3. Favoriser la lutte contre les pollutions diffuses en milieu rural

a) Enjeux agricoles, accords volontaires

Les pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides sont en grande partie à l'origine de la pollution globale des eaux en France. Les activités agricoles contribuent pour une très large part à ces deux types de pollutions diffuses : d'une part, les élevages intensifs sont de gros producteurs de nitrates ; d'autre part, le secteur agricole en général utilise plus de 90 % des produits phytosanitaires vendus chaque année dans notre pays.

Si la part de responsabilité du monde agricole est donc indéniable, celui-ci ne doit pas pour autant être accablé de critiques, comme c'est très souvent le cas. En effet, une réelle prise de conscience a eu lieu chez les professionnels du secteur, tout particulièrement chez les plus jeunes d'entre eux, qui s'investissent de plus en plus dans des actions, souvent volontaires, de préservation des ressources et de l'environnement.

Par ailleurs, la contribution financière du monde agricole à la politique de l'eau, bien que peu reconnue médiatiquement, est aujourd'hui substantielle. S'agissant des nitrates, tout d'abord, il existe déjà une déclinaison pesant sur les élevages de la redevance pollution versée aux agences de l'eau, pour un montant total de 6 millions d'euros par an. En ce qui concerne les pesticides, a été mise en place en 2000 une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pesant spécifiquement sur les produits phytosanitaires, dont le taux croît avec la toxicité des substances. Versée par les fabricants mais répercutée sur le prix des produits vendus aux agriculteurs, elle représente des recettes d'environ 40 millions d'euros par an.

Déjà conséquente, cette contribution du secteur agricole à la politique de l'eau va se trouver renforcée par le projet de loi. Sur le plan financier, se trouve maintenue la redevance nitrate applicable aux élevages. Par ailleurs, la TGAP sur les produits phytosanitaires est formellement supprimée, mais en réalité reconduite sous la forme d'une redevance pour pollutions diffuses au profit des agences de l'eau, assise sur les quantités de substances actives contenues dans les produits anti-parasitaires ou biocides et dont la liste est fixée par décret.

Sur un plan plus technique, le projet de loi comporte diverses dispositions incitant les agriculteurs à préserver la qualité des ressources en eau. Ainsi, il prévoit la possibilité pour le pouvoir réglementaire de définir, dans les zones où il est nécessaire d'assurer la protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable, un programme d'action comportant de bonnes pratiques agricoles à promouvoir et pouvant être rendues obligatoires. Par ailleurs, il est instauré un système de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs en service et un contrôle préalable des nouveaux matériels avant mise sur le marché.

Au-delà du dispositif législatif et règlementaire en vigueur, ainsi que des dispositions financières et techniques du projet de loi, l'évolution du monde agricole vers une plus grande prise en considération de l'environnement et, entre autres exigences, de la qualité des eaux, proviendra de façon inéluctable des nouvelles contraintes européennes résultant de la réforme de la politique agricole commune actée au mois de juin 2003.

Aboutissement d'une tendance déjà amorcée au niveau communautaire depuis plusieurs années, cette réforme se traduira par l'introduction sur le plan interne de deux principes -écoconditionnalité et découplage des aides- qui devraient modifier radicalement les pratiques agricoles dans le domaine environnemental .


• Le principe de conditionnalité , partiellement applicable depuis le 1 er janvier 2005, consiste à établir un lien entre le versement intégral des aides directes et le respect d'exigences relatives à la préservation de l'environnement, à l'identification des animaux, et à des bonnes conditions agricoles et environnementales, dont le maintien des pâturages permanents. La conditionnalité introduit une réduction des paiements directs en cas de non respect de ces exigences. Relèvent de l' éco-conditionnalité celles des exigences ayant un caractère ou une finalité plus particulièrement écologique.

Classées en quatre domaines ( environnement ; santé publique, santé des animaux et des végétaux ; bien-être animal ; « bonnes conditions agricoles et environnementales » -BCAE- et pâturages permanents), ces exigences sont de trois ordres :

- certaines se rapportent à des règles d'ores et déjà connues et appliquées : 19 directives ou règlements européens appliqués en droit français, considérés comme prioritaires et concernant les thèmes précités. La prise en compte de ces différents textes sera progressive entre 2005 et 2007 ;

- d'autres sont définies par chaque Etat-Membre (principe de « subsidiarité ») dans un cadre communautaire imposé. Il s'agit des BCAE, qui s'appliquent dès 2005 à l'ensemble des terres agricoles ;

- enfin, certaines visent le maintien de la part des surfaces en pâturages permanents (ou prairies permanentes) dans la surface agricole utile.

Les éco-conditions liées aux premier et quatrième domaines , concernent directement l' utilisation des eaux et la pollution des sols par les agriculteurs. Sur chaque thème existent différents points de contrôle ; si une anomalie a été relevée sur l'un de ces point par les agents des directions départementales de l'agriculture et de la forêt ( DDAF ), elle est comptabilisée sous forme d'un certain nombre de points ; si le nombre de points total excède certains seuils , les aides versées à l'agriculteur sont amputées d'une fraction allant normalement de 0 à 5 % de leur totalité.

La réduction des paiements n'intervient que si la responsabilité de l'agriculteur est engagée et que les anomalies constatées lui sont directement imputables. Elle s'applique sur la totalité des aides directes perçues , qu'elles soient couplées (cas des aides en 2005) ou découplées (à partir de 2006).

Le taux de réduction dépend de la gravité, de la répétition et de l'étendue des anomalies constatées. En règle générale, la réduction peut varier de 0 à 5 % sur le montant total des aides. Dans des cas plus exceptionnels, de répétition d'anomalies ou d'anomalies de type intentionnel, le taux peut être plus élevé et aller jusqu'à 100 % du montant des aides. Les éventuelles sanctions au titre de la conditionnalité ne sont pas exclusives de celles qui pourraient être décidées au titre de l'éligibilité aux aides PAC ou des suites administratives et/ou judiciaires qui pourraient être données aux infractions constatées.


• Le principe de découplage des aides consistera, dès 2006, à attribuer les aides, non plus en fonction de la production et de la région, à l'hectare ou au cheptel, comme c'est le cas jusqu'à cette année, mais sous la forme d'une prime unique , calculée par exploitation, rapportée à sa surface, et versée qu'il y ait ou non production . Ce découplage sera partiel en France car, à la demande des professionnels, le Gouvernement a obtenu qu'une partie des aides (25 % pour les céréales et 100 % de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA), par exemple) reste couplée à la production. Le montant de l'aide découplée sera calculé par exploitation en fonction d'une référence historique : la moyenne des aides perçues en 2000, 2001 et 2002. La France a choisi de conserver la référence historique par exploitation pour permettre à chaque agriculteur de continuer à bénéficier d'un niveau équivalent d'aides .

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