Rapport n° 409 (2004-2005) de M. François ZOCCHETTO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 juin 2005

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N° 409

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1), sur la proposition de loi précisant le déroulement de l' audience d' homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ,

Par M. François ZOCCHETTO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le numéro :

Sénat : 358 (2004-2005)

Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 21 juin 2005, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. François Zocchetto sur la proposition de loi n° 358 (2004-2005), présentée par M. Laurent Béteille, précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Le rapporteur a d'abord souligné que l'institution de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité poursuivait un double objectif : mieux répondre aux besoins d'une justice plus humaine et mieux comprise, alléger les audiences correctionnelles des contentieux les moins complexes et les plus répétitifs.

Il a constaté que l'audience d'homologation par le juge du siège de la peine proposée à l'auteur des faits par le ministère public constitue une audience sui generis marquée par la simplicité et la rapidité. En effet, l'intéressé a déjà, lors de sa comparution devant le procureur de la République, reconnu les faits et accepté la peine proposée. Dès lors, dans l'esprit du législateur, la présence du parquet à l'audience d'homologation n'était pas obligatoire, sans toutefois que ce point ait été précisé dans la loi.

Cependant, successivement la Cour de cassation, par un avis en date du 18 avril 2005, et le Conseil d'Etat statuant en référé le 11 mai dernier, ont, sur le fondement de l'article 32 du code de procédure pénale, estimé que cette présence est obligatoire. Or, une telle obligation risquerait d'alourdir le dispositif lui faisant perdre une partie de son intérêt.

Il apparaît donc nécessaire de clarifier l'intention du législateur afin de favoriser le développement d'une procédure qui, si elle renouvelle beaucoup les pratiques judiciaires, paraît avoir toute sa place dans notre procédure pénale, comme en témoigne un premier bilan très encourageant.

Tel est l'objet de la proposition de loi qui précise que la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation n'est pas obligatoire.

Par ailleurs, la rédaction proposée par votre commission, tenant compte de la décision n° 2004-492 DC du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004, rappelle que la procédure devant le juge du siège se déroule en audience publique.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité déposée par notre collègue, M. Laurent Béteille.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), parfois désignée de manière impropre par l'expression « plaider coupable », constitue sans doute la principale innovation de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. En effet, cette procédure permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal.

Au regard des préventions qu'avait suscité ce nouveau dispositif et des modifications profondes qu'il implique dans les pratiques judiciaires, force est de constater que la CRCP a été mise en place rapidement dans un climat apaisé. Ainsi, aujourd'hui, 147 tribunaux de grande instance sur 181 utiliseraient cette procédure qui aurait concerné plus de 10.000 affaires.

Sans doute, l'étroite concertation préalable entre le parquet, le siège et le barreau de chaque juridiction n'est-elle pas étrangère à ce premier bilan positif. Cependant, le succès de la CRPC s'explique surtout par l'intérêt suscité par cette procédure, conformément au double objectif poursuivi par le législateur, d'une part, pour mieux répondre au besoin d'une justice plus humaine et mieux comprise, d'autre part, pour alléger les audiences correctionnelles classiques des contentieux les moins complexes et les plus répétitifs.

La logique du dispositif répond ainsi au souci d'établir une alternative à la procédure traditionnelle de jugement des infractions pénales. L'homologation de la proposition du procureur, même si elle doit se dérouler en public comme l'a souhaité le Conseil constitutionnel, demeure en conséquence une audience sui generis , marquée par la simplicité et la rapidité. Dans l'esprit du législateur, le parquet n'était donc pas tenu d'y participer. Une autre solution tendrait en effet à redonner à l'audience d'homologation le format d'une audience classique au rebours de l'objectif visé.

Cependant sur le fondement de l'article 32 du code de procédure pénale selon lequel le procureur de la République « assiste aux débats des juridictions de jugement », la Cour de cassation et le Conseil d'Etat se sont prononcés pour la présence obligatoire du ministère public, la première par un avis rendu le 18 avril 2005, le second statuant en référé le 11 mai dernier.

Or, une telle obligation serait de nature à freiner, voire à compromettre le développement de la CRPC. Il apparaît donc nécessaire pour le législateur de préciser son intention, comme le suggère la présente proposition de loi, en posant explicitement le principe d'une présence facultative du parquet.

Après avoir rappelé l'originalité de cette procédure et dressé un premier bilan de sa mise en oeuvre, votre rapporteur soulignera l'enjeu que représente le caractère facultatif de la présence du parquet lors de l'audience d'homologation pour conforter le devenir de la CRPC.

I. LA CRPC : UNE JUSTICE PLUS EFFICACE CAR MIEUX COMPRISE

A. UN DISPOSITIF NOVATEUR

La CRPC s'inspire des procédures anglosaxonnes de « plaider coupable » mais s'en distingue néanmoins sur un point essentiel : tandis que le « plea bargaining » autorise le juge à abandonner certaines charges en échange d'une reconnaissance de culpabilité sur d'autres faits et de l'acceptation de la peine prononcée, le principe même d'une négociation est écarté dans le cadre de la CRPC. Comme le souligne le choix même des termes retenus pour désigner cette procédure, la personne doit reconnaître sa culpabilité et c'est alors seulement qu'une peine lui sera proposée par le procureur de la République -peine qui, si elle est acceptée, pourra être homologuée par le magistrat du siège, un procès devant le tribunal correctionnel étant ainsi évité.

Aussi, à bien des égards, la CRPC s'inscrit davantage dans le prolongement de la composition pénale instituée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 en réalisant pleinement les possibilités que celle-ci n'avait fait qu'entrouvrir. En effet, aux termes de l'article 41-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut proposer une composition pénale (principalement sous la forme d'une amende de composition) à une personne physique majeure qui reconnaît avoir commis soit un délit puni d'une peine d'emprisonnement maximal de cinq ans, soit une contravention. L'auteur des faits doit alors donner son accord aux mesures proposées. Il appartient alors au président du tribunal de valider ou non ces propositions.

Les deux procédures répondent à une préoccupation commune : alléger les audiences correctionnelles des contentieux répétitifs de sorte que le temps nécessaire à l'expression d'un véritable débat judiciaire puisse être redonné aux affaires les plus délicates. La composition pénale reste toutefois une alternative aux poursuites et les mesures prononcées dans ce cadre ne présentent pas de caractère exécutoire. Si, comme la composition pénale, la CRPC est applicable aux délits punis d'un emprisonnement de cinq ans, elle permet, contrairement à sa devancière, de prononcer des peines d'emprisonnement fermes immédiatement exécutoires.

Ainsi la CRPC présente un caractère original et novateur. Le dispositif en est décrit aux articles 495-7 à 495-16 nouveaux du code de procédure pénale, réunis dans une section VIII intitulée « De la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité », insérée au chapitre I (« Du tribunal correctionnel ») du titre II (« Du jugement des délits ») du livre II (« Des juridictions de jugement »).

