la politique de santé et des priorités sanitaires relève des missions régaliennes de l'Etat qui doit être garant des principes généraux d'équité, de solidarité et de sécurité sanitaire. Il y a sans doute aussi consensus sur le rôle des caisses, en leur qualité d'interface qui permet de faire vivre ces principes et de donner corps aux politiques définies par l'Etat.

Les caisses, porteuses des intérêts des assurés sociaux, doivent alors disposer d'une marge d'action réelle, ce qui appelle donc une modification des règles juridiques actuelles pour permettre une vraie définition contractuelle avec l'Etat de la délégation de gestion qui leur est confiée, et des objectifs sur lesquels elles s'engagent.

Cette garantie qui doit être nationale exige une régionalisation, non pas du financement ou des conditions de la prise en charge des soins, mais de l'organisation de l'offre de soins et des conditions dans lesquelles sont satisfaits les besoins de soins.

Un nouveau contrat social

Tout naturellement aussi, cela appelle une révision des relations entre, d'une part, des caisses qui se verraient attribuer un réel pouvoir de décision que, depuis trente ans, elles n'ont pas et, d'autre part, les professionnels, pour redonner du contenu aux conventions qui n'ont plus la finalité qui était la leur en 1971.

Les conventions nationales sont entravées dans leur capacité à porter des projets innovants, car il n'est pas possible aujourd'hui pour un professionnel d'exercer hors convention. Sans doute faut-il instaurer des droits minimaux attachés à l'exercice d'une profession, comme une sorte de règlement minimal au sans propre du terme, qui pourrait d'ailleurs être commun à toutes les professions.

Les conventions retrouveraient alors du sens, en étant pour les professionnels qui y adhéreraient un acte positif et une démarche librement consentie et qui seraient ainsi le socle, selon les termes des trois caisses, d'un véritable « contrat social » revivifié.

Les avantages et obligations conventionnels y retrouveraient un équilibre. Ils pourraient sans difficulté perdre leur caractère monolithique pour s'adapter aux aspirations diversifiées des professionnels tout autant qu'à la multiplicité des exigences posées par la garantie de soins pour toute la population.

• Le rapport des « sages »

A l'issue du premier « Grenelle de la santé », Mme Elisabeth Guigou a désigné une mission chargée de mener une large concertation sur les deux thèmes principaux issus de cet échange :

- la promotion de la qualité au sein du système de soins ;

- la rénovation du contrat qui lie les professionnels de soins à l'usager, aux caisses et à la collectivité.

Cette mission était composée de quatre personnalités :

- M. Bernard Brunhes, président du conseil de surveillance de la société « Bernard Brunhes Consultants » ;

- M. le professeur Bernard Glorion, ancien président du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- M. Stéphane Paul, inspecteur général des affaires sociales ;

- Mme Lise Rochais-Ranson, professeur agrégée des universités en sciences économiques.

Pour mener à bien leur mission, ces personnalités -qualifiées par la presse de « sages »- ont rencontré les représentants de l'ensemble des acteurs du système de santé. Elles ont ensuite préparé un rapport établissant un diagnostic de la situation actuelle et présentant des propositions concernant la réforme du système de soins de ville en respectant les principes fondamentaux que sont le maintien d'un financement social et la liberté de prescription.

L'objectif de cette réunion du 12 juillet dernier était de présenter le rapport des sages aux acteurs du système de santé, puis de préciser les orientations de réforme des soins de ville et plus particulièrement, parmi les propositions présentées par la mission, d'identifier celles rencontrant un large accord et celles faisant l'objet de débats.

Les propositions issues de la mission de concertation
pour la rénovation des soins de ville

Les métiers de la santé

Coordination des soins

Dans un premier temps, la mission montre la nécessité de redéfinir les rôles respectifs des différentes professions dans l'organisation des soins. Outre la nécessité de la constitution de « référentiels métiers » et l'approfondissement des perspectives que peut offrir une substitution des rôles entre les différentes professions (par exemple entre généralistes et infirmiers, entre généralistes et spécialistes...), la mission met en évidence un large consensus pour assigner au généraliste une place privilégiée dans la coordination des soins et l'orientation du patient. Cette fonction devrait être reconnue et valorisée financièrement.

