Rapport n° 247 (2001-2002) de M. Michel PELCHAT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 février 2002

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N° 247

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 février 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de la convention sur l' accès à l'information , la participation du public au processus décisionnel et l' accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes),

Par M. Michel PELCHAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3256, 3566 et T.A. 781

Sénat : 210 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement signée à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998, trouve son origine -lointaine- dans la conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).

En effet, dans sa « troisième corbeille » consacrée à la « coopération dans les domaines humanitaires et autres », la CSCE cherchait notamment à promouvoir la démocratisation dans le domaine de l'environnement considéré comme un facteur potentiel de tensions entre les Etats européens. Il est significatif, du reste, que les aspirations démocratiques des populations, de l'autre côté du rideau de fer, se soient cristallisées de manière privilégiée sur les questions relatives à l'environnement. Les profonds dommages infligés par le système de production de l'ère soviétique et le traumatisme provoqué par la catastrophe de Tchernobyl expliquent pour partie cette évolution.

Les prémices posés par la CSCE ont trouvé un prolongement, au lendemain de la chute du Mur de Berlin, dans le cadre du processus « un environnement pour l'Europe » animé par la Commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cette commission associe aux Etats européens (y compris ceux issus de l'éclatement de l'Union soviétique), les Etats-Unis et le Canada.

« Un environnement pour l'Europe » a pour objectif de permettre aux ministres de l'environnement du Vieux continent de se rencontrer à intervalles réguliers : il est devenu au fil des années un forum d'échanges entre les autorités politiques, les responsables du secteur privé et les organisations non gouvernementales. La première des conférences ministérielles du cycle « un environnement pour l'Europe » s'est réunie en 1991 à Dobris (ex-Tchécoslovaquie), la deuxième en 1993 à Lucerne (Suisse), la troisième, en 1995, à Sofia (Bulgarie), la quatrième, en 1998 à Aarhus (Danemark). C'est à cette occasion qu'a été signée la convention sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement soumise à l'examen de notre Haute Assemblée.

La conférence ministérielle de Sofia de 1995 s'était en effet accordée sur la nécessité d'impliquer davantage le public à la politique de l'environnement et avait adopté des orientations relatives à l'accès à l'information et à la participation du public au processus décisionnel. Elle s'appuyait également sur le principe n° 10 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement adoptée en juin 1992.

Des négociations se sont ouvertes en 1996 dans le cadre du comité des politiques de l'environnement de la Commission économique pour l'Europe afin de présenter les engagements arrêtés à Sofia sous la forme d'un instrument international juridiquement contraignant . La présente convention signée lors de la conférence ministérielle d'Aarhus est le fruit de ces discussions. Elle appelle trois observations générales.

D'abord, la société civile a été très impliquée dans son élaboration. Les organisations non gouvernementales dont le rôle avait été reconnu à Sofia ont en effet été associées aux travaux à titre d'observateurs. Elles se sont beaucoup impliquées -principalement les ONG anglo-saxonnes et celles venues des pays d'Europe centrale et orientale- dans les négociations et ont contribué à relever le niveau des exigences contenues dans l'accord définitif.

Ensuite, alors que les grandes conventions internationales adoptées jusqu'alors portaient sur un domaine particulier de l'environnement, qu'il s'agisse de la biodiversité, de la lutte contre l'effet de serre, ou encore de la protection de la couche d'ozone, l'accord d'Aarhus fixe des principes communs à l'ensemble du droit de l'environnement.

Enfin, couvrant un champ très large, il fixe aussi des dispositions précises qui nécessiteront non seulement l' adaptation des règles communautaires mais aussi certains aspects de notre législation nationale et de nos pratiques administratives.

Votre rapporteur évoquera successivement les droits couverts par la convention, leur champ d'application ainsi que les transformations qu'ils impliquent dans l'ordre juridique communautaire et national.

I. DES DROITS PRÉCIS ET SOUVENT NOVATEURS

A. L'ACCÈS À L'INFORMATION

Le renforcement de l'information du public se décline sous deux formes : un droit individuel d'accès à l'information, une politique active d'information de l'opinion dans ce domaine.

• Le droit individuel d'accès à l'information

Le droit d'accès à l'information dans le domaine de l'environnement représente l'un des principes fondamentaux de la convention d'Aarhus. Les exceptions qui en limitent l'application sont rigoureusement encadrées.

- Le principe : les pouvoirs publics ont l'obligation de communiquer les informations demandées par le public dans le domaine de l'information.

Ce droit est entendu de manière large :

- le public n'a pas besoin de faire valoir un intérêt particulier ;

- l'information doit être fournie sous la forme demandée (dans le cas contraire, le choix de l'administration devra être justifié) ;

- les réponses doivent être apportées « aussitôt que possible », au plus tard dans un délai d' un mois à compter de la date à laquelle la demande a été soumise. Ce délai peut toutefois être porté à deux mois si la demande porte sur des documents nombreux et complexes ; toute prorogation doit être portée à la connaissance du demandeur et dûment motivée.

Si les autorités publiques peuvent percevoir un droit pour le service rendu, ce droit ne doit pas dépasser un montant raisonnable .

- Les exceptions : le refus de communication peut être opposé pour des raisons de caractère général ou des motivations plus particulières qui, dès lors, doivent être entendues de manière restrictive.

Les considérations de caractère général visent trois hypothèses : l'autorité publique ne dispose pas de l'information demandée -mais elle doit alors indiquer le plus rapidement possible l'autorité la mieux à même de procurer l'information demandée ; la question est manifestement abusive ou formulée de manière trop générale ; la demande porte sur des documents en cours d'élaboration.

La convention envisage également une autre série de cas justifiant un rejet. Plus nombreux que les précédents, ils doivent aussi être interprétés de manière plus restrictive. Ils se rapportent principalement à trois types de situations :

- certaines prérogatives de la souveraineté (secret des délibérations des autorités publiques, relations internationales et défense nationale) ;

- bonne marche de la justice ;

- secret commercial et industriel quand ce secret est prévu par la loi.

