Rapport n° 127 (2002-2003) de M. Pierre FAUCHON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 janvier 2003

Disponible au format Acrobat (113 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (44 Koctets)

N° 127

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 janvier 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif aux juges de proximité ,

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 376 , 404 (2001-2002) et T. A. 2 (2002-2003)

Deuxième lecture : 103 rect. (2002-2003)

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 242 , 466 et T.A. 48

Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 15 janvier 2003 sous la présidence de M. René Garrec, président, la commission des Lois a examiné en deuxième lecture , sur le rapport de M. Pierre Fauchon le projet de loi organique relatif aux juges de proximité .

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a rappelé que ce texte poursuivait la réforme de la justice de proximité et complétait ainsi le premier volet de ce chantier issu de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 ayant créé des juridictions de proximité et défini leur organisation ainsi que leur champ de compétence.

Le rapporteur a indiqué que trois articles du projet de loi organique restaient en discussion à l'issue de la première lecture, deux articles ayant été adoptés sans modifications.

Le rapporteur a rappelé toute l'importance qu'il attachait à la question du profil et de la personnalité des futurs juges de proximité eu égard à la spécificité des missions susceptibles de leur être confiées et à la nature originale des juridictions de proximité , appelées à pallier le vide laissé par la suppression en 1958 des anciennes justices de paix. Il a relevé que l'apport principal du Sénat , outre quelques amendements rédactionnels, avait consisté à assouplir les critères de recrutement des juges de proximité en vue d'ouvrir l'accès à ces fonctions judiciaires nouvelles à des personnes issues de différents horizons professionnels (candidats ayant exercé des responsabilités dans divers domaines, anciens fonctionnaires, conciliateurs de justice).

Il s'est félicité de ce que les députés aient approuvé cet élargissement après avoir indiqué qu'ils avaient enrichi le texte d'utiles précisions telles que la faculté offerte au Conseil supérieur de la magistrature de soumettre certains candidats à une formation probatoire , contrepartie de l'ouverture du recrutement proposé par le Sénat ou encore le rôle nouveau dévolu en matière d'organisation au juge du tribunal d'instance chargé de la direction et de l'administration du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité.

Le rapporteur s'est félicité des nombreux points d'accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale, les améliorations de forme et de fond adoptées par chacune des deux assemblées ayant ainsi permis d'aboutir à la rédaction d'un texte équilibré et réaliste .

Après un large débat, la commission a décidé d'adopter sans modification le projet de loi organique relatif aux juges de proximité .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est invité à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux juges de proximité (n° 103, 2002-2003).

Ce texte, fortement inspiré du statut des magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et de grande instance 1 ( * ) tend principalement à déterminer les règles de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilité, ainsi que le régime disciplinaire applicables à ces juges.

Ce volet statutaire complète le titre II de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice 2 ( * ) dont il conditionne l'entrée en application, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.

La mise en place d'une justice de proximité plus rapide, plus efficace, plus accessible et l'arrivée échelonnée sur les cinq prochaines années de 3.300 juges de proximité 3 ( * ) concrétisent l'engagement pris par M. le Président de la République pendant la campagne présidentielle de redonner aux Français confiance en la justice de leur pays.

Saisi en premier lieu, le Sénat suivant les propositions de votre commission des Lois a pleinement souscrit à cet objectif . Il a en effet approuvé l'esprit et les modalités de cette réforme tout en y apportant quelques compléments. Les 2 et 3 octobre dernier, le Sénat a ainsi amendé l'article unique 4 ( * ) qui composait initialement le projet de loi organique et ajouté trois articles additionnels. Au total, il a adopté 21 amendements dont 15 modifications de fond.

Le 17 décembre 2002, l' Assemblée nationale a exprimé une position convergente moyennant quelques aménagements. Au terme d'une lecture dans chaque assemblée, trois articles demeurent encore en discussion , les députés en ayant adopté deux conformes .

Votre rapporteur se félicite des nombreux points d'accord entre les deux assemblées et souhaite aborder cette deuxième lecture dans le même esprit constructif qu'en première lecture. Il importe aujourd'hui de ne pas différer davantage la mise en oeuvre de cet important chantier et de permettre un aboutissement rapide de la démarche novatrice du Gouvernement.

Après avoir rappelé brièvement les travaux du Sénat en première lecture, votre commission évoquera les modifications apportées par l'Assemblée nationale, avant de présenter la position de votre commission des Lois.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : UNE DÉFINITION DES RÈGLES STATUTAIRES ADAPTÉE AU PROFIL DES JUGES DE PROXIMITÉ

Les travaux du Sénat en première lecture ont permis de rechercher une définition des règles relatives au statut des juges de proximité adaptées aux « capacités » susceptibles d'être attendues de la part de ces magistrats et à la nature particulière et originale de ces juridictions nouvelles.

En effet, votre rapporteur avait posé la question du profil de cette nouvelle catégorie de magistrat en faisant valoir que la capacité de remplir cette fonction nouvelle pouvait non seulement résulter d'une formation juridique stricto sensu mais également de l'expérience acquise par l'exercice prolongé de responsabilités.

Outre quelques modifications rédactionnelles , le Sénat a donc assoupli les modalités de recrutement des juges de proximité , tout en complétant les règles statutaires notamment en matière déontologique . Dans le souci pragmatique d'améliorer le fonctionnement de la justice, il a par ailleurs enrichi le texte de dispositions nouvelles relatives au statut des magistrats professionnels .

