Rapport n° 231 (2004-2005) de M. André VANTOMME , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 9 mars 2005

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N° 231

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 ars 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l' utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux,

Par M. André VANTOMME,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1349 , 1631 et T.A. 329

Sénat : 12 (2004-2005).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2004, autorisant l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux.

La Convention de 1992, ratifiée en 1998 par notre pays, a pour objectif de prévenir, de maîtriser et de réduire les rejets de substances dangereuses dans l'environnement aquatique et de diminuer la pollution du milieu marin d'origine tellurique, c'est à dire depuis les côtes.

Le protocole, adopté à Londres le 17 juin 1999 complète la convention de 1992, pour en élargir le champ d'application et en compléter les dispositions dans le domaine de la santé publique. Il définit un cadre juridique pour la protection de l'environnement et de la santé en relation avec la gestion des eaux.

Avant d'aborder les dispositions du Protocole, votre rapporteur rappellera brièvement les orientations de la Convention.


I. LA CONVENTION DE 1992 : UNE AMÉLIORATION DE LA GESTION DES EAUX TRANSFRONTIÈRES

A. LES PRINCIPES

La Convention s'appuie sur la nécessité d'une coopération transfrontière sur les ressources en eau. Elle vise à renforcer les mesures prises aux plans local, national et régional pour préserver et garantir une utilisation écologiquement durable des eaux de surface et des eaux souterraines transfrontières.

Les Etats parties à la convention s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées afin de prévenir, maîtriser ou réduire tout impact transfrontière affectant la santé et la sécurité de l'homme, sur la faune, la flore ou encore le sol.

Les Etats sont tenus de mener les actions nécessaires pour veiller à ce que les eaux transfrontières soient gérées d'une façon rationnelle et respectueuse de l'environnement, à ce que leur préservation et leur protection soient assurées et à ce que leur utilisation soit raisonnable et équitable.

La convention précise que les mesures de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution de l'eau doivent être prises, si possible, à la source.

Elle prévoit en outre l'application des principes de pollueur-payeur et du principe de précaution. Les opérations de gestion de l'eau doivent répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre ceux des générations futures.

La Convention encourage enfin la coopération des Etats riverains pour la mise en place, au moyen d'accords spécifiques, de politiques, programmes et stratégies harmonisées de protection et de saine gestion des eaux douces internationales.

B. LE CHAMP D'APPLICATION : LES LIMITES LIÉES AU CARACTÈRE TRANSFRONTIÈRE DES EAUX CONCERNÉES

Élaborée sous l'égide des Nations unies et en collaboration avec l'organisation mondiale de la santé, la Convention s'applique aux 36 Etats de la Commission économique pour l'Europe des Nations-unies (CEE-NU), qui comprend les Etats européens mais aussi la Fédération de Russie, les Etats d'Asie centrale, d'Amérique du Nord ainsi qu'Israël, la Turquie n'en faisant pas partie.

Les principes contenus dans la Convention s'appliquent aux ressources en eau douce partagées : rivières, lacs et eaux souterraines.

Ce champ d'application limité en restreint l'effet utile et a rendu nécessaire la négociation du protocole sur l'eau et la santé pour les Etats désireux de renforcer leur coopération et l'effet contraignant des dispositions de la Convention.

II. LE PROTOCOLE DE 1999 : MIEUX RÉPONDRE AUX PROBLÈMES SANITAIRES

Le protocole sur l'eau et la santé a été adopté à l'occasion de la troisième conférence ministérielle sur l'eau et la santé, qui s'est tenue à Londres le 17 juin 1999 sous l'égide de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies et des Etats membres du Comité régional de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Europe.

Le protocole intègre des préoccupations d'ordre sanitaires et environnementales qui s'appliquent à l'ensemble des ressources en eau douce.

A. L'EAU ET LA SANTÉ, UNE PROBLÉMATIQUE MONDIALE

Le protocole s'inscrit dans la démarche des objectifs du millénaire pour le développement, définis en 2000 et qui visent, notamment, la réduction de moitié d'ici 2015 du nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable ou à l'assainissement.

Les phénomènes de pénurie d'eau, de pollutions et d'eau et de catastrophes liées à l'eau se conjuguent pour nourrir une préoccupation mondiale.

L'objectif du millénaire pour le développement lié à l'accès à l'eau s'appuie sur le constat suivant :

- 40 % de la population mondiale souffre de pénuries d'eau ;

- plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à une eau salubre ;

- 2,5 milliards de personnes n'ont pas accès à un système d'assainissement satisfaisant.

Les estimations corrélées au taux de croissance démographique sur la quantité d'eau disponible par habitant prévoient une division par 1,6 d'ici à 2025.

