Annexe 17 - OBSERVATIONS DE METHODE SUR LES ANALYSES D'EAU

Les analyses d'eau souterraine et plus encore les comparaisons d'analyses, demandent une grande rigueur scientifique. L'observateur doit se poser quelques questions sur

la représentativité des points de mesure

la fréquence des analyses

les difficultés d'appréciation

les difficultés de représentation

1. La représentativité des points de mesures

Les analyses sont effectuées sur des échantillons d'eau prélevés sur des points de captage (forages ou cours d'eau). Le choix des sites est évidemment déterminant. Il doit permettre de constituer des échantillons représentatifs des caractéristiques du milieu analysé et de ses altérations éventuelles. Cette question, fondamentale dans une démarche scientifique, ne paraît pourtant pas suffisamment prise en compte.

La représentativité suppose que les prélèvements aient lieu au bon endroit, sur des aquifères, des cours d'eau ou des masses d'eau identifiées, que les pressions anthropiques aient été analysées (pression agricole, urbaine, industrielle...) et que les paramètres aient été sélectionnés. Cette sélection suppose un travail d'analyse complexe. La difficulté est souvent contournée par une dérive « statisticienne » qui consiste à mesurer, un peu partout et n'importe comment, à produire des statistiques, à surinformer au lieu d'informer, à privilégier le nombre et l'anecdote au détriment de l'analyse.

L'une des questions pratiques concerne, par exemple, la densité des points de mesure. Faut-il un point par 10, par 100, par 1.000 km2 ? Poser la question en ces termes est déjà être sûr de se tromper, puisque tout va dépendre de la nature des nappes. Une nappe homogène, avec une seule pression anthropique homogène (forêt, ville) peut être raisonnablement suivie par une mesure. En revanche, dans le cas de nappes issues de milieux chahutés, avec des écoulements préférentiels, à proximité de sites polluants, les sites d'observation doivent être plus nombreux. Tout doit dépendre du milieu et des pressions en surface. Il n'y a donc pas de densité unique. Le nombre de mesures doit s'adapter au milieu et être d'autant plus important que la variabilité est grande.

Des observations similaires s'appliquent aux analyses.

2. La fréquence des analyses

Le SEQ eaux souterraines prévoit une fréquence minimale de prélèvements variable selon les paramètres, mais fixée au minimum à deux par an, une en hautes eaux (printemps), une en basses eaux (début de l'automne). Cette périodicité donne souvent prise à la critique. Cette constatation doit être discutée.

D'une part, l'importance de certaines pollutions est variable dans le temps et dans l'espace. C'est le cas des pollutions d'origine agricole liées aux cultures (nitrates et pesticides). L'impact sur les cours d'eau, quasi immédiat, doit être analysé après les périodes d'épandage. La variation dans les eaux souterraines est moins importante. Autant le reconnaître, certaines altérations ou certaines pollutions échappent largement aux analyses des réseaux traditionnels. C'est le cas lorsque les contaminations sont ponctuelles, associées à des événements imprévisibles. La turbidité, par exemple, est très dépendante des fortes pluies (par exemple en Normandie et Pays de Caux) ; les contaminations bactériologiques sont presque toujours ponctuelles (décomposition d'un animal mort, contamination fécale à la suite d'un accident du réseau d'évacuation des eaux usées...). La programmation des relevés dans le temps, de plus en plus automatique, ne peut évidemment prendre en compte tous les incidents possibles.

D'autre part, il arrive que la nature du polluant empêche toute analyse exhaustive. C'est le cas des pesticides. Il n'est guère possible d'analyser la centaine de molécules différentes utilisées. Une sélection doit être faite.

Ces caractéristiques sont telles que les réseaux d'observation présentent nécessairement des lacunes. Aucun n'est parfait, incontestable. Cette caractéristique doit être connue et acceptée. Lorsqu'une dégradation apparaît, la facilité et la pression médiatique poussent au contraire à multiplier les mesures, à produire des statistiques. La pratique et l'analyse montrent pourtant qu' « on ne gagne que très peu d'informations en multipliant le nombre de points et la fréquence des prélèvements ».

D'ailleurs, la fréquence des mesures a beaucoup moins d'importance que leur permanence . Les mesures doivent s'inscrire dans la durée, qui seule permet de déterminer des tendances et des comparaisons. Dix ans est un minimum compte tenu des variations climatiques interannuelles. On commence à être sur des tendances et à pouvoir les interpréter au bout de vingt ans.