A. LA RECHERCHE DE CRITÈRES DE RECRUTEMENT PLUS CONFORMES À L'ESPRIT DE LA RÉFORME

Conformément aux orientations du rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, le Sénat a approuvé le principe selon lequel « il ne s'agira pas de juges de carrière, mais de personnes disposant d'une compétence ou d'une expérience professionnelle les qualifiant tout particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. »

Soucieux de recueillir des candidatures en nombre suffisant et de valoriser des qualités telles que l'expérience de la vie et le bon sens, votre rapporteur avait jugé opportun d'élargir le recrutement des juges de proximité 5 ( * ) . Lors des débats au Sénat, votre rapporteur avait affirmé sa conviction que « la capacité d'arbitrer les litiges de proximité peut résulter de l'expérience acquise tout autant que de la formation juridique » 6 ( * ) . Le Sénat a donc interprété la notion d'aptitude au sens large et a marqué le souci de ne pas évincer a priori des candidats susceptibles d'apporter une contribution précieuse à la justice de proximité.

Suivant la position de votre commission des Lois, le Sénat a adopté le dispositif initial relatif aux règles de recrutement des juges de proximité n°58-1270 du 22 décembre 1958 par l' article premier , tout en le complétant afin d' ouvrir plus largement l'accès aux fonctions de juge de proximité aux personnes ayant exercé pendant vingt-cinq ans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d' encadrement dans divers domaines (social, administratif, économique ou juridique) ; aux anciens fonctionnaires de catégorie A ; aux conciliateurs de justice et aux assesseurs des tribunaux pour enfants 7 ( * ) .

Soucieux de recruter des candidats déjà expérimentés et faisant preuve d'une certaine maturité, le Sénat a par ailleurs jugé préférable de reporter de trente à trente-cinq ans l'âge minimal d'accès aux fonctions de juge de proximité s'agissant des candidats justifiant à la fois d'une formation juridique au moins égale à quatre années et d'une expérience en la matière d'une durée équivalente 8 ( * ) .

B. UN RENFORCEMENT DES RÈGLES DÉONTOLOGIQUES

Soucieux de prévenir les conflits d'intérêt et de garantir l'impartialité de cette nouvelle catégorie de magistrat exerçant à titre temporaire, le Sénat a renforcé l'encadrement du cumul des fonctions judiciaires avec l'exercice d'une activité professionnelle prévu par le texte proposé pour l' article 41-21 par l' article premier en :

- étendant aux salariés des professions libérales juridiques et judiciaires l' incompatibilité géographique interdisant aux membres de ces professions d'exercer leurs fonctions juridictionnelles dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel ils sont installés ;

- posant l' interdiction aux membres des professions libérales juridiques et judiciaires et à leurs salariés d'effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction dans lequel ils exercent leurs fonctions de juge de proximité.

C. QUELQUES MODIFICATIONS ET COMPLÉMENTS

Par ailleurs, le Sénat a apporté quelques modifications et compléments au texte initial.

Au sein de l' article premier , il a inséré un article 41-17-1 nouveau , sur la proposition du Gouvernement, afin de préciser les règles d'organisation de la juridiction de proximité. Il a ainsi confié au président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel était située la juridiction de proximité le soin de répartir les juges de proximité au sein de cette dernière.

Dans le texte proposé pour l' article 41-18 par l' article premier , le Sénat, soucieux de maintenir une certaine permanence dans des fonctions par nature intermittentes, a jugé opportun d'autoriser le renouvellement des juges de proximité dans leur fonction pour une durée identique à la durée d'exercice des fonctions (sept ans), contrairement à ce que prévoyait le dispositif initial.

Le Sénat a également ajouté un article 4 posant l'obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement avant le 1 er janvier 2007 un rapport dressant le bilan du fonctionnement des juridictions de proximité.

Outre ces modifications portant sur le statut des juges de proximité, le Sénat, toujours soucieux d'améliorer le fonctionnement des juridictions  judiciaires, a par ailleurs inséré deux articles nouveaux tendant à :

- exclure le juge aux affaires familiales de la liste des fonctions spécialisées soumises à l'obligation de mobilité à l'issue de sept années d'exercice des fonctions au sein d'une même juridiction en raison des difficultés importantes suscitées par la mise en oeuvre de cette  règle ( article 2 ) 9 ( * ) ;

- pérenniser la possibilité ouverte aux magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance touchés par la limite d'âge (65 ans) 10 ( * ) d'être maintenus en activité ( article 3 ) 11 ( * ) .

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : QUELQUES UTILES COMPLÉMENTS ET PRÉCISIONS

Souscrivant pleinement à la position exprimée par le Sénat, l'Assemblée nationale a approuvé la plupart des modifications apportées au texte moyennant quelques aménagements de fond et quelques modifications d'ordre rédactionnel.

Les députés, suivant la proposition de leur commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ont adopté conformes les articles 2 et 3 relatifs au statut des magistrats de carrière. Tout en jugeant légitime le souhait du Sénat de disposer au 1 er janvier 2007 d'un bilan du fonctionnement des juridictions de proximité, l'Assemblée nationale a toutefois supprimé l' article 4 devenu superflu à la suite de l'insertion d'une disposition analogue dans la loi de finances pour 2003 n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 12 ( * ) .

S'agissant du statut des juges de proximité proprement dit, l'Assemblée nationale a manifesté son plein accord avec les règles adoptées par le Sénat.

A. LA RECHERCHE DE RÈGLES ÉQUILIBRÉES, RESPECTUEUSES DE L'OUVERTURE PROPOSÉE PAR LE SÉNAT ET SOUCIEUSES DE GARANTIR UN RECRUTEMENT DE QUALITÉ

L'Assemblée nationale a approuvé le choix du Sénat d'élargir les critères de sélection des candidats aux fonctions de juge de proximité définis à l' article premier (texte proposé pour l' article 41-17 ) sous réserve de quelques aménagements techniques et rédactionnels.

