Rapport n° 58 (2002-2003) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 13 novembre 2002

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N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 novembre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome I : Équilibres financiers généraux et Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Christian Bergelin, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 250 , 327, 330 et T.A. 35

Sénat : 47 (2002-2003)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

A l'occasion de l'examen, devant le Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, Mme Elizabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, avait affirmé que « le rétablissement des comptes de la sécurité sociale est assuré » . Contestant le diagnostic plus pessimiste, et plus réaliste, de votre commission, elle avait même accusé le Sénat d'avoir « volontairement et grossièrement travesti la réalité » .

La situation financière de la sécurité sociale, telle qu'elle ressort du dernier rapport de la Commission des comptes, et des annexes du projet de loi de financement pour 2003, démontre, malheureusement, que le pessimisme de votre commission était justifié.

En effet, après trois années d'excédents dus à une conjoncture économique exceptionnelle, la détérioration de la situation financière de la sécurité sociale et, plus particulièrement, du régime général, se confirme. Son déficit, estimé à 3,3 milliards d'euros en 2002, s'aggraverait en 2003, pour atteindre 4,6 milliards d'euros, avant les mesures nouvelles du projet de loi de financement.

A l'origine de cette détérioration générale des comptes sociaux, il y a la conjonction d'un ralentissement des recettes et d'une vive croissance des dépenses de la sécurité sociale.

Les recettes du régime général ont bénéficié pendant trois ans, et surtout en 2000-2001, d'une très forte progression de la masse salariale. Cette période exceptionnelle a pris fin en 2002, et la masse salariale, sans s'effondrer, n'augmentera plus qu'au même rythme que le PIB.

Parallèlement, les dépenses de la sécurité sociale augmentent de plus en plus vite : 3,9 % en 2000, 5,1 % en 2001, 5,7 % en 2002. Cette accélération porte principalement sur l'assurance maladie. Ainsi, la croissance des dépenses du champ de l'ONDAM est estimée à 7,2 % en 2002, à comparer avec les 3,9 % retenus, par le précédent gouvernement, dans le cadre de la loi de financement de l'année dernière.

Le déficit du régime général se concentre, ainsi, sur celui de la branche maladie soit, avant mesures nouvelles, 6 milliards d'euros prévus pour 2002 et 8 milliards d'euros en 2003. En revanche, les branches vieillesse et famille devraient rester excédentaires d'environ 1 milliard d'euros, du moins jusqu'en 2003.

Cette situation contrastée entre les branches est, d'ailleurs, la caractéristique marquante de la période actuelle, qui se distingue, ainsi, de la crise financière de la sécurité sociale du début des années 1990, qui avait affecté l'ensemble des branches du régime général.

Aujourd'hui, le retour à l'équilibre de la sécurité sociale suppose donc, avant tout, de régler le problème de l'assurance maladie.

Dans ce contexte difficile, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne peut résoudre, d'emblée, tous les problèmes. Il s'agit, à l'évidence, d'un texte de transition.

Ce projet de loi fait, néanmoins, apparaître des éléments salutaires de rupture avec les errements du précédent gouvernement, qui marquent la mise en oeuvre d'une autre politique.

Tout d'abord, en annonçant le dépôt, d'une part, d'un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique , et, d'autre part, en tant que de besoin, d'un « collectif social » destiné à ajuster les prévisions de dépenses et de recettes au regard des évolutions effectivement constatées, le Gouvernement redonne, tout à la fois, du sens et de la crédibilité au débat sur les finances sociales.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 comporte d'autres dispositions visant à engager la clarification, indispensable, des circuits financiers de la sécurité sociale.

Il s'agit, en premier lieu, du remboursement, aux régimes de sécurité sociale, de la moitié de la dette qui leur est due au titre du déficit du FOREC pour l'année 2000, soit 1,2 milliard d'euros.

En second lieu est assurée aux régimes de sécurité sociale une compensation intégrale des pertes de cotisations résultant de l'entrée en vigueur, au 1 er juillet 2003, du nouvel allégement de charges sociales prévu par la loi « Fillon ».

Le Gouvernement confirme, ainsi, sa volonté de respecter les dispositions de la « loi Veil » de 1994, selon lesquelles toute exonération de cotisations décidée par l'Etat doit être intégralement compensée, par ce dernier, à la sécurité sociale.

Ces mesures nouvelles contribueront également à réduire, à due concurrence, le déficit du régime général en 2002 et 2003.

Tels sont les principaux éléments, salutaires, de rupture que comporte ce projet de loi en ce qui concerne les équilibres financiers de la sécurité sociale.

Toutefois, la conjoncture et les contraintes des finances publiques ne permettent pas d'opérer, dès la première année, une clarification complète. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 contient donc, également, des dispositions qui doivent, pour votre commission, relever d'une transition aussi brève que possible. On relèvera, à ce titre, le remboursement par la CADES, au lieu et place de l'Etat, de la dette due à la sécurité sociale au titre du FOREC, ainsi que la poursuite du transfert, à la CNAF, des majorations de pension pour enfants.

Sur ce point particulier, votre commission estime que ces majorations de pension sont, sans conteste, des avantages vieillesse, et que leur prise en charge, par la branche famille, reste critiquable dans son principe.

Elle proposera donc au Sénat, sur ce point, une alternative dans le cadre d'une clarification plus vaste des relations financières entre l'Etat, le FOREC, le FSV et la CNAF.

Cette clarification, qui conforte la démarche engagée par le Gouvernement, permet d'amorcer, dans le cadre d'une stricte neutralité financière, la « remise à plat » des circuits financiers particulièrement opaques et complexes définis ces dernières années afin, notamment, d'assurer le financement des 35 heures.

Telle est l'ambition que votre commission propose au Sénat de partager à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LES SYMPTÔMES D'UNE CRISE FINANCIÈRE

L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 s'inscrit dans un contexte défavorable, caractérisé par le legs, au nouveau Gouvernement, et par son prédécesseur, de comptes sociaux sinistrés.

Certes, le retournement conjoncturel intervenu à partir de 2001 a contribué à la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale constatée depuis lors.

Toutefois, les effets négatifs de ce retournement conjoncturel ont été considérablement amplifiés et aggravés par :

- l'inertie et l'impéritie du précédent gouvernement, comme le démontre la confrontation entre, d'une part, la réalité des comptes 2001 et 2002, telle qu'elle est aujourd'hui établie et, d'autre part, les comptes prévisionnels adoptés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ;

- et le « gaspillage » délibéré, au profit d'une coûteuse politique de l'emploi (les 35 heures), de l'abondance exceptionnelle de recettes fournie à la sécurité sociale par les dernières années de croissance.

Privée de réserves, dépourvue de mécanismes efficaces de régulation, dans l'attente d'une réforme des retraites constamment ajournée, la sécurité sociale doit, aujourd'hui, affronter une crise financière aux multiples symptômes qu'il convient, toutefois, de replacer dans une perspective de long terme afin de pouvoir déterminer, avec le maximum d'efficacité, les mesures de redressement appropriées.

A. L'HÉRITAGE : DES COMPTES SINISTRÉS

Le chapitre IV de l'annexe c) du projet de loi de financement de la sécurité sociale suscite, généralement, peu d'intérêt de la part des commentateurs.

L'année dernière, ce chapitre présentait les comptes prévisionnels 2001 à 2004 du régime général, reposant « sur l'hypothèse conventionnelle d'une prolongation des évolutions tendancielles des recettes et des dépenses retenues dans les comptes associés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 » .

La comparaison de ces comptes prévisionnels avec les données publiées, cette année, dans le même chapitre de l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (cf. tableau ci-après) met en évidence l'irréalisme et le caractère « virtuel » du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumis, par le précédent gouvernement, à l'approbation du Parlement.

Evolution prévisionnelle des recettes et des dépenses du régime général
(Chapitre IV de l'annexe C des projets de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002 et 2003)

(en milliards d'euros)

2001

2002

2003

2004

CNAMTS

PJLFSS 2002

- 1,39

- 1,25

- 1,45

- 0,35

PJLFSS 2003

- 2,04

- 6,01

- 6,92

- 7,32

CNAVTS

PJLFSS 2002

0,99

1,04

1,02

0,95

PJLFSS 2003

1,51

1,65

1,92

1,81

CNAF

PJLFSS 2002

1,4

1,26

1,45

1,77

PJLFSS 2003

1,68

1,08

0,91

1,14

Régime général

PJLFSS 2002

1,01

1,05

1,02

2,37

PJLFSS 2003

1,15

- 3,26

- 3,94

- 4,28

Ainsi, l'année dernière, le Gouvernement prévoyait-il que le régime général serait excédentaire d'un milliard d'euros en 2002 et 2003, cet excédent pouvant même atteindre 2,37 milliards d'euros en 2004 (la branche maladie étant, la même année, proche de l'équilibre).

Un an plus tard, la réalité des comptes de la sécurité sociale est beaucoup plus sombre : encore excédentaire en 2001, le régime général devient lourdement déficitaire les années suivantes, en raison de la dégradation des comptes de l'assurance maladie.

Un tel écart entre prévisions et réalisations ne saurait, à l'évidence, s'expliquer par le seul ralentissement de l'activité économique. En fait, et comme l'avait affirmé votre commission dès la fin de l'année dernière, le précédent gouvernement a voulu voir les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils devraient être, et non tels qu'ils sont .

1. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 : un exercice sans signification ?

Dès lors, on est en droit de se demander si la loi de financement de la sécurité sociale adoptée par le Parlement pour 2002 ne fut pas un exercice sans véritable signification.

Avant d'analyser la situation financière actuelle de la sécurité sociale, il paraît donc nécessaire, sinon indispensable, de faire le point sur les comptes actualisés des exercices 2001 et 2002.

a) Les comptes 2001 : une correction de grande ampleur, en dehors de toute saisine parlementaire

A l'occasion de l'examen en nouvelle lecture, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, Mme Elizabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, contestant les évaluations chiffrées de la commission des Affaires sociales, annonçait, de manière sibylline, une « bonne surprise » sur les recettes au titre de cet exercice. Elle laissait également entendre que cette « bonne surprise » se traduirait par une augmentation significative de l'excédent prévu en 2001, sans toutefois estimer nécessaire, et alors qu'il en était encore temps, de modifier l'agrégat de recettes correspondant 1 ( * ) .

De ce fait, une révision importante des comptes 2001, tels qu'adoptés par le Parlement, fut effectuée, au début de l'année 2002, et selon une procédure pour le moins inhabituelle .

En janvier 2002, Mme Elizabeth Guigou demande à M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, d'actualiser les comptes prévisionnels de la sécurité sociale pour 2001. Cette actualisation (cf. tableau ci-après) fait passer le solde excédentaire de l'exercice de 0,6 milliard d'euros (3,7 milliards de francs), après adoption de la loi de financement, à 3,9 milliards d'euros (25,5 milliards de francs).

Révision des comptes 2001 du régime général

(extrait du rapport de M. Monier - janvier 2002)

(en milliards de francs)

Droits constatés -2001-
(données provisoires)

CNAMTS

CNAM-AT

CNAVTS

CNAF

Régime général

Résultat net - CCSS 09/2001

- 6,8

2,2

4,7

8,2

8,3

Résultat net LFSS 2002

- 13,3

1,4

6,4

9,2

3,7

Prévisions résultat net - janvier 2002-

- 3,2

2,5

13,1

13,1

25,2

Révisions des recettes (1)

11,6

1,6

7,1

4,1

24,3

Révisions des dépenses (1)

1,5

0,5

0,4

0,2

2,5

(en milliards d'euros)

Droits constatés -2001-
(données provisoires)

CNAMTS

CNAM-AT

CNAVTS

CNAF

Régime général

Résultat net - CCSS 09/2001

- 1,0

0,3

0,7

1,3

1,3

Résultat net LFSS 2002

- 2,0

0,2

1,0

1,4

0,6

Prévisions résultat net - janvier 2002-

- 0,5

0,4

2,0

2,0

3,9

Révisions des recettes (1)

1,8

0,2

1,1

0,6

3,7

Révisions des dépenses (1)

0,2

0,1

0,1

0,0

0,4

(1) Par rapport aux comptes intégrant les mesures inscrites dans la LFSS.

Cette confirmation de la « bonne surprise » annoncée par Mme Guigou s'explique, essentiellement, par 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires dont :

- 1,5 milliard d'euros de recettes « effectives » (en raison d'une croissance de la masse salariale de + 6,3 %, au lieu des + 5,9 % prévus initialement) ;

- et 2,2 milliards d'euros de « recettes fictives » résultant de la régularisation comptable , sur 2001, d'une erreur d'évaluation, en comptabilité de droits constatés, des produits restant à recevoir au titre de l'exercice 2000.

Mais la révision des comptes 2001, après leur adoption définitive par le Parlement, ne s'est pas arrêtée là.

En effet, parallèlement, le Conseil constitutionnel, saisi par le Sénat, avait censuré la disposition de la loi de financement pour 2002 visant à annuler, purement et simplement, la dette contractée par l'Etat, à l'égard de la sécurité sociale, au titre du déficit 2000 du FOREC, soit un total de 2,4 milliards d'euros. Constatant l'excédent, fort opportun, de recettes du régime général, le secrétaire général de la Commission des comptes émit, dans le cadre de son rapport précité, l'idée de provisionner la créance de la sécurité sociale dans les comptes 2001 des différentes branches ou régimes concernés . Ainsi fut fait, en février 2002, et hors de toute base législative, sur instruction conjointe du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien entendu, l'inscription de cette provision se traduisit par une diminution, à due concurrence, de l'excédent du régime général. Au terme de ces péripéties, qui furent gérées par le précédent gouvernement en dehors de toute saisine parlementaire, l'excédent actualisé du régime général pour 2001 devrait finalement s'établir à + 1,1 milliard d'euros .

b) Les comptes 2002 : des prévisions irréalistes, dénoncées comme telles par le Sénat, et démenties par les faits

Mais le caractère « virtuel » de la loi de financement de la sécurité sociale adoptée, l'année dernière, par le Parlement, concerne également les comptes 2002 de la sécurité sociale.

En effet, et comme l'avait dénoncé votre commission, les comptes prévisionnels soumis au Parlement par le précédent gouvernement étaient difficilement crédibles, car fondés sur des hypothèses irréalistes :

Comparaison des principales hypothèses retenues pour l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avec les dernières données disponibles (novembre 2002)

Principaux indicateurs pour l'année 2002

Hypothèses PJLFSS 2002

Valeurs actualisées (novembre 2002)

PIB en volume

+ 2,5 %

+ 1 %*

Masse salariale

+ 5 %

+ 3,7 %

ONDAM

+ 3,9 %

+ 7,2 %

* Source : INSEE

Or, si la prévision de l'évolution de l'activité économique (et de la masse salariale) demeure, toujours, un exercice difficile et imprécis, particulièrement en période de retournement de conjoncture, l'irréalisme des hypothèses retenues par le précédent gouvernement est patente et avérée en ce qui concerne la progression de l'ONDAM, compte tenu du rythme de progression des dépenses d'assurance maladie déjà constaté les années précédentes (cf. tableau ci-après).

Evolution des dépenses d'assurance maladie (1999-2002)

Taux d'augmentation en pourcentage

2000

2001

2002 (p)(*)

2003 (p)(*)

Dépenses du champ de l'ONDAM (nettes de la remise conventionnelle)

5,6 %

5,7 %

7,2 %

5,3 % (1)

Dont : Soins de ville

7,8 %

7,2 %

8,3 %

Etablissements

3,5 %

4,3 %

6,1 %

Charges du régime général sur le champ de l'ONDAM

5,9 % (3)

5,9 % (3)

7,4 %

5,9 % (2)

(1) Hors transferts de charges du budget de l'Etat sur l'assurance maladie
(2) , y compris les transferts de charges de l'Etat
(3) évolutions corrigées, les séries comptables étant perturbées par les problèmes d'estimation des provisions pour prestations en 1999.
* : comptes prévisionnels
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

En effet, et comme l'a constaté la Commission des comptes de la sécurité sociale dès l'été dernier, l'aggravation du déficit du régime général prévu pour cette année s'explique, principalement, par la dégradation de sa branche maladie. Les hypothèses irréalistes retenues par le précédent gouvernement expliquent donc que les comptes 2002, tels que soumis à l'examen du Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, s'avèrent très différents de ceux adoptés l'année dernière. Mme Elizabeth Guigou avait alors accusé le Sénat d'avoir « volontairement et grossièrement travesti (la) réalité, peut-être (sic) par esprit partisan » , se rendant coupable d'une « présentation trompeuse des comptes sociaux » 2 ( * ) .

Malheureusement, l'examen des chiffres démontre que, s'agissant des comptes 2002, les craintes de votre commission étaient justifiées (cf. tableau ci-après) .

Révision des comptes 2002 du régime général

(en milliards d'euros)

CNAMTS-AM

CNAMTS-AT

CNAVTS

CNAF

TOTAL

PJLFSS 2002

- 2,00

0,67

0,67

1,64

0,94

LFSS 2002

- 2,12

0,50

1,00

1,00

0,64

CCSS septembre 2002

- 6,08

0,07

1,60

1,08

- 3,27

Or, « l'effet de ciseaux » (ralentissement de la croissance des recettes et dérive des dépenses d'assurance maladie) dont ont souffert les comptes 2002 devrait être amplifié l'année prochaine.

2. Un « effet de ciseaux », dont les effets négatifs sont amplifiés par les errements passés

a) Le retournement de la conjoncture et l'envolée des dépenses d'assurance maladie : deux défis que doit affronter une sécurité sociale exsangue

Dans son rapport de septembre dernier, la Commission des comptes de la sécurité sociale a exposé, en détail, les éléments de la crise financière à laquelle la sécurité sociale est désormais confrontée. Ses principaux paramètres sont les suivants :

- le ralentissement de la croissance de la masse salariale . En effet, « les excédents financiers des trois années 1999-2001 ont été rendus possibles par une dynamique de l'emploi et des salaires inconnue depuis dix ans. Cette situation conjoncturelle exceptionnelle a connu son retournement courant 2001 pour faire pleinement sentir ses effets en 2002. Les prévisions de croissance de la masse salariale pour 2003 (soit + 4,1 %) sont donc en net retrait sur les évolutions des deux années précédentes. Mais elles ne sont pas particulièrement basses. Elles (...) correspondent à peu près à la tendance de long terme de l'économie française. » 3 ( * ) ;

- un léger ralentissement du rythme de progression des charges du régime général en 2003 si l'ONDAM est respecté . « Les charges augmenteraient de 4,7 % en 2003, soit un rythme inférieur d'un point à celui de 2002 les dépenses d'assurance maladie verraient leur rythme ralentir en liaison avec l'objectif de 5,3 % retenu par le Gouvernement. Ce taux d'augmentation est voisin de ceux constatés en 2000 et 2001 (5,6 % pour les deux années), mais sensiblement inférieur à celui de 2002 (+ 7,1 %) » 4 ( * ) ;

- des besoins de financement importants pour le FOREC et le FSV . « Le FOREC devrait connaître un léger excédent en 2002. En 2003, avant toute mesure nouvelle, il dégagerait un déficit de près d'un milliard d'euros. Les prévisions de dépenses prennent en compte le nouveau mode de calcul des allégements à partir du 1 er juillet 2003. Le montant des exonérations de cotisations prises en charge par le FOREC serait de 15,6 milliards d'euros en 2002 (+ 7,9 % par rapport à 2001) et de 16,6 milliards d'euros en 2003 (+ 6,4 %). »

« La situation du FSV est très dégradée . Les pertes de recettes subies depuis 2000 ainsi que l'élargissement du périmètre de ses charges l'ont fragilisé. Le Fonds se retrouverait sans aucune réserve dès la fin de l'année 2002. La conjoncture contribue aussi à cette dégradation : les rentrées de CSG sont moins dynamiques que par le passé et les cotisations vieillesse prises en charge par les chômeurs se sont remises à augmenter. A législation inchangée, le FSV serait déficitaire de 1,4 milliard d'euros en 2002 et de 0,9 milliard en 2003. »

Or, cette situation financière dégradée est amplifiée par les effets néfastes des errements du gouvernement précédent.

Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, votre commission avait analysé avec précision les détournements de recettes et les transferts de charges dont a été victime, ces dernières années, la sécurité sociale afin d'assurer le financement du FOREC.

Sans qu'il soit besoin d'exposer à nouveau, et en détail, cette analyse, il est néanmoins utile de souligner que les effets défavorables de ces circuits financiers accentuent, aujourd'hui, la dégradation des comptes de la sécurité sociale .

En effet, si l'on restitue, à chacune des branches du régime général, pour les années 2000 à 2003, les recettes qu'elles ont perdues, ainsi que les charges qui leur ont été transférées, directement ou indirectement, au titre du financement du FOREC, il apparaît que (cf. graphique ci-après) :

- le solde global du régime général serait encore excédentaire en 2002 et 2003 ;

- compte tenu des évolutions structurelles en cause, le déficit de la branche maladie se creuserait, mais dans des proportions moindres, puisqu'il n'aurait atteint, dans cette hypothèse, « que » - 5,6 milliards d'euros en 2003 (au lieu des - 7,8 milliards d'euros prévus) ;

- les excédents de la branche famille seraient quasiment triplés par rapport à leurs niveaux actuels.

Encore convient-il de préciser que cette évaluation a été réalisée « à minima » , c'est-à-dire sans prendre en compte la non-compensation intégrale, par le FOREC, des exonérations supportées par les caisses en 2000 et, d'autre part, sur la base du montant initial des recettes ou des dépenses transférées. Néanmoins, même dans ce cas, l'ampleur du pouvoir de « nuisance financière » du FOREC sur les comptes de la sécurité sociale est largement démontrée.

Évaluation de l'impact du FOREC sur les soldes du régime général
(2000-2003)

(en millions d'euros)

b) La reconstitution rapide de la dette de la sécurité sociale

La dégradation de la situation financière de la sécurité sociale se traduit par un autre symptôme préoccupant, à savoir la reconstitution rapide de sa dette.

On aurait pu espérer que ce problème soit réglé depuis les réformes mises en oeuvre, en ce domaine, en 1996.

En raison de l'importance de la dette accumulée par la sécurité sociale au titre de ses déficits intervenus depuis le début des années 1990, le Gouvernement de l'époque avait confié le refinancement de cette dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Bénéficiaire d'une recette affectée qui lui est propre, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), la mission initiale de la CADES était :

- d'apurer, sur une durée de treize ans et un mois, la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale, correspondant au financement des déficits des exercices 1994 et 1995 à hauteur de 18,3 milliards d'euros et au financement du déficit prévisionnel pour 1996 à hauteur de 2,6 milliards d'euros ;

- d'effectuer, sur la même période, un versement annuel de 1,9 milliard à l'Etat, au titre de la prise en charge, par ce dernier, de la dette du régime général antérieure à 1994.

En contrepartie de l'allégement de la charge de la dette de la sécurité sociale, et afin d'empêcher sa reconstitution ultérieure, diverses réformes fondamentales avaient été parallèlement engagées en 1996.

La nouvelle majorité élue en 1997 ayant décidé de ne pas persévérer dans cette voie et les comptes du régime général continuant de se dégrader, le gouvernement de l'époque décidait, en 1998, d'étendre la mission de la CADES au refinancement de la dette cumulée par l'ACOSS depuis le 1 er janvier 1996 (11,4 milliards d'euros s'ajoutant aux 2,6 milliards d'euros déjà financés par la CADES en 1996) et au préfinancement du déficit prévisionnel de l'exercice 1998 (1,8 milliard d'euros). En conséquence, la durée de vie de la CADES a été rallongée de cinq ans et le terme de la perception de la CRDS, initialement fixé à janvier 2009, fut reporté à janvier 2014.

Par ailleurs, le versement annuel de la CADES à l'Etat a été réduit, dans la loi de finances pour 2001, à 12,15 milliards de francs (1,85 milliard d'euros) afin de compenser, partiellement, les mesures d'exonération de CRDS sur les indemnités des chômeurs non imposables.

En revanche, la loi de finances pour 2002, en son article 38, a raccourci le calendrier des versements de la CADES à l'Etat, afin d'améliorer, à court terme, la situation budgétaire de ce dernier. La fin de ce versement fut ramenée au 31 décembre 2005, et le montant de chaque échéance annuelle portée de 1,85 milliard à 3 milliards d'euros.

Or, aujourd'hui, et compte tenu de la dégradation rapide des comptes du régime général, et plus particulièrement de sa branche maladie, on constate la reconstitution rapide d'une dette « hors CADES » qui ne laisse pas d'inquiéter. En effet, si on analyse l'évolution, au cours de ces dernières années, des charges et des produits financiers de chaque branche (cf. tableau ci-après) , il apparaît que les charges financières croissantes de la seule branche maladie (qui doublent en quatre ans) « consomment » inexorablement les produits financiers dégagés par les autres branches excédentaires et traduisent, ainsi, la reconstitution d'une nouvelle dette du régime général.

Evolution des charges et des produits financiers du régime général (2000-2003)

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

CNAMTS maladie

charges

204,8

261,1

340

400

produits

6,8

0,9

0

0

CNAMTS AT

charges

-

-

-

-

produits

34,1

56,9

70

55

CNAVTS

charges

3,1

19,3

9

9

produits

67,1

34,6

65,2

65,2

CNAF

charges

0,2

0

0

0

produits

16,7

75,9

110

140

Régime général

charges

208,1

280,4

349

409

produits

124,7

168,3

245,2

260,2

(Les comptes 2002 et 2003 sont prévisionnels)
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Dès lors, les modalités de traitement de cette dette seront l'une des questions essentielles, et incontournables, de ces prochaines années.

c) Le triplement du plafond d'avances de trésorerie autorisées pour 2003

Enfin, l'augmentation de 4 à 12 milliards d'euros (soit un triplement en un an) du plafond des avances de trésorerie autorisées en loi de financement reflète l'acuité de la crise financière de la sécurité sociale.

Au cours de ces dernières années, votre commission s'était constamment étonnée du maintien, à un niveau élevé, de ce plafond d'avances, qui semblait contredire l'optimisme du précédent gouvernement selon lequel « le redressement des comptes est assuré » 5 ( * ) . En 2001, encore, ce plafond fut maintenu à 4,4 milliards d'euros, alors que le « point le plus bas » de la trésorerie du régime, atteint le 1 er octobre, s'est établi à - 1,9 milliard d'euros.

Le plafond d'avances de trésorerie étant la seule disposition normative et contraignante de la loi de financement de la sécurité sociale, peut-être faut-il voir, dans son maintien à un niveau élevé un demi-aveu, de la part du gouvernement précédent, qu'il ne croyait pas totalement, lui-même, à ses propres affirmations concernant le rétablissement de la santé financière de la sécurité sociale...

Quoi qu'il en soit, la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale nécessite, déjà, de réviser à la hausse ce plafond d'avances. En effet, le « point le plus bas » de la trésorerie du régime général, qui fut de - 4 milliards d'euros en octobre dernier, devrait atteindre, selon les estimations de l'ACOSS, - 10,5 milliards d'euros à l'automne 2003, d'où le triplement dudit plafond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

B. UNE SITUATION DÉGRADÉE QU'IL CONVIENT DE REMETTRE EN PERSPECTIVE

Si la réalité de la crise financière de la sécurité sociale ne peut être contestée, encore convient-il de l'apprécier à sa juste mesure afin d'identifier, à moyen et long terme, les paramètres de son équilibre financier et de pouvoir définir, ainsi, les mesures de redressement appropriées.

Il apparaît donc nécessaire de remettre les comptes du régime général en perspective, que ce soit par rapport :

- aux variations de ses soldes, telles que constatées au cours de ces dix dernières années ;

- et à l'évolution tendancielle de ses recettes et de ses dépenses pendant la même période.

1. Une situation qui, pour l'instant, est sans commune mesure avec la crise financière du début des années 1990

Après trois années de croissance économique et d'excédents, le retour des déficits du régime général prévus pour 2002 et 2003, tel qu'analysé précédemment, constitue une cause légitime de préoccupation.

Toutefois, la « mise en perspective » de ces déficits avec l'évolution, au cours de ces dix dernières années, des soldes du régime général (cf. graphique ci-après) permet d'établir un double constat qui, sans diminuer la gravité de la situation présente, replace toutefois celle-ci à son juste niveau.

Evolution des soldes du régime général (1999-2003)

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

a) Un solde global « tiré vers le bas » du seul fait du déficit de la branche maladie

Pendant la crise financière des années 1992-1996, les différentes branches du régime général avaient été toutes affectées, à des degrés divers, par un retournement conjoncturel particulièrement sévère (le PIB en volume ayant même été négatif en 1993).

A leur point le plus bas, les déficits des branches maladie, famille et vieillesse avaient, tous, atteint 6 milliards d'euros (soit environ 40 milliards de francs). En conséquence, le déficit global du régime général s'était élevé à plus de 10 milliards d'euros (65 milliards de francs) en 1995.

Seule la définition, à partir de 1993, de mesures de redressement, dont les effets furent particulièrement spectaculaires en ce qui concerne l'assurance vieillesse (allongement progressif de la durée de cotisations ouvrant droit à une retraite à taux plein ; création du FSV), conjuguée avec la reprise de l'activité économique, permit finalement aux comptes du régime général de retrouver l'équilibre, puis d'être excédentaires.

La situation présente est très différente. En effet, et en dépit du ralentissement du rythme d'augmentation des recettes imputable au fléchissement de l'activité économique, les soldes des branches famille, vieillesse et accidents du travail devraient encore demeurer, en 2002 et 2003, excédentaires. Leurs soldes respectifs sont d'ailleurs supérieurs aux niveaux atteints au tout début de la période considérée, soit en 1990.

La crise financière actuelle se concentre donc, pour l'instant, sur une seule branche : la branche maladie , dont le déficit passe de 2 milliards d'euros en 2001 à 8,2 milliards d'euros en 2003 (sur la base d'un ONDAM fixé à + 5,3 %) 6 ( * ) .

Comme cela a déjà été exposé précédemment, cette dégradation rapide du solde de la branche maladie « tire vers le bas » le solde global du régime général qui, encore excédentaire de 1,1 milliard d'euros en 2001, devient déficitaire en 2002 et en 2003 soit, respectivement, 3,2 milliards d'euros et 4,6 milliards d'euros (avant mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale).

b) Une aggravation continue du déficit de l'assurance maladie au cours de ces dix dernières années

Plus préoccupant , l'analyse de l'évolution, sur longue période, du solde de la branche maladie fait apparaître que celle-ci, à la différence des autres branches du régime général, est restée constamment déficitaire entre 1990 et 2001 . Les recettes supplémentaires dégagées par la croissance des années 1998-2000, et la substitution de la CSG aux cotisations salariales d'assurance intervenue en 1997 et 1998, si elles ont limité, au « point haut », ce déficit à 731 millions d'euros en 1999, n'ont pas permis de rétablir l'équilibre de la branche maladie. De plus, ce déficit s'est à nouveau creusé en 2000 et 2001, en dépit des produits (recettes) de la branche qui ont progressé, respectivement, de + 4,7 % et de + 6,6 % pour les deux années considérées.

Mais il y a plus grave encore. Comme l'illustre le graphique ci-dessus, la « pente » tendancielle des déficits de l'assurance maladie est de plus en plus accentuée de 1990 à 2001. En 1990, son « point d'entrée » est de - 1,4 milliard d'euros ; en 2003, son « point de sortie » est de - 8,2 milliards d'euros. En outre, ce « point de sortie » est supérieur de 2 milliards d'euros au déficit constaté au plus fort de la crise financière du début des années 1990, soit - 6 milliards d'euros en 1995.

Ces évolutions défavorables peuvent être expliquées par deux causes principales :

- l'une structurelle, à savoir l'augmentation de la consommation de soins et des dépenses de santé dans notre pays, à l'instar de ce que l'on peut constater dans tous les pays industrialisés ;

- l'autre qui, s'agissant de ces dernières années, est plus conjoncturelle et d'ordre politique, à savoir l'inertie du précédent gouvernement qui, gaspillant l'occasion fournie par l'abondance financière des années de croissance pour engager une véritable réforme des mécanismes de régulation des dépenses d'assurance maladie, a décidé de laisser « filer les déficits » tout en s'aliénant la confiance des professionnels de santé.

Le rétablissement de l'équilibre de la sécurité sociale, passe donc, en priorité, et avant que l'arrivée à l'âge de la retraite des premières générations du « baby boom » ne fragilise les comptes de l'assurance vieillesse, par la définition et la mise en oeuvre d'une « nouvelle gouvernance » de l'assurance maladie.

Précisément, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 se propose de définir les premiers éléments de ce nouveau mode de régulation.

2. Des évolutions tendancielles de moyen et long termes que l'on ne saurait ignorer

a) Une croissance annuelle moyenne des recettes et des dépenses de l'ordre de 4 à 5 % sur longue période

Mais l'identification des voies du redressement des comptes sociaux ne peut se limiter à l'analyse des soldes de la sécurité sociale et de ses différentes branches. Elle doit également prendre en compte la « dynamique structurelle », sur le moyen et long terme de l'évolution respective de ses recettes et de ses dépenses.

A cet égard, l'exploitation des données statistiques fournies, pour la période 1990-2001, par les comptes de la protection sociale (publiés dans l'annexe G du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003) se révèle riche d'enseignements.

Taux de croissance annuel moyen des emplois
de l'ensemble des régimes de sécurité sociale (1990 - 2001)

(en pourcentage)

2001/1990

1995/1990

2001/1995

Emplois
Prestations

4,3

5,1

3,6

Prestations sociales

4,3

5,0

3,7

dont prestations en espèces

4,2

5,1

3,4

dont prestations en nature

4,6

4,6

4,6

Prestations de services sociaux

4,2

5,8

3,0

Frais de gestion

2,9

4,0

2,0

Transferts

8,7

10,4

7,3

Frais financiers

18,2

113,3

- 27,7

Autres dépenses

2,8

6,4

- 0,2

TOTAL EMPLOIS

4,8

5,8

4,0

Source : comptes de la protection sociale - annexe G du projet de loi de financement de la sécurité sociale

S'agissant de l'ensemble des régimes de sécurité sociale 7 ( * ) , le tableau ci-dessus permet d'établir les constats suivants :

- entre 1990 et 2001, les emplois (dépenses) desdits régimes ont progressé au rythme moyen d'environ 5 % l'an ;

- confirmant le caractère « contracyclique » des dépenses de protection sociale, ce rythme annuel moyen d'augmentation a atteint près de 6 % au cours de la récession économique de la première moitié des années 1990 ;

- au cours de la période considérée, le taux annuel moyen de croissance des prestations sociales proprement dites est légèrement inférieur (+ 4,3 %) à celui du total des emplois ;

- en revanche, le déséquilibre des recettes et des dépenses résultant de la crise des années 1993-1995 a entraîné une forte augmentation de leurs frais financiers, c'est-à-dire de l'endettement des régimes concernés.

Des conclusions similaires peuvent être tirées de l'examen de l'évolution des emplois (dépenses) du seul régime général pendant la même période (cf. tableau ci-après) , qui ont progressé, en rythme annuel moyen, de + 4,3 % entre 1990 et 2001 (ce rythme ayant été, là encore, supérieur, pendant la crise du début des années 1990).

Taux de croissance annuel moyen des emplois du régime général (1990 - 2001)

(en pourcentage)

2001/1990

1995/1990

2001/1995

Emplois
Prestations

4,5

5,3

3,9

Prestations sociales

4,5

5,1

4,0

dont prestations en espèces

4,3

5,1

3,6

dont prestations en nature

5,0

5,1

4,9

Prestations de services sociaux

4,7

6,2

3,4

Frais de gestion

3,3

4,1

2,6

Transferts

2,5

4,2

1,2

Frais financiers

63,1

274,5

- 18,4

Autres dépenses

2,1

8,0

- 2,7

TOTAL EMPLOIS

4,3

5,2

3,5

Source : comptes de la protection sociale - annexe G du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Si l'on compare l'évolution des emplois (dépenses) de l'ensemble des régimes de sécurité sociale avec celle de leurs ressources (recettes), il apparaît que :

- sur le long terme, le rythme annuel moyen de progression de ces recettes (environ + 5 %) est sensiblement équivalent à celui des emplois (cf. tableau ci-après) . Toutefois, il ne faudrait pas déduire de ce constat qu'il existe un quelconque « équilibre spontané » de la sécurité sociale. Plus simplement, cet équilibre traduit, sur le long terme, l'effet des mesures prises, tant en matière de recettes que de dépenses, afin de rétablir l'équilibre desdits comptes ;

- la croissance annuelle moyenne des cotisations sociales et, plus particulièrement, des cotisations des salariés, est relativement peu dynamique. En revanche, au sein du total des ressources, les impôts et taxes affectés à l'ensemble des régimes de sécurité sociale ont ainsi progressé au rythme annuel moyen de 25 %.

Taux de croissance annuel moyen des ressources de l'ensemble des régimes de sécurité sociale (1990 - 2001)

(en pourcentage)

2001/1990

1995/1990

2001/1995

Ressources

Cotisations

2,4

2,8

2,0

Cotisations effectives

2,1

2,5

1,8

dont cotisations d'employeurs

3,1

2,2

4,0

dont cotisations de salariés

0,1

3,5

- 2,6

dont autres cotisations

0,2

1,6

- 1,0

Cotisations fictives

4,7

5,3

4,1

Impôts et taxes

25,2

26,0

24,6

Transferts

7,8

11,6

4,7

Contributions publiques

- 0,1

- 1,8

1,4

Produits Financiers

- 9,2

- 11,2

- 7,6

Autres recettes

6,2

24,7

- 7,2

TOTAL RESSOURCES

5,0

4,9

5,0

Source : comptes de la protection sociale - annexe G du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Là encore, des constatations similaires peuvent être effectuées pour le seul régime général (cf. tableau ci-après) , dont le total des ressources augmente de + 4,5 % en moyenne annuelle entre 1990 et 2001 . On notera, à cette occasion, la diminution des cotisations sociales des salariés, et la forte augmentation des impôts et taxes affectés au régime qui traduisent les effets, tout à la fois, de la substitution de la CSG aux cotisations salariales d'assurance maladie et de la compensation à la sécurité sociale, par des recettes fiscales, des exonérations de cotisations.

Taux de croissance annuel moyen des ressources du régime général
(1990 - 2001)

(en pourcentage)

2001/1990

1995/1990

2001/1995

Ressources

Cotisations

0,8

1,7

0,0

Cotisations effectives

0,8

1,7

0,0

dont cotisations d'employeurs

2,1

1,1

3,0

dont cotisations de salariés

- 3,0

3,3

- 7,9

dont autres cotisations

- 2,6

1,4

- 5,8

Cotisations fictives

Impôts et taxes

28,9

22,2

34,8

Transferts

17,6

28,9

8,9

Contributions publiques

1,3

- 1,8

3,9

Produits Financiers

8,3

6 5

9,8

Autres recettes

6,7

19,5

- 2,9

TOTAL RESSOURCES

4,5

4,1

4,8

Source : comptes de la protection sociale - annexe G du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Pour résumer, et si l'on croit les principaux enseignements de cette analyse rétrospective, l'équilibre, nécessairement instable, des régimes de la sécurité sociale repose sur un « trend » de leurs dépenses (et de leurs recettes) d'environ 4 à 5 % en moyenne annuelle.

b) Un « déséquilibre dynamique » qu'il conviendrait probablement de réguler

Bien entendu, les évolutions précédemment mises en évidence sont des moyennes de long terme.

Une politique visant à rétablir l'équilibre financier des comptes sociaux ne peut, par ailleurs, ignorer les fluctuations conjoncturelles qui affectent nécessairement, et parfois d'un exercice sur l'autre, les recettes et les dépenses de la sécurité sociale.