La région concernée par la Convention n'est pas épargnée par ces phénomènes : une personne sur 7 ne dispose pas d'un accès satisfaisant à l'eau potable et à l'assainissement. Les ressources en eau y sont particulièrement sollicitées par le niveau de développement économique, en particulier dans l'agriculture, et exposées aux pollutions diverses.

Le choléra, la fièvre typhoïde ou encore l'hépatite A sont des maladies d'origine hydrique qui ont fait leur réapparition dans certains pays.

En dépit des progrès notables, les chiffres cités par l'organisation mondiale de la santé restent éloquents.

En Albanie, par exemple, 25 personnes sont mortes du choléra en 1994, après avoir bu de l'eau contaminée. Au Tadjikistan en 1996, quelque 4 000 cas de fièvre typhoïde ont été déclarés à la suite de fortes pluies.

Au cours des dix dernières années, 190 foyers épidémiques de dysenterie bactérienne, 70 cas d'hépatite A et 45 cas de fièvre typhoïde liés à l'eau d'alimentation et aux eaux de baignade ont été relevés en Europe et en Asie centrale.

Dans la fédération de Russie, la moitié de la population consomme une eau impropre à l'utilisation domestique.

Les disparités entre Etats au sein de la zone concernée par la Convention témoignent de l'ampleur des progrès à accomplir : le nombre de décès des enfants de moins de 5 ans pour cause de diarrhée en Asie centrale reste 25 fois supérieur à celui constaté au sein de l'Union européenne.

B. UN CHAMP D'APPLICATION ÉLARGI

Le champ d'application du protocole ne porte plus uniquement sur les eaux transfrontières, comme le prévoit la convention d'Helsinki, mais sur l'ensemble des ressources en eau de chaque Etat partie, comme le précise l'article 3, qu'il s'agisse des eaux douces superficielles, des eaux souterraines, côtières, fermées, des estuaires, des eaux faisant l'objet de prélèvements, de transport, de traitement ou d'approvisionnement ou encore, des eaux usées.

C. DES OBJECTIFS SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX

Le principal objectif de ce protocole, défini à l'article 1, est de promouvoir la santé et le bien-être de l'homme en améliorant la gestion de l'eau, y compris la protection des écosystèmes aquatiques et en s'employant à prévenir, combattre et faire reculer les maladies liées à l'eau.

Les Parties sont invitées à prendre des mesures pour garantir :

- un approvisionnement adéquat en eau potable salubre et une protection efficace de ses ressources ;

- un assainissement de qualité ;

- la mise en place de systèmes efficaces de surveillance et d'alerte en cas de détection du risque de maladies d'origine hydrique, pour lesquels l'article 8 du protocole fixe un délai indicatif de mise en oeuvre.

Le protocole reprend les principes mentionnés dans la Convention d'Helsinki, principe de précaution et principe du pollueur payeur. Il y ajoute, à l'article 5, l'information et la participation du public ainsi que l'évaluation des mesures prises.

L'article 6 détermine les moyens par lesquels les objectifs définis par l'Accord peuvent être satisfaits. Il prévoit notamment la coordination des différents acteurs compétents en matière d'eau et l'élaboration de plans de gestion.

Afin de renforcer la coopération internationale, les objectifs que se sont donnés chacun des Etats et les progrès accomplis sont consignés dans un rapport remis au secrétaire général des Nations unies. Ces rapports font l'objet d'évaluation à l'issue des réunions des Etats, qui se tiennent au moins une fois tous les trois ans.

Les conditions d'accès à l'information et de participation du public, précisées à l'article 10, voisines des dispositions fixées par la Convention d'Aarhus, prévoient que les parties mettent à la disposition du public les informations « dont on peut raisonnablement penser qu'elles sont nécessaires pour éclairer le débat public », sur la fixation d'objectifs et de dates cibles (article 6), la mise en place, l'amélioration ou le maintien de systèmes de surveillance et d'alerte rapide et de plans d'urgence (article 8), les mesures visant à promouvoir la sensibilisation du public, la formation théorique et pratique, le recherche et développement et la formation (article 9). Des restrictions sont apportées à ce principe d'information afin d'éviter la multiplication des demandes abusives ou de protéger la sécurité publique, la bonne marche de la justice ou encore le secret commercial et industriel.

D. UNE RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE PLUS EXIGEANTE

Notre pays satisfait aux obligations du Protocole en se conformant à des obligations définies au niveau communautaire.

Transposée en droit interne par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, la directive n° 2000/60 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau fixe des objectifs écologiques ambitieux aux Etats membres :

-parvenir, au bout de 15 ans à un bon état général des eaux, tant souterraines que superficielles ;

- réduire, voire supprimer les rejets de substances dangereuses ;

- faire participer le public à l'élaboration et au suivi des politiques.