? Le champ d'application (articles 495-7 et 495-8)

Il doit répondre à trois conditions :

- le délit doit être puni de cinq ans d'emprisonnement maximum à l'exclusion des délits de presse, des délits d'homicide involontaire, des délits politiques ou de ceux dont la poursuite est prévue par une loi spéciale ;

- la personne concernée doit reconnaître les faits ;

- le délinquant doit être majeur.

Elle peut être appliquée aux personnes déférées devant le procureur de la République, citées ou convoquées. Elle est écartée en revanche pour les personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel par le juge d'instruction (article 495-15).

Le procureur peut y recourir d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat.

Les peines susceptibles d'être proposées (article 495-8)

Les peines sont proposées par le procureur de la République et déterminées conformément au principe de l'individualisation des peines (art. 132-24 du code de procédure pénale). Les peines d'emprisonnement ferme sont encadrées par une double limite : le quantum prononcé ne peut excéder un an ni dépasser la moitié de la peine d'emprisonnement encourue.

Pour le reste, la peine d'emprisonnement peut être assortie d'un sursis partiel ou total et faire l'objet de l'une des mesures d'aménagement prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale (semi-liberté, fractionnement, placement sous surveillance électronique, placement extérieur, libération conditionnelle).

La peine d'amende peut également être assortie du sursis.

? La procédure devant le procureur de la République (article 495-8)

Elle comprend quatre temps -à chacune de ces étapes, l'avocat est présent (à l'initiative du Sénat, le dispositif prévoit que la personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat) :

- les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits sont recueillies par le procureur ;

- la proposition de peine est faite par le procureur (s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement ferme, celui-ci doit préciser s'il entend qu'elle soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l'application des peines afin que soient déterminées les conditions de son exécution) ;

- la personne peut librement s'entretenir avec son avocat hors la présence du procureur avant de faire connaître sa décision (elle est avisée par celui-ci qu'elle dispose, si elle le souhaite, d'un délai de dix jours pour se prononcer) ;

- si la personne accepte la peine, elle en fait part au procureur de la République « en présence de son avocat » et est « aussitôt présentée » devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.

? L'audience d'homologation (article 495-9)

La loi a prévu ici aussi un déroulement en quatre temps :

- le juge du siège entend la personne et son avocat ;

- il vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique ;

- il statue par une ordonnance motivée soit en homologuant la peine, soit en la rejetant ; le Conseil constitutionnel a estimé que dès lors que le jugement d'une affaire pénale pouvait conduire à une peine privative de liberté, il devait donner lieu à une audience publique . Il a censuré en conséquence la disposition selon laquelle l'audience au cours de laquelle la personne poursuivie était entendue se tenait en chambre du conseil ;

- l'ordonnance d'homologation est lue en audience publique. Elle est immédiatement exécutoire.

? Le délai de réflexion (art. 495-10)

Si la personne a demandé à bénéficier du délai de réflexion de dix jours, le procureur de la République peut la présenter devant le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci ordonne son placement sous contrôle judiciaire ou « à titre exceptionnel » en détention provisoire 1 ( * ) .

La nouvelle comparution doit alors intervenir dans un délai compris entre dix et vingt jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention.

? Le refus de la peine et ses suites

L'intéressé peut refuser la peine soit lors de la comparution devant le procureur, soit -même s'il a accepté devant le procureur- lors de l'audience d'homologation.

En cas de refus par le prévenu de la peine proposée par le procureur ou de refus d'homologation par le président du tribunal, le procureur peut, soit traduire immédiatement la personne devant le tribunal en comparution immédiate, soit requérir l'ouverture d'une information, soit lui remettre une convocation à comparaître devant le tribunal, soit enfin recourir à la citation directe (art. 495-12).

Dans ces différentes hypothèses, le procès verbal dressé par le procureur ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement et ni le ministère public, ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure (art. 495-14).

Par ailleurs, l'ordonnance d'homologation peut faire l'objet d'un appel principal de la part du condamné et d'un appel incident de la part du ministère public (art. 495-11).

? Les droits de la victime (art. 495-13)

Les droits de la victime sont garantis par trois dispositions :

- si la victime est identifiée, elle est informée sans délai et par tout moyen de cette procédure (la victime est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, accompagnée, le cas échéant, de son avocat lors de l'audience de l'homologation, pour se constituer partie civile et demander réparation -le président du tribunal statue sur cette demande même si la victime n'a pas comparu ;

- si la victime n'a pu exercer ce droit, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant sur intérêt civil ;

- en tout état de cause, la victime peut faire appel de l'ordonnance d'homologation.

*

* *

Sans doute, est-il trop tôt pour dresser un bilan complet d'une procédure dont la mise en place dans les tribunaux a commencé depuis le 1 er octobre 2004. Dans le cadre des travaux de la mission d'information de la commission des lois relative aux procédures accélérées de jugement en matière pénale instituée en février dernier, votre rapporteur a cependant pu recueillir des éléments d'appréciation très utiles pour mesurer la place que la CRPC est susceptible de prendre dans la procédure pénale.

B. UN PREMIER BILAN ENCOURAGEANT

Le bilan de la CRPC peut être apprécié à l'aune de quatre critères : la CRPC est-elle fréquemment utilisée ? Ses conditions d'utilisation sont-elles homogènes d'une juridiction à l'autre ? Est-elle acceptée par les acteurs de l'institution judiciaire ? Quelle est sa « valeur ajoutée » au regard des procédures existantes ?

Une utilisation croissante

Selon les informations données par e ministère de la justice 2 ( * ) , au 9 mai 2005, 147 tribunaux de grande instance sur 181 mettraient en oeuvre la CRPC. Le nombre d'affaires traitées par cette voie depuis la mise en place de la procédure s'est élevé à 10.704, parmi lesquelles 8.719 se sont conclues par l'homologation de la peine proposée, soit un taux de succès de 84,6 %.

Une tendance à l'homogénéisation des pratiques malgré certaines disparités

La CRPC ne pourrait que souffrir d'une mise en oeuvre très différenciée d'un tribunal à l'autre. Tel ne semble néanmoins pas le cas.

En effet de fortes convergences se dégagent :

- le choix du contentieux : la CRPC est principalement utilisée pour les conduites en état alcoolique (généralement avec un taux supérieur à 0,80 mg d'alcool par litre d'air expiré 3 ( * ) ) ainsi que les conduites sans permis et sans assurance, en réitération ou récidive du moins lorsque ces infractions n'ont pas fait de victimes. Elle peut être retenue aussi pour les auteurs de vol ou de dégradation mais de préférence lorsque ces infractions ont concerné des victimes « institutionnelles ». Dans plusieurs tribunaux (Bobigny, Lyon....), la CRPC est également appliquée à certaines infractions au droit pénal du travail (travail dissimulé, infractions aux règles d'hygiène et de sécurité), voire à certaines infractions au droit pénal de la consommation ;

- la procédure devant le procureur se déroule de manière similaire : celui-ci rappelle les faits (et le cas échéant, les éléments contenus dans le casier judiciaire) ; il invite l'auteur des faits à s'exprimer puis donne la parole à l'avocat (ces échanges contribuant à éclairer la personnalité de l'auteur des faits) 4 ( * ) ; il propose la peine puis l'intéressé et son avocat en discutent en son absence ; la personne commise fait alors connaître au procureur sa décision -ou éventuellement, mais le cas semble rare, son intention d'utiliser le délai de réflexion que la loi lui reconnaît ;

- les peines proposées par la grande majorité du parquet paraissent légèrement inférieures à celles qui auraient été prononcées dans le cadre d'une audience correctionnelle classique.