Les causes de cette « sensibilité conjoncturelle » de la sécurité sociale et, plus particulièrement, de ses recettes, sont bien connues (cotisations assises sur la masse salariale ; CSG dont le produit est lié à l'évolution de l'ensemble des revenus) et l'on n'y reviendra donc pas, ici, en détail.

En revanche, il paraît important de souligner que l'impact de la conjoncture sur les recettes de la sécurité sociale entraîne un « déséquilibre dynamique » de ces comptes. En effet, les dépenses évoluant en fonction d'autres paramètres qui leur sont propres, toute fluctuation conjoncturelle des recettes se traduit par une succession d'exercices déficitaires et d'exercices excédentaires (et vice versa).

Dès lors, il serait probablement opportun d'imaginer les modalités techniques d'une régulation de ces « à-coups » conjoncturels, permettant de « lisser » davantage, d'un exercice sur l'autre, le rythme de progression des recettes sociales .

Bien entendu, cette régulation des recettes, quelles qu'en soient les formes, ne pourra jamais justifier l'absence de réformes de fond visant à maîtriser, parallèlement, l'évolution des dépenses correspondantes. Elle présenterait, néanmoins, l'intérêt de limiter l'urgence ou l'acuité de certaines crises financières et de donner ainsi, aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics, le recul nécessaire pour concevoir et mettre en oeuvre les remèdes appropriés.

*

* *

Face à une situation financière difficile, et compte tenu des évolutions de long terme précédemment mises en évidences, les deux axes prioritaires de l'action publique sur les comptes sociaux sont aisément identifiables. Comme le résume la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son dernier rapport :

« - il s'agit d'abord (d') assurer la croissance moyenne des recettes de 4 à 4,5 % par an en valeur qui semble le minimum nécessaire à l'équilibre du système (...) ;

« - du côté des dépenses, l'enjeu principal est de parvenir à une évolution plus modérée des dépenses d'assurance maladie suffisamment vite pour pouvoir faire face, ensuite, à la croissance des dépenses de retraite ».

Encore convient-il que les efforts engagés sur ces bases respectent, en outre, certains principes généraux d'organisation et de gestion qui, bien que formulés il y a une dizaine d'années, n'en conservent pas moins, aujourd'hui, toute leur pertinence.

II. DE L'UTILITÉ DE RAPPELER QUELQUES PRINCIPES

Le redressement des comptes de la sécurité sociale passe, non seulement par la définition des mesures financières nécessaires, mais également par la réaffirmation de certains principes fondamentaux qui en garantiront la cohérence et, de ce fait, en renforceront l'efficacité.

Le fait que ces principes aient été définis, il y a près de dix ans, dans le cadre de la « loi Veil » de 1994 n'en diminue en rien l'utilité, bien au contraire. En effet, c'est leur oubli, sinon leur mépris, qui explique, pour partie, l'état déplorable des comptes sociaux légués par le précédent gouvernement à son successeur.

A. LE RESPECT DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DE CHAQUE BRANCHE DU RÉGIME GÉNÉRAL : UN PRÉALABLE INDISPENSABLE À LA RESPONSABILITÉ

1. Les dispositions de la loi de 1994 ont été respectées dans leur lettre, mais trahies dans leur esprit

Au plus fort de la crise financière de la sécurité sociale du début des années 1990, la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale (dite « loi Veil ») a posé, afin de responsabiliser les gestionnaires de chacune des branches, le principe de leur autonomie financière.

Or, si les dispositions de cette loi ont été respectées dans leur lettre, elles ont été trahies dans leur esprit.

a) L'esprit de la loi de 1994 : l'équilibre financier de chaque branche relève de sa propre responsabilité

L'article premier de la loi du 25 juillet 1994, codifié depuis à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, dispose notamment que « l'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse (nationale) chargée de la gérer » .

Comme s'il pressentait les difficultés à venir, le législateur de l'époque se crut toutefois obligé d'ajouter que « la gestion commune de trésorerie des différentes branches relevant des caisses nationales du régime général ne fait pas obstacle à (cette) obligation ».

Par ailleurs, l'article 2 de ladite loi (art. L. 225-1 du code de la sécurité sociale) précise que « en vue de clarifier la gestion des branches du régime général, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale assure l'individualisation de la trésorerie de chaque branche par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptables ; elle établit l'état prévisionnel de la trésorerie de chaque branche ».

Dans ce cadre, « les intérêts créditeurs et débiteurs résultant de (cette) gestion de trésorerie sont répartis entre les branches gérées par les caisses nationales en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie constaté par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » (article 3 de la loi du 25 juillet 1994, codifié à l'article L. 255-1 du code de la sécurité sociale).

En outre, le même article 2 de la loi de juillet 1994 accorde aux caisses nationales une grande latitude de gestion de leurs excédents durables de trésorerie. Ainsi, « le conseil d'administration de chaque caisse nationale décide, au vu de l'état prévisionnel de la trésorerie de chaque branche, du placement à son profit des éventuels excédents durables de trésorerie. Il donne mandat à cet effet à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. »

Le principe ainsi posé ne saurait être plus clair : dans le cadre de la trésorerie commune de la sécurité sociale par l'ACOSS, chaque branche est responsable de son équilibre financier et décide librement du placement de ses excédents éventuels.

b) Un alibi commode qui autorise toutes les dérives : l'approche « consolidée » des comptes de la sécurité sociale

Mais le respect de l'autonomie des branches du régime général nécessitait une discipline financière qui n'a pas pu, ou que l'on n'a pas voulu, respecter. Assimilant ce principe à un carcan excessif, qui serait incompatible avec l'unité fonctionnelle de la sécurité sociale, et avec la nécessaire solidarité financière entre chacune de ses branches, diverses critiques furent formulées à son encontre et suggérèrent un assouplissement.

Curieusement, l'une de ces premières critiques émana de la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur la sécurité sociale de septembre 1998 (cf. encadré ci-après).


La Cour des comptes critique la possibilité offerte à chacune des branches de la sécurité sociale de placer librement ses « excédents durables de trésorerie »

Extraits du rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998

« L'utilisation par l'ACOSS des soldes excédentaires de la trésorerie d'une branche, afin de financer les déficits d'une autre, se justifie dans la mesure où elle permet de réduire les charges de la gestion commune de la trésorerie. Dès lors, la faculté donnée par la loi aux caisses gestionnaires de branches structurellement excédentaires, d'externaliser ces excédents sous forme de placements en valeurs au moment où d'autres branches seraient emprunteuses, paraît contestable. L'ACOSS pourrait ainsi se trouver dans la nécessité d'avoir à emprunter à un coût élevé auprès de la Caisse des dépôts des volumes financiers importants pour couvrir le déficit dû à une branche, tandis que le conseil d'administration de la caisse gérant les excédents d'une autre branche aura pu décider de « placements durables » qui rapporteront toujours, en tout état de cause, moins que ne coûteront aux cotisants et aux contribuables les agios facturés par la Caisse des dépôts et consignations au titre des avances.

« On peut s'interroger sur le coût final pour la collectivité d'une séparation de la gestion des excédents de trésorerie durables des branches, alors que l'unité de la trésorerie du régime général confiée à l'ACOSS a pour finalité de réduire les charges de gestion et donc les prélèvements sociaux qui les financent.

« La Cour considère comme opportun et nécessaire de maintenir les excédents durables dans la trésorerie commune gérée par l'ACOSS, ce qui permettra de réduire et d'optimiser les charges financières des avances de la Caisse des dépôts : la répartition des intérêts créditeurs et débiteurs entre les branches en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie, permet de concilier la rémunération des excédents durables ou non des différentes branches, avec l'unité de trésorerie du régime. Autrement dit, la séparation comptable de la trésorerie des branches permet en fait aux branches excédentaires de faire des placements auprès des branches déficitaires aux conditions fixées par la convention CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts opérés par les branches déficitaires. »

Conformément à ces recommandations, l'Assemblée nationale adopta, sur proposition de sa commission des Finances, l'article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui supprima le placement individualisé des excédents de trésorerie de chaque branche, et le remplaça par « le placement des excédents de trésorerie globalement constatés pour l'ensemble des branches » (art. L. 225-1 modifié du code de la sécurité sociale).

Or, si les arguments techniques (bonne gestion du solde global du régime général, diminution de la charge d'emprunts de l'ensemble de la sécurité sociale, etc.) invoqués pour justifier cette suppression peuvent paraître, dans une certaine mesure, légitimes, on ne peut que constater que cette conception « consolidée » de la sécurité sociale, utilisée sans vergogne par le précédent gouvernement, a permis et facilité l'actuelle confusion des comptes sociaux 8 ( * ) .

Dans son rapport de septembre dernier, la Commission des comptes de la sécurité sociale exprime toute l'ambiguïté d'une telle approche « consolidée » de la sécurité sociale :

« La présentation de résultats d'ensemble pour le régime général, de même que pour les régimes de base et complémentaires, relève d'une approche consolidée de la sécurité sociale qui n'est pas sans faire débat. La diversité des régimes et des caisses constitue en effet une des caractéristiques de l'organisation de la protection sociale en France et la loi de juillet 1994 a consacré l'autonomie des branches du régime général.

« La force de la logique consolidée est pourtant puissante (...). Pour le régime général, cette logique se traduit également par l'unité de trésorerie qui permet aujourd'hui de financer en partie les besoins de la CNAMTS par les ressources des autres caisses. Elle se traduit également par la place croissante des transferts entre branches ou entre le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (prise en charge des majorations de pensions par la CNAF, sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles).

« Pour les autres régimes, elle se traduit d'abord par le jeu des compensations démographiques en maladie et en vieillesse, puis par des dispositifs d'équilibrage qui font en grande partie appel au régime général mais touchent également, et indirectement, les mécanismes construits autour du Fonds de réserve des retraites.

« Le compte présenté dans ce rapport (de septembre 2002) illustre bien la force de ces solidarités inter-régimes. Dans le champ du régime général, la prévision montre une divergence inédite par son ampleur entre le déficit de la CNAMTS, qui se creuse dangereusement, et l'excédent maintenu des autres branches. Dans le champ tous régimes, le compte intègre une modification des mécanismes de compensation généralisée et spécifique vieillesse qui organise une redistribution d'ampleur entre régimes. Celle-ci conduit à alourdir la charge du régime général et donc à diminuer l'excédent de la CNAVTS, et en conséquence le versement réalisé l'année suivante au fonds de réserve des retraites. En revanche, elle allège la charge des pensions de l'Etat, des régimes spéciaux, notamment celui de la CNRACL, et des régimes des non-salariés non agricoles. Les économies réalisées par ces (derniers) diminuent leurs besoins de C3S, ce qui améliore le solde de C3S qui est utilisé par le BAPSA et, pour partie, reversé au Fonds de solidarité vieillesse (...)

«  Ces exemples illustrent les enjeux d'un pilotage financier global de la sécurité sociale. Devant les difficultés structurelles auxquelles sont confrontés les régimes de sécurité sociale, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la nécessaire autonomie de gestion des branches, qui, seule, permet une responsabilisation des gestionnaires, et un pilotage financier consolidé qui implique l'organisation de transferts de recettes ou de dépenses entre régimes. »

Le raisonnement de la Commission des comptes de la sécurité sociale (en fait, de la Direction de la sécurité sociale) paraît ainsi poser les termes d'un compromis raisonnable entre, d'une part, la nécessaire rigueur de gestion et, d'autre part, les contraintes du moment.

Le seul problème est que le « pilotage financier consolidé » de la sécurité sociale, tel qu'il fut pratiqué au cours de ces dernières années, a permis d'éluder la résolution des « difficultés structurelles auxquelles sont confrontés les régimes de sécurité sociale » et a, par ailleurs, totalement « déresponsabilisé » les gestionnaires de chaque branche.

En ce sens, on peut donc affirmer que les dispositions de la « loi Veil » de 1994 relatives à l'autonomie financière des branches de la sécurité sociale, si elles ont été respectées dans leur lettre, n'en ont pas moins été trahies dans leur esprit.

2. Au sein de chaque branche, les comptes de report à nouveau pourraient être utilement transformés en fonds de réserve et de régulation conjoncturelle

a) La gestion séparée de la trésorerie de chacune des branches de la sécurité sociale : un objectif souhaitable, mais dont la concrétisation est tributaire de l'amélioration des comptes de l'assurance maladie

La réaffirmation de l'autonomie financière des branches de la sécurité sociale passe par la gestion séparée de la trésorerie de chacune d'entre elles. Selon l'une des personnalités auditionnées par votre rapporteur 9 ( * ) , il apparaît que, sur ce point, si les ordonnances de 1967 réformant la sécurité sociale présentaient un aspect positif, à savoir l'unification du recouvrement des recettes de la sécurité sociale par l'intermédiaire de l'ACOSS, elles contenaient également une « erreur », à savoir la trésorerie commune du régime général .

Certes, cette trésorerie commune ne prive pas les branches excédentaires (famille et vieillesse) du fruit de leurs résultats, dans la mesure où les avances de trésorerie qu'elles consentent à la branche déficitaire (maladie) leur sont rémunérées (cf. encadré ci-après).

La gestion de la trésorerie des branches du régime général

Décret n° 95-196 du 24 février 1995, codifié aux articles R. 255-1 à R. 255-8
du code de la sécurité sociale

1) Un état prévisionnel de trésorerie est établi chaque année par l'ACOSS, pour l'année suivante à partir :

- des prévisions de dépenses approuvées par le conseil d'administration de chaque caisse nationale, et communiquées à l'ACOSS avant le 31 octobre ;

- et des prévisions de recettes correspondantes.

Sur la base de ces éléments, l'ACOSS élabore, avant le 30 novembre, un profil quotidien de trésorerie de chaque branche du régime général de sécurité sociale pour l'année suivante, qu'il transmet aux caisses nationales avant le 5 décembre.

2) Au vu de cet état prévisionnel de trésorerie, le conseil d'administration de chaque caisse nationale décide, avant le 31 décembre, et pour chacune des branches qu'il gère, du placement de ses excédents durables prévisionnels de trésorerie (montant des sommes placées et période pendant laquelle aura lieu ce placement). Le montant des excédents durables est celui du plus petit solde prévisionnel quotidien de trésorerie constaté dans le cadre de l'exercice annuel (à condition, bien sûr, que ce solde soit positif).

3) Le placement des excédents durables est effectué par l'ACOSS qui reçoit, à cette fin, mandat des caisses nationales . Leurs conseils d'administration peuvent toutefois choisir entre :

- soit le maintien de ces excédents dans la trésorerie gérée pour le compte de l'ensemble des branches par l'ACOSS (rémunération : intérêt au taux moyen consenti à l'ACOSS dans le cadre de ses conventions d'avances passées avec la Caisse des dépôts et consignations) ;

- soit leur placement, par la Caisse des dépôts via l'ACOSS, en valeurs d'Etat, en valeurs garanties par l'Etat ou en valeurs mobilisables (dans des conditions définies par un arrêté conjoint des ministres des finances, du budget et des affaires sociales).

4) Si, à une date donnée, la prévision actualisée du solde de trésorerie établi par l'ACOSS pour le 10 ème jour ouvré suivant est inférieure au montant des excédents durables placés , le montant de ces placements est réduit à due concurrence par l'ACOSS (ce nouveau solde quotidien minimum se substitue alors, jusqu'à la fin de l'année civile, au solde minimum prévu initialement).

5) Les soldes comptables journaliers positifs portent intérêts créditeurs. Les soldes comptables journaliers négatifs produisent des intérêts débiteurs (taux moyen avances Caisse des dépôts).

6) La différence entre la somme des intérêts créditeurs et débiteurs est inscrite dans les comptes de l'ACOSS. Ce solde vient en correction de la contribution annuelle due par chacune des caisses nationales au fonds de gestion administrative de l'ACOSS.

Mais cette trésorerie commune a permis à la branche maladie de financer ses déficits croissants de ces dernières années :

- tout en évitant les efforts d'ajustement qui relèvent de sa propre responsabilité pour rétablir l'équilibre de ses comptes ;

- en accumulant des frais financiers qui, ayant doublé en quatre ans (cf. chapitre I du présent rapport), se traduisent par la reconstitution rapide d'une dette pesant aujourd'hui sur l'ensemble du régime général.

Il paraît d'ailleurs certain que, dans l'hypothèse d'une séparation effective de la trésorerie de chacune des branches, des mesures auraient déjà été prises, au cours de ces dernières années, afin d'enrayer la dégradation des comptes de l'assurance maladie. En effet, dans ce cas, la branche maladie n'aurait pas pu utiliser à son profit, et « sans douleur », les liquidités des autres branches. Il paraît ainsi probable que cette dégradation n'aurait pas atteint le niveau constaté d'aujourd'hui.

La gestion séparée de la trésorerie de chacune des branches de la sécurité sociale demeure donc un objectif à atteindre, ne serait-ce que pour donner aux gestionnaires des caisses les moyens de respecter l'obligation générale qui leur est fixée par la « loi Veil » de 1994, et selon laquelle « l'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse chargée de la gérer ».

L'abondance financière de la sécurité sociale, due à la croissance de ces dernières années, aurait probablement permis de réaffirmer et d'actualiser le principe de l'autonomie financière des branches. Là comme ailleurs, le précédent gouvernement a laissé passer l'occasion...

Aujourd'hui, et compte tenu de la dérive financière de l'assurance maladie et du déficit global du régime général, il s'avère difficile d'instituer, brutalement, l'autonomie de chaque branche dans la gestion de sa trésorerie et de leur accorder, dans l'immédiat, liberté totale en ce qui concerne le placement de leurs excédents durables. En toute hypothèse, le maintien de la trésorerie commune gérée par l'ACOSS ne doit plus :

- d'une part, faire perdre de vue l'objectif de l'autonomie financière de chaque branche, dont la concrétisation devra intervenir dès que les conditions le permettront ;

- d'autre part, servir d'alibi pour « laisser filer les comptes » et pour repousser indéfiniment les réformes structurelles qui s'imposent.

b) L'utilité d'une nouvelle étape : élever les excédents éventuels de chaque branche au rang de fonds de réserves et de régulation conjoncturelle

Si la situation financière de la sécurité sociale empêche, dans l'immédiat, de concrétiser une réelle autonomie de gestion de chacune de ses branches, le moment paraît venu de franchir une étape supplémentaire en direction de cette autonomie en « élevant » leurs excédents éventuels au rang d'un véritable fonds de réserve et de régulation conjoncturelle.

Cette faculté existe déjà, et de manière quelque peu paradoxale, pour la branche maladie. En effet, selon les dispositions de l'article L. 251-3 du code de la sécurité sociale : « Si les ressources de la gestion des assurances maladie, invalidité et décès excèdent le montant des charges, les excédents constatés à l'issue de chaque exercice sont affectés à un fonds de réserve propre à cette gestion . Si les ressources ne permettent pas d'assurer la couverture des charges de la gestion, l'équilibre financier de la Caisse nationale doit, en priorité, être maintenu ou rétabli par un prélèvement sur le fonds de réserve (...) ».

Il convient de souligner que le « fonds de réserve » ainsi visé ne doit pas être confondu avec les « fonds » créés, généralement sous la forme d'établissements publics, au cours de ces dernières années (Fonds de solidarité vieillesse, FOREC, Fonds de réserve des retraites, etc....) hors du « périmètre » des caisses nationales. Il s'agit d'un fonds de gestion entrant dans les attributions propres de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. En effet, depuis l'origine, les caisses de sécurité sociale sont organisées sur la base de « fonds » internes  : fonds de gestion du ou des risques concerné(s) et fonds d'action sanitaire et sociale, notamment.

Or, la création, sur le modèle de celui qui existe déjà pour la branche maladie, de fonds de réserve propres à la branche famille et à la branche accidents du travail 10 ( * ) permettrait :

- d'une part, de « sanctuariser » les excédents respectifs de ces deux branches , excédents qui sont actuellement comptabilisés dans les comptes de report à nouveau de leurs bilans respectifs ;

- d'autre part, de réguler l'impact des fluctuations conjoncturelles de recettes sur l'équilibre de leurs comptes . En effet, les recettes de la sécurité sociale, principalement constituées de cotisations et de contributions (CSG), sont extrêmement sensibles aux variations de l'activité économique. Outre l'évolution structurelle des dépenses propres à chaque branche, l'équilibre financier de la sécurité sociale est ainsi tributaire de ces variations, les déficits des années de récession succédant aux excédents des années de croissance, et vice versa. Afin de neutraliser les effets défavorables de ces « à-coups » conjoncturels sur les comptes sociaux, il paraît donc utile d'autoriser chaque branche à affecter ses excédents éventuels à un fonds de réserve lui permettant de faire face, le cas échéant, à ses déficits ultérieurs.

Ainsi conçus, ces fonds de réserve donneraient à chaque branche les moyens de respecter l'obligation, qui leur est imposée par la « loi Veil » de 1994, de définir les conditions de leur équilibre financier.

B. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Les « charges indues » : un inépuisable sujet de polémique

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont un sujet inépuisable de polémique, dont les divers aspects ont été, à maintes reprises, instruits avec art par la Cour des comptes et la Commission des comptes de la sécurité sociale. Sous peine de verser dans une fastidieuse paraphrase, ce constat ne sera donc pas, à nouveau, développé dans le cadre du présent rapport.

Tout au plus convient-il de souligner que les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale souffrent d'une complexité et d'une confusion préjudiciable à une gestion rigoureuse des comptes sociaux.

a) Des relations financières particulièrement complexes...

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale concernent :

- le paiement des charges sociales de l'Etat employeur ;

- les contributions publiques versées par l'Etat à la sécurité sociale au titre du remboursement de certaines prestations sociales (AAH, RMI...) :

Remboursements de prestations à la charge de l'Etat

(en millions d'euros)

2001

2002

%

2003

%

Prestations Famille

4.991

5.236

4,9

5.358

2,3

AAH

4.238

4.448

5,0

4.551

2,3

API

754

789

4,7

807

2,3

Prestations Maladie

282

291

3,2

274

-5,9

FSI

258

267

3,4

274

2,4

dont régime général

228

235

3,2

241

2,5

IVG

24

24

1,0

0

-98,9

dont régime général

23

24

1,0

0

-100,0

Prestations Vieillesse

11

13

12,7

13

1,4

FSI

11

13

12,7

13

1,4

dont régime général

5

7

24,7

7

0,2

TOTAL

5.284

5.540

4,8

5.644

1,9

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

- les subventions d'équilibre versées par l'Etat à divers régimes au nom de la solidarité nationale :

Subventions d'équilibre versées par l'Etat aux régimes de sécurité sociale de base

(en millions d'euros)

2001

2002

Evolution

2002/2001

2003

Evolution

2003/2002

Montant

Structure

Montant

Structure

Montant

Structure

en %

en %

en %

SNCF

2.223

41,3

2.254

42,0

1,4 %

2.339

42,8

3,8 %

FSPOEIE

1.075

20,0

1.085

20,2

0,9 %

1.159

21,2

6,8 %

ENIM

651

12,1

652

12,1

0,3 %

666

12,2

2,0 %

REGIME MINIER

473

8,8

457

8,5

-3,3 %

580

10,6

26,9 %

Exploitants agricoles (hors AAH)

834

15,5

795

14,8

-4,6 %

587

10,7

-26,2 %

SEITA

103

1,9

96

1,8

-6,2 %

103

1,9

7,0 %

CRRFOM

7,3

0,1

7,3

0,1

0,0 %

7,3

0,1

0,0 %

RISP (Sapeurs Pompiers volontaires)

9,9

0,2

10,4

0,2

5,1 %

10,6

0,2

1,9 %

Opéra de Paris

10,7

0,2

9,9

0,2

-7,5 %

10,5

0,2

6,1 %

Autres petits régimes spéciaux

3

0,1

3

0,1

1,1 %

3

0,1

0,0 %

TOTAL

5.389

100,0

5.370

100,0

-0,3 %

5.465

100,0

1,8 %

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

- le remboursement direct (« hors FOREC ») de certaines exonérations de cotisations sociales :

Les cotisations prises en charge par l'Etat - Régime général

(en millions d'euros)

2000

2001

En %

2002

En %

2003

En %

Cotisations prises en charge par l'Etat

3.250

3.005

-7,6 %

2.787

-7,2 %

2.332

-16,3 %

Cotisations prises en charge par l'Etat (Régime général 1 )

3.083

2.863

-7,2 %

2.645

-7,6 %

2.191

-17,2 %

Cotisations en faveur de certaines catégories de salariés

1.714

1.712

-0,1 %

1.543

-9,9 %

1.258

-18,5 %

Cotisations en faveur de zones géographiques

535

886

65,4 %

936

5,7 %

755

-19,4 %

Cotisations en faveur de divers secteurs économiques

28

58

109,3 %

99

71,5 %

110

10,9 %

Cotisations en faveur des bas salaires

255

132

-48,4 %

0

0

Cotisations en faveur de la réduction du temps de travail

476

10

-97,9%

0

0

Prises en charge de cotisations en faveur de certaines catégories de cotisants

71

66

-7,7 %

67

2,6 %

68

1,2 %

Autres prises en charge de cotisations par l'Etat

4

0

0

0

Cotisations prises en charge par l'Etat (autres régimes 2 )

167

142

-14,9 %

142

-0,1 %

141

-04 %

1 CNAF : tous régimes intégrés
2 Principalement salariés agricoles
Source : commission des comptes de la sécurité sociale

- et, enfin, les frais de gestion prélevés par l'Etat sur les produits recouvrés des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale.

b) ... qui sont sources de nombreux contentieux

Or, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001 : « La complexité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale est le signe le plus net, à la fois, du désordre où l'on est parvenu et de la nécessité de réformes. »

En effet, ces relations financières sont actuellement perturbées par divers contentieux relatifs :

- au montant, et à l'absence de cohérence dans leurs méthodes de calcul, des frais de gestion facturés par l'Etat à la sécurité sociale au titre du recouvrement des recettes fiscales qui lui sont affectées ;

- à la volonté, constante, de l'Etat, d'alléger la charge des subventions d'équilibre dues à certains régimes par l'ajustement des paramètres de la compensation ou/et par la modification des règles de répartition du produit de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) ;

- aux créances des régimes de sécurité sociale et, plus particulièrement du régime général, sur l'Etat au titre des contributions publiques qui leur sont dues. Dans son dernier rapport, la Commission des comptes de la sécurité sociale évalue, au 31 décembre 2001, le montant total de ces créances à 4 milliards d'euros pour le seul régime général (avant prise en compte de la période complémentaire et des 1,2 milliard d'euros prévus en ce domaine dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2002) :

Créances du régime général sur l'Etat (au 31 décembre 2001)

(en millions d'euros)

Créances et produits à recevoir (1)

Produits 2001
(2)

Encaissements (trésorerie)
(3)

Variation 2001 des créances et des produits à recevoir (4)=(2)-(3)

Charges 2001
(5)

Créances et produits à recevoir au 31/12/2001
(6)=(1)+(4)-(5)

Exonérations emploi

2.163,8

2.723,2

2.563,8

159,4

42,3

2.280,9

Maladie

843,2

1.080,0

999,0

81,0

14,7

909,5

AT/MP

166,3

224,4

206,6

17,8

2,4

181,8

Vieillesse

666,8

924,7

862,0

62,7

17,8

711,7

Famille

487,5

494,1

496,3

-2,2

7,4

477,9

Remboursement de prestations et autres contributions publiques

1.744,7

10.175,0

10.193,7

-18,7

11,0

1.715,0

Maladie

251,9

639,9

500,5

139,4

11,0

380,4

Fonds spécial invalidité

38,1

249,2

222,6

26,6

0,0

64,7

Grand invalide de guerre

48,3

176,3

196,7

-20,4

0,0

27,9

RMI

93,7

-16,9

6,4

-23,4

10,9

59,4

Aides sociales

2,3

-0,1

0,7

-0,8

0,0

1,5

IVG

17,9

23,6

23,7

-0,1

0,0

17,8

Autres (AME)

51,6

207,7

50,2

157,5

0,0

209,1

AT/MP

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Vieillesse

0,6

5,5

0,0

5,5

0,0

6,1

Fonds spécial invalidité

0,6

5,5

0,0

5,5

0,0

6,1

Famille (1)

1.492,1

9.529,6

9.693,2

-163,6

0,0

1.328,6

Majoration d'ARS

179,0

7,9

234,3

-226,4

0,0

-47,4

Allocation de parent isolé

119,1

752,6

775,3

-22,6

0,0

96,4

Allocation aux adultes handicapés

457,9

4.179,4

4.175,5

3,9

0,0

461,7

Revenu minimum d'insertion (*)

736,4

4.589,8

4.508,2

81,6

0,0

818,0

Aide à la scolarité

-0,2

0,0

0,0

0,0

0,0

-0,2

Total des créances sur l'Etat

3.908,5

12.898,2

12.757,5

140,7

53,3

3.995,9

Maladie

1.095,1

1.719,8

1.499,4

220,4

25,7

1.289,8

AT/MP

166,3

224,4

206,6

17,8

2,4

181,8

Vieillesse

667,4

930,2

862,0

68,2

17,8

717,8

Famille

1.979,7

10.023,8

10.189,5

-165,7

7,4

1.806,5

(*) Hors champs CCSS

(1) En ce qui concerne la majoration d'ARS, le crédit de 47,4 millions en faveur de l'Etat a été réduit à 3,51 millions après reversement partiel le 1 er février (le crédit restant servant à couvrir le reliquat de majoration d'ARS des années suivantes).

En ce qui concerne l'API, l'AAH et le RMI, les soldes au 31/12/2001 doivent être regardés au vu des acomptes de janvier 2002 au titre de décembre 2001, non pris en compte dans ce tableau.
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

- enfin, et surtout, à la création et aux modalités de financement du FOREC, qui ont permis à l'Etat de se soustraire aux obligations de l'article 5 de la « loi Veil » de juillet 1994 (codifié depuis à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale) , selon lesquelles toute exonération de cotisations sociales décidée par l'Etat doit être intégralement compensée, par celui-ci, à la sécurité sociale.

2. Une étape décisive dans la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale : la suppression annoncée du FOREC

La compensation à la sécurité sociale, par l'intermédiaire du FOREC, des pertes de recettes résultant des exonérations de cotisations, constitue d'ailleurs le principal « abcès » du contentieux financier entre l'Etat et la sécurité sociale. Sa suppression, annoncée par le Gouvernement, fournira donc l'occasion de clarifier les relations entre ces deux entités.

Votre commission a formulé des critiques sévères à l'encontre du FOREC, qui était, en revanche, présenté par le précédent gouvernement comme un instrument de transparence financière.

a) Les griefs formulés à l'encontre du FOREC

En fait, ces griefs s'adressaient plus aux modalités de constitution du FOREC, qu'à son principe même :

- ce fonds n'a été effectivement constitué que très tardivement après sa création législative et pendant la précédente législature, il n'a jamais été doté de ses instances de contrôle ;

- il a été essentiellement alimenté par des recettes prises à la sécurité sociale. Cette dernière, en quelque sorte, se compense ainsi à elle-même les exonérations de charges sociales ;

- il a justifié la mise en place de circuits financiers particulièrement opaques et complexes qui, bouleversant la répartition des recettes et des charges au sein de la sécurité sociale, n'avaient pour autre objectif que d'assurer son équilibre financier annuel ;

- il a vu s'allonger, au fil d'ajustements successifs annuels, voire intra-annuels ou rétroactifs, la liste de ses recettes qui sont, de surcroît, le plus souvent partagées avec l'Etat ou d'autres organismes (au total huit recettes différentes très hétérogènes) ;

- il s'est trouvé, d'emblée, en déficit d'où, en 2000, une dette du FOREC de 2,4 milliards d'euros à l'égard de la sécurité sociale dont une première moitié sera finalement remboursée en 2003, via la CADES ;

- il fait l'objet d'un débat confus en loi de financement, ses recettes et ses dépenses se « télescopant » avec les agrégats de recettes et de dépenses .

Aujourd'hui, la « suppression » du FOREC est réclamée unanimement.

b) Les solutions de remplacement envisageables

Encore faut-il s'entendre sur la nature et les conséquences, pour la sécurité sociale, de cette suppression. Deux solutions sont envisageables en ce domaine :

La suppression « vertueuse » du FOREC

Elle consisterait à inscrire ses recettes et ses dépenses au budget de l'Etat, c'est-à-dire à fondre ses recettes dans le tout-venant des impôts et taxes, et inscrire les dotations budgétaires correspondantes à la compensation des différentes exonérations dans les dépenses du budget de l'Etat, comme cela était le cas avant la création du FOREC .

Cette solution pose un problème de masses financières (gonflement des dépenses de l'Etat d'environ 16 milliards d'euros), même si les soldes restent inchangés. Elle soulève également une interrogation quant à la cohérence de la répartition de certains impôts et taxes entre l'Etat et la sécurité sociale, puisque les droits de consommation sur les tabacs et les alcools sont des recettes importantes du FOREC. Or, il apparaît logique que ces recettes, qui obéissent à une logique de santé publique et qui demeurent dissuasives, restent affectées sinon à la sécurité sociale, du moins à la « sphère sociale ».

La suppression « dangereuse » du FOREC

Elle consisterait à dissoudre le FOREC et à affecter ses recettes directement aux différentes caisses et régimes concernés par les exonérations de cotisations.

En effet, le défaut du FOREC (impossible ajustement annuel des recettes aux dépenses) serait ainsi accentué (et même multiplié par le nombre de caisses) et, surtout, le suivi de la compensation des exonérations à chaque caisse deviendrait extrêmement difficile. Le contrôle du respect, par l'Etat, de l'obligation posée par la « loi Veil » de 1994, deviendrait alors impossible.

A contrario , la non-suppression du FOREC entraînera nécessairement la poursuite de l'inventaire « à la Prévert » de ses recettes, car il faudra continuer à ajuster ces dernières, année après année, aux dépenses, en espérant que cela « tombe juste » à la clôture de chaque exercice 11 ( * ) .

Pour votre commission, une solution de compromis pourrait être trouvée selon les modalités suivantes :

- maintenir le FOREC dans sa forme actuelle (établissement public, distinct du budget de l'Etat et des comptes des régimes de sécurité sociale) ;

- créer en loi de financement un article spécifique qui en déterminerait les recettes et les dépenses (les comptes du FOREC retrouvant ainsi leur transparence) ;

- figer son périmètre de recettes en le simplifiant (diminution et « recentrage » des recettes affectées) ;

- assurer son équilibre annuel par une contribution budgétaire, qui présenterait le mérite de pouvoir être calculée à « l'euro près » 12 ( * ) .

Bien entendu, cette dotation budgétaire devrait s'accroître au cours des prochaines années, afin de prendre en compte la montée en charge du nouvel allégement général de cotisations patronales remplaçant, à compter du 1 er juillet 2003, la ristourne dégressive sur les bas salaires (« ristourne Juppé ») et les allégements liés à la réduction du temps de travail (allégements Aubry I et Aubry II).

Ces opérations seraient contrôlées par le Conseil de surveillance du FOREC, présidé par un parlementaire et, naturellement, par les commissions des finances à travers la dotation budgétaire de l'Etat au FOREC (dont le montant sera fixé en loi de finances).

Ainsi serait satisfaite, par l'Etat, l'obligation qui lui est impartie, en vertu de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, de compenser intégralement à la sécurité sociale le coût des exonérations de cotisations.

C. ASSURANCE ET SOLIDARITÉ : LES DEUX PÔLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Enfin, dernier principe fondamental qu'il convient de restaurer : la distinction entre les prestations relevant d'une logique d'assurance, financées par des cotisations, et celles obéissant à une logique de solidarité, financées, au nom de la solidarité nationale, par des recettes de nature fiscale.

Là encore, les circuits financiers imaginés par le précédent gouvernement ont mis à mal la cohérence de ce principe. Sa principale incarnation, à savoir le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), en a subi les conséquences les plus défavorables.

La restauration de ce principe passe donc, en priorité, par le rétablissement des bases financières du FSV.

1. Une distinction qui conserve toute sa pertinence

Dans les faits, et pour certaines prestations, la distinction entre assurance et solidarité peut être difficile à établir avec précision. Néanmoins, cette distinction conserve toute sa pertinence, comme l'atteste l'évaluation réalisée par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001.

a) Des « blocs » identifiables de prestations

Ainsi, selon la Cour des comptes :

« Les dépenses de prestations sociales peuvent être classées en fonction de plusieurs critères : un premier distingue les prestations en nature, c'est-à-dire la prise en charge des soins médicaux, des prestations monétaires ; un second oppose les prestations d'assurance, qui compensent la perte du revenu d'activité (les indemnités journalières pour la maladie ou les accidents du travail et les retraites), à celles qui sont versées à tout résident sur le sol français en fonction d'un certain nombre de critères indépendants des revenus d'activité (notamment prestations de soins et prestations familiales) ; enfin, un troisième permet de classer les prestations selon qu'elles sont subordonnées à une condition de ressources (cas d'un certain nombre de prestations familiales, du minimum vieillesse ou de l'allocation supplémentaire de retraite) ou non.

« Le premier critère ne présente pas d'intérêt particulier du point de vue du financement des prestations. (...). On ne retiendra donc que les deux derniers critères. Le croisement de ces deux critères conduit alors à classer les prestations en trois catégories :

« - les prestations d'assurance « perte ou absence de revenu » : indemnités journalières maladie, indemnités et rentes pour les accidents du travail et pensions de retraite, allocation compensant une inactivité professionnelle ;

« - les prestations « universelles », accordées en fait à l'ensemble de la population sans condition ni d'activité ni de ressources : prestations maladie en nature, prestations familiales répondant exclusivement à ces critères d'âge et de nombre d'enfants ;

« - les prestations « sous condition » dont le bénéfice pour les ménages est lié à l'existence d'une condition de ressources ou à une durée insuffisante de cotisation à des régimes de retraite : prestations familiales sous condition de ressources, minimum vieillesse et autres prestations vieillesse prises en charge par le FSV, allocation vieillesse des travailleurs salariés (AVTS), allocations supplémentaires et majoration de pension.

« Tout classement des différentes prestations dans l'une de ces trois catégories présente un caractère conventionnel. Il est ici rendu difficile par le fait que le système français de sécurité sociale est fortement marqué par la solidarité. Celle-ci n'est pas cantonnée à des prestations spécifiques, destinées à une catégorie particulière de la population -parents isolés, adultes handicapés, familles à faibles ressources. (...). Il apparaît clairement qu'elle est la marque générale du système. Ceci est vrai pour la couverture maladie et pour les prestations familiales. Mais la solidarité est aussi fortement présente au sein des prestations de type assurantiel comme les retraites. En dépit de ces difficultés, (la Cour) a procédé au classement de chaque prestation dans l'une ou l'autre des catégories précédentes, et les conventions paraissent s'imposer suffisamment, à une ou deux exceptions près, pour que le classement soit pertinent. (...)