La convention encadre cependant précisément ces restrictions :

- le secret doit, dans certains cas, être prévu par les normes internes (délibérations des autorités publiques, secret commercial et industriel) ;

- s'agissant du secret commercial et industriel, il ne peut faire obstacle à la diffusion des informations relatives aux émissions de substances qui affectent l'environnement ;

- lorsqu'un document comporte aux côtés d'informations confidentielles, certaines qui ne le sont pas, celles-ci doivent être communiquées.

Par ailleurs, d'une manière générale, le rejet obéit à certaines obligations de procédure : il doit être notifié (ce qui exclut le refus tacite) et motivé. Il est également soumis, à l'instar de la communication, à des délais : un mois en principe, prorogeable un mois supplémenta ire sous certaines conditions.

• L'obligation d'une politique publique active

Le droit d'accès à l'information serait vidé de son sens si les pouvoirs publics ne disposaient pas des moyens nécessaires pour répondre au public et s'ils ne l'informaient pas des conditions dans lesquelles il peut faire valoir ses droits (institutions auxquelles il convient de s'adresser, procédure à suivre, etc).

Aussi l'accord d'Aarhus pourvoit-il à cette double exigence. Les autorités publiques ont ainsi le devoir de développer leur propre information dans le domaine de l'environnement : recueil et mise à jour des informations pertinentes, mise en place de mécanismes obligatoires d'information des autorités pour tout projet d'activité présentant des incidences sur l'environnement...

Les autorités doivent aussi faciliter le droit d'accès du public à l'information en procurant d'abord les précisions nécessaires sur « le type et la teneur » des informations détenues par les différentes administrations, ainsi que sur les procédures à suivre pour les obtenir ; elles sont aussi appelées à « faire obligation » aux fonctionnaires d'apporter leur concours aux personnes désireuses d'obtenir des renseignements dans ce domaine ; enfin, elles peuvent désigner des « points de contact ».

Par ailleurs, les pouvoirs publics ne sauraient se borner à répondre aux demandes des citoyens, ils doivent aller au devant du public à travers une politique active de diffusion :

- recours aux supports modernes tels qu'Internet ;

- publication régulière d'un rapport sur l'état de l'information ;

- politique d' incitation à l'égard de l'ensemble des opérateurs (y compris les agents privés) dont les activités ont des répercussions sur l'environnement afin qu'ils informent régulièrement le public sur ce sujet.

- réglementation relative à la présentation des produits afin d'éclairer les consommateurs sur les implications écologiques de leur choix ;

- mise en place d'un système cohérent de recueil des données -au moyen de formules de déclaration normalisées afin de les enregistrer dans un système informatisé accessible au public.

Enfin, cette obligation de diffusion de l'information revêt une acuité plus grande encore dans l'hypothèse d'une menace imminente pour la santé et l'environnement. La convention prévoit alors une information immédiate des personnes qui risquent d'être touchées.

B. LA PARTICIPATION DU PUBLIC AU PROCESSUS DÉCISIONNEL DANS LE DOMAINE DE L'ENVIRONNEMENT

La participation du public est prévue pour trois types de décision : l'autorisation de certaines activités énumérées de manière très détaillée dans l'annexe 1 de la convention, l'élaboration des plans et des programmes politiques relatifs à l'environnement, l'élaboration des dispositions réglementaires ou de normes contraignantes d'application générale.

La procédure d'association apparaît particulièrement précise pour l'autorisation de certains activités.

• L'autorisation d'activités comportant un impact important sur l'environnement

Tout est fait pour conférer une portée effective à la participation du public.

- Au niveau des délais : le public doit être associé le plus en amont de la procédure « lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et qu'[il] peut exercer une réelle influence » ; en outre, il doit disposer des délais suffisants aux différentes étapes de la procédure.

- Au niveau de l' information communiquée : en premier lieu, le public doit être averti -collectivement ou à titre individuel- de l'ouverture du processus décisionnel (activité proposée, nature de la décision à prendre, autorité chargée de la décision, procédure suivie) ; en second lieu, la convention appelle aussi les pouvoirs publics à inciter les opérateurs à l'origine de la demande d'autorisation d'identifier et d'informer le public concerné ; enfin, le public doit pouvoir consulter « gratuitement et dès qu'elles sont disponibles » toutes les informations pertinentes pour comprendre la décision (au minimum : la description du site, des effets de l'activité sur l'environnement et des moyens envisagés pour les prévenir ; une présentation non technique de ces données ; un aperçu des principales solutions de remplacement étudiées par l'auteur de la demande d'autorisation).

- Au niveau du droit d'expression du public : la possibilité de présenter les observations nécessaires par écrit ou lors d'une audition publique .

- Au niveau, enfin, de la décision prise : celle-ci doit prendre en compte les résultats de la procédure de consultation ; elle doit être motivée.

La convention prévoit également que le renouvellement de la décision d'autorisation obéit à une procédure identique.

• L'élaboration des plans relatifs à l'environnement.

Le public est associé à l'élaboration des plans relatifs à l'environnement dans un « cadre transparent et équitable ». Il dispose au préalable des informations nécessaires.

La convention n'entre pas, par ailleurs, dans le détail des garanties offertes au public : elle reprend cependant trois principes appliqués aux décisions d'autorisation de certaines activités -une participation du public en amont de la procédure de décision, des délais raisonnables pour chacune des étapes de la consultation du public, la prise en considération des positions exprimées par la décision définitive.

D'une manière plus générale, la convention recommande aux pouvoirs publics d'associer le public à l'élaboration des politiques relatives à l'environnement.

• La participation à l'élaboration des normes contraignantes.

L'association directe à l'élaboration de normes représente un degré supplémentaire dans la participation du public aux décisions de l'environnement. La convention ne fixe pas d'obligation mais pose pour objectif une participation « effective » du public : consultation à un stade où toutes les options demeurent ouvertes, délais suffisants de consultation ; possibilité de formuler des informations directement ou par l'intermédiaire d'organes consultatifs.

C. L'ACCÈS À LA JUSTICE

L'information et l'association du public sont garantis par un droit de recours devant l'autorité administrative ou judiciaire nationale. Trois garanties sont reconnues par l'accord : le recours doit être effectif et peut se traduire par un redressement par injonction ; il doit présenter un caractère rapide et un coût raisonnable. Enfin, le public doit être informé des voies de recours dont il bénéficie.

