Rapport n° 198 (2004-2005) de M. André VANTOMME , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 16 février 2005

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N° 198

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' annexe V au protocole au traité sur l' Antarctique , relatif à la protection de l' environnement , protection et gestion des zones ,

Par M. André VANTOMME,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 429 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Antarctique a été aperçu pour la première fois en 1820 par Fabian von Bellingshausen et est vite devenu l'objet d'une sévère compétition internationale.

Pourtant, lorsque Ross, Dumont d'Urville et Wilkes ont mené les premières grandes expéditions scientifiques en Antarctique, il n'était pas encore question de rivalités entre pays. On louait alors le courage d'initiatives individuelles face à l'environnement hostile du continent blanc.

Toutefois, le continent antarctique a rapidement fait l'objet de convoitises de la part des différents pays qui y sont intervenus. Une arrière-pensée économique a dès le départ guidé ces revendications (la chasse des phoques et de baleines d'abord, puis la richesse piscicole des eaux de l'océan antarctique, et enfin les hypothétiques richesses minières, voire touristiques). Les principaux protagonistes de cette lutte ont été les Britanniques, les Chiliens, les Argentins, les Norvégiens, les Néo-Zélandais, les Australiens et les Français.

Au fil des années, les Etats cherchant à s'approprier l'Antarctique ont tenté d'affirmer leur présence à travers une série d'actions allant de la mesure administrative à l'occupation du terrain : décrets, permis de pêche et de chasse, actes de délimitation territoriale, nomination de responsables du courrier, missions d'exploration, relevés cartographiques et topographiques, commémorations historiques et établissement de bases scientifiques.

Les intérêts économiques des différents « occupants » ont fini par rendre nécessaire la mise en place d'une juridiction territoriale, assortie de traités pour la protection de l'environnement.

Aujourd'hui, on peut ainsi définir le continent antarctique : un espace vierge, témoin d'équilibres naturels encore très peu affectés par les activités humaines, une source de mémoire du climat mondial dans ses neiges et ses glaces, un point d'observation irremplaçable pour certains phénomènes atmosphériques ou climatiques, et un milieu extrême dans lequel la vie a pu néanmoins s'adapter.

C'est pourquoi il était indispensable qu'il soit le seul continent qui échappe à la juridiction classique des Etats, ce qui permet de résoudre les problèmes de rivalités entre pays.

I. LE TRAITÉ SUR L'ANTARCTIQUE

En effet, le Traité sur l'Antarctique, conclu à Washington le 1 er décembre 1959, a conféré à ce continent un régime international unique en son genre, fondé sur trois éléments 1 ( * ) :

- ce traité fait de l'Antarctique une région démilitarisée, où sont également interdits les essais nucléaires et l'élimination des déchets radioactifs ;

- d'autre part, il gèle toutes les revendications territoriales existantes et prohibe toute nouvelle prétention aussi longtemps que le traité sera en vigueur. Sur ce point, le Traité de Washington a institué un régime de coopération internationale original, qui place tous les Etats à égalité ;

- enfin, il pose des principes qui garantissent la liberté de la recherche scientifique ainsi que la coopération internationale à cette fin, sur l'ensemble des terres et glaces situées au sud du 60 ème degré de latitude sud.

Aux termes de ce traité initial, aujourd'hui signé par 44 pays 2 ( * ) , les revendications de souveraineté en Antarctique exprimées par les Etats dits « possessionnés », dont la France pour ce qui concerne la Terre-Adélie, sont compatibles avec un régime de coopération internationale en matière de recherche scientifique. Il place à égalité tous les Etats Parties au traité, qu'ils soient possessionnés ou non. C'est à eux qu'il incombe de gérer et de co-administrer la zone du traité dans le cadre des réunions annuelles des Parties consultatives. Parmi les quarante-quatre Etats Parties au traité, vingt-sept, dont la France, bénéficient du statut privilégié de Parties dites « consultatives », seules titulaires d'un droit de vote lors des réunions des Parties consultatives.

A la suite du Traité de l'Antarctique, des dizaines de recommandations ont été adoptées, certaines renforcées par des Conventions visant notamment à la conservation des ressources biologiques (mammifères marins, oiseaux, poissons, krill 3 ( * ) , flore, etc.).

