Annexe 15 - LES RÉSEAUX DE SUIVI DES EAUX SOUTERRAINES

On distingue deux types de réseaux : le réseau patrimonial destiné à suivre l'évolution quantitative de la ressource ; les réseaux de contrôle qualitatif, juxtaposition de plusieurs réseaux distincts destinés à suivre la qualité de l'eau prélevée pour l'eau potable, la qualité des eaux souterraines dans leur globalité, ou seulement quelques paramètres.

1. Le réseau patrimonial quantitatif

Le réseau patrimonial, dit aussi réseau piézométrique, a pour but de suivre l'évolution quantitative de la ressource. Le paramètre mesuré est la profondeur de l'eau dans la nappe, appelé le niveau piézométrique de la nappe, c'est-à-dire le niveau naturellement atteint par l'eau dans un puits.

Un piézomètre est un instrument qui mesure le niveau de l'eau souterraine. Dans le cas des nappes libres, le niveau est apprécié par un calcul de la profondeur (quand la nappe se décharge, le niveau baisse et inversement). Dans le cas des nappes captives, le niveau est apprécié par la pression d'eau (dans le cas de la nappe de l'Albien. Sous Paris, à 600 mètres de profondeur, lors des premiers forages en 1850, la pression était telle que l'eau jaillissait en surface ; après un siècle et demi de captages, la pression est réduite et le jaillissement n'arrive qu'à une profondeur de 400 mètres).

Ce réseau s'est d'abord développé de façon aléatoire à partir d'initiatives locales, après des alertes consécutives à des périodes de sécheresse. La densité des stations et la fréquence des mesures sont par conséquent très inégales. Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), élaborés dans chacun des grands bassins hydrographiques, visent à améliorer les connaissances de l'état patrimonial de la ressource en eau et les agences de l'eau financent désormais ces stations.

La nécessité de disposer d'un réseau national plus rigoureux a été formalisée en 1999 avec la création d'un réseau national des eaux souterraines- RNES-, résultant d'un protocole entre le ministère chargé de l'environnement et les agences de l'eau. Ce réseau est en cours de réalisation. Le protocole fixe une densité de points de mesure par type d'aquifère (un point par 500 km² pour les aquifères libres, et un point par 3 500 km² pour les aquifères du socle) et la fréquence des prélèvements (au minimum deux par an : un en hautes eaux de printemps, un en basses eaux au début de l'automne). Le choix des points est laissé à l'appréciation des bassins. Une difficulté consiste à déterminer des sites représentatifs de l'état des nappes (et éviter une dérive statisticienne qui consiste à multiplier les mesures sur un même site, sans utilité évidente...).

2. Les réseaux de contrôle qualitatif

a) Le réseau de contrôle sanitaire des DDASS

Ce réseau, créé dans les années 60, relève de la surveillance sanitaire du ministère de la santé. Il permet d'acquérir des informations sur les eaux prélevées dans les captages destinés à la consommation humaine. Il est réalisé par les producteurs d'eau et par les DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) qui prélèvent à la source des échantillons d'eau et les font analyser par un laboratoire agréé. Les prélèvements des DDASS se font également en sortie des usines de traitement, notamment lorsqu'il y a mélange d'eaux provenant de captages différents.

La fréquence des analyses est fixée par décret (annexe II du décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine) et dépend du débit. Plus le débit est élevé et plus les contrôles sont fréquents  (entre une analyse tous les deux ans pour les débits inférieurs à 10 m3 par jour et une analyse par mois, pour les débits supérieurs à 100.000 m3)

Les paramètres analysés sont fixés par la même réglementation. Il s'agit de paramètres microbiologiques, physicochimiques, des substances indésirables et toxiques, des pesticides. Les données sont chargées dans un système d'information dit SISE-eaux, géré par les DDASS.

b) Le réseau patrimonial qualitatif du RNES

Contrairement au réseau précédent, orienté sur l'usage (l'alimentation en eau potable de la population), le réseau patrimonial vise à connaître la qualité physico-chimique des eaux souterraines dans leur globalité et leur évolution. Les analyses portent sur tous les captages, l'eau potable, l'irrigation, les captages industriels. Ces mesures sont réalisées par le Réseau national des eaux souterraines (RNES) déjà évoqué, dont elles constituent le second volet.

