TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 19 février 2002 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen, en nouvelle lecture , du rapport de M. Alain Vasselle , sur la proposition de loi n° 226 (2001-2002), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie .

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que la commission mixte paritaire, réunie au Sénat le 12 février 2002, n'était pas parvenue à un accord sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie. Il a estimé que ce résultat était attendu, le rejet de cette proposition par le Sénat en première lecture le 7 février laissant difficilement augurer d'une position commune sur ce texte.

Il a indiqué que l'Assemblée nationale, examinant cette proposition de loi en nouvelle lecture, le 12 février 2002, avait rétabli son texte de première lecture, modifié à la marge par deux amendements présentés par le Gouvernement. Il a considéré que les modifications apportées en nouvelle lecture ne changeaient en rien l'économie de ce texte et que les critiques formulées par la commission en première lecture conservaient dès lors toute leur pertinence.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que notre système de santé traversait aujourd'hui une crise profonde et paradoxale. Paradoxale, parce que notre système est bon, l'organisation mondiale de la santé (OMS) l'ayant récemment classé au premier rang mondial. Profonde, parce que de fortes inquiétudes se font jour qui s'étendent, au-delà des professions de santé, à l'ensemble des Français.

Il a considéré qu'en prenant ses fonctions en 1997, le Gouvernement disposait d'un instrument, les lois de financement de la sécurité sociale, résultant de la réforme constitutionnelle et organique de 1996, et d'un principe posé par la loi de 1994, celui de la séparation des branches de sécurité sociale et de la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations décidées par l'Etat.

Il a considéré que le Gouvernement avait progressivement dévoyé cet instrument et constamment violé ce principe. Depuis 1997, le Parlement vote un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Or, cet objectif, chaque année dérive, avant d'être rebasé pour mieux dériver à nouveau. En 2001, les dépenses du régime général ont ainsi progressé de 6 % alors que l'objectif voté par le Parlement n'était que de 3,5 %.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré qu'une telle dérive n'avait rien d'étonnant, le Gouvernement n'ayant pas su, ou pas voulu, donner à cet objectif un contenu en santé publique. L'ONDAM ne traduisait aucune priorité de santé publique et ne reposait sur aucune évaluation des besoins en santé de la population. Tout au plus constituait-il une indexation nécessairement contestée des moyens permettant de faire « tourner le système » cahin-caha.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a constaté en outre qu'il était traditionnel, désormais, qu'au mois de mars au plus tard, cette année dès le mois de janvier, le Gouvernement, qui avait demandé au Parlement de voter solennellement ce fameux ONDAM au mois de décembre, entame dans l'urgence des négociations, conclue des protocoles ou des avenants et ouvre des dépenses nouvelles ici ou là. En réalité, dès lors que l'instrument ne fonctionnait plus, dès lors que les principes n'étaient pas respectés, quelles pouvaient être les bases d'une négociation entre les pouvoirs publics et les professionnels ? Sur quels fondements s'opposer aux demandes légitimes des généralistes ? Naturellement pas sur les déficits persistants de l'assurance maladie puisque le Gouvernement, lors de la loi de financement pour 2002, les avait lui-même creusés.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ainsi souligné que l'assurance maladie, qui constitue la branche déficitaire par excellence, s'était vue ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « trente-cinq heures » : d'une part, pour contribuer au financement du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), d'autre part, pour assumer la charge des emplois créés au titre de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux. Il a jugé que cette politique creusant les déficits de la branche maladie et alourdissant son endettement demeurait incompréhensible et rendait illusoire toute action tendant à demander un quelconque effort de maîtrise des équilibres aux différents acteurs de notre système de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est demandé pourquoi les professionnels de santé signeraient des conventions si les efforts consentis, le redressement des comptes attendu, n'avaient pour seul effet que de permettre d'opérer des prélèvements supplémentaires. Il a estimé que la théorie pernicieuse des prétendus retours pour les finances sociales de la politique des trente-cinq heures et la multiplication des tuyauteries financières entre les branches de la sécurité sociale déresponsabilisaient l'ensemble des acteurs et conduisaient le système à la faillite.

Il a fait valoir que, dans ce contexte, le dispositif prévu par la proposition de loi présentait des faiblesses flagrantes. S'il retenait bien l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne tranchait cependant ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation. Ainsi, et c'était le principal reproche que l'on pouvait formuler à son égard, il laissait subsister, pour les professions non signataires d'une convention, le mécanisme pervers des lettres-clés flottantes, institué par le Gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et auquel le Sénat s'était déjà opposé à de nombreuses reprises.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ajouté que la réforme proposée ne résolvait pas le problème récurrent des relations entre l'Etat et l'assurance maladie. L'Etat conservait en effet la haute main sur le dispositif : c'est le Gouvernement qui devra approuver les conventions ; c'est encore lui qui pourra, dans certains cas, refuser les éventuelles revalorisations de tarifs proposées par les caisses, c'est-à-dire les partenaires sociaux ; c'est toujours lui qui, en l'absence de convention, définira la règle du jeu et les sanctions collectives. Dans un avis adopté à l'unanimité le 20 novembre 2001, le conseil d'administration de la CNAMTS a d'ailleurs fait part des fortes réserves que lui inspirait ce texte. Ces réserves constituent autant de critiques sévères de la politique menée depuis cinq ans par le Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que le dispositif proposé ne modifiait en rien le fait que la fixation annuelle de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ne repose sur aucune priorité sanitaire clairement affichée et ne se fonde sur aucune véritable évaluation des besoins en matière de soins.