• L'accès à l'information

La convention prévoit deux dispositions complémentaires en cas de rejet d'une demande d'information : d'une part, la faculté de former un recours devant une instance judiciaire ou un organe indépendant établi par la loi ; d'autre part, l'accès à une procédure rapide et peu onéreuse en vue du réexamen de la demande par l'autorité publique ou de son examen par un organe indépendant établi par la loi.

• La participation du public

La possibilité de recours devant une instance ou un organe judiciaire doit être ouverte pour toute personne ou organisation ayant un intérêt suffisant pour agir en faisant valoir une atteinte à un droit dans le cadre des dispositions de la convention relatives à la participation du public. (Ce droit ne fait cependant pas obstacle à l'obligation d'épuiser les voies de recours administratif lorsque cette condition est prévue en droit interne).

II. UN CHAMP D'APPLICATION TRÈS LARGE

Le champ d'application de la convention apparaît très large, qu'il s'agisse de la notion d'environnement , des droits du public comme des obligations des autorités .

A. UN LARGE SPECTRE DES DIFFÉRENTS ASPECTS LIÉS À L'ENVIRONNEMENT

Curieusement, la convention ne donne pas de définition générale de l'environnement, elle n'appréhende cette notion qu'à travers « l'information sur l'environnement ». Sous cette formule le texte embrasse un large spectre couvert par les questions d'environnement :

- les éléments naturels (air, atmosphère, eau, sol, diversité biologique y compris les organismes génétiquement modifiés mais aussi le paysage et les sites naturels) ;

- l'ensemble des facteurs pouvant avoir une influence sur l'environnement ;

- l' état de santé de l'homme et sa sécurité. En ce sens, la convention couvre également les questions liées aux risques naturels . La convention oblige, du reste, les pouvoirs publics « en cas de menace imminente pour la santé ou pour l'environnement » de diffuser immédiatement les informations nécessaires au public concerné pour prendre les mesures de précaution nécessaires.

Au-delà du seul droit à l'information, le droit à la participation du public concerne les décisions relatives à des activités particulières (non seulement celles très détaillées énumérées dans l'annexe 1 de la convention, mais aussi -à condition toutefois que le droit interne des pays signataires l'ait prévu- toute autre activité que peut avoir une incidence sur l'environnement).

Il convient cependant de regretter que si l'annexe 1 prend en compte la construction dus aéroports, elle n'intègre pas la définition des couloirs aériens à l'approche des aéroports qui constituent pourtant la principale source de nuisance pour le public. En outre, elle n'envisage pas davantage les grands projets d'urbanisme.

D'une manière générale, l'influence des ONG des pays d'Europe centrale et orientale dans le cadre de la négociation a conduit à mettre l'accent sur les risques liés à la pollution plutôt que sur les atteintes portées à l'environnement par les projets d'infrastructure auxquelles les associations françaises sont traditionnellement plus sensibles.

Enfin, le volet de la convention relatif à la participation du public ne règle pas le cas des organismes génétiquement modifiés (OGM). Cette question a été renvoyée à la première conférence des parties qui devrait se tenir au cours de l'année 2002. Il est vrai que les OGM ne relèvent pas d'une autorisation d'activité mais d'une autorisation de mise sur le marché. Il n'en reste pas moins qu' une plus grande participation du public au processus de mise sur le marché constitue une garantie supplémentaire pour encadrer la diffusion de techniques qui pourraient se révéler très préjudiciable pour notre agriculture.

porte également sur l'élaboration des plans et programmes relatifs à l'environnement ainsi que sur la préparation des instruments normatifs contraignants, mais sur ce dernier point, la convention laisse aux autorités publiques le soin de promouvoir le droit dont elle se borne à poser le principe.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, le droit à la participation ne couvrirait cependant pas la protection et la sécurité civile comme l'organisation des secours. Le gouvernement cite notamment la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ainsi que la proposition de directive concernant la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement. Ces deux textes excluent formellement les plans et programmes destinés uniquement à des fins de protection civile.

Cette interprétation restrictive de la convention qui, en la matière, n'apparaît pas explicite, pourrait être une source de contentieux dans l'avenir.

B. LES TITULAIRES DES DROITS

Le titulaires des droits reconnus par la convention peuvent être une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, si la législation nationale de l'Etat signataire le permet, les associations .

Quiconque peut se prévaloir de ces droits sous deux réserves : la participation aux décisions relatives à l'autorisation de certaines activités -elle n'est ouverte qu'au public concerné- ; l'accès à la justice -il suppose un intérêt pour agir. Les organisations non gouvernementales qui oeuvrent en faveur de la protection de l'environnement ont accès à ces deux catégories de droits.

C. LES OBLIGATIONS : UNE CATÉGORIE ÉTENDUE D'AUTORITÉS CONCERNÉES

Les autorités publiques visées par la convention désignent l'ensemble des personnes physiques ou morales qui exercent des fonctions administratives publiques .

Elles concernent aussi les « organisations d'intégration économique régionale » signataires de la convention et donc les institutions communautaires .

Cette définition très large exclut toutefois explicitement les institutions législatives ou judiciaires. En d'autres termes, la convention n'aura pas pour effet d'obliger le Parlement à associer le public à l'élaboration de la loi ! En revanche, les collectivités territoriales sont visées par les obligations prévues par la convention.

Si les obligations incombent principalement aux pouvoirs publics, celles-ci sont aussi appelées à inciter l'ensemble des opérateurs (y compris dans le secteur privé) dont les activités ont un impact sur l'environnement à informer le public. En outre, les entreprises qui ont l'intention de présenter une demande d'autorisation pour une activité présentant un impact sur l'environnement sont encouragées à identifier le public concerné et à « engager la discussion avec lui » avant même l'ouverture de la procédure liée à l'autorisation publique de cette activité.

Il faut souligner ici que la convention met un accent particulier sur les pratiques administratives qui constituent dans les faits la clef déterminante de l'information effective du public. Ainsi les pouvoirs publics doivent faire  « obligation aux fonctionnaires d'apporter leur concours au public ».