On peut citer par exemple :

- la Convention de Londres du 1er juin 1972 assure la protection des phoques dans l'Antarctique par un système de gestion permettant que les prises ne dépassent pas le niveau optimal admissible,

- la Convention internationale sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique a été adoptée lors de la conférence diplomatique qui s'est tenue à Canberra (Australie), le 20 mai 1980.

II. LE PROTOCOLE DE MADRID

En outre, devant la nécessité de protéger cette terre, dernier bastion de la vie sauvage, les pays membres du Traité sur l'Antarctique ont signé, le 4 octobre 1991, le Protocole de Madrid. C'est un protocole relatif à la protection de l'environnement. Les nations signataires de ce protocole s'engagent à assurer la protection globale de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés. L'Antarctique est désignée comme une « réserve naturelle consacrée à la Paix et à la Science ».

Ratifié par la France en 1992, ce protocole est entré en vigueur avec ses quatre premières annexes le 14 janvier 1998.

Le Protocole de Madrid édicte une interdiction absolue, pour une durée de 50 ans, d'exploiter les ressources minérales de l'Antarctique, et encadre strictement les conditions dans lesquelles il pourra être mis fin à ce moratoire. L'objectif poursuivi consiste en la protection de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés :

- à cette fin, l'article 2 du protocole fait du continent austral une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ;

- aux termes de l'article 3-1, il est stipulé que la protection de l'environnement en Antarctique et des systèmes dépendants et associés, ainsi que la valeur intrinsèque de l'Antarctique, constituent des éléments fondamentaux à prendre en considération dans l'organisation et la conduite de toute activité dans la zone du traité.

Le protocole fait obligation aux Parties de prendre les mesures appropriées pour garantir le respect de ses dispositions, et de les notifier aux autres Parties (article 13). Il comporte des obligations nouvelles et importantes pour la France, et sa mise en oeuvre implique des dispositions de nature législative, tant du fait du statut international spécifique de l'Antarctique, que de la nécessité d'édicter des sanctions pénales en cas d'infraction aux dispositions les plus importantes prises pour la protection de l'environnement.

La concrétisation de ce devoir général de protection de l'environnement est assurée par les autres dispositions du Protocole de Madrid et de ses 5 annexes qui définissent le cadre des procédures relatives respectivement à :

- l'évaluation d'impact sur l'environnement des activités menées en Antarctique (annexe I),

- la conservation de la faune et de la flore (annexe II),

- l'élimination et la gestion des déchets (annexe III),

- la prévention marine (annexe IV),

- la protection et la gestion de certaines zones en Antarctique (annexe V),

Ce protocole sur l'environnement interdit les activités relatives aux ressources minérales, autres que celles menées à des fins scientifiques (il n'y pas de limite dans le temps, pendant la période qui s'écoule jusqu'à 50 ans après l'entrée en vigueur du Protocole de Madrid, on peut en effet lever l'interdiction des activités relatives aux ressources minérales mais l'unanimité des Etats est alors exigée) et instaure un « système global » de protection du milieu naturel. Il s'agit des règles les plus strictes de conservation et de gestion de l'environnement (dépôt des déchets, collecte d'échantillons, construction, activités touristiques, etc.) édictées à ce jour. Elles couvrent la totalité des activités humaines en Antarctique et prévoient, entre autres, des plans d'urgence pour combattre les pollutions marines et protéger la faune et la flore. Aucune extraction, aucune prospection minière ou pétrolière n'est autorisée, sauf à des fins scientifiques.

Le protocole incite les nations qui occupent le territoire antarctique à ne pas abandonner leurs déchets et bâtiments inoccupés sur place.

Conformément à ce qu'exige le Protocole de Madrid, la France a adopté des mesures appropriées « pour garantir le respect du Protocole » (art.13 du Protocole de Madrid). Elle a ainsi adopté la loi du 15 avril 2003 relative à la protection de l'environnement en Antarctique.

III. L'ANNEXE V DU PROTOCOLE

Aujourd'hui, le Parlement doit se prononcer précisément sur l'approbation de l'annexe V au protocole de Madrid qui a été adoptée séparément du protocole et de ses quatre premières annexes.

L'annexe V relative à la protection et la gestion des zones a été adoptée deux semaines après le traité de 1991. Elle devait être ratifiée séparément. Elle est entrée en vigueur le 24 mai 2002 (rapport final de la Vingt-cinquième réunion consultative -Varsovie 2002-). En effet, seule son approbation par les parties consultatives, et non sa ratification, est exigible pour son entrée en vigueur. Toutes les autres Parties consultatives 4 ( * ) (dont désormais l'Ukraine) au Traité sur l'Antarctique plus la Roumanie ont signé l'Annexe V et l'ont ratifiée.