Elle a supprimé l'ajout du Sénat ouvrant l'accès à ces fonctions aux anciens fonctionnaires et anciens agents publics, jugé satisfait par la possibilité introduite également par le Sénat de recruter des personnes justifiant de vingt-cinq années d'exercice de responsabilités dans divers domaines 13 ( * ) , pour le remplacer par une disposition plus ciblée au bénéfice des anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B .

Elle a supprimé l'ouverture du recrutement aux assesseurs de tribunaux pour enfants considérant que la nature de ces fonctions ne les prédisposait pas particulièrement à devenir juge de proximité.

Elle a substantiellement modifié les règles relatives à la formation définies dans le texte proposé pour l' article 41 - 18 par l' article premier .

Le projet de loi organique initial posait l'obligation aux juges de proximité, avant leur entrée en fonction, de suivre une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction. Le Sénat avait approuvé ce dispositif sous réserve de quelques modifications rédactionnelles 14 ( * ) .

L'Assemblée nationale, suivant la position sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, a jugé nécessaire de donner un caractère probatoire à la formation estimant qu'une telle disposition permettrait de « prendre en compte la spécificité de l'exercice des fonctions juridictionnelles et de constituer « une soupape de sûreté » particulièrement légitime » 15 ( * ) compte tenu de l'ouverture des voies d'accès proposée par le Sénat.

Elle a donc adopté un système souple et adapté à la diversité des profils des candidats en confiant au Conseil supérieur de la magistrature le soin d'apprécier l'opportunité de soumettre certains candidats à une formation probatoire tout en maintenant le principe d'une formation obligatoire pour tous les autres candidats avant leur entrée en fonction.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX AUTRES RÈGLES STATUTAIRES

S'agissant des règles de nomination figurant dans le projet de loi organique proposé pour l'article 41-18 par l'article premier, l'Assemblée nationale avec l'appui du Gouvernement a rétabli l'impossibilité initialement prévue par le texte de renouveler les juges de proximité dans leurs fonctions, après avoir souligné à juste titre qu'une telle possibilité, impliquait nécessairement d'apprécier la manière dont ils s'étaient acquittés de leur mission et, partant, risquait de menacer leur indépendance.

L'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement a jugé indispensable de renforcer les liens entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance , échelon connu et apprécié des citoyens en adoptant deux dispositions complémentaires :

- s'agissant des règles d'organisation de la juridiction de proximité prévues dans le texte proposé pour l'article 47-1-1 par l'article premier, l'Assemblée nationale a modifié le dispositif inséré par le Sénat afin de confier au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance plutôt qu'au président du tribunal de grande instance le soin d'organiser l'activité et les services de la juridiction de proximité ;

- elle a inséré un article additionnel ( article premier bis ) pour préciser la procédure applicable aux juges de proximité en matière d'évaluation (article 12-1 de l'ordonnance statutaire). Elle a ainsi prévu de confier au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité l'entretien préalable à leur évaluation .

L'Assemblée nationale a approuvé les règles disciplinaires dans le texte du Sénat (texte proposé pour l' article 41-21 par l' article premier ) sous réserve de quelques modifications mineures. Elle a notamment préféré que le premier président de la cour d'appel plutôt que le président du tribunal de grande instance soit informé par le juge de proximité d'un éventuel changement d'activité professionnelle.

Les députés ont donc entériné les grandes lignes du texte adopté par le Sénat moyennant quelques modifications pour la plupart justifiées et judicieuses ayant permis d'enrichir le dispositif proposé par le Gouvernement.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER SANS MODIFICATIONS LE STATUT DES JUGES DE PROXIMITÉ POUR PERMETTRE UNE MISE EN PLACE RAPIDE DE LA JUSTICE DE PROXIMITÉ

Votre commission des Lois, dans un souci de bonne coopération avec l'Assemblée nationale, vous propose d'adopter conforme le projet de loi organique relatif au statut des juges de proximité .

? Il convient de mettre en oeuvre une réforme à laquelle le Sénat est particulièrement attaché au plus vite sans rechercher un perfectionnisme excessif pour un texte qui se veut tout à la fois innovant et expérimental .

Le dispositif du Gouvernement constitue un premier signal destiné à répondre aux attentes fortes des citoyens . Il permettra sans doute d'accomplir d'indéniables progrès. Les deux assemblées ont exprimé dès la première lecture la volonté de voir rapidement aboutir une réponse pragmatique à des préoccupations anciennes .

Le Sénat, lors des missions d'informations au nom de la commission des Lois (en 1996 et en 2002) 16 ( * ) , a mené une réflexion approfondie sur la justice de proximité et ne peut aujourd'hui que se féliciter de l'initiative du Gouvernement.

Comme l'a déjà souligné à plusieurs reprises votre rapporteur, un dispositif plus radical aurait pu être envisagé consistant à créer des équipes de magistrats non professionnels ayant vocation à concilier les parties et à arbitrer les conflit encadrées par le juge d'instance, pivot de cette organisation. Sans attendre, le Gouvernement a préféré une solution plus modeste et peut-être plus complexe, qui a toutefois le mérite d'exister et qu'il convient de promouvoir.

En outre, accepter la présente réforme n'exclut pas de poursuivre la réflexion sur la justice de proximité et de rechercher les modalités les plus appropriées pour qu'elle s'épanouisse. A cet égard, l'article 2 du projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République 17 ( * ) ouvre un cadre légal à l'expérimentation qui permettra sans doute d'améliorer le présent dispositif un jour ou l'autre appelé à évoluer. Le président de la République au cours de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour de cassation, le 10 janvier dernier, a d'ailleurs confirmé cette perspective.

