Loi de finances pour 2002 - Tome III - Annexe 33 : Recherche

MARINI (Philippe), Rapporteur général ; TREGOUET (René), Rapporteur spécial

RAPPORT GENERAL 87 (2001-2002) - TOME III - Annexe 33 - COMMISSION DES FINANCES

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Table des matières




N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès verbal de la séance du 22 novembre 2001

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 33

RECHERCHE

Rapporteur spécial : M. René TRÉGOUËT

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3262 , 3320 à 3325 et T.A. 721

Sénat
: 86 (2001-2002)


Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nul ne conteste l'importance de la recherche comme facteur d'amélioration des performances de notre économie en matière de croissance et d'emploi.

Personne ne remet non plus en cause sa contribution à la satisfaction des aspirations de nos concitoyens aux progrès de la santé et à un environnement plus sûr et de meilleure qualité (en réponse, parfois, à des inquiétudes nées des activités scientifiques elles-mêmes et de leurs répercussions en matière agricole ou industrielle...).

Mais toutes les conséquences ne semblent pas en être tirées, qu'il s'agisse du montant des dépenses ou de leur efficacité, tout aussi essentielle, dont le renforcement suppose de profonds changements de notre système dans le respect, toutefois, de nos spécificités.

A l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour l'an 2000, M. Claude Allègre avait déclaré vouloir faire des réformes de structures nécessaires 1( * ) un préalable à une augmentation significative des moyens budgétaires de la recherche.

Nous n'avons eu ni l'un, ni l'autre, alors que certains de nos principaux concurrents (le Japon, l'Allemagne, la Grande-Bretagne...) mènent les deux de front, accroissant leur effort de recherche tout en modifiant foncièrement la configuration de leur appareil scientifique et technique.

Ce constat ne signifie pas que rien n'ait été fait depuis 1997, mais que les actions menées n'ont pas été à la hauteur des enjeux.

La recherche n'échappe pas à la compétition mondiale. C'est une activité essentielle. Elle n'a pas fait l'objet de la priorité qu'elle mérite.

Notre système n'a pas été réformé en profondeur, ni même repensé dans son ensemble, malgré les observations de la Cour des comptes, du commissariat au Plan, de MM. Cohen et Le Déaut, et alors qu'il y avait deux raisons majeures pour le faire :

- la réforme de la loi organique relative aux lois de finances qui implique une nouvelle présentation de l'effort budgétaire de recherche,

- le « choc démographique » que provoqueront les départs massifs à la retraite de la deuxième moitié de la présente décennie.

Le statut proposé aux jeunes chercheurs recrutés en ce début de XXI ème siècle doit-il demeurer identique à celui de leurs prédécesseurs ?

Votre rapporteur est cependant conscient de la difficulté de réformer la recherche française . Il n'impute pas à l'actuel ministre la responsabilité unique du caractère qu'il juge décevant du bilan de la législature qui s'achève à cet égard. Celui-ci n'exerce en effet ses fonctions que depuis moins de deux ans, lesquelles sont soumises à de nombreuses contraintes (arbitrages interministériels, dispersion et rigidité des structures, inerties budgétaires...).

CHAPITRE PREMIER

UN BILAN PEU GLORIEUX EN TERMES DE DÉPENSES

Votre rapporteur n'ignore pas avec quelles précautions les statistiques doivent être maniées et combien elles se prêtent à des manipulations et peuvent conduire à des conclusions opposées.

Les périmètres budgétaires changent ; le BCRD n'inclut pas certaines dépenses consacrées à la recherche et à l'innovation, comme l'ont souligné aussi bien le CSRT (conseil supérieur de la recherche et de la technologie) que la Cour des comptes.

Celle-ci a ainsi fait état, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1999 de crédits du budget de l'enseignement supérieur (notamment au titre de la rémunération d'ingénieurs techniciens ou de cadres administratifs à temps partiel) qui ne figurent pas dans cet agrégat ainsi que des financements européens ou régionaux, du produit de certaines taxes parafiscales ou encore du « manque à gagner » dû au crédit d'impôt recherche.

Dans les comparaisons internationales, la comptabilisation des emplois de chercheurs s'avère, par ailleurs, délicate du fait de la difficulté à évaluer les prestations des « post-docs » ou des enseignants-chercheurs à temps partiel.

Il ne s'agit donc pas de se lancer dans une bataille de chiffres. Celle-ci serait d'autant plus stérile que l'efficacité des dépenses importe autant que leur montant.

Dans ces conditions, les développements qui suivent ont essentiellement pour objet d'inviter le Gouvernement à se garder de tout triomphalisme.

Quel que soit le bilan de la précédente majorité, celui de l'actuelle législature n'est pas particulièrement glorieux, alors qu'elle a bénéficié d'une conjoncture plus favorable.

Ses vraies priorités étaient ailleurs.

I. UNE ÉVOLUTION BUDGÉTAIRE POUR 2002 QUI DÉFAVORISE LE MINISTÈRE DE LA RECHERCHE AU SEIN DU BCRD

A. LA PROGRESSION MOYENNE DU BUDGET CIVIL DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT

1. Une augmentation globale passable

L'augmentation prévue pour 2002 du BCRD (budget civil de recherche et de développement), qui regroupe les contributions au financement de la recherche civile des différents ministères concernés, est de 2,2 %.

Pour la deuxième année consécutive, le BCRD (8.725,3 M€, soit 52.234 MF en 2002) augmente ainsi :

- autant que la moyenne des budgets civils,

- mais moins que ce qui a été prévu pour le PIB ou d'autres dépenses jugées, elles, prioritaires comme l'environnement et la justice.

2. Une ventilation des dépenses par ministère qui révèle certaines priorités

Le tableau suivant rend compte de l'évolution des dotations des différents départements ministériels.

a) Structure des dépenses

Ce tableau appelle les commentaires suivants.

Après celle du ministère de la recherche (70 %), les participations les plus importantes à l'effort budgétaire de recherche civile sont consenties par les ministères :

- de l'industrie (913,4 M€ soit un peu plus de 10 % de l'ensemble du BCRD),

- de l'éducation nationale, au titre de l'enseignement supérieur (5,3 %),

- enfin, de l'équipement et des transports (environ 4 %).

Les autorisations de programme progressent de 2,9 %.

b) Principales priorités

On note plus particulièrement l'augmentation, nettement supérieure à la moyenne, des moyens consacrés :

- à l'enseignement supérieur : + 15,1 % en D.O. + CP. et + 19,3 % en AP (soutien de base à la recherche universitaire et dépenses immobilières en sa faveur, dans le cadre de l'exécution des contrats de plan Etat-Régions et en conséquence du plan université 2000).

- aux programmes aéronautiques civils (+ 10,1 % en crédits de paiement, du fait, principalement, du développement par Airbus du « gros porteur » A 380) ;

- à la sûreté nucléaire (+ 18,8 % pour les moyens du nouvel Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) ;

- dans une moindre mesure, à la culture (+ 5 % hors Cité des sciences, en raison de créations d'emplois dans les disciplines de l'histoire de l'art et de l'archéologie) et aux affaires étrangères (+ 3,5 % : contribution à la recherche communautaire en biologie moléculaire).

En revanche, les crédits afférents à la contribution du ministère de la Défense aux dépenses de recherche spatiale duale (à double finalité civile et militaire) se signalent par leur stagnation, après leur forte baisse de l'an dernier.

3. Analyse thématique

La ventilation prévue en 2002 du BCRD par principales catégories d'objectifs est la suivante :

Le projet de loi de finances pour 2002 privilégie :

- les STIC (sciences et technologies de l'information et de la communication) : + 7,1 %, soit + 55 M€) ,

- les sciences du vivant : + 3,4 %, soit + 37,2 M€,

- l'environnement, au sens large (y compris la sécurité, l'énergie, le développement durable) : + 3,3 %, soit + 46 M€.

B. L'ÉROSION, EN EUROS CONSTANTS, DU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

1. Aperçu de l'évolution globale des crédits et de leur ventilation

Le tableau suivant rend compte de l'évolution des dépenses :

- consacrées, d'une part, aux actions propres du ministère ;

- effectuées, d'autre part, par les différents organismes de recherche (établissements publics à caractère scientifique et technique, « EPST », ou industriels et commerciaux, « EPIC », fondations et groupements d'intérêt public).

Globalement, l'augmentation du budget du ministère n'est que de 1 % à structure constante 2( * ) . Elle est donc nettement inférieure à celle du BCRD, les AP progressant, il est vrai, de 6,7 %.

Elle est également moindre que la hausse des prix prévue (+ 1, %).

2. Des moyens propres limités

Le budget du ministère de la recherche mobilise, comme indiqué plus haut, plus de 70 % (72 %) du BCRD.

Mais 91 % des crédits correspondants sont distribués aux différents organismes publics de recherche.

Les moyens propres du ministère ne représentent ainsi que moins de 10 % de son budget et concernent un nombre très limité de chapitres :

Titre III - Fonctionnement

Ch. 34-98 - moyens de fonctionnement 8,5 M€

(services centraux et délégations régionales)

Titre IV - Interventions

Ch. 43-01 - actions d'incitation, d'information

et de communication 33 M€

Ch. 43-80 - formation à/et par la recherche

(allocations, bourses, conventions avec les entreprises

type CIFRE et CORTECHS) 255,2 M€

Titre V - Investissements

Ch. 56-06 - Etudes, actions en faveur de l'information

et de la culture scientifique et technique 1,2 M€

Titre VI - Subventions d'investissement

Ch. 66-04 - Soutien à la recherche et à la technologie

(y compris FRT 3( * ) ) 106,7 M€

Ch. 66-05 FNS - (Fonds national pour la science) 114,3 M€

Ch. 66-06 Information et culture scientifique

et technique mémoire

En outre, la majeure partie (plus de 70 %) des fonds d'intervention du ministère (FNS et FRT) bénéficie, en fait, à des laboratoires publics, au titre du soutien à des disciplines ou à des actions concertées prioritaires.

Les augmentations de crédits les plus significatives concernent :

- les allocations de recherche (+ 14,6 M€ soit 7,24 %) en faveur des thésards, à l'article 10 du chapitre 43-80, qui passent ainsi de 7 400 F à 7 807 F brut par mois ;

- les autorisations de programme du FNS (+ 12 %) qui atteignent le même niveau que celles du FRT (soit 150 M€, c'est-à-dire un milliard de francs).

On note que les moyens de fonctionnement de l'administration centrale et des délégations régionales à la recherche et à la technologie (DRRT) ont été transférés en 2001, comme il est logique, du fascicule « enseignement scolaire » (hors BCRD) vers le budget de la recherche.

3. Evolution des dotations des organismes scientifiques

a) L'inertie des dépenses des principaux établissements

Le tableau qui précède rend compte tout à la fois du morcellement de la recherche publique française et du poids particulièrement important de certains organismes.

Ensemble, et par ordre de subventions décroissant, le CNRS, le CNES, l'INRA, le CEA et l'INSERM mobilisent, en effet, près de 80 % de ce budget (77,6 %) et 85,3 % de l'agrégat « organismes de recherche ».

Les EPST (3,6 M€ + 1,4 %) sont mieux lotis en 2002 que les EPIC (2 M€ - 0,2 %) mais disposent, il est vrai, de ressources propres généralement plus élevées.

Dans l'ensemble, les subventions de l'Etat représentent, en effet, 87 % des ressources des EPST (et le personnel 70 % de leurs dépenses). Or, ces pourcentages n'atteignent, respectivement, que 66 % et 30 % pour les EPIC.

b) Principales tendances pour 2002

Les priorités essentielles affichées par le ministère pour 2002 concernent, sur le plan thématique, les sciences du vivant, les NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) et l'environnement.

Transversalement, sont privilégiés l'emploi scientifique (et celui des jeunes chercheurs en particulier) ainsi que les moyens de fonctionnement et d'investissement de la recherche publique.

Certaines des évolutions retracées dans le tableau qui précède sont cohérentes avec ces intentions (augmentation globale de 6,1 % des AP, progression des subventions accordées à l'INSERM : + 3,6 % ou l'INRIA : + 10,7 %).

D'autres correspondent à des rattrapages ponctuels, en phase cependant, avec l'importance accordée aux recherches environnementales (recherches polaires ou sur la mer menées par l'IFRTP et l'IFREMER).

Les 463 créations d'emplois prévues en 2002, profitent, en premier lieu, aux organismes spécialisés dans les recherches prioritaires.


