II. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLEINEMENT JUSTIFIÉE PAR L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

La création d'une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs paraît particulièrement appropriée.

Au cours des dernières années, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a fortement augmenté.

Ainsi, entre 1990 et 2000, le nombre de mineurs mis en cause est passé de 98.284 à 175.256.

Les statistiques relatives aux crimes et délits constatés en 2001, qui viennent d'être publiées par le ministère de l'Intérieur, montrent que le nombre de mineurs mis en cause a encore augmenté en 2001 pour atteindre 177.017 personnes. La part des mineurs dans le total des mis en cause a légèrement augmenté pour atteindre 21,18 %. De même, la part des mineurs dans le total des mis en cause pour des faits de délinquance de voie publique est en augmentation (36,13 % en 2001 contre 35,15 % en 2000).

Comme le montre une récente enquête de délinquance autorapportée, la délinquance des mineurs s'est banalisée : « Quelque chose a bel et bien dû changer fondamentalement entre les années 60 et les années 90 dans la délinquance des jeunes. Divers facteurs ont contribué à l'aggravation : la famille, la pauvreté, la difficulté de chacun à se protéger, la diminution de la réponse pénale. Mais il reste qu'au milieu des années 90 un seuil est franchi. Les vingt-cinq ans de généralisation et de banalisation du vol, des destructions et dégradations ont constitué un cadre de socialisation nouveau pour les jeunes. Les atteintes physiques ont été légitimées par la diffusion des petits délits et tendent elles-mêmes à se multiplier. La brutalité devient un moyen plus normal, même s'il est loin d'être monnaie courante pour la très grande majorité, d'atteindre son but ou d'éloigner le gêneur. Tout se passe comme si un droit à l'usage de la violence s'était construit aux yeux de l'agresseur » 1 ( * ) .

Par ailleurs, la délinquance des mineurs est une délinquance de plus en plus violente, face à laquelle les familles, l'école, la justice paraissent souvent démunies.

Ainsi, le nombre de condamnations de mineurs pour atteinte aux personnes a été multiplié par deux entre 1994 et 1998.

Evolution des condamnations de mineurs pour des délits
(1995-1999)

1995

1996

1997

1998

1999

Toutes condamnations de mineurs pour délits

9.404

22.702

29.813

33.325

36.787

Atteinte aux biens

6.899

17.564

22.630

25.023

27.084

Vols

5.700

14.169

17.775

19.410

20.494

Recels

472

1.398

1.716

1.857

2.112

Escroqueries - abus de confiance

216

532

838

915

1.200

Destructions - dégradations

511

1.465

2.301

2.841

3.278

Infractions à la circulation routière et aux transports

198

245

254

256

263

dont infractions à la circulation routière

192

241

243

246

258

Infractions à la législation économique et financière

27

76

126

166

175

dont infractions en matière de chèques

25

66

105

134

140

Atteintes à la personne

1.520

3.249

4.758

5.497

6.258

dont : coups et blessures volontaires

970

2.282

3.361

3.898

4.378

atteintes sexuelles

408

648

902

1.116

1.279

Infractions en matière de stupéfiants

451

851

1.128

1.371

1.594

Atteintes à la sûreté publique

87

232

356

326

460

dont commerce et transport d'armes

74

214

336

309

425

Atteintes à l'ordre public général

2

14

15

15

18

Atteintes à l'ordre administratif et judiciaire

220

471

546

671

935

Source : Annuaire statistique de la justice 2001, ministère de la Justice.

Une telle évolution pose la question de l'efficacité de la prévention et de la répression de la délinquance des mineurs dans notre pays.

Dans un tel contexte, il paraît souhaitable aujourd'hui qu'un travail approfondi permette de rechercher les moyens d'améliorer les réponses de la société face à la délinquance des mineurs. Comme l'indiquent les auteurs de la proposition de résolution, « ce phénomène constitue à l'évidence un défi majeur pour notre société, qui ne peut ni laisser sur le bas-côté une partie de sa jeunesse, ni laisser sans protection les victimes de cette délinquance, le plus souvent elles-mêmes mineures ».

Or, aucun travail d'enquête n'a récemment été accompli dans le cadre des assemblées parlementaires sur cette question au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Le Sénat pourrait donc apporter une contribution importante à la réflexion sur la délinquance des mineurs comme il l'a fait récemment à propos des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

*

Nos excellents collègues proposent la création d'une commission d'enquête sur les diverses mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

Ainsi, l'exposé des motifs de la proposition de résolution précise que « le champ d'investigation de la commission d'enquête porterait notamment :

« - sur l'étude des structures existantes, les centres de placement immédiat (CPI) et les centres éducatifs renforcés (CER), qui accueillent aujourd'hui les situations d'urgence, et les mineurs récidivistes pour lesquels une rupture avec leur milieu s'impose, leur adaptation aux nécessités de la réinsertion des mineurs délinquants et la proportion dans laquelle leur nombre devrait être augmenté ;

« - sur la possibilité d'étendre la gamme de placements offerte aux juges afin d'adapter chaque peine à la nature psychologique de l'enfant délinquant (...) ;

« - sur le mode de financement de la construction d'éventuels nouveaux établissements (...) ;

« - sur le rôle et la place des travailleurs sociaux (...). »

De fait, la question des structures d'accueil des mineurs délinquants est l'une des plus importantes. Ces structures répondent-elles aux besoins actuels ? Sont-elles suffisamment nombreuses, suffisamment diversifiées ? La commission d'enquête pourrait permettre de faire le point sur cette question.

Pour autant, il ne paraît pas souhaitable à votre commission d'écarter a priori du champ d'investigation de la commission d'enquête l'examen des règles gouvernant la justice des mineurs. Ces règles sont, pour l'essentiel, définies par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante. Un examen serein et approfondi de ces règles pourrait permettre, le cas échéant, d'envisager leur adaptation à l'évolution de notre société et de la délinquance, qui ne sont plus celles de 1945.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose que les investigations de la commission d'enquête portent sur les moyens de répondre à la délinquance des mineurs , en particulier sur les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.

* 1 Sébastian Roché, « La délinquance des jeunes - Les 13-19 ans racontent leurs délits ».

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