Rapport n° 254 (2001-2002) de M. Didier BOULAUD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 20 février 2002

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N° 254

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 février 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense ,

Par M. Didier BOULAUD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 102 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Dès le 24 mai 1991 , soit moins de dix-huit mois après l'effondrement du régime communiste, la Roumanie signait avec la France un arrangement administratif entre leurs ministères de la défense . Cet accord, visant à jeter les bases d'une coopération militaire, était conforté par la conclusion entre Paris et Bucarest, le 20 novembre suivant, d'un traité d'entente amicale et de coopération.

Puis le développement de la coopération militaire entre les deux Etats s'est suffisamment accru pour requérir un cadre stable, clair et exhaustif. C'est la raison pour laquelle le présent accord, qui se substitue à l'arrangement administratif de 1991, a été signé le 24 octobre 1998.

Totalement déstructurée par le régime instauré par Nicolae Ceaucescu, la société roumaine peine à se relever, et aspire vivement à un solide ancrage à l'ouest . Cette perspective passe, aux yeux des Roumains, par l'intégration dans l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), puis, ultérieurement, par l'adhésion à l'Union européenne.

Le soutien de la France lui est acquis, et c'est dans ce contexte qu'il faut apprécier le présent accord de défense.

I. LE DÉSASTRE ROUMAIN

A. UN RÉGIME CARICATURAL ET INCAPABLE : 1945-1989

La situation actuelle de la Roumanie ne peut se comprendre sans un bref rappel de son évolution depuis la deuxième guerre mondiale.

Le Parti ouvrier roumain, appuyé par l'Armée rouge qui occupe alors le pays, contraint en 1947 à l'abdication et à l'exil le roi Michel, qui avait pourtant combattu les forces allemandes.

Bien que très minoritaire, le parti ouvrier roumain -il ne s'appellera « communiste » qu'en 1965-, occupe rapidement tous les postes-clé, et porte en 1965 au poste de secrétaire général, puis en 1967 à celui de président du Conseil d'Etat (chef du gouvernement), un de ses dirigeants zélés, Nicolae CEAUCESCU.

Habile politique, celui-ci gagne une certaine sympathie en Occident, par les distances prises avec Moscou, et notamment avec la condamnation de l'étouffement de la révolte de Prague par les forces du Pacte de Varsovie, durant l'été 1968.

Cette relative indépendance à l'extérieur se double, à l'intérieur, d'un régime dont le caractère politiquement répressif , sous la pression de la police politique, la Sécuritate, et d'un absurde dirigisme économique (culminant dans la politique de « systématisation » entreprise vers 1980, et visant à refonder l'homme communiste en modifiant son cadre de vie 1 ( * ) ) ne pourrait être pleinement décrit que par la plume d'un IONESCO.

La population de ce pays naguère prospère, au moins sur le plan agricole, se voit imposer des restrictions drastiques en matière énergétique et alimentaire, pour rembourser la dette extérieure. Puis une brusque volte-face en matière de politique de contrôle des naissances est décidée, qui conduit à la multiplication des abandons d'enfants.

C'est un pays exsangue, et qui vit dans un climat de méfiance généralisée, qui est touché en décembre 1989 pour les contre-coups de l'ouverture du mur de Berlin.

Le couple CEAUCESCU (Nicolae et sa femme Elena, dont l'action avait probablement accentué la dureté du régime) sont fusillés à l'issue d'un procès expéditif, sans que cette exécution prélude à une véritable alternance.

B. UNE DIFFICILE DÉMOCRATISATION DEPUIS 1990

Le Front du salut national, qui regroupe nombre de cadres de l'ancien parti communiste, remporte les législatives de 1990, et l'ancien ministre de CEAUCESCU, Ion ILLIESCU, les présidentielles, la même année.

Cependant, le regroupement d'une nébuleuse de petits partis libéraux permet l'élection, à la présidentielle de 1996, de leur représentant, Emil CONSTANTINESCU. Ce dernier obtient du Conseil européen d'Helsinski, réuni en décembre 1999, la décision d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Roumanie en mars 2000.