III. UN EFFORT IMPORTANT D'ADAPTATION DE LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE ET DE LA LÉGISLATION NATIONALE.

A. LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE

La convention d'Aarhus implique une double modification de la réglementation communautaire. La première porte sur le fonctionnement des institutions. La seconde concerne le droit dérivé communautaire dans le domaine de l'environnement.

• Les modifications relatives aux institutions

En premier lieu, l'assimilation des institutions européennes aux « autorités publiques » tenues de s'acquitter des obligations prévues par la convention requiert certaines adaptations.

Sans doute l'accès à l'information dans le domaine de l'environnement entre-t-il dans le champ plus large du droit d'accès aux documents que le traité d'Amsterdam a introduit dans le traité communautaire :

« Tout citoyen de l'Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un Etat membre a un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission » (art. 255).

En revanche, le dispositif relatif aux institutions communautaires ne prévoit pas les modalités d'associations du public à l'élaboration de normes réglementaires.

• Les modifications relatives au droit dérivé

Le droit communautaire dérivé a d'ores et déjà intégré une grande part des droits prévus par la convention. Il a même contribué à inspirer ce texte. Toutefois, la convention, sur plusieurs aspects, va plus loin que les normes communautaires existantes.

- Le droit à l'information

La directive n° 90/313 du Conseil du 7 mai 1990 relative à la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement pose des exigences relativement proches de la convention. Elle présente un caractère moins étendu que la convention dans sa définition de l'information sur l'environnement (elle n'intègre pas notamment le lien établi par la convention entre la santé et l'environnement). En outre, le délai de communication est fixé à deux mois dans la directive contre un mois en principe dans la Convention.

La révision de cette directive a fait l'objet d'un accord politique le 7 juin dernier et d'une position commune en octobre 2001.

- La participation du public

La directive sur la prévention et la réduction intégrées de la pollution (IPPC, n° 96/61 du 24 septembre 1996) prévoit notamment (art. 15) la participation du public à la procédure d'autorisation. Toutefois, il n'existe pas en la matière de principe général de participation. C'est pourquoi le Conseil a été saisi d'une proposition de directive introduisant une procédure de participation dans deux directives relatives aux études d'impact et aux ICPE.

- L'accès à la justice

La directive n° 90/313 (art. 4) prévoit la possibilité de recours devant les instances judiciaires ou administratives en cas de refus de communication abusif. Cependant, elle demeure incomplète. Un avant-projet de directive sur l'accès à la justice pose pour principe le contrôle général de l'égalité, le pouvoir d'injonction, l'assistance et la réduction des coûts.

Cependant les Etats membres contestent la compétence de la Commission européenne à intervenir dans un domaine -la justice- qui relève de leurs prérogatives souveraines.

B. LA LÉGISLATION NATIONALE

Parmi les droits et obligations qu'elle définit, la convention précise pour certains d'entre eux qu'ils sont mis en oeuvre dans le cadre de la législation nationale de l'Etat signataire. Au regard du droit français, cette distinction revêt une importance décisive : seule cette catégorie de disposition suppose au préalable une adaptation de notre législation intérieure, les autres dispositions présentent quant à elles un effet direct en droit interne . En d'autres termes, si le droit interne n'a pas prévu des droits ou obligations similaires, ces dispositions s'appliquent directement sans que leur intégration dans le droit national soit nécessaire. Elles peuvent être directement invocables devant les tribunaux français.

Notre pays dispose déjà d'un corpus important de textes en matière d'environnement. Toutefois, il apparaît, sur certains points, plus restrictif que la convention d'Aarhus. Ainsi les obligations déterminées par la convention s'appliquent à l'ensemble des administrations, alors que, jusqu'à présent, l'obligation de transparence ne pèse en France que sur les services publics directement concernés par les questions d'environnement.

- L'accès à l'information

Plus explicite que notre législation nationale, certaines des dispositions de la convention relative au droit à l'information seront d'effet direct : il pourrait en être ainsi du délai d'un mois prévu par la convention alors que notre droit interne fixe un délai de deux mois.

Cependant le droit français répond, pour l'essentiel, aux exigences de la convention. Il est cependant un point sur lequel le gouvernement a souhaité, par une déclaration interprétative préciser la portée de la convention : le secret commercial et industriel . La convention prévoit qu'un document peut être refusé lorsque ce « secret est protégé par la loi pour défendre un intérêt économique légitime ». Toutefois, « dans ce cadre, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l'environnement doivent être divulguées ». Si de nombreuses dispositions de notre droit prévoient la communication périodique des émissions polluantes dans l'air, dans l'eau ou dans d'autres milieux, la commission d'accès aux documents administratifs refuse systématiquement la communication du relevé de rejets gazeux, liquides ou solides lorsque ces derniers ne présentent pas un caractère suffisamment agrégé et que leur analyse conduirait à révéler des procédés de fabrication ou des données de production de l'établissement en cause. A titre d'exemple, les relevés individualisés d'analyse d'effluents d'une usine ne sont pas communicables au public car le détail de la composition des effluents pourrait révéler des procédés de fabrication utilisés dans l'établissement en cause (CADA, 29 novembre 1984, Clément).

Aussi était-il en effet nécessaire que notre pays rappelle que la communication des données relatives aux émissions se fasse sur la base de la pratique juridique nationale établie. Au reste, cette interprétation ne contredit pas la lettre du traité mais en précise seulement la portée pour la France, sur ce point.

- La participation du public

La participation du public est prévue en droit français mais présente une portée plus limitée que les dispositions prévues par la convention.

En particulier, l'obligation d'une consultation « très en amont » du public n'a pas d'équivalent dans le droit français, sauf pour les grands projets.

Certes, la loi relative à la démocratisation des enquêtes publiques et la protection de l'environnement -n° 83-630 du 12 juillet 1983- organise la participation du public lors du processus décisionnel (le décret d'application du 23 avril 1985 prévoit notamment que le commissaire enquêteur dispose de la faculté d'organiser des réunions publiques). Si le champ d'application de ces procédures apparaît étendu, en revanche les modalités d'intervention du public ont été considérées comme trop tardives et insuffisamment participatives.