Il s'est dès lors interrogé sur la signification que pouvait revêtir un texte qui, s'il était adopté, serait vraisemblablement le dernier de la législature et qui semblait ne pas recueillir l'adhésion des acteurs concernés. Il a jugé que cette réforme n'avait, à l'évidence, pas vocation à être effectivement mise en oeuvre.

Il a souligné que, dans le contexte de crise que connaît aujourd'hui notre système de santé, la proposition de loi apparaissait en complet décalage avec les attentes des professionnels de santé et avec les défis auxquels ce système est confronté. Elle ne pouvait contribuer en rien à dissiper les inquiétudes légitimes qui se font jour chez les professionnels et chez les patients eux-mêmes. Elle n'avait au fond pour objet que de répondre au souhait du Gouvernement de pouvoir « afficher » une réforme des relations conventionnelles dont il savait pertinemment qu'elle ne serait pas appliquée avant les prochaines échéances électorales.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que la proposition de loi relevait de la gesticulation politique et visait avant tout à masquer les échecs et l'impuissance du Gouvernement en matière d'assurance maladie et de santé. Il a proposé à la commission de rejeter solennellement ce texte par l'adoption d'une motion opposant la question préalable.

M. Claude Domeizel a estimé que, sur un sujet aussi difficile, la majorité sénatoriale serait peut-être amenée, à l'image du Président de la République, à faire prochainement son mea culpa.

M. Guy Fischer a considéré que le rapporteur était dans son rôle lorsqu'il critiquait l'action menée par le Gouvernement depuis 1997. Il a jugé que les modalités de financement de la protection sociale restaient insatisfaisantes dans la mesure où ce financement reposait essentiellement sur les salaires. Il a estimé que la situation actuelle résultait d'une dramatisation des positions respectives, liée pour une large part au contexte électoral. Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen s'opposerait à la motion proposée par le rapporteur.

Estimant que la proposition du rapporteur était courageuse, M. Paul Blanc a souligné que le dérapage des dépenses de santé résultait aussi du comportement des malades qui multipliaient par exemple les demandes d'arrêts de travail. Il a regretté que l'on n'ait jamais eu le courage de mettre les usagers du système de santé, comme le projet de loi relatif aux droits des malades les dénommait désormais, en face de leurs responsabilités. Il a mis l'accent sur les coûts engendrés par les progrès de la médecine, tels que les nouvelles molécules destinées à combattre la maladie d'Alzheimer.

Evoquant les dépenses hospitalières, il a rappelé que celles-ci étaient composées à 70 % de dépenses de personnels. Il a regretté que, dans un contexte de pénurie de personnels hospitaliers, le Gouvernement ait choisi d'imposer aux établissements de santé le passage aux « 35 heures » sans réflexion préalable sur les conséquences lourdes de cette décision.

Jugeant que le seul moyen de sortir de la crise actuelle était de réunir autour d'une table ronde médecins, usagers et caisses de sécurité sociale, il a considéré, pour sa part, que la proposition de loi n'était qu'un texte purement électoraliste.

Après avoir rappelé que notre système de santé était tout de même le meilleur du monde, M. André Vantomme a mis l'accent sur les risques d'une approche uniquement comptable des problèmes de santé.

Estimant que ces questions de société méritaient un véritable débat, il a regretté que l'adoption d'une question préalable ne permette pas de discuter des problèmes au fond. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait contre la motion présentée par le rapporteur.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il s'agissait pour le Gouvernement, avec ce texte, comme l'avait pertinemment démontré le rapporteur, de sauver les apparences. Il a jugé que l'on s'intéressait surtout aux professionnels de santé libéraux mais que l'on oubliait souvent les dépenses hospitalières. Il a considéré que cela avait été une erreur que d'étendre les « 35 heures » au secteur hospitalier et au secteur associatif privé, pour lesquels cela représentait une charge énorme. Il a estimé que les problèmes devaient être abordés avec réalisme, sans oublier leur dimension financière.

M. Jean-Louis Lorrain a souligné que le conventionnement ne pouvait être que le résultat d'un long processus. Il a craint que l'on aboutisse au même résultat que celui observé aujourd'hui si l'on repartait des mêmes bases.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a observé que les critiques formulées par certains intervenants sur son rapport portaient davantage sur la forme que sur le fond. Il a considéré qu'il faudrait, le moment venu, trouver ensemble une solution qui permette de concilier le souci d'offrir le meilleur système de soins et le respect des équilibres financiers. Il a estimé que, si le Président de la République faisait aujourd'hui son mea culpa, il serait souhaitable que Mme Martine Aubry et Mme Elisabeth Guigou fassent de même.

La commission a ensuite adopté la motion tendant à opposer la question préalable .

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