Mais, cette satisfaction de principe n'occulte pas les conséquences, sur la population, de la récession dans laquelle le pays est entré en 1997 et, à la fin de l'année 2000, les élections présidentielles ramènent au pouvoir Ion ILLESCU, et le « parti de la démocratie sociale », ex-communiste, remporte la majorité des sièges lors des législatives qui suivent.

II. LE PRÉSENT ACCORD VISE À APPUYER LES EFFORTS DE RESTRUCTURATION DE L'ARMÉE ROUMAINE

A. UNE PROXIMITÉ FRANCO-ROUMAINE QUI REMONTE AU XIXÈME SIÈCLE

La proximité de la France avec la Roumanie découle du rôle joué par Napoléon III dans la création de l'Etat roumain, puis du choix anti-allemand des deux pays durant la Première guerre mondiale. La proximité linguistique et culturelle est à son apogée entre les deux guerres mondiales, et Bucarest alors surnommé « le petit Paris ».

Malgré l'instauration du régime communiste, la diplomatie originale envers Moscou conduite par Ceaucescu séduit certains dirigeants occidentaux, dont le général de Gaulle, qui se rend en Roumanie au printemps 1968.

Parallèlement à ces liens politiques et culturels, les relations économiques sont soutenues , notamment grâce à l'implantation en Roumanie d'usines de construction automobiles sous l'égide de la société Renault .

Ces relations multiples, qui s'étaient considérablement altérées dans les années 1980, ont repris un nouvel essor avec le tournant de 1989.

Aujourd'hui, la France est au premier rang des investisseurs, et au troisième rang des partenaires commerciaux (derrière l'Italie et l'Allemagne).

Les principaux éléments de la géographie et de l'économie roumaine sont regroupés dans le tableau suivant :

I. Données géographiques et humaines

Superficie en km2 237.500

Population 22.500.000

Capitale : Bucarest 2.330.000

Densité (hab/km2) 96,8

Nationalités : Roumains 89 % - Hongrois 8 % - Allemands 0,5 % - Serbes 0,1 % - Tziganes : de 1 à 2 millions.

Confessions : Orthodoxes 86,8 % - Catholiques 5 % - Protestants 3,5 % - Uniates 2 % - Juifs : 10.000.

Francophoni e : 25 % de locuteurs, 2,2 millions d'apprenants, soit 50 % des effectifs scolarisés (contre 33 % pour l'anglais).

II. Données économiques

Indicateurs macro-économiques

1996

1997

1998

1999

2000

Taux de croissance (en % du PIB)

3,9

- 6,9

- 7,3

- 4

1,8

Taux d'inflation (en % du PIB)

57

151

40

54

41

Taux de chômage (en % de la pop. Active)

6,3

8,8

10,3

12

13

Dette extérieure (en % du PIB)

23

26,5

29

27

28

Taux de change (lei/$)

3 020

8 030

10 950

18 260

21 570

Structure de la production : Primaire 20 % - Secondaire 43 % - Tertiaire 37 %.

Part du secteur privé dans la formation du PIB : 60 % (1999).

Economie parallèle : environ 50 % du PIB.

PNB/hab à parité de pouvoir d'achat : 1 700 euros, soit 25 % de la moyenne communautaire .

1996

1997

1998

1999

2000

Principaux fournisseurs

Italie (19 %)

Allemagne (15 %)

Russie (8,5 %)

France (6 %)

Royaume-Uni (4 %)

Principaux clients

Italie (22,5 %)

Allemagne (16 %)

France (7 %)

Turquie (6 %)

Royaume-Uni (5 %)

Il faut souligner, dans la composition de la population, l'existence d'une forte minorité hongroise, qui a, pendant longtemps, engendré des tensions avec Budapest.

Les relations entre les deux pays semblent s'être apaisées avec les garanties accordées à la minorité hongroise en matière d'autonomie culturelle.

En matière économique, l'inflation et la place importante occupée par l'économie « parallèle » demeurent préoccupantes.

B. UN ACCORD DE DÉFENSE QUI VISE À APPUYER L'INTÉGRATION DE LA ROUMANIE DANS L'OTAN

Parallèlement aux larges réformes structurelles requises pour une adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, soutenue activement par la France, et évoquée pour la « deuxième vague » de l'élargissement prévu pour 2007, les autorités de Bucarest accomplissent de notables efforts pour être intégrée dans l'OTAN.