? Votre rapporteur souscrit pleinement aux grandes lignes du texte adopté par les députés au terme de la première lecture .

L'Assemblée nationale a approuvé la principale modification proposée par le Sénat concernant l'élargissement des critères de sélection , ce dont votre rapporteur se félicite. En effet, elle a souhaité modifier légèrement le périmètre de recrutement des juges de proximité sans remettre en cause pour autant la place faite par le Sénat à l'expérience professionnelle.

Comme l'a souligné votre rapporteur lors de la première lecture, le succès de cette réforme dépendra étroitement de la capacité du système à susciter des vocations et de la volonté réelle du Gouvernement de procéder à sa mise en place . Le garde des Sceaux a récemment annoncé avoir déjà reçu plus de 1.000 candidatures, ce qui parait à cet égard rassurant. Néanmoins, la réussite de cette réforme ne pourra s'apprécier que dans la durée.

Votre rapporteur demeure convaincu que les critères de sélection tels qu'ils ont été définis au terme de la navette permettront de recruter des juges attentifs, disponibles et avant tout capables de faciliter la résolution des petits litiges et de concilier les parties.

Sans ignorer les nombreuses inquiétudes exprimées par les représentants des magistrats et par ceux des fonctionnaires des greffes 18 ( * ) , votre rapporteur note que les modalités d'organisation retenues par l'Assemblée nationale ont permis de trouver un compromis acceptable entre la volonté du Gouvernement de créer une juridiction autonome et l'établissement de liens entre les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance. Votre rapporteur se félicite du rôle d'animation reconnu à ces derniers, désormais étroitement associés à la mise en place de ce dispositif nouveau. Les modalités retenues par les députés permettront sans doute d'aller dans le sens d'une plus grande complémentarité entre ces deux échelons proches des justiciables.

Lors de la première lecture, votre rapporteur s'était interrogé sur l'opportunité de rendre la formation probatoire . Craignant que cette condition présente un caractère vexatoire et dissuade des candidats 19 ( * ) , il y avait renoncé.

Toutefois, les modalités fixées par l'Assemblée nationale tendant à laisser au Conseil supérieur de la magistrature le soin d'apprécier si cette formation devait revêtir un caractère probatoire méritent d'être approuvées. Ces règles paraissent en effet suffisamment souples du fait de leur non automaticité et de nature à garantir un recrutement de qualité dans le respect de la diversité des profils des candidats . En outre, cette modification paraît pleinement justifiée compte tenu de l'élargissement des critères de recrutement dont elle apparaît comme l'utile contrepartie .

? Enfin, votre rapporteur tient à souligner que la mise en place de la justice de proximité ne pourra pleinement prospérer sans que d'autres réformes soient parallèlement mises en route .

Une remise à plat de la répartition des compétences des juridictions de première instance s'avère indispensable. L'établissement d'une distinction entre le grand contentieux, technique et complexe, et le petit contentieux dit « de masse » caractérisé par la prolifération d'affaires identiques pourraient à cet égard constituer une piste intéressante à explorer.

Le renforcement des moyens des secrétariats-greffes désormais communs aux tribunaux d'instance et aux juridictions de proximité constitue également une priorité , comme l'a d'ailleurs souligné votre commission des Lois lors de l'examen du budget pour 2003 20 ( * ) . Du fait de la tenue d'audiences foraines et du caractère temporaire des fonctions de juge de proximité, les fonctionnaires des greffes en particulier les greffiers vont en effet jouer un rôle pivot au sein de la juridiction de proximité 21 ( * ) . Il parait donc essentiel que le ministère de la Justice veille à doter cette juridiction d'un personnel suffisamment étoffé pour lui permettre de fonctionner dans des conditions satisfaisantes.

En conclusion, votre rapporteur tient à exprimer une fois encore son soutien à la démarche du Gouvernement et souhaite une entrée en vigueur rapide de cette réforme.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modifications le projet de loi organique relatif aux juges de proximité.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(Chapitre V quinquies de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 )
Statut des juges de proximité

Dans la rédaction de projet de loi initial, cet article se composait de sept articles nouveaux (article 41-17 à 41-23) concernant respectivement les critères de recrutement des juges de proximité, le mode de nomination et la formation, la soumission au statut de la magistrature, la rémunération, les règles d'incompatibilité, la discipline et la cessation des fonctions. Le Sénat a inséré un article 47-1-1 relatif aux règles d'organisation de la juridiction de proximité dont l'Assemblée nationale a amélioré la cohérence.

Ainsi, l'article premier du présent projet de loi organique comporte-t-il désormais huit articles qui constituent le coeur du dispositif qui nous est aujourd'hui soumis.

Le texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 définit les conditions d'accès aux fonctions de juge de proximité .

Souscrivant à la démarche du Sénat tendant à assurer un vivier de recrutement des juges de proximité suffisamment large et susceptible de fournir des juges de proximité au profil adapté, l'Assemblée nationale a approuvé l'assouplissement des critères de recrutement proposé par le Sénat sous réserve de quelques aménagements .

Par souci de cohérence rédactionnelle , le Sénat, suivant votre commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, avait, en première lecture, supprimé la mention figurant dans le projet de loi organique initial selon laquelle les juges proximité exercent « une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance » 22 ( * ) ( premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 ).

Afin d'éviter que d'importants transferts de compétences puissent intervenir ultérieurement, l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement a jugé plus sage de rétablir le dispositif initial afin de maintenir dans la loi cette précision figurant par ailleurs mot pour mot dans la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002.

