N° 48

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant règlement définitif du budget de 2003 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jegou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1699, 1789 et T.A. 326

Sénat : 2 (2004-2005)

Lois de règlement.

INTRODUCTION

Le présent projet de loi de règlement n'est pas le dernier à relever de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 mais il s'inscrit dans le compte à rebours de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui devrait réévaluer le rôle de la loi de règlement dans le processus budgétaire.

Traditionnellement, la loi de règlement est un moment de vérité budgétaire.

1°) Vérité des déficits et de la dette , d'abord .

C'est à ce moment de la procédure budgétaire que, quittant le domaine des prévisions, on peut faire le point de la situation financière de l'Etat. A cet égard, l'année 2003 restera dans les annales comme celle de l' année de tous les dangers budgétaires .

Face à une croissance qui se dérobait et à la volonté, légitime, du gouvernement de ne pas ajouter « la crise à la crise » et émettre de signaux contreproductifs en augmentant les impôts, il a fallu se contenter d'appliquer le respect des plafonds de dépenses votés par le Parlement.

Les dépenses ont été tenues et il s'agit d'un résultat remarquable qu'il faut mettre à l'actif du gouvernement à un moment où s'exercent sur lui de multiples pressions pour accroître les interventions publiques. Il n'en reste pas moins que les comptes de l'Etat se sont détériorés au point que la France se trouve comme votre commission des finances l'a signalé au début du mois de mai 2004, en état d'urgence financière. 1 ( * )

La reprise économique annoncée, au demeurant fragile, ne vient pas contredire un tel diagnostic. Les premiers éléments de la gestion 2004, s'ils laissent anticiper une réduction substantielle des déficits publics aux alentours de 3,6 % du produit intérieur brut ne nous dispensent pas d'un effort de maîtrise de la dépense publique à moyen terme, qui seul pourra gager la nécessaire diminution des prélèvements obligatoires.

La controverse autour des délocalisations témoigne clairement de ce que l'action de l'Etat est un facteur clef dans la compétition mondiale. C'est à lui qu'incombe la responsabilité de mener les politiques qui permettront à nos entreprises d'être compétitives ; c'est à lui aussi qu'il revient de ne pas prélever plus que nécessaire sur la richesse produite par les agents économiques privés.

2°) Vérité des priorités de l'Etat , ensuite.

Le débat budgétaire concerne essentiellement des prévisions et des projets. La loi de règlement est là pour nous ramener à la réalité des dépenses et à la hiérarchie des priorités effectives du gouvernement. Il y a les objectifs affichés et proclamés, il y a aussi les choix et les arbitrages tels qu'ils résultent de la régulation budgétaire qui vient mettre en oeuvre, de façon souvent clandestine, le principe de réalité budgétaire .

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances en 2003 que cette institution présente au Parlement pour l'éclairer dans le vote du projet de loi de règlement donne un certain nombre d'exemples de ce décalage entre les intentions et les actes budgétaires .

Mais l'examen du projet de loi de règlement est aussi l'occasion de tirer les leçons de la pratique budgétaire. Telle est la raison pour laquelle le présent rapport comporte un certain nombre de réflexions méthodologiques sur la façon dont sont établis les comptes de l'Etat.

Il s'agit d'attirer l'attention sur un certain nombre de pratiques qui, sans être nécessairement critiquables en elles-mêmes, altèrent la signification des chiffres portés à la connaissance du Parlement. A cet égard, le présent rapport relève que la croissance des dépenses de personnel est sans doute plus forte que ne le laissent apparaître les chiffres bruts du budget.

3°) Vérité des performances des services , enfin.

L'exécution budgétaire devient un exercice de plus en plus contraint : les mêmes causes produisant les mêmes effets, on voit se manifester, chaque année un peu plus, les inconvénients d'une stricte régulation des dépenses par le moyen de décisions administratives.

Ces observations sont bien entendu importantes dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) même si, ainsi qu'on l'a déjà rappelé, le présent projet de loi de règlement n'est pas le dernier à être régi par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, celle-ci continuant de s'appliquer aux comptes 2005.

Le projet de loi de règlement pour 2003 s'inscrit dans une phase de transition qui devrait progressivement redonner son importance à cette étape de la procédure budgétaire, dès lors que c'est à ce stade que l'on pourra, non seulement, comme aujourd'hui, faire le constat de la situation financière de l'Etat mais également juger des performances de l'action administrative .

