2. Satisfaire à nos obligations communautaires en conciliant les usages de l'eau

D'un côté, la France doit, en vertu des dispositions de la directive cadre sur l'eau, parvenir à un objectif de bon état, ou à défaut, de bon potentiel écologique des eaux d'ici 2015. Pour qualifier ces états, la directive fait référence à deux notions : l'état écologique et l'état chimique. L'évaluation est appréciée au regard de la présence et du développement des milieux aquatiques, ce qui nécessite :

- une bonne qualité chimique de l'eau, en quantité suffisante ;

- une morphologie diversifiée, garante de la présence d'habitats colonisables par la faune et la flore.

A ce titre, il est indéniable que la présence d'ouvrages hydrauliques sur les cours d'eau a un impact non négligeable sur les milieux aquatiques, en particulier quand ils ont pour conséquence de réduire les débits.

Toutefois, d'un autre côté la France est également soumise à un engagement en matière de développement des énergies renouvelables puisque, selon la directive 2001/77 2 ( * ) , la France doit parvenir, d'ici 2010, à un objectif de 21 % pour la part de la consommation intérieure produite à partir de sources d'énergies renouvelables (ENR).

Selon les éléments d'information contenus dans l'avis budgétaire sur les crédits de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 2005 fait par notre collègue Roland Courteau 3 ( * ) , la France est un pays riche en ressources énergétiques naturelles qui font d'elle, pour l'année 2003, l'un des premiers pays producteurs européens d'ENR, derrière la Suède, grâce notamment à l'hydroélectricité et au bois combustible.

Il indiquait néanmoins qu'en 2003 la production d'électricité d'origine renouvelable avait diminué légèrement de 1,5 % pour s'établir à 70,3 TWh (contre 71,3 TWh en 2002) et que cette baisse était principalement liée à la production hydraulique, dont le repli (64,9 TWh contre 66,5 TWh en 2002) n'a pu qu'être partiellement compensé par les autres productions électriques d'origine renouvelable. L'hydraulique représente en effet la principale source d'énergie renouvelable avec 92 % de la production électrique d'origine renouvelable . La part de l'énergie produite à partir des déchets urbains s'établit à 4,7 %, le bois et les déchets de bois à 1,9 % et l'éolien, le biogaz et le solaire photovoltaïque assurent la part résiduelle.

Le volume de l'énergie hydraulique est fortement influencé par la pluviosité de l'année considérée. A ce titre, l'année 2003 a été, de ce point de vue, exceptionnelle en raison de la faiblesse des pluies au printemps et de la canicule de l'été. Il est néanmoins possible d'estimer que le volume de la production hydraulique s'établit généralement entre 65 TWh et 70 TWh par an . Il représente ainsi 14 % de la production totale et 22 % de la puissance installée.

Électricité de France occupe, au sein de ce dispositif hydroélectrique, une place éminente, puisque le premier électricien français produit près de 66 % de l'énergie hydraulique, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), filiale minoritaire d'Electrabel, arrivant en seconde place avec 23 % de la production.

Enfin, les 3.000 petites centrales hydrauliques (dont 1.300 ont une puissance inférieure à 1.000 MW), exploitées par des grands producteurs comme par des petits hydrauliciens indépendants, produisent près de 7 TWh par an, soit 1,5 % de la production électrique. La petite hydraulique peut contribuer ainsi à alimenter un réseau général interconnecté ou être utilisée en réseau isolé pour fournir de l'énergie à de petites structures. Surtout, cette activité peut aider à maintenir ou créer une activité économique dans les zones rurales.

S'agissant des infrastructures de production, on dénombre quatre types d'installations :

- les ouvrages dits au fil de l'eau qui produisent de l'électricité pour la base de consommation ;

- les ouvrages dits de lac, situés généralement en haute montagne, qui ont un fonctionnement annuel. La retenue d'eau se remplit au cours du printemps et de l'été avec la fonte des neiges et il est fait recours à ces ouvrages pendant l'hiver pour satisfaire les pics de consommation hivernaux quand les Français ont besoin de plus d'énergie pour le chauffage ;

- les ouvrages « d'éclusées », qui comportent une retenue d'eau artificielle, qui sont mis en service plus régulièrement pour passer les pointes de consommation quotidiennes ;

- les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) qui se caractérisent par une retenue d'altitude reliée à un bassin inférieur situé au niveau de l'usine hydroélectrique. L'eau stockée sert à faire tourner les turbines aux heures de forte consommation et est ensuite récupérée dans les bassins situés en aval. Aux heures de moindre consommation, cette eau est ensuite pompée vers le bassin supérieur en utilisant l'électricité des centrales nucléaires.

Enfin, il convient de signaler qu'il existe également en France une unique usine marémotrice située à La Rance.

L'énergie hydraulique présente deux atouts majeurs. En premier lieu, elle permet de résoudre le problème principal lié au caractère non stockable de l'électricité . Or, précisément, l'eau peut se stocker dans des retenues artificielles et être utilisée quand le besoin s'en fait ressentir. Cette capacité de modulation de la puissance envoyée sur le réseau électrique fait de l'hydroélectricité une source d'énergie décisive pour répondre aux besoins des Français dans les périodes de pointe de consommation.

En second lieu, elle est une des sources d'énergie les moins polluantes puisque contrairement au nucléaire elle ne produit pas de déchets et n'est pas émettrice de gaz à effet de serre. Or, sur les 70 TWh précédemment évoqués, on estime à 25 TWh la part de l'électricité hydraulique dite modulable, c'est à dire qui est utilisée de manière intermittente pour passer les pointes. Ce volet modulable ne peut être remplacé que par des moyens de production thermiques (centrales fonctionnant avec des énergies fossiles telles que gaz, fioul ou charbon) qui sont fortement émetteurs de CO 2 .

Or, de par la signature par la France du protocole de Kyoto 4 ( * ) , notre pays est tenu de réduire ses émissions de gaz à effet de serre au titre de la lutte contre le réchauffement climatique. La France est aujourd'hui bien placée à ce titre puisque la structure de production de son appareil énergétique, qui laisse un place prédominante au nucléaire puis à l'hydraulique, fait d'elle le pays où les émissions de CO 2 par habitant due à la production électrique sont largement inférieures à celles des autres pays de l'Union (0,44 tonne pour la France, contre 3,67 pour l'Allemagne ou 2,79 pour le Royaume-Uni).

Il convient donc de préserver, dans toute la mesure du possible, de préserver le parc hydraulique pour que la France puisse respecter son objectif de 21 % au titre de la directive « ENR » et ses engagements en matière de lutte contre l'effet de serre.

* 2 Directive 2001/77 du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité.

* 3 Avis n° 76 (2004-2005) sur les crédits de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 2005 de M. Roland COURTEAU, fait au nom de la commission des affaires économiques.

* 4 Dont les modalités de mise en oeuvre ont été renvoyées au niveau communautaire avec la création d'un marché d'échanges des quotas de gaz à effet de serre.

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