Des particularités sont néanmoins constatées :

- certains parquets appliquent la CRPC aux personnes déférées tandis que d'autres s'y refusent au motif qu'un échec pourrait conduire à orienter la personne concernée en comparution immédiate dont les audiences, du moins pour les juridictions les plus importantes, sont déjà surchargées. Aujourd'hui, la part des affaires traitées sur défèrement ne représentent que 5,3 % de l'ensemble des dossiers passés en CRPC ;

- certains parquets proposent des peines d'emprisonnement ferme (Paris, Bobigny, Toulon, Laval...), d'autres -la majorité, semble-t-il, écartent cette possibilité.

Les limitations que se sont fixés certains parquets peuvent surprendre. Cependant, elles se justifient dans le contexte d'une mise en place négociée et progressive de la procédure . A moyen terme, il est souhaitable cependant que l'ensemble des possibilités prévues par le législateur soient utilisées.

Une procédure bien acceptée

La CRPC ne se serait pas inscrite aussi rapidement dans le paysage judiciaire si elle n'avait recueilli, en pratique, l'assentiment des acteurs de l'institution.

Il est vrai que dans toutes les juridictions, la mise en oeuvre de la procédure a été précédée d'une concertation étroite entre le parquet, le siège et le barreau, en particulier quant au champ des infractions susceptibles de faire l'objet d'une CRPC et de l'éventail des sanctions proposées.

Au regard du bouleversement des logiques qui inspirent habituellement la procédure pénale, cette adhésion n'allait pas de soi.

Le rôle du parquet , en particulier, s'est trouvé profondément modifié. L'autorité de poursuite est ainsi appelée à jouer un rôle beaucoup plus proche de celui du juge du siège : les propositions de sanction doivent correspondre à l'orthodoxie juridique en termes d'imputabilité, de qualification retenue, de proportionnalité... En outre, la conduite d'une CRPC suppose un équilibre entre capacité de dialogue et fermeté et cette responsabilité ne peut être confiée qu'à des magistrats expérimentés. Les représentants du parquet paraissent, en tout cas, convaincus de l'intérêt de cette procédure et prêts à endosser le nouveau rôle qui leur est ainsi dévolu.

Mieux encore, les avocats , au delà de certaines positions de principe, semblent en passe d'adopter la CRPC. Sans doute certains ont-ils souligné le paradoxe qui les conduit lors de l'audience d'homologation, en l'absence du procureur, à défendre la peine proposée. Néanmoins, comme la loi le permet, l'initiative du recours à la procédure est revenue dans plusieurs cas aux avocats. La perspective d'une sanction plus adaptée à la personnalité de l'intéressé, le souci d'éviter l'opprobre du procès en correctionnelle sont les deux principaux atouts mis en avant par les barreaux.

Les clivages les plus forts se marquent au sein des magistrats du siège . Certains supportent mal de voir leur rôle restreint à un choix binaire : homologuer ou non une sanction qu'ils ne peuvent, en aucun cas, modifier. D'autres, au contraire, estiment que l'homologation n'est pas seulement une formalité : la loi assigne au président du tribunal de « vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique » (art. 495-9). De plus, l'ordonnance d'homologation doit être motivée par les constatations, d'une part, que la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés, d'autre part, que la peine proposée est justifiée  « au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur » (art. 495-10). La CRPC apparaît aussi pour le juge du siège comme une opportunité de se décharger d'un contentieux souvent répétitif pour se consacrer davantage aux affaires les plus délicates et les plus graves.

Enfin, le taux très élevé d'homologation des propositions de peine du parquet manifeste dans les faits l'assentiment du siège aux orientations retenues par le parquet en matière répressive.

Une réelle valeur ajoutée au regard des procédures existantes

En instituant la CRPC, le législateur poursuivait un double objectif : d'une part alléger les audiences correctionnelles , d'autre part, favoriser un traitement plus personnalisé de l'infraction pénale.

Il est sans doute encore trop tôt pour se prononcer sur le premier de ces buts. Il n'apparaît pas possible, en particulier, de mesurer si la CRPC est susceptible de « mordre » sur des affaires actuellement orientées vers la comparution immédiate 5 ( * ) . Il semble néanmoins acquis qu'elle permet de traiter certains contentieux soumis au juge unique (ainsi, dans plusieurs juridictions, tel le tribunal de grande instance de Cambrai, la CRPC a permis de supprimer une audience à juge unique).

En dégageant ainsi du temps d'audience supplémentaire, elle devrait favoriser, d'une part, un audiencement plus rapide des dossiers et, d'autre part, un traitement approfondi de certaines affaires que l'organisation actuelle des audiences n'autorise pas toujours. Par ailleurs, la CRPC est également appliquée à des affaires qui auraient fait l'objet d'un classement sans suite. A cet égard, elle a contribué à améliorer le taux de réponse pénale .

Il est incontestable néanmoins que sa mise en oeuvre s'est traduite par un transfert de charge du siège vers le parquet. Cependant, celui-ci a accueilli avec faveur ce nouveau dispositif et s'est organisé en conséquence.

Selon les nombreux témoignages recueillis par votre rapporteur, les problèmes matériels se concentrent sur le greffe compte tenu de l'insuffisance chronique des effectifs de fonctionnaires et de l'inadaptation de l'outil informatique. Sans doute ces difficultés ne concernent elles pas seulement la CRPC mais elles pourraient, à terme, constituer un frein au développement de cette procédure.

S'il est délicat, à ce stade, de se prononcer sur le gain de temps qu'apporterait la procédure, il semble néanmoins que le principal avantage du dispositif serait plutôt d'ordre qualitatif que quantitatif. En effet, l'intérêt de la procédure au regard d'une meilleure administration de la justice semble d'ores et déjà avéré. Trois avantages méritent, à cet égard, d'être soulignés. En premier lieu, la CRPC a permis de redonner au débat sur la sanction pénale une importance parfois négligée dans le cadre d'une audience correctionnelle classique. Ensuite, la CRPC contribue à l'« humanisation » de la justice : les magistrats soulignent généralement l'effort de personnalisation de la sanction tandis que les avocats mettent en avant l'intérêt, en particulier pour les primo-délinquants, d'éviter le poids de l'audience publique classique. Enfin, l' exécution de la peine , préoccupation récurrente s'agissant des jugements rendus en matière pénale, ne soulève pas ici de difficulté : d'une part, la peine est acceptée, d'autre part, elle est, en principe, immédiatement exécutée (ainsi lorsque la peine homologuée est une peine d'emprisonnement ferme, la personne est soit immédiatement incarcérée, soit convoquée devant le juge d'application des peines à qui l'ordonnance est transmise sans délai - article 495-11).