 

Chercheurs

IT

Total

- INRIA

50

60

100

- INSERM

15

65

80

- INRA

11

89

100

- CNRS 4( * )

20

120

140

- IRD

2

18

20

- INED

2

2

4

- CEMAGREF

-

4

4

- INRETS

-

5

5

TOTAL

100

363

463

Le tableau suivant extrait du « bleu » de la recherche, montre cependant que la répartition des dépenses des organismes de recherche (y compris celles financées par le FNS, le FRT ou des crédits d'autres budgets) privilégie davantage les sciences du vivant et de l'information que l'environnement.

Répartition par thème des moyens budgétaires
des organismes de recherches

(en milliers d'euros)

 

2001

2002

Variation

Sciences du vivant

1 687

1 718

+ 1,8

Nouvelles technologies d'information et de communication

358

375

+ 4,7

Environnement, Sciences de la planète

500

508

+ 1,6

Energie, transports

558

560

+ 0,3

Espace

1 175

1 176

+ 0

Mathématiques, physique

489

501

+ 2,4

Chimie

134

136

+ 1,5

Sciences humaines et sociales

492

503

+ 2,2

R & D en faveur du développement

161

163

+ 1,2

Autres thématiques (non ventilées)

71

70

- 1,4

TOTAL

5 625

5 710

+ 1,5

En effet, la progression prévue des dépenses est :

- à peine supérieure (+ 1,6 %) à celle du total pour la ligne « environnement, sciences de la planète » ;

- nettement inférieure (+ 0,3 % au ,lieu de + 1,5 %) pour la ligne énergie-transports.

Les sciences humaines, les mathématiques et la physique sont mieux lotis et l'espace, malgré la stagnation de ses crédits, continue de peser lourd dans l'ensemble.

c) Remarque sur la gestion antérieure des crédits

Le financement d'actions concertées incitatives (ACI) au profit, notamment d'équipes de jeunes chercheurs, ou de réseaux, en particulier le réseau des génopôles, donne lieu à de très nombreux transferts en cours d'exercice à destination des organismes scientifiques, avec le concours d'autres ministères.

Cela ne facilite évidemment pas le suivi de l'exécution des dépenses.

Plus généralement, le découpage des documents budgétaires en sections et parties altère leur lisibilité.

Concernant la couverture des AP par les CP, leur appréciation est rendue difficile par le fait qu'il faut distinguer le « soutien des programmes », pour lequel les montants des AP et CP ouverts dans chaque loi de finances sont identiques, des « autres autorisations de programmées », financées avec un échéancier triennal de versement de CP.

L'écart entre AP et CP tend à se réduire pour les incubateurs et le FRT (dont les subventions, lorsqu'elles sont modifiées en fin d'année, donnent lieu inévitablement à, des reports.)

Il demeure important pour certains organismes de recherche tels le CEA (360 M€ environ), l'ADEME, le CNRS, l'INSERM, l'INRA et le CNES (dont la situation, liée à des retards de paiement de la contribution française à l'Agence spatiale européenne devrait être normalisée en 2002).

Plutôt que de procéder à un rattrapage, par l'ouverture, au titre des services votés, de CP correspondant aux AP non consommées, l'administration préfère apurer le passé en annulant les AP anciennes, dites « dormantes », qui, n'ayant pas fait l'objet d'engagements juridiques, ne requièrent pas de moyens de paiement.

Cette solution semble effectivement, de loin, préférable.

C. UNE APPRÉCIATION GLOBALE NÉGATIVE

1. Des éléments positifs...

Si ce budget pouvait être considéré, isolément, indépendamment des évolutions des années précédentes et des efforts de nos concurrents et avec la garantie d'une bonne efficacité de ses dépenses, votre rapporteur aurait pu recommander à votre commission des finances de lui donner un avis favorable.

Il porte, en effet, un jugement a priori favorable sur la sur :

- la progression des moyens consacrés au soutien de base des laboratoires ;

- les priorités retenues par le ministre ;

- l'anticipation des départs massifs à la retraite des années 2005-2010.

Par ailleurs, une certaine modération de la progression des crédits budgétaires n'est pas, en soi, pour déplaire à votre commission des finances. Elle peut être une incitation à un développement des ressources propres des organismes publics de recherche et de la contribution d'entreprises privées à leurs travaux, dans le cadre de partenariats plus étroits.

2. ... une impression défavorable qui l'emporte

Cependant, faute de réformes de structures et du fait, notamment, d'un déficit persistant d'évaluation, accentué par la complexité et le manque de lisibilité de notre système de recherche :

- les mesures programmées en faveur de l'emploi scientifique semblent nécessaires mais néanmoins insuffisantes, en l'absence de réflexion sur l'évolution du statut des chercheurs ;

- l'efficacité des dépenses est difficile à apprécier. Les crédits budgétaires ne paraissent pas exercer un effet d'attraction suffisant sur l'effort de recherche des entreprises, si on en juge par l'évolution défavorable de la DIRD (dépense intérieure de recherche et développement) qui inclut leurs investissements.

Les indicateurs disponibles fournissent un bilan comparatif mitigé des résultats de la recherche française au niveau international (voir plus loin).

- enfin, les évolutions budgétaires, ainsi replacées dans le cadre global de celles de l'ensemble des dépenses de recherche et dans le contexte international, doivent en outre être appréciées, en cette fin de législature, sur la durée de plusieurs exercices budgétaires.

II. UN BILAN DE LÉGISLATURE MÉDIOCRE

A. UNE PROGRESSION DU BCRD INFÉRIEURE À LA CROISSANCE ET SOUVENT MÊME À L'AUGMENTATION DES DÉPENSES CIVILES DE L'ETAT

Le tableau ci-dessus révèle que l'augmentation du BCRD, en loi de finances initiale, a été constamment inférieure à la croissance de l'économie à laquelle celui-ci contribue pourtant éminemment (un peu à la manière d'un injecteur dans un moteur à explosion ou d'un dispositif à flux intégré dans la propulsion d'une fusée).

De 1998 à 2000, la progression de cet agrégat budgétaire a même été inférieure à celle de la moyenne des dépenses civiles de l'ensemble des ministères.

Pourtant, comme votre rapporteur le souligne chaque année, les « jeunes pousses » d'aujourd'hui, issues de la recherche publique, sont les gros contribuables de demain.

Celle-ci devrait donc faire l'objet d'une priorité budgétaire, ce qui n'a pas été le cas, à la différente d'autres actions gouvernementales en faveur de la justice et de la sécurité, ou des dépenses de fonctionnement du ministère de l'environnement.

Il faut cependant reconnaître qu'un redressement (qui ne permet pas cependant un rattrapage) a eu lieu à cet égard depuis la prise de fonction de l'actuel ministre, à partir de la loi de finances pour 2001, qui a vu, en outre, en cours d'exercice, des moyens supplémentaires être accordés à la lutte contre les maladies à prions.

L'écart entre la croissance du BCRD et celle du PIB devrait vraisemblablement se réduire, voire devenir positif, en 2002, mais il n'y a pas lieu de s'en réjouir, s'agissant des conséquences du ralentissement de l'économie et du creusement du déficit budgétaire qui, sauf annulation de crédits, devrait en résulter.

B. UN ACCROISSEMENT DU BUDGET DE LA RECHERCHE STRICTO SENSU PARFOIS MOINDRE QUE LA HAUSSE DES PRIX

A part l'année particulièrement faste, de 1998, le département ministériel de la recherche a subi une érosion globale de ses moyens, en francs constants, durant les exercices suivants.

L'année 2002 ne devrait pas y faire exception.

Or, comme indiqué précédemment, la presque totalité des crédits concernés est directement affectée aux organismes de recherche, à des équipes de chercheurs ou à des actions de soutien au développement technologique.

Même la partie salaires, parfois jugé excessive, de ces dépenses correspond au financement d'un investissement intellectuel (dont il reste à mesurer les retombées).

C. UN DÉCLIN DE LA PART DANS LE PIB DE LA DÉPENSE INTÉRIEURE GLOBALE DE RECHERCHE QUI S'EST POURSUIVI

L'agrégat comptable correspondant à l'appellation DIRD (dépense intérieure 5( * ) de recherche et développement) est beaucoup plus large que celui, jusqu'ici évoqué, de BCRD puisqu'il recouvre aussi :

- les dépenses militaires de recherche,

- celles des administrations financées à partir d'autres ressources,

- et, enfin, la contribution, désormais prédominante, des entreprises.

S'il est exact que la part de la DIRD (dépense intérieure de recherche et développement) dans le PIB s'est mise à décroître à partir de 1993, aucun infléchissement dans cette tendance n'a été constaté depuis 1997, comme le montre le graphique qui suit, mis à part un faible sursaut en 1999.



Le pourcentage considéré, qui atteignait 2,22 % en 1997 ne représente plus, en effet, que 2,15 % en 2001, selon un document émanant des ministères de l'éducation nationale et de la recherche 6( * ) . Les entreprises ont pourtant accentué leur effort dans le même temps (leur part dans l'ensemble passant de 62,5 % à 64 %) mais insuffisamment pour enrayer ce déclin.

Quant à la DIRD des administrations 7( * ) (qui inclut les dépenses des institutions privées sans but lucratif), elle a baissé, d'après la même source, en 2000 8( * ) , après avoir faiblement augmenté en 1999.

Cette regrettable évolution ne s'explique que partiellement par celle des dépenses de défense qui n'ont connu qu'un léger effritement durant la période considérée après avoir subi, antérieurement, un véritable effondrement 9( * ) .

Ainsi, la part de notre richesse nationale consacrée au financement de notre effort de recherche a reculé, ce qui risque d'affecter notre compétitivité.

D. UNE POSITION RELATIVE DÉGRADÉE

Le tableau suivant dénote une dégradation relative de l'effort de recherche de la France par rapport à celui de nos principaux concurrents.

Il ne s'agit cependant que d'indices quantitatifs qui ne permettent pas d'apprécier le rapport coût-efficacité des dépenses engagées.

La Grande-Bretagne, par exemple, est particulièrement performante à cet égard, selon certains indicateurs, notamment bibliométriques.

Il apparaît que :

- malgré une amélioration en 1999, année favorable comme on l'a vu, nous n'avons pas retrouvé notre niveau de 1996 en ce qui concerne le ratio DIRD/PIB et sommes désormais distancés par l'Allemagne de ce point de vue ;

- les pays qui nous devançaient au départ (Etats-Unis, Japon, Suède) ont accentué leur avance en ce qui concerne leur DIRD évaluée non seulement par rapport au PIB mais aussi par habitant ;

- nos résultats ne se sont sensiblement améliorés, dans l'absolu, qu'en ce qui concerne le nombre de chercheurs pour mille actifs, pour lequel nous dépassons désormais l'Allemagne.

En l'absence de véritables réformes de structures, il est à craindre que ce relâchement, mesuré en évolution de part de PIB, de notre effort national de recherche, n'ait pas été compensé par une amélioration de l'efficacité des dépenses considérées.

CHAPITRE DEUX

DES FAIBLESSES PERSISTANTES,
MALGRÉ CERTAINS PROGRÈS,
FAUTE DE RÉFORMES D'ENVERGURE

La législature qui s'achève aura vu également persister beaucoup des faiblesses traditionnelles de la recherche française, à l'exception, notable, du soutien à la création d'entreprises innovantes, faute de réformes suffisamment ambitieuses ;

I. SINGULARITÉS ET FAIBLESSES DE NOTRE RECHERCHE

A. LES SINGULARITÉS FRANÇAISES

1. Concernant la répartition des financements

a) Un rôle important de l'Etat

La part de l'Etat dans le financement de la DIRD 10( * ) bien que désormais conforme à la moyenne européenne, demeure supérieure en France à ce qu'elle est chez les principaux pays de l'OCDE (notamment au Japon).

L'intervention de l'Etat dans le financement de la DIRD

Pays de l'OCDE

Part de l'Etat dans le financement de la DIRD (%)

1992

1998

Union européenne

41,3

39,1

France

44,8

39,1

Allemagne

36,3

35,2

Royaume-Uni

37,6

35,9

Etats-Unis

41,7

33,8

Japon

23,8

26,2

OCDE

38,5

34,5

* Données 1997

Source : OCDE, traitement MEN-DPD C3

b) Des dépenses militaires dont l'importance a fortement diminué

La proportion de notre DIRD militaire nous distingue de l'Allemagne et du Japon, bien qu'elle ait baissé davantage chez nous qu'aux Etats-Unis ou dans le Royaume-Uni, pays dans lesquels, elle joue aujourd'hui un rôle plus important 11( * ) .