« Rapportée à l'ensemble des prestations servies par le régime général, la structure selon ces trois grands types de prestations est relativement stable depuis vingt ans (tableau ci-dessous) : les prestations universelles restent prépondérantes avec près de la moitié du total (47 %), les prestations liées à la perte ou à l'absence de revenu ont légèrement progressé (de 33,4 à 36,6 %) et dépassent désormais le tiers du total des dépenses tandis que les prestations sous condition sont en diminution relative à 11,0 %. Evaluée à l'aune de la part respective des prestations, la sécurité sociale reste ainsi fondamentalement un système de base citoyenne, visant la couverture des soins et le remplacement de revenus et, seulement secondairement, l'aide aux personnes et familles à ressources faibles et moyennes. En ce sens, elle est demeurée à travers l'extension de son champ et les différentes réformes mises en oeuvre depuis vingt ans, fidèle à sa philosophie originelle. »

Structure des dépenses* et des ressources de la sécurité sociale

(en pourcentage)

1980

2000

Dépenses

Ressources

Dépenses

Ressources

Assurance « perte ou absence de revenus »

33,4

96,9

36,6

67,9

Prestations « universelles »

47,4

-

46,3

24,0

Prestations « sous condition »

11,4

1,4

11,0

4,5

Divers

7,7

1,7

6,1

3,6

Ensemble

100

100

100

100

Champ : Ensemble des branches du régime général.
Source : Cour des comptes

*La nomenclature des dépenses en ces quatre groupes, « perte ou absence de revenus », « universelles », « sous condition », « divers », est décrite ci-dessus et précisée dans l'annexe de cette section.

b) Des disparités selon les branches

Ce constat général doit néanmoins être nuancé selon les branches. En effet, toujours selon la Cour des comptes : « on constate de fortes différences de structure selon les branches : d'une part, une polarisation marquée entre le caractère quasi universel (93 %) des prestations maladie (hors aide sociale et gestion) et celui très largement assurantiel des prestations vieillesse (89 %) et accidents du travail (100 %) ; d'autre part, un partage des prestations familiales entre prestations universelles et prestations sous condition, alors que ces dernières sont, soit inexistantes dans la branche maladie et accidents du travail, soit représentent une part faible (11 %) dans la branche vieillesse. Ces structures ont très peu varié au cours des vingt dernières années, en dehors du déclin des indemnités journalières dans la branche maladie qui tombent de 9,1 % à 6,2 % du total des dépenses et du recul, dans la branche famille, de la part des prestations sous condition (de 44,2 % à 40,2 %) au profit de prestations qui compensent une perte ou une absence de revenus (de 3,5 % à 15,2 % en 2000) 13 ( * ) ».

2. Un principe à restaurer : le rétablissement des bases financières du Fonds de solidarité vieillesse

a) Un ensemble cohérent de recettes et de dépenses qui fut progressivement altéré

Dès sa création, le fonds de solidarité vieillesse (FSV) incarnait le principe visant à distinguer, au sein des prestations vieillesse, celles relevant du principe d'assurance et celles qui sont servies au titre de la solidarité.

Constitué initialement en 1993 sur la base d'une mission cohérente, à savoir le financement des prestations d'assurance vieillesse à caractère non contributif , et disposant de ressources propres affectées (fraction de la CSG, 100 % des droits sur les alcools et sur les boissons alcoolisées, contribution sociale de solidarité des sociétés -C3S-, taxe sur les contrats de prévoyance), le FSV a progressivement connu un « démembrement » de cette cohérence d'origine, qu'il s'agisse :

- de ses recettes : le FSV a ainsi perdu, au profit du FOREC, la totalité des droits sur les alcools et a également perdu, en 2002, la taxe de prévoyance. Parallèlement, la fraction de CSG dont il bénéficie a été réduite en 2001, d'abord au profit de la CNAMTS, puis une seconde fois au profit du fonds de financement de l'allocation d'aide personnalisée à l'autonomie. Enfin, le circuit pour le moins subtil de distribution du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés entre les régimes de sécurité sociale des professions indépendantes, le BAPSA et le FSV, réduit généralement ce dernier à la portion congrue ;

- de ses dépenses : deux mesures nouvelles ont, à partir de 2001, mis à mal la cohérence des interventions du FSV, à savoir, d'une part, l'extension de son champ d'action aux régimes de retraite complémentaires, par la mise à sa charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'AGIRC et de l'ARRCO et, d'autre part, le transfert progressif à la CNAF du coût des majorations de pension pour enfants que le FSV finançait, au titre de la solidarité nationale depuis 1994.

b) Le rétablissement des bases financières du FSV

Le « dépeçage » du FSV a eu pour conséquence de « déstabiliser » ses bases financières. Conjugué à l'augmentation des prises en charge liée à la remontée du chômage, le changement du périmètre des recettes et des charges du fonds se traduit par une dégradation rapide de son résultat net. Le fonds devient ainsi déficitaire de 86 millions d'euros en 2001, et de 1,4 milliard d'euros en 2002. Avant mesures nouvelles, ce déficit devrait s'établir à 923 millions d'euros en 2003.

Le rétablissement de l'équilibre financier du FSV ne saurait plus être assuré par des mesures ponctuelles. Seule la restauration d'un périmètre cohérent de recettes et de dépenses, sur la base de celui qui avait été défini en 1993, devrait permettre de rétablir l'équilibre des comptes du FSV.

Là encore, le respect de quelques principes fondamentaux pourrait donc contribuer à assainir la situation financière de la sécurité sociale.

III. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003 : UNE PREMIÈRE ÉTAPE SUR LA VOIE DU REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX, QU'IL EST POSSIBLE, DÈS AUJOURD'HUI, DE CONFORTER

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 traduit, dans un contexte difficile, la volonté du Gouvernement de s'engager sur la voie du redressement des comptes sociaux et de la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Toutefois, la brièveté des délais dont il a disposé pour élaborer ce projet de loi, ainsi que l'état déplorable des finances publiques et sociales légué par son prédécesseur, ne lui ont pas permis de remettre en cause, d'emblée, l'ensemble des circuits financiers mis en place ces dernières années.

Se félicitant, en toute hypothèse, des premiers éléments de clarification ainsi apportés dans le cadre de ce projet de loi, votre commission vous propose de conforter la démarche du Gouvernement, par la définition d'une nouvelle répartition des recettes et des dépenses entre les principaux acteurs concernés.

Cette proposition de votre commission, élaborée sur la base d'une stricte neutralité financière pour l'ensemble des parties concernées, franchit une étape supplémentaire dans la simplification des circuits financiers de la sécurité sociale.

A. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003 : UNE PREMIÈRE ÉTAPE SUR LA VOIE DU REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX

1. Des éléments salutaires de rupture avec les errements passés

En dépit des courts délais dont il a disposé, le Gouvernement fait apparaître, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, des éléments salutaires de rupture avec les errements de son prédécesseur, qui marquent la mise en oeuvre d'une autre politique.

Ces éléments de rupture concernent tout à la fois :

- la crédibilité du cadre institutionnel des finances sociales ;

- la clarification des circuits financiers de la sécurité sociale.

a) La crédibilité retrouvée du cadre institutionnel des lois de financement de la sécurité sociale

En ce domaine, le Gouvernement a :

annoncé le dépôt, au printemps 2003, d'un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique ;

et pris l'engagement, dans le rapport annexé au projet de loi de financement, de déposer sur le bureau des Assemblées parlementaires « au début du mois de mai, un projet de loi de financement rectificatif, au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la Commission des comptes de printemps montrerait un décalage significatif avec les objectifs fixés dans la loi de financement pour 2003.»

Il redonne ainsi du sens, de la crédibilité et de la cohérence, au débat sur les finances sociales :

- du sens , dans la mesure où les priorités de santé sont nécessairement pluriannuelles ; il appartient, en revanche, à la loi de financement de la sécurité sociale de les mettre en oeuvre chaque année, et au Parlement de vérifier si les objectifs ainsi définis sont bien réalisés ; ainsi, les lois de financement retrouvent un contenu de santé publique qui leur a fait cruellement défaut au cours de ces dernières années ;

- de la crédibilité , car le vote d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) par la représentation nationale était dépourvu de tout enjeu dès lors que le précédent gouvernement s'en affranchissait lui-même quelques semaines après la promulgation de la loi de financement ;

- et de la cohérence, toute modification importante des recettes ou des dépenses de la sécurité sociale devant être, à nouveau, soumis à l'examen et à l'accord du Parlement dans le cadre d'un projet de loi financement rectificatif .

Loi d'orientation sur la santé publique, collectif social en tant que de besoins : ce sont deux exigences que votre commission des Affaires sociales avait formulées lors de la précédente législature.

En y apportant une réponse adaptée, le Gouvernement met ainsi un terme au dévoiement progressif des lois de financement de la sécurité sociale dont la vocation était pourtant, à l'origine, de donner à la représentation nationale l'occasion d'un débat transparent et démocratique sur les enjeux de la protection sociale.

b) Les éléments bienvenus d'une clarification financière

Au cours de la dernière législature, la sécurité sociale a fait l'objet d'une véritable « prise d'otages » sous la forme de détournement de ses recettes ou de transferts de charges ayant pour objet, directement ou indirectement, de financer le FOREC.

En ce domaine également, il convient de saluer le principe même de certaines dispositions du projet de loi de financement pour 2003 qui traduisent la volonté du Gouvernement de clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

L'une des mesures les plus significatives de ce projet de loi est, à cet égard, le remboursement, à la sécurité sociale, de la moitié de la dette contractée par l'Etat au titre des comptes 2000 du FOREC, soit 1,2 milliard d'euros.

A la différence de son prédécesseur, qui avait tenté d'annuler cette dette (cf. encadré ci-après), le Gouvernement a donc décidé d'assumer pleinement les responsabilités de l'Etat en la matière.

Ce remboursement, dès 2003, de la moitié de la dette due à la sécurité sociale au titre de la sécurité sociale permettra ainsi de réduire d'environ un milliard d'euros le déficit prévisionnel du régime général.

Autre élément de clarification contenu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale , la compensation intégrale, aux régimes de la sécurité sociale, via le FOREC, des pertes de cotisations résultant de l'entrée en vigueur, au 1 er juillet 2003, du nouvel allégement général de cotisations sociales patronales destiné à remplacer la ristourne dégressive de cotisations sur les bas salaires (« ristourne Juppé ») et les allégements de cotisations liés à la réduction du temps de travail (allégements Aubry I et Aubry II).

Selon les données communiquées en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette substitution devrait se traduire, en 2003, par un coût net supplémentaire d'un milliard d'euros (cf. tableau ci-après) pour le FOREC.

L'historique de la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale
au titre du FOREC

Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (article 5 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999, codifié aux articles L. 131-8 à L. 131-11 du code de la sécurité sociale) , le FOREC ne fut, en réalité, véritablement constitué qu'à l'occasion de la publication du décret n° 2001-968 du 25 octobre 2001 qui en a fixé, avec près de deux ans de retard, les conditions d'organisation, de fonctionnement et de gestion.

Dans l'attente de la publication des textes réglementaires d'application, et conformément aux dispositions transitoires de l'article 5 précité de la loi de financement pour 2000, les recettes fiscales affectées au FOREC pour l'année 2000 ont été versées à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). En l'absence de création effective du FOREC, la répartition de ces recettes entre les différents régimes de sécurité sociale, au titre de la compensation des pertes de recettes résultant des exonérations de cotisations, a été effectuée par l'ACOSS sur la base d'une lettre du 22 février 2001 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'emploi et de la solidarité (l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ayant, depuis, donné une base légale à cette instruction ministérielle).

Or, les recettes du FOREC pour l'année 2000 ne couvraient pas l'intégralité des exonérations de cotisations à sa charge . Conformément aux dispositions des articles L. 131-9 et L. 131-7 du code de la sécurité sociale, cette dette, d'un montant total de 2,4 milliards d'euros, était due aux régimes de sécurité sociale concernés, non pas par le FOREC, mais par l'Etat.

Le précédent gouvernement ayant annoncé, à l'occasion de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2001, que l'Etat n'avait pas l'intention d'honorer cette dette , l'article 12 précité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 proposait :

- d'une part, d'annuler purement et simplement cette dette ;

- et, d'autre part, d'imputer la perte correspondante des régimes de sécurité sociale sur leurs comptes de l'exercice 2000, ceux-ci étant « modifiés pour tenir compte de cette annulation ».

Or, saisi par le Sénat, le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition (décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001), considérant que l'annulation d'une créance sur l'Etat garantie par la loi et constituée à l'actif des bilans des régimes de sécurité sociale était contraire à « l'exigence constitutionnelle qui s'attache à l'équilibre financier de la sécurité sociale, eu égard au montant de cette créance et à la situation financière de ces régimes. »

En janvier 2002, et selon une procédure inhabituelle, Mme Elizabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, demande à M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, d'actualiser les comptes prévisionnels de la sécurité sociale pour 2001. A cette occasion, M. Monier propose de provisionner la dette due à la sécurité sociale dans les comptes 2001 des différents régimes concernés, ce qui est fait en février 2002, à nouveau sur simple instruction épistolaire du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cette provision diminue d'autant les résultats de la sécurité sociale pour 2001 . Par une heureuse coïncidence, les recettes de l'exercice ont été parallèlement révisées à la hausse dans le rapport de M. Monier en raison, d'une part, d'une croissance de la masse salariale plus forte que prévue et, d'autre part, de la correction d'une importante erreur dans l'évaluation, en comptabilité de droits constatés, des produits (recettes) à recevoir au titre de l'exercice 2000.

Les comptes prévisionnels du FOREC pour 2002 et 2003

(en millions d'euros)

2002
Droits constatés

2003
Droits constatés

RECETTES

Droits de consommation alcools et boissons

2.615

2.647

Droits de consommation tabac

7.815

8.115

Taxe sur les conventions d'assurances

1.448

2.152

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

870

870

Taxe générale sur les véhicules de société

750

780

Taxe générale sur les activités polluantes

656

529

Prélèvement VTM

950

967

Taxe prévoyance

566

500

Contribution directe de l'Etat

-

-

15.670

16.560

DEPENSES

Ristourne bas salaires 1,3 SMIC (jusqu'au 1 er juillet 2003)

4.615

2.022

Aubry I

2.218

2.008

Aubry II (jusqu'au 1 er juillet 2003)

8.249

5.017

ARTT de Robien

478

426

Allégement unique (à compter du 1 er juillet 2003)

-

7.087

15.560

16.560

Résultat net

110

0

Source : Annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003

Or, et à la différence des années précédentes où la « compensation », par le FOREC, de la sécurité sociale était assurée par le détournement préalable des recettes de cette dernière au profit dudit fonds, ce coût supplémentaire lui sera intégralement compensé , d'une part, par l'Etat, qui abandonne au profit du FOREC une fraction supplémentaire du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (soit 660 millions d'euros) et, d'autre part, par l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs dont le produit est déjà partagé entre le FOREC et l'assurance maladie (CNAMTS).

En outre, cette compensation s'accompagne, également, de la restitution à la sécurité sociale de la fraction du produit de ces droits de consommation qui lui avait été confisquée, en 2001, au profit du FOREC .

Le Gouvernement confirme ainsi sa volonté :

- d'une part, de respecter les dispositions essentielles de la « loi Veil » de 1994 (art. L. 131-7 du code de la sécurité sociale), selon lesquelles toute réduction ou exonération de cotisations sociales décidée par l'Etat doit être compensée intégralement, par celui-ci, aux régimes de sécurité sociale ;

- et, d'autre part, de clarifier progressivement les circuits financiers de la sécurité sociale.

2. Un projet de loi de transition qui, compte tenu de l'état des finances publiques et sociales légué par le précédent gouvernement, ne peut rompre, d'emblée, avec certaines pratiques financières

Comme le souligne le rapport annexé au projet de loi de financement, « la conjoncture et les contraintes des finances publiques ne permettent pas d'opérer une clarification complète en une seule année » . En outre, certaines habitudes administratives, notamment dans le domaine complexe et parfois opaque des relations financières entre le budget de l'Etat et les comptes sociaux, n'ont pu être corrigées en quelques mois.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est donc, nécessairement, un compromis ou, plus exactement, comme l'a indiqué M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées lors de son audition par votre commission, un projet de loi de financement « de transition ».

Consciente de ces contraintes, votre commission considère néanmoins que certaines dispositions financières de ce projet de loi doivent relever d'une transition aussi brève que possible.

a) Le remboursement de la dette due à la sécurité sociale au titre des comptes 2000 du FOREC par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Or, cette dette est une dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale.

Certes, l'objectif est louable : rembourser sa créance à la sécurité sociale alors que, l'an dernier, l'augmentation, décidée par le précédent gouvernement, du versement de la CADES à l'Etat n'avait pour objectif que de réduire, en affichage, le déficit budgétaire.

En outre, ce prélèvement ne compromet pas le remboursement de la dette sociale et n'allonge pas la perception de la CRDS.

Il reste que ce prélèvement semble, à votre commission, davantage marqué par la continuité avec les pratiques passées que s'inscrire parmi les éléments salutaires de rupture. Finalement, la CADES se trouve devoir rembourser la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale alors que sa mission initiale univoque devait être de rembourser la dette de la sécurité sociale. Il y a là un glissement qui n'est pas sans danger quant à l'image de la CADES sur les marchés financiers, et qui constitue, de surcroît, un pari sur l'évolution des recettes attendues de la CRDS dans les prochaines années.

Certes, le versement à la sécurité sociale que permet ce prélèvement améliore le résultat de l'exercice 2003, du moins en limite le déficit et, par conséquent, contient la progression d'une dette nouvelle de la sécurité sociale.

Il reste que, depuis la réouverture de la CADES en 1998, une nouvelle dette sociale se reconstitue, notamment à la CNAMTS.

Votre commission ne saurait, bien entendu, prôner une nouvelle réouverture de la CADES, mais elle observe qu'il faudra bien, un jour, traiter cette question.

Il lui semble, à cet égard, imprudent de considérer que l'on puisse ponctionner aujourd'hui la CADES sans conséquence.

b) La modification, par voie réglementaire, des paramètres de la compensation (généralisée et spécifique) entre les régimes d'assurance vieillesse

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002 évoquait, pour la première fois, une modification des paramètres de la compensation (générale et spécifique) entre régimes d'assurance vieillesse.

Certes, cette modification sera effectuée par voie réglementaire et échappe, de ce fait, et d'un strict point de vue juridique, au « champ » de la loi de financement de la sécurité sociale.

Néanmoins, il apparaît que la raison d'être de cette modification est de permettre, par le jeu conjugué des transferts de compensation, des subventions d'équilibre versées par l'Etat à certains régimes spéciaux et de la nouvelle répartition induite du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) entre certains de ces régimes :

- d'assurer le financement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), après que l'Etat en ait mobilisé les réserves, aujourd'hui exsangues, à son propre profit au cours des dix dernières années ;

- et de dégager, sur le budget de l'Etat, une économie correspondante au titre des subventions d'équilibre versées à divers régimes spéciaux (notamment, le budget annexe des prestations sociales agricoles).

Or, si l'on peut reconnaître la « patte » du ministère des finances dans la conception d'un tel circuit, et saluer son ingéniosité (qui transcende les alternances), il n'en demeure pas moins que sa mise en oeuvre :

- se traduit pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et donc pour l'ensemble du régime général, par une charge supplémentaire de 830 millions d'euros par an ;

- et intervient à la veille du « choc » du départ à la retraite des nombreuses générations du « baby boom », qui sollicitera brutalement la totalité des ressources disponibles de l'assurance vieillesse.

Votre commission considère donc que cette mesure d'ordre réglementaire doit être analysée dans le cadre plus vaste de la réforme des retraites annoncée par le Gouvernement, pour 2003, et qu'il conviendrait, à ce titre, de la reconsidérer à l'occasion de la négociation globale qui s'ouvrira, à ce sujet, en début d'année prochaine.

c) La poursuite du transfert à la CNAF des majorations de pension pour enfants

L'article 41 du projet de loi de financement de la sécurité sociale porte de 30 % à 60 % la fraction des majorations de pension pour enfants 14 ( * ) prises en charge par la branche famille du régime général (CNAF), allégeant de 950 millions d'euros les dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en 2003 et rétablissant, ainsi, son équilibre financier.

Décidé par le précédent gouvernement , le transfert intégral de ces majorations de pension du FSV à la CNAF fut inscrit pour la première fois dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, et devrait s'échelonner sur sept ans, par tranche de 15 %.

L'argumentation du gouvernement de l'époque était qu'il s'agissait d'une clarification financière, les majorations de pension ne ressortant pas des avantages vieillesse, mais s'analysant, selon lui, comme une prestation familiale différée entrant ainsi dans le champ de compétence de la branche famille au nom de la solidarité « inter-générationnelle ».

En réalité, cette mesure traduisait la nécessité de « soulager » le FSV, dont les recettes étaient, par ailleurs, mobilisées pour financer le FOREC et le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA) . Votre commission s'était donc opposée à ce transfert.

Or, aujourd'hui comme hier, et sans ignorer la dégradation de la situation financière du FSV, votre commission considère que cette majoration de pension est, sans conteste, un avantage vieillesse et que sa prise en charge par la branche famille reste critiquable dans son principe même.

B. UNE DÉMARCHE DE RUPTURE QUI PEUT ÊTRE CONFORTÉE DÈS AUJOURD'HUI

Compte tenu, d'une part, des avancées positives que contient le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, de ses propres observations concernant la persistance de certaines « astuces » financières héritées du passé, votre commission vous propose de franchir, dès cette année, une étape supplémentaire dans la clarification des circuits financiers de la sécurité sociale.

Deux axes lui semblent prioritaires et urgents, la remise en ordre du FOREC et un premier retour au bon sens dans la détermination des missions des différents acteurs de la protection sociale.

1. La remise en ordre du FOREC

Les griefs historiques à l'égard du FOREC sont nombreux, on l'a vu 15 ( * ) , mais dans l'attente de la « suppression vertueuse » de ce fonds qu'évoquait votre rapporteur, il est urgent de procéder à sa mise en ordre.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle, dans l'immédiat, sa consolidation et sa simplification.

Ses recettes seraient simplifiées et regroupées autour de quatre taxes affectées au lieu de huit actuellement : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la taxe sur les véhicules de société et cette sorte de taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés qu'est la contribution dite sociale sur le bénéfice des sociétés , seraient restituées à l'Etat en échange de l'affectation intégrale de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance actuellement partagée entre l'Etat et le FOREC ; en outre, (voir ci-dessous) la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire serait restituée au FSV.

Ce périmètre de recettes serait stabilisé ; il est indispensable en effet de mettre un terme à l'ajustement continu des taxes ou des fractions de taxe affectées au FOREC pour faire face aux besoins de financement du fonds qui n'ont aucune raison de « tomber juste ».

Cet ajustement annuel comme la montée en charge des exonérations de cotisations liées à l'unification du SMIC doivent être assurés par une dotation budgétaire, votée chaque année en loi de finances, précisément ajustée et dûment contrôlée.

Il serait ainsi mis un terme à la succession de déficits (2000) et d'excédents (2001-2002) du FOREC, la dotation budgétaire devant assurer l'équilibre à l'euro près ; a contrario , les éventuels excédents doivent être reversés au budget général : il n'y a pas de raison en effet que le FOREC constitue des « cagnottes ».

Il n'est pas nécessaire, dans ces conditions, de mettre en place un « comité des finances sociales » comme l'a envisagé un moment l'Assemblée nationale : le conseil de surveillance du FOREC, présidé par un parlementaire, doit veiller au caractère intégral de la compensation.

Les recettes et les dépenses prévisionnelles du FOREC doivent enfin apparaître clairement en loi de financement, par le vote d'un article spécifique.

Recettes du FOREC pour 2003 1

PLFSS pour 2003

Proposition CAS

Droit de consommation alcools et boissons

2.647

2.647

Droits de consommation tabac

8.115

8.115

Taxe sur les conventions d'assurances

2.152

4.883

Taxe sur les primes d'assurance automobile

967

967

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

870

Taxe sur les véhicules des sociétés

780

Taxe générale sur les activités polluantes

529

Taxe sur les contrats de prévoyance

500

Contribution directe de l'Etat

Produits non consommés reversés à l'Etat

- 52

TOTAL

16.560

16.560

(1) Rappel dépenses : 16.560 M€ pour 2003. (en millions d'euros)

2. Le retour au bon sens dans la détermination des missions

Aujourd'hui, la branche famille prend en charge le financement d'une partie de la majoration de pension pour enfants , prestation relevant initialement de l'assurance vieillesse puis prise en charge, au titre de la solidarité, par le FSV.

A contrario , pour des raisons anecdotiques liées à la nécessité de bouclages financiers conjoncturels, l'allocation de parent isolé (API), prestation familiale historique, est inscrite au budget général.

Enfin, le FSV est mis à contribution pour apurer la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de retraite (AGIRC-ARRCO 16 ( * ) ), mission tout à fait étrangère à sa raison d'être et à sa place au sein des lois de financement qui ne traitent que des régimes de base.

En résumé, au terme de trois ans de manipulation des flux financiers, l'Etat finance une prestation familiale, la CNAF finance une prestation de solidarité vieillesse et le FSV prend en charge les dettes de l'Etat.

Votre commission juge qu'il est urgent de rendre à chacun ce qui lui revient.

Aujourd'hui

Proposition CAS

ETAT

Dette AGIRC/ARRCO

ETAT

FSV

Majorations pensions pour enfants

FSV

CNAF

Allocation de parent isolé

CNAF

La CNAF serait allégée de la charge des majorations de pension pour enfants et retrouverait le service de l'API. La neutralisation financière de cette opération serait effectuée par un transfert de 0,1 point de CSG famille au FSV ; le taux de la CSG Famille serait de fait « sanctuarisé » à 1 point.

La branche famille serait ainsi garantie contre une nouvelle progression de sa contribution au titre des majorations de pension pour enfants, progression au demeurant irréaliste d'un point de vue financier et fragile d'un point de vue constitutionnel.

Retrouvant le service de la majoration de pension pour enfants qui relève bien de sa mission, le FSV en serait compensé, comme il a été dit, par 0,1 point de CSG famille mais également par deux moyens s'inscrivant eux-mêmes dans un souci de cohérence :

- il serait libéré de la charge de la dette de l'Etat à l'égard des régimes de retraite complémentaire qui lui a été imposée en 2001 ;

- il rentrerait en possession de la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire (dite taxe sur les contrats de prévoyance ) créée à son profit en 1996 17 ( * ) , détournée depuis au bénéfice du FOREC.

L' Etat reprendrait en charge sa dette à l'égard des régimes de retraite complémentaire mais verrait ses masses budgétaires dégonflées par le retour de l'API au sein de la branche famille ; il limiterait les interfaces complexes dans le domaine fiscal qu'il entretient aujourd'hui avec la sphère sociale ; il bénéficierait en outre en 2003 du reversement des excédents du FOREC.

*

* *

« Il faut ranger les pots de confiture pour qu'on y voie clair » 18 ( * ) . La commission a pris cette tâche à coeur en remettant ainsi en ordre une masse financière de plus de 8,5 milliards d'euros.

Au terme de ce double « rangement », elle obtient des soldes quasiment équilibrés. Cette neutralité financière est seule à même de garantir la faisabilité de cette clarification dans un contexte budgétaire contraint.

Résumé des propositions de la commission des Affaires sociales

(en millions d'euros)

CNAF

FSV

Contribution au titre des majorations de pension pour enfants

+ 1.890

Majorations de pension pour enfants

- 1.890

Allocation de parents isolés

- 805

Dette AGIRC ARRCO

+ 457

Contribution sociale généralisée

- 900

Contribution sociale généralisée

+ 900

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

+ 500

SOLDE

+ 185

SOLDE

- 33

ETAT

FOREC

Taxe générale sur les activités polluantes

+ 529

Taxe générale sur les activités polluantes

- 529

Taxe sur les véhicules de société

+ 780

Taxe sur les véhicules de société

- 780

Contribution sociale sur les véhicules de société

+ 870

Contribution sociale sur les véhicules de société

- 870

Taxe spéciale sur les contrats d'assurance

- 2.731

Taxe spéciale sur les contrats d'assurance

+ 2.731

Dette AGIRC ARRCO

- 457

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

- 500

Allocation de parents isolés

+ 805

Reversement du FOREC

+ 52

Reversement à l'Etat

- 52

SOLDE

- 152

SOLDE

0

+ : augmentation de recettes ou diminution de charges ; - : diminution de recettes ou augmentation de charges

Le gain de 185 millions d'euros que tire la CNAF de cette clarification apparaît pour le moins légitime car il ne fait que ramener à 760 millions d'euros (- 20 %) la ponction opérée sur la branche famille en 2003.

En revanche, le FSV qui affiche un excédent prévisionnel pour 2003 de 22 millions d'euros présenterait un solde légèrement déficitaire (- 11 millions d'euros). Ce dernier peut être neutralisé par un simple ajustement de la dotation budgétaire au BAPSA libérant mécaniquement le même montant de C3S ( contribution sociale de solidarité sur les sociétés ) au profit du FSV.

L'Etat enregistrerait alors un manque à gagner de 163 millions d'euros (152 + 11). S'il exige une prime pour le « rachat des otages », il lui est loisible de récupérer, en sus de l'excédent prévisionnel du FOREC en 2003 (52 millions d'euros), la « cagnotte » dont le fonds s'est paradoxalement doté en 2001-2002 (375 millions d'euros).

Le souci et la principale ambition de votre commission sont, dans cette affaire, de poser une règle protectrice et stable pour la branche famille.

Certes, elle mesure bien et comprend la réticence de la CNAF à voir ses recettes modifiées. Il reste que la branche ne pourra durablement accepter peu ou prou de prendre en charge des dépenses étrangères à sa mission et sans bénéfice pour les familles au motif qu'on lui garantirait le montant nominal de ses recettes.

DEUXIÈME PARTIE
-
ASSURANCE MALADIE

En arrivant aux responsabilités, le nouveau Gouvernement a trouvé un système de santé en crise profonde : des professionnels désemparés et démotivés, des établissements de santé fragilisés et inquiets, une assurance maladie privée de pilote.

Il a été de surcroît confronté à un contexte financier extrêmement dégradé, le ralentissement de la croissance des recettes amplifiant les effets des dérapages successifs de l'ONDAM et se traduisant, in fine , par un déficit considérable de l'assurance maladie.

Prenant rapidement la mesure de cette situation inquiétante, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes âgées, a souhaité en priorité restaurer l'indispensable dialogue avec les professionnels de santé et accorder aux établissements les moyens nécessaires à la poursuite de leur activité.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est, à l'évidence -et le Gouvernement ne s'est pas privé de le souligner-, un texte de transition. Il vise à mettre fin aux dispositions les plus contestables héritées de la précédente législature ; il prépare également l'avenir de notre système de santé en traçant d'ores et déjà les pistes sur lesquelles celui-ci pourra être refondé et pérennisé. Il répond, enfin, à un certain nombre de préoccupations exprimées depuis longtemps par votre commission.

Le présent projet de loi est avant tout fondé sur la confiance que place le Gouvernement dans les différents acteurs du système de santé. On n'y trouvera ici aucun mécanisme de régulation comptable des dépenses de santé. Le choix a été fait -et il est clairement assumé- de parier sur la responsabilité de chacun.

I. L'ASSURANCE MALADIE : MAÎTRISER ET MÉDICALISER

A. L'HÉRITAGE DE CINQ ANNÉES D'ERREMENTS

1. Des dépassements de l'ONDAM répétés et accentués

L'ONDAM est la somme des dépenses des régimes obligatoires de base, dont sont exclus les prestations invalidité-décès, les rentes d'accidents du travail, les indemnités journalières maternité, les dépenses d'action sanitaire et sociale, les prestations extralégales, les dépenses de gestion administrative et au titre des divers fonds, les transferts et les frais financiers, et auxquelles sont ajoutées les dépenses des DOM.

L'ONDAM se décompose traditionnellement en quatre agrégats :

- l'objectif « soins de ville » , c'est-à-dire les honoraires, les prescriptions et les indemnités journalières maladie ;

- l'objectif « établissements sanitaires » correspondant à l'activité des établissements sous dotation globale (et les hôpitaux militaires) ;

- l'objectif « établissements médico-sociaux » , qui correspond à l'activité de ces établissements pour personnes âgées, handicapées ou enfants inadaptés ;

- l'objectif « cliniques privées » correspondant à l'activité des établissements sous objectif quantifié national (OQN) et celle des établissements privés qui n'entrent pas dans le champ de cet OQN.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, l'ONDAM comprend en outre une cinquième enveloppe, destinée au financement des réseaux.

Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été respecté. L'ONDAM a été systématiquement dépassé depuis 1998. Ce dépassement est croissant sur la période.

Montant de l'ONDAM voté et réalisation entre 1997 et 2002

(en milliards d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

ONDAM voté

91,5

93,6

96,0

100,4

105,7

112,8

123,5

ONDAM réalisé

91,4

95,1

97,6

103,0

108,8

116,7

-

Dépassement

-0,1

1,5

1,6

2,7

3,1

3,9

-

Sur cinq années, de 1998 à 2002, le dérapage entre l'objectif voté et l'ONDAM réalisé a en effet nettement tendance à s'accroître : 1,5 milliard d'euros en 1998, 1,6 milliard en 1999, 2,7 milliards en 2000, 3,1 milliards en 2001 et, finalement, 3,9 milliards en 2002.

Le dérapage cumulé de ces cinq années s'élève ainsi à 12,8 milliards d'euros, soit 84 milliards de francs.

L'ONDAM est aujourd'hui 11 % au-dessus du niveau qui aurait été le sien si l'objectif avait été réalisé chaque année ; l'écart est de 25 % pour les soins de ville.

Jusqu'en 1999, tout en évoluant plus vite qu'antérieurement, les dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM n'ont pas augmenté plus vite que le PIB, ce qui prolongeait la tendance constatée depuis 1995 d'une stabilisation de la part des prestations maladies dans le PIB ; elles ont crû nettement moins vite que la consommation des ménages.

En 2000, les dépenses ont commencé à augmenter plus vite que le PIB et que la consommation des ménages mais, cumulée sur quatre ans, leur progression demeurait moindre que celle du PIB et à peine supérieure à celle de la consommation des ménages. En 2001, l'écart avec le PIB s'est creusé et celui avec la consommation des ménages s'est prolongé.

Montant de l'ONDAM voté et réalisation entre 1997 et 2002

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

ONDAM voté

1,7 %

2,4 %

1,0 %

2,9 %

2,6 %

4,0 %

5,3 %

ONDAM réalisé

1,5 %

4,0 %

2,6 %

5,6 %

5,6 %

7,2 %

-

• En 2001, un ONDAM dépassé de 3,1 milliards d'euros

Les dépenses d'assurance maladie dans le champ de l'ONDAM ont atteint en 2001 108,8 milliards d'euros, soit une progression de 5,6 % par rapport à 2000. Par rapport à l'objectif 2001, fixé à 105,7 milliards d'euros (en hausse de 2,6 % par rapport aux réalisations de 2000), il en ressort un dépassement de 3,1 milliards d'euros.

Comme le fait apparaître le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juillet 2002, les dépenses de soins de ville ont augmenté très rapidement en 2001 : elles ont progressé de 7,3 % pour s'établir à 50,5 milliards d'euros, soit un dépassement de 2,8 milliards d'euros.

Même après déduction de l'impact de l'alignement des taux de remboursement de la CANAM, l'évolution des remboursements des soins de ville a donc été très soutenue en 2001. Elle prolonge la tendance dynamique de l'année 2000 (évolution de 7,8 %, dépassement de 2,6 milliards d'euros), alors que l'année 1999 avait été marquée par une croissance modérée de remboursements.

Évolutions annuelles (en valeur) des objectifs votés de l'année N
par rapport aux objectifs votés de l'année (N-1)

1996-1997 (Champ 1997)

1997-1998 (Champ 1998)

1998-1999 (Champ 1999)

1999-2000 (Champ 2000)

2000-2001 (Champ 2001)

ONDAM Métropole

1,6%

2,0%

2,5%

4,5%

5,4%

I. Soins de ville

2,0%

2,3%

2,2%

6,4%

7,4%

II Établissements

1,3%

1,8%

2,7%

3,0%

3,7%

II.1 Établissements sanitaires publics

1,0%

2,3%

2,4%

2,4%

3,4%

Dont Établissements sous dotation globale

1,0%

2,2%

2,6%

2,4%

3,8%

II.2 Établissements médico-sociaux

1,9%

1,7%

5,5%

6,9%

5,7%

Dont EI-AH

0,7%

0,3%

6,4%

5,7%

4,3%

Dont EHPA

4,3%

4,7%

3,8%

9,4%

8,6%

II.3 Cliniques privées

2,7%

-1,0%

1,7%

2,6%

3,7%

III Autres

2,3%

12,0%

6,7%

4,1%

1,6%

ONDAM France entière

1,7%

2,3%

2,6%

4,5%

5,3%

Les dépenses au titre de l'objectif des dépenses déléguées (ODD) 19 ( * ) s'élèvent à 23,5 milliards d'euros en progression de 5,7 % par rapport à 2000. Les autres soins de ville s'élèvent à 27 milliards d'euros en progression de 8,7 % par rapport à 2000.

Les dépenses des établissements croissent à un rythme plus modéré. Les objectifs de dépenses de l'ensemble des établissements ont été dépassés de 90 millions d'euros.

Pour les seuls établissements sanitaires publics, le dépassement est de 250 millions d'euros. Il résulte pour une grande partie (150 millions d'euros) de l'augmentation de la dotation globale pour 2001 lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, à l'automne 2001.

A l'inverse, les dépenses du secteur médico-social sont inférieures à l'objectif. La réforme du financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), se déroule plus lentement que prévu : l'enveloppe attribuée pour 2001 n'a donc pas été consommée en totalité.

S'agissant des cliniques, les réalisations sont très proches de l'objectif.

Ecarts entre réalisations et objectifs votés, en milliards d'euros

Ecarts aux objectifs en 1997 20 ( * )

Ecart aux objectifs en 1998

Ecart aux objectifs en 1999

Ecart aux objectifs en 2000

Ecart aux objectifs en 2001

ONDAM Métropole

-0,13

1,46

1,66

2,67

2,84

I. Soins de ville

-0,07

1,29

1,77

2,59

2,79

II Établissements

-0,06

0,17

-0,10

0,08

0,05

II.1 Établissements sanitaires publics

0,11

-0,08

-0,11

0,13

0,23

Dont Établissements sous dotation globale

0,02

-0,14

-0,11

0,09

0,25

II.2 Établissements médico-sociaux

0,03

0,23

0,03

-0,08

-0,15

Dont EI-AH

0,03

0,23

-0,02

-0,09

-0,01

Dont EHPA

0,00

0,00

0,05

0,01

-0,14

II.3 Cliniques privées

-0,20

0,01

-0,03

0,03

-0,03

III Autres

0,02

0,02

-0,11

-0,02

0,23

ONDAM France entière

-0,11

1,49

1,55

2,65

3,07

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, la Cour des comptes fait en outre observer que le calcul des dépenses imputées sur l'ONDAM 2001 ne prend pas en compte deux éléments importants.

D'une part, les dépenses financées sur l'enveloppe des établissements sanitaires publics ne reflètent pas totalement la croissance des dépenses hospitalières. Comme les années précédentes, une partie de ces établissements a, en effet, pratiqué des reports de charges de 2001 sur 2002. Les données disponibles tendent à montrer que ces reports auraient augmenté de 14 % entre fin 1999 et fin 2000 et de 41 % de fin 2000 à fin 2001, soit de 134 millions d'euros en deux ans.

Par ailleurs, des problèmes techniques dans le démarrage d'un nouveau système de liquidation des indemnités journalières semblent avoir entraîné des retards de liquidation qui expliquent le rythme de croissance de ces indemnités de 15,7 % constaté sur les quatre premiers mois de 2002, contre 9,1 % en 2001.

Répartition de l'ONDAM en milliards d'euros, entre 1997 et 2001 :
objectifs en encaissement - décaissement.

1997

1998

1999

2000

2001

Soins de ville

39,91

40,78

41,87

44,45

47,63

Objectif délégué

20,05

20,22

20,49

21,40

22,85

Autres dépenses de ville

19,86

20,56

21,38

23,05

24,78

Versements aux établissements

49,54

50,50

51,71

53,36

55,51

Etablissements sanitaires

37,02

37,87

38,72

39,75

41,13

Médico-social

6,13

6,33

6,70

7,19

7,70

dont établissements pour personnes handicapées

4,16

4,26

4,55

4,84

5,06

dont établissements de personnes âgées

1,97

2,06

2,14

2,36

2,64

Cliniques privées

6,39

6,30

6,29

6,41

6,67

Ressortissants français à l'étranger

0,12

0,14

0,14

0,19

0,19

Prestations DOM

1,90

2,02

2,12

2,27

2,38

Marge de manoeuvre résiduelle

0,03

0,14

0,19

0,09

0,00

ONDAM

91,50

93,57

96,03

100,36

105,70

• En 2002, un ONDAM dépassé de 3,9 milliards d'euros

L'ONDAM pour 2002 a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale à 112,8 milliards d'euros, en augmentation de 4 % par rapport à la base 2001. Cet objectif a été pour la première fois fixé en droits constatés. Il est net de la remise pharmaceutique versée en 2002 au titre de 2001 pour 200 millions d'euros.

