III. LES VÉRITABLES COMPTES DU RÉGIME GÉNÉRAL POUR LES ANNÉES 1998 A 2002 : UN SOLDE CUMULÉ DÉFICITAIRE DE - 6,7 MILLIARDS DE FRANCS ET UNE « SITUATION NETTE » DÉFICITAIRE D'ENVIRON 30 MILLIARDS DE FRANCS

Le Gouvernement se félicite, de manière rituelle, de l'amélioration significative des comptes du régime général observée au cours de ces dernières années.

Or, à l'examen, et compte tenu, notamment, des circuits de financement mis en place afin de confisquer à la sécurité sociale la « manne de la croissance » au profit du FOREC, il apparaît que la réalité des comptes du régime général est nettement moins favorable, même sur la base des hypothèses irréalistes retenues par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 .

1. Un solde cumulé déficitaire de - 6,7 milliards de francs

Le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, annonce « un excédent cumulé du régime général de 23 milliards de francs ».

A l'examen, il apparaît que ce chiffre pèche par excès d'optimisme :

- en se limitant à l'addition des résultats des années 1999 à 2002 ( laissant ainsi de côté le solde déficitaire de l'année 1998 , soit - 9,7 milliards de francs) ;

- en ne prenant pas en compte l'annulation de la créance du régime général sur le FOREC pour 2000 , pourtant prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, soit une perte de 15 milliards de francs imputée sur l'exercice 2000 ;

- en n'intégrant pas les effets des mesures nouvelles, soit prévues dans le projet de loi de financement initial pour 2002 (et exposées page 30 de l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002), soit résultant des amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale . S'agissant de ces derniers, le tableau ci-après, établi par la direction de la sécurité sociale, permet d'évaluer l'impact financier de ces mesures et leurs conséquences sur les soldes du régime général en 2002.

(en millions de francs)

EFFETS FINANCIERS DES AMENDEMENTS VOTÉS EN 1 ÈRE LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

Résultat net 2002 plfss

- 11.800,67

3.581,53

6.835,07

8.278,18

6.894,11

Amendements recettes 2002

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

Exonérations de charges patronales services d'aide à domicile

- 131,19

- 32,80

- 98,39

- 65,60

- 327,98

Exonérations de charges des salariés embauchés lors des vendanges

-

-

-

-

-

Taxe publicité pharmaceutique

- 131,19

Frais de gestion liées aux relatons avec l'Etat

196,79

32,80

- 65,60

295,18

TOTAL

- 65,60

- 32,80

- 65,60

0

- 163,99

Amendements dépenses 2002

CNAM MALADIE

CNAM AT

CNAVTS

CNAF

RG

FMES 2002

590,36

590,36

Examens bucco-dentaires pour les enfants de 6 à 12 ans

262,38

262,38

Aléa thérapeutique

262,38

262,38

Adolescents et adultes handicapés autisme

131,19

131,19

Suppression affiliation préalable service national

98,39

98,39

Amendements diverses mesures famille

163,99

163,99

Amendements diverses mesures accidents du travail

98,39

98,39

TOTAL

1.246,32

98,39

98,39

163,99

1.607,09

Résultat net après amendements

- 13.112,58

3.450,33

6.671,08

8.114,19

5.123,02

Source : Direction de la sécurité sociale

Pour l'exercice 2001, l'impact financier des mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture peut être évalué à un milliard de francs de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie.

Sur ces bases , les comptes « véritables » du régime général font apparaître, sur la période 1998-2002, un déficit cumulé de - 6,7 milliards de francs. Pour la seule branche maladie, ce solde cumulé déficitaire atteint, pendant la période considérée, - 61,3 milliards de francs.

