2. Les périmètres de protection

a) Présentation

Les périmètres de protection (PP) sont destinés à prévenir les contaminations par des substances polluantes autour des points de prélèvements d'eau destinée à l'alimentation des collectivités publiques.

On distingue trois types de périmètres :

§ Le périmètre de protection immédiate (PPI) dans lequel toutes les activités sont interdites en dehors de celles qui sont en liaison directe avec l'exploitation de captage. Les terrains compris dans ce périmètre doivent être acquis en pleine propriété par le bénéficiaire du périmètre. L'ordre de grandeur est variable. Il peut être de quelques mètres carrés, en n'incluant que la tête d'ouvrage, à 2/300 mètres de diamètre pour les grands captages sollicitant une nappe phréatique ;

§ Le périmètre de protection rapprochée (PPR) dont l'étendue est calculé après évaluation de caractéristiques hydrogéologiques du secteur (nature de la roche, fissures...), de la vulnérabilité de la nappe, et des risques de pollution. Les terrains compris dans ces périmètres font l'objet de servitudes : certaines activités sont interdites, d'autres activités sont réglementées, soumises à des conditions d'exploitation ou des prescriptions destinées à la protection des eaux (techniques d'assainissement des eaux usées, stockage de produits dangereux, épandages...) ;

§ le périmètre de protection éloignée. Il renforce le précédent contre les pollutions permanentes ou diffuses, à des distances plus éloignées du lieu de captage, mais n'est que facultatif.

Les périmètres de protection bénéficient aux collectivités locales et à leurs groupements. L'établissement du périmètre de protection suit une procédure complexe (53 ( * )) . L'initiative appartient à la collectivité. Le périmètre et les servitudes qui lui sont liées sont arrêtés par le préfet du département sous forme d'un arrêté de déclaration d'utilité publique constituant la protection.

Conformément aux lois sur l'eau de 1964 et 1992, l'établissement des périmètres de protection est obligatoire, depuis le 12 décembre 1964, pour tout nouveau captage créé après cette date et depuis le 5 janvier 1997, pour tous les autres captages.

En 2001, sur les 35.171 points de prélèvements d'eau destinés à la consommation humaine, 12.786, soit 35,3 % seulement bénéficiaient de périmètres de protection. En excluant les procédures en cours, près de 22.800 captages ne bénéficient pas des périmètres de protection obligatoires depuis, selon les cas, 8 ou 37 ans... Les résultats sont très variables selon les régions, avec notamment de très bons résultats en Alsace (72 % des captages bénéficient de PP) et en particulier dans le Haut-Rhin (avec un taux record de 87 %), mais dans douze départements, le pourcentage des captages couverts par un périmètre de protection est inférieur à 10 % (54 ( * )). Dans son rapport sur la politique de préservation de la ressource en eau , le Conseil national d'évaluation estime « qu'au rythme observé, il faudrait environ 20 ans pour que tous les captages soient dotés de périmètres de protection ».

b) Les causes de l'échec des périmètres de protection

L'échec est donc patent. Le rapport du Conseil d'évaluation analyse parfaitement les causes de cet échec.

La raison essentielle est liée à la procédure, signalée en annexe, qui est particulièrement lourde. Elle crée plus de problème qu'elle n'en résout. Le verrou principal réside dans l'inscription des servitudes aux hypothèques, très longue et coûteuse. Ce blocage est parfaitement connu et on s'étonnera qu'il n'y soit toujours pas remédié.

Il est également établi que le dispositif n'est pas efficace partout (le degré de protection que l'on peut assurer en terrains karstiques, avec des fissures, n'est pas le même que dans le cas d'un aquifère homogène) ni surtout, contre toutes les pollutions. Le dispositif, instauré en 1964, est adapté aux pollutions accidentelles (servitude de stockage des produits dangereux) ou identifiées (assainissement, épandages...) mais n'est pas un instrument efficace pour réduire les effets des pollutions diffuses, notamment les pollutions azotées d'origine agricole, qui sont aujourd'hui majoritaires. « L'affirmation est cependant à nuancer pour les produits phytosanitaires, qui justifient de porter un effort particulier sur les zones les plus proches du captage ».

Enfin, même si le Conseil d'évaluation n'en fait pas un argument prioritaire, le coût ne doit pas être sous estimé. Il correspond aux dépenses de la phase administrative (coût des études, publicité foncière... de l'ordre de 10.000 euros), et aux dépenses des prescriptions (achats de terrains, travaux d'aménagement ou de dépollution, éventuellement indemnisations des servitudes... de l'ordre de 12.000 euros).

La rencontre avec de très nombreux élus et professionnels permet d'être plus sévère encore.

Les causes de cet échec sont largement partagées. Il ne faut pas nier la responsabilité des élus des communes. L'initiative du déclenchement de procédures leur incombe. Mais l'Etat est leur premier complice. Les défauts majeurs des procédures sont parfaitement connus depuis 30 ans. L'Etat avait les moyens non seulement pour corriger ces défauts, mais aussi pour obliger les communes à respecter cette obligation légale. Après 30 ans d'inertie et de silence complice, beaucoup de situations sont irréversibles.

Tout retard s'accumule et l'on devine que, après 35 ans d'urbanisation et d'activités, les périmètres de protection, encore possibles dans les années 70, ne le sont plus dans les années 2000. Devant cette situation bloquée, certains préfets ont d'ailleurs décidé d'imposer des fermetures de captages.

Mais d'autres difficultés pratiques permettent d'avoir des doutes sur l'efficacité des périmètres de protection.

§ Compte tenu des difficultés prévisibles et des oppositions des propriétaires aux servitudes imposées, les collectivités locales ont intérêt à faire des périmètres les plus petits possibles, avec des servitudes les moins contraignantes possibles. L'évaluation des périmètres de protection permettrait sans doute de constater ce semi échec.

§ Si le coût est supportable, la question de la répartition du financement doit être posée. Aujourd'hui les périmètres de protection sont décidés à l'initiative de la commune (ou de son groupement) pour les captages situés dans leur territoire. Il y a donc un décalage entre, d'une part, une opération de protection de la ressource, au bénéfice de tous, et, d'autre part, les contraintes et les servitudes, qui ne vont peser que sur la seule commune sur laquelle se trouve le point de captage à protéger. En d'autres termes, pourquoi une commune paierait-elle, dans tous les sens du terme, pour les autres ? La protection de la ressource est l'affaire de la collectivité dans son ensemble et non d'une commune en particulier.

§ Enfin, c'est par erreur que l'on présente souvent le périmètre de protection comme une mesure de protection de la ressource alors que le périmètre de protection ne protège -au mieux- que les lieux de captage. Une ressource souterraine potentielle ne bénéficie à ce jour d'aucune protection.

Il y a donc un décalage total entre l'enjeu stratégique, qui suppose une responsabilité collective, et la mise en oeuvre et le financement d'une procédure qui reposent aujourd'hui sur les maires et les communes.

L'échelon communal n'est pas le bon échelon de la protection des eaux.

* (53) Annexe 53 - Le régime juridique des périmètres de protection.

* (54) Annexe 54 - Situation des périmètres de protection en 2001.

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