La création d'un dossier médical de synthèse pour chaque patient est recommandée afin de favoriser la coordination entre professionnels et de préciser la définition du rôle de chacun d'eux. Ce dossier devra être géré par une personne explicitement chargée de sa tenue et de sa mise à disposition. Malgré la légitimité du médecin généraliste pour la réalisation de cette tâche, la mission conseille de laisser le patient choisir le médecin qui gérera son dossier.

Observatoire de la démographie et des métiers

Les « sages » recommandent également la création d'un observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé pour fonder les politiques d'évolution des métiers de santé. Cet observatoire serait chargé de susciter des études prospectives sur les besoins professionnels et sur les substitutions de tâches entre les métiers et ainsi d'organiser le partage de données aujourd'hui éparses, afin d'orienter la politique d'évolution des métiers de santé. Il serait composé de représentants des institutions administratives et médicales, des professionnels et de personnes qualifiées.

Evaluation des compétences

En ce qui concerne la gestion des compétences, la mission rapporte que « les professionnels de santé ont pris conscience de la nécessité d'évaluer leurs pratiques et d'approfondir la formation continue dans une optique d'efficacité ». Cependant, cette évaluation reste souvent vécue comme « inquisitoriale » et aucune proposition n'a été faite à la mission dans ce domaine. L'évaluation des compétences devrait donc avant tout reposer sur le volontariat (comme c'est le cas actuellement pour les médecins). Une instance d'expertise et de gestion des compétences des professionnels de santé pourrait ainsi être créée. Pour finir, la mission juge que le renforcement et l'actualisation des recommandations de bonnes pratiques sont nécessaires pour faire vivre le système d'évaluation et de gestion de la compétence.

Les professionnels et les politiques de santé

La mission rappelle les 3 axes principaux de l'engagement des professionnels dans les politiques de santé.

- La prévention aussi bien individuelle que collective, à ce titre, des mécanismes de forfait « permettrait aux praticiens libéraux de consacrer quelques heures par semaine ou par mois à des actions collectives de prévention » ;

- La coordination des soins des patients aussi bien en ville qu'entre la ville et l'hôpital. Pour ce faire, la mission propose de mieux définir la place des réseaux de soins qui se développent actuellement, les réseaux à vocation générale devant être privilégiés (mis à part pour certaines pathologies, comme le cancer, ou certaines situations, comme les soins palliatifs). Le financement de ces réseaux devra être globalisé pour ceux qui auront fait la preuve de leur qualité ;

- La prise en charge des urgences. Il s'agit d'une mission de service public à laquelle les professionnels de santé libéraux sont tenus de concourir et pour laquelle il est nécessaire de prévoir une rémunération suffisamment attractive.

Optimisation des dépenses de santé

Concernant l'optimisation des dépenses de santé, le paiement à l'acte n'est pas, de l'avis général, le seul mode de rémunération légitime des professionnels de santé. Il doit être complété par des modes de rémunération au forfait qui favorisent les activités de prévention et de promotion de la santé. Les champs d'intervention des mécanismes de rémunération forfaitaire devront être définis précisément, par exemple, pour :

- favoriser l'égal accès aux soins sur le territoire (forfait pour l'encouragement à l'installation dans certaines zones géographiques ciblées) ;

- rémunérer les services rendus dans le cadre des priorités de santé publique (gardes, actions collectives de prévention) ;

- encourager les bonnes pratiques.

La régulation du système de santé

Selon la mission, la responsabilité de la régulation du système doit être partagée par les différents intervenants. Les différents entretiens ont montré la conviction générale que l'Etat doit conserver un rôle majeur dans le système de soins. Il pourrait être assisté par un « conseil national de la santé » chargé d'éclairer le Gouvernement, le Parlement et l'ensemble de la population française sur les choix nécessaires en matière de santé.

Il apparaît également nécessaire de bâtir une nouvelle architecture conventionnelle.

La mission propose une structure à trois étages :

- le premier regroupant les dispositions communes à l'ensemble des professions conventionnées (forme de charte des métiers de la santé) ;

- le deuxième distinguant pour chaque profession les dispositions qui lui sont propres ;

- le troisième permettant la conclusion de contrats individuels correspondant à des engagements de bonnes pratiques particuliers pris par des professionnels le souhaitant.