Les contrôles sont réalisés par les agences de l'eau. Le protocole fixe la densité des points de suivi. Les paramètres analysés sont plus nombreux que ceux analysés par les DDASS. Les résultats sont gérés par les agences de l'eau.

c) Les réseaux locaux

Ce réseau sanitaire ou patrimonial de l'État et des agences est souvent complété par un contrôle complémentaire mené par les départements mais cofinancé par les agences de l'eau, soit pour multiplier le nombre des contrôles, soit pour rechercher des paramètres peu suivis par le réseau des DDASS, notamment les micropolluants. Il existe aussi un réseau d'analyse des eaux à proximité des sols pollués.

d) Les réseaux dédiés

En complément de ces réseaux « généralistes », il existe aussi des programmes de mesures de certains paramètres, dont le plus connu est le « réseau nitrates », qui résulte de la directive nitrates et de l'obligation de déterminer des zones vulnérables. Les points de mesure sont répartis sur le territoire mais adaptés aux risques nitrates (il serait évidemment inutile de mesurer les nitrates dans les eaux souterraines des Alpes ou des Pyrénées...). Des cartes sont ainsi publiées régulièrement à l'occasion du renouvellement des délimitations des zones vulnérables.

Il existe également un programme de mesures des pesticides. Dans ce cas, il n'y a pas de réseau spécifique mais plutôt une sélection de points dans les réseaux existants dans lesquels on mesure certains pesticides. L'analyse est confiée à l'Institut Français de l'Environnement -IFEN- .

3. Appréciation critique

Le réseau ainsi mis en place présente de nombreux inconvénients :

On passera en premier lieu sur la complexité de l'organisation qui empêche d'avoir une vision claire du système mis en place, éclaté entre réseaux généralistes ou dédiés, nationaux ou locaux... Aucun n'est satisfaisant et le réseau sanitaire de la DDASS n'est pas le moins critiquable. La remontée d'informations au niveau national est très inégale et les mesures réalisées donnent une vision très biaisée de la qualité de la ressource car les captages fermés ou abandonnés pour cause de contamination ne sont plus suivis « donnant une vision optimiste de la qualité des nappes ».

L'information reste partielle . Le suivi piézométrique d'une nappe permet de constater que le niveau est stable ou baisse. Cette information n'est utile que si l'on connaît l'origine et l'importance des prélèvements, c'est-à-dire des forages, ce qui est loin d'être toujours le cas. La situation peut s'avérer gravement préoccupante dans certaines régions lorsque la baisse du niveau piézométrique s'accompagne de risques de dommages irréparables liés aux phénomènes d'intrusion marine (intrusion de la mer dans les nappes), comme c'est le cas dans le périmètre couvert par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse qui commente ainsi ce phénomène : « la connaissance des points de captage progresse mais est encore loin d'être exhaustive, notamment en ce qui concerne les captages d'irrigation. Des inventaires complémentaires, ainsi que le développement de réseaux piézométriques, s'avèrent nécessaires pour atteindre les objectifs de connaissance de la ressource en eaux souterraines fixés par le SDAGE ».

Le contrôle des petits captages est peu fréquent (respectivement une analyse tous les deux ans et une analyse par an pour les débits inférieurs à 10 m 3 jour et inférieurs à 100 m 3 jour) et souvent délaissé au profit des contrôles des mélanges d'eau. Les ouvrages à faible débit sont peu ou pas suivis, les contrôles étant alors effectués après les mélanges d'eau de plusieurs captages.

Le maillage du territoire est encore très inégal. Plusieurs régions ont été aidées dans la mise en place du réseau RNES : celles fortement dépendantes des eaux souterraines pour l'alimentation en eau potable de la population (lorsque l'eau potable est plutôt prélevée dans les eaux de surface, le suivi des nappes est plus aléatoire) ; celles où la profondeur et les caractéristiques de la nappe ne posaient pas de difficultés, celles où il était aisé de transférer un réseau préexistant ; et celles, enfin dans lesquelles l'initiative locale a été déterminante (cas de l'Alsace, citée par l'instance d'évaluation du Commissariat général du Plan, qui bénéficie du réseau régional le plus ancien et le plus performant depuis 1950. D'autres régions sont moins avancées, notamment l'Adour Garonne qui avait peu investi jusqu'alors dans le suivi des nappes. La Bretagne, longtemps critiquée pour ses délais dans la mise en place du RNES, a rattrapé son retard.

La directive-cadre européenne a fixé à 2006 l'établissement, par les États, d'un « programme de surveillance de l'état chimique et quantitatif » des « masses d'eau » souterraines. Ce réseau est un outil majeur de ce « programme de surveillance » et doit donc être opérationnel avant cette date.

Cette surveillance doit normalement s'accompagner de mesures de gestion annoncées, prévues : « poursuivre toujours et encore la lutte contre la pollution des eaux souterraines » réaffirme solennellement l'un des SDAGE. Il y a de nombreux cas où la situation mérite de telles actions, sans attendre l'échéance de 2006.

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