II. LA PRÉSENCE OBLIGATOIRE DU PARQUET A L'AUDIENCE D'HOMOLOGATION : UNE HYPOTHÈQUE SÉRIEUSE POUR LE DEVENIR DE CETTE PROCÉDURE

A. L'ESPRIT DE LA RÉFORME : UNE AUDIENCE D'HOMOLOGATION TENUE EN L'ABSENCE DU PROCUREUR

La mise en oeuvre de la CRPC a soulevé une question qui n'avait pas été précisée par la loi : le ministre public doit-il être représenté à l'audience d'homologation ?

Selon votre commission, l'audience d'homologation doit être une alternative à l'audience correctionnelle classique et non en constituer le doublon. Il s'agit dès lors d'une audience sui generis revêtue du double caractère de la publicité et de la rapidité.

Cette analyse résulte tout à la fois des travaux préparatoires de la loi, de la logique même du dispositif de la CRPC et, enfin, des inconvénients qui résulteraient d'une présence obligée du parquet.

Au reste, la circulaire d'application du ministère de la justice du 2 septembre 2004 avait explicitement noté que cette présence demeurait facultative.

L'éclairage des travaux préparatoires

Si le caractère public de l'audience d'homologation a fait l'objet d'un débat entre l'Assemblée nationale et le Sénat au cours des deux lectures successives de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la représentation du ministère public à cette audience n'a pas été évoquée et aucun lien n'a été établi entre publicité de l'audience et présence du parquet.

L'Assemblée nationale avait estimé préférable de prévoir que le président du tribunal devrait statuer en chambre du Conseil (l'ordonnance étant en tout état de cause rendue publique en cas d'homologation). Le Sénat avait quant à lui défendu le principe de la publicité. Comme votre rapporteur l'avait alors souligné, le CRPC « n'a pas vocation à être une procédure secrète. S'il est important que les propositions faites par le procureur à la personne puissent demeurer confidentielles tant qu'elles n'ont pas été acceptées, il est normal que la procédure d'homologation soit publique » 6 ( * ) . Le Sénat avait donc prévu de revenir au projet de loi initial : le président entendait la personne et son avocat en audience publique mais il pouvait décider, d'office ou à la demande de la personne ou de son avocat, de statuer en chambre du conseil. Néanmoins, sur la base de l'accord général élaboré en commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion, il avait été décidé que l'homologation de la procédure se déroulerait en chambre du conseil.

Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, annulé cette disposition. En effet, la haute juridiction a déduit de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 le principe de publicité du jugement des affaires pénales pouvant conduire à une privation de liberté -sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos. Au regard de ces dispositions, le fait qu'une peine d'emprisonnement peut être proposée dans le cadre de la CRPC, impose que l'homologation de la sanction proposée et acceptée par la personne soit publique.

En revanche, le Conseil constitutionnel ne mentionne à aucun moment la présence du parquet alors même que celle-ci aurait pu être avancée soit comme l'un des motifs de la nécessaire publicité de l'audience, soit comme l'une de ses conséquences.

Selon la note de jurisprudence jointe à la décision du Conseil constitutionnel 7 ( * ) , l'exigence de publicité serait liée en effet, d'une part, à la présence de la victime (dont la demande de réparation, notamment, pourrait donner lieu à débat) et, d'autre part, au principe d'exemplarité des peines compte tenu de la gravité des sanctions susceptibles d'être homologuées.

Par ailleurs, la préférence manifestée par le Sénat en faveur de la publicité de l'audience d'homologation visait à éviter que la CRPC ne donne prise au reproche d'une justice secrète ou confidentielle. En revanche, la Haute assemblée n'a jamais estimé que la publicité impliquait la présence du parquet.

La logique de la CRPC

L' économie du mécanisme institué par le législateur est commandé par le souci d'éviter une audience correctionnelle classique. La procédure ne peut s'appliquer qu'aux personnes qui ont reconnu les faits. Elle s'articule autour de deux étapes successives : le parquet propose la peine après avoir entendu l'intéressé, le président du tribunal contrôle la conformité de la peine au regard des critères fixés par la loi. Ces deux séquences sont complémentaires et non redondantes . Il ne doit y avoir aucune ambiguïté à cet égard. Au reste, le Sénat avait rejeté lors de l'examen en deuxième lecture de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité un amendement présenté par notre collègue M.Robert Badinter tendant à permettre au juge d'inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle 8 ( * ) .

L'audience d'homologation n'a pas pour objet d'ouvrir un débat avec la personne intéressée. Aux yeux de votre commission, son intérêt est double : permettre au juge de contrôler l'« orthodoxie » juridique et l'adéquation de la peine et assurer à la victime la possibilité de faire valoir ses droits.

Les inconvénients pratiques d'une présence obligatoire du parquet

Si le parquet assume pleinement la charge accrue liée à la mise en place de la CRPC compte tenu du bénéfice global attendu en matière d'audiencement, l'équilibre se trouverait rompu par l'institution d'une présence obligée à l'audience. En effet, en premier lieu, la participation systématique du procureur de la République allongerait le temps consacré par le ministère public à cette procédure. En outre, dans la mesure où elle conduirait à réunir tous les « acteurs » habituels d'un procès classique, elle risquerait également de donner prise à l'ouverture d'un véritable débat contrairement à l'objectif poursuivi. Dès lors, la durée de la procédure serait considérablement allongée sans qu'aucune valeur ajoutée puisse en être attendue puisque l'audience d'homologation répliquerait la comparution devant le procureur.

Il faut ajouter que dans la plupart des tribunaux, du moins jusqu'aux récentes décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, le parquet ne participait pas à l'audience d'homologation. Cette absence n'a généralement soulevé aucune difficulté dans la mesure où la procédure a été mise en place en étroite concertation entre le siège et le parquet. Ainsi, les sanctions proposées lors de la comparution de l'intéressé devant le procureur s'inspirent étroitement de la jurisprudence du tribunal 9 ( * ) .

En revanche, certaines juridictions de taille moyenne (Toulon, Reims...) ont fait le choix d'organiser les homologations dans le prolongement des audiences correctionnelles classiques -le ministère public y participe donc naturellement sans subir de réelle surcharge. Cette organisation n'est toutefois pas adaptée pour les tribunaux dont les audiences correctionnelles sont déjà très chargées. Elle pourrait se révéler en tout état de cause difficile à maintenir dans la perspective d'une montée en puissance des contentieux traités par la voie de la CRPC.

B. LE RISQUE D'INTERPRÉTATONS CONTRADICTOIRES EN L'ABSENCE DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PRÉCISES

1. Certaines incertitudes sur l'application du principe de la présence du parquet au débat des juridictions de jugement

En droit, l'absence de précision quant à l'obligation ou non pour le parquet de participer à l'audience d'homologation peut être une source d'incertitude.

Aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, « le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste au débat des juridictions de jugement. Toutes les décisions sont prises en sa présence ».