Comme le relève la Cour des comptes 21 ( * ) , « l'ONDAM pour 2002, bien que plus élevé (4 %) pose d'ailleurs lui-même un problème de vraisemblance dès avant le récent accord entre l'assurance maladie et les généralistes : comme le notait le rapport de la Commission des comptes de septembre 2001, il « supposerait un freinage considérable par rapport à la tendance moyenne des deux dernières années ». Or, début 2002, prenaient effet diverses revalorisations tarifaires 22 ( * ) , décidées antérieurement, tandis qu'étaient décidées différentes mesures nouvelles en faveur des généralistes. »

Votre rapporteur avait souligné, lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2002, que l'ONDAM 2002 apparaissait bâti sur des hypothèses de croissance des dépenses irréalistes et qu'il ne serait pas plus respecté que les précédents.

Il a le regret de constater que les faits lui ont donné raison.

La croissance des dépenses du champ de l'ONDAM est estimée à 7,2 % en 2002, ce qui constitue de loin le taux annuel le plus élevé enregistré depuis la mise en place de l'objectif.

L'ONDAM réalisé en 2002 devrait par conséquent atteindre 116,7 milliards d'euros, soit un dépassement de 3,9 milliards d'euros (25,6 milliards de francs).

L'objectif 2002 en droits constatés

Base 2001

Objectif 2002 en Droits constatés 23 ( * )

ONDAM Métropole

105,90

110,14

I. Soins de ville

50,16

51,68

II Établissements

55,74

58,46

II.1 Établissements sanitaires publics

41,19

43,17

Dont Établissements sous dotation globale (y compris SSA-INI)

40,88

42,85

II.2 Établissements médico-sociaux

7,79

8,29

Dont EI-AH

5,07

5,24

Dont EHPA

2,73

3,05

II.3 Cliniques privées

6,76

7,00

III Autres

2,56

2,65

ONDAM France entière

108,46

112,79

Les raisons de cette vive progression sont multiples.

A l'instar de ce qui s'est passé depuis 1998, les soins de ville connaissent l'augmentation la plus forte et expliquent les deux tiers de l'évolution de l'ONDAM, dont ils représentent environ la moitié des dépenses. A l'intérieur de cette enveloppe, les dépenses de médicament croissent toujours rapidement même si l'on enregistre un certain ralentissement : le renchérissement structurel des médicaments n'est pas enrayé par le développement assez lent jusqu'à aujourd'hui des génériques.

Les dépenses relatives aux honoraires des professionnels libéraux s'accélèrent fortement en 2002 sous l'effet des revalorisations tarifaires négociées au début de l'année puis en juin.

Le coût pour l'assurance maladie des mesures nouvelles (accord infirmières, accord généralistes de février 2002 et revalorisations de juin notamment) est estimé à 780 millions d'euros en 2002. Ces mesures contribuent pour 1,5 point à l'augmentation des soins de ville et pour 0,7 point à celle de l'ONDAM.

Comme le note la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2002, une partie de ces mesures pourraient toutefois être financées par des économies, notamment si les engagements de prescription de génériques pris par les professionnels se concrétisaient, ce qui semble le cas.

Par ailleurs, la croissance du poste « médicament » devrait être freinée par l'effet report du plan médicament de 2001 (baisses de prix et de taux de remboursement), et par les baisses de prix décidées au cours de l'été 2002.

Dans ce contexte, les dépenses de soins de ville atteindraient 54,7 milliards d'euros en 2002, en augmentation de 8,3 % par rapport aux réalisations définitives de 2001.

Consommation de soins de ville financée par la CNAMTS
(dépense remboursée) en volume sur la période 1992-2002

Les dépenses au titre des établissements (en majeure partie la dotation globale hospitalière) progressent elles aussi plus rapidement que les années précédentes et l'écart d'évolution avec les soins de ville se réduit nettement. Elles augmenteraient de 5,7 % pour les établissements sanitaires publics. 700 millions d'euros supplémentaires ont été attribués par rapport à la dotation initiale, dont 300 millions d'euros sur la dotation globale hospitalière pour faire face aux insuffisances de financement et 400 millions d'euros à titre de provisionnement pour le financement de la RTT (compte épargne-temps).

Les dépenses des cliniques, auxquelles il faut ajouter les dotations exceptionnelles au fonds de modernisation des cliniques privées (FMCP), augmentent également à un rythme assez soutenu de 5,9 % sous l'effet de la revalorisation des tarifs.

Les dépenses au titre des établissements pour personnes handicapées progressent de 8,8 % dans le cadre des plans de création de places. En revanche, les effets de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes sont encore peu sensibles du fait du faible nombre de conventions signées.

Les dotations aux fonds de modernisation de l'offre de soins (FMCP, FMES, FAQSV et FORMMEL), qui sont comptabilisées hors ONDAM, croissent également fortement. Une partie des dépenses qui relevaient auparavant de l'ONDAM sont en 2001 et 2002 prises en charge via ces fonds de financement. Au total, les dépenses au titre de ces fonds atteindraient environ 320 millions d'euros en 2002.

2. Une branche maladie fragilisée

• En 2001, un déficit de la CNAMTS de 2,1 milliards d'euros

La branche maladie du régime général présente en 2001 un résultat négatif de 2,1 milliards d'euros enregistrant ainsi une aggravation significative par rapport au solde de l'année 2000 (- 1,6 milliard d'euros).

Cette dégradation de 434 millions d'euros par rapport à 2000 s'explique en premier lieu par la forte hausse des dépenses de prestations sociales et notamment des prestations légales. Elle résulte également de la provision exceptionnelle de 948 millions d'euros destinée à couvrir l'annulation de la créance 2000 sur le FOREC.

• En 2002, un déficit de la CNAMTS de 6,1 milliards d'euros

La situation financière de la CNAMTS se dégrade fortement en 2002 : le déficit devrait presque tripler pour atteindre 6,1 milliards d'euros.

Cette dégradation s'explique par un effet de ciseaux classique entre des dépenses qui accélèrent en 2002 et des recettes qui ralentissent fortement sous l'effet de la dégradation de la situation économique : l'écart entre la croissance des dépenses et celle des recettes atteint environ 3,5 %.

Elle s'explique également par la perte de recettes subie par la branche maladie dans le cadre du plan de financement du FOREC en 2002 : au total, le solde net de la perte de la taxe automobile et du gain sur les droits tabac se traduit par une perte de 410 millions d'euros.

B. UN ONDAM RÉALISTE ET CRÉDIBLE EN 2003

1. Un ONDAM en progression de 5,3 %.

L'article 33 du projet de loi fixe un objectif de dépenses de la branche maladie de 136,33 milliards d'euros.

L'hypothèse retenue par le Gouvernement dans l'article 32 est celle d'un montant d'un ONDAM, net de la contribution conventionnelle de l'industrie pharmaceutique, de 123,5 milliards d'euros, en droits constatés.

Ceci correspond à une augmentation de 5,3 % des dépenses par rapport aux prévisions actuelles pour l'ONDAM 2002 auxquelles sont ajoutés 580 millions d'euros de dépenses transférées sur l'ONDAM à partir de 2003.

Milliards d'euros

Prévision ONDAM 2002

116,7

Transferts vers l'ONDAM en 2003

0,6

Base 2002 intégrant les transferts 2003

117,3

ONDAM 2003 avec croissance de 5,3 %

123,5

Pour la première fois, l'ONDAM retenu apparaît donc crédible et réaliste. C'est un choix assumé par le Gouvernement. Les ONDAM trop restrictifs votés les années précédentes ont eu pour effet de démotiver les professionnels de santé et de décrédibiliser l'outil que l'ONDAM était censé constitué, chacun ayant pleinement conscience du fait qu'ils ne pouvaient mécaniquement pas être respectés.

Comme l'avait souligné la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2001, « une régulation ne peut être crédible et donc efficace que si elle s'appuie sur des objectifs fixés de manière réaliste . »

L'élargissement en 2003 du champ de l'ONDAM de 580 millions d'euros (soit environ 0,5 %) comprend 400 millions d'euros de transferts de l'Etat vers l'assurance maladie, notamment le transfert, pour 300 millions d'euros, des crédits de remplacement prévus par le protocole hospitalier signé le 14 mars 2000 (300 millions d'euros).

Ce protocole prévoyait, au titre des années 2000 et suivantes, des crédits budgétaires à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de personnels dans les établissements de santé.

Cette somme n'a jamais été inscrite dans les projets de loi de finances initiale et figurait traditionnellement dans les collectifs de fin d'année, ce qui générait des difficultés de trésorerie importantes pour les établissements hospitaliers.

Votre rapporteur approuve la décision du Gouvernement de pérenniser ces crédits en les inscrivant dans l'enveloppe hospitalière, au sein de l'ONDAM. Ce retour à l'orthodoxie budgétaire -rien ne justifiait en effet que des crédits de remplacement de personnels hospitaliers figurent en loi de finances- est un pas significatif vers une plus grande sincérité des comptes sociaux.

Les transferts de l'Etat vers l'assurance maladie comprennent en outre :

- le financement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) (107,5 millions d'euros) ;

- la prise en charge des dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse (24,7 millions d'euros).

En sens inverse, est transféré vers l'Etat le coût des stages de résidanat chez les médecins généralistes agréés, pour 40 millions d'euros.

Par ailleurs, 180 millions d'euros correspondant au financement de mesures salariales dans les cliniques privées, qui sont en 2001 et 2002 à la charge du fonds de modernisation des cliniques privées (FMCP), sont transférés sur l'ONDAM en 2003.

Compte tenu de ces transferts de dépenses, les charges maladie du régime général dans le champ de l'ONDAM augmenteraient de 5,8 % par rapport à 2002 (+ 6,8 milliards d'euros).

La progression des différentes enveloppes serait la suivante :

- + 5,6 % pour la médecine de ville ;

- + 5,0 % pour l'hôpital ;

- + 6,0 % pour les établissements médico-sociaux ;

- + 4,0 % pour les cliniques privées.

Le taux d'augmentation de 5,3 % retenu par le Gouvernement pour l'ONDAM 2003 est voisin de ceux constatés en 2000 et 2001 (5,6 % pour les deux années), mais sensiblement inférieur à celui de 2002 (7,2 %).

Selon toute vraisemblance, les dépenses de soins de ville devraient rester dynamiques. Le volume de leur consommation augmenterait moins rapidement qu'en 2002, mais les hausses tarifaires du premier semestre 2002 joueront « en année pleine » en 2003. L'incertitude demeure toutefois importante, l'effet éventuel des revalorisations de tarifs sur les volumes étant difficile à estimer.

Les dépenses en établissement devraient, comme en 2002, croître sous l'effet de la poursuite des effets du passage aux 35 heures.

La réduction de l'écart d'évolution entre les produits et les charges est cependant insuffisante pour stopper la dégradation du solde de la branche. Sous l'hypothèse d'un ONDAM en progression de 5,3 %, le solde prévisionnel de la CNAMTS en 2003 se détériorerait encore de 2 milliards d'euros pour atteindre 8,0 milliards d'euros.

Les différentes mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 devraient toutefois limiter ce déficit à 6,9 milliards d'euros :

- remboursement de la dette du FOREC (+ 533 millions d'euros 24 ( * ) ) ;

- attribution de la part des droits tabac à la CNAMTS (+ 700 millions d'euros)

- transfert de compensation de la branche accidents du travail (+ 330 millions d'euros) ;

- dotation au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMES) (- 387 millions d'euros) ;

- dotation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) (- 70 millions d'euros).

2. Médicalisation et crédibilité de l'ONDAM : deux demandes anciennes de votre commission

Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, votre rapporteur avait appelé de ses voeux un ONDAM médicalisé, crédible et respecté :

« Dans l'esprit du constituant et du législateur organique qui ont institué les lois de financement de la sécurité sociale, le vote de l'ONDAM ne correspondait certes pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits : les assurés sociaux devaient pouvoir être remboursés de leurs dépenses en cas de dépassement de l'objectif voté par le Parlement.

« Ce vote n'en avait pas moins une portée normative, une série de mécanismes responsabilisants découlant du vote du Parlement et le traduisant dans des dispositifs conventionnels entre l'Etat et l'assurance maladie, puis entre l'assurance maladie et les professionnels et établissements de santé, devait permettre le respect de l'ONDAM.

« En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.

« Or, depuis l'entrée en fonction de ce Gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificative n'a été déposé devant le Parlement. Dans les projets de loi de financement annuels, le Gouvernement propose seulement au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en « faisant comme si rien ne s'était passé », comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus de signification.

« Constitué à l'origine sous la forme nécessairement d'un agrégat comptable, l'ONDAM est resté, cinq ans plus tard, ce même agrégat comptable . Dépourvu de tout contenu en santé publique, il est aujourd'hui un arbitrage comptable, inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins. »

Votre commission s'était ainsi refusée à engager l'autorité du Sénat en lui demandant d'approuver un objectif dont le Gouvernement s'empresserait de s'affranchir quelques mois plus tard.

Elle avait dès lors proposé au Sénat, qui l'avait suivie, de rejeter l'ONDAM 2002.

Votre commission avait pris cette décision en connaissance de cause, tant la dérive observée depuis cinq ans lui semblait traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement. Elle avait estimé que ce n'était pas en effet seulement un « agrégat » qui dérivait, mais avec lui notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale

Ces considérations rejoignaient d'ailleurs sur le fond celles exprimées par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse dans leur audit de la situation des finances publiques rendu au Gouvernement le 27 juin 2002 :

« Au coeur de notre dispositif de maîtrise de la partie libérale du système de soins existe, en effet, une contradiction entre la contrainte globale solennellement affichée au terme du débat parlementaire et d'un vote, et l'absence de tout dispositif qui puisse guider le comportement quotidien de praticiens supposés se conformer à cette contrainte. Faute de moyens décentralisant cette contrainte, ou faute d'une prise en compte plus réaliste de la faiblesse de ces moyens lors de la détermination de l'objectif, nous nous exposons à voir survenir, chaque année, des dépenses insuffisamment financées car non attendues, qui creusent le déficit public. La dynamique de la dépense reste sans contrôle.

« Certes, tous les pays du monde développé où ce problème se pose sont à la recherche de la « bonne » solution, celle qui mélangerait efficacement conseils de bonne pratique, contraintes administratives et régulation économique, notamment par l'introduction de la concurrence dans l'achat des soins, celle aussi qui ménagerait entre les prestataires de soins et ceux qui les financent l'espace adéquat permettant à chacun l'exercice de sa responsabilité propre. L'étonnant n'est donc pas que la France n'ait pas encore trouvé cette bonne solution ; l'étonnant est qu'elle manifeste si peu d'intérêt pour sa recherche. En se limitant à constater chaque année que la réalité n'obéit pas à ce que le Parlement vote, non seulement on porte atteinte à la crédibilité des engagements de réduction du déficit public, mais c'est aussi le vote du Parlement que l'on vide de sens. »

(...) « le dérapage constant des dépenses de santé par rapport aux orientations de la loi de financement de la sécurité sociale pose un problème resté sans solution. Nous suggérons que les difficultés que rencontre l'exécution de la loi de financement ne devraient pas être portées au débit de cette loi, mais susciter au contraire une ferme volonté de la compléter par les dispositions qui, à l'évidence, lui font défaut : l'exécution de la loi de financement dépend des millions d'actes médicaux que l'ensemble des professions concernées réalise chaque année. Or, rien ne permet à ces professionnels de savoir si leur comportement quotidien est, ou n'est pas, conforme aux enveloppes prévues par la loi car un immense vide sépare la contrainte globale de la loi et sa réalisation concrète sur le terrain. Combler ce vide est un problème, lui aussi, immense. Dans le monde entier, de multiples expérimentations sont en cours sur ce thème ; il est anormal que la France y participe si peu alors même que la possibilité d'expérimenter est justement prévue par les ordonnances de 1996. »

Votre rapporteur exprime dès lors sa satisfaction que le Gouvernement, s'inspirant des réflexions menées depuis quelques années par votre commission et en dépit du peu de temps qui lui a été laissé, fasse apparaître, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des éléments de rupture qui marquent la mise en oeuvre d'une autre politique.

En annonçant le dépôt, au printemps 2003, d'un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique , en s'engageant à présenter en mai prochain un « collectif social » au cas où les recettes et les dépenses feraient apparaître un décalage significatif avec les objectifs fixés dans la loi de financement, le Gouvernement redonne du sens et de la crédibilité au débat sur les finances sociales.

La détermination du taux d'évolution et du niveau, en valeur, de l'ONDAM a essentiellement reposé, ces dernières années, sur des critères budgétaires. Pour redonner sa crédibilité à l'ONDAM, le Gouvernement rompt avec les pratiques antérieures et opte pour le réalisme, la sincérité et la transparence dans la détermination de l'ONDAM 2003. Il entend désormais fonder en priorité l'évolution de l'ONDAM sur l'analyse de l'évolution de l'activité de soins et des besoins de notre pays.

Un des trois groupes de travail créé au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale est d'ailleurs consacré précisément à la médicalisation de l'ONDAM. Présidé par Alain Coulomb, délégué général de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), il devrait remettre ses conclusions au premier trimestre 2003.

Votre commission a la satisfaction de constater que le message qu'elle s'efforce de faire passer depuis plusieurs années a été cette fois parfaitement compris et intégré par le Gouvernement.

II. LES SOINS DE VILLE : DIALOGUER ET RESPONSABILISER

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, votre rapporteur s'était ému de la dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et l'ensemble des professionnels de santé et de la multiplication des mouvements revendicatifs au sein du monde de la santé.

Il avait constaté, pour le regretter, que la politique gouvernementale avait abouti à un blocage durable des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux.

Il se félicite par conséquent que l'examen du présent projet de loi intervienne dans un contexte nouveau, marqué par la reprise du dialogue entre les différents partenaires. Le climat a indéniablement changé et chacun peut s'en réjouir.

A. UN DIALOGUE RENOUÉ AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Le Gouvernement précédent a fait preuve de beaucoup de mépris et d'indifférence dans ses relations avec les professionnels de santé, qui connaissent pourtant depuis quelques années une crise matérielle et morale profonde. Le conflit sans fin avec les médecins généralistes et le choix d'un « pourrissement » de la situation ont été assez révélateurs d'une méthode qui faisait peu de cas de l'intérêt général.

Dès son arrivée dans ses nouvelles fonctions, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes âgées, s'est attaché à rencontrer les organisations syndicales représentatives et à renouer le contact avec les partenaires sociaux, notamment les membres du conseil d'administration de la CNAMTS.

Il a fortement incité les acteurs à redonner vie à la politique conventionnelle et à signer des accords qui ont permis de mettre fin à une situation de blocage préjudiciable à tous.

1. L'accord « fondateur » du 5 juin 2002 signé avec les médecins généralistes

La reprise du dialogue entre le Gouvernement, les médecins généralistes et l'assurance maladie a débouché sur la signature d'un accord conventionnel le 5 juin 2002, accord qualifié de « fondateur » par le ministre de la santé.

Cet accord apparaît très symbolique de la démarche qu'entend désormais adopter le Gouvernement dans ses relations avec les professionnels de santé. Prenant acte de l'échec du dispositif de lettres-clés flottantes dans notre pays, le Gouvernement a pris la décision de « tourner la page de la régulation comptable au profit d'une maîtrise médicalisée qui fait le choix de la confiance ».

Cette confiance, qui témoigne d'un changement d'attitude radical de la part des pouvoirs publics, a trouvé sa traduction concrète dans les dispositions de l'accord signé le 5 juin.

Il faut rappeler que la revalorisation du statut des généralistes s'est effectuée en deux étapes conventionnelles.

Un premier accord a été conclu, sous l'égide du précédent Gouvernement, le 24 janvier 2002 entre les généralistes et les caisses nationales d'assurance maladie.

Ce protocole d'accord baptisé « contrat de progrès », devenu l'avenant n° 8 à la convention des généralistes, a conduit notamment à revaloriser le tarif de la consultation (dit « le C ») de 17,53 euros à 18,50 euros à compter du 1 er février 2002, à créer une consultation dite « approfondie » concernant les patients atteints d'affection de longue durée et à renforcer les incitations à l'installation dans certaines zones.

Cet accord s'est avéré insuffisant à désamorcer le conflit opposant les médecins généralistes aux pouvoirs publics.

Un deuxième accord est alors intervenu le 5 juin 2002 , sous l'égide du nouveau Gouvernement.

Ce protocole a augmenté le tarif du « C » à 20 euros et a modifié la tarification des indemnités de déplacement des visites. Cette dernière réforme, qui a fait ultérieurement l'objet d'un accord de bon usage de soins (acBUS) signé le 1 er juillet, est entrée en vigueur le 1 er octobre. Le protocole contient en contrepartie des engagements chiffrés en termes de prescription en dénomination commune internationale (DCI) et de médicaments génériques.

Une annexe à l'accord comporte un accord de bon usage de soins relatif à l'utilisation des tests de diagnostic rapide d'angine. Les signataires s'engagent à conclure d'autres acBUS ou contrats de bonne pratique sur d'autres thèmes, notamment sur la prise en charge des conduites addictives ou la prescription de médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant. Les dispositions du protocole ont été intégrées à la convention sous la forme de l'avenant n°10, signé le 14 juin.

Le financement de l'accord repose en partie sur les économies résultant de l'augmentation de la délivrance de médicaments génériques et sur la diminution escomptée du nombre de visites.

La réforme de la tarification de la visite des médecins généralistes prévoit en effet que le tarif du « V » peut atteindre 30 euros à la condition que les visites soient médicalement justifiées. Seules ces visites permettront à l'assuré de bénéficier du remboursement de la majoration de déplacement (MD) de 10 euros ; un référentiel de soins à domicile défini conventionnellement permet aux médecins d'apprécier le caractère médicalement justifié de la visite.

Comme l'a souligné M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS, lors de son audition par votre commission, le 29 octobre, l'accord du 5 juin est remarquable car, pour la première fois, les médecins généralistes ont accepté la notion de contrepartie en s'engageant à prescrire davantage de génériques en échange d'une revalorisation des honoraires.

C'est, à l'évidence, un progrès réel et l'amorce d'une dynamique nouvelle.

Les conséquences financières en année pleine de l'accord du 5 juin sont estimées de la façon suivante :

- revalorisation de la consultation : 337 millions d'euros, dont 249 à la charge des régimes de base ;

- revalorisation de la visite : 175 millions d'euros, dont 135 à la charge des régimes de base ;

- rémunération de l'astreinte dans le cadre de la permanence des soins : 15 millions d'euros à la charge des régimes de base ;

- prescription en DCI : économies de 260 millions d'euros ;

- mise à disposition du test de diagnostic d'angine : économies de 100 millions d'euros.

Les économies attendues sont simplement évaluatives : elles dépendent naturellement de la façon dont les contreparties (prescription en DCI et modification des conditions de remboursement de la visite) sont appliquées par les médecins généralistes.

Les éléments qui ont pu être fournis à votre rapporteur à l'occasion de ses auditions ou des auditions de la commission permettent être optimistes. Tous les acteurs s'accordent à reconnaître un véritable changement de comportement : les médecins « jouent le jeu », les prescriptions en DCI ont véritablement bondi, les génériques sont passés, selon les chiffres de la CNAMTS, de 7,3 % du marché en mai à 8,8 % en août ; enfin, le nombre de visites semble se réduire déjà significativement.

Une démarche similaire a été retenue dans le cas de l'accord entre l'assurance maladie et les organisations représentatives des pédiatres libéraux, conclu en juillet 2002, qui prévoit également un accord de bonne pratique et de bon usage des soins sur les consultations et les visites spécifiques. Cet acBUS a été publié au Journal officiel du 2 août 2002.

Ce protocole a pour objet de majorer les consultations spécifiques réalisées en cabinet et certains types de visites. Une majoration forfaitaire s'ajoute dans certains cas à la consultation ou à la visite. Les praticiens s'engagent en contrepartie à libeller leurs prescriptions en dénomination commune ou en génériques et à intégrer dans leurs pratiques les références professionnelles et recommandations élaborées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Ils doivent tenir à la disposition des caisses et du service médical les éléments attestant le respect de ces engagements.

2. Le respect par le Gouvernement des engagements figurant dans les accords conventionnels

Le précédent Gouvernement avait pour pratique de ne pas honorer les engagements signés dans des accords conventionnels qu'il avait pourtant agréés ou approuvés. Cette pratique conduisait à une décrédibilisation de l'Etat et du processus conventionnel et se traduisait in fine par une forte démotivation des professionnels concernés et de leurs organisations représentatives.

Afin de restaurer la confiance des professionnels de santé, M. Mattei a souhaité honorer les engagements de l'Etat qui avaient été contractés par le précédent gouvernement, et ce malgré leur coût pour l'assurance maladie.

Le ministre de la santé a ainsi approuvé une série de revalorisations tarifaires issues d'accords conventionnels antérieurs à sa prise de fonctions :

- revalorisation des actes infirmiers suite à un accord signé le 15 février 2002 entre les trois caisses nationales et une organisation représentative. L'accord prévoit une revalorisation des honoraires de 10 % en moyenne (coût : 0,3 % des soins de ville) ;

- revalorisation de certains actes de radiothérapie ;

- augmentation de la valeur de la lettre-clef AMK de 1,98 euros à 2,04 euros, pour les masseurs (coût : 0,1 % des soins de ville) ;

- revalorisation de la profession d'orthoptiste en matière de bilans, de rééducation et d'enregistrement ;

- modification de la nomenclature des actes de biologie médicale et revalorisation de la lettre-clé des laboratoires d'analyses médicales (coût : 0,1 % des soins de ville) ;

- revalorisation des forfaits pour les transporteurs sanitaires (coût : 0,1 % des soins de ville).

Ces mesures indispensables, qui résultaient généralement d'engagements pris par le précédent gouvernement, ont eu un impact non négligeable sur la forte progression des dépenses de soins de ville et donc de l'ONDAM en 2002.

B. LES PREMIERS PAS VERS UNE OPTIMISATION MÉDICALISÉE DES DÉPENSES

Le présent projet de loi pose les bases d'un nouveau mode de régulation, fondée sur la confiance partagée, la qualité des soins et l'optimisation médicalisée des dépenses.

1. La suppression du système pernicieux des lettres-clés flottantes

L'article 15 du projet de loi met un terme définitif à la pratique de la maîtrise comptable des dépenses en supprimant le mécanisme dit « des lettres-clés flottantes », introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Dès l'examen du projet de loi, le Sénat, par la voix de son rapporteur, avait souligné les défauts attendus de ce mécanisme pervers consistant à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses.

Le Sénat avait souligné en effet que le dispositif des lettres-clés flottantes :

- renforçait le cloisonnement du système de soins ;

- non seulement limitait la régulation aux seuls honoraires des professionnels, mais limitait également le mode de régulation à une action sur les tarifs des professionnels, ce qui ne peut constituer un outil pour faire évoluer structurellement le système de soins ;

- mettait en danger le dispositif conventionnel, car il fragilisait les syndicats de professionnels qui ont accepté de s'engager et confortait du même coup ceux qui s'installent dans des positions d'immobilisme ;

- n'apportait pas même une garantie d'efficacité économique.

Le dispositif était en outre absurde, car il incitait naturellement les professionnels à « prendre de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir tous les trimestres. Il était également injuste, car il sanctionnait de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.

Le Sénat s'est donc opposé avec obstination, à l'occasion des trois dernières lois de financement de la sécurité sociale, à ce système pernicieux et dangereux. Il a ainsi supprimé à trois reprises le dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, cette suppression constituant à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec les professionnels de santé.

Votre commission ne peut dès lors que se féliciter de la décision prise par le nouveau Gouvernement de mettre fin à ce dispositif, assimilé par essence au concept de maîtrise comptable.

L'article 15 du projet de loi comporte à cet égard une autre mesure symbolique : la suppression du dispositif de régulation par les comités médicaux régionaux (CMR), qui n'avait jamais vraiment fonctionné. Institués par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses, les CMR devaient examiner les cas de praticiens à qui les caisses de sécurité sociale reprochaient des volumes de prescriptions non justifiés médicalement. Composés à parité de représentants des médecins libéraux et du contrôle médical de l'assurance maladie, ils étaient censés jouer le rôle d'instances pré-contentieuses.

Contestés par les syndicats de médecins qui voyaient en eux des « tribunaux d'exception », ils n'ont jamais vraiment pu fonctionner et ont rapidement cessé toute activité.

Les comités étant supprimés, l'article 19 du projet de loi confie aux partenaires conventionnels le soin de définir les outils visant à prévenir les pratiques abusives.

2. Une nouvelle impulsion donnée à la politique conventionnelle

Dans le prolongement de l'accord signé le 5 juin 2002, le Gouvernement a souhaité redonner vie à la politique conventionnelle. Les négociations entre la CNAMTS et le Centre national des professions de santé, relatives à l'accord-cadre interprofessionnel prévu par la loi du 6 mars 2002, ont véritablement démarré au mois de juillet, sous l'impulsion du ministre de la santé.

Ces négociations devraient s'achever avant la fin de l'année 2002, l'accord-cadre ne devenant juridiquement valide qu'à partir du moment où au moins une organisation représentative par profession l'a signé.

Parallèlement, les caisses d'assurance maladie et les organisations représentatives de médecins ont entamé des discussions afin de définir un nouveau cadre conventionnel propre aux généralistes et aux spécialistes. La convention des médecins généralistes arrive à échéance à la fin de l'année 2002. Les spécialistes, sans convention depuis son annulation intervenue en 1998, se trouvent aujourd'hui sous règlement conventionnel minimal.

Le Gouvernement souhaite fonder l'optimisation médicalisée des dépenses de santé sur les accords de bon usage de soins (acBUS) ; le récent acBUS consacré à la réforme de la tarification de la visite des médecins généralistes est ainsi un exemple de la démarche que le Gouvernement entend promouvoir.

Le Gouvernement formule parallèlement le souhait que les professionnels de santé s'engagent dans une démarche visant à promouvoir la qualité des soins, qui doit les conduire à prendre part à de véritables actions de formation, à mieux se coordonner avec d'autres professionnels, notamment dans le cadre de réseaux, et à se soumettre régulièrement à des actions d'évaluation.

Dans ses dispositions normatives, le présent projet de loi met l'accent sur trois axes de cette nouvelle démarche :

- la promotion de l'évaluation, qui passe par le financement des actions d'évaluation proposées par les Unions régionales des médecins libéraux (URML) : l'article 31 élargit ainsi les missions du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) au financement d'actions d'évaluation des pratiques professionnelles des médecins libéraux ;

- le dialogue entre les professionnels et les services médicaux des caisses : l'article 18 du projet de loi réforme le service médical de l'assurance maladie afin de soutenir plus efficacement les professionnels dans cette nouvelle démarche ;

- la démographie médicale : le projet de loi met fin au MICA (article 28) et permet, au contraire, aux médecins et aux infirmières qui le souhaitent, de reprendre une « activité médicale complémentaire » après leur départ en retraite (article 29) .

III. L'HÔPITAL : INVESTIR ET MODERNISER

A. LA SITUATION TRÈS PRÉOCCUPANTE DES HÔPITAUX

1. Une situation financière très dégradée

Les établissements de santé publics connaissent des difficultés croissantes depuis quelques années. Ces difficultés se traduisent par une situation financière contrastée mais majoritairement déficitaire, comme en témoignent les enquêtes régulièrement menées par la Conférence nationale des directeurs de centre hospitalier (CNDCH).

La politique de réduction des inégalités apparaît trop lente pour être efficace et réduire de manière significative les écarts importants qui subsistent encore entre établissements et entre régions.

Le désengagement de l'Etat et des organismes d'assurance maladie dans l'aide aux investissements a entraîné une dégradation et un appauvrissement du patrimoine hospitalier et un accroissement des frais financiers à leur charge.

La qualité et la sincérité de la gestion sont aujourd'hui remises en cause : les situations de déficits chroniques auxquelles sont confrontés les établissements et l'obligation d'assurer la continuité de leur fonctionnement « coûte que coûte », les a contraints à s'éloigner de plus en plus souvent du respect de la réglementation financière et comptable. Les résultats des comptes administratifs ne reflètent plus la réalité des dépenses de l'année, dont une partie, croissante, est reportée sur l'année suivante, par manque de crédits. De l'avis même de la CNDCH, ce mécanisme de « reports de charges » a maintenant atteint une ampleur très préoccupante.

Dans ce contexte de « gestion de pénurie » et de non-respect des grands principes de gestion, il devient très difficile de motiver les acteurs hospitaliers à la mise en oeuvre, pourtant indispensable, des nouveaux outils de gestion sans lesquels l'amélioration de la gestion et de l'efficience des établissements ne pourra se faire.

Même si une minorité d'établissements conservent une situation financière encore saine, on semble s'acheminer vers un risque de « faillite généralisée » des établissements publics de santé. D'expédients en reports de charges, de cavalerie en décalages d'opérations, ils accumulent des déficits qui atteignent maintenant un niveau considérable.

Les origines de cette situation difficile sont clairement identifiées et connues de longue date.

Ainsi, les taux de progression budgétaire dits « restructurants » n'ont pas été accompagnés de redéploiements de crédits, maintenant les établissements dans des conditions d'équilibre précaires ; les taux de reconduction des moyens ont été systématiquement inférieurs à l'évolution des charges.

De même, les crédits de personnel ont été systématiquement sous-évalués : diverses mesures catégorielles ou générales, le GVT et la RTT n'ont pas été financés à hauteur de leur coût réel.

Le système dit des « enveloppes ciblées » a encore aggravé la situation en réduisant la part affectée aux moyens de reconduction. Ainsi, les missions de base de l'établissement ne sont plus financées alors que sont parallèlement lancées et financées des actions nouvelles, ne correspondant pas forcément aux priorités des établissements.

En outre, les normes de sécurité et de qualité, de plus en plus exigeantes, entraînent des surcoûts, rarement pris en compte, qui se cumulent année après année. L'innovation médicale, qu'elle concerne les médicaments, les technologies ou les nouvelles thérapies, s'impose aux établissements. Les hôpitaux se trouvent ainsi confrontés à une forte augmentation du poste des dépenses médicales (médicament, dispositifs médicaux et fournitures médicales), lequel devrait continuer à progresser sensiblement au cours des prochaines années en raison notamment de l'augmentation sensible des tarifs des produits sanguins labiles et de l'impact des innovations et de la généralisation des traitements et techniques coûteux.

De nombreuses études confirment le retard important des hôpitaux publics dans le domaine de l'investissement. Ces opérations de modernisation paraissent aujourd'hui prioritaires au regard notamment

- du retard de la France dans le domaine des équipements biomédicaux de pointe ;

- des exigences de sécurité et de qualité (vétusté des bâtiments, ...), parallèlement à la mise en conformité nécessaire des biens et équipements aux normes réglementaires.

Enfin, dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse d'acquisitions, de recrutement de personnel, de travaux ou de partenariats, la lourdeur des procédures et des contraintes juridiques pèse sur la gestion hospitalière. Elle prive les établissements de la réactivité nécessaire pour s'adapter à un environnement très évolutif et se traduit fréquemment par des surcoûts

C'est dans ce contexte déjà particulièrement tendu qu'a été décidée, sans préparation ni concertation préalable, l'application de la réduction du temps de travail aux établissements publics de santé.

2. Des difficultés considérablement aggravées par la réduction du temps de travail : les conclusions du rapport Piquemal

Dans « un esprit de continuité républicaine » , le Gouvernement a indiqué qu'il assumerait les décisions prises par le précédent gouvernement et qu'il ne remettrait donc pas en cause la réduction du temps de travail (RTT) dans les hôpitaux.

Conscient cependant des difficultés que génère la RTT et se refusant à ce que ses conséquences puissent compromettre la sécurité des malades, M. Jean-François Mattei a constitué une mission nationale d'évaluation de la RTT dans les établissements de santé, présidée par M. Angel Piquemal, directeur du centre hospitalier de Bayonne.

Dans un rapport remis jeudi 7 novembre au ministre de la santé, la mission nationale d'évaluation constate que la RTT a accentué « la crise du système hospitalier et de ses missions » , confirmant en cela le diagnostic qu'avait posé votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Après avoir visité 104 établissements de santé, dont 22 CHU, M. Piquemal estime que la réduction du temps de travail a servi de « révélateur d'une crise du fonctionnement interne des établissements ».

Le rapport souligne au premier chef que « face aux difficultés ressenties et aux doutes exprimés, il importe que les pouvoirs publics affichent leurs intentions de poursuivre la mise en place du dispositif pour l'ensemble des personnels » . La RTT apparaît ainsi, aux yeux des personnels, comme « un acquis sur lequel il ne saurait être question de revenir ». Ce sentiment est partagé aussi bien par le corps médical que par le secteur paramédical.

La RTT arrive cependant au pire moment : la majorité des responsables d'établissement dénoncent une situation budgétaire quasi « explosive » . Il a fallu, ces dernières années, appliquer les mesures réglementaires liées à la sécurité sanitaire et aux protocoles de revalorisation des carrières : les hôpitaux n'ont plus de marge de manoeuvre et leurs effectifs sont « nécessairement tendus ».

La RTT intervient de surcroît dans un contexte démographique défavorable. Les hôpitaux manquent de médecins, notamment dans les disciplines à gardes et astreintes (chirurgie, anesthésie, obstétrique, pédiatrie), et d'infirmières. Le gouvernement précédent avait certes prévu la création de 45.000 postes supplémentaires pour compenser la RTT. Cette création est supposée cependant s'étaler sur trois ans, alors que la RTT devait être effective dès le 1 er janvier 2002, et il faut, rappelons-le, plusieurs années pour former un professionnel de santé.

Le rapport de M. Piquemal constate que n'étant pas parvenus « à se réorganiser de manière efficace », les établissements ont dû « diminuer les plages d'ouverture » des blocs opératoires, des consultations externes et des secrétariats médicaux.

Le panorama du fonctionnement hospitalier dressé par le rapport est inquiétant : « repli sur soi des équipes, augmentation des "prescriptions-parapluie", du temps d'attente aux urgences, des délais pour les actes programmés et retards pour l'envoi des comptes rendus ». De plus, « les tensions à l'intérieur des équipes se sont accrues » . Les personnels se plaignent d'une « dégradation des soins » , qui retentit sur « leur propre reconnaissance professionnelle » , et s'interrogent sur « la transparence de la politique conduite » . Selon le rapport, ils craignent que la RTT « instrumentalise la diminution des ressources médicales et non médicales en vue de réaliser des réorganisations régionales de l'offre de soins » .

Le rapport souligne également que la RTT aurait accentué les clivages entre les différents métiers et contribué à développer « un cloisonnement déjà fort entre les établissements » , menant à des « fermetures d'unités réalisées sans concertation et à une absence d'inscription dans une organisation régionale ».

De même, toutes les personnes interrogées par la mission nationale d'évaluation demandent instamment que « la difficulté de mise en oeuvre de la RTT à court terme soit prise en compte afin d'éviter un risque de destruction de l'hôpital ». Le rapport s'interroge sur la situation des personnels non médicaux qui ne peuvent pas prendre leurs jours de RTT en raison des contraintes de service et qui refusent d'ouvrir un compte épargne-temps (CET) de peur de ne jamais pouvoir l'utiliser. S'agissant des personnels médicaux, il semble que le CET et la possibilité de cumuler la totalité des jours de RTT en fin de carrière rencontrent l'adhésion des praticiens mais que l'application des 48 heures hebdomadaires, gardes incluses, et de la directive européenne sur le repos de sécurité « soulève une forte inquiétude » .