L'orientation civile/militaire de la R&D

Pays de l'OCDE

DIRD miliaire/DIRD (%)

1992

1998

France

16,8

10,1

Allemagne

4,1

2,2

Royaume-Uni

16,3

14,8

USA

21,9

16,1

Japon

2,2

ns

Source : OCDE, traitement MEN-DPD C3

A ce recul, davantage accentué, correspond une plus forte régression de la part de la DIRD des entreprises françaises financées par des crédits publics.

Le rôle de l'Etat dans le financement de la R&D des entreprises

Pays de l'OCDE

DIRDE/DIRD (%)

DIRDE* financée par
crédits publics (%)

1998

1992

1998

France

62,0

16,5

9,0

Allemagne

67,8

10,1

8,7

Italie

53,7

11,5

13,3

Royaume-Uni

65,8

13,8

11,6

Etats-Unis

74,6

20,8

13,1

Japon

71,2

1,2

2,2

Source : OCDE, traitement MEN-DPD C3

La recherche des entreprises n'est donc pas particulièrement subventionnée en France tandis que celle des administrations l'est davantage aux Etats-Unis (95 % contre moins de 90 %).

2. Concernant l'organisation de la recherche

a) La place des universités

La place des universités dans la recherche est moins éminente en France que dans les pays anglo-saxons.

Il est difficile d'évaluer avec précision l'ensemble des moyens dont dispose la recherche universitaire française.

Ceux qui sont recensés dans le BCRD (cf. tableau de la page 9) apparaissent sensiblement inférieur aux ressources allouées aux organismes de recherche (480 M € contre 5 659 M€).

Mais, du fait qu'ils se trouvent noyés dans la masse des crédits de l'enseignement supérieur, il est possible que leur estimation souffre de certaines omissions ou imprécisions, notamment en ce qui concerne les dépenses relatives aux ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs) ou aux locaux (en raison du caractère très global du projet Universités du troisième millénaire).

L'intégration de l'ancien agrégat « recherche universitaire » dans celui regroupant l'ensemble des moyens de l'enseignement supérieur rend la tâche plus malaisée encore.

Il conviendrait, en outre, de tenir compte d'un côté de ce que beaucoup de soi-disant enseignants chercheurs n'effectuent, en réalité, aucun travail de recherche, mais qu'à l'inverse, les universités bénéficient de concours du CNRS ( dans le cadre de contrats quadriennaux qui concernent plus d'un millier d'unités mixtes ou associées).

Enfin, les ressources de la recherche universitaire comprennent des subventions des collectivités territoriales (prévues, notamment par les contrats de plan État-région) ainsi que des contributions des entreprises au financement de travaux conjoints.

Le budget de l'enseignement supérieur a plus que doublé en France depuis 10 ans mais dans quelle mesure cela a-t-il bénéficié aux activités de recherche ?

Une nette amélioration des taux d'encadrement des étudiants notamment en personnel administratif et technique, a, en outre, été enregistrée depuis 1995, avec un décalage cependant par rapport à l'évolution des effectifs qui tendent à diminuer.

Toutefois, il ne s'agit que d'une simple correction qui n'a pas suffi à empêcher la position relative de la France de demeurer médiocre (avec un enseignant chercheur pour 18 ou 19 étudiants contre 13 à 15 au Japon, en Allemagne ou aux Etats-Unis).

Certes, un effort très important en faveur de la recherche universitaire est poursuivi par les pouvoirs publics avec :

- 1000 créations d'emplois d'enseignants prévus en 2002

- une hausse conséquente, la même année, des investissements et des dotations en soutien de base.

Mais ces moyens, selon notre comité d'évaluation des politiques publiques, apparaissent mal gérés et évalués : l'ajustement aux évolutions démographiques laisse à désirer, la connaissance, le contrôle et la répartition des emplois sont jugés déficients par la Cour des Comptes. Les présidents d'universités ne sont pas à même, comme aux Etats-Unis, de mener une véritable politique de recrutement 12( * ) et le déroulement des carrières des enseignants chercheurs ne facilite pas toujours l'excellence.

Malgré les efforts accomplis et quelle que soit l'imprécision de leur estimation, les ressources de la recherche universitaire française apparaissent sans commune mesure avec celles dont dispose son homologue américaine.

Cette dernière bénéficie, en effet :

- de droits d'inscription élevés et des dons de riches anciens élèves reconnaissants ;

- de divers concours de la part des entreprises (recherches parrainées ou menées conjointement, apports en capital...) ;

- enfin, de financements fédéraux (subventions et contrats) et d'importants revenus de licences.

Le constat qui peut être effectué au sujet des performances de la recherche universitaire française aboutit à des conclusions analogues à celles qui viennent d'être présentées concernant ses moyens : difficulté d'appréciation, progrès sensible, infériorité par rapport aux pays anglo-saxons.

Il existe sur divers campus, d'excellents laboratoires universitaires, le plus souvent associés au CNRS (aéronomie à Jussieu, physique à Orsay).

L'université française souffre cependant de la concurrence des grandes écoles, autre originalité de notre pays, qui écrèment une grande partie des meilleurs élèves du secondaire, pour en faire davantage des ingénieurs que des chercheurs.

Par ailleurs, les liens universités-entreprises sont encore insuffisamment développés en France. L'esprit d'entreprise ne fait pas partie, comme aux Etats-Unis, de la culture universitaire.

Or, le nombre de CIFRE (Conventions industrielles de formation en entreprise par la recherche), même s'il a dépassé, en 2000, le seuil de 700, reste faible, en comparaison de celui des doctorants qui excède les 10 000.

En outre, les universitaires ne représentent qu'un peu plus de la moitié de ce total (56,3 %), la proportion d'ingénieurs demeurant donc importante.

Par ailleurs, le retard de parution du décret de la loi sur l'innovation et la recherche concernant les SAIC (services d'activités industrielles et commerciales), toujours non publié à ce jour, n'a évidemment pas contribué à améliorer la valorisation des travaux de recherche de nos universités.

Or, les performances des pays anglo-saxons sont, sur ce point, bien supérieurs aux nôtres :

- aux Etats-Unis, où grâce à des dispositions très efficaces 13( * ) , les résultats des universités, en matière de transferts de technologie, sont dix fois supérieurs à ceux des laboratoires fédéraux ;

- en Grande-Bretagne, où peuvent être citées en exemple les universités d'Oxford (100 brevets et 10 créations d'entreprise ces deux dernières années) ou de Leeds, Sheffield et York qui, ensemble, ont encaissé, ces dix-huit derniers mois, 2 millions de livres sterlings de revenus de licences et ont été à l'origine de la naissance de 8 sociétés.

Plus généralement, une étude de l'OCDE 14( * ) datant de 1999 (mais qui se référe hélas à des données de 1991) aboutit aux conclusions suivantes, en ce qui concerne le bilan comparatif de notre système d'enseignement supérieur ;

- performances moyennes en terme de coût-efficacité sans prise en compte des activités de recherche (les critères retenus, étant les ressources consacrées à l'enseignement supérieur, le taux d'accès et les résultats en terme d'obtention d'un diplôme et d'un emploi sur le marché du travail) ;

- détérioration sensible de nos résultats lorsqu'entrent en considération des mesures quantitatives ou qualitatives des activités de recherche (nombre de publications, dépenses, situation des diplômés sur le marché du travail...).

Le meilleur moyen pour les universités françaises de mener des travaux de recherche de qualité demeure l'association avec le CNRS ou d'autres organismes publics.

b) Le rôle du CNRS

Créé en 1939 pour remédier aux déficiences de la recherche universitaire, le CNRS constitue un organisme unique en son genre par le fait qu'il couvre, par ses propres moyens, la plupart des disciplines scientifiques et de leurs applications.

La coexistence, dans le domaine des sciences et techniques, d'activités publiques menées par les universités, d'une part, et par des organismes entièrement dédiés à la recherche, d'autre part, n'est pas en revanche, propre à la France.

D'autres pays sont dotés, d'autre part, d'institutions généralistes comme la National Science Foundation (NSF) américaine ou pluridisciplinaires comme la société Max Planck allemande.

Mais il s'agit alors :

- soit d'agences dites de moyens (expression malheureuse dans la mesure où elle ne disposent justement pas d'instruments de recherche qui leur soient propres) qui distribuent des aides en fonction de certaines orientations et procèdent à des évaluations (cas de la NSF, aux très vastes compétences 15( * ) ou des Research Councils spécialisés britanniques, de la Science and Technology Agency japonaise) ;

- soit d'établissements intervenant dans des domaines qui, bien que parfois assez larges, demeurent tout de même limités (sciences naturelles, biologiques et humaines pour la société Max Planck, agences thématiques américaines comme le National Institute of Health ou le Departement of Energy, etc.).

En Allemagne, existent aussi des instances pluridisciplinaires de coordination des recherches (union des académies allemandes de la science, communauté des sciences Gottfried Wilhehm Leibniz etc.)

Avec son budget de 13,4 milliards de francs, ses 20.000 employés (10.237 chercheurs permanents et 9.798 ITA en 2000) et ses 136 unités propres de recherche répartis dans toutes les disciplines, le CNRS est un poids lourd champion toute catégorie par ses dimensions.

c) Le statut des chercheurs

La proportion, dans la recherche française, de chercheurs à temps complet et à vie, bénéficiant d'un statut proche de celui de la fonction publique constitue une dernière exception française.

Ce « modèle français » a été institué par la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982 pour la recherche et le développement technologique de la France (L.O.P.).

Concernant la condition des chercheurs, la LOP avait cherché à ce qu'elle :

- constitue une sorte de consécration du rôle social éminent des intéressés (garantie de carrière) ;

- tienne compte des singularités de la recherche, notamment de la diversité de ses métiers (y compris la formation, l'information, la valorisation et l'administration...), des nécessités de favoriser la mobilité (qui devait être favorisée par des dispositions statutaires communes) et de déroger, sur certains points (recrutement sur titre, évaluation par les pairs...) aux règles de la fonction publique.

Par comparaison, les pays anglo-saxons ont beaucoup plus largement recours à des personnels sous contrat.

Les post-doctorants, notamment, jouent un rôle important dans la recherche universitaire américaine et britannique.

Ils y occupent souvent des fonctions pendant une durée déterminée, inférieure ou égale à une dizaine d'années, dans l'attente d'une situation stable.

Plus de la moitié d'entre eux, aux Etats-Unis, devront trouver un emploi dans le secteur privé, en faisant valoir leurs états de services universitaires antérieurs que les entreprises sauront, davantage qu'en France, apprécier à leur juste valeur.

Pour obtenir, dans une université américaine, un poste (tenure) d'enseignant chercheur à vie (« Full professor ») vers 40 ans, il faut d'abord avoir fait ses preuves, sous contrat, en tant qu' « associate professor ».

Comme l'a observé la Cour des comptes, les organismes publics de recherche français ont, eux aussi, recours à des personnels contractuels (vacataires, boursiers, contrats emploi-solidarité ou à durée déterminée), mais dans une proportion très limitée, si ce n'est à l'INRIA.

B. DES FAIBLESSES PERSISTANTES MALGRÉ CERTAINS PROGRÈS

1. Des insuffisances endémiques

Souvent liées aux singularités qui viennent d'être décrites, les faiblesses de la recherche française concernent principalement :

- la mobilité de ses personnels

- son pilotage

- son évaluation

- la valorisation de ses travaux.

a) Le manque de mobilité

La mobilité des chercheurs demeure insuffisante à tout point de vue :

- entre secteurs public et privé

- au sein de la recherche publique entre :

- enseignement supérieur et organismes de recherche,

- recherche et métiers associés (formation, administration, communication...),

- et différentes disciplines.

Cette déficience résulte, en partie, de problèmes culturels (absence d'esprit d'entreprise et de goût du risque, corporatisme qui freine l'accueil de chercheurs dans les établissements d'enseignement supérieur...)

Elle constitue un échec de la loi de 1982.

Elle freine les redéploiements thématiques nécessaires et l'interdisciplinarité ainsi que la reconversion, lorsqu'elle s'impose, des chercheurs dont les facultés créatrices commencent à décliner, vers des métiers associés à la recherche (tâches administratives, enseignement, expertise, diffusion de la culture scientifique, etc.)

Dans son dernier rapport public, la Cour des comptes observe que la mobilité des chercheurs est particulièrement faible dans les EPST (à l'exception de l'INRIA qui a su profiter du dynamisme du secteur des STIC pour faciliter les départs vers l'entreprise ou l'enseignement supérieur).