3. L'appréciation des analyses

Sous réserve d'une sélection pertinente et d'une fréquence adaptée des prélèvements, les analyses de laboratoires permettent d'observer la présence de pollutions ou d'altérations. Leur évaluation est une autre étape, qui pose deux difficultés supplémentaires.

La première difficulté est celle de la synthèse d'éléments disparates. Les responsables politiques doivent, à ce propos, éviter deux écueils.

Ils doivent en premier lieu se garder des chapelles. Les études sur l'eau sont innombrables et d'autant plus nombreuses qu'elles émanent de spécialistes... de plus en plus spécialisés (hydrogéologie, biologie, santé...). Toutes les réglementations sur l'eau sont aussi marquées par le sceau d'une spécialité dominante (la directive cadre européenne est un parfait exemple de ce type de travers, avec une nette faveur accordée aux eaux de surface pour lesquelles les dispositions sont incontestablement plus précises que pour les eaux souterraines et une tendance à privilégier la biologie et l'étude des écosystèmes). Une synthèse suppose une pondération entre altérations qui n'ont ni la même incidence, ni la même gravité, ce qui suppose aussi un arbitrage entre compétences.

Les élus doivent en second lieu se garder des modes. L'opinion est sensible aujourd'hui à la dégradation nitrates et pesticides. Il existe pourtant bien d'autres risques sur lesquels il y a moins de données, moins de communication, mais qui sont tout autant préoccupantes : l'intrusion marine (pour les nappes côtières), l'eutrophisation (pour les cours d'eau), les contaminations bactériennes sont des risques certainement plus importants, les métaux dans les grandes régions industrielles et minières.

Une fois la synthèse effectuée, l'appréciation suppose in fine un jugement qualitatif. La qualité de l'eau doit être classée ; selon deux, quatre, cinq classes. Le passage de l'une à l'autre classe (bon à passable, médiocre à mauvais...), connu comme « la question des seuils » est évidemment un enjeu fondamental. Il importe, par exemple, que les seuils d'alerte des dégradations soient fixés suffisamment bas compte tenu des délais de réponse des eaux souterraines aux pollutions en surface, mais aussi, à des niveaux raisonnables pour ne pas supprimer toute activité en surface, notamment toute activité agricole. La plupart des seuils ont été discutés au cours des différentes versions du Seq eaux. Ils le sont toujours pour l'élaboration de la future « directive fille » relative aux eaux souterraines. Ils le seront encore davantage lorsque les seuils s'appliqueront aux dix nouveaux Etats membres.

4. La visualisation des données

Une fois ce travail réalisé, le stade suivant concerne la communication. Cette communication est aujourd'hui généralement assurée par deux méthodes : la cartographie et les codes couleurs. La représentation des milieux (un cours d'eau, une nappe, un captage...), par classes et par couleur est une pratique simple et usuelle. A cinq classes correspondent cinq couleurs, souvent du bleu (bon état ou très bonne qualité) au rouge (mauvais état ou très mauvaise qualité).

Si la lecture est incontestablement facilitée par ce mode de communication, on ne saurait assez mettre en garde chacun contre cet effet visuel écrasant et trompeur. Une carte de qualité est moins un état de qualité qu'un état des efforts de mesure, une photographie qui exige un mode de lecture et qui demande une grande rigueur et une interprétation. Il est parfaitement possible de multiplier les points bleus (où tout est bon) ou les points rouges (où tout est mauvais) en choisissant de multiplier les mesures dans certains lieux. De telles cartes ont un sens (c'est même leur but principal, puisqu'elles sont confectionnées pour démontrer, pour rassurer ou au contraire inquiéter), mais elles n'ont évidemment aucune valeur scientifique.

On ne saurait trop recommander une grande prudence. Le lecteur devrait se poser plusieurs questions élémentaires : les points de mesure sont-ils représentatifs ? Toutes les analyses ont-elles été reportées ? Les données de deux périodes différentes sont-elles comparables ? La confection et plus encore la lecture d'une carte de qualité sont exigeantes.

La meilleure, ou la moins mauvaise, des représentations graphiques devrait comporter quatre données :

- le respect des normes réglementaires, s'il y en a,

- le classement hiérarchique des eaux par classe de qualité,

- l'évolution des altérations.

- une comparaison avec les masses d'eau voisines et/ou celles de l'ensemble du bassin.

Respect des normes, hiérarchie et évolution permettent d'apprécier une qualité d'eau. On observera, pour le déplorer, que très peu d'institutions font cet effort de présentation.

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