Article 5 -
(Articles L. 215-2, L. 215-4, L. 215-14 à L. 215-18 [nouveaux] du code de l'environnement, article 130 du code minier et article L. 151-36
du code rural) -

Entretien des cours d'eau non domaniaux

Le droit actuellement en vigueur :

Les articles L. 215-14 à L. 215-24 du code de l'environnement traitent du curage , de l'entretien , de l'élargissement et du redressement des cours d'eau non domaniaux . Ces dispositions rendent les propriétaires riverains des cours d'eau non domaniaux responsables de leur curage et de leur entretien , l'Etat ayant la charge du curage des cours d'eau domaniaux en vertu de l'article 14 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieur. L'objet principal de l'article 5 du projet de loi est de substituer la notion d'entretien d'un cours d'eau à celle de curage , dans la mesure où l'obligation légale qui repose sur cette notion, dont les contours et la définition se sont avérés, dans la pratique, imprécis , est à l'origine de multiples contentieux et divergences d'interprétation .

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 215-14 oblige le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial à procéder à un curage 22 ( * ) régulier pour rétablir le cours d'eau dans sa largeur et sa profondeur naturelles , mais aussi à effectuer un entretien de la rive par élagage et recépage 23 ( * ) de la végétation arborée et à l'enlèvement des embâcles 24 ( * ) et débris, flottants ou non, afin de maintenir l'écoulement naturel des eaux, d'assurer la bonne tenue des berges et de préserver la faune et la flore dans le respect des écosystèmes aquatiques.

L'article L. 215-15 précise qu'il est procédé au curage ou à l'entretien des cours d'eau et de leurs ouvrages en fonction des prescriptions des anciens règlements 25 ( * ) ou d'après les usages locaux 26 ( * ) . Le préfet, sous l'autorité du ministre de l'environnement, est alors chargé de prendre les dispositions nécessaires pour l'exécution de ces règlements et usages. Les propriétaires peuvent s'acquitter de ces tâches seuls ou se regrouper en associations syndicales, libres ou autorisées, dans le cadre fixé par la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales. Ainsi, à défaut d'anciens règlements ou d'usages locaux en vigueur, le curage et l'entretien sont réalisés conformément aux dispositions régissant ces associations syndicales.

Si les propriétaires ne respectent pas leurs obligations en matière de curage et d'entretien, les collectivités locales peuvent , sur le fondement de la procédure prévue à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (décrite au commentaire de l'article 1 er du projet de loi) se substituer au propriétaire si l'intérêt général ou l'urgence le justifie.

Les droits et obligations des propriétaires riverains sont précisés par d'autres dispositions du code de l'environnement. En particulier, l'article L. 215-2 dispose que le propriétaire riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit du cours d'eau qui lui appartient, tous les produits naturels et d'en extraire de la vase, du sable et des pierres, à condition de ne pas modifier le régime des eaux et d'en exécuter le curage . L'article 556 du code civil précise d'ailleurs que les alluvions 27 ( * ) appartiennent aux propriétaires riverains.

En outre, toutes les opérations plus importantes d'extraction des matériaux hors du lit des cours d'eau, ne répondant pas à l'obligation d'entretien ou de curage sont soumises à autorisation si elles conduisent, dans l'année, à retirer plus de 5 000 m 3 de matériaux et à simple déclaration si ces volumes sont compris entre 1 000 m 3 et 5 000 m 3 .

Dans le même temps, les dispositions relatives aux carrières 28 ( * ) précisent que les extractions de matériaux dans le lit mineur (défini comme « le terrain recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant tout débordement ») des cours d'eau sont interdites . La réglementation autorise cependant les extractions « nécessaires à l'entretien dûment justifié ou à l'aménagement d'un cours d'eau », qui sont alors considérées comme des opérations de dragage. Les opérations d'extraction du lit majeur (espace situé entre le lit mineur et la limite de la plus grande crue historique répertoriée) sont autorisées à condition qu'elles ne créent pas de risque de déplacement du lit mineur, qu'elles ne fassent pas obstacle à l'écoulement des eaux superficielles ou qu'elles n'aggravent pas les inondations. Enfin, il est à noter que l'arrêté du 24 janvier 2001 a élargi à l'espace de mobilité du cours d'eau (espace du lit majeur à l'intérieur duquel le lit mineur peut se déplacer) les interdictions d'extraction à but commercial.

Observations de votre commission :

Comme le préconise le rapport de l'inspection générale de l'environnement, la confusion résultant de ces différentes règles nécessite de clarifier et d'unifier les termes qui qualifient le milieu physique sur lequel l'action administrative porte , car des notions anciennes, voire dépassées, coexistent dans la réglementation, (« vieux fonds, vieux bords ») avec des notions plus précises (lit majeur, lit mineur). Or, cette superposition est de nature à soulever certaines difficultés d'application pratiques sur le terrain.