Il ne s'agit pas seulement par le présent rapport de procéder à un constat aussi simple qu'inquiétant, celui d'une dégradation sans précédent de nos finances publiques ; c'est aussi l'occasion pour votre commission des finances d'évoquer certaines questions de fond comme celle de la limite des politiques de régulation budgétaire massive que le gouvernement a dû courageusement mettre en oeuvre.

La question doit être posée de savoir s'il ne vaudrait pas mieux pratiquer une politique de vérité des dotations disponibles dès le stade du vote du Parlement, plutôt que de laisser le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie se faire l'exécuteur des basses oeuvres budgétaires, au risque de désorganiser et de démotiver du fait de la nécessaire brutalité de ses méthodes, une administration qui a besoin de visibilité pour être pleinement efficace.

On a des raisons de penser que la recherche de la performance qui devrait résulter de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances devrait amener les pouvoirs publics à prendre plus nettement leurs responsabilités au moment du vote de la loi de finances initiale.

Sous réserve de ses observations, votre commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter conformes les articles et l'ensemble du présent projet de loi de règlement, lui-même déjà adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

I. DU BUDGET INITIAL À LA LOI DE RÈGLEMENT 2003

L'année 2003 a connu une détérioration particulièrement grave de nos finances publiques. Faute d'un assainissement en profondeur en période de croissance, celles-ci se sont révélées vulnérables à un retournement aussi brutal qu'inattendu de la conjoncture.

Trente années de déficit ont fragilisé le budget de l'Etat et c'est ce qui explique largement la mauvaise performance de la France en 2003, qui se place au denier rang de la zone euro, alors même que le ralentissement de la croissance y a été plus modéré qu'en Allemagne, au Pays-Bas ou au Portugal.

La dégradation des comptes publics, dont on va retracer les différentes étapes, tient largement au recul des recettes, qui, à chaque étape, a creusé un peu plus le déficit, en dépit de l'effort du gouvernement pour contenir les dépenses .

A. LA STAGNATION DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE EN 2003

Ainsi que l'indiquait votre rapporteur général lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2003, les prévisions du gouvernement pour l'année 2003 ne prenaient pas en compte les évolutions récentes de la conjoncture. Alors que la prévision de croissance du PIB présentée par le gouvernement était de 2,5 % , le taux de croissance anticipé par le consensus des conjoncturistes au moment de la discussion budgétaire, était de 2 %.

Cependant, cet optimisme n'explique que dans une faible proportion l'erreur de prévision du gouvernement. En effet, ce sont l'ensemble des économistes qui ont fortement surestimé la croissance du PIB en 2003, qui n'a été que de 0,5 %. Cette erreur collective s'explique par l'appréciation de l'euro par rapport au dollar et, surtout, par le conflit irakien.

1. La situation à l'automne 2002

a) Une prévision de croissance légèrement supérieure au consensus des conjoncturistes

Si, au mois de septembre 2002 les prévisions du gouvernement étaient légèrement plus favorables que celles des principaux conjoncturistes, elles pouvaient sembler volontaristes au moment de la discussion du projet de loi de finances initiale. En effet, selon les principaux conjoncturistes, réunis au sein de la commission économique de la Nation, la croissance ne devait être en 2003 que de 2 % , contre 2,5 % selon le gouvernement.

A une exception près 2 ( * ) , les prévisions de croissance pour 2003 étaient comprises entre 1,7 % et 2,5 %, comme l'indique le graphique ci-après.

Les prévisions de croissance de l'économie française pour 2003 (octobre 2002)

(en points de PIB)

Source : commission économique de la Nation

b) Des aléas particulièrement importants, alors soulignés par votre rapporteur général

Comme le faisait alors remarquer votre rapporteur général, le scénario du gouvernement supposait que certains risques - fortement dépendants de l'évolution de la situation au Proche-Orient - ne se réalisent pas .

L'on relève, en effet, par rapport à ces dernières :

- un prix du pétrole plus élevé que prévu ;

- une dépréciation du dollar substantielle ;

- et une croissance de nos partenaires relativement faible.

* 1 Rapport d'information n° 291 (2003-2004).

* 2 La prévision de L'Expansion, particulièrement basse, s'expliquait par le fait que cet organisme prévoyait une croissance nulle aux Etats-Unis (contre plus de 2 % selon le consensus), consécutive à un mouvement de désendettement des entreprises et des ménages.

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