Cependant, les dispositions spécifiques à chaque juridiction rappellent expressément la présence du ministère public et les conditions de son intervention 10 ( * ) . Inversement, il n'est pas présent lorsqu'aucune disposition ne le prévoit. Il en est ainsi du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République aux fins de placement du prévenu en détention provisoire dans l'attente de sa comparution devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. De même le parquet n'est pas présent lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil en application des articles 8 et 8-1 de l'ordonnance du 2 février 1945.

A contrario , il est vrai, l'article 464, troisième alinéa, du code de procédure pénale prévoit explicitement que la présence du ministère public n'est pas obligatoire à l'audience correctionnelle consacrée aux seuls intérêts civils.

2. Les positions prises par la cour de cassation et le Conseil d'Etat

L'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005

Par trois décisions datées du 2, 8 et 21 février 2005, les juges délégués par le président du tribunal de grande instance de Nanterre afin de statuer en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ont, sur le fondement de l'article 706-64 du code de procédure pénale, sollicité l'avis de la Cour de cassation sur le point de savoir « si, en application des articles 495-9, 32 et 39 du code de procédure pénale, la présence du parquet est obligatoire ou facultative à l'audience publique, prévue pour l'homologation (ou le refus d'homologation) de la peine proposée par le procureur de la République ».

La Cour de cassation a appuyé son avis sur la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci, rappelle le communiqué rendu à la suite de l'avis, a relevé que l'homologation ou le refus d'homologation est une décision juridictionnelle et indiqué que l'audience au cours de laquelle cette décision est rendue devait être publique.

La Cour de cassation a estimé dès lors qu'étaient applicables les dispositions de l'article 32 du code de procédure pénale selon lesquelles le procureur de la République « assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence ». En conséquence, la Cour de cassation considère que le ministère public est « tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence ».

Sans doute cet avis ne lie pas les juridictions à la différence de la décision que pourrait être conduite à prendre la chambre criminelle saisie de la question dans le cadre d'un pourvoi en cassation 11 ( * ) . Néanmoins, en pratique, il pouvait conduire les tribunaux à organiser la présence systématique du ministère public à l'audience d'homologation au risque de décourager l'emploi de cette procédure. C'est pourquoi le ministère de la justice a publié, le 21 avril 2005, une circulaire dissociant au sein de l'audience d'homologation la phase au cours de laquelle le juge entend la personne et prend sa décision et celle où l'ordonnance est lue en audience publique. Seule cette dernière phase impliquerait la présence du parquet. Selon les précisions apportées par cette circulaire, il serait « en pratique possible que l'ordonnance soit rendue immédiatement à l'issue de la présentation de la personne, et que ce soit à la plus prochaine audience du tribunal correctionnel, à laquelle assiste nécessairement le parquet, audience intervenant le jour même ou quelques jours plus tard, et à laquelle l'intéressé n'a évidemment pas besoin d'être présent, que l'ordonnance sera lue publiquement ».

Les positions prises par le Conseil d'Etat en tant que juge des référés le 11 mai 2005

Cette circulaire, ainsi que celle du 2 septembre 2004 précitée, ont alors fait l'objet devant le Conseil d'Etat, statuant en juge des référés à l'initiative du syndicat des avocats de France, d'une demande de sursis à exécution.

Le Conseil d'Etat, invoquant un « doute sérieux » quant à leur légalité, a ordonné le sursis à exécution des deux circulaires au regard de l'article 32 du code de procédure pénale 12 ( * ) . Il a estimé également que l'absence du procureur à l'audience d'homologation serait « susceptible d'entacher à terme la régularité de nombreux jugements d'homologation ».

Compte tenu des positions prises par les deux plus hautes juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif et de l'enjeu qui s'attache au caractère facultatif de la présence du parquet à l'audience d'homologation pour assurer le succès de cette procédure, le législateur se doit de mieux préciser son intention.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

III. LA PROPOSITION DE LOI : UNE CLARIFICATION INDISPENSABLE

L'article unique de la proposition de loi tend à modifier la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 495-9 relatif à la phase d'homologation de la proposition de peine afin d'apporter une double clarification.

En premier lieu, le texte proposé indique que « la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire » en reprenant les termes mêmes de l'article 464 du code de procédure pénale relatif aux audiences du tribunal correctionnel statuant sur les seuls intérêts civils.

Cette rédaction ménage la souplesse nécessaire afin de tenir compte, d'une part, de l' organisation de certaines juridictions (en particulier celles de taille moyenne) qui ont d'ores et déjà intégré l'audience d'homologation dans le prolongement des audiences correctionnelles et, d'autre part, de l'intérêt que dans certaines circonstances particulières , le parquet puisse, à son initiative ou à la demande du président du TGI, participer à l'audience d'homologation afin d'expliquer la sanction proposée.

La précision apportée permettra ainsi d'expliciter l'intention du législateur quant aux conditions d'organisation de la procédure.

En second lieu, il s'agit d'indiquer expressément que l'audience au cours de laquelle le président du TGI statue revêt un caractère public . En effet, la décision du Conseil constitutionnel avait conduit à retrancher du texte la précision selon laquelle le juge du siège entendait la personne et son avocat « en chambre du conseil ». En l'état, le texte se borne à mentionner que l'ordonnance d'homologation est « lue en audience publique » (art. 495-9 du code de procédure pénale).

La rédaction proposée tend en conséquence à indiquer que l'ensemble de la procédure liée à la phase d'homologation se déroule en audience publique. Ces formalités sont de quatre ordres :

- l'audition de la personne et de son avocat au cours de laquelle le juge s'assure en particulier que la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés et accepte la peine proposée par le procureur de la République ;

- la vérification des faits et de leur qualification juridique ;

- la décision d'homologation ou de non homologation de la peine -dont le choix, comme le précise l'article 495-11, doit être justifié au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ;

- en cas d'homologation, la lecture de cette ordonnance.

Dès lors qu'il serait indiqué que ces différentes phases ont lieu en audience publique, la précision selon laquelle l'ordonnance d'homologation est rendue publique, redondante, ne serait donc pas reprise.

Votre commission vous propose de substituer le terme « procédure » à celui de « formalités » qui figure dans le texte initial de la proposition de loi.

*

* *

Cette double clarification devrait contribuer à assurer le développement d'une procédure qui représente assurément un changement important dans les pratiques et les habitudes judiciaires mais apparaît aussi comme l'instrument privilégié d'une justice plus efficace car mieux comprise et mieux acceptée.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte de ses conclusions reproduit ci-après .

TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS

PROPOSITION DE LOI PRÉCISANT LE DÉROULEMENT DE L'AUDIENCE D'HOMOLOGATION DE LA COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ

Article unique

La dernière phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« La procédure prévue par le présent alinéa se déroule en audience publique ; la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire. »

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Conclusions
de la commission

___

Proposition de loi précisant

le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Proposition de loi précisant

le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Code de procédure pénale

Article unique

Article unique

« Art. 495-9. -- Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.