Un sondage effectué au printemps 2001 faisait ressortir que 85 % de la population roumaine, ainsi que tous les groupes politiques représentés au Parlement étaient favorables à cette adhésion.

Dans cette perspective, la Roumanie a été le premier pays, en 1994, à rejoindre le « Partenariat pour la Paix » (P.P.P.) , qui constitue un « premier cercle » de mise en ordre des structures militaires des pays intéressés, avant l'examen formel de leur candidature.

Le prochain sommet de l'OTAN qui se réunira à Prague, à l'automne 2002, sera l'occasion d'examiner plusieurs candidatures, dont celles des pays baltes, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Roumanie et de la Bulgarie, notamment.

1. Un appui à la restructuration des forces armées

Quelle que soit l'issue de cette réunion, les éléments contenus dans le présent accord de défense apportent un cadre clair et stable à la coopération militaire entre la France et la Roumanie, qui s'est beaucoup développée depuis une dizaine d'années.

Le ministère des affaires étrangères récapitule dans les termes suivants cette coopération :

« En 1991, le nombre d'actions de coopération s'est limité à neuf. Il a augmenté de manière progressive, jusqu'à ce que le conseil de défense du 3 mars 1998 décide de transférer une partie des crédits de la coopération militaire et de défense vers les Pays d'Europe Continentale et Orientale, et donne à la Roumanie une priorité dans ce domaine, parmi ces pays. »

Cette décision a donc abouti à un accroissement sensible de notre action en Roumanie. Celle-ci est axée :

- sur la formation des jeunes officiers dans les écoles françaises, qui s'appuie sur un important dispositif d'enseignement du français en milieu militaire en Roumanie,

- sur la participation à un projet bilatéral de création d'une école d'application des officiers de gendarmerie , à vocation régionale, qui s'ouvre sur une coopération étroite entre les deux gendarmeries,

- sur la présence de 4 officiers coopérants au sein des principaux états-majors du ministère de la défense,

- sur le transfert d'expérience , tant en Roumanie qu'en France,

- sur la participation à des exercices communs.

La progression des échanges franco-roumains en matière militaire est la suivante :

1991 : 9 actions de coopération, dont 3 stagiaires

1992 : 13 stagiaires

1993 : 12 stagiaires

1994 : 7 stagiaires - (1,3 MF)

1995 : 20 stagiaires (1.7 MF) - 1 coopérant

1996 : 8 stagiaires (0.85 MF) - 1 coopérant

1997 : 12 stagiaires (1.3 MF) - 1 coopérant - 2 lectrices de français

1998 (début de la montée en puissance, consécutive aux décisions du conseil de défense) : 80 actions de coopération, dont 32 stagiaires - (2,1MF) - 1 coopérant - 2 lectrices de français

1999 : 90 actions de coopération, dont 42 stagiaires - (4,5 MF) - 1 coopérant - 4 lectrices de français.

2000 : 99 actions de coopération, dont 46 stagiaires - (9 MF) - 4 coopérants au sein des états-majors. 4 lectrices de français dans les institutions militaires du ministère de la défense - Début d'un projet d'école d'application des officiers de gendarmerie (15 MF pour la totalité de la participation française au projet) - 4 coopérants « gendarmerie » - 1 lectrice de français « gendarmerie » .

2001 : 107 actions de coopération, dont 44 stagiaires - (11 MF) - 4 officiers coopérants au sein des états-majors. Lectrices de français dans les institutions militaires du ministère de la défense. Poursuite du projet d'école d'application des officiers de gendarmerie. 4 coopérants. »

Cette coopération, qui s'est considérablement renforcée en dix ans, est motivée par nos liens traditionnels avec la Roumanie, mais également par la place importante occupée par ce pays dans la stabilité du sud-est européen.

L'arrangement administratif de 1991 a facilité ces relations bilatérales, par l'établissement d'une commission mixte, qui se réunissait annuellement, en alternance à Bucarest et à Paris ; la dernière en date s'est tenue du 14 au 17 octobre 2001. Deux axes de travail avaient été retenus : échange de réflexions stratégiques, et examen de l'évolution du plan de coopération.