Celle-ci a pour objet la création et la gestion de deux grandes catégories de zones sur le continent antarctique qui concernent précisément l'environnement et la recherche scientifique ainsi que le règlement des éventuels conflits.

- Les « zones spécialement protégées de l'Antarctique », destinées à protéger des valeurs environnementales, scientifiques, historiques ou esthétiques exceptionnelles, ou l'état sauvage de la nature, ou la recherche scientifique en cours ou programmée (article 3). L'accès à une telle zone est interdit à toute personne non munie d'un permis délivré, aux termes de l'article 7, par une autorité compétente désignée par chaque Partie.

Il convient d'apporter quelques précisions relatives aux autorités qui ont le droit de vérifier que les permis d'accès aux « zones spécialement protégées de l'Antarctique » et à la façon dont ce contrôle est organisé.

Conformément au Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement en Antarctique (Madrid, 1991), certaines activités ne peuvent être envisagées que lorsqu'un permis aura été obtenu. Tel est le cas, par exemple, de la prise de faune ou de flore indigènes et de l'entrée dans une « zone spécialement protégée de l'Antarctique » (ZSPA).

Dans les deux cas, le Protocole de Madrid précise que le permis est « une autorisation écrite formelle délivrée par une autorité compétente »6. Le Protocole de Madrid précise que l'expression « autorité compétente » désigne « toute personne ou organisme autorisé par une Partie à délivrer des permis conformément » à l'Annexe II du Protocole de Madrid sur la conservation de la faune et de la flore de l'antarctique7. Seul un permis délivré par une autorité nationale compétente conformément aux dispositions du plan de gestion peut lever l'interdiction d'entrer dans les « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA). En conséquence, chaque Partie au Protocole de Madrid désigne une autorité compétente pour délivrer des permis autorisant l'accès à une des « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA).La gestion des zones répondra aux règles adoptées dans un plan de gestion.

Par la loi du 15 avril 2003, la France a mis en oeuvre le Protocole de Madrid. Toute activité qui sera menée en Antarctique fera l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation préalable. La loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des modalités d'application du régime de déclaration préalable et d'autorisation. Il déterminera, notamment, les autorités compétentes pour la délivrance des autorisations, le contenu et les modalités de mise en oeuvre de l'évaluation préalable d'impact et la procédure applicable aux déclarations et aux demandes d'autorisation.

Le Projet de décret portant application de la loi n° 2003-347 du 15 avril 2003 relative à la protection de l'environnement en Antarctique prévoit que l'Administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises statue sur les demandes de permis au titre de l'annexe V. Le projet de décret prévoit que sont soumises à autorisation « les activités relatives à la pénétration dans une zone spécialement protégée de l'Antarctique ou une zone spéciale de l'Antarctique au sens de l'annexe V du protocole de Madrid ».

Dès 1991, les Parties consultatives ont précisé qu'il revient à l'autorité compétente pour délivrer le permis d'exiger que l'activité planifiée soit conforme à toutes les dispositions du Protocole de Madrid avant la délivrance de celui-ci (paragraphe 94, du Rapport final de la Seizième réunion consultative, Bonn, 1991). En conséquence, il appartient aux Etats de désigner quelles sont les autorités compétentes pour octroyer un permis. Il semble donc qu'il appartient aux Etats de vérifier également le respect des dispositions du Protocole de Madrid.

On doit rappeler que, comme le Protocole est mis en oeuvre à l'échelle mondiale et que les autres parties au Protocole ont instauré des processus d'autorisation, et afin d'éviter les chevauchements lorsqu'un permis est requis, un permis ou une autorisation écrite équivalente d'une autre partie au Protocole peut remplacer un permis exigé par les autorités françaises.

Les activités autorisées par un autre Etat partie au Protocole de Madrid n'auront pas besoin de faire l'objet d'une déclaration préalable ou d'une autorisation. N'importe quelle activité est ainsi concernée. Ce principe de réciprocité se justifie par la coopération qui reste le principe régissant les relations entre les Etats parties. L'article 7, §5 du Traité sur l'Antarctique exige des Etats parties donner notification préalable « de toutes les expéditions se dirigeant vers l'Antarctique ou s'y déplaçant, effectuées à l'aide de ses navires ou par ses ressortissants, de toutes celles qui seront organisées sur son territoire ou qui en partiront ; de l'existence de toutes stations occupées dans l'Antarctique par ses ressortissants et de son intention de faire pénétrer dans l'Antarctique du personnel ou du matériel militaires quels qu'ils soient ».