La dernière phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

(Alinéa sans modification).

« Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique. »

« Les formalités prévues par le présent alinéa ont lieu en audience publique ; la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire. »

« La procédure prévue par...

...alinéa se déroule en...

...obligatoire. »

ANNEXES

_____

ANNEXE 1

COUR DE CASSATION - AVIS N° 005 0004P DU 18 AVRIL 2005

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - Procédure - Audience d'homologation - Ministère public - Présence - Nécessité.

Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du Code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence.

LA COUR DE CASSATION,

Vu les articles L. 151-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire et 706-64 et suivants du Code de procédure pénale ;

Vu la demande d'avis formulée le 2 février 2005 par le tribunal de grande instance de Nanterre, reçue le 4 février 2005, dans la procédure suivie contre Laurent X... pour conduite d'un véhicule malgré suspension du permis de conduire, et ainsi libellée :

" En application des articles 495-9, [31], 32 et 39 du Code de procédure pénale, la présence du parquet est-elle obligatoire ou facultative à l'audience publique, prévue pour l'homologation (ou le refus d'homologation) de la peine proposée par le procureur de la République ? " ;

Vu la demande d'avis formulée le 8 février 2005 par le tribunal de grande instance de Nanterre, reçue le 10 février 2005, dans la procédure suivie contre Claude Y... pour conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste et refus, par le conducteur d'un véhicule, de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique, et ainsi libellée :

" En application des articles 495-9, 31, 32 et 39 du Code de procédure pénale, la présence du parquet est-elle obligatoire ou facultative [à l'audience publique] prévue pour l'homologation (ou le refus d'homologation) de la peine proposée par le procureur de la République ?" ;

Vu la demande d'avis formulée le 21 février 2005 par le tribunal de grande instance de Nanterre, reçue le 24 février 2005, dans la procédure suivie contre Nicolas Z... pour conduite d'un véhicule sans permis, et ainsi libellée :

" En application des articles 495-9, 31, 32 et 39 du Code de procédure pénale, la présence du parquet est-elle obligatoire ou facultative [à l'audience publique] prévue pour l'homologation (ou le refus d'homologation) de la peine proposée par le procureur de la République ?" ;

Joignant les demandes d'avis en raison de la connexité ;

Sur le rapport de M. LEMOINE, conseiller référendaire, et les conclusions de Monsieur MOUTON , avocat général,

EST D'AVIS QUE :

Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du Code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence.

Fait à Paris, le 18 avril 2005, au cours de la séance où étaient présents : M. CANIVET, premier président, MM. COTTE et ANCEL, présidents de chambre, MM. JOLY et METIVET, doyens, M. LE GALL, Mme MAZARS et Mme NOCQUET, conseillers, M. LEMOINE, conseiller référendaire rapporteur, assisté de Mme LAZERGES, auditeur, M. MOUTON, avocat général, Mme TARDI, greffier en chef.

ANNEXE 2

ORDONNANCES DU CONSEIL D'ÉTAT N° 279833 ET N° 279834
DU JUGE DES RÉFÉRÉS DU 11 MAI 2005,
SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE

N° 279833

Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son président ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la circulaire du 19 avril 2005 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a fixé les suites à réserver à l'avis du 18 avril 2005 de la Cour de cassation relatif à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il expose qu'en son article 137 la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale des articles 495-7 à 495-16 qui instituent une procédure dénommée " comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité " ; qu'une première circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice qui commente cette procédure contient plusieurs dispositions impératives qui fixent illégalement des règles nouvelles ; que cette circulaire a fait l'objet de la part de l'exposant d'un recours en annulation enregistré sous le n° 273757 ; que sous le n° 279834 est demandée, par ailleurs, la suspension de cette circulaire ; que par la présente le syndicat exposant entend solliciter également la suspension d'une autre circulaire prise à la date du 19 avril 2005 qui persiste dans les pratiques illégales instaurées par la circulaire du 2 septembre 2004, nonobstant l'avis rendu le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; que la circulaire du 19 avril 2005 émane d'une autorité incompétente ; d'une part, en ce que son signataire, le directeur des Affaires criminelles et des grâces, ne disposait pas d'une délégation régulière ; d'autre part, et en tout état de cause, en ce que le ministre de la justice ne dispose pas, en l'absence d'habilitation législative et faute pour lui de se borner à prendre les mesures nécessaires à l'organisation des services placés sous son autorité, du pouvoir réglementaire ; que, sur le fond, la circulaire méconnaît les dispositions législatives qu'elle se propose d'interpréter ; que contrairement à ce que soutient la circulaire, l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 implique que le magistrat du parquet assiste à l'audience d'homologation faisant suite à la proposition du procureur et à son acceptation par la personne concernée ; que l'absence du ministère public est également contraire à l'article 32 du code de procédure pénale aux termes duquel le ministère public " est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement. Toutes les décisions sont prononcées en sa présence " ; qu'en effet, ainsi que l'a relevé l'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, l'audience d'homologation est une " audience de jugement " ; que c'est en vain que la circulaire opère une distinction entre la décision prise par le président du tribunal ou le juge délégué, qui présente un caractère juridictionnel, et la présentation de la personne devant ce magistrat ; qu'en toute hypothèse, la décision d'homologation, qui a un caractère juridictionnel, ne peut être prise et prononcée qu'en présence du ministère public ; que c'est en méconnaissance de l'article 495-9 du code de procédure pénale que la circulaire retient que la décision d'homologation peut être prise en l'absence du ministère public et lue ultérieurement en sa présence ; que les dispositions de la circulaire formant un ensemble indivisible, la suspension ordonnée doit porter sur la totalité de la circulaire ; qu'il y a urgence à suspendre dans la mesure où la circulaire est d'application immédiate et que de nombreuses décisions rendues sur son fondement sont susceptibles d'annulation pour vice de procédure et violation des droits de la défense ;

Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistré le 3 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour l'Ordre des avocats de Paris, dont le siège est place Dauphine, 75053 Paris cedex 1 ; l'Ordre des avocats de Paris conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les motifs que l'atteinte grave et immédiate portée aux droits de la défense par la circulaire contestée caractérise amplement la situation d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que la circulaire est illégale, en ce qu'elle émane d'une autorité incompétente, le ministre de la justice ne disposant d'aucun pouvoir réglementaire pour édicter des dispositions impératives d'application de la loi du 9 mars 2004 ; qu'en outre, la circulaire n'est pas conforme aux dispositions législatives auxquelles elle se rapporte ; qu'en effet, ainsi que cela ressort tant de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 que de l'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, elle est contraire aux dispositions des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale ;