Afin de permettre une régulation efficace, l'usager doit également être responsabilisé. Plusieurs pistes sont proposées : la mise en place d'un panier de soins remboursables, des incitations financières notamment à la prévention (par exemple pour les soins dentaires). Toutefois, les opinions restent partagées sur la façon de mener à bien cette action.

Concernant l'ONDAM, l'instauration de ce budget prévisionnel n'est pas contestée mais la mission précise qu'il est nécessaire de fixer des objectifs perçus comme réalistes, liés aux objectifs de santé publique et pluriannualisés. L'objectif de dépenses déléguées (ODD) fonctionne actuellement sur un système de lettres-clés flottantes, système unanimement rejeté par les professionnels de santé qui le considèrent (à tort selon les sages) comme un système de sanction. Les sages reconnaissent toutefois que les ajustements ne doivent pas être faits de manière trop fréquente et unilatérale. Il est proposé de responsabiliser la CNAMTS en la rendant financièrement responsable de l'ODD.

Pour finir, certains intervenants ont émis l'idée d'une régulation régionalisée des dépenses de santé. La mission a souligné que l'allocation des ressources n'est pas à même d'apporter des solutions techniques plus « vertueuses » ou plus aisées à mettre en place que celles tentées au niveau national, mais qu'en revanche, il n'est pas totalement impossible qu'une régionalisation s'accompagne de processus permettant de mieux faire comprendre, voire admettre, l'existence même des dispositifs de régulation. Cependant, aujourd'hui, aucune institution en place au niveau régional n'apparaît toute désignée pour devenir, sans délai ni adaptation, bénéficiaire d'une déconcentration s'appliquant aux soins de ville.

• Les propositions du « G 7 »

Parallèlement à la réflexion engagée par la mission des « sages », sept organisations professionnelles représentant quatre syndicats de salariés -CGT-FO, CGT, CFTC et CFE-CGC- et trois syndicats de médecins libéraux -Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Syndicat des médecins libéraux (SML) et Fédération des médecins de France (FMF)- regroupées dans ce qu'il est convenu d'appeler le « G7 » ont rendu publiques au mois de mai 2001 leurs propositions de réforme de l'Assurance Maladie.

Prenant acte que le système conventionnel est dans l'impasse, les sept organisations membres du « G7 » ont engagé des travaux en vue de :

- reconstruire un système de santé qui conjugue médecine libérale et système de protection sociale basé sur la solidarité et l'égalité des droits,

- rebâtir un système conventionnel entre l'assurance maladie et les médecins libéraux avec une convention unique,

- redonner aux partenaires conventionnels un réel pouvoir pour s'opposer au processus d'étatisation, en redéfinissant les champs de compétence des caisses d'assurance maladie et de l'Etat.

Le « G7 » souhaite proposer une alternative à la maîtrise comptable par une réelle maîtrise médicalisée engendrée par la future convention médicale. Il considère que cette maîtrise ne peut se concevoir que dans le cadre d'une véritable compétence des partenaires conventionnels sur l'ensemble du secteur ambulatoire comprenant les honoraires, les prescriptions, et les établissements de soins privés.

Le « G7 » milite donc pour un nouveau système conventionnel qui s'inscrirait dans un choix de société maintenant un système de santé à la française et préservant en particulier la liberté de choix du patient. Dans cette perspective, le rapport du « G7 » relève que la dualité secteur 1/secteur 2 ne semble pas être aujourd'hui la solution adaptée.

Le « G7 » propose un secteur où les actes médicaux seraient rémunérés à leur juste valeur et où existeraient toutes les garanties de la qualité pour une finalité qui est l'amélioration de l'égal accès aux soins pour tous les assurés.

Le « G7 » est conscient que cette modernisation a un coût d'investissement indispensable. C'est pourquoi il sollicite le Gouvernement pour organiser, dans les plus brefs délais, une clarification des engagements financiers des charges qui lui incombent (exonérations de charges de toutes natures).

Le « G7 » n'exclut pas le recours éventuel à des ressources appropriées. Par ailleurs, les membres du « G7 » préconisent une amélioration très significative de la prise en charge des consultations, ainsi que le développement d'accords de dispense d'avance de frais et de la monétique.