Le ministère de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie admet, en réponse, que « le statut adopté en 1983 n'a pas eu d'effet positif sur la mobilité des personnels, ni en ce qui concerne la mobilité inter-établissement, ni en ce qui concerne la mobilité vers l'industrie. »

De fait, le taux d'accueil de chercheurs extérieurs n'a été, en 2000, que de 0,16 pour le CNRS, 0,57 à l'INRA, 0,15 à l'INSERM, selon l'une des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur.

Aux Etats-Unis, la mobilité de la recherche est assurée par le renouvellement des « post-docs ».

Ces derniers sont affectés à plein temps mais, pour une durée déterminée, à des travaux dans les disciplines émergentes, encouragés par la NSF. Ces investigations peuvent, lorsqu'elles motivent suffisamment les enseignants, les conduire à demander un congé pour s'y consacrer pleinement pendant un certain temps.

b) Les problèmes de « gouvernance » de la recherche

En réaction aux cloisonnements excessifs entre différentes catégories d'acteurs de la recherche et au morcellement des institutions publiques concernées, le Gouvernement a multiplié les structures de coordination et les modes de coopération :

- actions concertées incitatives (ACI)

- réseaux nationaux de recherche dans différents domaines (télécommunications, santé, etc...)

- programmes de recherche interdisciplinaires (transports terrestres, composants...)

- GIS (groupement d'intérêt scientifique) comme l'institut de la longévité qui vient d'être créé ;

- IFR (instituts fédératifs de recherche)

- CNRT (centres nationaux de recherche technologique) pour coordonner les efforts publics et privés de recherche par exemple sur les piles à combustible (Belfort), le génome humain (Evry) ou les micro-nanotechnologies (Grenoble).

Le FNS et le FRT sont également utilisés pour la promotion d'actions nouvelles ou à caractère pluridisciplinaire.

Le dispositif de valorisation de la recherche (transferts de technologie, développement de l'innovation, aides à la création) est tout aussi foisonnant.

Ces créations qui correspondent à de louables intentions n'ont fait que généraliser le phénomène « d'empilement des structures » dénoncé par le Cour des comptes, dans le domaine biomédical.

Elles ont aggravé la complexité et le manque de lisibilité de notre système de recherche et rendu plus difficile encore son évaluation.

Le foisonnement des organismes de recherche n'est certes pas propre à la France.

Il existe

- en Allemagne plus de 800 institutions subventionnées par l'État dont 30 centres Max Planck, 300 fondations etc...

- au Japon 565 universités, 15 instituts nationaux de recherche technologique.

Mais la coordination de l'ensemble des intervenants, y compris au niveau gouvernemental, semble généralement plus simple et plus claire à l'étranger qu'en France.

On y distingue généralement :

- des organismes consultatifs chargés d'éclairer les choix du Gouvernement :

Office for Science and Technology Policy (OSTP aux Etats-Unis

Office of Science and Technology (OST) en Grande-Bretagne,

Wissenschaftsrat (WR) en Allemagne,

« Science Council of Japan » et « Council for Science and Technology» au Japon

- des agences de « moyens », déjà évoquées, qui coordonnent les financements : NSF aux Etats-Unis, Research Councils spécialisés britannique, Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) et Fraunhofer Gesellschaft (FHG) allemands 16( * ) , Science and Technology Agency japonaise 17( * ) ,

- des agences « thématiques » travaillant dans les différentes disciplines, aux côtés des universités, sans qu'un organisme équivalent au CNRS vienne compliquer la donne.

Certes, le système germanique est lui aussi complexe, du fait de la structure fédérale de l'État allemand et le FNS et le FRT français jouent un peu, sans le dire, le rôle d'une agence gouvernementale de moyens mais la répartition des rôles à l'étranger paraît plus rationnelle. Il n'y a pas notamment, de multiplication de conseils et de comités placés auprès de l'exécutif (CSRT, CNER, Conseil national de la Science...).

Les rigidités liées au statut de chercheur fonctionnaire à vie, les cloisonnement divers, l'existence du CNRS, l'empilement des structures rendent très difficile le pilotage du système de recherche français qui souffre aussi d'un déficit d'évaluation

c) Le déficit d'évaluation

Votre rapporteur qui insiste chaque année sur ce point, ne peut que déplorer qu'aucun progrès n'ait été réalisé dans l'évaluation de l'ensemble de la recherche française (pour ne pas évoquer celle des chercheurs et de chaque organisme).

Les difficultés qu'il a éprouvés pour obtenir des données lui permettant d'effectuer des comparaisons internationales sont, à cet égard, révélatrices.

Les travaux de l'OST sont certes remarquables mais ils n'ont qu'un caractère statistique.

Les indicateurs 2001 ne sont pas encore disponibles et le rapport annuel d'évaluation du CSRT pour l'année qui s'achève n'est toujours par paru.

L'actuel directeur de l'observatoire, précité, des sciences et des techniques (OST), M. Barré, a déclaré, en novembre 1999, au cours d'une conférence débat sur le bilan de la loi de 1982 : « Je suis scandalisé de cette incapacité que nous semblons avoir à développer notre connaissance sur notre système de recherche, ce qui limite aujourd'hui notre analyse et nos possibilités d'action. C'est également l'un des syndromes de notre mal ».

Votre rapporteur partage cette indignation, particulièrement en ce qui concerne l'appréciation de l'efficacité des dépenses du FNS et du FRT, sur laquelle le Parlement manque toujours aussi cruellement d'éléments.

La capacité d'expertise et d'étude dont dispose notre ministère de la recherche ne semble pas être à la hauteur de celle des conseils, précités, qui évaluent les recherches américaines (NSF), britannique (OST et Research Councils), allemandes (WR) ou japonaises (Science Council et Council for Science and Technology) pour le compte de leurs gouvernements respectifs.

d) Une valorisation décevante

« Les redevances de brevet ne sont pas à la hauteur de notre potentiel scientifique » : le constat a déjà été dressé, en juillet 1998, par le rapport Guillaume.

Ce document déplorait, en outre, une particulière faiblesse de la France concernant les domaines industriellement les plus prometteurs (biotechnologies et technologies de l'information).

Un rapport ultérieur du Commissariat au Plan a ensuite insisté , en 1999, sur l'ampleur du retard de la France par rapport aux autres pays en matière d'appropriation de la recherche publique et la nécessité de sensibiliser nos institutions à la défense, étrangère à leur culture, de leurs droits de propriété industrielle.

Il y était souhaité que soit étudiée la possibilité de prendre en compte les effets de divulgations antérieures tout en maintenant le système du premier déposant.

La situation ne semble guère, malheureusement, s'être améliorée sur le plan global.

Un récent rapport de la Commission européenne nous place, en effet, (secteurs public et privé confondus), au dernier rang des quinze pays de la communauté en ce qui concerne le pourcentage de croissance annuel de nos dépôts de brevets européens et américains.

Il s'agit, en outre, d'un point faible de l'Europe dans son ensemble par rapport aux Etats-Unis et au Japon.

Le succès américain résulte de la mise en place, dès 1980, d'un cadre législatif et opérationnel particulièrement attractif pour les universités et les PMI.

Le Bayh-Dole University and Small Businesse Patent Procedure Act de 1980 leur a accordé, en effet, lorsque leur recherche était cofinancée par des fonds fédéraux, la propriété intellectuelle de leurs découvertes et a donné aux universités le droit de les transférer sur la base de licences exclusives.

Fonctionnant de façon totalement indépendantes, des offices of Technology Licencing (OTL) constituent des interfaces et des médiateurs institutionnels au sein des universités et des laboratoires fédéraux, vis-à-vis des investisseurs privés.

L'activité de transfert de technologies des universités est dix fois plus importante que celle des laboratoires fédéraux.

La législation applicable à ces derniers 18( * ) a été moins incitatrice et le caractère majoritairement non exclusif des licences qu'ils accordent paraît inadapté aux impératifs stratégiques et technologiques des industriels.

Au contraire, les universités cherchent à obtenir des concessions d'exclusivité (option agreement) ou à échanger, dans le cadre de leur politique d'essaimage, un apport de brevet contre une participation dans la startup qui en est issue (Equity Policy).

Au total, près de 75 % des brevets pris par l'industrie américaine sont liés aux recherches publiques. Le fait que les performances des universités (dont les travaux sont plus académiques) soient nettement meilleurs que celles des agences fédérales (aux activités plus finalisées) prouve que la recherche fondamentale ne pâtit pas du dynamisme des transferts de technologie.

Sans doute la loi sur l'innovation et la recherche a-t-elle voulu s'inspirer de cette réussite américaine. Mais on ne peut, encore une fois, que déplorer à ce sujet le retard de publication de son décret d'application sur les SAIC.

Cette loi a eu néanmoins des effets incontestablement positifs.

2. Des progrès en matière d'incitation à la création d'entreprises innovantes

Concernant les créations d'entreprises par les chercheurs, elles auraient atteint, selon le ministère, la centaine en 2000, contre 20 seulement en moyenne pour les années précédentes, grâce à l'application de la loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999.

Selon la cinquième édition du tableau de bord de l'innovation, 5.370 entreprises auraient été crées durant le second semestre 2000 dans les secteurs technologiquement innovants, soit une quasi stabilité par rapport au premier semestre 2000, mais une forte progression (+ 33 %) par rapport au second semestre 1999.

De nombreux organismes publics de recherche ont créé des filiales spécialisées dans la valorisation (FIST, au CNRS, INRIA transfert), des incubateurs (comme Paris-Biotech) ou des fonds d'amorçage.

Le rapport Busquin, précité, de la Commission européenne, souvent peu flatteur à notre égard, nous place en position honorable en ce qui concerne la croissance de 1995 à 2000 du capital risque (nous figurons au 4 ème rang devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon mais en moins bonne place en pourcentage de notre PIB avec un taux de 0,39 millièmes contre 1,16 aux Etats-Unis, 0,99 au Japon, 0,50 en Allemagne).

II. L'ABSENCE DE RÉFORMES D'ENVERGURE

Mise à part la promulgation de la très importante loi de juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, aucune réforme de grande portée n'aura marqué la législature qui s'achève.

Encore doit-on regretter, à propos de cette loi :

- la non-parution, à ce jour, du décret relatif au SAIC (vague équivalent des offices of tehnnology licensing américains). D'aucuns craignent que ce texte contienne des disposition peu susceptibles d'attirer du personnel non fonctionnaire (limitation de la durée du contrat, non adhésion aux systèmes paritaires) ;

- le caractère restrictif de certains décrets concernant les rémunérations des fonctionnaires concernés 19( * ) .

Une accumulation d'initiatives, telles celles déjà évoquées multipliant les structures de conseil de concertation de coopération et de financement, notamment dans le domaine des sciences du vivant où nous accusons un retard important, ne constitue pas de vraies réformes.

Pas plus que la modification a minima de l'organisation et du fonctionnement du CNRS réalisée à l'automne dernier.

Certes, il existe des raisons de s'abstenir de réformer, mais celles qui plaident, en sens inverse, pour de profonds changements, l'emportent largement.

A. LES CAUSES POSSIBLES DU REGRETTABLE MANQUE D'AMBITION CONSTATÉ

1. Le bilan global mitigé de la recherche française

Le bilan de la recherche française est mitigé. Elle ne mérite, ni l'excès d'honneur, ni l'excès d'indignité qui lui sont parfois accordés. Dans ces conditions, certains peuvent considérer que le verre est plutôt à moitié plein qu'à moitié vide et s'abstenir de remettre en cause le système.

a) En terme d'efforts quantitatifs

Les développement qui précèdent montrent que la France, certes largement distancée par les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne pour la ratio DIRD/PIB devance, à cet égard, le Royaume Uni. Elle se place devant l'Allemagne aussi pour la proportion de chercheurs dans la population active.

b) En terme de résultats.

Le tableau suivant, extrait du dernier rapport de l'OST montre, par ailleurs que nos résultats en matière de brevets, qui constituent pourtant notre principal point faible, sont néanmoins meilleurs que ceux de la Grande-Bretagne.

Ces données ne datent cependant, hélas, que de 19997. Elle ne permettent donc pas d'apprécier l'évolution qui s'est produite durant l'actuelle législature.

Si le rapport Busquin précédé de la commission européenne témoigne, on l'a vu, de performances françaises très médiocres en termes de progression de dépôts de brevets de 1995 à 2000, il nous situe, en revanche, à un rang honorable en ce qui concerne le nombre de publications scientifiques par million d'habitants (derrière la Grande-Bretagne mais, pratiquement à égalité avec l'Allemagne, devant les Etats-Unis et le Japon).

Malheureusement, notre situation est nettement moins favorable en ce qui concerne l'impact de ces travaux mesuré par la fréquence des citations dans les revues scientifiques où nous sommes au niveau du Portugal derrière non seulement la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Etats-Unis mais aussi l'Italie !