Vu, enregistré le 6 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour le Conseil national des Barreaux dont le siège est 23 rue de la Paix, 75002 Paris ; le Conseil national des Barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer dont le siège est 12, place Dauphine, 75001 Paris ; la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en défense présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête au motif, à titre principal, qu'elle ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la circulaire contestée se rapporte directement et exclusivement au déroulement de procédures judiciaires ; qu'elle a en effet pour fondement l'article 30 du code de procédure pénale aux termes duquel le ministre de la justice " adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique " ; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de relever que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; qu'à cet égard, le syndicat requérant ne saurait se fonder sur la perspective de la multiplication des contestations contentieuses qui seraient suscitées par l'illégalité de la décision contestée ; qu'il n'indique pas en quoi les instructions ministérielles porteraient atteinte aux droits de la défense ; qu'en outre, à l'exception d'un avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, aucun élément nouveau susceptible de caractériser la survenance d'une situation d'urgence n'est intervenu entre le 1 er octobre 2004, date de la mise en oeuvre de la procédure et le 21 avril 2005, date à laquelle a été présentée la demande de suspension ; qu'à titre très subsidiaire, il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité de la circulaire ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le signataire de la circulaire avait reçu délégation à cet effet ; que le ministre exposant tire sa compétence pour prendre la circulaire des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale ; que les moyens de légalité interne ne sont pas davantage pertinents ; que la présence du parquet n'est pas exigée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale lorsque la personne et son avocat sont entendus par le juge du siège et lorsque celui-ci prend sa décision sur l'homologation ; que sa présence n'est pas davantage requise par l'article 32 du code de procédure pénale, nonobstant l'avis émis le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; qu'en effet, la question de la publicité des audiences n'est pas liée à la présence ou non du parquet ; qu'en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il n'y a pas de débat contradictoire entre l'accusation et la défense ; que la décision rendue par le juge du siège n'est pas un jugement ; que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 a distingué la phase d'homologation de l'audience correctionnelle ordinaire ; que ces questions sont distinctes de celle de la présence du parquet lors de la lecture de l'ordonnance du magistrat du siège en audience publique sur laquelle précisément la circulaire du 19 avril 2005 a apporté des précisions complémentaires par rapport à la circulaire générale du 2 septembre 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973, autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mars 1974 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article préliminaire, ses articles 30, 32, 495-7 à 495-16 et 706-64 à 706-70 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment ses articles L. 151-1 et L. 151-2 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

- le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE,
- l'Ordre des avocats de Paris,
- le Conseil national des Barreaux,
- la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-mer,
- le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 mai 2005 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-mer ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en se fondant sur ces dispositions, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de la circulaire du 19 avril 2005 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a fixé les suites à réserver à l'avis du 18 avril 2005 de la Cour de cassation relatif à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur l'exception d'incompétence invoquée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que le juge administratif ne peut être saisi d'un pourvoi tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel il se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l'autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l'interprétation qu'elle entend donner des lois et règlements ; qu'il appartient au juge de la légalité des actes administratifs de s'assurer que l'interprétation retenue ne méconnaît pas le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires que le ministre se propose d'expliciter ou ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ;

Considérant toutefois, que l'indépendance de l'autorité judiciaire fait obstacle à ce que la juridiction administrative puisse s'immiscer dans le déroulement d'une procédure judiciaire ;

Considérant que la circulaire dont la suspension est demandée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet, a pour objet de faire connaître l'interprétation que le ministre de la justice entend donner des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale ; que le contrôle de légalité exercé sur ce point est par lui-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE excède manifestement la compétence du juge des référés administratifs ;

Sur les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer :

Considérant que l'Ordre des avocats de Paris, le Conseil national des Barreaux et la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ont intérêt à ce que soit ordonnée la suspension de la circulaire litigieuse relative à la portée des textes régissant la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

Considérant que le I de l'article 137 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a inséré dans le code de procédure pénale, sous des articles 495-7 à 495-16, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le champ d'application de cette procédure est défini par les articles 495-7 et 495-16 ; que l'article 495-8 détermine les conditions dans lesquelles le procureur de la République peut proposer à la personne concernée l'exécution d'une ou plusieurs des peines encourues, leur nature et leur quantum ainsi que les modalités de l'acceptation par l'intéressé de la ou des peines proposées ; que l'article 495-9 énonce dans un premier alinéa que : " lorsque en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation " ; qu'aux termes du second alinéa du même article : " le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique " ; que selon le deuxième alinéa de l'article 495-11 du code précité, l'ordonnance d'homologation " a les effets d'un jugement de condamnation " ; qu'elle peut, comme le prévoit le troisième alinéa du même article faire l'objet d'un appel de la part du condamné ; que d'après l'article 495-13, lorsque la victime de l'infraction est connue, elle est informée sans délai par tout moyen de la procédure et est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits ;

Considérant qu'appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel, par une décision du 2 mars 2004 à laquelle s'attache l'autorité définie par l'article 62 de la Constitution, a censuré une disposition insérée dans le texte de l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il avait été adopté par le Parlement qui conférait un caractère non public à l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos ; que la même décision n'a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure que sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé, qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en outre, le président du tribunal de grande instance peut refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ;

Considérant que si la loi du 9 mars 2004 a, par ses articles 63, 64 et 65, qui modifient respectivement les articles 30, 35 et 36 du code de procédure pénale, précisé les attributions du ministre de la justice et du procureur général en matière de procédure pénale, elle a laissé inchangé le texte de l'article 32 de ce code aux termes duquel le ministère public " assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence " ;

Considérant que par sa circulaire en date du 19 avril 2005, le ministre de la justice a fait savoir aux magistrats du parquet que leur présence n'était juridiquement exigée par la loi qu'au cours de la lecture publique de l'ordonnance d'homologation prévue à l'article 495-9 du code de procédure pénale ;

Considérant d'une part, que le moyen tiré de ce que la circulaire méconnaît les dispositions combinées des articles 495-9 et 32 du code de procédure pénale est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire ;

Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 495-14 du code de procédure pénale, à peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 ; qu'eu égard notamment aux conséquences ainsi attachées par la loi aux formalités qu'exige ou implique l'article 495-9 la condition relative à l'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'application de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 19 avril 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ces conclusions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros réclamée par le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


O R D O N N E :
------------------

Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer sont admises.

Article 2 : Est ordonnée la suspension de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 19 avril 2005.

Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à l'Ordre des avocats de Paris, au Conseil national des Barreaux, à la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.