Outre un amendement rédactionnel 23 ( * ) , par souci d'harmonisation avec les critères de recrutement des auditeurs de justice , l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois avec l'accord du Gouvernement, a élargi l'accès aux fonctions de juge de proximité à l'ensemble des candidats ayant suivi une formation au moins égale à quatre années d'études et disposant d'une expérience professionnelle d'une durée identique. Le dispositif initial adopté sans modification par le Sénat, plus restrictif, exigeait d'avoir suivi une formation d'une durée équivalente mais en matière juridique seulement.

L'Assemblée nationale a réécrit le cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 par l'article premier ouvrant l'accès aux fonctions de juge de proximité aux anciens fonctionnaires de catégorie A et agents publics de même niveau de recrutement , introduit par le Sénat sur proposition de sa commission des Lois après que le Gouvernement s'en soit remis à la sagesse.

Les députés ont jugé cette disposition implicitement satisfaite par le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 ouvrant l'accès aux fonctions de juge de proximité aux personnes ayant exercé des fonctions de direction et d'encadrement durant vingt-cinq ans qu'elle a adopté sans modification, également inséré par le Sénat sur proposition de votre commission avec l'avis favorable du Gouvernement. Les députés en accord avec le garde des Sceaux ont jugé préférable de viser spécifiquement les anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B 24 ( * ) présentant un profil particulièrement adapté.

Cette disposition paraît opportune. Elle permettra en effet à des candidats familiers du milieu judiciaire et donc connaissant les réalités du contentieux de devenir juge de proximité.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 , inséré par le Sénat, sur proposition de votre commission, après que le Gouvernement s'en fut remis à la sagesse, permettant aux conciliateurs de justice ayant exercé durant cinq ans de présenter leur candidature aux fonctions de juge de proximité. M.  Emile Blessig, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale a en effet pleinement souscrit à cet ajout « qui permet d'assurer une adéquation entre le « profil » recruté et les missions imparties au juge de proximité » 25 ( * ) .

En revanche, considérant que l'exercice des fonctions d'assesseurs des tribunaux pour enfant n'était pas nécessairement susceptible de les qualifier particulièrement pour devenir juge de proximité, l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois, le Gouvernement s'en étant remis à la sagesse, a supprimé le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 41-17 leur ouvrant l'accès à ces fonctions.

Le texte proposé par cet article pour l'article 41-17-1 , inséré à l'initiative du Sénat sur proposition du Gouvernement, définit les règles d'organisation de la juridiction de proximité .

Le dispositif initial ne prévoyait aucune disposition relative à l'organisation du travail dans les juridictions de proximité. Une telle précision aurait dû logiquement figurer dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 ayant défini l'organisation et les compétences de ces tribunaux.

Soucieux de remédier à cet oubli, le Gouvernement, en première lecture au Sénat, avait proposé de confier au président du tribunal de grande instance le soin de répartir les juges de proximité au sein de la juridiction de proximité , justifiant ce choix par le fait que celui-ci disposerait « à la fois du recul nécessaire et la vision d'ensemble indispensable à l'organisation de la mise en place de la juridiction de proximité » 26 ( * ) . Après un débat nourri en commission et en séance publique ayant fait ressortir la nécessité de donner au juge d'instance un rôle important dans l'organisation de la juridiction de proximité , le Sénat avait néanmoins adopté sans modification la proposition du Gouvernement.

L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, a jugé préférable de confier l'organisation de l'activité et des services de la juridiction de proximité au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité, faisant valoir les relations étroites « que ne manqueront pas d'entretenir [les] juridictions de proximité et [les] tribunaux d'instance » 27 ( * ) .

A de nombreuses reprises, votre rapporteur a mis en exergue que le juge d'instance se présentait comme un véritable juge de proximité tout en soulignant la nécessité de conforter son rôle. Il ne peut donc que se féliciter de l'aménagement proposé par les députés. Les modalités d'organisation ainsi retenues paraissent garantir une meilleure articulation entre le nouvel échelon judiciaire de proximité et le tribunal d'instance et préserver le rôle de ce dernier. Ainsi, ce mécanisme laisse-t-il espérer un possible rapprochement entre ces deux ordres de juridiction et, pourquoi pas, un éventuel rattachement des juridictions de proximité aux tribunaux d'instance , préconisé depuis longtemps par votre rapporteur 28 ( * ) . Rappelons à cet égard que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a déjà prévu l'unité des greffes de ces deux juridictions.

L'Assemblée nationale a substantiellement modifié le texte proposé pour l'article 41-18 relatif à la nomination et à la formation des juges de proximité .

L'Assemblée nationale, a souhaité limiter à sept ans non renouvelables la durée d'exercice des fonctions, comme le prévoyait initialement le texte proposé par le Gouvernement. En première lecture, le Sénat, sur proposition de votre commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, avait allongé cette durée jugeant utile de renouveler des juges expérimentés, formés et ayant déjà fait leurs preuves.

Sans contester le bien-fondé de cet argument, les députés conjointement avec le Gouvernement ont néanmoins fait valoir les risques d'inconstitutionnalité de cette disposition avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 concernant le respect du « principe d'indépendance indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles ». Les députés ont donc supprimé l'assouplissement du Sénat.

En pratique, le renouvellement d'un juge de proximité dans ses fonctions paraît en effet difficilement dissociable de l'appréciation portée sur la manière dont elles auront été exercées, votre rapporteur, estime raisonnable de suivre la position de sagesse de l'Assemblée nationale.