Il convient également d'évoquer la loi n° 2005-95, issue d'une proposition de loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, qui affirme une volonté de solidarité internationale et conforte notre engagement de partenariat avec les pays en développement.

La France peut jouer un rôle particulier compte tenu de son expérience, de son savoir-faire et de ses compétences, en diffusant son modèle de gestion de l'eau.

L'approbation de 16 Etats parties est nécessaire à l'entrée en vigueur du protocole. A ce jour, 14 Etats ont déposé leur instrument de ratification auprès du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. La ratification française est donc nécessaire pour accélérer la mise en oeuvre du texte.

CONCLUSION

Les Etats membres de l'Union européenne satisfont d'ores et déjà aux objectifs définis par le Protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et leur niveau d'intégration permet de garantir la mise en oeuvre de leurs obligations.

Le protocole est donc prioritairement destiné à fournir un cadre permettant de réduire les maladies d'origine hydrique aux Etats dont les systèmes d'accès à l'eau et à l'assainissement sont insuffisamment développés.

L'eau reste cependant une ressource rare, y compris dans notre pays où son traitement se révèle de plus en plus coûteux et doit inciter chacun des acteurs , consommateurs, collectivités et industriels à rechercher des solutions économiques et respectueuses de l'environnement.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa séance du 9 mars 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Didier Boulaud a considéré que les élus locaux étaient confrontés de façon croissante à la question de l'eau, qu'ils doivent gérer des pénuries ou faire face à des inondations. Même si la France est relativement préservée, elle doit travailler au respect des objectifs pour l'augmentation de l'accès à l'eau des personnes qui en sont privées. Evoquant l'examen du projet de loi sur l'eau en Conseil des ministres et prochainement soumis au Parlement, il a estimé que les Français avaient trop longtemps ignoré le coût du traitement de l'eau et la réalité du coût du respect de l'environnement. Il a considéré que le projet de loi sur l'eau ne permettait d'ailleurs pas de réduire l'écart entre les engagements internationaux de la France et la réalité de son action.

M. Robert Bret, rappelant que la ville de Marseille accueillait le siège mondial de l'eau, a estimé que celle-ci était devenue un enjeu planétaire et ne devait pas être traitée comme une marchandise. Elle peut être source de conflit et la France a une responsabilité particulière à assumer dans ce domaine.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le gouvernement)

Article unique 1 ( * )

Est autorisée l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, fait à Londres le 17 juin 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE -
ETAT DE RATIFICATION DU PROTOCOLE
SUR L'EAU ET LA SANTÉ

Le protocole a été ratifié par 14 Etats et entrera en vigueur avec 16 ratifications.

Pays/organisation
d'intégration économique régionale

Date de signature

Date de ratification, acceptation, approbation ou accession

Albanie

17-Juin-1999

8-Mar-2002

Andorre

Arménie

17-Juin-1999

Autriche

Azerbaïdjan

9-Jan-2003

Biélorussie

Belgique

17-Juin-1999

29-Juin-2004

Bosnie et Herzégovine

Bulgarie

17-Juin-1999

Canada

Croatie

17-Juin-1999

Chypre

17-Juin-1999

République Tchèque

17-Juin-1999

15-Nov-2001

Danemark

17-Juin-1999

Estonie

17-Juin-1999

9-Sept-2003

Finlande

17-Juin-1999

France

17-Juin-1999

Georgie

17-Juin-1999

Allemagne

17-Juin-1999

Grèce

17-Juin-1999

Hongrie

17-Juin-1999

7-Dec-2001

Islande

17-Juin-1999

Irlande

Israël

Italie

17-Juin-1999

Kazakhstan

Kirghizstan

Lettonie

17-Juin-1999

24-Nov-2004

Liechtenstein

Lituanie

17-Juin-1999

17-Mar-2004

Luxembourg

17-Juin-1999

4-Oct-2001

Malte

17-Juin-1999

Monaco

17-Juin-1999

Pays Bas

17-Juin-1999

Norvège

17-Juin-1999

6-Jan-2004

Pologne

17-Juin-1999

Portugal

17-Juin-1999

République de Moldavie

10-Mar-2000

Roumanie

17-Juin-1999

5-Jan-2001

Fédération de Russie

17-Juin-1999

31-Dec-1999

San Marin

Serbie et Monténégro

Slovaquie

17-Juin-1999

2-Oct-2001

Slovénie

17-Juin-1999

Espagne

17-Juin-1999

Suède

17-Jui-1999

Suisse

17-Juin-1999

Tadjikistan

Macédoine (Ancienne République de)

Turquie

Turkménistan

Ukraine

17-Juin-1999

26-Sept-2003

Royaume-Uni

17-Juin-1999

Etats-Unis

Ouzbékistan

Communauté européenne

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 12 (2004-2005)

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