La loi Barnier n° 95-101 du 2 février 1995 a, quant à elle, créé une Commission du débat public et favorisé une participation du public plus précoce mais son champ d'application, borné aux grands projets, est plus restreint que celui de l'enquête publique. Depuis 1997, sur une vingtaine de saisines de la commission du débat public, quatre seulement ont donné lieu à l'organisation d'un débat public.

La loi relative à la démocratie de proximité élargit le champ du débat public : elle abaisse les seuils de saisine et transforme la Commission nationale du débat public en autorité administrative indépendante. Ces modifications pourraient aboutir à l'organisation d'une vingtaine de débats par an.

S'agissant de l'accès à la justice, le droit français apparaît conforme aux exigences de la convention. En effet, le juge administratif dispose depuis 1995 d'un véritable pouvoir d'information. En outre, la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives a renforcé les possibilités d'obtenir la suspension d'une décision administrative.

Il ne faut pas par ailleurs sous-estimer l'effort financier et humain -même s'il est difficile à évaluer- que l'administration devra engager notamment pour appliquer la convention, en particulier pour fournir les documents qui pourraient lui être demandés.

CONCLUSION

La convention d'Aarhus se singularise par la précision des droits et obligations qu'elle fixe. L'effort d'adaptation législatif et réglementaire engagé par la France n'est pas achevé. A ce titre, la ratification de la convention peut être une source de contentieux ou, du moins, de revendications vis-à-vis des pouvoirs publics.

L'entrée en vigueur de la convention n'en apparaît pas moins très opportune. D'abord, elle permet de promouvoir la démocratie participative qui représente sans doute -malgré les exigences qu'elle implique pour les autorités- le garde-fou le plus solide contre les dérives de la technocratie et des pratiques unilatérales.

Ensuite, la convention a été signée par un grand nombre de pays d'Europe centrale et orientale. Certains, comme la Pologne, ont d'ores et déjà aménagé leur législation intérieure (adoption en septembre 2001 d'une nouvelle loi sur l'accès à l'information environnementale, l'accès à la justice et la mise en place de sanctions à l'encontre des fonctionnaires qui refusent de communiquer des informations). Aussi ce texte peut-il contribuer à éviter le « dumping » écologique qui conduirait à favoriser l'installation ou le développement d'activités polluantes dans des pays déjà passablement éprouvés par les dégradations de l'environnement.

C'est pourquoi votre commission vous invite à adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi lors de sa séance du 19 février 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Rouvière a estimé que les nuisances liées au trafic aérien apparaissaient davantage liées aux approches des aéroports qu'aux couloirs aériens eux-mêmes.

M. Christian de La Malène, après avoir observé que la convention d'Aarhus constituait un héritage tardif de la Conférence d'Helsinki, s'est interrogé sur les conditions de transposition de ce texte dans notre droit interne, ainsi que sur sa portée effective, compte tenu notamment, du refus des Etats-Unis de participer à la négociation de l'accord.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité obtenir de précisions sur les relations entre les couloirs aériens et les atteintes à l'environnement, et sur l'absence des Etats-Unis lors de la négociation de la convention.

M. Michel Pelchat est revenu sur les problèmes soulevés par la définition des nouveaux couloirs envisagés pour l'approche des pistes des aéroports de Paris en regrettant que l'administration cherche à imposer, en la matière, des formules qui n'apparaissaient pas compatibles avec la sauvegarde de l'environnement. S'agissant de la position des Etats-Unis vis-à-vis de la convention, il a rappelé que ce pays refusait généralement de souscrire des obligations que pourrait impliquer la participation à un processus multilatéral.

La commission a alors approuvé le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes), signée à Aarhus le 25 juin 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2 ( * )

Etat de droit et situation de fait et leurs insuffisances

Cette convention est essentiellement un texte d'harmonisation. Elle interfère avec un très grand nombre de dispositions nationales, notamment législatives, et pas seulement du droit de l'environnement mais aussi du droit administratif et de la procédure contentieuse en général. Une analyse très détaillée de ces incidences et contrariétés éventuelles est donc nécessaire. Par souci de clarté, cette analyse détaillée est renvoyée dans un tableau comparatif article par article et alinéa par alinéa, annexé à l'étude d'impact. Les développements ci-dessous visent à en donner une synthèse.

En ce qui concerne l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, le droit en vigueur, tant au niveau français que communautaire est particulièrement fourni, mais pas seulement spécifique à matière environnementale.

Sans fixer de normes précises en matière environnementale, le droit international en vigueur comporte de nombreuses références à un principe général d'information et de sensibilisation du public.

Ainsi la Convention de Berne du 19 septembre 1979 (ratifiée par la France en 1990), relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe dispose dans son article 3, paragraphe 3, que « les parties contractantes encouragent l'éducation et la diffusion d'informations générales concernant la nécessité de conserver des espèces de la flore et de la faune sauvage ainsi que de leur habitat ». La Convention d'Helsinki du 13 février 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux prévoit dans son article 16 une information du public sur la qualité de l'eau et les autorisations délivrées. La Convention-cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992 dispose, quant à elle, dans son article 6 qu'une promotion de l'éducation, la formation et la sensibilisation du public doivent être mises en oeuvre. Enfin, une recommandation de l'OCDE adoptée par le Conseil le 11 mai 1976 sur l'égalité d'accès à la justice en matière de pollution transfrontalière (C(76)55(Final)) dispose que lorsque le droit interne d'un pays permet à des associations d'engager des actions pour la sauvegarde des intérêts qu'elles ont mission de défendre en matière d'environnement, ce pays doit consentir les mêmes droits à des associations domiciliées dans des pays étrangers concernés par la pollution.

A l'échelle européenne, la convention d'Aarhus vient développer de manière systématique les thèmes de l'information et de la participation, déjà abordés dans ces textes, et harmoniser le droit qui leur est appliqué. Le droit communautaire en vigueur comporte de nombreux éléments qui rejoignent la convention d'Aarhus. Ainsi la directive n° 90/313 du Conseil du 7 mai 1990 traite de la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. Elle pose des exigences relativement proches de la Convention, qui s'en est d'ailleurs inspirée, même si celles-ci divergent sur certains points. La conception « de l'information sur l'environnement » est un peu plus étendue dans la définition de la Convention que dans celle de la directive. D'autre part, la directive prévoit la communication des documents dans un délai de 2 mois au plus avec un refus qui doit être motivé, alors que la convention prévoit un délai d'un mois.