Tout en approuvant le principe d'une limite d'âge maximale fixée à soixante-quinze ans, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel tendant à déplacer cette règle pour la faire figurer dans le texte proposé pour l'article 41-23 relatif à la cessation des fonctions 29 ( * ) .

L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois a substantiellement modifié les règles relatives à la formation .

Le Sénat avait adopté sans modification le mécanisme prévu par le projet de loi organique initial qui prévoyait une formation obligatoire préalable à l'entrée en fonction. Après s'être interrogé sur l'opportunité de rendre cette formation probatoire, le Sénat y avait finalement renoncé afin d'éviter que cette disposition puisse être jugée vexatoire et dès lors dissuader des candidats. Le garde des Sceaux, lors de la première lecture au Sénat avait également partagé ce point de vue.

L'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois a quant à elle exprimé une position différente, considérant que « loin de devoir être interprété comme une défiance à l'égard des personnes recrutées, donner un caractère probatoire à la formation dispensée ne fait que prendre en compte la spécificité de l'exercice des fonctions juridictionnelles et constitue une « soupape de sécurité » particulièrement légitime dès lors que les conditions de recrutement (...) sont sensiblement élargies » 30 ( * ) .

Soucieuse d'éviter d'imposer une formation probatoire aux candidats disposant déjà d'une solide expérience, les députés ont donc adopté un dispositif souple adapté aux profils des différents candidats . Ils ont donc confié au Conseil supérieur de la magistrature la faculté de décider de subordonner la nomination des candidats à l'accomplissement d'une formation probatoire, le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature étant chargé d'établir sous la forme d'un rapport le bilan du stage probatoire du candidat remis au Conseil supérieur de la magistrature et au ministre de la Justice. En parallèle, l'Assemblée nationale a maintenu le principe d'une formation obligatoire pour les autres candidats et a reporté la prestation de serment au moment de l'entrée en fonction plutôt qu'avant la formation pour tenir compte de son caractère probatoire.

Sensible aux arguments de l'Assemblée nationale, votre rapporteur considère que le nouveau dispositif mérite d'être approuvé car il se présente comme la contrepartie nécessaire à l'élargissement des critères de recrutement . Laissé à l'appréciation du Conseil supérieur de la magistrature, ce mécanisme ne paraît pas susceptible de faire peser une contrainte excessive sur des candidats déjà expérimentés. Il permettra d'éviter des disparités dans le recrutement des candidats et de garantir la qualité de la justice rendue.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le texte proposé par l'article premier pour l'article 41-19 relatif à la soumission des juges de proximité au statut de la magistrature 31 ( * ) ainsi que les règles relatives à la rémunération des juges de proximité figurant dans le texte proposé pour l'article 41-20 32 ( * ) .

L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois avec l'accord du Gouvernement, a apporté quelques modifications au texte proposé par l'article premier pour l'article 41-21 relatif aux règles d'incompatibilité et au cumul avec une autre activité professionnelle.

Outre une modification rédactionnelle au premier alinéa du texte proposé pour l'article 41-21 33 ( * ) , les députés, sur proposition de leur commission des Lois ont modifié le troisième alinéa concernant l'hypothèse d'un changement d'activité professionnelle .

Le Sénat avait adopté le dispositif du projet de loi organique initial imposant au juge de proximité d'informer le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la juridiction de proximité est située sur son changement d'activité professionnelle, ce dernier étant chargé de lui faire connaître une éventuelle incompatibilité avec l'exercice de ses fonctions juridictionnelles.

Sur proposition de votre commission des Lois soucieuse d'élaborer un texte clair, il avait également jugé utile de compléter ce dispositif afin de désigner l'autorité chargée de se prononcer sur une éventuelle incompatibilité (le Conseil supérieur de la magistrature) et de préciser la procédure en cas de désaccord entre le président du tribunal de grande instance et le juge de proximité.

Lors des débats au Sénat, le Gouvernement avait donné un avis défavorable à ces modifications jugées superflues.

L'Assemblée nationale a suivi un raisonnement identique et a supprimé l'ajout du Sénat considérant que le régime disciplinaire figurant dans le statut de la magistrature s'appliquait automatiquement en cas d'incompatibilité et qu'il n'était pas nécessaire de le rappeler dans le texte organique.

Les députés ont également jugé préférable, rejoignant ainsi la préférence personnelle de votre rapporteur, de poser aux juges de proximité l'obligation d'informer le premier président de la cour d'appel plutôt que le président du tribunal de grande instance et de lui confier le soin de lui faire connaître une éventuelle incompatibilité avec ses fonctions judiciaires. M.  Emile Blessig, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale a en effet fait valoir que cette compétence devait revenir plus logiquement à ce haut magistrat par ailleurs compétent pour saisir le Conseil supérieur de la magistrature de faits motivant des poursuites disciplinaires 34 ( * ) . Il a en outre souhaité une harmonisation des règles en matière d'incompatibilité avec celles applicables aux magistrats exerçant à titre temporaire.

Sous réserve d'un amendement purement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté le texte proposé par l'article premier pour l'article 41-22 relatif au régime disciplinaire des juges de proximité .

Par souci de cohérence rédactionnelle, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a préféré déplacer la limite d'âge maximale qui figurait dans la rédaction du Sénat dans le texte proposé pour l'article 41-18 pour la faire figurer plus logiquement dans le texte proposé par l'article premier pour l'article 41-23 concernant la cessation des fonctions de juge de proximité .

Le dialogue fructueux entre les deux assemblées a permis de parvenir à la rédaction d'un texte équilibré et opérationnel.

Votre commission vous propose donc d'adopter l'article premier sans modification .

Article 1er bis
(art.12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958)
Évaluation des juges de proximité

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à adapter la procédure d'évaluation au statut particulier des juges de proximité .