• Le G 14

Parallèlement aux travaux du « G7 », s'est constitué un « G 14 » regroupant 10 syndicats de professionnels de santé, qui constituent le « G 10 » : SDB (biologistes), FNI (infirmières), FFMKR (masseurs-kinésithérapeutes), MG-France (généralistes), FSPF (pharmaciens), FNO (orthophonistes), SNAO (orthoptistes), UCCSF (médecins spécialistes), SNMG (médecins de groupe) et UJCD (chirurgiens-dentistes), deux fédérations mutualistes (FMF et FNMF) et deux syndicats de salariés (CFDT et UNSA).

Le « G14 » se prononce pour « un système de soins à responsabilités partagées » qui garantisse au citoyen des soins de qualité, une prise en charge globale suivie et cohérente, dans les établissements comme en ville.

Les analyses du G14

Dans une lettre adressée le 6 juillet dernier à Mme Elisabeth Guigou, le G 14 résume ainsi ses propositions :

« Une conviction commune anime les quatorze organisations participant à ce collectif. Professionnels de santé et assurés ont un intérêt commun à la régulation du système de soins. Car c'est en recherchant à orienter les ressources collectives, là où elles sont le plus utiles à la santé de la population, que l'on peut servir à la fois la qualité du service rendu aux patients et valoriser au mieux les pratiques des professionnels de santé. Le dialogue conventionnel entre l'Assurance Maladie et les professionnels constitue l'instrument privilégié par lequel, dans le cadre de la négociation et par la voie du contrat, un équilibre peut être trouvé entre les attentes des patients et celles des professionnels.

« C'est dire également que les professionnels et les assurés ont des responsabilités, non pas identiques ou équivalentes, mais des responsabilités partagées vis-à-vis de la qualité des soins comme du bon usage des ressources consacrées à la santé. Les uns et les autres doivent s'engager pour infléchir leur comportement respectif dans cet objectif, ou tout du moins être encouragés à le faire, dans leur propre intérêt comme dans celui de la collectivité. Ces évolutions sont d'ailleurs cohérentes avec les attentes plus générales qui se font jour vis-à-vis de la transparence et de la participation au fonctionnement du système de santé. (...)

« Force est de reconnaître que depuis 15 ans, les conventions ne sont parvenues que trop rarement à jouer le rôle que l'on peut attendre d'elles pour faire évoluer les conditions d'exercice et valoriser les pratiques professionnelles de qualité, et participer parallèlement à la régulation de l'évolution des dépenses de santé.

« Un élément de réponse à cette problématique pourrait consister à différencier plus clairement qu'aujourd'hui les conventions négociées au plan national de façon plus souple et plus diversifiée qu'aujourd'hui, proposées à l'adhésion individuelle des professionnels avec des droits et des obligations mieux identifiés les conditions d'exercice applicables à l'ensemble des professionnels qui n'adhèrent pas au régime conventionnel, sans faire obstacle pour autant à un exercice professionnel normal.

« L'architecture serait en quelque sorte inversée par rapport à celle qui prévaut pour la médecine libérale aujourd'hui, la situation de droit commun est l'exercice dans le cadre conventionnel, et par défaut s'applique un règlement conventionnel minimal qui se définit par l'amputation d'une partie des avantages conventionnels.

« Une hiérarchie des normes plus logique supposerait pour toutes les professions de santé exerçant dans le cadre libéral :

« 1.- un socle de base définissant les conditions d'exercice garanties à tous les professionnels libéraux installés en ville, dans leurs relations avec les caisses comme avec les assurés,

« 2.- des conventions négociées avec les syndicats représentatifs et proposées à la libre adhésion des professionnels, contenant des dimensions contractuelles plus explicites, c'est-à-dire des droits et une revalorisation de rémunération pour les professionnels avec des obligations évaluables.