Cependant, ce cadre limité apparaît désormais insuffisant pour organiser une coopération qui doit encore se renforcer, et se développer sur le terrain interministériel. La France appuie, en effet, tout particulièrement la formation de la gendarmerie , qui relève intégralement du ministère de l'intérieur, en Roumanie.

Ainsi le présent accord de défense a-t-il été établi.

Ses dispositions reprennent celles prévalant dans les accords de ce type conclus par la France.

Il énumère les principaux domaines de coopération : échanges d'informations, d'analyses, formation des personnels, par le biais d'échanges et de stages, comme par des visites réciproques d'officiers d'État-major.

L'accord confirme l'existence et le fonctionnement de la commission militaire mixte, détermine les modalités des exercices militaires communs, et définit le statut des membres du personnel militaire et civil de chacune des Parties de l'Etat d'envoi dans l'Etat d'accueil.

Sur ce point, l'accord précise les modalités de compétences de juridiction dont ce personnel relève.

Les principes de financement de la coopération, fondé sur la réciprocité, sont également déterminés, mais il faut souligner que, du fait de l'inégalité de développement économique des deux pays, cette coopération sera, pour l'essentiel, financée par la France.

Conclu pour une durée indéterminée, l'accord peut être dénoncé à tout moment par notification écrite, et cesse alors de s'appliquer au terme d'un délai de 90 jours.

Dans les faits, cet accord viendra encadrer une coopération déjà très active : ainsi, l'école de gendarmerie que la France a contribué à mettre en place a vu sa première promotion sortir à la fin de l'année 2001 . Cette école a reçu, à titre gratuit, 20 camionnettes tactiques TP 3 Saviem en novembre 2001, et trente-cinq ordinateurs portables ont été remis, le même mois, au directeur des ressources humaines des forces armées roumaines.

Au total, neuf officiers français sont affectés en Roumanie au titre de la coopération militaire.

De nombreuses visites réciproques de haut niveau sont également prévues pour l'année 2002, dont celle du ministre roumain de la défense, et celles du directeur de la Délégation française aux affaires stratégiques et du Chef d'Etat-Major des armées, le général Kelche.

Cependant, la France est en concurrence, dans la formation militaire pour cette zone, avec l'Allemagne, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Il s'agit notamment de restructurer l'armée, dont les effectifs sont trop nombreux et peu entraînés. On évalue l'armée de terre à 106.000 hommes, -auxquels s'ajoutent environ 76.000 hommes des forces para-militaires-, la marine à 21.000 hommes, et l'aviation à 44.000 hommes.

2. Une extension de l'accord de statut des forces

Le présent accord vise également à l'adoption par les deux pays du statut dit « SOFA PPP » ( Statut of Forces Agreement ), qui constitue le cadre classique prévalant au sein des pays qui aspirent à adhérer à l'OTAN, ainsi qu'à son adaptation au cas spécifique de la coopération franco-roumaine.

a) Le statut « SOFA PPP »

La convention décrivant le contenu du « SOFA PPP » contient six articles.

- les deux premiers stipulent que la convention de Londres du 19 juin 1951 sur le statut des forces des Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord (SOFA OTAN) s'applique aux Etats participant au partenariat pour la paix.

Pour la France, la zone d'application de cet accord recouvre uniquement le territoire métropolitain.

L'article 3 précise que les Etats parties doivent régler leurs éventuels différends par voie de négociations (alors que le statut SOFA OTAN impose le recours à l'arbitrage du Conseil de l'Atlantique Nord). L'article quatre dispose que des arrangements particuliers entre Etats parties peuvent compléter ou modifier la convention. Enfin, les articles quatre et cinq portent sur les conditions de mise en vigueur et de dénonciation de cette convention.

b) Les dispositions spécifiques du présent accord

* prévoyant la coopération de manière très précise (articles 2 à 7), l'accord permet d'organiser des activités ou exercices communs ou conjoints sans nécessairement avoir recours à des arrangements. L'absence de ces dispositions n'empêcherait pas le déroulement de telles activités ou exercices mais nécessiterait, ponctuellement, la conclusion d'arrangements entre Ministres de la Défense. De telles dispositions ne figurent pas dans le SOFA PPP.