Votre rapporteur considère donc, pour sa pat, que le verre est plutôt à moitié vide qu'à moitié plein !

2. Les obstacles politiques

Réformer, en France (depuis l'ancien régime !), est toujours une tâche difficile.

La communauté scientifique française, dévouée et compétente, est dans son ensemble attachée au modèle français.

Très sensible, elle craint une remise en cause de la liberté du chercheur et de la recherche fondamentale par un volontarisme excessif en matière de valorisation.

L'esprit d'entreprise ne fait pas partie des valeurs inculquées en priorité à nos scientifiques, par ailleurs peu enclins à une mobilité, il est vrai trop peu encouragée.

L'édulcoration, par M. Claude Allègre, de son projet initial de réforme du CNRS, témoigne de la difficulté de modifier les structures de la recherche française.

Or, braquer les chercheurs s'avère, naturellement, contre productif.

Les problèmes, déjà évoqués, de gouvernance de la recherche, l'implication de ministères et d'autres structures fort nombreux, chacun attaché à sa survie et au maintien de ses prérogatives, constituent d'autres obstacles.

Il faut une volonté politique très forte, au sommet de l'exécutif, pour réformer en profondeur -comme il convient - notre système de recherche, celle-ci fait actuellement défaut !

B. UNE NÉCESSITÉ ABSOLUE

En réalité de vraies réformes paraissent indispensable pour des raisons :

- de compétitivité (c.f. chapitre III), le rapport coût-efficacité de notre recherche paraissant, comparativement, insuffisant tandis que nos concurrents accentuent leur effort ;

- d'opportunités qui ne se renouvelleront pas.

1. Des opportunités à saisir

a) Un choc démographique de grande ampleur.

40 % de la population scientifique devra être renouvelée d'ici à 2010 avec un maximum de départs à la retraite à partir de 2002.

Il y a là une opportunité unique non seulement de redéploiements thématiques et de dynamisation de la recherche, mais aussi de renouvellement des modalités de recrutement et de déroulement de carrières des chercheurs.

Votre rapporteur approuve les mesures prévues par le plan décennal de l'emploi scientifique en ce qui concerne l'anticipation des départs qui permet de lisser les recrutements et d'offrir dès maintenant un débouché aux jeunes chercheurs.

Mais il juge ce plan nécessaire mais pas suffisant car il ne s'accompagne pas d'une réflexion sur le statut du chercheur en France.

b) Une nouvelle loi organique relative aux lois de finances

Une autre occasion de repenser le système de recherche français est offerte par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 14 août 2001. Celle-ci doit conduire, en effet, à présenter l'effort budgétaire de recherche sous forme de missions et de programmes (ensembles cohérents d'actions), auxquels doivent être associés des objectifs précis et des indicateurs de résultats en permettant l'évaluation.

2. Des améliorations nécessaires

Les opportunités qui viennent d'être présentées doivent absolument être saisies pour améliorer, quantitativement et qualitativement (les deux sont indissociables), nos activités de recherche.

Il semble en effet impossible de se contenter de nos résultats actuels, tels que ce rapport les a décrits, alors surtout que nos concurrents risquent d'accentuer encore l'écart qu'ils ont creusé entre eux et nous.

C. LES AXES DE CHANGEMENT SOUHAITABLES

Sans proposer de faire table rase du passé, ni prétendre détenir la vérité à aucun point de vue, votre rapporteur juge indispensable de mener une réflexion avec tous les acteurs concernés, sur les trois thèmes suivants :

- le statut des chercheurs ;

- la « gouvernance » de la recherche et la répartition des tâches entre ses principales composantes ;

- son évolution.

1. Réexaminer le statut des chercheurs

a) L'échec de la loi de 1982

Le 4 novembre 1999, a eu lieu une conférence débat sur le bilan du « modèle français » institué par la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982 pour la recherche et le développement technologique de la France (LOP).

Y participait notamment le directeur de l'OST, M. Rémi Barré, récemment entendu par votre commission dans le cadre des travaux du comité d'évaluation des politiques publiques sur la politique de recrutement et la gestion des enseignants-chercheurs et des chercheurs.

Ont été rappelés à l'occasion de cette réunion :

- les ambitions initiales de la LOP : priorité à la recherche ( publique et privée ) pour sortir de la crise ;

- ses excellentes intentions, toujours actuelles : réponse à la demande sociale, rajeunissement des équipes, mobilité (entre les différents métiers de la recherche, les organismes, avec les entreprises...) ;

- mais aussi ses lacunes et ses échecs : absence de prise en compte de la recherche universitaire, d'implication des entreprises dans la formation à et par la recherche, de progrès dans la mobilité, de programmation budgétaire réelle, etc...

Imputant à une défaillance des acteurs et à un problème de gouvernance les déceptions causées par l'application de la loi, M. Barré :

- constatait son incapacité à permettre à la recherche française de s'adapter de façon satisfaisante à l'évolution de son environnement (marquée par l'avènement d'une société de la connaissance plus exigeante vis-à-vis des activités concernées et qui tend à les contractualiser, à les banaliser, à promouvoir l'interdisciplinarité) ;

- s'interrogeait sur le point de savoir s'il convient de refonder le système français ou d'en bâtir un nouveau de type anglo-saxon (tout mélange entre les deux étant à ses yeux voué à l'échec).

Le statut des chercheurs de 1982 a offert la garantie à vie de l'emploi en récompense aux chercheurs pour leur rôle social éminent et a été rapproché, tout en tenant compte des singularités de la recherche, de celui de la fonction publique, pour favoriser la mobilité.

Or :

- l'immersion de la recherche dans une société de la connaissance crée un nouveau contexte dans lequel cette activité s'apparente moins à une sorte de sacerdoce faisant du chercheur « le dépositaire d'une mission exigeant des conditions spécifiques de travail et de statut » (cf. M. Barré).

- n'y a-t-il pas contradiction (M. Barré ibid ) entre la place limitée des contractuels dans la recherche publique et la généralisation du contrat dans le monde (y compris dans les programmes européens ou pour tout ce qui touche aux transferts ou à la valorisation...) ?

b) Aller au-delà du défi du nombre

L'effort d'anticipation dont témoignent les créations d'emplois depuis 2001 et le plan décennal de gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique présenté le 24 octobre, est louable.

Mais selon la très bonne expression de notre collègue Yves Fréville 20( * ) , il est nécessaire d'aller au-delà du défi du nombre.

Comment améliorer la mobilité des chercheurs ? Faut-il placer tous les jeunes recrutés aujourd'hui par les organismes publics sous le statut actuel de chercheur à vie et à temps complet ?

Le plan décennal de l'emploi scientifique prévoit un réexamen dans trois ans de ses priorités scientifiques. Il se fixe, entre autres, pour objectif de soutenir à long terme les disciplines émergentes et de dégager une capacité de réaction suffisante face aux évolutions de la science.

20 % des postes libérés par les départs à la retraite seront dédiés aux redéploiements interdisciplinaires de 2001 à 2010.

Mais les rigidités et les cloisonnements actuels, ne risquent-ils par de réapparaître ensuite du fait du maintien du statut actuel de chercheur « à vie » et de l'insuffisance des mesures prévues pour accroître la mobilité des personnels de recherche ?

Il est seulement question, en effet, dans ce plan d'augmenter les capacités d'accueil réciproques concernant les échanges entre universités et organismes de recherche. Mais ces possibilités seront-elles pleinement utilisées ?

Il est à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Est-il certain que les jeunes post-doctorants qui vont être recrutés aspirent à une carrière de chercheur à vie ou en soient nécessairement dignes ?

La quasi obligation de les titulariser ne freine-t-elle pas leur embauche ?

Selon la correspondante en France de la revue Nature 21( * ) il n'y a pas de politique post-doctorale dans notre pays. L'absence d'étape intermédiaire entre le doctorat et l'entrée dans la fonction publique décourage l'emploi des jeunes diplômés et rigidifie notre système (chaque organisme a tendance à fixer ses propres critères de recrutement en perspective d'une intégration définitive, ce qui entrave toute mobilité)

Ce manque de souplesse, selon la même personne, conduit certains organismes a créer de facto leur propre programme post-doctoral qui comporte une période d'essai préalable à l'embauche (c.f ; Instituts Pasteur et Curie et programme Avenir de l'INSERM).

Ne convient-il pas dans ces conditions de réfléchir à :

- des critères de recrutement qui ne soient plus seulement académiques mais fassent appel à des aptitudes qui peuvent être appréciées dans le cadre d'activités autres que la recherche (goût de la communication, esprit d'entreprise), en cas de reconversion ultérieure vers d'autres métiers ?

- développer des passerelles vers l'enseignement et le privé en concertation avec les universités et les entreprises, moyennant des incitations fortes et spécifiques ?

- prévoir des contrats à durée déterminée correspondant soit à des options de carrière courte soit à une mise à l'essai des intéressés (en s'efforçant de leur trouver un autre emploi s'ils ne sont pas titularisés) ?

- créer une obligation de mobilité (comme il en existe chez les administrateurs civils) en cas d'intégration dans la fonction publique ?

Ces éventuels changements n'affecteraient que les nouveaux chercheurs. Rien ne serait changé au statut de ceux actuellement en fonction.

De même, il est envisagé actuellement au Japon, sans modifier le statut des personnels fonctionnaires actuels, d'effectuer certaines nouvelles embauches sur contrat à durée déterminée, dans le cadre de projets précis. Plus de 30.000 chercheurs travaillent en Grande-Bretagne sous ce régime.

2. Améliorer le pilotage de la recherche française et la répartition des tâches entre ses différentes composantes

a) La mise en oeuvre de la politique de la recherche au sein du gouvernement.

Il semble souhaitable à votre rapporteur :

- de placer sous l'autorité d'un même ministre l'enseignement supérieur et la recherche,

- éventuellement de créer auprès de lui , ou du Premier ministre, une administration de mission, sur le modèle de la DATAR, chargée de coordonner les différentes actions gouvernementales en matière de recherche ;

- de séparer la fonction de conseil (aide à la décision) de celles d'évaluation (suivi de son exécution), chacune étant assurée par une seule structure ;

- d'envisager de regrouper le FNS et le FNRT au sein d'une agence gouvernementale de moyens, transparente, dont l'efficacité des interventions serait rigoureusement évaluée.

Par ailleurs, une synergie accrue avec les activités civiles, dans le cadre des recherches dites « « duales », devrait venir atténuer les effets de la baisse des crédits militaires, qui paraît regrettable, notamment dans le domaine spatial.

Or le protocole de coopération signé en janvier dernier par les ministères de la Défense et de la Recherche n'a donné, pour le moment, aucun résultat 22( * ) .

- Enfin, l'amélioration de la gouvernance de la recherche française passe, pour votre rapporteur, par une programmation des très grands équipements (TGE) d'infrastructures qu'il a réclamée, sans effet pour le moment, dans le rapport de l'OPECST 23( * ) qu'il a rédigé avec son collègue député Christian Cuvilliez.

b) La répartition des tâches entre les différents acteurs

Il importe de simplifier les structures de coordination et de valorisation de la recherche.

La recherche de solutions tendant à simplifier notre système pour en améliorer l'efficacité, oblige à s'interroger sur la répartition des rôles entre le CNRS et, d'une part les universités, d'autre part les organismes spécialisés.

Il paraît difficile de transformer le CNRS en agence de moyens, en le cantonnant à la promotion de l'interdisciplinarité scientifique, car on voit mal à qui transférer ses plus grosses unités comme l'IN2P3 (physique nucléaire et corpusculaire) ou le département des sciences physiques et mathématiques.

Faut-il, pour renforcer le potentiel de la recherche des universités, placer certains de ses laboratoires, mixtes ou associés, sous l'autorité de ces dernières ?

Cela supposerait de les doter par ailleurs d'une réelle autonomie et de créer entre elles (notamment en matière de recrutements), à la fois une émulation et des coopérations 24( * ) permettant l'émergence de pôles d'excellence, de façon à éviter une dispersion de moyens. Leur « standing » se rapprocherait ainsi celui des grandes écoles.

Comment s'assurer par ailleurs que les activités, par exemple, des départements des sciences de la vie ou des sciences de l'information et de la communication du Centre national sont bien coordonnées avec celles de l'INSERM et de l'INRIA et n'entraînent pas un gaspillage de deniers publics ?

Concernant la valorisation, le système actuel, très foisonnant, distingue des structures dites d'interface (qui ne jouent qu'un rôle d'orientation et de conseil), de structures dites « prestataires ».