En ce qui concerne le second volet de la Convention la directive 85/337 sur l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement (révisée par la directive 97/11) contribue à la participation du public au processus décisionnel dans le sens souhaité par la convention. D'autre part la directive sur la prévention et la réduction intégrées de la pollution (IPPC, n° 96/61 du 24 septembre 1996) comporte une disposition dans ce sens, dans son article 15 sur l'accès à l'information et participation du public à la procédure d'autorisation.

Pour ce qui est du troisième volet de la convention, la directive 90/313 dispose dans son article 4 que des recours doivent être possibles devant les instances judiciaires ou administratives en cas de refus de communication abusif. Les dispositions du droit communautaire vont, sur ce point, dans le même sens que la Convention. Notons que la Commission a engagé un processus de révision de la directive 90/3132 pour la mettre en conformité avec la Convention.

En ce qui concerne le droit français, un éventail de textes, tant législatifs que réglementaires, régissent l'accès des citoyens à l'information.

Tout d'abord, la loi Barnier, n° 95-101 du 2 février 1995 consacre un principe général de « participation selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses » (voir article L 200-1 du nouveau code rural).

La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, est connue sous le nom de loi CADA. Cette dernière garantit le libre accès aux documents administratifs, et concerne donc les documents relatifs à l'environnement. De plus, elle crée une autorité administrative indépendante qui s'inscrit parfaitement dans le cadre de la Convention d'Aarhus (voir article 9 paragraphe 1 al. 2 de la Convention). Pour ce qui est du délai de réponse, la loi CADA (art. 7) prévoit un mois, avec un refus exprès et motivé ou à défaut tacite à l'expiration de ce délai (décret 88-465 du 28 avril 1988), comme la Convention, qui prévoit un délai d'un mois, prorogeable (art. 4, paragraphe 7) mais exclut le refus tacite. Toutefois, la possibilité de demander la motivation de ce refus tacite dans un délai d'un mois est offerte par la loi 79-587(art. 5) du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public. Cependant sur certains points la loi CADA, texte le plus général en la matière, est plus restrictive que la Convention d'Aarhus ainsi que la directive 90/313 CEE portant sur le même sujet. Une modification législative est en cours pour compléter le droit applicable à la communication d'information environnementale et se mettre en conformité, simultanément, avec la Convention et la directive 90/313. Elle tient compte des modifications apportées à cette loi CADA par la loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration du 12 avril 2000.

En ce qui concerne le rassemblement et la diffusion des informations tels que prévus à l'article 5, les organismes spécialisés français sont à même de répondre aux exigences de la Convention en ce qui concerne l'Etat. La France s'est en effet dotée d'un organisme spécifique, l'IFEN, dont la vocation est de rassembler, diffuser et valider les informations sur l'environnement. Avec un budget de 37,5 millions de francs, il publie des données sur l'environnement et effectue des recherches et travaux portant sur ces questions de données environnementales. Il possède un fond documentaire de 52 000 références et effectue un recensement des données statistiques relatives à l'environnement. Les registres des DRIRE constituent de même une source importante d'informations concernant l'environnement, dont l'essentiel est publié dans un annuaire sur les principaux pollueurs de France. Un développement de ces informations sur le réseau Internet est souhaitable. Le ministère de l'Environnement enrichit continuellement son site Internent.

De plus, des lois et décrets spécifiques prévoient une communication et une publicité de certains documents dans des domaines spécifiques de l'environnement. Ainsi la loi sur l'eau, n° 92-3 et le décret 94-481 prévoient un affichage et une communication de certains documents concernant la qualité de l'eau. Il en va de même pour la loi sur l'air, n° 96-1236 et le décret n° 98-360, ainsi que sur les déchets avec la loi n° 75-633 (modifiée par les lois 88-126 et 92-646) et le décret 93-1410. En matière de pollution sonore, les décrets 95-21 et 95-22 prévoient l'information du public sur le bruit, le recensement des infrastructures affectées par le bruit ainsi que les niveaux sonores à prendre en compte. Sur les risques majeurs, le décret 90-918 du 11 octobre 1990 relatif à l'exercice du droit d'information sur les risques majeurs, donne une définition large de l'information donnée au citoyen et prévoit également une information active par affichage ainsi que la possibilité de consulter le dossier en mairie. Enfin, en matière de contrôle des produits chimiques, la loi 77-771 du 17 juillet 1977 modifiée par la loi 82-905 du 21 octobre 1982 impose notamment au producteur ou importateur l'obligation de fournir à l'administration toute information sur les effets des substances chimiques vis-à-vis de l'homme et de l'environnement, et d'établir une fiche de renseignement pour le public.

Ces textes consacrent une démarche active d'information du public par la mise à disposition d'une information non sollicitée et rassemblée à cette foin. Notre droit comporte donc de nombreux éléments répondant aux exigences de la Convention.

En ce qui concerne le second volet de la Convention, à savoir la participation du public au processus décisionnel, le droit français en vigueur est également développé.

En matière environnementale, la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, ainsi que le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1997, prévoient une communication au public, notamment au travers des études d'impact préalables à la réalisation de certains projets d'aménagement ayant une influence sur l'environnement.

D'autre part, la loi relative à la démocratisation des enquêtes publiques et la protection de l'environnement, n° 83-630 du 12 juillet 1983, ainsi que son décret d'application (n° 85-453), organisent la participation du public lors du processus décisionnel. La présence d'un commissaire enquêteur possédant de bonnes connaissances des problèmes de l'environnement est un gage de crédibilité de l'enquête. Il s'attache à recueillir l'ensemble des appréciations, suggestions et contre-propositions du public, qui sont consignées dans un registre. Selon l'article 18 du décret du 23 avril 1985, le commissaire enquêteur dispose de la possibilité d'organiser des réunions publiques. Le rapport du commissaire enquêteur est public et toute personne peut en obtenir communication. L'articulation entre les études d'impact et les enquêtes publiques permettent une participation effective des citoyens. Leurs champs d'application sont très larges (annexe du décret du 12 décembre 1977).