« Dans le cadre du premier étage défini ci-dessus, par hypothèse applicable à l'ensemble des professionnels libéraux dans le champ de l'Objectif de Dépenses Déléguées, figurent à. l'évidence le remboursement des honoraires sur la base des tarifs opposables, les règles de télétransmission des feuilles de soins. L'objectif est de rendre « vivable » l'exercice professionnel comme il peut l'être sous l'égide du règlement conventionnel minimal appliqué aujourd'hui aux médecins spécialistes, mais qui trancherait en revanche avec l'exercice hors convention. Il est indispensable d'associer à ce cadre d'exercice un outil de régulation différent de celui qui sera applicable aux professionnels conventionnés. »

« A la différence du régime conventionnel, le contenu et les termes de ce premier étage seraient discutés dans un cadre tripartite entre l'Etat, l'Assurance Maladie et les professionnels, mais sans faire l'objet d'un engagement formalisé qui doit demeurer la caractéristique de la convention.

« Par hypothèse, dans le régime conventionnel, des outils de régulation sont à négocier avec une approche plus qualitative, plus médicalisée, que le mécanisme évoqué précédemment. On peut concevoir que la régulation s'inscrive dans une perspective pluriannuelle à la différence des mécanismes à l'oeuvre sous l'égide du régime décrit précédemment. L'aspect essentiel est de pouvoir proposer aux professionnels non seulement deux cadres d'exercice mais aussi un choix entre des mécanismes de régulation individuelle basés sur le volontariat et ceux d'une régulation collective.

« Par rapport à la situation actuelle, l'objectif est aussi de diversifier la forme des conventions et de leur donner à la fois plus de souplesse (sur le contenu) et plus de force (en termes d'engagements et de contreparties). On peut imaginer un système conventionnel qui juxtaposerait des conventions par profession, auxquelles les professionnels adhéreraient individuellement des accords conventionnels supplémentaires (également soumis à l'adhésion individuelle des praticiens conventionnés) sur le plan territorial ou sur des axes thématiques comme le médecin référent ou le Plan de Soins Infirmiers, ou encore sur des modalités d'exercice comme la coordination interprofessionnelle.

« Par rapport à la situation actuelle, l'innovation porte sur plusieurs registres :

1) l'adhésion individuelle des professionnels repose sur un choix explicite, pas sur contrainte : il y a une alternative au contrat avec l'exercice sous le régime évoqué précédemment, La procédure d'agrément des accords conventionnels ne s'impose plus, dès lors que le conventionnement n'est pas obligatoire.

2) en adhérant, les professionnels souscrivent un contrat, sur la base duquel ils savent qu'ils seront évalués en fonction d'un cahier des charges négocié et selon des règles connues à l'avance. L'adhésion vaut donc acceptation a priori des conclusions de l'évaluation, aussi bien en positif qu'en négatif.

3) la marge de négociation porte sur les rémunérations (par exemple la création de forfait et, fonction des thèmes de négociation) et sur les avantages conventionnels.

4) l'Assurance Maladie complémentaire doit pouvoir être associée à la négociation avec, les professionnels de santé et à la conclusion des accords conventionnels. C'est la condition d'une plus grande synergie des actions des assurances maladie obligatoire et complémentaire dans la transparence tant auprès des professionnels que des assurés. (...) ».

2. Une année sans véritable décision : les « esquisses » gouvernementales

Près de trois mois après avoir réuni un second « Grenelle de la santé », le ministère de la solidarité a dévoilé, le 4 octobre, treize propositions pour « la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie ».

Ces propositions devaient servir de base, avait précisé le ministère de l'emploi et de la solidarité, à une nouvelle concertation avec les syndicats de médecins et de salariés, notamment sur la question toujours en suspens de la maîtrise des dépenses de santé.

Fruit, semble-t-il, d'une longue réflexion de près d'un an, ponctuée de deux « Grenelle de la santé » réunissant tous les partenaires concernés les 25 janvier et le 12 juillet, ce document reprend pour l'essentiel les pistes proposées par le rapport du Comité des sages nommé à cette occasion.

Ce texte, d'une portée très générale, reprend pour l'essentiel les annonces faites en juillet dernier.

Les treize propositions du Gouvernement
pour « la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie ».

Création d'un observatoire de la démographie et des métiers de santé

Placé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, l'observatoire de la démographie et des métiers de santé serait chargé d'élaborer un rapport annuel. Sa composition serait tripartite, associant des représentants des pouvoirs publics, des professionnels de la santé et des personnalités qualifiées.