Le rapport Guillaume précité de 1998 avait pourtant conclu que « le dispositif de transfert et de diffusion de la technologie est trop complexe » et prônait sa restructuration autour d'un Centre national de la recherche technologique (inspiré du Fraunhoffer allemand).

Mais rien n'a été simplifié, sous prétexte de travailler « en réseau » et « près du terrain ».

Dans le domaine des sciences de la vie, où les distinctions entre recherche fondamentale, appliquée et technologique sont peu marquées, les circuits de valorisation gagneraient à être raccourcis. L'essentiel est pour les entreprises d'accéder directement à des travaux de qualité.

Il s'agit d'un domaine où nos universités, ayant moins à subir la concurrence des grandes écoles, sont susceptibles d'exceller comme leurs consoeurs américaines.

Pour d'autres activités, il importe, au contraire de bien marquer la transition entre la recherche amont et le développement, ce qui implique de faire appel à des « technologues », qui manquent à la France et dont l'importance n'est pas suffisamment reconnue.

3. Renforcer l'évaluation

Renforcer la capacité d'expertise et d'étude du ministère de la recherche pour éclairer ses décisions et en apprécier l'impact semble à votre rapporteur une priorité indiscutable.

a) Evaluation et conseil

Faut-il confier à des instances différentes l'aide à la décision et le suivi de son exécution ?

Cela semble garantir une plus grande objectivité de l'évaluation ex pos t mais cette distinction ne semble pas être toujours nettement opérée à l'étranger (les conseils et les agences de moyen font parfois les deux).

L'essentiel est que ces tâches soient effectuées par des personnes indépendantes et compétentes.

En Grande-Bretagne, l'OST (Office of Science and Technology) conseille le ministre responsable 25( * ) et gère le budget de la recherche. Les activités de recherche sont évaluées par les Research Councils spécialisés qui, sauf le Medical Reseach Council 26( * ) , constituent des agences de moyens distribuant des fonds publics.

Aux Etats-Unis, où il n'y a pas de ministère de la recherche, l'Office For Science and Technology Policy (OSTP) conseille le Président et la NSF,qui finance la recherche universitaire, accorde la plus grande importance à l'évaluation ex ante et ex post des programmes qu'elle soutient et à celle de ses propres activités (il est fait appel à des experts extérieurs).

b) Contenu des évaluations

L'évaluation de l'ensemble de la politique de recherche, aux résultats de laquelle le Parlement doit naturellement pouvoir accéder, doit reposer sur :

Des statistiques, suffisamment récentes, permettant des comparaisons internationales (rassemblées en France par l'OST et le National Science Board aux Etats-Unis) et constituant un « tableau de bord de la recherche » (comme il en existe pour l'innovation) :

- des études interprétatives approfondies, générales ou portant sur des domaines particuliers, à caractère stratégique et critique.

L'analyse de l'environnement juridique et fiscal des activités de recherche ne doit pas être négligée (problèmes de propriété intellectuelle, d'application de la réglementation des marchés publics, réforme du crédit d'impôt recherche...).

Il faut parfois savoir dépenser plus pour dépenser mieux : votre rapporteur estime que le développement de la capacité gouvernementale d'évaluation de la recherche doit permettre d'optimiser l'efficacité des dépenses dont elle fait l'objet.

Il souhaiterait, pour commencer, davantage de transparence budgétaire (quel sera le coût de la résorption des emplois précaires dans la recherche prévue par le plan décennal ? Quel est le ratio ITA/chercheurs idéal pour les différentes disciplines ?...).

*

* *

En définitive, l'évolution, plutôt défavorable, du montant des dépenses en faveur de la recherche française n'a pas été compensée par un progrès de leur efficacité.

Il n'y a pas eu d'amélioration des performances ni des structures de notre recherche, si ce n'est en matière de création d'entreprises innovantes, avec un décollage, tardif, du capital risque français, et la loi de juillet 1999 qui, cependant, n'est toujours pas intégralement applicable.

Par ailleurs, aucune réforme d'envergure n'a été entreprise, malgré les recommandations des divers rapports sur la recherche qui se sont succédé, à l'exception du plan décennal de gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique.

La perpétuation du statut de 1982 risque malheureusement d'en annuler, à terme, une partie des effets en ce qui concerne la mobilité des chercheurs.

Or, pendant ce temps, plusieurs des principaux pays de l'OCDE ont accentué leur effort et réformé leurs structures (ou prévu de le faire).

CHAPITRE TROIS

L'EXEMPLE QUE NOUS MONTRENT PLUSIEURS PAYS ÉTRANGERS

I. LES ETATS-UNIS

A. DES DÉPENSES CROISSANTES TRÈS FINALISÉES

Les Etats-Unis ont accru leur dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) qui est passée de 2,54 en 1996 à 2,64 de leur PIB en 1999, ainsi que le nombre de leurs chercheurs qui était de 8,1, en 1999, au lieu de 6,2 pour mille habitants en 1981.

Après une stagnation au début des années 1990, les investissements américains en recherche ont augmenté à partir de 1994, principalement grâce à l'industrie qui en financent 27( * ) près des deux tiers (65,1 %).

Ce n'est qu'à partir de l'apparition, en 1998, d'un excédent budgétaire que les dépenses publiques ont, elles aussi, recommencé à croître.

La priorité allait, au début de la dernière décennie, à la recherche appliquée.

Le président Clinton a ensuite plaidé la cause de la recherche fondamentale qui a fini par bénéficier d'un consensus dans la classe politique américaine.

C'est donc elle qui a été privilégiée par le repli des dépenses militaires qui ne représentent plus aujourd'hui que 50 % des crédits fédéraux de recherche contre les deux tiers il y a dix ans, mais vont être à nouveau choyées par le président Bush.

Les sciences biomédicales, et plus particulièrement le NIH (National Institute of Health), devenus la plus importante agence Fédérale américaine, ont plus particulièrement profité de cet engouement pour les travaux académiques.

Néanmoins la part de la recherche fondamentale n'et que de 17 % de la R & D totale américaine.

Ainsi, les dépenses américaines de recherche se répartissent en 61,8 % pour le développement, 22,6 % pour la recherche appliquée et 15,6 %, seulement, pour la recherche fondamentale.

En 1998, l'industrie a accru ses dépenses de recherche de 7,7 % et le budget fédéral pour la recherche fondamentale a pour sa part augmenté également de plus de 7 % en 1999 (on est loin des taux français !).

Selon les dernières données de la NSF, les entreprises industrielles américaines auraient accru leurs investissements de 10,8 % en 2000 et, malgré la récession de 8,1 % en 2001.

B. UNE VALORISATION REMARQUABLE

Durant la dernière décennie, les Etats-Unis ont notablement renforcé leur potentiel scientifique et technologique et pris une nette avance sur l'Europe dans les technologies de l'information et les biotechnologies.

Leur remarquable système de transfert de technologies, déjà présenté dans ce rapport, a été mis en place dès 1980 et s'est avéré particulièrement efficace (davantage cependant pour les universités que pour les laboratoires fédéraux 28( * ) ).

Ils encouragent l'innovation et le progrès technologique dans les petites entreprises 29( * ) ainsi que la coopération technologique entre les agences gouvernementales et le secteur privé. 30( * )

D'après le document précité de la commission européenne (rapport Busquin), les Etats-Unis sont proportionnellement à leur population, leaders pour le capital risque (en millième de PIB) et les dépôts de brevets sur leur propre marché (par million d'habitants), mais ne brillent pas particulièrement dans la recherche académique (nombre de publications et de citations). Mais leurs performances y sont néanmoins globalement supérieures, dans l'absolu, à celles de l'Union européenne considérée dans son ensemble.

II. LA GRANDE-BRETAGNE

A. DES RÉSULTATS BRILLANTS SUR LE PLAN ACADÉMIQUE

1. Un rapport coût-efficacité élevé

Avec une DIRD qui ne représentait plus que 1,87 % de leur PIB en 1999 contre 2,08 en 1999 et une proportion de chercheurs de moins de 6 pour mille habitants, la part mondiale de la Grande-Bretagne dans les publications scientifiques est supérieure à 8 %, avec une fréquence de citations très honorable.

Ces performances, ainsi que celles mesurées en nombre de récompenses internationales, sont supérieures aux nôtres pour un PIB comparable avec une dépense totale et une part de financement public (35,9 % au lieu de 39,1 %) inférieures.

Les positions britanniques par ailleurs sont très fortes dans les sciences de la vie ainsi qu'en opto électronique.

2. Des faiblesses indéniables

Néanmoins, bien que ses exportations en produits de haute technologie, soient les plus élevées du G7, la Grande-Bretagne est pratiquement absente, par exemple, du secteur des activités spatiales 31( * ) .

Sa position en matière de brevets est plus mauvaise que la nôtre et ses équipements universitaires sont délabrés.

Mais les pouvoirs publics britanniques, depuis l'arrivée au pouvoir de M. Tony Blair, ont décidé de réagir.

B. UNE HAUTE AMBITION POUR LE 21E SIÈCLE

Depuis le changement de majorité, la croissance des dépenses publiques de recherche est d'environ 7 % par an en volume mais les droits d'inscription des étudiants aux universités ont en même temps considérablement augmenté).

Le ministère de l'industrie et du commerce Stephen Byers, chargé de la recherche, vient, en outre, de publier un livre blanc 32( * ) traçant pour la science britannique des perspectives ambitieuses pour le 21 e siècle.

Ce livre annonce deux séries de mesures destinées respectivement à améliorer l'excellence scientifique britannique et à développer l'innovation.

1. La poursuite de l'excellence scientifique

Les principales décisions prises sont les suivantes :

- Programme de un milliard de £ cofinancé par le Wellcome Trust 33( * ) pour renouveler les locaux et les équipements des centres de recherche.

Cette somme sera rassemblée au sein d'un nouveau fonds de la recherche scientifique 34( * ) . Les universités, en contrepartie du libre choix de leur priorité, devront prendre en charge 25 % du coût de leurs investissements.

750 milliards de £ ont déjà été consacrés par le gouvernement et le Wellcome Trust au soutien des infrastructures universitaires à partir d'un Joint Infrastructure Fund (JIF).

- Affectation d'un supplément de crédits de 250 millions de £ à l'accélération des recherches dans des domaines clés (génomique, science de l'information et de la communication, nanotechnologies, bio ingénierie, ordinateurs quantiques)

- Augmentation des allocations versées aux chercheurs diplômés (mais le niveau atteint, 9000 £ par an, demeure faible)

- engagement d'une dépense de 4 millions de £ par an pour le recrutement de 50 chercheurs du plus haut niveau.

2. Le développement de l'innovation

Pour encourager l'innovation, le gouvernement britannique a l'intention de :

- créer un nouveau fond (le « Higher Education Innovation Fund ») doté sur trois années, de 140 M £, soit un triplement des moyens actuels, destiné à améliorer les liens entre les universités et les entreprises (particulièrement les plus petites) ;

- consacrer davantage de moyens aux centres Science-entreprises

- créer des fonds régionaux de l'innovations et un fonds de prospective

- augmenter de un milliard de livre les moyens de recherche et développement des petites entreprises dans le cadre d'une « small Business Reserch Initiative »

- changer certaines règles concernant le fonctionnement de la recherche financée sur fonds publics (en ce qui concerne la prise de risque, la valorisation, l'intéressement des personnels).

Les différents corps de recherche détiendraient désormais les droits de propriété intellectuelle de leurs découvertes.

En rupture avec la philosophie tatcherienne, le livre blanc conclut que le marché ne peut, seul, financer la recherche fondamentale et les infrastructures ni obtenir la confiance du public qui sont nécessaires à l'épanouissement de l'innovation.

III. L'ALLEMAGNE

A. UN EFFORT FINANCIER EN HAUSSE

La part de la DIRD dans le PIB de l'Allemagne est passée de 2,26 en 1996 à 2,44 en 1999 (soit un pourcentage désormais supérieur à la France).

Le budget Fédéral pour l'éducation et la recherche alimenté, à hauteur de 600 millions de marks, par la manne UMTS, atteindra, en 2002, son plus haut niveau.

Les sciences de la vie, les NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) bénéficieront d'une nette hausse de crédits.

Un réseau national de recherche sur le génome sera notamment créé.

B. DES RÉSULTATS APPRÉCIABLES

1. en terme de brevets

L'Allemagne, dont la recherche est financée pour près des deux tiers par les entreprises privées, obtient de bien meilleurs résultats que la Grande-bretagne et la France en terme de dépôts de brevets (avec une part de 17,30 % en Europe et de 7,20 % aux Etats-Unis).