De plus, la loi Barnier, n° 95-101 du 2 février 1995, ainsi que le décret n° 96-388 du 10 mai 1996, en créant la Commission du Débat Public renforce la participation de ce public au processus décisionnel en ce qui concerne les grands projets. Les associations agréées sont appelées à participer à l'action des organismes publics concernés par l'environnement. Le champ d'application de la Commission du Débat Public est plus restreint (voir décret n° 96-388) que celui de l'enquête publique, car il ne s'applique qu'aux travaux d'une grande importance. La participation du public y est à la fois réelle et précoce, ce qui correspond aux exigences de la Convention.

Ces procédures laissent cependant encore subsister des insuffisances au regard de la Convention. Le débat public se place bien en amont, conformément à l'article 6, paragraphe 2 et 4, mais son champ d'application est restreint. La procédure d'enquête publique est contestée en tant qu'elle est insuffisamment participative et intervient trop tard par rapport à la décision. Cette notion de consultation en amont est soulignée par la Convention aux paragraphes 2, 4 et 5 de l'article 6.

Enfin, les règles générales relatives aux rapports d'enquêtes publiques et à la motivation des actes administratifs pourraient être contestées au regard des exigences des paragraphes 8 et 9 de ce même article.

Enfin, en ce qui concerne le troisième volet de la Convention, à avoir l'accès à la justice, notre droit est complet et donc compatible avec l'Accord.

La notion d'intérêt pour agir est laissée à l'appréciation de notre droit interne. Les associations agréées se sont vu reconnaître un droit d'action en justice très facilité, leur intérêt pour agir, étant supposé, est établi dès qu'elles remplissent les conditions de l'agrément (art. L. 252-4 du code rural). Ces associations agréées suivant les modalités de la loi Barnier bénéficient de différentes voies de recours : exercer les droits reconnus à la partie civile devant la juridiction judiciaire, pénale ou civile en cas d'infraction à certaines dispositions législatives ou réglementaires (relatives à l'environnement) à condition que les faits constituant l'infraction portent préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs que l'association défend. Mais elles ont aussi la possibilité d'exercer un recours devant le tribunal administratif (art. 8 de la loi 95-101 du 2 février 1995) et de mener une action en représentation conjointe (art. 5 IV de la loi 95-101).

S'agissant des associations étrangères, elles ont un accès égal aux juridictions françaises en vertu des principes de notre droit (non-discrimination). En revanche, elles ne semblent pas pouvoir bénéficier de l'agrément et donc des facilités qui y sont attachées. Concernant les particuliers, notre droit et sa jurisprudence justifient assez largement l'intérêt à agir de ces personnes. Ce dernier est admis facilement.

D'autre part, aucun problème particulier n'est à noter quant à la contestation des actes privés, étant donné que les recours nécessaires existent en droit national, chaque fois qu'il y a infraction à la législation, tant devant les juridictions civiles, que pénales ou administratives. En ce qui concerne les informations concernant les voies de recours, depuis le décret 83-1025 relatif à l'amélioration des relations entre l'administration et les usagers, l'information doit être formulée à chaque demande. Le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 sur les délais de recours en matière administrative limite leur opposabilité à la condition d'avoir été mentionnés dans la décision. En ce qui concerne l'accès à la justice et le coût des procédures, le droit français, notamment administratif, est parmi les plus favorables. Certaines pratiques devront continuer à évoluer vers une plus grande transparence.

L'approbation de la Convention implique diverses mesures de mise en conformité, et ce, tant au plan législatif que réglementaire. La transposition de la directive 90/313 implique de même des mesures nouvelles. Deux modifications législatives principales s'imposent.

Si à l'heure actuelle notre législation semble particulièrement protectrice du droit d'accès à l'information, la pratique administrative, ainsi que la difficulté d'agir des personnes privées, montrent la nécessité de cette réforme. Les informations qui pourront être mises à disposition devront être plus nombreuses de manière à être en adéquation avec la Convention qui retient une définition plus large du concept d'informations relatives à l'environnement, alors que notre droit se borne aux documents administratifs. La Convention peut produire des effets directs au bénéfice du public concerné, notamment dans la communication des informations sous la forme demandée, l'obligation pour l'administration de réorienter la demande, et l'obligation de répondre avec motivation aux demandes effectuées.

Dans ce con texte, et dans l'optique de la transposition de la directive 90/313, une réforme ou un complément de la loi CADA sont nécessaires, et devrait autant que possible aboutir avant l'entrée en vigueur de la Convention. L'option retenue par le Gouvernement dans le cadre de l'ordonnance DDAC environnement consiste en l'adoption d'un texte propre à l'accès à l'information en matière d'environnement, qui reprend l'ensemble de la directive 90/313.

L'amélioration de procédures participatives passe par une réforme législative dans les procédures d'enquêtes publiques et globalement dans la participation du public au processus décisionnel, principalement pour renforcer le caractère précoce, au cours de l'instruction, de la participation du public, lorsque des options diverses peuvent être discutées. Cette question est l'un des thèmes du rapport Questiaux qui doit aboutir à une réforme de la procédure de déclaration d'utilité publique. Cette réforme portera aussi sur la prise en compte effective des remarques du public, et la communication des motifs de la décision finale (art. 6, paragraphes 8, 9 et 10) ainsi que sur le suivi de ces décisions, comme annoncé dans la communication au Conseil des ministres du 27 septembre 2000.

Compte tenu de la généralité des termes employés et de la souplesse laissée à l'application de l'article 7 (le terme « pratique » ici signifie que l'on n'est pas tenu de légiférer), ce volet de la Convention sera mis en oeuvre en même temps que la transposition de la directive CE « Plans Programmes » en cours de discussion, et pas encore publiée à ce jour.