Ce système devrait permettre à la France de connaître des autorisations accordées par un autre Etat partie et donc de ne pas exiger de ceux qui envisagent des activités dans la zone du Traité sur l'Antarctique une nouvelle autorisation ou déclaration.

Le Traité sur l'Antarctique ne prévoit pas d'autorité supranationale pas plus que ne le fait le Protocole de Madrid. Il appartient donc à chaque Etat de définir les autorités compétentes pour octroyer un permis. Le permis est une autorisation accordée par une autorité compétente. Dans la mesure où les permis seront octroyés par l'Administrateur des Terres australes et antarctiques françaises, si un permis est considéré comme non valide, on pourrait très bien envisager un contrôle de légalité par la voie du recours pour excès de pouvoir ou par celle de l'exception d'illégalité.

S'il s'agit de vérifier sur le site l'existence d'un permis, il semble que le chef de district soit compétent. En effet, les attributions des Chefs de circonscriptions administratives dans le Territoire des Terres australes et antarctiques françaises ont été définies par l'Administrateur supérieur en 196310. Dans sa circonscription administrative, il est le délégué permanent du Chef du territoire, à savoir l'Administrateur supérieur. Les pouvoirs des chefs de districts sont fixés par arrêtés de l'Administrateur supérieur.

Il appartient à chaque Partie proposant la désignation d'une « zone spécialement protégée de l'Antarctique » (ZSPA) ou d'une « zone gérée spéciale de l'Antarctique » (ZGSA) de définir la protection environnementale dans la zone. Son projet est soumis au Comité pour l'environnement et à l'approbation de la réunion consultative. Chaque partie doit alors exiger de ses nationaux de respecter les protections des « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) à travers des procédures nationales. De ce fait, les exigences de l'annexe d'un échange d'informations11 représentent un trait important pour évaluer la conformité.

L'Annexe V du Protocole de Madrid prévoit un mécanisme d'échange d'informations. L'article 10 de l'Annexe V développe les procédures à suivre pour l'échange d'informations. Ainsi, les Parties devront avant le 30 novembre de chaque année s'informer les unes les autres et informer le Comité pour la protection de l'environnement du nombre de permis d'entrer dans une « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) délivrés, des mesures prises pour mettre en oeuvre l'annexe V et de toutes les inspections/visites de zones protégées.

De plus, les Etats parties incluront dans l'échange d'information annuel du Traité sur l'Antarctique des descriptions sommaires des activités entreprises dans les « zones spécialement protégées de l'Antarctique » (ZSPA) et les « zones gérées spéciales de l'Antarctique » (ZGSA).

La France a présenté un plan de gestion révisée à la Vingt-sixième réunion consultative (Madrid, 2003). Un rapport de visite est exigé. Il sera mis à la disposition du public.

De plus, le Protocole de Madrid prévoit que « chaque Partie déploie les efforts appropriés, compatibles avec la Charte des Nations unies, afin que nul ne s'engage dans une activité quelconque qui soit contraire au [...] protocole ». Les Etats ont ainsi une obligation de contrôle de toutes les activités antarctiques. L'obligation s'applique en toute circonstance, même en l'absence de dommage. Le Protocole de Madrid ne précise pas plus quels sont les « efforts appropriés ». Il suffit juste qu'ils soient compatibles avec la Charte des Nations Unies. L'arsenal qui est ainsi à la disposition des Etats parties est vaste. Ces mesures sont diverses. L'idée d'« effort » semble encore plus large. Les Parties consultatives ont ici un rôle précis en cas de non-respect des dispositions du Protocole de Madrid. Les réunions consultatives sont chargées d'appeler l'attention de tout Etat qui n'est pas Partie au Protocole de Madrid « sur toute activité de cet Etat, de ses organismes, entreprises publiques, personnes physiques ou morales, navires, aéronefs ou autres moyens de transport, qui porte atteinte à la mise en oeuvre des objectifs et principes du présent Protocole ».