Actuellement, l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 soumet l'activité professionnelle de chaque magistrat à une évaluation tous les deux ans et confie au chef de la juridiction à laquelle le magistrat est nommé ou rattaché le soin d'effectuer un entretien préalable à cette évaluation. L'article 19 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 donne compétence au premier président de la cour d'appel pour établir l'évaluation des magistrats du siège de leur ressort.

M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a fait valoir la nécessité de prévoir une disposition spécifique pour désigner l'autorité chargée d'effectuer l'entretien préalable à l'évaluation du juge de proximité, ce dernier n'étant ni rattaché ni nommé au tribunal de grande instance, contrairement aux autres magistrats du siège exerçant leurs fonctions dans une juridiction du premier degré 35 ( * ) .

Soucieux de renforcer les liens entre le tribunal d'instance et la juridiction de proximité, les députés ont jugé préférable de confier l'entretien d'évaluation préalable au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité. En outre, ce choix paraît cohérent compte tenu du rôle conféré à ce dernier dans l'organisation de l'activité de la juridiction de proximité et la répartition des juges de proximité dans les différents services 36 ( * ) .

Votre commission vous propose donc d'adopter l'article premier bis sans modification .

Article 4
Suppression de l'obligation de déposer un rapport au Parlement

Inséré en première lecture par le Sénat, à l'initiative de votre commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article tendait à poser l'obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement, avant le 1 er janvier 2001, un rapport détaillé sur le fonctionnement des juridictions de proximité et sur l'articulation entre les tribunaux de grande instance, les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité.

Le Sénat avait marqué le souci de disposer d'éléments concrets pour évaluer la mise en place de la justice de proximité.

M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale a jugé cette préoccupation pleinement légitime compte tenu de l'ampleur des réformes engagées.

Toutefois, il a fait valoir que cette disposition avait été satisfaite par l'article 131 de la loi de finances pour 2003 n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 37 ( * ) , qui impose au Gouvernement de présenter à compter du 1er janvier 2004, un rapport annuel préparé par une instance extérieure aux services concernés retraçant l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 précitée et évaluant les résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans son rapport annexé parmi lesquels figure la mise en oeuvre de la justice de proximité 38 ( * ) . L'Assemblée nationale a donc supprimé cet article devenu inutile en cours de navette.

Votre commission des Lois vous propose donc de maintenir la suppression de l'article 4.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modifications le projet de loi organique relatif aux juges de proximité.

- ANNEXE -

____

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

portant loi organique relative au statut de la magistrature

« Art. 8.  -- L'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée.

Des dérogations individuelles peuvent toutefois être accordées aux magistrats, par décision des chefs de cour, pour donner des enseignements ressortissant à leur compétence ou pour exercer des fonctions ou activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance, à l'exception des activités d'arbitrage, sous réserve des cas prévus par les dispositions législatives en vigueur.

Les magistrats peuvent, sans autorisation préalable, se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 13.  -- Les magistrats sont astreints à résider au siège de la juridiction à laquelle ils appartiennent ou sont rattachés.
Des dérogations exceptionnelles à caractère individuel et provisoire, peuvent être accordées sur avis favorable des chefs de cour par le ministre de la justice.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 16 -- Les candidats à l'auditorat doivent :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2° Etre de nationalité française ;


3° Jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité ;

4° Se trouver en position régulière au regard du code du service national.

5° Remplir les conditions d'aptitude physique nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et être reconnus indemnes ou définitivement guéris de toute affection donnant droit à un congé de longue durée.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Art. 19.  -- Les auditeurs participent sous la responsabilité des magistrats à l'activité juridictionnelle, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature. Ils peuvent notamment :

Assister le juge d'instruction dans tous les actes d'information ;

Assister les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ;

Siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles et correctionnelles ;

Présenter oralement devant celles-ci des réquisitions ou des conclusions ;

Assister aux délibérés des cours d'assises.

Les auditeurs peuvent, en leur seule qualité, effectuer un stage, pour une partie de la durée de la scolarité à l'Ecole nationale de la magistrature, comme collaborateur d'un avocat inscrit au barreau. Leur activité à ce titre est bénévole.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Art. 27-1.  -- Le projet de nomination à une fonction du premier ou du second grade et la liste des candidats à cette fonction sont communiqués pour les postes du siège ou pour ceux du parquet à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Ce projet de nomination est adressé aux chefs de la Cour de cassation, aux chefs des cours d'appel et des tribunaux supérieurs d'appel, à l'inspecteur général des services judiciaires ainsi qu'aux directeurs et chefs de service de l'administration centrale du ministère de la justice, qui en assurent la diffusion auprès des magistrats en activité dans leur juridiction, dans le ressort de leur juridiction ou de leurs services. Ce document est adressé aux syndicats et organisations professionnelles représentatifs de magistrats et, sur leur demande, aux magistrats placés dans une autre position que celle de l'activité.

Toute observation d'un candidat relative à un projet de nomination est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Conseil supérieur de la magistrature.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux projets de nomination de substitut chargé du secrétariat général d'une juridiction. Elles ne s'appliquent pas aux propositions de nomination prévues à l'article 26, ni aux projets de nomination pris pour l'exécution des décisions prévues aux 2°, 3° et 5° de l'article 45 et au second alinéa de l'article 46.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Art. 44.  -- En dehors de toute action disciplinaire, l'inspecteur général des services judiciaires, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l'administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité.

L'avertissement est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu pendant cette période.