Compte du régime général (1998-2002)

(droits constatés en milliard de francs)

1998 (1)

1999 (1)

2000 (2)

2001 (3)

2002 (4)

1998/2002

CNAMTS AM

- 14,7

- 4,8

- 17,2

- 11,5

- 13,1

- 61,3

CNAMTS AT

3,3

1,4

1,1

1,2

3,4

8,9

CNAVTS

2,8

5

- 1,3

6,4

6,7

19,6

CNAF

- 1,1

1,7

6,7

9,2

8,1

24,6

TOTAL

- 9,7

3,3

- 10,7

5,3

5,1

- 6,7

(1) Source : Rapport de la Cour des comptes (septembre 2001)

(2) Soldes Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2001) après annulation de la dette du FOREC (15 milliards de francs)

(3) Soldes Direction de la sécurité sociale. Projet de loi de financement initial moins mesures nouvelles AN (évaluation : 1 milliard de francs)

(4) Source : Direction de la sécurité sociale.

2. Une « situation nette » cumulée déficitaire d'environ 30 milliards de francs

Par ailleurs, il convient d'ajouter à ce déficit cumulé l'effet des différents prélèvements effectués, après clôture des comptes, sur les soldes des branches du régime général, à savoir :

- d'une part, les prélèvements sur les soldes de la branche vieillesse ou de la branche famille au profit du F2R ;

- d'autre part, les prélèvements sur les excédents de la branche famille au profit du fonds d'investissement pour la petite enfance (FIPE).

Compte tenu de ces divers prélèvements, la « situation nette » du régime général s'avère déficitaire, pour les années 1998 à 2002, d'environ 30 milliards de francs (cf. tableau ci-dessous).

Situation nette du régime général (1998-2002)

(En droits constatés et en milliards de francs)

1998

1999

2000

2001

2002

1998/2002

Solde RG (1)

- 9,7

3,3

- 10,7

5,3

5,1

- 6,7

Prélèvements

F2R

5

5

6,4

6,7

23,1

FIP

1,5

1,5

3

Total prélèvements (2)

6,5

6,5

6,4

6,7

26,1

« situation nette » du régime général (1) - (2)

- 9,7

- 3,2

- 17,2

- 2,6

- 1,6

- 32,8

*

* *

A l'issue d'une période de croissance économique exceptionnelle, la sécurité sociale se trouve donc dépourvue de toute réserve pour affronter des temps plus difficiles.

En outre, l'imagination financière déployée par le Gouvernement, dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, afin d'alimenter « l'insatiable FOREC », a totalement dénaturé cet outil, initialement conçu pour permettre aux représentants élus du peuple de déterminer, en toute transparence, les grands choix sanitaires et sociaux de la Nation, et d'en définir ainsi les moyens financiers.

Votre commission estime donc que le moment est venu de rétablir la vérité des comptes sociaux.

Cette « opération vérité » consiste à restituer, en 2002, à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui lui ont été, directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC 18 ( * ) . Elle permettrait ainsi de dégager, pour le régime général, un total de recettes supplémentaires de 30 milliards de francs, son excédent passant ainsi de 5 milliards (après mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture à 35 milliards. Le solde du fonds de solidarité vieillesse deviendrait, quant à lui, positif de 18 milliards de francs (solde qui serait ensuite reversé, l'année suivante, au fonds de réserve des retraites).

En réalité, cet excédent, à l'évidence ne serait « pas de trop ». Libre au Gouvernement à titre pédagogique, de retenir des hypothèses « patriotiques » ou « angéliques ». Mais la prudence veut que la sécurité sociale puisse faire face à un risque de déconvenue qui n'est pas « absolument déraisonnable ».

Cet excédent fait apparaître en second lieu les marges de manoeuvre qui auraient pu être celles de la sécurité sociale pour mener une politique familiale ambitieuse, pour assurer de façon crédible l'avenir des retraites, pour restructurer notre système de soins et clarifier les principes sur lesquels il est fondé.

Les réformes de long terme -celles précisément qui ne s'apparentent pas aux nombreux « plans de sauvegarde » qu'a connus la sécurité sociale au cours des trente dernières années- ne se font pas, en effet, sur fond de crise financière.

* 18 Le bilan détaillé de cette opération étant exposé pages 29 et suivantes du présent rapport.

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