Le Protocole de Madrid précise que lorsqu'un Etat adopte de telles mesures, il le notifie à tous les autres Etats parties (article 13, paragraphe 3). Pour qu'une telle procédure ait un effet certain, un schéma d'information est prévu : chaque Partie appelle l'attention de toutes les autres Parties sur toute activité qui, selon elle, porte atteinte à la mise en oeuvre des objectifs et principes du protocole. Les réunions consultatives donnent alors lieu à des échanges de vues approfondis sur la mise en oeuvre du Protocole de Madrid.

Les réunions consultatives jouent un rôle important dans la coordination à mener entre les zones protégées antérieures à l'Annexe V et les zones protégées adoptées depuis l'entrée en vigueur du Protocole de Madrid.

On peut également rappeler que les annexes font partie intégrante du Protocole de Madrid. En conséquence, leur respect par les Etats parties peut être contrôlé dans le cadre du mécanisme d'inspection établi en 1959 par le Traité sur l'Antarctique. En effet, le Protocole de Madrid prévoit qu' « afin de promouvoir la protection de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés, et d'assurer le respect du présent Protocole, les Parties consultatives au Traité sur l'Antarctique prennent, individuellement ou conjointement, des dispositions pour procéder à des inspections qui seront effectuées par des observateurs conformément à l'article VII du Traité sur l'Antarctique ».

Des observateurs peuvent donc être désignés. Ils auront accès à « toutes les régions de l'Antarctique, toutes les stations et installations, tout le matériel s'y trouvant, ainsi que tous les navires et aéronefs aux points de débarquement et d'embarquement de fret ou de personnel dans l'Antarctique »16. Ils préciseront dans leurs rapports rendus publics les violations au traité. En conséquence le respect de l'Annexe V du Protocole de Madrid est assuré par les garanties classiques offertes dans le système du Traité sur l'Antarctique : un mécanisme d'échange d'information et un mécanisme d'inspection.

- Les « zones gérées spéciales de l'Antarctique » visent, quant à elles, à faciliter la planification et la coordination des activités, à éviter d'éventuels conflits et à améliorer la coopération entre les Parties impliquées dans ces zones, tout en minimisant les répercussions sur l'environnement (article 4).

On peut essayer de donner des exemples concrets des conflits visés par cet article 4.

Certes, la France n'ayant pas de zone gérée spéciale en Antarctique , nous n'avons pas d'expérience particulière dans ces "ASMA" (Antarctic Specially Managed Areas). Toutefois, par exemple, une ASMA peut être créée sur un site où deux ou plusieurs stations de nations différentes coexistent. Il y a alors un plan de gestion qui définit les utilisations du site par les uns et par les autres, et généralement, ce plan de gestion contient également un code de conduite qui aide à aplanir les éventuelles difficultés de cohabitation et à encourager les coopérations internationales, notamment en matière de recherche scientifique: ce sont probablement les « éventuels conflits » mentionnés à l'article 4.

On pourrait imaginer par exemple que deux équipes de recherche souhaitent travailler sur une même colonie d'oiseaux et que leurs recherches soient incompatibles. L'ASMA crée donc, par son plan de gestion, une possibilité de concertation, de planification et de collaboration des activités.

De même, on parle beaucoup des effets cumulatifs des activités humaines. Une ASMA permet d'avoir une meilleure visibilité des activités des uns et des autres et donc d'envisager de les coordonner pour réduire les impacts sur l'environnement.

L'exemple le plus démonstratif est celui de Deception Island, où cohabitent les pays suivants : Argentine, Chili, Norvège, Espagne et Royaume-Uni.

Qu'il s'agisse d'une zone de la première ou de la deuxième catégorie, sa création résulte d'une initiative d'une partie « consultative », définie précédemment, ou d'une des institutions du « système Antarctique » (Comité pour la protection de l'environnement, Comité scientifique pour la recherche en Antarctique, Commission pour la protection de la faune et de la flore marines de l'Antarctique).

Elle est obligatoirement conditionnée par la soumission d'un plan de gestion du projet de zone à la conférence consultative du traité de l'Antarctique.

Il est important de souligner que l'article 5 de l'annexe précise les éléments indispensables qui doivent figurer dans le plan de gestion, les conditions de délivrance des permis d'accès aux « zones spécialement protégées » et le contenu du code de conduite devant être élaboré dans les « zones gérées spéciales » de l'Antarctique.