Aide à l'installation dans les zones rurales

Le Gouvernement prévoit d'expérimenter dans une dizaine de départements un dispositif d'aide à l'installation de médecins et d'infirmiers. Ses modalités seront définies par un comité de pilotage associant l'Etat, l'assurance maladie (en accord avec les organisations représentatives des professionnels de santé) et les collectivités locales.

Sécuriser l'exercice dans les zones sensibles

Une mission de l'inspection générale des Affaires sociales rendra ses conclusions le 30 octobre prochain. Sur cette base, le Gouvernement présentera des propositions destinées « à réduire l'insécurité à laquelle sont confrontés les professionnels de santé dans les quartiers difficiles. »

Etendre l'évaluation des pratiques professionnelles aux professions paramédicales

Cette proposition est incluse dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des malades actuellement discuté à l'Assemblée nationale. L'évaluation sera confiée à l'office des professions paramédicales dont la création est prévue par le même projet de loi.

Réforme du dispositif de formation continue

La réforme du dispositif de FMC est également prévue par le projet de loi relatif aux droits des malades. Elle étend à tous les médecins, qu'ils soient libéraux ou salariés, l'obligation de formation continue et crée un fonds national unique de financement.

Développer les recommandations de bonnes pratiques

Le Gouvernement prévoit d'améliorer les délais d'élaboration des recommandations médicales, leur adéquation à l'activité réelle des professionnels et leur diffusion. Un comité de coordination associant l'AFSSAPS, l'ANAES, les pouvoirs publics, les caisses d'assurance maladie et les représentants des professionnels sera créé.

Charte de qualité du service médical de l'assurance maladie

La publication d'une charte de qualité du service médical de l'assurance maladie (médecins-conseils) devrait assurer la transparence sur les procédures du contrôle médical et définir des engagements de qualité.

Associer les professionnels aux politiques de prévention collective

Chaque professionnel pourrait signer « un contrat de santé publique » avec l'assurance maladie. Il s'engagerait alors à effectuer des actions dans le cadre des programmes prioritaires de prévention et de promotion de la santé fixés par l'Etat et bénéficierait en échange d'une rémunération forfaitaire supplémentaire.

Faire participer les professionnels libéraux à l'organisation des urgences

Le Gouvernement prévoit, dans les zones le nécessitant et à certaines tranches horaires l'organisation d'une permanence libérale des soins proposée par les professionnels, sous l'égide de l'Ordre et sous le contrôle du comité départemental de l'aide médicale urgente (CODAMU). Cette garde libérale d'intérêt public pourrait être rémunérée de façon spécifique dans le cadre d'une expérimentation.

Développer les réseaux de soins

La mission de coordination des soins autour d'un patient souffrant de pathologies chroniques pourrait également faire l'objet de contrats individuels signés avec les caisses d'assurance maladie et rémunérés sur la base d'un forfait annuel. En outre, pour développer les réseaux et leur assurer un financement stable, le Gouvernement propose de créer une enveloppe financière unique déléguée au niveau régional.

Redéfinir l'élaboration de la politique de santé

Le projet de loi relatif aux droits des malades devrait mettre en place un haut conseil de la santé. Il sera notamment chargé d'élaborer chaque année un rapport pour le Gouvernement sur les priorités de santé destiné à préparer le débat annuel parlementaire sur la politique de santé qui aura lieu en juin. Les objectifs fixés seront pluriannuels, et l'objectif national des dépenses d'assurance maladie devrait prendre en compte cette approche pluriannuelle.

Rénover le cadre conventionnel

Le Gouvernement pourrait proposer des adaptations de la législation actuelle sur les conventions des professionnels de santé libéraux. Il suggère une organisation à trois niveaux : d'abord, une convention nationale cadre concernant l'ensemble des professions de santé définirait les règles générales d'exercice et unifierait les régimes de sanctions. Elle serait complétée -deuxième étage- par des conventions par profession.