Face à ce constat, la mission préconise de ne pas remettre en cause le principe de la RTT à l'hôpital mais d'en « clarifier le contexte » en « développant une politique de gestion prévisionnelle des emplois » et en « accroissant la visibilité financière » des hôpitaux.

Concernant les « ajustements » à apporter à la RTT, les propositions avancées sont « des mesures portant sur le court terme et sont destinées à gérer une période transitoire qui ne doit pas aller au-delà de 2004 ».

Pour les médecins, il s'agit avant tout « d'appliquer la directive européenne » qui limite la durée du travail à 48 heures hebdomadaires « dès le 1 er janvier 2003 », afin de ne pas créer un climat de « défiance envers l'action du Gouvernement » et de rendre « inéluctable un décloisonnement des établissements ».

A court terme, elle recommande pour le personnel non médical de « reporter les jours RTT non pris en 2002 sur 2003 » et de débloquer « une allocation supplémentaire de crédits aux établissements en 2003 » pour leur permettre de « remplacer les agents en repos RTT soit par le paiement d'heures supplémentaires, soit par le recrutement de personnel de remplacement ».

La pénurie de personnel, qui rend impossible pour le moment le recrutement des effectifs nécessaires à la mise en place effective des 35 heures, résulte en partie d'une gestion à court terme des besoins en formation. Aussi, la mission recommande-t-elle une évaluation prospective des besoins en personnels médicaux, soignants et médico-techniques sur les « dix prochaines années », tous secteurs confondus (public, privé et associatif) qui « fera l'objet d'un livre blanc à la fin 2003 ». Cette étude devra s'accompagner d'une meilleure promotion des métiers (bourses d'étude, attractivité avec création de crèches) et de l'instauration de « mécanismes d'intéressement salariaux et tarifaires sur critères géographiques et de spécialité ».

La mission préconise aussi de « généraliser pour tous les établissements des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avant 2005 » pour remédier au « manque de visibilité » et « réduire les tensions budgétaires ».

Ce rapport a été transmis aux syndicats, qui seront reçus, ainsi que les conférences de directeurs et de présidents de CME (comité médical d'établissement) et les fédérations d'établissements publics et privés, les 21 et 22 novembre par M. Jean-François Mattei.

Ces réunions seront l'occasion d'envisager des mesures d'accompagnement pour la mise en place de la RTT ainsi que le calendrier et la méthode du plan Hôpital 2007, qui fera l'objet d'une communication au conseil des ministres le 20 novembre.

B. LE PLAN « HÔPITAL 2007 »

Le plan « Hôpital 2007 » a pour objet, selon les termes du Gouvernement, de redonner ambition et espoir au monde hospitalier selon trois grandes directions :

- adapter le système de pilotage en renforçant, au niveau régional, le rôle des mécanismes contractuels par rapport aux procédures administrées ;

- relancer l'investissement pour moderniser les établissements, accompagner la recomposition de l'offre hospitalière et s'adapter aux contraintes fortes de sécurité sanitaire ;

- responsabiliser les acteurs en assouplissant la gestion : « il faut, selon les termes du ministre , insuffler une " culture du résultat " et pas seulement de moyens ».

Les grandes lignes du plan « Hôpital 2007 » ont été exposées par le ministre de la santé lors de son intervention devant les Assises nationales des cadres hospitaliers, au Mans, le 27 septembre 2002.

Certaines mesures annoncées figurent déjà dans le présent projet de loi ; d'autres constituent des orientations qui vont encore faire l'objet de concertations et débats.

1. Un soutien volontariste à l'investissement

Le plan « Hôpital 2007 » reposera tout d'abord sur une relance volontariste de l'investissement. Ainsi, un plan quinquennal d'investissement sera engagé dès 2003.

Le présent projet de loi comporte un premier effort conséquent, permettant le financement de la première tranche du plan de 6 milliards d'euros, soit pour 2003, plus d'1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires. Ces efforts couvriront toutes les opérations d'investissements : immobiliers, équipements et systèmes d'information, préalable indispensable à toute réorganisation.

Votre rapporteur se félicite de cette décision : la vétusté du patrimoine et des équipements hospitaliers nécessitait, de fait, d'engager dès 2003 un rattrapage significatif en matière d'investissement.

Le ministre de la santé a indiqué qu'il serait particulièrement attentif à une réalisation accélérée des opérations immobilières. C'est la raison pour laquelle trois séries de mesures viendront accompagner le plan d'investissement.

Afin d'accélérer les décisions, les enveloppes seront régionalisées et confiées aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH). L'instruction et la décision seront plus faciles et donc plus rapides. En pratique, les ARH arrêteront avec les structures un programme régional pluriannuel d'investissement sur cinq ans. Elles choisiront les opérations à soutenir, et le niveau de ce soutien qui pourra aller jusqu'à 80 % de l'opération.

Dans un souci d'accélérer les réalisations, l'intervention des entreprises privées sera facilitée. Le Gouvernement s'est engagé à proposer des modifications législatives avant la fin de l'année 2003 afin d'autoriser une personne privée à construire des bâtiments pour le compte de l'hôpital. Dès que la législation aura évolué, il demandera aux ARH d'utiliser le plus souvent possible ces modalités, notamment pour les opérations immobilières d'importance.

Enfin, pour soutenir techniquement les projets, en aidant les ARH et les établissements, le Gouvernement a décidé de mettre en place une Mission nationale d'appui à l'investissement , composée d'une quarantaine d'experts de haut niveau spécialement recrutés à cette occasion. La majorité de ces experts seront affectés en régions auprès des ARH.

La mission aidera les ARH à élaborer les plans pluriannuels et les établissements pour la mise en oeuvre et le suivi de leurs opérations.

2. La rénovation du mode de financement des établissements : la tarification à l'activité

Le Gouvernement souhaite mettre fin à la coexistence d'un double système de financement public et privé qui obère les comparaisons et rend difficile les coopérations. Il souhaite en conséquence orienter le mode de financement des établissements vers la tarification à l'activité, seule capable, à terme, de responsabiliser les acteurs.

On notera que la notion de « tarification à l'activité » remplace celle jusqu'ici communément utilisée de « tarification à la pathologie ». Ce terme semble préférable à celui de « tarification à la pathologie » dans la mesure où l'activité englobe aussi, par exemple, la prévention et le dépistage.

De fait, et votre rapporteur n'a pas manqué de le souligner à maintes reprises, le système actuel de tarification et de financement des établissements de soins publics et privés atteint aujourd'hui ses limites.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, la Cour des comptes en rappelle les faiblesses. Elle relève, en premier lieu, la relative déconnexion entre l'évolution de la dotation globale de fonctionnement et l'évolution de l'activité réelle des établissements qu'elle finance. La dotation globale de fonctionnement des établissements publics et privés participant au service public hospitalier représente plus de 90 % de leurs ressources financières. En tout état de cause, elle ne reflète qu'imparfaitement l'activité réelle des établissements. Malgré l'apport du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), certaines rentes de situation existant au profit de certains établissements n'ont pu être éliminées. Ainsi, les établissements dont l'activité décroît peuvent connaître une relative aisance financière ; à l'inverse, les établissements dont l'activité croît, souvent en raison de meilleures pratiques, peuvent être pénalisés financièrement.

La complexité de la tarification des établissements privés à but lucratif a eu des effets pervers. Les établissements privés régis par l'objectif quantifié national (OQN) reçoivent des forfaits par journée et par prestation délivrée, ce qui assure un financement en fonction des actes réalisés. Mais les données issues de leur comptabilité analytique ne permettent pas aux ARH de déterminer précisément le coût de chacun des actes. De plus, les tarifs, qui sont complexes à arrêter et à actualiser en fonction de l'évolution des techniques et des pratiques, ne peuvent être suffisamment détaillés pour distinguer chaque type d'acte. En conséquence, ils ne reflètent qu'imparfaitement la réalité des coûts des établissements et peuvent conduire les établissements à se spécialiser dans les domaines les plus rémunérateurs. Dès lors, ils peuvent se traduire par des choix de spécialisation inadaptés aux besoins.

Les objectifs de la tarification à l'activité sont de pouvoir fonder le financement de chaque établissement sur une mesure juste de son activité, en volume et en structure, et de rapprocher ainsi les modes de financement et de régulation des deux secteurs d'hospitalisation.

La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière , autorisait le Gouvernement à expérimenter, dans des conditions fixées par voie réglementaire, à compter du 1 er janvier 1992 et pour une période n'excédant pas cinq ans :

« 1° L'élaboration, l'exécution et la révision de budgets présentés en tout ou partie par objectifs tenant compte notamment des pathologies traitées ;

« 2° L'établissement de tarifications tenant compte des pathologies traitées.

« Cette expérimentation pouvait avoir lieu dans les établissements de santé, publics ou privés, avec leur accord ».

Comme le souligne la Cour des comptes, l'absence d'outil de mesure des coûts par pathologie n'a pas permis, à l'époque, de progresser significativement sur le sujet. Une importante expérimentation a toutefois été menée en 1994-1995 en Languedoc-Roussillon, démontrant que le recueil des informations médicales et financières utilisées par le PMSI et nécessaires à l'évaluation des coûts par pathologie était possible quels que soient la taille et le statut des établissements.

Ce dispositif, créé pour une période de cinq ans à compter du 1 er janvier 1992, étant devenu caduc, l'article 55 de la loi n° 99-641 du 11 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle l'avait en quelque sorte prolongé.

Votre commission avait alors souhaité que le Gouvernement se montre plus audacieux en la matière et que la phase des expérimentations soit rapidement suivie d'une mise en oeuvre effective et généralisée.

Elle se félicite par conséquent que le Gouvernement semble aujourd'hui décidé à engager une nouvelle étape en vue d'aboutir à la généralisation d'un système de financement à l'activité à partir de 2004

Elle relève que quatre pays européens -les Pays-Bas, l'Espagne, l'Allemagne et la Suède- ont déjà adopté un tel mode de financement au cours des trois dernières années et que la Belgique a également « sauté le pas » il y a quelques semaines.

L'article 12 du présent projet de loi institue ainsi l'expérimentation d'un mode de tarification unique des établissements de santé publics et privés fondé sur leur activité.

Selon les explications données par le ministre devant votre commission, lors de son audition sur le présent projet de loi, un appel à candidatures sera lancé dans le courant du mois de novembre afin de sélectionner vingt établissements publics et vingt établissements privés volontaires, dotés d'une comptabilité analytique.

Parallèlement, une simulation de l'application de la tarification à l'activité sera menée dans cinq régions, qui ne sont pas encore choisies. Les premiers enseignements de ces expérimentations seront disponibles au début de l'été 2003. Une mission d'accompagnement sur la tarification à l'activité va être créée au sein de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins ( DHOS).

3. Un assouplissement des règles de planification

Le troisième volet du plan « Hôpital 2007 » vise à assouplir les règles de planification.

Les autorisations qui sont encore effectuées au niveau national seront ainsi déconcentrées aux ARH.

Au plan régional, le Gouvernement souhaite supprimer les indices de lits et d'équipement de la carte sanitaire, qui sont aujourd'hui obsolètes, et faire jouer un rôle nouveau aux annexes du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (SROS) grâce un dispositif rénové et renforcé dans ses principes juridiques. Le régime des autorisations sera maintenu pour assurer une équité dans la répartition des capacités de prise en charge et des équipements, mais les encadrements seront désormais fixés par l'ARH dans le SROS.

A terme, le Gouvernement souhaite pouvoir contractualiser les autorisations en les fixant dans le seul contrat d'objectifs et de moyens. L'objectif est de donner une souplesse et une réactivité qui manquent aux procédures actuelles trop lentes et trop lourdes.

4. Une plus grande autonomie de gestion

Le Gouvernement souhaite que les établissements puissent jouir d'une plus grande autonomie dans leur gestion quotidienne.

Ceci suppose la simplification d'un certain nombre de règles, en particulier pour les achats, qui génèrent à la fois des surcoûts et des dysfonctionnements au sein des établissements.

De la même manière, le Gouvernement réfléchit à un accroissement du pouvoir des conseils d'administration, notamment en matière de contractualisation interne, laquelle pourrait être liée à l'intéressement des personnels. Chacun doit recouvrer le fruit de ses efforts à partir d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs fixés et évalués au sein des établissements avec la validation du conseil d'administration.

Les établissements doivent aussi pouvoir s'organiser et se structurer au mieux. Sur la base des unités fonctionnelles et des services existants, il appartiendra aux instances internes de décider de la création de pôles d'activité qui pourront, ensuite, passer contrat avec le conseil d'administration.

Enfin, les guides de bonnes pratiques ne doivent pas être uniquement à vocation médicale. C'est pourquoi l'article 11 du projet de loi prévoit la création d'une mission nationale d'audit et d'expertise dont l'objectif sera de bâtir des référentiels de gestion hospitalière de manière à aider les établissements dans leur modernisation.

Ces efforts devraient naturellement être pris en compte et articulés, le plus possible, avec la tarification des établissements.

Aux yeux de votre commission, le plan « Hôpital 2007 » s'inscrit dans une démarche ambitieuse, à la hauteur du défi que représente aujourd'hui le sauvetage de notre système hospitalier.

*

* *

Médicaliser l'ONDAM, restaurer le dialogue et la confiance avec les professionnels de santé, redonner un sens à la politique conventionnelle, poser les bases d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses, moderniser l'hôpital en surmontant le défi que représente la réduction du temps de travail, préparer : les chantiers sont nombreux et la tâche difficile. Le Gouvernement sait qu'il peut, dans sa mission, compter sur le plein et entier soutien de votre commission.

TROISIÈME PARTIE
-
ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET MALADIES PROFESSIONNELLES

Pour 2003, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 9,40 milliards d'euros, soit une progression de 10,2 % par rapport à l'objectif initial pour 2002 (8,53 milliards d'euros) et de 4,2 % par rapport à l'objectif de dépenses révisé pour 2002 (9,02 milliards d'euros).

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale confirme donc la croissance soutenue des dépenses de la branche.

Dépenses de la branche

« La branche des accidents du travail rassemble, outre les dépenses des fonds déjà existants (CNAMTS, salariés agricoles, Mines, FCATA, FCAATA, Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales), les dépenses effectuées directement par les régimes d'employeurs, en contrepartie de cotisations dites « fictives ». Les maintiens de salaire ne sont pas retracés dans l'agrégat de dépenses de la branche AT. Le FCAT ayant moins de 20.000 bénéficiaires ne rentre plus dans les agrégats de dépenses à compter de 2002. »

Source : PFLSS 2003, annexe C

Ces dépenses relèvent à 91 % du régime général : en 2001, les dépenses de la branche AT-MP du régime général atteignaient 7,971 milliards d'euros pour des dépenses totales de l'ensemble des régimes de base de 8,760 milliards d'euros.

Les différents régimes de couverture du risque AT-MP

« La couverture du risque accidents du travail-maladies professionnelles est morcelée entre un grand nombre de régimes et de gestionnaires.

« Pour les salariés, le gestionnaire le plus important est le régime général, qui couvre environ 87 % du total. Cependant, 23 entreprises, collectivités et établissements publics assurent directement la charge totale ou partielle (c'est-à-dire à l'exclusion des incapacités permanentes) du risque. Les salariés agricoles, soit un peu plus d'un million de personnes, couverts seulement depuis une loi de 1972, relèvent de la mutualité sociale agricole (MSA), avec notamment des systèmes de cotisation des employeurs et de prévention. Les salariés d'Alsace-Moselle continuent de bénéficier d'un régime local, fondé sur une législation de 1886, avec une indemnisation qui ne peut être inférieure à celle prévue par le régime général et un système propre de cotisations.

« Les agents des trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux) relèvent de systèmes distincts, fondés sur la notion d'accident de service, même si des lois successives les ont progressivement rapprochés du régime général.

« Les agents de la SCNF, de la RATP, d'EDF et de GDF relèvent également de régimes spécifiques. Il en est de même pour les gens de mer, dont l'assurance est géré par l'établissement national des invalides de la marine (ENIM).

« La loi du 30 novembre 2001 crée un nouveau régime pour les exploitants agricoles, dont la gestion serait confiée à la MSA . »

Source : Cour des comptes 25 ( * )

I. L'ÉVOLUTION DES RISQUES PROFESSIONNELS APPARAÎT PRÉOCCUPANTE

A. DES ÉVOLUTIONS PRÉOCCUPANTES

Alors que, sur le long terme, on constate une importante diminution du risque d'accidents du travail, les évolutions récentes marquent l'interruption de cette tendance :

- les accidents du travail et les accidents de trajet ne diminuent plus et apparaissent de plus en plus graves ;

- les maladies professionnelles sont en forte progression.

1. Un nombre d'accidents du travail et d'accidents de trajet qui ne diminue plus

La tendance à la baisse du risque d'accidents du travail sur longue période s'est considérablement ralentie depuis 1987. Désormais, le nombre d'accidents du travail ne diminue plus et le nombre d'accidents de trajet tend à augmenter.

Depuis 1997, le nombre d'accidents du travail dans le secteur marchand non agricole tend à augmenter. Certes, compte tenu des créations d'emploi, le taux de fréquence 26 ( * ) -et donc le risque- diminue légèrement, mais de manière désormais très ralentie.

Evolution des accidents du travail depuis 1997

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

Nombre d'accidents du travail

1.317.950

1.337.951

1.362.068

1.360.612

1.363.542

Indice de fréquence

82,0

79,6

78,1

75,1

n.c.

Nombre d'accidents du travail avec incapacité permanente

45.579

47.071

46.085

48.096

n.c.

Indice de gravité

17,1

16,7

15,6

16,1

n.c.

Nombre d'accidents mortels

732

669

722

717

n.c.

1 Estimation Source : CNAMTS

Le risque d'accident du travail semble ainsi devoir varier avec la conjoncture économique : il tend à augmenter en période de reprise.

La tendance actuelle semble toutefois dépasser les simples fluctuations conjoncturelles, qui ne font ici que l'amplifier.

Comme le souligne une étude de la DARES 27 ( * ) , « au-delà des fluctuations conjoncturelles, cette reprise s'inscrit dans un mouvement de long terme : à la baisse prononcée des accidents du travail amorcée au milieu des années soixante-dix, succède au tournant des années quatre-vingt-dix une phase d'augmentation lente mais régulière. A cette nouvelle tendance se superposent des fluctuations cycliques en phase avec l'activité économique. »

Il reste que la gravité 28 ( * ) des accidents du travail s'intensifie. Ainsi, on observe une hausse du nombre d'accidents avec incapacité permanente, mais aussi une forte augmentation de la durée moyenne d'arrêt de travail, qui est passée de 25 jours en 1970 à 43 jours en 2001.

Ces tendances sont encore accentuées pour les accidents de trajet .

Evolution des accidents de trajet depuis 1997

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

Nombre d'accidents de trajet

126.455

129.955

136.923

131.861

127.532

Nombre d'accidents de trajet avec incapacité permanente

8.174

8.182

8.265

n.c.

n.c.

Nombre d'accidents de trajets mortels

571

632

662

644

836

1 Estimation Source : CNAMTS

Ainsi, les accidents de trajet avec incapacité permanente sont en hausse constante depuis 1997. Et les décès lors d'un accident de trajet constituent désormais plus de la moitié des accidents du travail mortels.

2. La forte progression des maladies professionnelles

Mais la tendance la plus préoccupante reste sans doute la forte progression du nombre de maladies professionnelles.

Evolution des maladies professionnelles depuis 1997

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

Nombre de maladies professionnelles

15.554

17.722

24.208

29.771

39.755

Maladies avec incapacité permanente

3.916

4.160

6.505

n.c.

n.c.

Maladies professionnelles mortelles

75

104

161

207

n.c.

1 Estimation Source : CNAMTS

Les maladies professionnelles prises en charge connaissent en effet une forte progression depuis plusieurs années, à partir d'un niveau, il est vrai, faible.

Ainsi, de 1988 à 2001, le nombre de maladies professionnelles reconnues est passé de 6.000 à 40.000, soit une progression de près de 700 %.

Certes, ces évolutions s'expliquent largement par une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles, et notamment des maladies liées à l'amiante. L'amiante représente désormais près de 14 % des maladies professionnelles reconnues.

Mais il reste que cette tendance apparaît particulièrement inquiétante et n'est pas sans de lourdes incidences financières. Les maladies professionnelles sont en effet généralement bien plus handicapantes que les accidents du travail : alors que ceux-ci n'entraînent qu'environ 3 % d'incapacités permanentes, ce taux monte à 25 % pour les maladies professionnelles.

La progression du nombre de maladies reconnues n'efface en outre pas une autre tendance lourde : leur concentration. Elle ne fait même que l'accentuer.

La plupart des maladies professionnelles relèvent en effet de trois pathologies. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, « 85 % des maladies prises en charge le sont au titre de trois tableaux : les affections péri-articulaires, qui représentent à elles seules près des deux tiers (dont un quart dû au syndrome du canal carpien) ; les pathologies induites par l'amiante, qui sont passées au-dessus de 10 % ; les lombalgies et dorsalgies, qui représentent un peu moins de 10 % ».

A l'évidence, l'effort de prévention devrait donc viser en priorité ces trois pathologies.

B. LES FAILLES DE NOTRE SYSTÈME DE RECONNAISSANCE DES RISQUES PROFESSIONNELS

Ces statistiques doivent néanmoins être interprétées avec prudence. Si elles reflètent sans doute avec exactitude les évolutions et les tendances de fond, elles ne permettent pas d'appréhender de manière exhaustive la réalité des risques professionnels.

Elles souffrent en effet de failles qui tiennent tant aux lacunes de l'outil statistique qu'aux phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance.

1. Les lacunes de l'outil statistique

Dans son rapport précité, la Cour des comptes s'est longuement penchée sur la qualité de l'outil statistique en la matière.

Tout en reconnaissant une certaine amélioration, le constat de la Cour reste très critique :

« La connaissance des risques professionnels demeure très imparfaite. Les données épidémiologiques de base restent lacunaires et les études épidémiologiques et économiques peu nombreuses. Elles sont particulièrement défaillantes pour ce qui concerne les maladies professionnelles. Les systèmes de dénombrement des accidents et maladies déclarés et reconnus dans les divers systèmes d'assurance sont partiels, notamment pour les dispositifs autres que celui du régime général. Ils ne sont pas coordonnés et aucune statistique d'ensemble n'existe. Même dans le régime général, une modernisation de ce système est nécessaire. »

Ces conclusions apparaissent alors d'autant plus préoccupantes que l'insuffisance de l'outil statistique conduit à fragiliser l'efficacité des politiques publiques en la matière :

« Ces insuffisances dans la connaissance affectent nécessairement l'ensemble de la gestion du risque AT-MP, aussi bien la conduite et l'efficacité des actions de prévention que le sens de la tarification des cotisations et la répartition des dépenses entre l'assurance maladie et l'assurance AT-MP . »

Dans ces conditions, votre commission ne peut que reprendre à son compte les observations de la Cour et appeler de ses voeux une amélioration des informations disponibles et une meilleure coordination des acteurs.

Elle considère pourtant qu'une telle démarche n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une meilleure reconnaissance des risques professionnels.

2. Des modalités toujours imparfaites de déclaration et de reconnaissance des risques professionnels

L'outil statistique n'appréhende en effet que les accidents et les maladies déclarés et reconnus.

Or, l'existence d'un phénomène de sous-déclaration et de sous-reconnaissance ne semble plus guère contestée.

De fait, les lois de financement de la sécurité sociale pour 1997 et pour 2002 ont pris acte de ce phénomène en instituant un versement annuel de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre des maladies professionnelles puis, depuis l'an passé, au titre des accidents du travail.

Les travaux des trois commissions successives 29 ( * ) chargées d'évaluer les modalités de calcul de ce versement annuel ont d'ores et déjà permis d'apporter certaines précisions sur l'ampleur de ce phénomène et surtout de ses causes.

Trois causes principales sont ainsi avancées :

- la sous-évaluation par le corps médical de l'origine professionnelle des pathologies, qui résulte sans doute largement de la méconnaissance par le corps médical des liens susceptibles d'exister entre la pathologie et l'activité professionnelle ;

- la sous-déclaration des accidents du travail par les employeurs et des maladies professionnelles par les victimes elles-mêmes. Les causes en sont ici très diverses : la possibilité de ne pas prendre en considération les « accidents bénins », le souci des employeurs de minimiser les accidents pour éviter une majoration de leur cotisation, l'absence d'incitation financière à la déclaration pour le salarié, la crainte d'une perte d'emploi ou d'une baisse de revenu pour le salarié, la complexité des procédures et le cloisonnement des intervenants ;

- la sous-reconnaissance par les CPAM, que souligne l'hétérogénéité persistante des taux de reconnaissance entre les différentes caisses : pour les accidents du travail, ce taux varie de 75 à 92 % et, pour les maladies professionnelles, il oscille entre 22 et 88 %.

Votre commission estime alors nécessaire de mieux prévenir ces phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance.

Certes, certains progrès ont déjà été accomplis. Mais le phénomène demeure persistant.

A cet égard, elle regrette notamment que les propositions des commissions de 1997 et de 1999 soient loin d'avoir été toutes suivies d'effets. Elle ne peut donc qu'exprimer le souhait que le présent Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre dans les meilleures conditions les propositions de la commission de 2002. Elle considère, à ce propos, que la perspective de l'instauration d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche constitue une occasion à ne pas manquer.

Car ce phénomène est, à ses yeux, lourd d'enjeux :

- un enjeu évident de santé publique, tant l'élaboration d'une politique de prévention et de gestion des risques suppose une connaissance effective de ceux-ci ;

- un enjeu financier également, dans la mesure où le principe de séparation des branches impose une identification précise de l'origine des dépenses.

II. LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA BRANCHE TEND À SE DÉGRADER

Marquée par une évolution soutenue des recettes et des dépenses ces dernières années, la situation financière de la branche, traditionnellement excédentaire, risque de se tendre dans les années à venir même si l'objectif d'équilibre devrait être atteint.

En effet, alors que l'évolution des recettes risque désormais d'être moins favorable, la progression des dépenses devrait rester dynamique.

A. UNE ÉVOLUTION DES RECETTES DÉSORMAIS MOINS FAVORABLE

Les recettes de la branche AT-MP du régime général continuent de progresser à un rythme soutenu, en dépit de la très légère baisse du taux de cotisation et alors même que les cotisations constituent l'essentiel des ressources de la branche.

Le rythme de progression des produits devrait toutefois ralentir en 2002 et 2003.

Produits de la branche AT-MP (CNAMTS)

(en droits constatés et en millions d'euros)

2000

2001

%

2002

%

2003

%

PRODUITS TOTAUX

7.528,8

7.990,6

6,1

8.349,3

4,5

8.793,5

5,3

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

7.517,2

7.959,4

5,9

8.341,6

4,8

8.785,7

5,3

Agrégat Cotisations effectives

6.365,8

6.592,5

3,6

6.863,0

4,1

7.239,8

5,5

Cotisations sociales

6.213,4

6.633,4

6,8

6.726,1

1,4

7.039,1

4,7

Cotisations des actifs salariés (part patronale)

6.189,0

6.608,6

6,8

6.700,2

1,4

7.011,9

4,7

Majorations et pénalités

24,4

24,8

1,7

26,0

4,8

27,2

4,7

Reprises nettes de provisions (créances sur cotisations)

- 13,6

- 187,5

- 33,8

- 82,0

67,0

Pertes sur créances irrécouvrables (sur cotisations)

- 67,5

- 77,9

15,4

- 57,8

-25,7

- 47,6

- 17,8

Cotisations prises en charge par l'Etat

233,5

224,4

- 3,9

228,5

1,8

181,3

- 20,7

Transferts entre organismes de sécurité sociale

835,9

1.037,1

24,1

1.1304

9,0

1.207,3

6 8

Compensations intégrales

0,0

0,1

-

0,1

0,0

0,1

0,0

Cotisations prises en charge par le FOREC

835,3

1.06,2

24,1

1.129,5

9,0

1.206,3

6 8

Transferts divers

0,6

0,9

38,0

0,9

0,0

0,9

0,0

Divers produits techniques

315,5

329,9

4,6

348,2

5,6

338,6

- 2,8

Recours contre tiers

273,2

260,0

- 4,9

265,2

2,0

270,5

2,0

Autres produits techniques

1,6

4,1

161,3

4,2

1,7

4,3

1,5

Produits versés par une entité publique autre que l'Etat

4,0

5,2

30,4

5,2

0,0

5,2

0,0

Produits financiers

34,1

56,9

66,7

70,0

23,0

55,0

- 21,4

Produits exceptionnels

2,5

3,7

43,3

3,7

0,0

3,7

0,0

PRODUITS DE GESTION COURANTE

11,6

31,1

168,8

7,7

- 75,3

7,8

1,4

Source : Direction de la sécurité sociale

1. Un rythme de progression des produits plus modéré en 2002 et 2003

En 2001, les produits de la branche, en forte progression de 6,1 %, ont largement bénéficié de la forte croissance de la masse salariale.

Cette progression résulte principalement de l'augmentation de 3,6 % des cotisations effectives agrégées (à 6,6 milliards d'euros, elles représentaient 82,5 % des produits) et de l'augmentation de 24,1 % des cotisations prises en charge par le FOREC (à 1 milliard d'euros, elles représentaient 13 % des produits).

Les cotisations effectives agrégées auraient même progressé plus fortement encore de 6,4 % (à 6,8 milliards d'euros), malgré la légère baisse du taux de cotisation employeur à la branche (2,193 % en 2001, contre 2,2% en 2000), si elles n'avaient été diminuées en 2001 par le provisionnement exceptionnel (pour 179 millions d'euros) de la créance FOREC 2000 (qui représentait les allégements de charges qui n'avaient pas été compensés par l'Etat en 2000).

Ce rythme de progression des produits devrait être toutefois plus modéré en 2002 et 2003, même s'il devait rester soutenu.

Le ralentissement de la croissance de la masse salariale pèsera en effet sur les rentrées de cotisations. Le taux de cotisation employeur ne devrait d'ailleurs pas baisser en 2003, pour la première fois depuis de nombreuses années.

Les cotisations effectives agrégées devraient ainsi continuer à progresser plus modérément à un rythme de progression voisin de celui de la masse salariale (+ 3,7 % en 2002 et + 4,1 % en 2003) : + 1,3 % en 2002 (par rapport à 2001 rehaussé du provisionnement exceptionnel de la créance FOREC 2000) et + 4,2 % en 2003 (si on retire de leur montant en 2003 le remboursement exceptionnel par la CADES de la moitié de la créance FOREC 2000).

Mais en tenant compte en 2001 du provisionnement exceptionnel (pour 179 millions d'euros) de la créance FOREC 2000, et en 2003 du remboursement exceptionnel par la CADES (pour 90 millions d'euros) de la moitié de la créance FOREC 2000, les cotisations effectives agrégées augmenteraient plus vivement de 4,1 % en 2002 et de 5,5 % en 2003.

Les cotisations prises en charge par le FOREC continueraient, elles aussi, à progresser encore plus vivement de 9 % en 2002 et de 6,8 % en 2003. Elles atteindraient 1,1 milliard d'euros en 2002 et 1,2 milliard d'euros en 2003.

Au total, les produits de la branche AT-MP du régime général devraient donc atteindre 8,3 milliards d'euros en 2002 et 8,8 milliards d'euros en 2003. Ils continueraient donc à progresser globalement de façon soutenue de 4,5 % en 2002 et de 5,3 % en 2003, contre 6,1 % en 2001.

On observera toutefois que, sur la base d'un traitement comptable différent et avant l'imputation du remboursement par la CADES d'une partie de la créance FOREC, la Commission des comptes de la sécurité sociale tablait sur une progression beaucoup plus modérée des produits : + 2,3 % en 2002 et + 4 % en 2003

2. La place prépondérante des cotisations

Les recettes de la branche présentent la particularité d'être très majoritairement assises sur les cotisations employeurs.

Les cotisations représentaient ainsi 95,5 % du total des produits de la branche en 2001, qu'il s'agisse des cotisations effectivement prises en charge par les employeurs (79,7 % du total), par l'Etat (2,8 % du total) ou par le FOREC (13,0 % du total).

On rappellera que pour l'ensemble du régime général les cotisations sociales (prises en charge par les cotisants, l'Etat et le FOREC) ne représentaient que 52 % des produits.

C'est donc cette part prépondérante des cotisations sociales qui a permis le dynamisme des recettes de la branche constaté ces dernières années, lié à la forte progression de la masse salariale, alors même que le taux net moyen de cotisation diminuait légèrement (après avoir fortement baissé sur le long terme 30 ( * ) ).

Evolution du taux net moyen de cotisation

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2,282

2,267

2,262

2,262

2,210

2,200

2,193

2,185

Source : CNAMTS - Direction des risques professionnels

Cette part prépondérante appelle cependant deux observations.

D'une part, le taux de cotisation constitue la seule véritable variable d'ajustement de l'équilibre de la branche. Il n'est donc pas évident que la baisse tendancielle de ce taux puisse se prolonger en cas de dégradation durable de l'activité économique limitant la progression de la masse salariale.

D'autre part, la Cour des comptes a souligné, dans son rapport public particulier précité, la grande complexité du système de tarification actuel dont la gestion mobilise des effectifs importants au sein des caisses pour aboutir in fine à des écarts de taux parfois faibles et à une individualisation très limitée de ces derniers.


La détermination du taux de cotisation pour la branche AT-MP

Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur,

- un souci de prévention, le montant de la cotisation étant fixé selon le degré du risque dans chaque entreprise,

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurentielle de notre système de sécurité sociale.

Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport entre la valeur du risque (apprécié en fonction des prestations versées) et la masse salariale versée au cours des trois dernières années.

Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de 10 salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de 200 salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).

Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement.

Ce sont alors les caisses régionales d'assurance maladie qui, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission, déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise. Les caisses disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Votre commission partage largement l'analyse de la Cour. Elle considère qu'une simplification du mécanisme de tarification devrait constituer l'un des objectifs de la convention d'objectifs et de gestion que prévoit l'article 38 du présent projet de loi.

B. DES DÉPENSES TRÈS DYNAMIQUES

Les charges de la branche progressent à vive allure ces dernières années.

Dépenses consolidées AT-MP des régimes de base (champ LFSS)

(en milliards d'euros)

1999

2000

2001

2002 1

2003 2

Montant

7,622

7,935

8,760

9,021

9,404

Evolution

+ 4,1 %

+ 10,4 %

+ 3,0 % 3

+ 4,2 % 4

1 Objectif révisé PLFSS 2003 (objectif initial : 8.530 millions d'euros)

2 Objectif PLFSS 2003

3 + 5,7 % par rapport à l'objectif initial PLFSS 2001

4 + 10,2 % par rapport à l'objectif initial PLFSS 2002

Certes, ces dépenses ne représentent qu'environ 3 % des dépenses totales des régimes de base de sécurité sociale.

Il n'en reste pas moins que l'évolution des dépenses de la branche AT-MP devient aujourd'hui la plus soutenue des dépenses des branches de la sécurité sociale.

Cette évolution se vérifie à un double niveau :

- une forte dérive par rapport aux objectifs initiaux : + 5 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, + 5,7 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ;

- une croissance soutenue des dépenses effectivement réalisées : + 10,4 % en 2001.

Certes, le présent projet de loi de financement table sur une progression plus modérée des dépenses en 2002 et 2003.

L'objectif de dépenses pour 2002, révisé à la hausse par le présent projet de loi 31 ( * ) , retient une simple progression de 3 % des dépenses effectives en 2002.

De même, l'objectif de dépenses pour 2003 prévoit une hausse ramenée à 4,2 % par rapport à l'objectif révisé pour 2002, mais équivalente à une hausse de 10,2 % par rapport à l'objectif initial pour 2002.

Ces objectifs concernent les dépenses d'AT-MP de l'ensemble des régimes de base comptant plus de 20.000 cotisants. Or, à elle seule, la CNAMTS-AT représente 90 % des dépenses des régimes de base en la matière.

Il importe donc d'attacher une attention toute particulière au régime général

Charges de la branche AT-MP (CNAMTS)

(en droits constatés et en millions d'euros)

2000

2001

%

2002

%

2003

%

CHARGES

7.178,7

7.971,1

11,0

8.279,0

3,9

8.641,9

4,4

CHARGES DE GESTION TECHNIQUE

6.438,0

7.354,3

14,2

7.600,6

3,3

7.998,5

5,2

Prestations

5.556,6

5.914,5

6,4

6.180,6

4,5

6.389,5

3,4

Prestations légales

5.494,6

5.748,7

4,6

6.014,8

4,6

6.223,4

3,5

Prestations extralégales

2,0

2,0

1,2

2,4

20,0

2,4

0,0

Autres prestations

14,0

135,4

868,0

137,9

1,8

140,4

1,8

Dotations nettes aux provisions (pour prestations)

38,0

20,5

- 46,0

17,6

- 14,3

15,4

- 12,5

Pertes sur créances irrécouvrables (pour prestations)

8,1

7,9

- 2,8

8,0

1,3

8,0

0,0

Transferts entre organismes de sécurité sociale

685,3

714,0

4,2

867,4

21,5

899,4

3,7

Compensations

581,0

580,4

- 0,1

738,0

27,2

758,5

2,8

Compensations intégrales

1,4

1,1

- 17,6

1,1

0,0

1,1

0,0

Compensation avec le régime des Mines (CANSSM)

438,6

435,1

- 0,8

437,1

0,5

427,3

- 2,2

Reversement à la CNAM/Maladie

141,0

144,1

2,2

299,7

108,0

330,0

10,1

Transferts divers et autres

104,3

133,6

28,1

129,4

- 3,1

141,0

8,9

Compensation avec le régime des salariés agricoles

104,3

108,9

4,5

104,0

- 4,5

114,8

10,4

Dotation au FNGA (ACOSS)

0,0

24,7

-

25,4

3,0

26,2

3,0

Autres transferts techniques

188,0

723,7

285,0

550,5

- 23,9

704,9

28,0

Contribution au FCAATA

102,9

205,8

100,0

300,0

45,8

450,0

50,0

Contribution au FIVA

0,0

438,3

-

180,0

- 58,9

190,0

5,6

Contribution au FCAT

83,5

78,1

- 6,5

69,0

- 11,7

63,4

- 8,1

Contributions aux autres fonds nationaux

1,5

0,7

- 53,4

0,7

2,0

0,7

0,0

Subventions à des organismes hors sécurité sociale

0,0

0,8

-

0,8

0,0

0,8

0,0

Diverses charges techniques

5,1

2,1

- 59,6

2,1

0,0

2,1

0,0

Autres charges techniques

3,0

0,1

- 97,0

0,1

0,0

2,6

-

CHARGES DE GESTION COURANTE

740,8

616,8

- 16,7

678,4

10,0

643,4

- 5,2

Source : Direction de la sécurité sociale

L'étude du tableau ci-dessus permet alors d'analyser plus en détail les sources du dynamisme des dépenses.

Celui-ci tient nettement moins à la progression des prestations traditionnellement servies par la branche qu'à la forte hausse des transferts à la charge de la branche.

1. Une évolution modérée mais différenciée des prestations

Le versement direct de prestations par la branche représentait, en 2001, 74 % de ses charges.


Les prestations versées aux victimes par l'assurance
accidents du travail-maladies professionnelles

« La reconnaissance de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie permet à la victime d'être indemnisée au titre de la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle a droit :

« - à la couverture intégrale des frais médicaux de toute nature selon le système du « tiers payant » : la caisse paie directement les professionnels de santé ;

« - en cas d'arrêt de travail, à des indemnités journalières pendant toute la période d'incapacité temporaire, c'est-à-dire jusqu'à reprise du travail ou à constatation médicale de la stabilisation de son état de santé ;

« - à partir de cette consolidation, à une rente ou à un capital visant à compenser forfaitairement l'incapacité de travail qui subsistera, appelée incapacité permanente.