2. La réussite de la réunification de la recherche allemande

La Wissenschaftsrat (WR), qui est le plus ancien organe de conseil scientifique en Europe, a joué un rôle important dans l'évaluation des établissements scientifiques de l'ex RDA.

L'accroissement du budget a profité en premier lieu aux nouveaux landër (qui ont bénéficié de 40 % des subventions du ministère de la recherche) avec une priorité aux sciences de l'environnement et de la vie (biotechnologies).

L'Allemagne de l'Est possèdera, dans quelques années, une infrastructure de recherche très moderne et peut s'enorgueillir de la présence, sur son territoire, de quelques institutions de réputation internationale (en sciences de la terre, médecine moléculaire ou physique des plasmas).

3. Des initiatives pour promouvoir des nouvelles technologies

Un nouveau programme « Bio chance » a été créé pour renforcer le secteur des biotechnologies ainsi que six centres de compétence dans les nanotechnologies.

Par ailleurs, 100 millions de marks seront investis, chaque année, pendant quatre ans, dans les techniques des micro-systèmes.

Les bénéficiaires de subventions ont désormais le droit d'exploiter exclusivement les résultats de leurs recherches et le devoir de les commercialiser.

C. DES PROJETS DE RÉFORME EN PROFONDEUR DES UNIVERSITÉS

Le gouvernement Schröder veut encourager les universités, renforcer leur autonomie et leur créativité en leur déléguant plus de responsabilités, leur donner une vocation plus internationale et les rendre plus performantes.

Au printemps 2000, une commission internationale d'experts a proposé des réformes du droit du service public dans le secteur universitaire.

Les enseignants seraient payés en partie selon leur mérite, les contrats entre la science et l'industrie facilités, et les jeunes diplômés qui le désirent encouragés à se lancer dans l'enseignement supérieur et la recherche.

En conclusion, les efforts importants de l'Allemagne dans le domaine de la recherche, n'ont pas porté sur une simplification des structures, qui demeurent complexes, comme en France, avec l'excuse, toutefois, du fédéralisme.

Cependant, on doit noter que la coopération entre les différents centres de recherche, notamment publics et privés, a un caractère plus spontané que chez nous, ce qui témoigne d'un moindre cloisonnement institutionnel.

IV. LE JAPON

A. UNE MOBILISATION D'ORES ET DÉJÀ EXCEPTIONNELLE

1. Un engagement sans pareil

Aussi bien en pourcentage dans le PIB de la DIRD (3,01) qu'en nombre de chercheurs pour mille habitants (9,7), le Japon se situe au premier rang mondial et a, notablement, augmenté ses efforts ces dix ou vingt dernières années.

C'est également le pays, devant l'Allemagne ou le pourcentage des dépenses de recherche financées par les entreprises est le plus important (72,2 %).

2. Des insuffisances sur le plan académique

Les résultats japonais sont excellent en terme de parts de brevets (avec un second rang mondial, derrière les Etats-Unis), mais nettement moins en ce qui concerne les publications scientifiques (quantitativement et, surtout, qualitativement avec une avant dernière place, juste devant la Grèce, pour le nombre de citations dans les revues scientifiques de 1997 à 1999, selon le classement publié par le rapport Busquin).

S'inquiétant de sa faiblesse dans ce domaine, le Japon met l'accent sur la recherche fondamentale dans le cadre d'un effort budgétaire global soutenu, malgré la récession, et d'une vaste réorganisation d'ensemble.

B. DE VASTES CHANGEMENTS EN PERSPECTIVE

1. Au niveau financier

Le désengagement, avec la récession, du monde industriel dans le financement de la recherche est compensé par une augmentation du budget public (et notamment de l'effort de l'Etat dont la part devrait passer de 20 à 40 %).

Le gouvernement a augmenté sa contribution de 38 % en 1998, sa part de financement de la recherche et développement atteignant alors 20 %, soit son plus haut niveau historique.

Elle devrait s'accroître encore de 5,4 % en 1999.

Les dépenses sont réparties de la manière suivante :

- Recherche fondamentale 13,8 %

- Recherche appliquée 24,5 %

- Développement 61,7 %

La R & D industrielle représente toujours la grande majorité du total (près de 80 % en 1997).

2. Au niveau structurel

a) Une organisation déjà rationnelle...

L'organisation de la recherche japonaise parait déjà assez rationnelle, chaque intervenant, au niveau gouvernemental, disposant de sa propre agence :

- La STA (Science and technology agency) au niveau du premier ministre, qui exerce une mission de coordination et à laquelle sont rattachés six instituts nationaux de recherche 35( * )

- La JSPS (Japon society for the promotion of science), auprès du Monbusho (ministre de l'éducation, de la science et de la culture), dont les actions n'interfèrent pas avec celles de la STA ;

- l'AIST (Agency for Industriel Science and Technology pour le MITI (Ministre de l'industrie et du commerce extérieur) chargé de la R&D industrielle, qui finance la NEDO (New Energy and Industrial Technology Development Organization), laquelle gère des projets faisant intervenir à la fois des partenaires publics et industriels.

b) ... mais perfectionnée encore

En 1996 ont été fusionnés au sein de la JST (Japan Science and technology Corporation), chargée de l'exécution de la politique scientifique de la STA, deux organismes d'information et d'aide à la recherche.

Il est question en outre :

- de regrouper le Monbusho et la STA dans un ministère de l'éducation, de la science et de la technologie ;

- d'inciter l'AIST a encourager des programmes de recherche plus fondamentaux ;

- d'élargir à l'ensemble des sciences les compétences du CST actuel (Conseil de la science et de la technologie) au sein d'un nouveau Conseil général de la Science et de la Technologie qui jouerait un rôle important dans l'évaluation des grands projets et la préparation des choix budgétaires gouvernementaux.

L'autonomie des universités et des instituts nationaux de recherche serait renforcée, certaines nouvelles embauches pouvant, comme il a été vu, s'effectuer sous forme de contrats à durée déterminée.

Le Japon cherche ainsi à tirer parti de la recherche pour sortir de la crise.

Les maîtres mots de la réforme sont : coordination, évaluation, contractualisation et internationalisation.

Trois principaux objectifs sont visés : élévation du niveau de la recherche, autonomie des laboratoires, rationalisation du transfert de connaissances entre la recherche et l'industrie.

Cette stratégie semble très cohérente et bien inspirée à votre rapporteur.

* * *

De l'analyse, qui précède, de la situation des principaux pays de l'OCDE, il ressort que ces derniers ont souvent su concilier une accentuation de leur effort budgétaire (moins important, il est vrai, au départ en proportion du total de leurs dépenses budgétaires) et des réformes d'envergure.

La part des entreprises dans le financement de la recherche est généralement plus importante mais comporte aussi davantage de subventions, notamment, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, au titre des activités militaires.

La recherche fondamentale fait fréquemment l'objet d'une sollicitude particulière de la part des pouvoirs publics (cas notamment du Japon, et, du fait du repli des dépenses militaires, des Etats-Unis) notamment dans les sciences de la vie.

Les difficultés économiques ne freinent pas la progression de l'engagement dans la recherche de l'Etat et des plus grandes entreprises.

Les réformes de structures vont souvent assez loin (paiement au mérite des professeurs en Allemagne, recrutement de contractuels au Japon, changement des règles de la propriété intellectuelle en Grande-bretagne...).

L'importance de l'évaluation et de la prospective (en Grande-Bretagne) est reconnue.

Sans vouloir transposer aucun de ces modèle en France, il est possible de s'en inspirer par exemple en ce qui concerne la valorisation de la recherche aux Etats-Unis ou la rationalisation des structures gouvernementale au Japon.

CHAPITRE IV


L'INSUFFISANTE PROGRAMMATION D'ENSEMBLE
DES TRES GRANDS EQUIPEMENTS
ET LA STAGNATIONDU BUDGET DE L'ESPACE

I. LES TGE : DES BESOINS CROISSANTS À SATISFAIRE AU MOINDRE COÛT

A. LES RECOMMANDATIONS DE L'OPECST

Le ministère n'ayant pas encore répondu à la question n° 51 de son questionnaire budgétaire relative aux grands équipements transversaux pluridisciplinaires nécessaires à la recherche française, votre rapporteur, s'est contenté, en commission, de réitérer les observations qui figurent dans l'étude sur les TGE (très grands équipements), dont il est co-auteur, publiée par l'OPECST (office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques).

Les principales conclusions, sur les suites desquelles votre rapporteur avait interrogé le ministère, étaient les suivantes :

- distinguer les TGE d'infrastructure, devant faire l'objet d'urgence d'un plan d'équipement de la France, des TGE de grands programmes et des TGE thématiques ;

- améliorer les conditions d'organisation et de valorisation des travaux réalisés au moyen de ces équipements de façon à rentabiliser les investissements correspondants et à en maximiser les effets d'entraînement ;

- proposer la prise en charge communautaire (qui améliorerait la coordination des investissements sur notre continent) des frais d'étude des futurs TGE, d'une quote-part de leurs dépenses de fonctionnement et de leur amortissement ainsi que des frais d'accès des chercheurs européens ;

- renforcer les puissances de calcul et les réseaux à hauts débits dans l'Union européenne.

Il ne semble pas que les 900 millions d'euros prévus par le 6 ème PCRD (programme communautaire de recherche et développement), pour les infrastructures de recherche permettent de financer la réalisation de ces deux derniers objectifs.

La forte progression des besoins de la science en TGE, en traitement, échange et stockage de données est, en tout état de cause, un phénomène irréversible.

B. MESURES NOUVELLES

Les chercheurs français, et on ne peut que s'en réjouir, sont en train d'être équipés de nouveaux supercalculateurs :

- au CINES (centre informatique national de l'enseignement supérieur) à Montpellier ;

- à l'IDRIS (institut du développement et des ressources en informatique scientifique), qui dépend du CNRS, à Orsay ;

- enfin à la direction des applications militaires du CEA à Bruyères-le-Châtel (Essonne).

L'année 2002 sera marquée aussi par le début de la construction du synchrotron SOLEIL. Fin 2000 et début 2001, suite à l'annonce du 11 septembre 2000 du Ministre de la Recherche, le CEA et le CNRS ont signé une convention pour mettre en place les structures nécessaires.

Le projet de société civile « Synchrotron Soleil » a été adopté par les conseils d'administration du CEA et du CNRS en juillet. Les statuts ont été déposés. Une solution satisfaisante a été trouvée pour les personnels du LURE et la convention entre l'Etat et les collectivités est en cours de finalisation.

En ce qui concerne le projet DIAMOND, un arrangement a été signé entre les ministres de la science français et britannique début 2001. Cet arrangement ne comporte aucune clause financière et une décision ne sera prise qu'en avril 2002.

Les problèmes liés aux sources de neutrons vont prendre une importance particulière dans les prochains mois. En effet, la convention intergouvernementale France/Allemagne/Grande-Bretagne qui vient à expiration en 2003 doit être renouvelée pour l'Institut Laue-Langevin à Grenoble (ILL). Il s'agit en particulier de savoir si la Grande-Bretagne, qui avait réduit unilatéralement sa participation de 33 % à 25 %, reviendra à sa participation initiale. D'autre part, une utilisation rationnelle de cette installation conduit à renouveler les guides et les instruments, dont beaucoup datent de trente ans. Une telle modernisation permettrait de conserver la compétitivité de l'ILL par rapport à la source de spallation américaine en cours de construction et livrée en 2006. A plus long terme (horizon 2015), l'Europe doit se doter d'une source de spallation (European Spallation Source) 36( * ) , deux fois plus puissante que la source américaine. Les discussions pour la définition de cette source sont en cours.

C. CONCLUSIONS DU MINISTERE DE LA RECHERCHE

Parvenues à votre rapporteur après l'examen du budget de la recherche en commission, les principales conclusions du ministère relatives aux TGE sont les suivantes :

Si les grands centres nationaux (CEA, CINES ET IDRIS) ont connu une évolution satisfaisante, le plus grand manque apparaît dans des équipements de taille moyenne distribués sur les grands campus scientifiques, à partir desquels doit être constituée une « grille nationale » de calcul, s'appuyant sur le réseau Renater 3. De plus, les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire, de la bioinformatique et de diverses technologies comme le séquençage à haut débit ont permis à la génomique internationale d'entrer dans l'ère du post séquençage qui va demander une exploitation rapide de masses considérables de données brutes. Des moyens de traitement de l'information conséquents dans les centres « thématiques » mis en place par les chercheurs en génomique, doivent accompagner ce formidable changement d'échelle.