Le troisième étage serait constitué de contrats individuels librement négociés par les médecins qui choisissent de s'engager dans la coordination des soins, la prise en charge des urgences, les actions de santé publique ou le suivi de leurs activités. Ces contrats permettraient aux médecins d'obtenir en contrepartie des rémunérations supplémentaires et pourraient encourager, dans le cadre d'un nouveau statut social et fiscal, un exercice partagé entre activité libérale et hospitalière. Ils pourraient également fixer des critères d'exercice et d'activité qui éviteraient aux médecins un contrôle médical trop fréquent. Dans le domaine de la régulation des dépenses, le Gouvernement propose que les partenaires négocient dans le cadre conventionnel des modes de régulation dans une perspective pluriannuelle, les professionnels s'engageant collectivement et individuellement à faire évoluer leurs pratiques, l'assurance maladie s'engageant sur les évolutions tarifaires et de nomenclature.

Conforter la délégation de gestion à l'assurance maladie

Le Gouvernement propose de ramener de trois à deux par an les rapports d'équilibre que l'assurance maladie doit lui présenter. Un avenant à la convention d'objectif et de gestion fixant les objectifs et les mesures à mettre en oeuvre, négociés au préalable par les partenaires conventionnels, serait établi en janvier et un rapport d'exécution, présenté en juillet. Dans ce cadre, il est envisagé d'accroître la part que peut prendre l'assurance maladie dans la cotation (fixation des tarifs) des actes des professionnels.

Si la création d'un observatoire de la démographie médicale ou encore d'un haut conseil de la santé , la définition d'objectifs pluriannuels de santé publique, le développement de la prévention et des réseaux de soins ou la mise en place d'aides à l'installation dans les zones rurales rencontrent un relatif consensus, le Gouvernement reste pour le moins prudent sur les points essentiels que constituent la régulation des dépenses, la clarification des responsabilités entre l'Etat et l'assurance maladie et le mode de conventionnement entre professionnels de santé et assurance maladie.

Il retient bien l'idée proposée notamment par le G14 d'une architecture conventionnelle à trois niveaux : un socle conventionnel commun à toutes les professions, des conventions collectives par profession auxquels s'ajouteraient ensuite des contrats individuels que pourraient négocier les médecins désireux de s'engager dans une démarche d'amélioration de la qualité des soins en échange de rémunérations forfaitaires complémentaires. Mais il ne tranche ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation.

De même, l'actuel dispositif de maîtrise des dépenses par les lettres-clés flottantes, et contesté aussi bien par les professionnels de santé que par les caisses d'assurance maladie, n'est pas directement remis en cause. Tout juste le texte suggère-t-il d'expérimenter dans un premier temps un dispositif alternatif de régulation pluriannuelle, lequel nécessite toutefois « un temps d'expertise et de négociation qui doit s'accompagner de la poursuite des travaux engagés par les partenaires conventionnels ».

Par ailleurs, il se contente de ramener de trois à deux par an le nombre de rapports d'équilibre que l'assurance maladie doit soumettre au Gouvernement et dont l'un devra proposer les mesures correctrices permettant le respect des objectifs de dépenses de santé. Mais sur tous ces points, le Gouvernement renvoie à la poursuite des négociations, à la concertation engagée avec les partenaires sociaux sur l'avenir de l'assurance maladie et dont les éléments seront discutés « au cours de l'année à venir » .

Sur ce terrain sensible, le ministère de la solidarité a manifestement choisi ses mots. « La mise en place d'un système de régulation alternatif fondé sur un rôle renouvelé du dispositif conventionnel doit être rendu possible », formule sobrement le texte des propositions. Et d'ajouter : « Il n'appartient pas au gouvernement de prédéterminer ce qui résultera d'éventuelles négociations pour une ou des nouvelles conventions » .

Le débat sur l'avenir du paritarisme est quant à lui repoussé une nouvelle fois. Le ministère de la solidarité n'est guère plus bavard sur l'avenir du paritarisme. « Le gouvernement souhaite remettre la dynamique contractuelle au coeur des relations entre l'Etat et la sécurité sociale » , peut-on notamment lire. Les discussions en cours avec les partenaires sociaux dans le cadre de la rénovation sociale souhaitée par le Premier ministre, abordent notamment le thème de l'assurance maladie. Elles portent sur « la composition et les missions des conseils d'administration, les relations avec l'Etat, l'organisation du réseau de l'assurance maladie et la régionalisation, le rôle du service médical ». Mais, précise le document ministériel, tous « ces éléments seront discutés au cours de l'année à venir »...