* l'article 8 prévoit la mise à disposition, à titre gracieux, des camps d'entraînement militaires et l'hébergement gratuit des membres des forces armées... De telles facilités, qui ne figurent pas dans le SOFA PPP, ne peuvent être accordées sans accord intergouvernemental.

* Les facilités d'entrée et de séjour sur le territoire des parties (dispense de passeport et de visa) sont étendues au personnel civil alors que les SOFA OTAN et PPP ne les prévoient que pour les membres de la force (article III du SOFA OTAN).

* L'article 24 étend le champ d'application de la gratuité des soins. En effet, dans le SOFA OTAN, les membres des forces et leur famille peuvent avoir accès, en cas d'insuffisances des infrastructures de la partie d'envoi, à des soins médicaux ou dentaires dans les mêmes conditions que les personnels de la partie d'accueil. Ici, les dispositions retenues prévoient la gratuité des soins dispensés dans les garnisons ou unités, ainsi que la gratuité des évacuations sanitaires d'urgences primaires par hélicoptères militaires.

* L'article 25 permet, en l'absence d'accord de sécurité, d'échanger, dans le respect des législations nationales, des informations classifiées dans le cadre de la coopération. L'absence de cette disposition aurait considérablement réduit les possibilités de coopération entre les deux Etats.

Ainsi l'accord prévoit-il l'adaptation du statut-cadre SOFA PPP aux spécificités de la coopération militaire entre la France et la Roumanie, ce qui offre le double avantage de s'appuyer sur un cadre général en vigueur dans les pays candidats à l'OTAN, tout en prévoyant les adaptations requises pour les modalités retenues pour nos actions de coopération militaire.

CONCLUSION

Le présent accord de coopération dans le domaine de la défense confère à l'appui croissant apporté par la France à la restructuration de l'armée roumaine un cadre juridique moderne et adapté aux besoins des deux parties.

Il renforce la possibilité d'échange d'informations stratégiques entre les deux pays, et définit le statut des forces des deux pays stationnées sur le territoire de l'autre partie sur le modèle défini par l'OTAN, ce qui offre un cadre éprouvé et largement en vigueur en Europe.

Signé à Bucarest le 24 octobre 1998, cet accord appuie utilement une coopération qui est appelée à encore s'intensifier.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le 20 février 2002 afin d'examiner le présent rapport.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Michel Caldaguès a demandé des précisions sur le don de matériels effectué au profit de la gendarmerie roumaine.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souligné que l'adhésion de ce pays latin et francophone à l'Union européenne était de nature à la rééquilibrer vers le Sud.

Mme Paulette Brisepierre a souligné que la perspective de l'intégration au sein de l'OTAN des trois pays baltes était opportune. Elle s'est inquiétée de ce que la nouvelle diplomatie américaine ne tende à marginaliser le rôle de cette organisation.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'équilibre à établir entre, d'une part, l'élargissement souhaitable de l'Alliance et, d'autre part, le nécessaire souci de ménager la Russie.

En réponse, M. Didier Boulaud a précisé que les crédits affectés à la coopération militaire avec la Roumanie provenaient du budget de la coopération militaire relevant du ministère des affaires étrangères. Il a, par ailleurs, rappelé que la ville de Nevers, dont il est maire, était jumelée depuis 1990 avec la capitale de la province roumaine de Valachie. En conclusion, il a rejoint les observations présentées par Mme Maryse Bergé-Lavigne sur la nécessaire intégration de la Roumanie à l'Union européenne et à l'OTAN.

La commission a alors adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Bucarest le 24 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

ANNEXE I -
ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

- Etat du droit et situation de fiat existants et leurs insuffisances

Les relations de la France avec la Roumanie dans le domaine de la défense étaient fondées sur un arrangement administratif entre le ministre de la défense de la République française et le ministre de la défense nationale de Roumanie relatif à l'instauration d'une coopération entre les ministères français et roumain de la défense, signé le 24 mai 1991.

Depuis cette date, la coopération militaire entre les deux Etats s'est considérablement développée. Ainsi, de 9 actions de coopération en 1991, les deux Etats sont passés à 100 actions pour l'année 2000.