« Quand l'accident ou la maladie provoque le décès, les ayants droit reçoivent une rente.

« Quand l'accident ou la maladie résulte d'une faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit à une indemnisation plus large, couvrant, outre le préjudice professionnel direct, les préjudices personnels (préjudice moral, physique, esthétique et d'agrément, ainsi que préjudice résultant de la perte ou de diminution de ses possibilités de promotion professionnelle).

« Lorsque l'accident est imputable à une personne autre que l'employeur, la victime ou ses ayants droit peuvent demander devant un tribunal une réparation conforme au droit commun, s'ils estiment y avoir intérêt. Le montant de cette réparation ne peut pas se cumuler avec les prestations de l'assurance AT-MP, celle-ci récupérant alors auprès de l'assuré les prestations qu'elle a versées . »

Source : Cour des comptes, rapport public précité.

L'évolution des prestations apparaît sensiblement plus modérée que l'ensemble des dépenses de la branche.

Evolution comparée des prestations versées
et des dépenses de la branche AT-MP (CNAMTS)

2001

2002

2003

Prestations

+ 6,4 %

+ 3,9 %

+ 4,4 %

Total des dépenses

+ 11,0 %

+ 4,5 %

+ 3,4 %

Toutefois, la progression des prestations varie selon la nature de celles-ci.

Ainsi, les rentes d'incapacité permanente (qui représentaient 41 % des charges de la branche en 2001 et s'élevaient à 3,3 milliards d'euros) ne progressent que lentement. Les dépenses correspondantes n'ont augmenté que de 1,9 % en 2001. Elles ne devraient progresser également que faiblement en 2002 (+ 2,6 %) et en 2003 (+ 1,5 %).

Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002, la progression prévue en 2002 tiendrait avant tout à l'incidence des mesures nouvelles prévues par la loi de financement pour 2002 : revalorisation des rentes des ayants droit, extension de la qualité d'ayant droit aux concubins et aux pacsés, majoration des rentes pour tierce personne, indemnisation des accidents successifs, revalorisation et indexation de l'indemnité en capital, extension du système dérogatoire de reconnaissance des maladies professionnelles. Pour 2003, en l'absence de mesures nouvelles, les rentes ne devraient donc évoluer qu'au rythme de revalorisation des pensions.

A l'inverse, les prestations d'incapacité temporaire (qui représentaient 31 % des charges de la branche en 2001 et s'élevaient à 2,5 milliards d'euros) progressent rapidement, à un rythme équivalent à celui des soins de villes.

Après avoir augmenté de 8,6 % en 2001, elles devraient continuer à progresser de manière soutenue : + 7,4 % en 2002, + 6 % en 2003.

2. Une forte hausse des transferts

Mais, plus que par l'évolution des prestations, la progression des dépenses de la branche est désormais tirée par la hausse des transferts.

Evolution des transferts à la charge de la branche AT-MP (CNAMTS)

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

Transferts totaux

873

1.438

1.418

1.604

dont vers la branche-maladie

141

144

300

330

dont vers le FCAATA

103

206

300

450

dont vers le FIVA

0

438

180

190

Part des transferts dans les dépenses totales de la branche

12,2 %

18,0 %

17,1 %

18,6 %

Les transferts devraient augmenter de 84 % entre 2000 et 2003 alors que les dépenses de la branche ne progresseraient que de 20 % sur la période.

En 2003, les transferts représenteraient ainsi 18,6 % des dépenses alors qu'ils n'en constituaient que 12,2 % en 2000.

Cette progression des transferts ne tient pas à la hausse des transferts vers les régimes de sécurité sociale à effectif décroissant (Mines et salariés agricoles) qui sont stables, mais à des financements supplémentaires en direction des fonds d'aide aux victimes de l'amiante (FCAATA et FIVA) et à la hausse des transferts vers l'assurance maladie.

- l'accentuation des transferts vers la branche maladie

Depuis 1997, existe en effet un versement annuel de la branche AT-MP vers la branche maladie afin de compenser les dépenses supportées par cette dernière branche au titre des maladies professionnelles puis, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, au titre des accidents du travail.

Montants annuels des versements de la branche AT/MP à la branche maladie

(en millions d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

137,2

138,7

140,4

141,0

144,1

299,6

330,0

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit une forte hausse de ce transfert : + 10 %. Cette croissance va sans doute perdurer, dans la mesure où la commission Levy-Rosenwald estime que « la dépense imputée à tort à l'assurance maladie atteint probablement, a minima, une fourchette se situant entre 368 et 550 millions d'euros ».

- le poids croissant de l'indemnisation des victimes de l'amiante

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le f onds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Les dépenses correspondantes atteignent 8,1% du total des dépenses de la branche.

La montée en charge du FCAATA apparaît en effet très rapide et très lourde. En 2001, le nombre de dossiers transmis au FCAATA a doublé, passant de 9.510 à 18.429.

Dès lors, les dépenses du FCAATA sont en forte hausse. Ainsi, en 2002, il est probable que les dotations initialement prévues se révèlent insuffisantes.

FCAATA

(en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002 1

2002 2

2003 1

2003 2

Dotations

15,2

133,8

238,0

333,9

333,9

486,5

484,6

. contribution CNAMTS-AT

0

102,9

205,8

300,0

300,0

450,0

450,0

. contribution de l'Etat

15,2

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

. droits sur les tabacs

0,0

30,5

31,5

33,2

33,2

34,6

33,2

. produits financiers

0,0

0,4

0,6

0,6

0,6

1,9

1,3

Charges

8,6

54,4

166,4

351,1

322,9

724,6

544,0

Résultat net

6,6

79,4

71,6

- 17,2

10,0

- 238,1

- 59,5

Résultat net cumulé

-

79,4

150,9

133,7

160,9

- 104,4

102,4

1 Hypothèses « hautes » Source : direction de la sécurité sociale

2 Hypothèses « basses »

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit en conséquence de majorer de 200 à 300 millions d'euros la dotation de la CNAMTS-AT pour 2002 et la fixe à 450 millions d'euros en 2003.

Il n'est pourtant pas garanti que cette augmentation de la dotation permette l'équilibre du fonds à la fin 2003 comme en témoigne le tableau ci-dessus.

Comme le souligne M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale 32 ( * ) , « on ne peut être que très surpris par l'évolution des financements et l'ampleur des révisions des versements » et regretter, comme lui, l'absence de visibilité à moyen terme.

La montée en charge du FIVA est, elle, beaucoup plus lente.

Installé officiellement en avril 2002, celui-ci est encore en phase de mise en place. Les barèmes indicatifs d'indemnisation ne sont toujours pas établis et le FIVA n'a pour l'instant versé que quelques provisions dans l'attente d'une indemnisation définitive 33 ( * ) .

A l'heure actuelle, le FIVA est pourtant déjà doté de 552 millions d'euros de réserves (514 versés par la CNAMTS-AT et 38 par l'Etat).

Dotations du FIVA

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

. Contribution CNAMTS-AT

438,0

180,0

190,0

. Contribution Etat

38,1

0,1

40,0

Mais, là encore, l'ampleur des besoins reste difficile à déterminer, comme le reconnaît d'ailleurs le rapport d'activité du FIVA examiné le 29 octobre dernier par son conseil d'administration :

« Les dépenses d'indemnisation au titre de l'exercice 2002 ne peuvent encore être estimées précisément du fait de la phase de montée en charge du nombre de dossiers reçus qui se poursuit. Les dotations complémentaires prévues par la loi de financement de la sécurité sociale visent à permettre la prise en charge de ces dépenses, ainsi que celles de l'exercice 2003. »

De fait, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit de majorer de 76 à 180 millions d'euros le versement de la CNAMTS-AT pour 2002 et fixe à 190 millions d'euros ce versement pour 2003.

Selon la réponse apportée par le Gouvernement à votre rapporteur dans son questionnaire écrit, « cette dotation, additionnée au report de l'exercice précédent, permettrait au fonds de satisfaire entre 10.000 et 20.000 demandes d'indemnisation. »

Au 18 octobre dernier, le FIVA avait reçu 1.763 demandes d'indemnisation 34 ( * ) .

C. UN ÉQUILIBRE FRAGILISÉ

Alors que la branche était traditionnellement excédentaire, la progression des dépenses conduit désormais à fragiliser les conditions générales de l'équilibre financier de la branche.

Résultat net de la CNAMTS (branche AT-MP)

(en droits constatés et en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002 1

2003 1

Résultat net annuel

215

350

20

70

152

Résultat net cumulé (depuis 1999)

215

565

585

655

807

1 Prévisions
Source : Direction de la sécurité sociale

Ainsi, pour 2003, alors que le résultat net de la branche avant mesures nouvelles du PLFSS aurait atteint 1.032 millions d'euros, celui-ci ne devrait être en définitive que de 152 millions d'euros, compte tenu de la nouvelle augmentation des transferts à sa charge.

Évolution du solde de la branche AT-MP
(régime général) tel que modifié par le PLFSS 2003

(en millions d'euros)

2002

2003

Résultat net avant mesures nouvelles

274

1.032

Transfert de la CADES

-

+ 90

Dotation FIVA

- 104

- 190

Dotation FCAATA

- 100

- 450

Transferts vers la CNAM

-

- 330

Résultat net après mesures nouvelles

70

152

Certes, l'objectif de la branche est normalement l'équilibre et la CNAMTS-AT devrait afficher un excédent cumulé de 655 millions d'euros à la fin 2002. Mais la tendance à l'augmentation des transferts pourrait, si elle se confirmait (ce qui est probable), rendre plus difficile, à moyen terme et toutes choses égales par ailleurs, la réalisation de l'équilibre.

III. L'AMORCE D'IMPORTANTES ÉVOLUTIONS DE STRUCTURE POUR LA BRANCHE SE CONFIRME

Le rapport annexé au présent projet de loi dresse les pistes d'évolution envisagées par le Gouvernement pour l'évolution à venir de la branche. Elles s'articulent autour de deux objectifs : l'amélioration de la gestion de la branche et l'examen des conditions d'un passage à la réparation intégrale.

A. L'AMÉLIORATION DE LA GESTION DE LA BRANCHE

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale avait déjà considérablement renforcé l'autonomie de la branche, pour le régime général, en établissant des règles et des procédures permettant une gestion séparée des branches.

De fait, elle a affirmé le principe de séparation des trésoreries de la branche accidents du travail et maladies professionnelles et de la branche maladie et a prévu que l'équilibre des deux branches devait être réalisé de manière distincte.

Il apparaît pourtant aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin en deux domaines :

- la « gouvernance » de la branche,

- la clarification des financements.

1. Une « nouvelle gouvernance » pour la branche

L'article 38 du présent projet de loi pose déjà de premiers jalons pour une « nouvelle gouvernance ».

Il prévoit ainsi de doter la branche d'un conseil de surveillance spécifique.

Il modifie le mode de nomination des membres de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles 35 ( * ) afin que ceux-ci soient désormais nommés directement par les partenaires sociaux, sans qu'ils soient nécessairement choisis parmi les membres du conseil d'administration de la CNAMTS.

Il dote enfin la branche d'une convention d'objectifs et de gestion , qui constitue un instrument utile de programmation des moyens et de contrôle du respect des objectifs de gestion et de la mise en oeuvre des dispositions issues notamment des lois de financement, mais constitue aussi un cadre adapté pour préciser les engagements réciproques de l'Etat et de la branche dans une perspective pluriannuelle.

De telles évolutions apparaissent nécessaires, notamment au regard des observations récemment formulées par la Cour des comptes sur les « lacunes importantes » dans l'organisation générale de l'action des pouvoirs publics et de la sécurité sociale contre les risques professionnels.

Il reste que ces dispositions ne peuvent constituer qu'une première étape dans ce processus.

Votre commission considère que ce processus devra se poursuivre dans le cadre du chantier de la « réforme de la gouvernance de notre système de santé et de sécurité sociale » annoncé par le Gouvernement. Elle estime notamment qu'il convient d' améliorer l'efficacité de l'« institution-prévention » dans une logique de santé publique et de prévention des risques et d' étudier plus avant les conditions d'un nouveau renforcement de l'autonomie de la branche .

2. Une nécessaire clarification des financements

Comme le souligne le rapport annexé, « la clarification des comptes de la sécurité sociale commande que les dépenses de chaque branche soient correctement imputées ». C'est, à l'évidence, une condition même à l'autonomie des branches.

Dans ce cadre, votre commission reconnaît la nécessité de mieux évaluer les dépenses imputées à tort à la branche maladie . Il reste que cette clarification ne peut simplement se borner à majorer d'année en année les transferts entre les deux branches.

Si, comme l'a reconnu la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale dans son dernier rapport, les transferts actuels sont sans doute inférieurs aux transferts de charges effectifs, une majoration éventuelle des transferts doit s'inscrire dans un cadre pluriannuel afin d'offrir aux branches, mais aussi au législateur, une visibilité suffisante quant à l'évolution des charges et des produits dans un contexte financier très difficile.

Mais la solution des transferts ne doit pas être la seule à être explorée. Votre commission considère préférable d'agir sur les causes plutôt que de compenser les conséquences. Aussi réitère-t-elle sa conviction qu'il est désormais indispensable de mieux prévenir les phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des accidents du travail. Le dernier rapport de la commission Lévy-Rosenwald formule d'intéressantes propositions en la matière. Elles méritent d'être examinées avec soin et, pour beaucoup, d'être mises en oeuvre.

Toutefois, au-delà de la nécessaire clarification des relations financières entre les branches, il apparaît désormais souhaitable d'aborder celle des relations financières entre la branche AT-MP et l'Etat .

Votre commission a déjà souligné l'importance des transferts effectués par la branche au profit des fonds en faveur des victimes de l'amiante.

Si l'implication financière de la branche n'est à l'évidence pas illégitime en la matière, elle estime nécessaire de clarifier les intervenions respectives de l'Etat et de la branche. Car, depuis la création de ces fonds, la clé de répartition des contributions respectives n'a cessé de varier sans même que soient évaluées les charges prévisibles.

Elle souhaite donc qu'une clé de répartition soit établie, dans la transparence et la durée, pour le financement de ces fonds. La future convention d'objectifs et de gestion pourrait utilement en constituer le support.

Dans ce cadre, il serait naturel que la contribution de la branche corresponde uniquement aux dépenses induites par l'indemnisation des personnes couvertes par la branche AT-MP du régime général.

B. L'EXAMEN DES CONDITIONS DE PASSAGE À LA RÉPARATION INTÉGRALE

De récents rapports ont souligné la nécessité d'une réforme en profondeur de notre système actuel d'indemnisation des risques professionnels.

En 2001, le rapport du professeur Roland Masse concluait que « la modernisation de la réparation du risque professionnel est inévitable » et que « l'évolution de la réparation des victimes du travail vers une réparation à caractère intégral placerait notre pays dans une situation de leadership en matière de progrès social ».

Plus récemment, le rapport public particulier de la Cour des comptes jugeait qu'« une réflexion d'ensemble sur la réparation des risques professionnels, une simplification, une révision pour rendre plus homogène l'indemnisation à l'intérieur même du régime AT-MP et mieux l'articuler avec le droit commun, apparaissent aujourd'hui nécessaires ».

La création du FIVA fondé sur le principe de la réparation intégrale, et l'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation étendant largement le champ de la faute inexcusable de l'employeur en matière de risques professionnels, ne font que renforcer plus encore l'urgence d'une réflexion approfondie sur les modalités de réforme de notre système d'indemnisation et de passage à une réparation intégrale.

Le Gouvernement précédent avait confié à M. Michel Yahiel le soin de diriger un groupe de travail sur le sujet. Son rapport a été remis en avril 2002. Il souligne notamment « la pauvreté des informations disponibles pour éclairer d'éventuelles décisions », l'absence d'éléments d'analyse sérieux sur les incidences économiques des choix possibles « d'un point de vue général, mais aussi au regard des gains et pertes à anticiper pour les victimes » et « l'extrême incertitude entourant les conditions de réalisation et les conséquences de la réparation intégrale, à commencer par son coût ».

Dans le prolongement des conclusions de ce rapport, a alors été mis en place un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, chargé d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels. Un cahier des charges a été élaboré, préalablement au lancement des études nécessaires, actuellement en cours de réalisation. Ce n'est donc qu'à l'issue de ce travail, qui sera achevé sans doute au mieux à la mi-2003, que pourra être réalisée une évaluation du coût du passage à une réparation intégrale.

Le Gouvernement prévoit qu'une fois cette évaluation réalisée, sera menée une large concertation avec les partenaires sociaux.

Votre commission ne peut que s'associer à une telle démarche.

Elle considère en effet qu'une réforme du système d'indemnisation actuel est souhaitable et que la solution de la réparation intégrale doit être prioritairement examinée.

Mais elle estime également que les conséquences d'une telle réforme -qui ne sont pas seulement financières- doivent au préalable être examinées dans toutes leurs dimensions et avec la plus grande attention pour un dispositif datant, pour l'essentiel, de plus d'un siècle.

Elle partage donc largement la position, pour le moins sage, du Gouvernement sur ce point.

Mais elle souhaite néanmoins formuler trois voeux sur les méthodes de travail :

- l'évaluation doit être achevée dans les meilleurs délais, dans le respect bien entendu des garanties de sa qualité. Il ne faudrait notamment pas que le départ de l'animateur du comité de pilotage entraîne un retard dans ses travaux ;

- l'évaluation doit faire effectivement l'objet d'une large concertation, qui devra rapidement conclure à la faisabilité ou non de la réforme. A défaut, devront être nécessairement explorées d'autres voies de réforme. Le pire serait, à l'évidence, le maintien de l'incertitude et l'absence de prise de décision ;

- la concertation doit bien entendu associer les partenaires sociaux. Mais, sur un tel débat, il ne serait pas illégitime que le Parlement soit également associé à une concertation qui pourrait aboutir à une profonde évolution de notre système de protection sociale et de son financement.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 pour ses dispositions relatives aux équilibres généraux, à l'assurance maladie et aux accidents du travail et maladies professionnelles.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS MATTEI, MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES, M. CHRISTIAN JACOB, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA FAMILLE ET MME MARIE-THÉRÈSE BOISSEAU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES HANDICAPÉES

Réunie le mardi 5 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Le ministre était accompagné de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille et de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei a tout d'abord constaté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 constituait, du fait de la grande brièveté des délais dont avait disposé le Gouvernement pour le préparer, un texte de transition. Il a admis que le texte portait, à ce titre, les traces du passé, mais qu'il définissait également les voies du futur. Il a affirmé que la situation laissée par le gouvernement précédent était dégradée ; il a ainsi constaté qu'aucune réforme de structure n'avait été menée en quatre ans, que les professionnels de santé étaient désemparés, et que l'action publique avait été gravement décrédibilisée par le dépassement systématique de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

Il a déploré la rupture intervenue dans la gestion paritaire de la sécurité sociale et la dérive très inquiétante présentée par les comptes sociaux, le régime général devant afficher un déficit de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros. Il a d'ailleurs constaté que le départ en retraite des classes creuses de la seconde guerre mondiale minore les dépenses de la branche vieillesse, permettant ainsi de contenir le déficit du régime général.

Concernant l'assurance maladie, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que l'ensemble des gouvernements français avaient dû affronter, à l'instar de leurs homologues étrangers, une augmentation tendancielle des dépenses de santé supérieure à 7 % par an. Il a néanmoins regretté que la situation française figure parmi les plus compromises, du fait de la mise en place des 35 heures qui, pour la sécurité sociale, représentaient un surcoût de dépense de 3,4 milliards d'euros. Il a souligné que, si l'on continuait sur la même tendance, le régime général présenterait un déficit de 6 milliards d'euros pour 2003, l'assurance maladie affichant, pour sa part, un déficit de 10 milliards d'euros. Il a, en conséquence, rappelé la nécessité de demeurer modeste face aux difficultés et, afin de résoudre ces dernières, de rétablir le dialogue avec les professionnels de santé.

Il a ensuite déclaré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale était fondé sur deux piliers complémentaires, le premier participant d'une démarche de vérité, le second insistant sur le principe de la responsabilité partagée.

Concernant la recherche de la vérité, il a constaté, en premier lieu, que l'affichage d'un ONDAM en progression de 5,3 % pour 2003, ne relevait pas d'un calcul fondé sur des seuls critères budgétaires mais prenait en compte l'évolution tendancielle des dépenses d'assurance maladie constatée, minorée des économies que les propositions du Gouvernement étaient susceptibles de réaliser. Il s'est ainsi félicité de la crédibilité du chiffre proposé par le Gouvernement.

M. Jean-François Mattei a, en deuxième lieu, admis que l'augmentation des dépenses de santé présentait un caractère structurel dû au vieillissement de la population, à l'amélioration des progrès techniques et aux attentes nouvelles des patients, mais a néanmoins insisté sur la nécessité d'accompagner la croissance de ces dépenses pour éviter tout gaspillage.

Constatant l'absence de certitudes sur l'évolution future du contexte économique français, il a, en troisième lieu, réitéré son intention de présenter un collectif sanitaire et social au printemps si la situation des comptes sociaux le justifiait.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a, en dernier lieu, déploré l'« enchevêtrement invraisemblable » des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, résultant des décisions prises par le Gouvernement précédent, notamment afin d'assurer le financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Il a néanmoins regretté que le niveau de complexité atteint par les flux financiers rende impossible leur simplification immédiate.

Il s'est néanmoins félicité des éléments de changement que présente, à cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 : la compensation intégrale par l'Etat des allégements de cotisations sociales, qui se traduit par une recette de 1 milliard d'euros pour la sécurité sociale, le remboursement de la moitié de la dette du FOREC par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) sans augmenter la durée de vie de cette dernière ni le taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Il s'est enfin réjoui que le projet de loi restaure en faveur de l'assurance maladie la clé initiale de répartition des droits sur les tabacs qui avait été mise à mal pour assurer le financement des 35 heures. Il a affirmé que ces éléments devraient permettre de contenir le déficit du régime général pour 2003 à 3,9 milliards d'euros et celui de l'assurance maladie à 7 milliards d'euros.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite déclaré que le principe de responsabilité partagée concernait quatre partenaires, l'Etat, les gestionnaires, les professionnels de santé et les patients. Outre le respect de ses engagements, il a souligné le rôle éminent de l'Etat en matière de santé publique que traduisait le dépôt d'un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique visant à améliorer la médecine préventive et le dépistage. Il a ensuite indiqué que les gestionnaires devaient, pour leur part, s'affranchir de la maîtrise comptable des dépenses et modifier la mission des contrôles médicaux des caisses, cette dernière devant s'orienter vers le conseil et l'accompagnement des professionnels de santé. Il a, en outre, déploré le caractère absurde et opaque de l'enveloppe globale des établissements de santé et a annoncé le passage à la tarification à l'activité. Il a précisé que les engagements du Président de la République d'investir 6 milliards d'euros dans le secteur hospitalier seraient tenus et que, dès l'année prochaine, 1 milliard d'euros pourrait être engagé à cette fin. Il a enfin rappelé la création, auprès de lui-même, d'une mission permanente d'audit des établissements, chargée d'établir des « bonnes pratiques de gestion ».

Concernant les médecins de ville, il s'est réjoui que le dialogue ait été restauré par l'accord du 5 juin dernier et a rappelé que ces derniers s'étaient engagés à participer à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Il a successivement évoqué l'attente des résultats de la mission conduite par M. Dominique Laurent sur la formation continue, les résultats du rapport sur la démographie médicale et le caractère enfin opérationnel des Unions régionales de médecine libérale (URML).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a insisté sur la véritable « feuille de route » qui a été adressée par le Gouvernement aux industriels du médicament, donnant une priorité à l'innovation en ouvrant 200 millions d'euros de crédits pour que les hôpitaux puissent s'approvisionner en médicaments innovants, en raccourcissant les délais de mise sur le marché et en améliorant la protection des industriels contre la concurrence déloyale au sein de la communauté européenne. Il a en outre mentionné le travail devant être accompli sur le statut d'entreprise innovante.

Mais il a souligné que la recherche de l'efficacité se traduisait également par la création du forfait de remboursement des médicaments appartenant à des groupes génériques et la poursuite du déremboursement de certains médicaments, décidé par Mme Martine Aubry, dès lors que le service médical rendu par ces médicaments se révélait insuffisant. M. Jean-François Mattei a, enfin, rappelé que le patient, déjà sollicité par l'accord conventionnel sur le bon usage des visites à domicile et le forfait générique, se verrait proposer d'autres mesures de responsabilisation, tel le dossier médical partagé.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a souhaité présenter trois mesures relatives à la famille, contenues dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2003. Il a rappelé que le prolongement des allocations familiales, en faveur des familles de trois enfants et plus, pour celui de leurs enfants ayant plus de 20 ans, était très attendu par les mouvements familiaux. Il a indiqué que cette mesure était complétée dans le projet de loi de finances par l'augmentation de 6.900 euros à 10.000 euros du plafond de défiscalisation pour les emplois familiaux, cette mesure concernant 1,2 million d'employeurs et par le doublement de 15.000 à 30.000 euros de l'abattement fiscal sur les donations effectuées par des grands-parents à leurs petits-enfants.

Tout en déplorant le maintien du transfert du financement des majorations de pension pour enfants du fonds de solidarité vieillesse vers la CNAF, ce dernier étant imposé par la situation déficitaire du fonds de solidarité vieillesse, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a rappelé que l'excédent de la branche famille demeurait comparable à celui réalisé les années précédentes, et que le remboursement effectué par la CADES améliorait d'autant les ressources de la CNAF. Aussi s'est-il félicité que le projet de loi ait été reçu favorablement par le conseil d'administration de la CNAF.

Il a précisé que la conférence de la famille n'avait pu se tenir en 2002, du fait du calendrier électoral, mais également en raison d'un souhait qu'il avait lui-même formulé de pouvoir préparer plus en amont cette rencontre avec les partenaires concernés. A ce titre, il a rappelé la mise en place de trois groupes de travail auxquels participeraient l'ensemble des tendances représentées au sein du conseil d'administration de la CNAF ainsi que des élus et des représentants de l'association des maires de France. Il a précisé que le premier groupe relatif à la prestation d'accueil du jeune enfant visait à promouvoir, pour les parents, la liberté de choix entre la poursuite d'une activité professionnelle ou la cessation de cette dernière pour se consacrer à l'éducation de leur enfant. Il a, à ce titre, rappelé l'attachement du Gouvernement à ce que la liberté de choix des parents en ce qui concerne le mode de garde de leurs enfants soit également respectée.

M. Christian Jacob a ensuite indiqué que le groupe de réflexion relatif aux services à la famille et à la parentalité se verrait assigner la mission de concevoir de nouveaux services pour les parents. Il a, enfin, mentionné un troisième groupe chargé de réfléchir et de formuler des propositions relatives à la conciliation entre vie familiale et entreprise.

Observant que les dépenses de la sécurité sociale consacrées au handicap ne faisaient pas l'objet d'une présentation spécifique en loi de financement, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées , a néanmoins rappelé qu'ainsi que l'avait souligné le rapport de la mission d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la politique de compensation du handicap, les dépenses supportées par les différentes branches de la sécurité sociale constituent 65 % de l'effort public en direction des personnes handicapées.

Elle a ensuite présenté à la commission les grands axes de la politique du Gouvernement en matière de handicap sur la base de sa traduction dans l'enveloppe handicap du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui atteint 6,1 milliards d'euros en 2003.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a précisé que figuraient dans cette enveloppe essentiellement les crédits de fonctionnement des établissements et services médico-sociaux accueillant des enfants et des adultes handicapés, pris en charge par l'assurance maladie, auxquels s'ajoutaient les crédits de l'allocation d'éducation spéciale (pour 481 millions d'euros), que supporte la branche famille. Elle a souhaité insister tout particulièrement sur la forte croissance des crédits de l'allocation d'éducation spéciale (AES) observée en 2002, du fait de la réforme des compléments de l'allocation intervenue en avril. Elle a précisé que, bien qu'il soit trop tôt pour apprécier le bilan de cette réforme, une évaluation était actuellement réalisée par la Direction générale de l'action sociale.

Elle a ensuite souhaité insister sur le thème de l'enfance handicapée et, notamment, sur l'objectif d'intégration scolaire, objectif commun au ministère de l'éducation nationale et à son ministère, qui conduit le Gouvernement à renforcer le développement des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et, en particulier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à corriger le passage hâtif et mal préparé à leur financement par dotation globale au 1 er janvier 2002, qui avait suscité de vives protestations de la part des associations gestionnaires.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a précisé que l'année 2003 serait la dernière année d'une programmation pluriannuelle axée sur le développement de ces services ainsi que des centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et que, grâce au taux de 6 % précédemment évoqué, 4 millions d'euros supplémentaires pourront soutenir les projets innovants en la matière.

Elle a, par ailleurs, observé que le nombre total d'enfants handicapés suivis « en ambulatoire » dépasse depuis peu celui des enfants accueillis en établissements médico-sociaux, cette évolution appelant un accompagnement par la pérennisation des services d'auxiliaires d'intégration scolaire pour les élèves handicapés, qui fait l'objet d'un groupe de travail interministériel installé le 17 octobre dernier.

S'agissant des adultes handicapés, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a rappelé que l'attente la plus aiguë concernait l'accueil en maisons d'accueil spécialisées (MAS) ou en foyers d'accueil médicalisés (FAM) et que, à cet égard, l'action gouvernementale porterait dans trois directions :

- elle a indiqué, en premier lieu, que le nombre de places en MAS ou en FAM pouvant être créées en 2003 serait doublé, ainsi que s'y était engagé le Président de la République lors de la campagne présidentielle ; elle a précisé que cet effort permettrait d'achever des opérations partiellement financées jusqu'à présent, et de donner espoir aux familles et aux associations ;

- elle a souhaité, en deuxième lieu, que l'effort budgétaire soit assorti d'une réflexion sur les établissements accueillant des personnes lourdement handicapées, sur la pertinence de la distinction MAS et FAM, sur les normes de fonctionnement à définir pour ces établissements, en application de la loi du 2 janvier 2002, ainsi que sur les qualifications des personnels ;

- concernant les personnes lourdement handicapées faisant le choix de vivre à domicile, elle a ensuite fait part de l'intention du Gouvernement d'encourager des réseaux associant des établissements médico-sociaux, des praticiens libéraux et hospitaliers des collectivités locales et des associations, afin de multiplier les expériences.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a enfin indiqué qu'à ces mesures nouvelles s'ajoutent la revalorisation des crédits de reconduction des budgets de fonctionnement, soit près de 156 millions d'euros en 2003, nécessaires pour financer les mesures salariales, le « glissement vieillesse - technicité » (GVT), ainsi que certaines revalorisations conventionnelles, dont celle des médecins spécialistes, qui aspirent légitimement à bénéficier de la même considération que celle qui est accordée aux médecins exerçant en ville ou à l'hôpital.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux, s'est interrogé sur la solution envisagée par le Gouvernement afin de garantir, après la suppression annoncée du FOREC, la compensation intégrale, à la sécurité sociale, des pertes de recettes résultant des exonérations de cotisations. Evoquant le transfert des majorations de pension pour enfants entre le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), il a également souhaité connaître l'appréciation du Gouvernement sur la complexité et la nécessité de clarifier les circuits financiers mis en place par son prédécesseur, afin d'assurer le financement du FOREC.

En réponse, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a, tout d'abord, confirmé la volonté du Gouvernement d'aboutir à la suppression du FOREC. Toutefois, compte tenu des sommes en jeu, soit 16 milliards d'euros, de la complexité des circuits financiers mis en place et de la nécessité de garantir la pérennité des recettes de la sécurité sociale, il a exclu, en ce domaine, toute solution brutale ou précitée. Il a donc indiqué qu'un groupe de travail, ouvert aux propositions des parlementaires concernés, viserait à définir les voies d'une réforme adaptée.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a demandé au ministre de confirmer l'évolution en 2003 des quatre sous-enveloppes qui composent l'ONDAM (médecine de ville, hôpital, cliniques et médico-social) et d'expliquer les raisons qui avaient justifié ces choix.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que l'ONDAM progresserait en 2003 de + 5,3 %, qui se décomposaient ainsi : + 5 % pour l'hôpital, + 5,6  pour la médecine de ville, + 6 % pour le médico-social et + 4 % pour les cliniques.

Il a expliqué que le chiffre de 5,6 % retenu pour la médecine de ville tenait compte de la pente de progression des dépenses, aujourd'hui proche de 8 %. Il a affirmé qu'il avait souhaité que les médecins se sentent totalement responsabilisés, ce qui supposait de les placer devant des défis raisonnables. S'agissant du médico-social, il a indiqué que le chiffre de 6 % s'expliquait par la priorité donnée par le Gouvernement à la prise en charge des personnes handicapées. Evoquant l'hôpital, dont la dotation progresse de 5 %, soit + 0,2 % qu'en 2002, il a fait valoir que ce taux était en réalité de 5,2 % si l'on tenait compte de la rallonge de fin d'année de 300 millions d'euros. Il a ajouté que ce chiffre ne tenait pas compte des aides à l'investissement d'un montant de 300 millions d'euros en 2003. Après avoir précisé que la priorité serait donnée aux dépenses de personnel, il a indiqué qu'un rapport lui serait remis dans les prochains jours sur la réduction du temps de travail (RTT) à l'hôpital.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a rappelé que l'article 27 du projet de loi donnait au Gouvernement la possibilité d'instaurer un tarif forfaitaire de remboursement pour les médicaments figurant dans un groupe générique. Il a souligné que cette disposition suscitait une vive inquiétude au sein de l'industrie pharmaceutique, qui craignait une forte pression à la baisse sur les prix, avec les risques sanitaires induits. Il a demandé par conséquent que le ministre précise dans quelles conditions il envisageait de recourir à ce tarif forfaitaire.

Evoquant les premiers résultats positifs de l'accord du 5 juin 2002 signé avec les médecins généralistes sur le développement du générique, il a souhaité savoir si l'on disposait d'ores et déjà d'éléments probants sur les modifications de comportement induites par la décision de ne plus rembourser la visite médicale non justifiée.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué qu'il n'avait pas l'intention d'avoir recours à cette disposition avant le 1 er juillet 2003, afin de ne pas démobiliser les médecins, qui s'étaient fortement impliqués dans la prescription de génériques. Il a fait valoir qu'il instaurerait ensuite systématiquement ce tarif forfaitaire sauf si les médecins s'engageaient fortement dans le générique.

S'agissant des visites médicales, il a souligné que l'on observait déjà une diminution de leur nombre. Il s'est dit confiant sur la capacité des médecins à convaincre leurs patients.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille , a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoyait la mise en place d'une allocation forfaitaire de 70 euros versée chaque mois aux familles de trois enfants ou plus à charge, qui perdraient normalement le bénéfice des allocations familiales au 20 e anniversaire d'un ou de plusieurs enfants.

Il a demandé à M. Christian Jacob si la mise en place de cette allocation au 1 er juillet 2003 seulement répondait à un souci d'économie, ou tenait compte d'un délai incompressible de mise en oeuvre. Il lui a en outre demandé si cette nouvelle mesure marquait le début d'une évolution en faveur de l'extension de l'intégralité des allocations familiales jusqu'à l'âge de 22 ans, comme le prévoyait la « loi famille » de 1994.

Évoquant la part du financement des majorations de pension pour enfants par la CNAF portée à 60 % par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a rappelé que, dans sa décision du 18 décembre 2001, le Conseil constitutionnel avait semblé poser un curseur au-delà duquel cette prise en charge constituerait une rupture d'égalité entre les familles.

Il a demandé au ministre délégué si, au regard de cette décision, une nouvelle étape dans cette prise en charge lui paraissait possible en 2004.

En réponse à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a considéré que le choix de mettre en place l'allocation forfaitaire de 70 euros au profit des familles nombreuses au 1 er juillet 2003 n'était pas étranger à une préoccupation d'ordre budgétaire, mais il a rappelé que de nombreuses mesures étaient régulièrement mises en oeuvre en milieu d'année, offrant ainsi aux CAF un délai raisonnable d'organisation.

Concernant l'avenir de cette nouvelle allocation, il s'est interrogé sur la pertinence d'un allongement de la durée des allocations familiales jusqu'à 22 ans, au détriment d'une revalorisation de leur montant.

Il a indiqué, par ailleurs, que la décision du Conseil constitutionnel sur la question des majorations de pension pour enfants avait été nuancée quant à l'autonomie des branches de la sécurité sociale, puisqu'il faisait valoir que c'était l'ampleur des transferts, et non leur existence même, qui serait susceptible de porter atteinte à cette autonomie.

Interrogeant le ministre au nom de M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux, a fait observer que la Caisse de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui est également celle du personnel hospitalier, devra, au titre du plan de refinancement de la Caisse, augmenter le taux de contribution employeur de 0,4 point par an pendant trois ans. Il a souhaité savoir quel coût cette augmentation représenterait pour l'assurance maladie, en montant et en parts dans l'ONDAM.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué que ce coût serait de 60 millions d'euros.

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances , s'est étonné du paradoxe qui consistait à faire rembourser par la CADES, organisme constitué pour financer la dette des régimes sociaux, la dette contractée par l'Etat à l'égard de la sécurité sociale au titre du FOREC. Il s'est également interrogé sur les modalités concrètes, dans le secteur hospitalier, de l'expérimentation de la tarification à l'activité, avant la généralisation de cette tarification prévue pour 2004. Enfin, il a souhaité savoir si les conclusions du rapport attendu sur la démographie médicale seront rapidement suivies d'effets.

S'agissant de la CADES, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué que la solution choisie par le Gouvernement avait le mérite de la clarté et de la franchise et qu'elle ne compromettait en rien la situation financière ni l'échéancier de cet organisme.

Evoquant la tarification à l'activité, il a souligné que ce terme semblait préférable à celui de « tarification à la pathologie » dans la mesure où l'activité englobait aussi, par exemple, la prévention et le dépistage. Il a reconnu que cette forme de tarification constituait un changement culturel important pour l'hôpital public ; il a cependant jugé que c'était le seul moyen pour parvenir à une harmonisation des modalités de financement des établissements.

S'agissant des modalités d'expérimentation de la tarification à l'activité, il a expliqué qu'un appel à candidatures serait lancé courant novembre afin de sélectionner vingt établissements publics et vingt établissements privés volontaires, dotés d'une comptabilité analytique. Parallèlement, une simulation de l'application de la tarification à l'activité serait menée dans cinq régions, qui n'étaient pas encore choisies. Les premiers enseignements de ces expérimentations seraient disponibles au début de l'été 2003. Une mission d'accompagnement sur la tarification à l'activité allait être créée au sein de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS).

S'agissant de la démographie médicale, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a souligné que le rapport annexé au projet de loi mentionnait la possibilité d'autoriser les cabinets secondaires, afin de permettre une permanence médicale en milieu rural. Il a rappelé que l'article 29 du projet de loi permettait en outre à des médecins retraités de reprendre une activité, par exemple pour effectuer des remplacements. Il s'est également dit favorable à des aides à l'installation et au développement des réseaux et de toutes formes d'exercice collectif.

M. Gilbert Chabroux , tout en saluant les bonnes intentions du ministre, a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 n'était pas en mesure de rétablir l'équilibre financier de la sécurité sociale. Il a donc exprimé sa crainte que la dégradation des comptes de la sécurité sociale, que le Gouvernement ne paraît pas en mesure d'enrayer, conduise à une privatisation insidieuse de la sécurité sociale, crainte avivée par les récents propos de personnalités politiques de premier plan.