« Art. 45.  -- Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont :

1° La réprimande avec inscription au dossier ;

2° Le déplacement d'office ;

3° Le retrait de certaines fonctions ;

4° L'abaissement d'échelon ;

4° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

5° La rétrogradation ;

6° La mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite ;

7° La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 76.  -- Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge pour les magistrats de l'ordre judiciaire est fixée à soixante-cinq ans.

Toutefois, est fixée à soixante-huit ans la limite d'âge des magistrats occupant les fonctions de premier président et de procureur général de la Cour de cassation.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

* 1 Défini au chapitre V quater de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

* 2 Ayant créé un nouvel échelon judiciaire autonome, défini ses règles d'organisation et son champ de compétence - en matière civile, il s'agit des actions personnelles mobilières engagées par les personnes physiques jusqu'à la valeur de 1.500 euros, des procédures d'injonction de payer et de faire ; en matière pénale, le juge de proximité est compétent pour le jugement des contraventions de police dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat et pour les mesures de composition pénale que lui déléguera le président du tribunal de grande instance-.

* 3 Représentant 330 emplois « équivalents temps plein ».

* 4 Tendant à insérer dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 un chapitre V quinquies relatif « aux juges de proximité » (articles 41-17 à 41-23).

* 5 Le dispositif initial limitait l'accès aux fonctions de juge de proximité aux anciens magistrats des ordres judiciaire et administratif et aux personnes ayant une qualification juridique ainsi qu'un minimum d'expérience professionnelle dans ce domaine.

* 6 Journal officiel des débats du Sénat - Séance publique du 2 octobre 2002 - p. 2587.

* 7 Sous réserve d'avoir cinq ans d'ancienneté.

* 8 Visées au 2° du texte proposé pour l'article 41-17 par l'article premier.

* 9 On rappellera que cette disposition récente est issue de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 ayant inséré un article 28-3 dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

* 10 Article 76 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

* 11 Cette faculté était à l'origine exceptionnelle. La loi organique du 7 janvier 1988 a permis à ces magistrats judiciaires touchés par cette limite d'âge d'être maintenus en activité en surnombre de l'effectif de la juridiction pour une période non renouvelable de trois ans. Cette mesure initialement applicable jusqu'au 31 décembre 1995, a été prorogée deux fois par deux lois organiques, jusqu'au 31 décembre 1999 par la loi organique du 19 janvier 1995 et jusqu'au 31 décembre 2002 par celle du 12 juillet 1999.

* 12 Article 131.

* 13 Prévue au 3° de l'article 41-17 (quatrième alinéa).

* 14 Voir rapport n° 404 de M. Pierre Fauchon (Sénat, 2002-2003) - p. 21, 37 et 38.

* 15 Rapport n° 466 de M. Emile Blessing - Assemblée nationale - Douzième législature - p. 27.

* 16 Rapport n° 49 « Quels moyens pour quelle justice ? » de M. Pierre Fauchon au nom de la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice (Sénat, 1996-1997) et rapport n° 345 « Quels métiers pour quelle justice ? » de M. Christian Cointat au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice (Sénat, 2001-2002).

* 17 Aux termes de laquelle : « La loi et le règlement peuvent comporter pour un objet et une durée limités des dispositions à caractère expérimental. »

* 18 Notamment l'Association des juges des tribunaux d'instance et l'Association des greffiers en chef des tribunaux d'instance

* 19 Voir rapport n° 404 précité - p. 38.

* 20 Voir avis n° 73 (Sénat, 2002-2003) - Tome IV de M. Christian Cointat - p. 47.

* 21 A l'instar des « clerks britanniques ».

* 22 Une telle expression était apparue à votre rapporteur « peu élégante et peut-être superflue » considérant qu'il allait « de soi que les juges de proximité exercent une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance. » Journal Officiel des débats du Sénat - Séance du 2 octobre 2002 - p. 2600.

* 23 Visant à harmoniser la formulation retenue pour viser les professions libérales ayant accès aux fonctions de juge de proximité avec l'expression figurant dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

* 24 C'est-à-dire les greffiers et les greffiers en chef.

* 25 Rapport n° 466 de M. Emile Blessig - A.N - Douzième législature - p. 22.

* 26 Journal officiel des débats du Sénat - Séance du 2 octobre 2002 - p. 2606.

* 27 Rapport précité n°466 - A.N - p. 24.

* 28 Rapport n° 49 de M. Pierre Fauchon (Sénat, 1996-1997) « Quels moyens pour quelle justice ? » au nom de la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice - p. 100 et 101.

* 29 Voir infra (texte proposé pour l'article 41-23).

* 30 Rapport n° 466 précité de l'A.N - p. 27.

* 31 Voir rapport de M. Pierre Fauchon n° 404 (Sénat, 2001-2002) - p. 39 à 41.

* 32 Rapport n° 404 précité (Sénat, 2001-2002) - p. 41 à 43.

* 33 Visant à harmoniser la formulation retenue pour viser les professions libérales ayant accès aux fonctions de juge de proximité avec l'expression retenue dans le statut de la magistrature pour les magistrats exerçant à titre temporaire (voir supra article 41-17).

* 34 Cette possibilité a été récemment consacrée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (article 50-2 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958).

* 35 On rappellera en effet que le service des tribunaux d'instance est assuré en ce qui concerne les attributions dévolues aux magistrats du siège par les magistrats des tribunaux de grande instance (article L. 321-5 du code de l'organisation judiciaire).

* 36 Voir supra texte proposé pour l'article 41-17-1.

* 37 Cet article a été inséré à l'initiative de MM. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances.

* 38 Cet article reprend intégralement le dispositif censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 au motif qu'une telle disposition ne pouvait « trouver place dans une loi ordinaire ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page