Dès lors, l'arrangement de 1991 s'est rapidement révélé insuffisant. Les formes de coopération prévues étaient d'une part trop limitées et ne pouvaient servir de base à une coopération plus ambitieuse entre les deux Etats et, d'autre part, il était nécessaire d'établi un statut des forces afin que les militaires français en Roumanie bénéficient d'une protection juridique satisfaisante (on rappellera pour mémoire qu'au moment de la signature de l'accord, la France n'avait pas encore ratifié la convention entre les Etats Parties au traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au Partenariat pour la Paix sur le statut de leurs forces, dite « SOFA PPP » faite à Bruxelles le 19 juin 1995. La France a ratifié cette convention le 16 décembre 1999).

- Bénéfices escomptés en matière

* d'emploi : il est très difficile à ce stade d'évaluer l'incidence d'un tel accord en matière d'emploi. Il est cependant probable qu'il contribuera, dans l'intérêt de nos entreprises, à consolider notre présence dans un pays avec lequel nous entretenons une forte tradition d'amitié, et où la France tient d'ailleurs les places de premier investisseur étranger et de troisième partenaire commercial.

* d'intérêt général : le fait d'être lié par un accord durable avec la Roumanie plutôt que par une série d'arrangements ponctuels souligne l'importance que la France attache à la coopération militaire avec cet Etat. Cette attention particulière s'est déjà traduite par le soutien de la France à la candidature roumaine à l'OTAN. Ce soutien, affirmé pour la première fois lors de la visite officielle du Président de la République à Bucarest en février 1997, a été renouvelé lors des sommets de l'OTAN à Madrid en juillet 1997 et à Washington en avril 1999.

En termes de sécurité et de stabilité en Europe, cet accord de coopération ne peut avoir qu'un impact positif, qu'il convient d'apprécier dans la perspective de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne et de son rapprochement de l'OTAN. L'échange de cadres militaires, les sessions d'instructions communes, les rencontres d'état-major et les exercices conjoints sont autant de moyens permettant de renforcer au sein des armées roumaines une culture de l'État de droit et de faire bénéficier ce pays de notre expérience en matière de professionnalisation des armées.

On notera également que cet accord prévoit un certain nombre de dispositions de protection de l'environnement, les parties s'engageant notamment à prendre toutes précautions en ce domaine lors de leurs activités conjointes : transport des véhicules militaires, emploi des carburants les moins polluants possible, attention aux nuisances sonores, élimination des déchets.

* financière : cet accord prévoit des avantages aussi bien pour les forces qui partent faire des exercices communs en Roumanie (art. 8), que pour le personnel militaire et civil de la défense qui effectue une coopération, et qui est amené à rester de manière prolongée sur le territoire de Roumanie (art. 23). Ainsi, lors d'exercices communs, la partie d'origine ne paiera pas la mise à disposition de camps d'entraînement, l'hébergement dans des établissements militaires, les installations et les services aéronautiques sur les aéroports militaires (y compris les opérations de transit), les opérations de sauvetage aérien et maritime et la cartographie de la zone. Par ailleurs, le personnel français qui, dans le cadre de cet accord, s'installe sur le territoire roumain, peut importer ses effets, mobiliers personnels et véhicules motorisés à usage privé en franchise de droits et de taxes pour la durée de son séjour.

* de simplification des formalités administratives : l'article 17 dispense le personnel français de passeport et de visa, facilite le passage à l'entrée ou à la sortie du territoire roumain et précise que ce personnel militaire et civil n'est pas assujetti aux dispositions juridiques relatives à l'enregistrement et au contrôle des étrangers.

* d'ordonnancement juridique : chaque Partie a une juridiction exclusive pour les infractions punies par ses lois et règlements et qui ne le sont pas par la législation de l'autre Partie. En cas de concurrence de juridiction, la partie d'envoi exerce par priorité celle-ci pour les infractions portant atteinte uniquement à sa sûreté, à sa propriété ou à celle d'un de ses personnels militaire ou civil ou des personnes à charge, ou lorsqu'elles ont été accomplies dans l'exécution du service.

ANNEXE II -
LISTE DES ACTIONS DE COOPÉRATION MILITAIRE
FRANCO-ROUMAINE PRÉVUES EN 2002

* 1 C'est dans le cadre de cette politique que le centre de Bucarest a été entièrement détruit, pour laisser notamment place à un gigantesque « Palais de la Nation ».

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 102 (2001-2002)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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