M. Serge Franchis a souhaité connaître quelles actions le ministre envisageait d'engager en faveur de la médecine psychiatrique et de la lutte contre les maladies mentales, qui sont actuellement en déshérence.

M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur le contenu qu'il convenait de donner à la maîtrise médicalisée des dépenses, invoquée par le ministre, et dont certains de ses prédécesseurs avaient pu constater, en leur temps, les limites.

Mme Claire-Lise Campion a regretté le faible nombre de mesures nouvelles en faveur des familles dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et l'absence de conférence de la famille en 2002.

Elle a fait part de son étonnement face au transfert de 945 millions d'euros de la CNAF au FSV, et a regretté que les crédits du fonds d'investissement en faveur de la petite enfance (FIPE) ne soient pas reconduits en 2003.

Sur ce dernier point, elle a fait valoir que le manque de structures collectives ne permettait pas une vraie liberté de choix du mode de garde, puisque seulement 9 % des enfants étaient accueillis en crèche. Elle a rappelé qu'il y avait là un risque pour les collectivités locales de voir bloqués certains projets déjà engagés.

Elle a enfin interrogé le ministre délégué sur la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) qui n'atteignait que 1,7 % en 2003 et n'avait donné lieu à aucun « coup de pouce ».

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que les interrogations de la commission au cours des dernières années avaient porté, non seulement sur la multiplication des branchements financiers, mais également sur les ponctions opérées sur la branche famille au profit des autres branches du régime général.

M. Guy Fischer, s'étonnant du consensus apparent de l'ensemble des professions médicales autour des propositions du ministre , s'est inquiété des risques de « médecine à deux vitesses » et de privatisation de la sécurité sociale qui pourraient être, en réalité, induits par cette politique.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a expliqué que la maîtrise médicalisée des dépenses de santé consistait, par exemple, à signer avec les médecins des accords sur la prescription de génériques, des accords de bon usage, à développer les règles de bonne pratique ou à encourager la démarche d'évaluation. S'agissant de la psychiatrie, il a reconnu que la prise en charge des malades était aujourd'hui désastreuse et indiqué que ce sujet serait traité dans le projet de loi de programmation quinquennale de santé publique, qui serait présenté au Parlement au printemps.

Il a réitéré son intention de voir le FOREC supprimé. Il a souligné que cela n'avait pas été possible cette année et que cela serait réalisé l'année prochaine.

Il a considéré que les propos de M. Jacques Barrot, auxquels avait fait allusion M. Gilbert Chabroux, avaient été maladroits ou mal interprétés. Il a estimé qu'il n'y avait pas de petit risque ou de grand risque en matière de santé : le risque était unique, un petit pouvant parfois dissimuler un grand. Il a fait part de sa volonté d'éviter une médecine à deux vitesses et de son souhait de voir tout le monde traité de la même manière. Il a dénoncé la gestion calamiteuse du Gouvernement précédent qui avait conduit à des situations catastrophiques, notamment à des phénomènes de files d'attente pour l'accès aux soins. Il s'est insurgé contre le procès en privatisation instruit par ceux qui feignent d'oublier que 85 % des Français sont couverts par une complémentaire maladie. Il a rappelé que le Gouvernement précédent avait institué un mécanisme de couverture maladie complémentaire aux effets de seuil désastreux, qui conduisait 15 % des Français à ne bénéficier ni d'une complémentaire, ni de la couverture maladie universelle (CMU). Il a souligné que le Gouvernement souhaitait faire en sorte que chacun puisse disposer d'une complémentaire.

S'agissant de l'assurance maladie, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a expliqué qu'il avait trouvé, en prenant ses fonctions, un système dépourvu de pilote et où le paritarisme avait disparu, puisque l'on avait contraint le mouvement des entreprises de France (MEDEF) à quitter les conseils d'administration des caisses.

Evoquant les bonnes relations entre le Gouvernement et les syndicats de médecins, il a précisé que ceux-ci avaient souffert d'être méprisés par le précédent Gouvernement et qu'il avait suffi de leur tendre la main pour restaurer le dialogue. Il a fait valoir que le conflit entre le précédent Gouvernement et les médecins généralistes avait été particulièrement mal géré.

Il a considéré qu'il n'était pas possible de remettre sur pied l'hôpital et d'augmenter le nombre des médecins dans les zones déficitaires à moyens constants. Il a souligné qu'il convenait de réfléchir à une nouvelle assiette pour les recettes de la sécurité sociale, la masse salariale apparaissant peu satisfaisante et très sensibles aux aléas de la conjoncture.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a estimé que la sécurité sociale était un patrimoine culturel commun à l'ensemble des Français. Il a souligné qu'il s'opposerait à une évolution de notre système de santé tant vers l'étatisme à la britannique que vers la privatisation à l'américaine. Il a jugé que la précédente majorité avait échoué et qu'il était désormais nécessaire d'explorer de nouvelles voies.

En réponse à Mme Claire-Lise Campion, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, s'est montré étonné de la dénonciation par cette dernière du transfert au profit du FSV, dans la mesure où son principe avait été voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Il a indiqué que le FIPE avait redémarré le 1 er juillet dernier, et était doté de 228 millions d'euros pour la période 2001-2004 avec une prévision de dépenses pluriannuelle : 30 millions d'euros en 2002, 100 millions en 2003 puis en 2004. Il a rappelé que la CNAF ferait un point précis sur l'état de consommation du fonds à la fin de l'année 2002.

Il a précisé que, sur 2,2 millions d'enfants de moins de trois ans, 200.000 étaient en crèche, 1 million d'enfants étaient gardés par leurs parents (dont 50 % bénéficiaient de l'allocation parentale d'éducation [APE]), 500.000 par une assistante maternelle et donc seulement 500.000 grâce à la solidarité familiale, pour lesquels se posait réellement la question de la liberté du mode de garde. Enfin, il a rappelé que le taux de revalorisation retenu pour la base mensuelle des allocations familiales était celui prévu par la loi.

II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. FRANÇOIS LOGEROT, PREMIER PRÉSIDENT, M. BERNARD CIEUTAT, PRÉSIDENT DE LA 6E CHAMBRE, ET M. DENIS MORIN, RAPPORTEUR GÉNÉRAL,

Réunie le mercredi 6 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de MM. François Logerot, Premier président, Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Denis Morin, rapporteur général, sur le rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

A titre liminaire, M. François Logerot, Premier président, a présenté, dans ses grandes lignes, le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale qui est consacré, tout d'abord, à la situation des comptes sociaux pour l'année 2001. A ce sujet, il a plus particulièrement attiré l'attention de la commission sur l'insuffisance des progrès réalisés en matière de délais de production des comptes et de normalisation comptable, avant d'exprimer le souhait que le Parlement puisse apporter son concours aux efforts déployés par la Cour, en ce domaine, auprès des ministres et des administrations compétentes. S'agissant de la situation financière de la sécurité sociale en 2001, il a souligné la dérive des dépenses d'assurance maladie, qui semble traduire une remise en cause générale des mécanismes de régulation.

Puis M. François Logerot, Premier président, a indiqué que le thème majeur du rapport annuel de la Cour des comptes était celui de la gestion de la dépense hospitalière avant d'en exposer la principale conclusion, à savoir l'absence d'une évaluation effective des coûts et des performances du service public hospitalier, qui limite les capacités d'action des agences régionales d'hospitalisation (ARH). Il a, ensuite, brièvement évoqué les autres sujets abordés par la Cour dont, notamment, le bilan du fonctionnement des agences sanitaires, la politique immobilière des caisses locales du régime général et du régime agricole et les concours financiers aux associations accordés par les caisses d'allocations familiales.

M. François Logerot a, par ailleurs, rappelé les difficultés rencontrées par la Cour en ce qui concerne la mise en oeuvre concrète de ses recommandations. Il a donc estimé souhaitable que, en ce domaine également, le Parlement puisse relayer les efforts de la Cour. Il a évoqué, à cet égard, le souhait exprimé par certains que le Gouvernement puisse remettre au Parlement un rapport qui ferait, chaque année, le point sur les conditions de cette mise en oeuvre. Enfin, il s'est félicité des modalités nouvelles de collaboration instaurées entre la Cour et la commission des affaires sociales qui se traduisent par l'examen, par la Cour, des thèmes soumis par la commission. Il a, toutefois, estimé que ces demandes devaient être formulées en temps utile, afin de pouvoir être intégrées dans le programme de travail de la chambre compétente.

M. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre, a, ensuite, développé oralement certaines des réponses écrites fournies par la Cour, suite au questionnaire de la commission des affaires sociales sur son rapport annuel.

S'agissant du transfert, par l'article 49 de la loi de modernisation sociale, et à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la dette contractée par l'Etat à l'égard des régimes obligatoires de retraites complémentaires au titre des périodes de chômage et de préretraites, M. Bernard Cieutat a indiqué que la Cour partageait les interrogations de la commission des affaires sociales, dans la mesure où l'application combinée de cet article 49 et de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale semble effectivement susceptible d'une censure par le Conseil constitutionnel.

M. Nicolas About, président , a fait observer que la portée de ces interrogations apparaissait réduite dès lors que le moyen d'équilibrer les dépenses du FSV en direction des régimes complémentaires ne provenait pas d'une nouvelle recette sociale ou fiscale mais d'une contribution de la CNAF prenant à sa charge partie des majorations de pension pour enfants.

En ce qui concerne la nécessité de modifier l'objectif de dépenses adopté par le Parlement en loi de financement initiale, pour prendre en compte les mesures réglementaires ou conventionnelles affectant lesdites dépenses, M. Bernard Cieutat a indiqué qu'une telle modification ne serait, selon la Cour, opportune que dès lors que l'importance des dépenses concernées, ou la situation, le justifierait. En revanche, il a indiqué qu'il serait utile de pouvoir disposer, en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un document récapitulant et évaluant l'ensemble des modifications réglementaires ou conventionnelles ayant affecté les dépenses au cours du dernier exercice.

M. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre , a également estimé que la présentation, pour la première fois dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002, des bilans du régime général et de chacune de ses branches était une innovation intéressante, même si l'élaboration de ces bilans souffre encore de certaines imperfections méthodologiques qui en limitent, dans l'immédiat, l'utilité en tant qu'instruments d'analyse financière.

Puis M. Denis Morin, rapporteur général , a réaffirmé les avantages du passage des comptes de la sécurité sociale en comptabilité en droits constatés. Il a précisé que les difficultés techniques rencontrées en ce domaine par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui ont notamment rendu nécessaire une correction importante des comptes 2001, seront résolues, à l'avenir, grâce à la mise en place d'un outil informatique adapté.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souhaité obtenir plusieurs précisions aux réponses formulées par la Cour aux questions de la commission.

Il a, en premier lieu, demandé si, en écrivant que « la loi de 1994 vise avant tout à clarifier la gestion des branches et à obliger les pouvoirs publics à prendre les décisions nécessaires pour assurer l'équilibre de chaque branche, au besoin en modifiant les recettes affectées à chacune, voire en transférant la prise en charge de certaines dépenses », la Cour signifiait que les transferts financiers croisés, intervenus ces dernières années, relevaient d'une interprétation de la loi de 1994.

Il a, en deuxième lieu, souhaité savoir si les reports sur l'exercice suivant des excédents du FOREC faisaient l'objet d'une ventilation entre les différentes catégories de recettes de cet organisme.

Il s'est interrogé sur les considérations de la Cour selon laquelle « le plafond des avances autorisées ne saurait avoir pour objet de couvrir un déficit récurrent ».

Il a enfin souhaité connaître la position de la Cour sur l'article premier ter introduit par l'Assemblée nationale et visant à recentraliser les compétences de contrôle relatives aux centres hospitaliers régionaux exercées aujourd'hui par les chambres régionales des comptes.

En réponse à cette dernière question, M. François Logerot, Premier président, a rappelé qu'il n'appartenait pas à la Cour de s'exprimer en opportunité sur une initiative parlementaire mais a néanmoins observé que la haute juridiction financière n'avait pas été, à ce sujet, consultée. Il a néanmoins précisé avoir fait connaître le point de vue de cette dernière aux ministres chargés des affaires sociales et des finances.

Quant à l'économie du dispositif proposé par ledit amendement, il a observé que la question des compétences entre les juridictions financières ne devait être retouchée qu'avec la plus grande prudence. A ce titre, il a constaté que les établissements hospitaliers étaient des établissements publics locaux, et que, dans le cadre d'une décentralisation accrue, il apparaissait paradoxal de recentraliser cette compétence des chambres régionales des comptes.

Il a ensuite rappelé que ces dernières s'étaient organisées, parfois en surmontant des obstacles, notamment de moyens, afin de remplir l'ensemble des charges qui leur sont assignées. Il a, à cet égard, indiqué que la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France disposait d'une section dédiée aux seuls contrôles hospitaliers.

Il a en outre souligné l'importance du travail de coordination et de liaison mené par la Cour vis-à-vis des chambres régionales.

Puis il a relevé que l'article premier ter pouvait présenter l'inconvénient de séparer l'appréciation de la gestion du contrôle des comptes, séparation difficile à opérer dans la réalité, l'appréciation sur la gestion n'ayant guère de portée en l'absence d'une analyse robuste sur la situation comptable des établissements.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur la possibilité d'ouvrir à la Cour un champ d'investigations sans pour autant décharger les chambres régionales des comptes de leurs compétences en ce domaine.

M. François Logerot, Premier président, a précisé qu'il appartenait au Sénat de se déterminer, mais que la Cour pourrait réfléchir à l'utilité d'une extension de ces missions de contrôle sur certains thèmes généraux.

En réponse à M. Alain Vasselle , M. Denis Morin, rapporteur général, a rappelé que, depuis la Libération, la sécurité sociale oscillait entre autonomie totale et fusion des branches, qu'attendu que les recettes de ces dernières se trouvaient centralisées et que l'ACOSS devait procéder à une ventilation, il ne semblait possible de parler que d'autonomie tempérée. Il a en outre constaté que du fait d'une dynamique de dépenses et de recettes variables d'une branche à l'autre, des excédents et des déficits apparaissaient ça et là et que les différents gouvernements procédaient à des transferts afin de limiter l'ampleur des déficits. Il a néanmoins rappelé que la Cour des comptes avait considéré la tentative d'équilibrage du FOREC, menée par le précédent gouvernement, comme fort peu satisfaisante.

Concernant ce fonds, il a précisé que ses excédents étaient reportés à nouveau sans être ventilés entre les catégories de recettes.

Il a observé que la Cour n'avait pas de proposition à formuler sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, sauf à constater l'insuffisance des recettes dont celle-ci dispose au regard des charges qu'elle supporte.

Il a rappelé que le plafond de trésorerie voté chaque année avait pour seul objectif d'aider les caisses à supporter des tensions sur leur situation de trésorerie.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur le caractère élevé du montant du plafond, fixé à 4,4 milliards d'euros, alors même que le point le plus bas constaté atteignait - 1,9 milliard d'euros.

M. Denis Morin, rapporteur général , a répondu que les régimes affrontaient dans l'année des variations très heurtées de leurs besoins de trésorerie.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur d'éventuels travaux de la Cour relatifs au dérapage des dépenses hospitalières provoquées par une trop grande mobilité des normes sanitaires et de sécurité.

M. François Logerot, Premier président de la 6 e chambre, a rappelé que le surcoût lié à la mise aux normes des édifices n'était pas propre au seul secteur hospitalier mais a admis que celui-ci pesait fortement sur les budgets immobiliers et de fonctionnement des établissements de santé.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur la recommandation relative aux schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROS) formulée par la Cour des comptes dans la synthèse de son rapport et s'est interrogé sur le pouvoir de contrôle de cette dernière à l'égard des établissements de santé privés.

M. François Logerot a précisé que la Cour et les chambres régionales des comptes ne disposaient pas d'une compétence générale à l'égard des organismes de droit privé, seuls ceux parmi ces derniers bénéficiant de subventions publiques pouvant faire l'objet de contrôle.

Il a rappelé, à ce titre, que les financements apportés par l'assurance maladie aux établissements de santé privés n'étaient pas considérés comme des subventions publiques.

M. Guy Fischer a déploré qu'à Lyon un établissement privé, dont le budget repose à 90 % sur les fonds de la sécurité sociale, ne puisse faire l'objet d'un contrôle de la Cour. Il s'est plus largement interrogé sur la conduite de l'évaluation hospitalière.

M. Denis Morin, rapporteur général, a rappelé que le passage au droit constaté avait rendu les comptes de la sécurité sociale plus fiables et que seuls les délais, encore aujourd'hui trop longs, demeuraient une difficulté.

Il a observé que l'évaluation hospitalière pouvait mettre en évidence des opportunités d'économies, constatant que des investigations avaient fourni une image contrastée de sous-activités et sur-activités hospitalières simultanées, selon les services audités.

Il a enfin rappelé que la recommandation de la Cour visait la simplification du paysage juridique hospitalier.

M. André Vantomme s'est inquiété des conséquences de la suppression de lits en service de psychiatrie en région parisienne liée à une politique d'économies trop rigoureuse.

M. François Logerot, Premier président, a, sur ce point, précisé que la Cour avait constaté dans un de ses rapports précédents un décalage entre le niveau des équipements et les pratiques médicales, ces dernières préconisant le plus souvent le maintien à domicile des patients.

B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS

Réunie le mardi 29 octobre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration et M. Daniel Lenoir, directeur, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que, pour la première fois, il était amené, en raison du calendrier, à s'exprimer devant la commission, alors que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait déjà adopté des amendements sur le texte. Il a précisé que ses commentaires porteraient par conséquent à la fois sur le projet de loi initial et sur les modifications proposées par l'Assemblée nationale.

Il a indiqué que le conseil d'administration de la CNAMTS considérait, comme le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, que le présent projet de loi de financement était un texte de transition et ne modifiait pas substantiellement l'architecture du système et des rapports entre les différents acteurs. Il a jugé positive la constitution de groupes de travail thématiques consacrés à la médicalisation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), aux relations entre l'Etat et l'assurance maladie et au partage des rôles entre la couverture de base et la couverture complémentaire.

M. Jean-Marie Spaeth s'est interrogé sur la signification de deux articles du projet de loi ; évoquant l'article 16 qui modifie les missions du conseil de surveillance de la CNAMTS, il a indiqué qu'il ne comprenait pas ce qu'apportait la nouvelle mission confiée à ce conseil de « veiller à la cohérence » des conventions passées entre les caisses et les professionnels de santé avec l'ONDAM ; de même, il s'est étonné que le Gouvernement engage une réflexion sur la nouvelle gouvernance tout en modifiant d'ores et déjà, à l'article 38, le mode de désignation des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Après avoir relevé que l'ONDAM devrait progresser de 5,3 % en 2003, il a dit ne pas connaître la répartition de cette somme entre les quatre sous-enveloppes que sont l'hôpital, la médecine de ville, les cliniques privées et le médico-social. Évoquant les amendements adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il s'est félicité du souci des parlementaires de disposer d'un maximum d'éléments pour éclairer les choix en matière de santé. Il a considéré que tout ce qui contribuait à donner un contenu médical aux dépenses de santé et à médicaliser l'ONDAM allait dans le bon sens.

Il a regretté que la Cour des comptes, dans ses rapports sur les lois de financement de la sécurité sociale, porte des jugements parfois sévères sur certaines actions menées, telles par exemple que le médecin référent, alors même que leurs résultats sont parfois loin d'être négligeables.

S'agissant du « volet médicament » du projet de loi, M. Jean-Marie Spaeth l'a jugé positif et intéressant mais s'est inquiété des amendements proposés par l'Assemblée nationale visant à en restreindre la portée, notamment en ce qui concerne le tarif de référence ou le forfait-soins des établissements pour personnes âgées.

M. Nicolas About, président, a précisé à la commission que le Gouvernement venait d'annoncer que l'enveloppe de la médecine de ville progresserait de 5,6 % en 2003, celle de l'hôpital de 5 %, celle des cliniques privées de 4 % et celle du médico-social de 6 %.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a relevé que la dette de la branche maladie avait connu une augmentation rapide au cours de ces dernières années : les frais financiers de la CNAMTS étaient ainsi passés de 198 millions d'euros en 2000 à 400 millions d'euros prévus pour 2003, soit un doublement sur quatre ans. Il a souhaité savoir quelle mesure le conseil d'administration de la CNAMTS préconisait pour maîtriser et, le cas échéant, apurer cette dette.

M. Daniel Lenoir, directeur de la CNAMTS, a rappelé que les frais financiers supportés par la CNAMTS provenaient des dettes générées par les déficits répétés. Il a jugé que le respect de l'ONDAM constituait une ardente obligation et qu'il convenait pour ce faire de trouver les voies et moyens d'une régulation des dépenses fine et médicalisée. Citant l'exemple des dispositions contenues dans l'accord du 5 juin 2002 relatives aux conditions de remboursement de la visite et à l'engagement des médecins généralistes de prescrire des génériques en contrepartie de la revalorisation de leurs honoraires, il s'est dit convaincu de la possibilité d'optimiser les dépenses de santé. Il a souligné que l'idéal serait naturellement de constituer un fonds de régulation interne à la CNAMTS qui permette d'équilibrer les bonnes et les mauvaises années.

M. Jean-Marie Spaeth a rappelé, à cet égard, qu'un point de produit intérieur brut (PIB) en moins représentait une diminution de recettes d'1,5 milliard d'euros pour l'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a fait valoir qu'un fonds de réserve existait juridiquement à la CNAMTS depuis de très nombreuses années. Il a souhaité savoir si ce fonds avait déjà été alimenté par le passé et dans quelles conditions pourrait s'effectuer, à l'avenir, une reprise éventuelle de la dette de la CNAMTS.

M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que le fonds de réserve de la CNAMTS n'avait jamais été abondé dans la mesure où la CNAMTS connaissait des déficits répétés depuis fort longtemps.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , s'est enquis de l'état d'avancement des négociations relatives à l'accord-cadre interprofessionnel, qui doit constituer le premier étage de la nouvelle architecture conventionnelle.

M. Jean-Marie Spaeth a précisé que des négociations étaient en cours avec le centre national des professions de santé et que l'objectif était de parvenir à un accord d'ici la fin de l'année. Il a jugé que l'on était plutôt sur la bonne voie et rappelé l'ambition mesurée de cet accord interprofessionnel, qui ne serait valide qu'à partir du moment où un syndicat représentatif de chaque profession de santé l'aurait signé. Il a souligné le manque d'enthousiasme évident de certains syndicats de médecins à s'engager sur un socle interprofessionnel, qui pourrait, selon eux, remettre en cause leur légitimité de prescripteur.

M. Daniel Lenoir a fait valoir que ces négociations permettaient de mettre l'accent sur deux éléments positifs : l'harmonisation des conditions d'exercice des professions de santé et la coordination des actions menées par les différents professionnels de santé. Il a souligné que la méthode retenue pour ces négociations était très participative avec un pilotage conjoint des réunions par la CNAMTS et le centre national des professions de santé (CNPS).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a relevé que le Gouvernement appelait de ses voeux une « nouvelle gouvernance » du système de santé et d'assurance maladie. Il a interrogé M. Spaeth sur les principes selon lesquels pourrait s'effectuer la redéfinition des rôles et des compétences entre l'assurance maladie et l'Etat.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que dans le cas des prestations familiales où des pensions de retraite il existait une relation directe entre la décision politique et le droit des assurés. En revanche, en matière d'assurance maladie, on n'observait aucune corrélation entre les choix collectifs et l'évolution des dépenses. Il a constaté que les choix financiers effectués ne reposaient sur aucun contenu médical ou sanitaire.

Evoquant le « panier de biens et services », il a fait valoir que celui-ci existait déjà implicitement dans la mesure où l'on avait, par exemple, décidé de dérembourser les soins dentaires. Il a souhaité que la construction de la loi de financement de la sécurité sociale et de l'ONDAM qu'elle définit se fasse à l'avenir sur des bases médicales et scientifiques. Il a proposé que l'Etat « stratège » décide des choix et des priorités à partir des recommandations de la communauté scientifique et que l'assurance maladie négocie ensuite avec les offreurs de soins et les professionnels de santé la mise en oeuvre de ces priorités.

M. Jean-Marie Spaeth a mis l'accent sur l'évolution sensible des esprits chez les professionnels de santé, lesquels comprenaient désormais davantage que les intérêts des malades, des professionnels et de l'assurance maladie étaient nécessairement convergents. Il a observé que la situation de crise que connaissait aujourd'hui le système de santé permettait d'envisager sa rénovation.

M. Daniel Lenoir a souligné que cette évolution supposait que soient développées l'expertise de la CNAMTS, sa capacité à accompagner sur le terrain les changements et son aptitude à l'évaluation et au contrôle. Evoquant le service médical de la CNAMTS, que l'article 18 du projet de loi réforme, il a fait valoir que celui-ci reposerait à l'avenir sur les trois piliers que constituaient l'expertise, le conseil et le contrôle.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie, a relevé que le Gouvernement entendait également mener une réflexion sur un nouveau partage des rôles entre l'assurance maladie de base et l'assurance maladie complémentaire. Il a souhaité connaître le sentiment de la CNAMTS sur cette question.

Après avoir rappelé l'exemple de l'accord signé en 1999 entre la CNAMTS et les trois familles de la couverture complémentaire (mutuelles, assurances et institutions de prévoyance) sur la gestion de la couverture maladie universelle, M. Jean-Marie Spaeth a souligné l'existence d'un lien fort entre la couverture de base et la couverture complémentaire. Il s'est dit convaincu de la nécessité, non d'un partage des rôles, mais d'une collaboration étroite entre ces deux pôles de la couverture maladie. Citant l'exemple des décisions prises par la CNAMTS en matière de remboursement des visites médicales, il a indiqué qu'il fallait naturellement que les organismes de couverture complémentaire s'alignent sur ces positions, sans quoi l'accord du mois de juin n'aurait guère de portée. Il a considéré qu'il convenait de généraliser la couverture complémentaire par un mécanisme de solvabilisation qui pourrait être une aide directe, une aide fiscale ou une déduction fiscale.

M. Paul Blanc a fait observer que l'intervention croissante des organismes de couverture complémentaire avait conduit à vider le ticket modérateur de toute portée. Il a demandé à M. Jean-Marie Spaeth s'il était exact qu'il souhaitait la suppression du secteur II, qui permet aux médecins la liberté tarifaire.

M. Jean-Marie Spaeth a confié qu'il n'avait jamais cru au rôle du ticket modérateur comme élément de responsabilisation du comportement de nos concitoyens. Il a fait observer que, lorsque quelqu'un souffrait, ses proches ou lui-même ne se comportaient pas selon des critères de simple rationalité. S'agissant du secteur II, qu'il a qualifié de source de frustration pour les médecins, il a considéré que, si l'on donnait un contenu médical aux actes, on comprenait mal pourquoi ceux-ci auraient une valeur différente en fonction de la capacité financière du malade. Il s'est interrogé sur le point de savoir s'il convenait de rémunérer l'acte ou le service rendu à la personne. Il a jugé que la rémunération à l'acte ne permettait pas de répondre à l'ensemble des situations particulières et qu'il conviendrait d'instituer des modulations afin de rémunérer des pratiques et des lieux d'exercice différents.

M. Paul Blanc a fait part de son désaccord sur le ticket modérateur, soulignant que celui-ci avait probablement permis de supprimer un certain nombre d'actes inutiles.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'en matière de soins, c'était l'offre qui créait la demande et qu'il était personnellement favorable à une responsabilisation du patient mais non à une sanction financière de celui-ci si l'acte correspondait effectivement à une prescription médicale.

M. Paul Blanc a dit partager l'analyse de M. Jean-Marie Spaeth sur l'intégration des médicaments dans le forfait soins des établissements pour personnes âgées, tout en formulant cependant le souhait que ces forfaits soient calculés sur des bases réelles. Il a souhaité connaître le sentiment de la CNAMTS sur l'article 28 du projet de loi qui met fin au mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA).

M. Jean-Marie Spaeth a dit comprendre l'argument des médecins qui font valoir le temps nécessaire à la préparation d'un départ en retraite anticipée. Il a cependant souligné la nécessité de fixer dans la loi une date-butoir afin de mettre fin à ce dispositif, qu'il avait au demeurant déjà critiqué à de nombreuses reprises par le passé.

M. Guy Fischer a souhaité connaître le sentiment de M. Jean-Marie Spaeth sur le montant des différentes sous-enveloppes de l'ONDAM accordées respectivement à la médecine des villes, à l'hôpital, aux cliniques privées et au médico-social. Il s'est inquiété de la disposition du projet de loi concernant l'admission au remboursement accélérée pour les médicaments dits « innovants ». Il s'est demandé si les mesures d'économie attendues du « plan médicament » compenseraient l'augmentation des dépenses provoquée par la hausse des honoraires accordée aux médecins.

M. Jean-Marie Spaeth a observé que le Gouvernement avait, semble-t-il, souhaité privilégier la médecine de ville. Il a rappelé que les établissements de santé avaient récemment obtenu des rallonges budgétaires significatives. Evoquant l'accord du 5 juin 2002 signé avec les médecins généralistes, il a souligné que ceux-ci avaient, pour la première fois, accepté la notion de contrepartie en s'engageant à prescrire davantage de génériques en échange d'une revalorisation des honoraires. Il a jugé qu'il s'agissait d'un progrès réel et d'une dynamique nouvelle. Evoquant les nouvelles conditions de remboursement de la visite, il a expliqué que l'on avait ainsi tenté de médicaliser le contenu de la visite avec le soutien de l'opinion publique et des médecins, fatigués des visites inutiles.

S'agissant des médicaments innovants, il a souligné les conséquences financières éventuellement lourdes de la disposition contenue dans le projet de loi. Il a souhaité une politique du médicament plus cohérente, fondée sur une révision permanente de la pharmacopée.

M. Daniel Lenoir a indiqué que les chiffres les plus récents montraient une progression forte du générique puisque celui-ci disposait d'une part de marché de 7,5 % en janvier 2002, de 7,3 % en mai et de 8,8 % en août.

M. Guy Fischer s'est enquis de l'état des relations conventionnelles entre la CNAMTS et les professionnels de santé et s'est interrogé sur l'évolution du numerus clausus.

M. Jean-Marie Spaeth a fait valoir que le climat s'était incontestablement amélioré puisque, fait nouveau, tous les syndicats de professionnels de santé venaient à la table de négociation avec, de surcroît, un réel esprit d'ouverture. Il a considéré que ceux-ci étaient désormais conscients du fait que leur sort était étroitement lié à l'avenir de l'assurance maladie. Il s'est dit frappé de l'évolution considérable des esprits et des mentalités en la matière. Citant l'exemple de la carte SESAME-Vitale, il a expliqué que le système fonctionnait désormais parce que la CNAMTS avait fait preuve de persévérance, ce qui n'était pas toujours le cas de l'Etat, comme en témoignait l'échec du carnet de santé.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'en matière de numerus clausus il convenait d'éviter les à-coups et que la question s'inscrivait dans une problématique plus large : celle de la démographie médicale.

M. Daniel Lenoir est intervenu pour faire part d'une étude de la CNAMTS montrant la coexistence d'une offre de professionnels de santé excédentaire dans certains départements et très déficitaire dans d'autres. Il a souligné que les écarts pouvaient atteindre de 1 à 30 selon les départements.

M. Roland Muzeau a demandé quelle part de marché les génériques devraient atteindre pour équilibrer financièrement l'accord du 5 juin 2002. Il a fait part de la préoccupation du groupe communiste républicain et citoyen quant à l'évolution de la branche accidents du travail - maladies professionnelles, caractérisée par la sous-déclaration des accidents et de la non-reconnaissance des maladies professionnelles. Il a souhaité que cette branche soit renforcée dans son action.

M. Daniel Lenoir a indiqué que l'accord du 5 juin 2002 serait équilibré si les génériques atteignaient une part de marché de 12,5 %. Il a souligné les énormes progrès accomplis en matière de déclaration des accidents du travail et de reconnaissance des maladies professionnelles. Il a indiqué que la convention d'objectifs et de gestion régissant la branche accidents du travail - maladies professionnelles prévoyait la mise en place d'un dispositif de veille et de vigilance pour évaluer l'évolution du risque professionnel. Il a considéré qu'il fallait pouvoir identifier le plus tôt possible les nouveaux risques professionnels émergents par un système de veille épidémiologique. Il a rappelé que la principale source d'accidents du travail restait les accidents de la circulation.

M. André Vantomme a attiré l'attention de la commission sur les difficultés que connaissait le secteur psychiatrique en région parisienne : la politique drastique de fermeture de lits avait des conséquences dramatiques. Il a également mis l'accent sur la situation des prisons où près de 55 % des détenus connaissent des problèmes psychiatriques. Il s'est interrogé sur les politiques de santé publique menées en matière de psychiatrie et s'est demandé comment on pourrait remédier au manque de praticiens, que ne manquerait pas d'entraîner la démographie de cette spécialité.

M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il n'était pas en mesure d'apporter des réponses sur cette question précise qui relevait, à l'évidence, des politiques de santé publique et des choix de société. Il a fait observer qu'il y avait trente fois plus de psychiatres à Paris que dans le Pas-de-Calais et que les difficultés rencontrées venaient aussi des modalités d'organisation du système et de répartition des praticiens.

M. Guy Fischer a souhaité obtenir des précisions sur le détail des votes intervenus au sein du conseil d'administration de la CNAMTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

M. Jean-Marie Spaeth a expliqué que le conseil d'administration s'était en réalité prononcé à deux reprises, une première fois sur le projet de loi, une seconde fois sur l'avis motivé émis sur ce texte.

M. Nicolas About, président , a dit comprendre la motivation de l'article 16 du projet de loi relatif à l'élargissement des missions du conseil de surveillance. Il a considéré qu'il était choquant pour le Parlement de constater que l'ONDAM voté n'était jamais respecté et se voyait même désavoué à peine voté. Il a rappelé à cet égard que la CNAMTS et les médecins généralistes avaient signé un premier accord de revalorisation tarifaire en janvier 2002, quelques jours à peine après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Spaeth a fait valoir qu'aucun objectif de dépenses délégué n'avait été confié à la CNAMTS en 2002 et que l'accord intervenu avec les syndicats de médecins avait été validé par le Gouvernement. Il s'est étonné que le Gouvernement engage une réflexion sur la gouvernance du système de santé tout en modifiant d'ores et déjà, par cet article 16, la mission du conseil de surveillance de la CNAMTS.

M. Daniel Lenoir a précisé que les conseils de surveillance avaient été conçus dans un souci de renforcer le contrôle parlementaire sur les caisses de sécurité sociale. Il a dit comprendre l'agacement du Parlement devant les dépassements répétés de l'ONDAM. Il a indiqué que la CNAMTS était en train de mettre en place un outil de suivi de l'ONDAM, profession par profession, qui permettrait un véritable pilotage du système. Il a précisé que l'impact d'une convention sur l'ONDAM était généralement complexe à évaluer.

M. Nicolas About, président , a interrogé M. Jean-Marie Spaeth sur l'article 27 du projet de loi qui vise à favoriser la diffusion des médicaments génériques. Il a souligné qu'il convenait de prendre en considération les contraintes des fabricants de princeps.

M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé pourquoi la France recourait encore si peu aux génériques. Il a souhaité que les médicaments les plus courants puissent être génériqués et fait valoir que le tarif de référence prévu par l'article 27 ne serait pas nécessairement le plus bas du groupe générique. Il a considéré qu'il convenait de définir une politique du médicament plus transparente qu'aujourd'hui. Il a estimé que le système de prix administrés, en vigueur en France, n'était plus viable à terme, a fortiori dans un cadre de plus en plus européen. L'industrie pharmaceutique devait donc s'adapter : reporter sans cesse les mutations nécessaires ne constituait pas une solution.

C. AUDITION DE M. PIERRE BURBAN, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS), ACCOMPAGNÉ DE M. JEAN-LOUIS BUHL, DIRECTEUR GÉNÉRAL

Réunie le mercredi 30 octobre 2002, la commission a entendu M. Pierre Burban, président du conseil d'administration, et M. Jean-Louis Buhl, directeur général, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

En propos liminaire, M. Pierre Burban a précisé que le nouveau conseil d'administration de l'ACOSS était désormais définitivement installé, et que l'ensemble de ses membres étaient désormais attachés à assumer pleinement leurs missions, en dépit de l'absence des représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Il a également rappelé les priorités de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'ACOSS et l'Etat : l'amélioration du service rendu aux usagers, de la qualité des informations statistiques, financières et comptables produites par la branche recouvrement de la sécurité sociale, et l'optimisation de la gestion des ressources humaines. A cet égard, il a souligné que l'ensemble des dispositions de l'article 75 de la loi n° 2001-2146 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, réformant les modalités de fonctionnement de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), qui gère les personnels de la sécurité sociale, étaient aujourd'hui entrées en application.

Puis M. Pierre Burban a indiqué que le conseil d'administration de l'ACOSS avait émis un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, l'un des principaux éléments de satisfaction étant un début de clarification des circuits financiers de la sécurité sociale, qui ne peut que faciliter le travail de la branche recouvrement.

Répondant ensuite aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres financiers , M. Pierre Burban a fourni les éléments d'information suivants :

- le point le plus bas, en 2002, de la trésorerie du régime général a été atteint le 18 octobre dernier, à - 4,36 milliards d'euros (contre une estimation initiale de - 4,10 milliards d'euros). Ce seuil ne devrait pas être, à nouveau, franchi d'ici la fin de l'année ;

- l'écart constaté, au cours de ces dernières années, entre, d'une part, le plafond d'avances de trésorerie autorisé pour le régime général en loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, le profil effectif de ladite trésorerie, s'explique par le fait que ce plafond est déterminé à partir d'une évaluation, à la fin d'une année donnée, de l'évolution prévisionnelle de la trésorerie du régime général au cours de l'année suivante. Dès lors, des aléas d'ordre économique (évolution de la masse salariale et de l'objectif national des dépenses maladie, notamment), réglementaire ou technique peuvent altérer la prévision initiale retenue dans la loi de financement ;

- le triplement, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, du plafond d'avances de trésorerie autorisé au régime général traduit l'accélération de la dégradation de son profil de trésorerie constatée depuis le début de l'année 2002, et qui devrait se confirmer en 2003. L'année prochaine, le point le plus bas de la trésorerie du régime général devrait ainsi revenir, selon les estimations des services de l'ACOSS qui ne sont pas encore définitives, à - 10,5 milliards d'euros le 12 décembre 2003. Dès lors, il est nécessaire de prévoir cette évolution en ajustant à due concurrence, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le plafond d'avances ;

- la possibilité, ouverte aux caisses nationales du régime général, de placer leurs excédents durables en dehors de la trésorerie commune gérée par l'ACOSS n'a jamais été utilisée jusqu'à présent. Le placement, rémunéré, des disponibilités des branches excédentaires au sein de cette trésorerie commune permet aux branches déficitaires de se « refinancer » à moindre coût, ce qui profite, en définitive, à l'ensemble de la sécurité sociale ;

- s'agissant des récentes observations de la Cour des comptes sur les méthodes de provisionnement appliquées, jusqu'à présent, par l'ACOSS, l'agence a entrepris, avec la direction de la sécurité sociale, de définir de nouvelles règles, plus adaptées au passage à la comptabilité en droits constatés. A ce sujet, M. Jean-Louis Buhl, directeur général , a souligné les difficultés particulières que présente l'application, à un système de comptabilité publique, des règles de la comptabilité privée relatives au traitement des créances douteuses.