En ce qui concerne les dispositions réglementaires ou normatives, l'article 8 ne s'applique pas aux dispositions législatives. La pratique en matière de publication va devoir évoluer dans la ligne de ce qui se fait depuis longtemps au niveau communautaire (publication des propositions de directives en particulier), ou à l'étranger. Dans un premier temps, le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement met en place un système de publication des projets de textes via son site Internet. S'agissant du recueil des observations, le texte réserve l'option des organes consultatifs, représentatifs, très largement pratiquée dans le droit de l'environnement (conseil national de l'eau, conseil national de protection de la nature, conseil supérieur des installations classées, conseils consultatifs départementaux, ou conseils consultatifs plus locaux ou plus informels, tels les comités de suivi d'un site Natura 2000...). Les procédures de consultations plus étendues du public, qui restent à concevoir, pourront se développer progressivement.

Les réformes législatives envisagées sont exigées aussi bien par la mise en oeuvre de la Convention que par la transposition en cours de directives sur des sujets connexes. Ce travail législatif sera mené en parallèle à l'approbation de la Convention. Les modifications législatives nécessiteront l'adaptation corrélative des textes d'application. Dans la mesure du possible les réformes réglementaires seront mises en oeuvre avant la ratification. Elles se feront, autant que possible, en même temps que la transposition de directives. Les réformes de niveau législatif pourront se poursuivre après la ratification, et devraient aboutir avant l'entrée en vigueur de la Convention.

De cette manière, on obtiendrait dans un premier temps un droit national compatible avec la Convention, puis dans un second temps une conformité. La Convention introduit en fait une certaine dynamique de révision et reconsidération de nos textes mais aussi de nos pratiques qui devront évoluer à la lumière de l'esprit du texte, et pas seulement de ces dispositions. Son application ne pourra être qu'un facteur supplémentaire agissant en faveur de cette évolution.

La présente Convention a vocation à s'appliquer dans les DOM. Aucune raison ne justifie un régime dérogatoire pour ces départements, au regard du principe d'égalité devant les droits. Elle a, de même, vocation à s'appliquer à Mayotte et dans les terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna possèdent chacune, en application de leurs textes statutaires, une compétence générale en matière d'environnement. Par ailleurs, la plupart des textes qui permettraient une application quasi automatique de la Convention en métropole (dispositions pertinentes de la loi sur l'air, de la loi sur l'eau, du code de l'environnement, de la loi DCRA...) ne sont pas applicables dans ces territoires. Une extension de cette Convention dans ces territoires imposerait donc aux autorités locales l'obligation de prendre un très grand nombre de textes d'application et nécessiterait de très importants moyens humains et financiers(création d'instituts locaux sur le modèle de l'IFEN...° que ces collectivités ne possèdent pas. Le risque est donc la non-application en pratique de la Convention dans ces territoires. Consultées sur ces points, les assemblées locales ont confirmé cette analyse. C'est pourquoi une réserve de non-applicabilité territoriale, concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna, sera émise conjointement au dépôt des instruments de ratification.

- Bénéfices escomptés en matière

d'emploi

L'application de la Convention d'Aarhus nécessitera des moyens humains supplémentaires de manière à traiter les demandes d'information d'une manière plus appropriée. C'est en particulier le cas des dispositions générales de la Convention (article 3) qui nécessitent l'existence, dans les administrations de tout niveau, de fonctionnaires chargés du conseil au public. L'éducation du public implique la formation de personnel et une mise en oeuvre de moyens financiers significatifs de manière à ce que cette éducation du public ainsi que l'information sur ses droits soient effectives.

Tout en fixant des principes généraux, la Convention ne fixe aucune norme obligatoire précise qui puisse permettre un chiffrage précis. En ce qui concerne l'Etat, l'IFEN répond pour l'essentiel aux exigences de la Convention, ce qui n'entraîne pas de charge supplémentaire. En revanche, pour les collectivités décentralisées, tenues aux mêmes obligations, la Convention peut impliquer progressivement le développement de leurs moyens. Une attention particulière devra être portée sur les possibilités offertes par le réseau Internet qui permet de développer à grande échelle la communication pour des coûts limités.

Les exigences d'assistance judiciaire ne sont pas formulées en termes assez précis pour impliquer en elles-mêmes des charges directes. Cependant, la dynamique de la Convention pourra contribuer au développement déjà observé du contentieux lié à l'environnement.

d'intérêt général

La Convention d'Aarhus crée une dynamique qui va totalement dans le sens de la transparence et de la réforme de l'Etat. Les droits garantis satisfont à une attente très forte du public et en particulier du monde associatif. En effet, les associations intéressées par l'environnement ont d'ailleurs été associées à la négociation lors d'une réunion d'information et les diverses associations européennes ont aussi été très présentes aux causes de la négociation.

d'incidences financières

La Convention en tant que telle ne crée aucune obligation nouvelle à la charge des entreprises, mais seulement aux autorités publiques (articles 2, 4 et 5). Une disposition intéresse particulièrement les entreprises industrielles, celle relative au secret industriel et commercial, dont la formulation met en balance les exigences de ce secret et l'intérêt de certaines données essentielles pour l'environnement. Cette formulation n'est pas différente, dans son esprit, de la jurisprudence française en vigueur : celle-ci dispose que les données globales, notamment en moyenne annuelle, sur les émissions industrielles sont communicables car ce sont elles qui sont significatives sur le plan de l'impact environnemental. En revanche, le détail des données journalières ou horaires ne peut être exigé au titre du droit à l'information, car il est souvent révélateur des processus industriels, et est non pertinent du point de vue de l'environnement. La déclaration interprétative envisagée par le gouvernement français n'a pour but que de confirmer cette interprétation conforme à la jurisprudence française, là où les termes de la Convention sont succincts.

La Convention n'a pas d'impact budgétaire direct chiffrable sur le budget de l'Etat. Cependant, d'une manière générale, indirecte et non chiffrable, elle implique progressivement de consacrer des moyens supplémentaires à l'information du public dans les administrations de l'Etat et les collectivités locales.

de simplification de formalités administratives

La Convention et sa mise en oeuvre n'impliquent pas de nouvelles formalités administratives, et donc de ce point de vue, n'est pas un facteur de complexité supplémentaire. Il faudra cependant organiser des méthodes de suivi de la convention qui permettent de faire un bilan de son application.

de complexité de l'ordonnancement juridique

Néant.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 210 (2001-2002).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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