On peut également relever deux points intéressants :

- Les sites et monuments historiques peuvent constituer en eux-mêmes une « zone spécialement protégée », être situés à l'intérieur de telles zones, ou être proposés par une partie consultative pour être inscrits sur la liste des sites et monuments historiques quand leur valeur historique est reconnue, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'un zonage spécifique (article 8).

A titre d'exemple, la France a actuellement trois Sites et Monuments Historiques Antarctiques inscrits, relevant de l'article 8 de l'Annexe V du Protocole de Madrid reconnus en 1985 :

- les  bâtiments et installations à Port-Martin, Terre Adélie (66°49'S, 141°23'E). Construits en 1950 par la troisième expédition française, les bâtiments et installations permanentes de la base de Port-Martin ont été partiellement détruits du fait d'un incendie survenu durant la nuit du 23 au 24 janvier 1952.

- un bâtiment sur l' Ile des Pétrels, Terre Adélie (66°41'S, 140°01'E). Il s'agit d'une construction en bois appelée « Base Marret » où hivernèrent 7 hommes sous le commandement de Mario Marret en 1952 à la suite de l'incendie à la base de Port Martin.

- une croix sur l' Ile des Pétrels, Terre Adélie (66°41'S, 140°01'E), érigée au nord-est de l'île en mémoire de André Prudhomme, chef météorologue de la troisième expédition française entreprise à l'occasion de l'Année internationale de Géophysique et qui disparut durant une tempête le 7 janvier 1959.

Ces sites sont considérés comme représentatifs de cette partie de l'histoire de l'Antarctique appelée Ere Héroïque dont ils illustrent la phase finale.

Les TAAF (administration des terres australes et antarctiques françaises) ont un projet de demande de classement pour un autre site : Le rocher du débarquement (66°29'S et 138°21'E), site qui serait proposé comme «Lieu du débarquement en Terre Adélie par Dumont d'Urville et de prise de possession par la France» ou comme "Lieu du premier débarquement de l'Homme sur le continent antarctique". Pour l'instant, le projet de soumission n'est pas finalisé.

- Afin de préserver les individus, la faune et la flore de l'Antarctique, les restrictions définies par l'annexe V sont levées en cas d'urgence mettant en jeu leur sécurité (article 11).

CONCLUSION

En conséquence et compte tenu de ses nombreux aspects positifs pour la protection de l'environnement de l'Antarctique, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa séance du 16 février 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est inquiétée du développement du tourisme en Antarctique.

M. André Vantomme a précisé que ce tourisme était actuellement limité à environ 15.000 visiteurs par an, et essentiellement assuré par des navires de croisière qui évitent toute détérioration du continent. L'adoption de l'annexe V du protocole de Madrid renforcera cette protection.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 5 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones, adoptée à Bonn le 18 octobre 1991, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE I -
ETUDE D'IMPACT6 ( * )

Projet de loi autorisant la ratification de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement,
protection et gestion des zones

1. L'état de droit existant se résume à l'ensemble des conventions qui constituent le système antarctique et qui a été présenté dans l'exposé des motifs. Il est toutefois possible de citer en outre la recommandation XVIII-5 adoptée par la réunion consultative de 1994 relative au tourisme en Antarctique. Dans le droit national, certaines lois françaises pertinentes sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises , et, à ce titre, en Terre-Adélie : la loi n° 71-569 du 15 juillet 1971 fixant l'organisation administrative et judiciaire des TAAF et désignant des personnes habilitées à constater les infractions, et la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (pour l'essentiel, à présent codifiée notamment dans le code de l'environnement).

2. La mise en oeuvre de cette cinquième annexe nécessite un certain nombre de mesures à prendre, tant au niveau législatif qu'à un niveau réglementaire, de manière à assurer la conformité de notre droit à cette disposition :

- au niveau législatif : la transposition de cette annexe V au Protocole de Madrid dans le droit interne est d'ores et déjà assurée par la loi du 15 avril 2003 relative à la protection de l'environnement en Antarctique qui a pour objet de mettre en oeuvre le protocole de Madrid et ses cinq annexes. Cette loi est désormais codifiée dans le livre VII du code de l'environnement intitulé « protection de l'environnement en Antarctique ». Cette loi ne traite pas expressément de la question de la création et la gestion des zones spéciales, mais elle pose le principe général selon lequel « toute activité menée en Antarctique est soumise à déclaration préalable soit à autorisation » (article L. 711-2.II). Ce principe trouve à s'appliquer pour la gestion des zones en question. Enfin l'article L. 711-14 prévoit des sanctions pénales (amendes et peines d'emprisonnement) qui permettent d'assurer le strict respect de cette réglementation ;