Toujours en réponse aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres financiers , M. Pierre Burban a fait part de ses interrogations, et de celles du conseil d'administration de l'ACOSS, concernant l'imputation (puis l'inscription sous forme de provision), dans les comptes de chaque branche, sur instruction réglementaire émanant des autorités de tutelle, de la dette contractée par l'Etat à l'égard de la sécurité sociale au titre du déficit, en 2000, du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales (FOREC). A cet égard, M. Pierre Burban a estimé que la définition, par une mesure législative, en l'occurrence l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, des modalités d'imputation et de répartition, entre chaque caisse nationale, du remboursement de la moitié de cette dette, garantissait à l'ACOSS une meilleure « lisibilité » et une plus grande stabilité des règles qui lui sont applicables.

S'agissant, enfin, de l'article 47 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, M. Pierre Burban a indiqué qu'il vise à harmoniser les dispositions applicables à diverses contributions dont le recouvrement direct incombe à l'ACOSS.

M. Gilbert Chabroux s'est ensuite interrogé sur les conséquences, pour la trésorerie du régime général, d'une évolution économique éventuellement moins favorable que celle retenue pour le « cadrage » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il a également souhaité connaître la part, dans le total des dépenses du FOREC, du nouvel allégement général de cotisations prévu dans le cadre du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. Guy Fischer s'est inquiété des effets éventuellement défavorables, en termes d'effectifs et de rémunérations, des modifications actuellement apportées à l'organisation du travail dans les organismes de sécurité sociale tels, par exemple, les gains de productivité induits par la généralisation de la carte « Vitale ». Il a également souhaité savoir si les restes à recouvrer auprès des entreprises représentaient, encore aujourd'hui, un manque à gagner significatif pour la sécurité sociale.

M. Jean Chérioux a alors souligné l'intérêt, pour l'ACOSS, d'adopter un système comptable lui permettant de mieux apprécier l'importance, dans ses comptes, des créances inscrites en non-valeur au regard du montant total des provisions correspondantes. Il s'est, ensuite, interrogé sur les conséquences financières, pour la trésorerie commune gérée par l'ACOSS, du choix qui serait éventuellement fait, par certaines branches du régime général, de placer ailleurs leurs excédents.

Toujours à ce sujet, M. André Vantomme a souhaité connaître le montant des créances irrécouvrables, actuellement comptabilisées par l'ACOSS.

Répondant aux divers intervenants, MM. Pierre Burban et Jean-Louis Buhl ont fourni les précisions suivantes :

- dans l'hypothèse où l'évolution de l'activité économique et des comptes le nécessiterait, le Gouvernement a annoncé qu'il déposerait un projet de loi de financement rectificative. L'ajustement éventuel du plafond d'avances de trésorerie pourrait donc, éventuellement, intervenir à cette occasion. La variable déterminante, en ce domaine, sera l'évolution de la masse salariale, dont dépendent 70 % des recettes du régime général. En toute hypothèse, le relèvement du plafond d'avances ne reflète que l'accumulation des déficits du régime général, soit - 4 milliards d'euros prévus en 2002, et - 6 milliards d'euros en 2003 ;

- la réalisation des objectifs de la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'ACOSS et l'Etat, et, notamment, le souci d'améliorer davantage le service rendu aux usagers, dépend de la motivation des personnels de la branche recouvrement (soit 13.500 personnes sur un total de 170.000 salariés travaillant dans les organismes de sécurité sociale). Cette question est donc l'une des préoccupations essentielles du conseil d'administration de l'ACOSS. Par ailleurs, la nécessaire adaptation de l'organisation des services aux réalités du terrain et aux demandes des usagers n'est pas obligatoirement synonyme de regroupement des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), sauf accord de celles-ci, exprimé par leurs conseils d'administration et leurs comités d'entreprise. Cette adaptation passe plutôt par la définition de nouvelles modalités de collaboration entre URSSAF, qu'il s'agisse de la mutualisation des moyens et des services ou de l'expérimentation, au plan local, des possibilités offertes par les technologies modernes ;

- le mythe des « dettes patronales » à l'égard de la sécurité sociale a vécu, le taux des restes à recouvrer par l'ACOSS étant désormais faible, et en diminution constante au cours de ces dernières années. Ces restes à recouvrer traduisent aujourd'hui, pour l'essentiel, la « mortalité » des entreprises défaillantes et reflètent, ainsi, l'évolution de la conjoncture économique ;

- l'entrée en vigueur, à compter du 1 er juillet 2003, du nouvel allégement de charges sociales défini dans le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi devrait se traduire par une dépense supplémentaire d'un milliard d'euros pour le FOREC ;

- les créances irrécouvrables représentent, dans les comptes de l'ACOSS, de l'ordre de 1,2 à 1,3 milliard d'euros, pour un total de restes à recouvrer atteignant 14 milliards d'euros ;

- l'« externalisation » du placement des excédents des branches bénéficiaires se traduirait par une aggravation des contraintes de trésorerie du régime général et pénaliserait, de ce fait, l'ensemble de la sécurité sociale.

D. AUDITION DE MM. MICHEL LAROQUE, PRÉSIDENT, ET JACQUES LENAIN, DIRECTEUR DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (FOREC)

Réunie le mercredi 6 novembre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de MM. Michel Laroque, président, et Jacques Lenain, directeur du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

M. Jacques Lenain , s'exprimant en sa qualité de directeur du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), a répondu aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres financiers.

S'agissant des modalités de fonctionnement du FOREC, M. Jacques Lenain a indiqué que les relations financières entre cet organisme et les organismes de sécurité sociale, d'une part, et l'Etat, d'autre part, sont, de par la loi, organisées dans le cadre de conventions, qui sont notamment destinées à garantir la neutralité, en trésorerie, des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. Il a précisé que, dans ce cadre général, les recettes fiscales du FOREC, qui constituent l'essentiel des recettes du fonds, lui sont versées « au fil de l'eau » par les services compétents de l'Etat. Seules les deux recettes à caractère « social » (taxe de prévoyance et contribution sur les véhicules à moteur) sont donc transférées au FOREC en fonction de leurs dates d'encaissement. Les versements du FOREC aux régimes de sécurité sociale font, quant à eux, l'objet d'acomptes représentatifs, qui sont ensuite régularisés sur la base d'états justificatifs annuels.

M. Jacques Lenain a précisé que, dans le cadre des deux conventions provisoires conclues, pour six mois, le 21 janvier 2002 avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (régime général) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), ces acomptes sont assis, non sur les montants prévus des charges d'exonération, mais sur les recettes perçues par le FOREC. La part desdites recettes qui sont ainsi reversées, trois fois par mois, aux deux régimes concernés a été progressivement portée de 99 % à 100 % des sommes encaissées par le fonds. En revanche, s'agissant des trois régimes spéciaux attributaires, à savoir la Caisse nationale de sécurité sociale des Mines (CANSSM), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN) et l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), ils bénéficient d'un acompte annuel unique, dont le montant est arrêté d'un commun accord ente le FOREC et chacun de ces régimes.

M. Jacques Lenain a ajouté que la régularisation des acomptes intervient sur l'exercice suivant. L'éventuel excédent de versement (ou le versement complémentaire) constaté au titre de l'exercice précédent est ainsi déduit (ou ajouté) du ou des acomptes suivants. A ce sujet, M. Jacques Lenain a indiqué que, pour l'année 2001, le solde de ces opérations avec l'ACOSS devrait dégager un excédent supplémentaire, et exceptionnel, de 146 millions d'euros, qui s'ajoutera à l'excédent de 264,5 millions d'euros déjà constaté au titre de cet exercice. Au total, le résultat excédentaire de l'exercice atteint donc 400 millions d'euros environ, qui s'ajouteront à l'excédent de 100 millions d'euros prévu pour 2002.

En ce qui concerne la détermination, en début d'exercice, des montants prévisionnels des exonérations devant être prises en charge par le FOREC, M. Jacques Lenain a précisé que le fonds était tributaire, en la matière, des évaluations réalisées par les services compétents du ministère en charge des affaires sociales, les actualisations nécessaires pouvant être réalisées en cours d'année. Pour sa part, le conseil d'administration peut, en tant que de besoin, décider de modifier son budget annuel, dans les limites définies par la loi (obligation d'équilibrer les comptes, notamment).

Enfin, M. Jacques Lenain a indiqué que, compte tenu des contraintes particulières imposées au FOREC par la loi, tout déséquilibre éventuel de ses comptes doit entraîner la mise en oeuvre de mesures correctrices qui pourraient prendre, selon les cas, la forme de prélèvements sur les réserves du fonds, l'affectation, à son profit, et sur décision des autorités de tutelle, de nouvelles recettes ou, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, le versement d'une contribution publique au FOREC.

ANNEXE
-
RÉPONSES DE LA COUR DES COMPTES
AU QUESTIONNAIRE DE LA COMMISSION

QUESTION 1

La Cour souligne les erreurs successives d'évaluation qui ont affecté les comptes en droits constatés du régime général pour les années 1999-2001, et qui l'ont obligé à « corriger » les soldes annuels afin que ceux-ci correspondent davantage à la réalité économique des comptes (cf. p. 123 du rapport).

a) La nécessité de telles « corrections » n'est-elle pas paradoxale, dans la mesure où la comptabilité en droits constatés est censée, à la différence de la comptabilité en encaissements/décaissements, refléter fidèlement les opérations réalisées au titre de chaque exercice ?

b) Compte tenu du fait que le passage de la comptabilité du régime général en droits constatés est intervenu dès 1996, comment s'explique cette prise en compte tardive des difficultés liées à l'évaluation des charges à payer et des produits à recevoir ?

c) Peut-on considérer que, après mise en oeuvre des mesures correctrices prévues par l'ACOSS, les comptes en droits constatés du régime général seront désormais d'une fiabilité incontestable ? Seront-ils, au contraire, toujours affectés par une « marge d'incertitude », inhérente aux principes mêmes de la comptabilité en droits constatés ? Dans l'affirmative, peut-on évaluer son ampleur financière ?

RÉPONSE 1

Les corrections que la Cour a effectuées tant l'an dernier que cette année sont, pour deux d'entre elles, liées aux problèmes d'évaluation des provisions et des produits à recevoir apparus avec le passage aux droits constatés et, pour la troisième, la conséquence du non-remboursement par l'Etat des exonérations de cotisations prises en charge par le FOREC.

L'évaluation des provisions et des produits à recevoir est rendue nécessaire par la comptabilité en droits constatés.

- En ce qui concerne les provisions de la branche maladie, celles-ci peuvent être affectées en fin d'année par une épidémie de grippe, l'existence ou non d'un pont, l'envoi des feuilles de soins... L'incertitude n'est donc pas totalement réductible.

- En ce qui concerne le recouvrement, l'ACOSS a mis en place, pour les exercices 1997 à 2001, une méthode statistique tant pour les produits à recevoir que pour les provisions.

Les produits à recevoir sont évalués nationalement par l'ACOSS et un tableau est transmis aux URSSAF pour qu'ils en déduisent le montant des produits à recevoir qu'ils doivent inscrire dans leurs comptes (les encaissements de janvier au titre de l'exercice n-1 étant comptabilisés dans l'exercice n). Cette méthode n'est pas conforme à une stricte application des droits constatés et a obligé l'ACOSS à réévaluer en 2001 le montant des produits à recevoir pour les exercices 2000 et 2001. En outre, la centralisation au niveau national des encaissements de début janvier qui permet d'affiner l'évaluation des produits à recevoir ne comportait pas les éléments permettant à l'ACOSS de ventiler les encaissements entre les différents exercices. Une nouvelle méthode est prévue pour 2002. La Cour a prévu de l'expertiser pour s'assurer qu'elle répond au principe des droits constatés applicable aux organismes de base.

Les provisions pour créances douteuses ont été jusqu'en 2001 calculées à partir des créances exigibles auxquelles était appliqué un taux supposé représenter la probabilité de recouvrement dans l'année. Ce taux était défini statistiquement au niveau national et appliqué ensuite par chaque URSSAF. Il faisait l'impasse sur l'analyse du risque au niveau des URSSAF. Sa définition est aujourd'hui plus restrictive et se limite aux créances ayant fait l'objet d'un premier acte précontentieux (mise en demeure). Ce changement devrait permettre de mieux évaluer les provisions pour créances douteuses.

QUESTION 2

S'agissant de la dette contractée par l'Etat à l'égard de la sécurité sociale au titre des comptes 2000 du FOREC, la Cour estime qu' « il appartiendra à une prochaine loi de finances de reconnaître et d'annuler cette dette de l'Etat, de façon à permettre aux régimes de sécurité sociale de l'admettre en non-valeur » (cf. p. 14 du rapport).

En ayant écarté l'éventualité même d'une reprise de provision et du paiement d'une partie de sa dette par l'Etat que réalise pourtant le projet de loi de financement pour 2003, la Cour entendait-elle signifier que le jeu des provisions et des reprises de provisions propre à la comptabilité en droits constatés serait susceptible de troubler la lisibilité des comptes sociaux ?

RÉPONSE 2

La lisibilité des comptes n'est pas actuellement affectée par la provision passée par les organismes. Dans leurs comptes figure désormais une créance sur l'Etat qui n'a pas, à ce jour, de contrepartie dans les comptes de ce dernier. En effet, cette créance résulte d'une insuffisance des contributions et taxes de nature fiscale affectées aux organismes sociaux et de la non inscription au budget de l'Etat de la subvention nécessaire à l'équilibre du FOREC, exigé par la loi. La Cour souligne que seule une loi de finances peut permettre à la fois de reconnaître cette créance et de l'annuler, pour permettre aux organismes de la passer en non-valeur. En l'absence d'une telle opération, ceux-ci sont tenus de maintenir la provision dans leurs comptes.

QUESTIONS 3 et 4

La Cour présente, en réponse à la demande de la commission des Affaires sociales du Sénat, les règles présidant à l'affectation des frais (ou des produits) financiers des différentes branches du régime général (cf. p. 126-128 du rapport).

La Cour n'évoque que l'une des deux possibilités offertes, en ce domaine, aux conseils d'administration des caisses nationales par les articles R. 255-3 et R.255-5 du code de la sécurité sociale, à savoir le maintien de leurs « excédents durables » dans la trésorerie commune gérée par l'ACOSS.

Pour quelles raisons la Cour n'a-t-elle pas présenté l'autre faculté, également reconnue aux caisses gestionnaires des branches excédentaires, consistant à «externaliser » le placement de leurs excédents ?

Cela signifie-t-il que cette seconde solution n'a jamais été, jusqu'à présent, retenue par les caisses nationales ? Dans l'affirmative, pourquoi ?

Sous la rubrique « l'unité de trésorerie du régime général (cf. rapport p. 128), la Cour évoque l'existence d'un « excédent structurel de la branche famille » dont les pouvoirs publics auraient « tiré les conséquences pour modifier régulièrement la prise en charge de certaines prestations et l'affectation d'impôt et taxes (...) ».

Le fait que les pouvoirs publics aient « régulièrement » « tiré les conséquences » d'un tel excédent « structurel », semble-t-il à la Cour relever d'un principe de bonne gestion ou recouvrir un choix en opportunité, le cas échéant contestable, entre la politique familiale et d'autres politiques ?

RÉPONSES 3 et 4

Deux textes régissent actuellement la gestion de la trésorerie du régime général : la loi de 1994 qui prévoit l'individualisation de la gestion des branches et celle de 1998 qui réaffirme le principe de la gestion unique de trésorerie

La Cour analyse dans son rapport l'application combinée de ces deux textes.

Il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question de l'autonomisation complète de la gestion de la trésorerie de chaque branche, qui relève du législateur. La loi de 1994 vise avant tout à clarifier la gestion des branches et à obliger les pouvoirs publics à prendre les décisions nécessaires pour assurer l'équilibre de chaque branche, au besoin en modifiant les recettes affectées à chacune, voire en transférant la prise en charge de certaines dépenses.

La difficulté d'une autonomie totale des branches vient de ce que les évolutions des dépenses et des recettes obéissent à des dynamiques très différentes, les recettes étant très liées à la croissance des revenus - dont principalement à l'évolution de l'emploi - et les dépenses renvoyant pour la branche famille à des évolutions démographiques qui s'étalent sur vingt ans. La question est donc de savoir s'il faut adapter les recettes à l'évolution des dépenses et dégager ainsi des recettes qui peuvent venir abonder la branche maladie ou s'il faut, à l'inverse, tirer parti des excédents de la branche pour abonder la politique familiale.

QUESTION 5

La Cour indique que « les comptes du FOREC affichent, en 2001, un solde positif de 264,5 millions d'euros » (cf. p. 33 du rapport).

Or, l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale dispose, en son dernier alinéa, que « les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées ».

Au regard de cette disposition, comment fut traité, dans les comptes 2001 du FOREC, l'excédent constaté à la clôture de l'exercice ?

Compte tenu du déséquilibre structurel du FOREC, encore mis en évidence dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, est-il envisageable de réaffecter cet excédent 2001 en recette d'un exercice ultérieur ? Dans l'affirmative, selon quelles modalités comptables ?

RÉPONSE 5

L'article L 131-10 du code de la sécurité sociale relatif aux recettes du FOREC prévoit que sont inclus dans les produits d'un exercice « les produits non consommés des exercices antérieurs ». L'excédent constaté fin 2001 fait donc l'objet d'un report sur 2002. Le résultat d'un exercice étant constaté après le vote de la LFSS par le Parlement, cette prise en compte ne peut se faire qu'a posteriori.

En ce qui concerne l'équilibre du FOREC en 2001, il convient de rappeler le caractère artificiel de l'excédent dans la mesure où, comme le signale le rapport, les produits pour 2001 incluent les encaissements effectués au titre de décembre 2000.

QUESTION 6

La Cour (cf. rapport p. 108) fait référence à l'annulation par le Conseil constitutionnel de « l'article 29 (du projet de loi de financement pour 2001) mettant à la charge du FSV le coût de la validation, par des organismes de retraite complémentaire, de périodes de chômage et de pré-retraite indemnisées par l'Etat ».

Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition au motif que son objet était étranger au domaine des lois de financement. Toutefois, dans sa décision 2001-455 DC, relative à la loi de modernisation sociale, où avait été réintroduite la même disposition, le Conseil a précisé que le législateur organique n'avait « pas exclu que de tels organismes (NB : « organismes créés pour concourir au financement des régimes obligatoires de base ») puissent également concourir au financement des régimes complémentaires ».

a) Quel traitement comptable de cette dépense du FSV serait, selon la Cour, satisfaisant attendu que le financement des régimes complémentaires constitue dès lors « un angle mort » en loi de financement de la sécurité sociale, s'appuyant sur des recettes votées dans le périmètre de la loi, mais destiné à un emploi qui lui est étranger ?

b) Il est établi par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002 (Tome I, p. 237) que le Fonds de Solidarité Vieillesse a connu un déficit de 85 millions d'euros pour l'exercice 2001. L'article 49 de la loi de modernisation sociale a eu pour effet d'imputer une dépense de 441 millions d'euros sur cet exercice, entraînant la mise en déficit du FSV. Peut-on, selon la Cour, considérer qu'une loi ordinaire peut affecter l'équilibre financier déterminé en Loi de financement d'un organisme concourant au financement des régimes de base de la sécurité sociale ?

Dans le cas du FSV, comment la Cour analyse-t-elle une telle révision au regard des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 135-3 du Code de la sécurité sociale qui dispose que « les recettes et les dépenses du fonds de solidarité vieillesse doivent être équilibrées par la loi de financement de la sécurité sociale » ?

RÉPONSE 6

Concernant l'article 29 de la LFSS pour 2001 et l'article 49 de la loi de modernisation sociale, ayant pour objet de mettre à la charge du FSV le coût de la validation, par des organismes de retraite complémentaire, de périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat :

a) La Cour partage l'interrogation du Sénat, dans la mesure où l'application combinée des dispositions de l'article 49 de la loi de modernisation sociale et de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale semble a priori susceptible de faire l'objet d'une censure par le Conseil constitutionnel.

En effet, si la recette destinée à équilibrer les dépenses du FSV en direction des régimes complémentaires provient de l'Etat, elle devra être inscrite en loi de finances. En outre, pour satisfaire à la contrainte formulée par l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, cette recette devra également être reprise en loi de financement de la sécurité sociale. Par ailleurs, si la recette d'équilibre provient des cotisations sociales, et toujours pour satisfaire à cet disposition du code de la sécurité sociale, c'est directement dans la loi de financement de la sécurité sociale qu'elle devra apparaître.

Dans les deux cas, le Conseil constitutionnel pourrait, s'il se conformait à la jurisprudence établie par sa décision relative à l'article 29 de la LFSS pour 2001, censurer la disposition de LFSS attribuant cette recette au FSV, au motif que son objet serait étranger au domaine des lois de financement.

b) Dans le cas mentionné par le Sénat, où une autre loi, dans le cas d'espèce la loi de modernisation sociale, a accru les charges du FSV, son rééquilibrage devrait apparaître dans le cadre de la plus prochaine loi de financement de la sécurité sociale. Si une loi de financement de la sécurité sociale rectificative devait intervenir, elle devrait donc tenir compte de cet accroissement de charge.

A défaut d'une telle loi, comme une loi de financement de la sécurité sociale peut contenir des articles rectificatifs d'une loi précédente, il serait possible de faire apparaître un article correspondant dans la loi de financement pour 2003.

QUESTION 7

La Cour mentionne (cf. rapport p. 112), au titre des mesures nouvelles de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, son article 23 portant création du fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil pour la petite enfance.

Le mécanisme de ce fonds, dénommé couramment FIPE, consistait en la création d'un compte de réserve dans les comptes de la branche famille finançant, par un versement en fin d'exercice, les dépenses d'investissement inscrites sur une ligne du fonds national d'action sociale (FNAS). Cette « dépense exceptionnelle » était réputée ne pas avoir d'impact sur le solde du FNAS au sein duquel elle était inscrite, non plus que sur le solde de la CNAF et ne pas affecter l'objectif de dépenses de la branche fixée en loi de financement.

a) Comment la Cour apprécie-t-elle, au regard des principes comptables courants, l'existence d'une dépense exceptionnelle déclarée sans impact sur le résultat de l'exercice auquel elle est imputable ? Quel jugement la Cour porte-t-elle sur un mécanisme visant à financer les dépenses d'un exercice par « l'injection directe » de réserves en capital, afin de neutraliser l'effet de ces dépenses sur le solde de cet exercice ?

b) Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (DC 2001-453, considérants 78-82), comment la Cour apprécie-t-elle la constitutionnalité de l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ?

c) D'un point de vue général, la Cour estime-t-elle possible de mettre à la charge d'une branche des dépenses sans les inscrire dans les objectifs de cette dernière votés en loi de financement ? Que déduit-elle d'une telle tentative sur la sincérité et la lisibilité des objectifs votés en loi de financement de la sécurité sociale ?

d) Pour surmonter cette jurisprudence, le Gouvernement précédent et le Conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales ont signé le 3 mars 2002 un avenant à la convention d'objectif et de gestion 2001-2004, avenant qui stipule que les subventions d'aide à l'investissement versées par les caisses d'allocations familiales « seront financées en fin d'exercice comptable par un prélèvement sur le fonds de roulement résultant de l'excédent 2000 à hauteur de 228.673.525,86 € (soit 1.500.000.000 F). Ces charges seront imputées en dépenses exceptionnelles, et donneront lieu chaque année à inscription de crédits budgétaires au fonds national d'action sociale, à hauteur des montants suivants : 30.490.000 € (200.000.000 F) en 2002, 106.714.000 € (700.000.000 F) en 2003, 91.470.000 € (600.000.000 F) en 2004 ».

Interrogé le 25 mars 2002 par la commission des Affaires sociales sur la légalité d'une telle stipulation, M. Pierre-Louis Bras, directeur de la sécurité sociale, a précisé que « la dépense correspondante, soit 230 millions d'euros, serait imputée sur les comptes de la Caisse nationale d'allocations familiales et relevait bien, en outre, des agrégats de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale, (...). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 faisant alors office de loi de financement rectificative pour l'exercice 2002 pourrait, le cas échéant, valider ultérieurement cette opération ».

La Cour estime-t-elle que les stipulations de l'avenant rendent possible une ratification en loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ?

La Cour estime-t-elle, à l'instar du directeur de la sécurité sociale, qu'une telle disposition relève des agrégats de dépenses fixés en loi de financement de la sécurité sociale ?

En ce cas, la Cour juge-t-elle légal qu'une disposition infra-législative, réglementaire voire conventionnelle, puisse modifier les dispositions votées en loi de financement de la sécurité sociale initiale, quitte à être ratifiée par une loi de financement de la sécurité sociale ultérieure ? D'après la Cour, comment s'inscrirait une telle faculté au regard des dispositions du II de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que « seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu d'une loi de financement ».

RÉPONSE 7

Concernant la création du fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil pour la petite enfance (FIPE), page 112 du rapport :

a) le mécanisme a été explicitement défini par l'article 23 de la LFSS pour 2001, loi votée par le Parlement. Il prévoit un montant maximal (1,5 MdF) et n'a pas d'impact sur l'équilibre des comptes en fin de chaque exercice ;

b) il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi ;

c) l'article 23 prévoit la création du fonds et dispose que « la recette de ce fonds est constituée par l'excédent de l'exercice 1999 de la branche famille, affecté à un compte de réserve spécifique à hauteur de 1,5 MdF. Pour chaque exercice, les dépenses correspondantes sont inscrites et individualisées en dépenses exceptionnelles au sein du Fonds national d'action sanitaire et sociale de la CNAF. Ces dépenses sont équilibrées en fin d'exercice par une affectation des réserves à due concurrence. Ce fonds prend fin à la consommation complète des crédits inscrits au compte de la réserve spécifique ». Les dépenses ont donc été explicitement inscrites dans les objectifs de la branche votés en LFSS ;

d) si la Cour peut effectivement regretter que la dépense pour 2002 n'ait pas fait l'objet d'une approbation préalable du Parlement, il convient toutefois de noter, d'une part, que le Parlement pourra se prononcer dans le cadre du vote de la LFSS pour 2003 et, d'autre part, et surtout, que le calendrier d'exécution des dépenses n'a pas d'impact sur l'équilibre annuel de la branche (de plus, bien évidemment, le montant de 1,5 MdF autorisé par l'article 23 de la LFSS pour 2001 ne sera pas dépassé).

QUESTION 8

L'usage s'est instauré que le Gouvernement, après le vote de la loi de financement, prenne un certain nombre de décisions créant des dépenses nouvelles qui relèvent a priori du pouvoir réglementaire, d'actes conventionnels ou d'agrément de conventions conclues par les caisses.

a) Semble-t-il à la Cour que l'entrée en vigueur de ces mesures puisse être, dans l'esprit de la loi organique, conditionnée par un préalable : le vote par le Parlement d'objectifs de dépenses rectifiés ?

b) A tout le moins, pour une information satisfaisante du Parlement, ces mesures ne devraient-elles pas, du point de vue de la Cour, figurer dans une annexe du projet de loi de l'année récapitulant l'ensemble des mesures nouvelles et évaluant leur impact pour l'année considérée ?

c) Une annexe similaire ne serait-elle pas également utile pour apprécier l'impact de ces mesures sur l'année en cours dès lors que le projet de loi de l'année ferait également office de projet de loi de financement rectificatif ?

d) L'actuel tableau, figurant à l'annexe C du projet de loi de financement, intitulé « mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale - impact sur le régime général » (cf. par exemple p. 30 de l'annexe C du PLFSS pour 2002), ainsi complété par les mesures nouvelles prises hors le cadre des lois de financement, ne gagnerait-il pas à être appliqué non pas au seul régime général mais, le cas échant aux principaux régimes de bases et surtout aux agrégats mêmes de la loi de financement.

RÉPONSE 8

Le rapport de la Cour sur la sécurité sociale de septembre 2002 relevait, page 67, que « la LFSS pour 2002 comporte une disposition révisant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2001 à 108,3 Md€ (en décaissements nets). C'est la première fois que le Parlement était amené à approuver formellement un « ONDAM révisé ».

Cette innovation faisait application de la mention, dans une décision du Conseil constitutionnel, que les LFSS peuvent être modifiées par une autre LFSS et seulement par une telle loi. Elle ouvre la voie à ce que l'objectif soit révisé en cours d'année, lorsque l'évolution des dépenses, de la conjoncture économique ou de la politique des pouvoirs publics le rend nécessaire pour redonner son sens à la notion d'objectif ».

a) A contrario, si l'évolution des dépenses ne rend pas une révision de l'objectif de dépenses nécessaire pour redonner son sens à la notion d'objectif, la révision en cours d'année de cet objectif ne s'impose pas.

b) et c) En revanche, la Cour considère qu'il serait souhaitable que le Parlement dispose, dans le cadre d'une annexe du PLFSS, d'une récapitulation de l'effet en année pleine des mesures prises au cours de l'année du vote de la LFSS ainsi que d'une prévision de leur effet l'année suivante.

d) L'objectif premier du tableau figurant à l'annexe C du PLFSS, intitulé « mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale - impact sur le régime général » devrait être de fournir une évaluation exhaustive et robuste de cet impact. Une fois cet objectif atteint, il pourrait être envisageable de l'étendre aux principaux autres régimes obligatoires de base.

QUESTION 9

S'agissant de la trésorerie de l'ACOSS en 2001, la Cour précise que « le point le plus bas, atteint le 1 er octobre, s'est établi à - 1,9 milliard d'euros » (cf. p. 131 du rapport).

Dans ces conditions, et compte tenu de l'amélioration de la situation financière de la sécurité sociale déjà constatée en 2000, comment la Cour explique-t-elle le niveau élevé (4,4 milliards d'euros) du plafond des avances autorisées par la loi de financement pour 2001 ?

Les critères déterminant la fixation de ce plafond lui semblent-ils compatibles avec l'esprit d'une des rares dispositions normatives des lois de financement justifiant l'intervention du Parlement, en cours d'année, en cas de dérive des équilibres financiers de la sécurité sociale ?

RÉPONSE 9

Le plafond de trésorerie est fixé en fonction du profil journalier de la trésorerie qui donne lieu en fin d'année à une projection pour l'année suivante. En 2001, le besoin de trésorerie maximum était de 4,4 Md€.

La Cour considère que ce mode de fixation du plafond est compatible avec les dispositions normatives des LFSS, dans la mesure où il permet de couvrir des déficits ponctuels, dans des conditions fixées par la convention entre l'ACOSS et la Caisse des dépôts.

Le plafond des avances autorisées ne saurait avoir pour objet de couvrir un déficit récurrent.

QUESTION 10

La Commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport de septembre 2002, présente « pour la première fois (...) des éléments sur les bilans du régime général » (cf. p. 222 et suivantes du Tome I). Ces éléments ont trait aux exercices 2000 et 2001.

a) La Cour pourrait-elle commenter brièvement, pour chacune des caisses, la structure et l'origine des capitaux propres permettant d'afficher une situation nette de 15,2 milliards d'euros pour 2001 (ensemble des branches) ainsi que la quasi-absence de dettes financières ?

b) Au vu des résultats prévisionnels de 2002 et 2003 tels qu'ils apparaissent dans le rapport de la Commission des comptes de septembre 2002 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, la Cour peut-elle esquisser une projection de ces capitaux propres au 31 décembre 2003 ?

c) La situation nette de la CNAMTS à cette date (31/12/2003) et le poids significatif de ses charges financières nettes (évaluées dans le compte tendanciel de la Commission des comptes à 400 millions d'euros) peuvent-ils conduire, du point de vue de la Cour et au regard de la situation de la CADES, à envisager une nouvelle opération de reprise de dette ?

RÉPONSE 10

L'innovation introduite par la Commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport de septembre 2002, par la présentation de « bilans synthétiques » du régime général dans son ensemble, d'une part et, d'autre part, de la CNAMTS de la CNAF et de la CNAV est d'un intérêt incontestable.

La Cour souligne néanmoins qu'un tel exercice ne présente pas, a priori, les garanties nécessaires pour en faire un outil valable d'analyse des comptes des entités concernées. Il ne peut donc, pas plus, fonder utilement des prévisions financières pour les années 2002 et 2003.

Sous réserve d'une analyse détaillée qu'elle effectuera dans le cadre de la préparation du prochain rapport sur la sécurité sociale (septembre 2003), la Cour formule les observations suivantes :

a) Les bilans synthétiques proposés par la CCSS pour 2001 et 2002 juxtaposent les charges des organismes nationaux gestionnaires des dépenses des branches aux produits encaissés par l'ACOSS, sur la base des notifications que celle-ci établit annuellement.

La Cour estime que cette dualité quant à l'origine des données comptables, si elle découle bien de la situation existante, comporte d'importants aléas,  notamment du fait de la répartition des produits, et spécialement des produits à recevoir (y compris les provisions constituées), sur la base de clefs de répartition qui revêtent, semble-t-il, un caractère pour partie forfaitaire, et qui sont reconduites d'une année sur l'autre.

Des données comptables fiables ne pourront être obtenues que par la présentation de véritables comptes consolidés ou, éventuellement, de comptes combinés, préparés, et, le cas échéant, certifiés, en respectant les règles correspondantes.

b) La situation nette de 15,2 Md€ pour l'ensemble du régime général est fournie par la totalisation des situations nettes très différentes des quatre branches (maladie, accidents du travail-maladies professionnelles, famille, vieillesse).

Cette approche, que la CCSS elle-même présente avec prudence, n'a qu'une portée économique et financière limitée.

La cour rappelle par ailleurs qu'il ne lui appartient pas d'élaborer des projections ou des prévisions.

c) Concernant les résultats prévisionnels de 2002, tels qu'ils sont estimés par la Commission des comptes de la sécurité sociale, la Cour formule les deux observations suivantes :

- La CCSS n'a pas tenu compte de la décision du Gouvernement, inscrite dans le PLFSS 2003, de procéder au remboursement de 50 % de la créance sur le FOREC (2,2 Md€), provisionnée à 100 % au 31 décembre 2001.

- En ce qui concerne la provision constituée par l'ACOSS sur cotisations restant dues au 31 décembre 2001, de nouvelles règles de provisionnement seront mises en oeuvre dès la clôture des comptes 2002 et pourraient provoquer des plus-values (voir le rapport de la Cour sur la sécurité sociale de septembre 2002, page 171).

Rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2003

Sommaire abrégé

Tome I - Equilibres financiers généraux et assurance maladie
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Exposé général sur les équilibres financiers généraux
et l'assurance maladie

Travaux de la commission - Audition de :

- MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , Christian Jacob, ministre délégué à la famille et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;

- MM. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes , Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Denis Morin, rapporteur général ;

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS ;

- M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'ACOSS ;

- M. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FOREC .

Annexe :

- Réponses de la Cour des comptes au questionnaire de la commission

Tome II - Famille
( Rapporteur : M. Jean-Louis Lorrain )

Exposé général sur la famille

Travaux de la commission - Audition de :

- Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF

Tome III - Assurance vieillesse
( Rapporteur : M. Dominique Leclerc)

Exposé général sur l'assurance vieillesse

Travaux de la commission - Auditions de :

- Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAVTS

- M. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV

Tome IV - Examen des articles
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Commentaire des articles et propositions d'amendements

Travaux de la commission - Examen du rapport

Tome V - Tableau comparatif
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

* 1 En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, faisant également office de loi de financement rectificative pour 2001, elle comportait des agrégats de dépenses et de recettes révisés au titre de cet exercice.

* 2 Débats Assemblée nationale - compte rendu analytique, 1 ère séance du 21 novembre 2001.

* 3 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport de septembre 2002 - page 16.

* 4 Idem p 23.

* 5 Elisabeth Guigou, intervention au Sénat dans le cadre de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, séance du 13 novembre 2002.

* 6 Bien entendu, personne ne peut prévoir l'ampleur du retournement conjoncturel en cours, ni affirmer que, s'il devait s'aggraver, les autres branches du régime général ne seront pas en déficit dans les toutes prochaines années.

* 7 Au sens des comptes de la protection sociale : régime général, régimes de non-salariés, régimes complémentaires et autres régimes de sécurité sociale.

* 8 Voir rapport n° 60 (2001-2002) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 par M. Alain Vasselle - Tome I : Equilibres financiers généraux et assurance maladie.

* 9 M. Jean-François Chadelat - audition du 17 octobre 2002.

* 10 L'excédent de la branche vieillesse du régime général étant déjà affecté, de par la loi, au Fonds de réserve des retraites, il n'y a donc pas lieu de prévoir de dispositif particulier en ce domaine.

* 11 Les excédents du FOREC pour 2001 et 2002 démontrent aujourd'hui les limites de ce genre d'exercice.

* 12 A ce sujet, il convient de rappeler que l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale prévoit déjà une « contribution publique » parmi les recettes du FOREC.

* 13 Cette augmentation est largement due à la cotisation d'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui est ici considérée comme une prestation d'assurance « perte ou absence de revenu ».

* 14 Ces majorations de pension font partie des avantages familiaux de vieillesse servis par les régimes de retraite. Leur importance en termes financiers (3,15 milliards d'euros) ont incité le législateur, en 1993, à soulager la branche vieillesse de leur financement pour le transférer au FSV au titre du « non contributif vieillesse ».

* 15 Cf. II-B-2 ci-dessus.

* 16 Un contentieux opposait depuis 1984 les régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO à l'Etat au sujet du financement des droits de retraite attribués par ces régimes, pour les périodes pendant lesquelles les salariés sont indemnisés au titre du fonds national de l'emploi ou des autres allocations du régime de solidarité. En effet, et en dépit de ses engagements, l'Etat se refusait à assurer le financement de ces droits. Après une première tentative infructueuse dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, ce financement fut finalement imputé au FSV par la loi dite « de modernisation sociale » pour un montant de 457 millions d'euros en 2003.

* 17 Cette taxe, à la charge des employeurs, fut créée par l'article 8 de l'ordonnance n° 95-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Son taux est de 8 % depuis le 1 er janvier 1998 et son produit estimé est de 500 millions d'euros pour 2003.

* 18 Francis Mer, ministre de l'économie et des finances, débat sur les prélèvements obligatoires - Sénat - Jeudi 7 novembre 2002.

* 19 Cet objectif correspond aux honoraires des professionnels de santé libéraux et aux frais de transport.

* 20 L'importante économie réalisée en 1997 par les cliniques privées et le fort dépassement enregistré pour les établissements sanitaires publics sont vraisemblablement le résultat d'une mauvaise ventilation des transferts entre enveloppes en 1997 car il nous a été effectivement difficile de retracer les effets de champ affectant les dépenses d'établissements cette année.

* 21 Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale - Septembre 2002.

* 22 Retour à la valeur de la lettre-clé de juillet 2000 pour les actes de kinésithérapie (13 janvier), revalorisation de l'acte AMI pour les soins infirmiers (1 er mars).

* 23 Cet objectif inclut une enveloppe de 23 millions d'euros pour le financement des réseaux de soins.

* 24 Le signe + ou - figurant devant les sommes indique l'impact sur le solde de la branche.

* 25 Rapport public particulier, « La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles », février 2002.

* 26 Nombre d'accidents par million de salariés.

* 27 Premières informations et première synthèse, n° 31-1, août 2001.

* 28 L'indice de gravité correspond à la somme des taux d'incapacité permanente des accidents du travail rapportée au nombre d'heures travaillées.

* 29 Commission « Deniel » (novembre 1997) et commissions « Levy-Rosenwald » (septembre 1999 et septembre 2002).

* 30 Il était ainsi de 3,932 % en 1970.

* 31 Il serait fixé à 9,02 milliards d'euros contre 8,53 prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, soit un « dérapage » de 5,7 %.

* 32 Avis de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n° 327 - 12 ème législature)

* 33 Au 24 octobre 2002, 370 provisions ont été versées pour un montant de 3,8 millions d'euros.

* 34 Le formulaire nécessaire à la présentation des demandes a été adopté le 4 juin 2002 par le conseil d'administration du FIVA.

* 35 On rappellera, qu'en vertu de l'article L. 221-4 du code de la sécurité sociale, cette commission exerce, pour la branche, les compétences confiées au conseil d'administration de la CNAMTS.

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