Certes, comme le rappelle la mission d'inspection, certains abus d'extractions de granulats dans les lits mineurs des cours d'eau ont incontestablement été à l'origine de désordres dans l'équilibre de la dynamique des cours d'eau et de la stabilité des ouvrages. Toutefois, un grand nombre d'élus locaux considèrent que les interdictions qui résultent des arrêtés de 1994 et de 2001 sont souvent trop rigides et peu comprises . Or, à l'opposé, il est également incontestable qu'un entretien insuffisant d'un cours d'eau peut avoir pour conséquence l'aggravation du risque d'inondations du fait de l'accumulation ou du déplacement de matériaux dans les lits des rivières . Aussi est-il indispensable que la prévention du risque inondation puisse être considérée, sous certaines conditions, comme pouvant justifier la mise en oeuvre d'une opération d'entretien que cela soit par dragage, curage ou extraction.

Le rapport de l'inspection relève à ce titre que la situation en la matière est contrastée. Pour certains cours d'eau , notamment ceux où l'on observe des incisions du lit de plusieurs mètres, l'existence de dépôts ou d'atterrissements 29 ( * ) nouveaux relevant la cote de fond et donc la ligne d'eau ne constitue pas un facteur aggravant du risque inondation . Ce cas de figure impose avant toute chose un objectif de restauration de la dynamique physique du cours d'eau, ce qui doit conduire à prohiber toute opération de dragage. A l'inverse, sur certains cours d'eau, il a été observé une relation claire entre accumulation de dépôts et accroissement du risque inondation, ce qui justifie alors des opérations d'extraction de ces dépôts, sur la base d'un diagnostic précis intégrant une connaissance globale du milieu, devant permettre d'évaluer le potentiel extractible d'un tronçon de cours d'eau . En effet, des opérations d'entretien mal réalisées peuvent avoir pour conséquence de limiter le risque inondation sur le tronçon entretenu mais de l'aggraver en aval du cours d'eau. En tout état de cause, de telles décisions ne peuvent être prises sur la base de considérations locales mais uniquement sur le fondement d'un diagnostic réalisé à l'échelle d'une unité hydrographique homogène.

Le texte du projet de loi :

Le paragraphe I de l'article 5 modifie les dispositions relatives au curage et à l'entretien des cours d'eau non domaniaux.

Le de ce paragraphe porte une modification de coordination.

Le modifie l'article L. 215-4 qui traite des situations dans lesquelles un cours d'eau abandonne, de manière naturelle, son lit d'origine (on parle dans ce cas de divagation du cours d'eau ). En cas de divagation, les propriétaires sur les propriétés desquelles le cours d'eau a nouvellement établi son lit doivent souffrir son passage sans indemnité mais peuvent, dans l'année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'ancien cours des eaux. De la même manière, les propriétaires riverains du lit abandonné ont le droit d'entreprendre des travaux afin que le cours d'eau regagne son lit d'origine.

La modification proposée par le projet de loi tend à encadrer le droit des propriétaires à s'opposer à la divagation d'un cours d'eau. Ainsi, il propose d'autoriser ces travaux à condition qu'ils ne s'opposent pas à la réalisation d'une opération entreprise pour la gestion de ce cours d'eau par une collectivité territoriale , en application de l'article L. 211-7 (travaux d'entretien rendus nécessaires par l'urgence ou si l'intérêt général les commande).

Le de ce paragraphe permet de substituer la notion d'entretien du cours d'eau à celle de curage. Il tend ainsi à modifier les articles de la section 3 du chapitre V du titre I er du livre II du code de l'environnement (articles L. 215-14 à L. 215-24), désormais intitulée « Entretien et restauration des milieux aquatiques », qui sont remplacés par cinq articles (articles L. 215-14 à L. 215-18).

* 22 Selon un rapport de l'inspection générale de l'environnement (« Le curage d'entretien des cours d'eau « vieux fonds, vieux bords », juillet 2003), le curage d'un cours d'eau consiste à déplacer et/ou à extraire de son lit des matériaux qui s'y sont déposés.

* 23 Le recépage vise à couper un arbre près du sol afin d'en obtenir des pousses plus fortes.

* 24 Un embâcle se caractérise par l'obstruction d'un cours d'eau par une cause quelconque.

* 25 Qui correspondent aux ordonnances, arrêts, et décrets royaux, parlementaires ou des Intendants antérieurs à la loi du 14 floréal an XI.

* 26 Qui doivent résulter de documents authentiques administratifs ou notariés ou d'opérations suffisamment nombreuses.

* 27 Selon cet article, « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluvion. »

* 28 Dispositions du code minier introduites par la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières, arrêté du 22 septembre 1994 modifié par l'arrêté du 24 janvier 2001.

* 29 Amas de terres, de sables apportés par les eaux.

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