- au niveau réglementaire : le décret d'application de cette loi est en cours d'élaboration. Il doit préciser notamment les autorités administratives susceptibles de se prononcer sur les demandes de permis nécessaires pour accéder à ces zones particulières et indiquer quelles sont les procédures qui doivent être conduites pour l'instruction de ces demandes. Vraisemblablement le régime des permis spéciaux requis pour ces zones à statut spécial sera proche de celui des permis nécessaires pour les prélèvements de faune et de flore (annexe II du protocole). Les permis seront délivrés par le ministre chargé de l'environnement après avis du Comité de l'environnement polaire et ils devront prendre en compte l'ensemble des conditions d'autorisation formulées dans l'annexe V. Enfin ses dispositions devront préciser comment s'opèrent les articulations entre les procédures nationales et les obligations de la France en sa qualité de Partie consultative vis-à-vis de la réunion consultative des Parties au traité sur l'Antarctique (procédure d'élaboration des zones, modalités d'information des autorisations accordées dans ce secteur d'activité).

ANNEXE II -
RÉSUMÉ DES 14 ARTICLES DU TRAITÉ SUR L'ANTARCTIQUE


Art. 1 : Seules sont autorisées les activités strictement pacifiques. Toute activité de caractère militaire est interdite. Il est néanmoins possible d'employer du personnel ou du matériel militaire à des fins scientifiques ou pacifiques.

Art. 2 :Liberté et priorité de la recherche scientifique menée en coopération comme pendant l'A.G.I.

Art. 3 : Incitation aux échanges d'informations scientifiques, de personnel, d'observations et de résultat.

Art. 4 : Neutralité absolue à l'égard des droits de souveraineté territoriale : renonciation, abandon, reconnaissance ou négation. Pendant la durée du traité, aucune activité ne pourra engendrer de nouveaux droits.

Art. 5 : Interdiction de toute explosion nucléaire ainsi que du dépôt de déchets radioactifs.

Art. 6 : La zone d'application du traité est celle située en-dessous du 60 e degré de latitude sud.

Art. 7 : Possibilité pour chaque pays participant de contrôler le respect des clauses du Traité sous toutes les formes et par tous les moyens.

Art. 8 : Le personnel chargé de telles inspections relève de la juridiction de son propre pays.

Art. 9 : Institution des réunions consultatives périodiques et fixation de leurs compétences, véritable organe législatif du Traité.

Art. 10 : Devoir d'empêcher par les mesures appropriées la violation des clauses du Traité par des tiers non membres.

Art. 11 : Règlement des litiges sur l'interprétation ou l'application du Traité.

Art. 12 : Durée du Traité. Conditions de modifications, amendement, révision éventuelle.

Art. 13 : Ratification du Traité. Entrée en vigueur. Adhésion de nouveaux membres.

Art. 14 : Rédaction du texte, langues de référence, dépôt et signatures.

ANNEXE III -
LISTE DES PAYS SIGNATAIRES DU TRAITÉ SUR L'ANTARCTIQUE

(en gras dans la liste les Parties consultatives)

• Afrique du Sud

• Allemagne

• Argentine

• Australie

• Autriche

• Belgique

• Brésil

• Bulgarie

• Canada

• Chili

• Chine

• Colombie

• Cuba

• Danemark

• Equateur

• Espagne

• Etats-Unis d'Amérique

• Finlande

• France

• Grèce

• Guatemala

• Hongrie

• Inde

• Italie

• Japon

• Norvège

• Nouvelle-Zélande

• Papouasie Nouvelle-Guinée

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* 1 Cf. annexe II

* 2 Cf. annexe III

* 3 Le mot Krill est utilisé par les baleiniers pour désigner les milliards d'animaux planctoniques qui constituent la nourriture des baleines. Le plus connu, Euphausa superba, ressemble à une crevette. Le krill est un des éléments constitutifs du plancton, vivant habituellement en banc. Il se déplace en fonction du phytoplancton dont il se nourrit.

* 4 Cf. Annexe III.

* 5 Voir le texte annexé au document Sénat n° 429 (2003-2004)

* 6 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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