Les pouvoirs publics ne veulent à l'évidence pas prendre de décision dans l'immédiat. « La mise en place de ce nouveau système nécessite un temps d'expertise et de négociation qui doit s'accompagner de la poursuite des travaux engagés par les partenaires conventionnels » , conclut le texte d'orientation.

Pourtant, si aucune de ces treize propositions n'avait trouvé sa traduction législative dans le présent projet de loi tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté et fait adopter sous la forme d'amendements quatre articles additionnels directement inspirés des treize propositions :

- l'article 10 A relatif au rôle de la convention dans l'organisation du système de soins de ville ;

- l'article 18 ter , permettant l'expérimentation de nouvelles modalités d'association des professionnels libéraux à la permanence des soins ;

- l'article 18 quater , créant au sein de l'ONDAM une dotation nationale de développement des réseaux ;

- l'article 18 septies , prévoyant la mise en place d'aides à l'installation pour les professionnels de santé.

L' article 10 A se veut le plus important. Présentant la disposition à l'Assemblée nationale, M. Bernard Kouchner, Ministre délégué à la santé, a indiqué que l'amendement avait trait « à la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif de régulation ».

Il a expliqué qu'il s'agissait de créer « un dispositif conventionnel commun à l'ensemble des professionnels de soins de ville, qui déterminerait les règles générales de relation avec l'assurance maladie, les dispositions communes aux professions, les modalités de la coordination des soins, tout en prenant mieux en compte les engagements individuels. Il ne s'agit évidemment pas de revenir à une logique de conventionnement individuel, les professionnels étant attachés au cadre collectif de leur exercice, mais de prendre en compte les engagements auxquels ceux-ci s'astreignent, qu'il s'agisse de leur participation aux actions de santé publique ou des critères d'exercice ou d'activité.

« Nous proposons enfin d'instaurer un système de régulation fondé sur le conventionnement. Nous réfléchissons à la mise en place, au besoin à titre expérimental, de dispositifs de régulation conventionnels fondés, du côté des professionnels, sur des engagements collectifs et individuels d'évolution des pratiques, du côté de l'assurance maladie, sur des engagements en matière d'évolution tarifaire et des propositions de mesures de nomenclature. J'attends des réactions rapides de la part de nos interlocuteurs. L'amendement n° 334 rectifié a précisément pour but de présenter les orientations centrales que je viens d'exposer. »

Il est difficile de faire plus flou... Votre rapporteur partage à cet égard la perplexité exprimée en séance publique par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

M. Claude Evin a en effet déclaré : « Cet amendement nous est arrivé un peu tardivement 30 ( * ) - M. le Ministre vient de nous expliquer pourquoi -, puisqu'il a été introduit dans le débat après l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale en conseil des ministres. (...) La commission a le sentiment que le dispositif proposé est loin d'être achevé . Elle recommande néanmoins son adoption, mais elle restera très attentive à l'évolution future de ce texte. Plutôt que d'entrer dans le détail, laissons se dérouler la concertation et adoptons dès aujourd'hui cet amendement ; nous aurons l'occasion d'y revenir . »

Votre rapporteur s'étonne de cette méthode peu respectueuse du Parlement et des partenaires conventionnels qui consiste à faire adopter à la va-vite par l'Assemblée nationale un « amendement esquisse » dont le contenu semble encore peu formalisé.

De l'aveu même du Gouvernement, le dispositif proposé reste encore à l'état d'ébauche. Si le Gouvernement semble effectivement retenir l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne tranche, une nouvelle fois, ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation.

Le mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes est maintenu, même si, selon le Gouvernement, il ne s'appliquerait plus aux professionnels ayant signé une convention.

Après une année de concertation, le Gouvernement esquisse donc, dans l'improvisation la plus totale, un dispositif inachevé et incomplet, mais auquel s'opposent déjà une partie des professionnels de santé.

Pour sa part, votre commission proposera la suppression du dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, suppression qui constitue à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec les professionnels de santé.

* 30 L'amendement avait été déposé la veille au soir.

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