Le ministère appelle également de ses voeux :

- une politique plus énergique de fermeture des équipements obsolètes ;

- une maîtrise des dépenses spatiales, responsable d'une large part du poids des TGE dans le BCRD (de 9,6 % en 2000).

Mais ces dernières sont en stagnation.

II. LA STAGNATION DES DÉPENSES SPATIALES

A. ÉVOLUTION GLOBALE

En baisse par rapport à 2000, la dotation du CNES est seulement reconduite en 2002 à son niveau de 2001, soit 1 343 M€ .

La contribution à l'agence spatiale européenne (ESA) en hausse de 5,4 % est supérieure (693,2 M€) au montant des programmes menés dans un autre cadre (510,4 M€) qui sont en baisse de 6,6 %.

L'ESA souhaite faire croître de 5 % en volume le financement de ses activités obligatoires (fonctionnement et programmes scientifiques) durant les prochaines années, ce qui serait très contraignant 37( * ) .

B. LA CONFÉRENCE D'EDIMBOURG

Votre rapporteur se félicite des arbitrages rendus le 15 Novembre par les ministres européens de la recherche en faveur :

- du programme GALILEO de positionnement par satellite ;

- du développement de la fusée Ariane 5.

Il regrette la diminution, par rapport aux demandes des moyens consacrés aux développements technologiques pour les satellites de communication et comprend le gel de l'utilisation de la majeure partie des crédits destinés à la station orbitale internationale, dans l'attente d'une clarification des intentions de la NASA.

C. AUTRES OBSERVATIONS

L'espace constitue une activité essentielle d'un point de vue stratégique, industriel et scientifique, dans laquelle la France excelle et a toujours fait preuve d'une grande efficacité dans ses dépenses, avant de se voir imputer la majeure partie du surcoût lié aux difficultés de mise au point du nouveau lanceur Ariane V.

Notre industrie spatiale représente environ 40 % de la capacité européenne et notre PIB 17,35 % de l'ensemble de ceux des membres de l'ESA.

Est-il justifié, dans ces conditions, que nous prenions en charge :

- 70,4 % du programme Arte 4 (maintien de la fiabilité d'Ariane 4)

- 54,5 % du programme d'accompagnement Ariane 5 ;

- 50,6 % du programme ARIANE 5 plus ;

- 27,6 % (soit 784 MF) pour le programme de station spatiale internationale ?

Quel avantage industriel ou technologique retirons-nous de tels niveaux de contribution ? Sont-ils indispensables au maintien de notre « leadership » spatial ?

Enfin, malgré les succès de la société franco-russe Starsem, il convient de considérer avec circonspection le projet d'installation à Kourou d'un pas de tir spécifique pour le lanceur Soyouz, quel qu'en soit l'intérêt 38( * ) la partie russe ne semblant pas disposée à en assumer sa part de financement.

CONCLUSION

Le présent rapport ne se veut pas un réquisitoire.

Il reconnaît, avec objectivité, les progrès accomplis en matière d'aide à la création d'entreprises innovantes et de gestion prévisionnelle des emplois scientifiques.

Cependant, par delà les clivages politiques, qui tendent, naturellement, à s'accentuer à la veille d'élections, votre rapporteur a voulu manifester sa déception.

Il regrette, en effet, profondément que notre pays n'ait pas su profiter de la période assez longue de croissance et de stabilité qu'il vient de traverser, pour allier, comme d'autres ont su le faire, une forte augmentation de crédits à de profondes réformes de structures. La première aurait pu servir d'incitation aux secondes. L'efficacité des dépenses s'en serait trouvée renforcée, ce qui les aurait mieux fait contribuer au progrès des connaissances, à l'activité économique et aux autres demandes de la société.

L'organisation de la recherche française a besoin de davantage de cohérence et de souplesse : cela implique, d'un côté, une simplification des structures, une meilleure coordination des actions et un renforcement de l'évaluation et, de l'autre, davantage d'autonomie des différents intervenants et une plus grande utilisation des contrats dans le monde de la recherche (pour la détermination des objectifs, l'emploi scientifique...).

La prochaine majorité devra régler le problème, essentiel, de l'insuffisance de mobilité, à tous les niveaux, dans la recherche française. Elle devra renforcer l'autonomie, les moyens et l'excellence des universités, en les incitant à coopérer davantage entre elles et avec les entreprises.

Déplorant l'insuffisance des réformes et de la progression du montant et de l'efficacité des dépenses de la recherche, votre commission vous propose de rejeter ce budget.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 6 novembre 2002 sous la présidence de M. Michel Sergent, secrétaire, la commission a examiné les crédits de la recherche

Le rapporteur spécial a tout d'abord souligné que contrairement aux propos du ministre de la recherche, l'évolution des dotations budgétaires depuis cinq ans ne marquait pas de rupture par rapport à la tendance constatée de 1993 à 1997 : la part de la dépense intérieure de recherche dans le produit intérieur brut a continué de décliner, l'effort des entreprises ne compensant pas le désengagement des administrations.

Cette évolution résulte pour lui de deux facteurs : le freinage relatif de la progression des dépenses publiques par suite du retour de la croissance, le fléchissement accentué des dépenses de recherche militaire.

Le rapporteur spécial a reconnu, toutefois, la forte progression des autorisations de programme dont bénéficient depuis 2001 les équipements de recherche des universités et des grands organismes scientifiques.

Ainsi, selon le rapporteur spécial, la position relative de la France en termes de part de dépenses de recherche dans le produit intérieur brut, loin de marquer un rattrapage, a plutôt tendance à se détériorer : la France est désormais non seulement derrière le Japon et les États-Unis mais également derrière l'Allemagne et la Suède.

Le rapporteur spécial a également indiqué que si avec 39,1 % en 1998, la France se trouvait dans la moyenne européenne pour ce qui est de la part des financements publics de la recherche, ce pourcentage restait sensiblement plus élevé que chez nos principaux partenaires et concurrents. Cela signifie à la fois que nos entreprises interviennent moins dans le financement de l'effort national de recherche et qu'elles reçoivent moins de subventions à ce titre que dans les pays anglo-saxons.

Ensuite, M. René Trégouët a évoqué les performances de la recherche française, dont il a estimé qu'elles étaient à peu près honorables, à considérer les trois indicateurs pertinents que sont les publications, les brevets et les créations d'entreprises.

S'agissant des structures, il a rappelé que la France se caractérise par la faiblesse relative des moyens de la recherche universitaire, la coexistence du CNRS et d'organismes spécialisés et le statut de chercheur fonctionnaire, trois singularités qui ne sont pas favorables à la valorisation des résultats de la recherche française.

Le rapporteur spécial a conclu son exposé en évoquant un certain nombre de facteurs qui devraient nous conduire à repenser le système de recherche français : la nouvelle loi organique qui obligera à présenter le budget de la recherche sous forme de missions et de programmes ; le choc démographique consécutif aux départs en retraite des générations nées après la seconde Guerre mondiale qui va se faire sentir à partir de 2004. A cet égard, il s'est demandé s'il ne convenait pas d'envisager un recours accru aux contrats dans l'organisation de la recherche et éventuellement de modifier les missions et les moyens du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Après cet exposé, M. Philippe Marini, rapporteur général, est intervenu pour souligner qu'il était important d'adapter le régime de l'emploi scientifique en termes de carrière et de mobilité et que l'évolution nécessaire des statuts passait par celle en cours des mentalités.

M. Maurice Blin a, de son côté, évoqué notamment la question des « chercheurs à vie » qui n'existent pas aux États-Unis, tandis que M. François Marc a tenu à signaler que la pratique des contrats avait tendance à se développer de plus en plus notamment dans les universités de l'ouest de la France.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits du budget de la recherche jusqu'à l'audition du ministre de la recherche.

MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Modifications des crédits

Les crédits du titre IV du budget de la recherche ont été majorés, à titre non reconductible, de 303.800 euros (1,9 million de francs).

Ont été, plus précisément, abondés :

- les articles 20 (« diverses interventions ») et 60 (« soutien aux actions technologiques et scientifiques ») du chapitre 43-01 « action d'incitation, d'information et de communication » ;

- l'article 10 du chapitre 45-13 « commissariat à l'énergie atomique » (CEA).



1 Il évoquait les structures budgétaires mais qui reflètent celles de notre système public de recherche.

2 Une partie de la subvention de l'Etat au CEA sera transférée, en 2002, du budget de la recherche à celui de l'industrie afin de rétablir entre les contributions des deux départements ministériels un équilibre rompu par la prise en charge par le ministère de l'environnement des dépenses de sûreté nucléaire.

3 FRT : Fonds de la recherche et de la technologie

4 avec affectation privilégiée aux départements des services du vivant de l'information.

5 C'est-à-dire exécutée sur le territoire national.

6 Références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche - Edition 2001.

7 DIRDA.

8 En valeur absolue.

9 La part de la dépense intérieure de défense est passée entre 1992 et 1999 :

- de 20 % à 7 % de la DIRDA

- de 16,8 % à 10,1 % de la DIRD totale.

Elle est stabilisée aux alentours de 5 milliards de francs.

10 Source : note d'information 00-47 des ministères de l'Education nationale et de la recherche

11 La National Science Foundation estime que les financements Défense représentent 75 à 80 % des aides publiques aux entreprises, contre les deux tiers en France

12 les modalités de recrutement apparaissent marquées à la fois par une centralisation de principe en ce qui concerne les affectations d'emplois mais un « localisme » et un corporatisme (cooptation) de fait.

13 Bayh-Dole Act, offices of Technology Licensing (OTL)

14 Performances des activités d'éducation et de recherche des systèmes d'enseignement supérieur de l'OCDE (Annals of Public and Cooperation Economies 70 :4 - 1999)

15 prospective, éducation, orientation, aides financières à toute activité d'enseignement ou de recherches (principalement universitaires), évaluation...

16 Il existe aussi un comité permanent regroupant des représentants du Bund et des Länder le « Bund-Länderkommission » et d'autres structures de coordination.

17 pour laquelle intervient la Japan Science and Technology Corporation (JST). Le MITI a aussi sa propre agence : « Agency for Industrial Science and Technology » (AIST)

18 FTTA (Federal Technology Transfer Act)

19 décrets n° 2000-632 du 30 juin 2000 et 99-1081 du 20 décembre 1999. Celui du 13 février 2001 relatif à l'intéressement des auteurs d'invention semble également bien limitatif.

20 Dans son rapport au nom du comité d'évaluation des politiques publiques sur la politique de recrutement et la gestion des enseignants chercheurs et des chercheurs.

21 Sally Goodman Nature - 8 novembre 2001 - 414

22 Il a été répondu à une question de votre rapporteur que « les procédures de programmation triannuelle de la DGA imposent un cycle qui ne permettra sans doute pas d'intégrer dans la programmation 2002 des actions duales repérées trop tardivement, ou qui intégrées ne pourraient démarrer qu'après une période trop longue pour les instances ou les procédures civiles » (sic).

23 office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques - TOME II - Le rôle des très grands équipements dans la recherche publique et privée en France et en Europe.

24 La notion de masse critique, essentielle au regard des aspects financiers des activités de valorisation a conduit à des coopérations entre universités aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, c.f. plateforme de biotechnologies commune aux universités de Leeds, Sheffield et York.

25 Ministre de l'Industrie et du Commerce

26 qui dispose de ses propres laboratoires

27 Pas intégralement sur leurs ressources propres.

28 Les entreprises n'apprécient pas en effet la longueur des procédures et la non exclusivité des licences prévues par le Federal Technology Transfer Act (FTTA)

29 Small Business Innovation Research Program (SBIR)

Small Business Technology Transfer Program (STTR)

30 Coopérative Research and Development Agreements (CRDA)

31 sauf en ce qui concerne les minisatellites (c.f. université du Surrey)

32 A science policy for the 21 st century

33 Fondation caritative liée, patrimonialement, au groupe pharmaceutique Glaxo mais totalement indépendante

34 675 M £ : budget de la science et Fonds du Conseil de l'éducation

225 M £ : Wellcome Trust dont 75 M £ pour les sciences biomédicales

100 M £ : Office of science and Tehnology (OST)

35 notamment pour le spatial et l'énergie nucléaire

36 Spallation : réaction nucléaire provoquée par des particulaires accélérées

37 Le taux de notre participation à ces dépenses, calculée au prorata de notre PNB, est de 17,35 %.

38 Il s'agit de ne pas laisser aux américains l'exclusivité d'une coopération avec les russes dans le domaine des lanceurs, sans faire concurrence à Ariane V.


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