N° 279834

Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son président ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice portant présentation des dispositions relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il expose qu'en son article 137 la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale des articles 495-7 à 495-16 qui instituent une procédure dénommée " comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité " ; que la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice qui commente cette procédure contient plusieurs dispositions impératives qui fixent illégalement des règles nouvelles ; que cette circulaire a fait l'objet de la part de l'exposant d'un recours en annulation enregistré sous le n° 273757 ; qu'il vient par la présente requête solliciter la suspension de cette circulaire ; que celle-ci émane d'une autorité incompétente ; d'une part, en ce que son signataire, le directeur des Affaires criminelles et des grâces ne disposait pas d'une délégation régulière ; d'autre part, et en tout état de cause, en ce que le ministre de la justice ne dispose pas, en l'absence d'habilitation législative et faute pour lui de se borner à prendre les mesures nécessaires à l'organisation des services placés sous son autorité, du pouvoir réglementaire ; qu'au fond, la circulaire méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives qu'elle entend expliciter et fixe illégalement, dans le silence de celles-ci, des règles nouvelles ; que tel est le cas, en premier lieu, de la reconnaissance par l'auteur des faits de sa culpabilité dès l'enquête préliminaire alors que l'article 495-7 du code de procédure pénale réserve la mise en oeuvre de cette procédure au seul procureur de la République et que l'article 495-8, tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel, implique que tant la reconnaissance de culpabilité que la proposition de la peine doivent avoir lieu en présence de l'avocat de l'intéressé, ce qui n'est pas le cas lors de l'enquête préliminaire ; qu'il en va de même, en deuxième lieu, de l'exclusion du champ de la nouvelle procédure, dans des conditions qui restreignent illégalement la portée de la loi, de deux séries d'éventualités ; d'une part, si une expertise psychiatrique est nécessaire ; d'autre part, lorsqu'il y a une victime et que l'affaire est complexe en raison de la nécessité d'évaluer le préjudice ; que sont, en troisième lieu, contraires à la loi les dispositions prévoyant la convocation de la personne par un officier de police judiciaire ou par un agent de police judiciaire ainsi que celles relatives au rôle conféré au délégué du procureur de la République dans le choix de la nouvelle procédure plutôt que celle de la composition pénale, au motif qu'elles ajoutent à la loi ; qu'en effet, celle-ci fait relever la procédure de comparution du procureur de la République et implique que toute reconnaissance de culpabilité ne puisse intervenir qu'en présence de l'avocat de l'intéressé ; que, pour les mêmes motifs, sont, en quatrième lieu, illégales les modalités retenues pour la proposition de la peine ; qu'enfin, en conférant un caractère facultatif à la présence du ministère public lors de l'audience d'homologation, la circulaire est contraire tant à l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel qu'à l'article 32 du code, ainsi que l'a relevé la Cour de cassation dans son avis du 18 avril 2005 ; qu'il y a urgence à suspendre la circulaire afin que ne perdure pas une situation à la fois illégale, dangereuse et attentatoire aux droits de la défense ;


Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistré le 3 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour l'Ordre des avocats de Paris, dont le siège est Place Dauphine, 75053 Paris cedex 1 ; l'Ordre des avocats de Paris conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les motifs que l'atteinte grave et immédiate portée aux droits de la défense par la circulaire contestée caractérise amplement la situation d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que la circulaire est illégale en ce qu'elle émane d'une autorité incompétente, le ministre de la justice ne disposant d'aucun pouvoir réglementaire pour édicter des dispositions impératives d'application de la loi du 9 mars 2004 ; qu'en outre, la circulaire n'est pas conforme aux dispositions législatives auxquelles elle se rapporte ; qu'elle énonce en effet que la présence du procureur de la République aux débats de l'audience prévue pour l'homologation ou le refus d'homologation de la peine n'est pas requise ce qui est contraire tant à l'article 495-9 du code de procédure pénale, tel qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel, qu'à l'article 32 dudit code ; que la Cour de cassation a pris position dans le même sens dans son avis du 18 avril 2005 ; qu'en outre, la circulaire méconnaît les garanties procédurales prévues par la loi concernant les prérogatives dévolues au ministère public et l'assistance de l'avocat tout au long de la procédure ; qu'en effet, elle enjoint aux auteurs de l'enquête de vérifier l'état d'esprit de l'intéressé quant à une reconnaissance de culpabilité à un stade où l'initiative de recourir à cette procédure n'a pas été officiellement prise et où l'avocat n'est pas présent ; qu'elle autorise le délégué du procureur à engager la procédure alors que la loi ne lui reconnaît pas cette compétence ; qu'elle prévoit la possibilité pour les enquêteurs d'informer l'intéressé des propositions de peine envisagée, sans qu'aucune garantie ne soit donnée quant à la présence de l'avocat à ce stade de la procédure ;

Vu, enregistré le 6 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour le Conseil national des Barreaux dont le siège est 23 rue de la Paix, 75002 Paris ; le Conseil national des Barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en intervention présenté pour la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer dont le siège est 12, place Dauphine, 75001 Paris ; la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête en reprenant l'ensemble des moyens invoqués par l'Ordre des avocats de Paris dans son mémoire en intervention ;

Vu, enregistré le 9 mai 2005, le mémoire en défense présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête au motif, à titre principal, qu'elle ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que la circulaire contestée se rapporte directement et exclusivement au déroulement de procédures judiciaires ; qu'elle a en effet pour fondement l'article 30 du code de procédure pénale aux termes duquel, le ministre de la justice " adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique " ; qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de relever que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; qu'à cet égard, le syndicat requérant ne saurait se fonder sur la perspective de la multiplication des contestations contentieuses qui seraient suscitées par l'illégalité de la décision contestée ; qu'il n'indique pas en quoi les instructions ministérielles porteraient atteinte aux droits de la défense ; qu'en outre, à l'exception d'un avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005, aucun élément nouveau, susceptible de caractériser la survenance d'une situation d'urgence n'est intervenu entre la circulaire du 2 septembre 2004 sur les conditions de mise en oeuvre d'une procédure appliquée depuis le 1er octobre 2004 et le 21 avril 2005, date à laquelle a été présentée la demande de suspension ; qu'à titre très subsidiaire, il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité de la circulaire ; que, contrairement à ce que soutient la requête, le signataire de la circulaire avait reçu délégation à cet effet ; que le ministre exposant tire sa compétence pour prendre la circulaire des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale ; que les moyens de légalité interne ne sont pas davantage pertinents ; que le paragraphe 1.2.2.1. de la circulaire ne fait qu'inciter le parquet à demander aux enquêteurs de procéder à des vérifications complémentaires, afin de faciliter la décision du magistrat de recourir ou non, conformément à la loi à la procédure nouvelle ; que ces instructions s'inscrivent dans le pouvoir de direction de la police judiciaire reconnu au procureur de la République par le code de procédure pénale ; qu'il en va de même des indications figurant au paragraphe 2.2.1.1. qui permettent aux enquêteurs de demander si la personne est a priori favorable à faire l'objet de la nouvelle procédure, sans que les garanties légales relatives à sa mise en oeuvre en soient affectées ; que le paragraphe 1.2.2.2., qui invite les parquets à ne pas recourir à la nouvelle procédure lorsqu'une expertise psychiatrique est nécessaire, notamment pour les délits sexuels, ne fait que préciser la doctrine d'emploi de la procédure en cause, qui impose qu'elle soit réservée aux affaires simples ; que, dans la même logique, il est préconisé de ne recourir qu'avec certaines précautions à la nouvelle procédure lorsqu'il s'agit de délits causant des dommages corporels et pouvant donner lieu à l'intervention des caisses de sécurité sociale ; que les paragraphes 2.1.1.2., 2.1.1.2.1. et 2.1.1.2.3, qui ne font que préciser les modalités pratiques selon lesquelles une personne peut être convoquée devant le procureur afin de faire l'objet de la nouvelle procédure, ne mettent en cause ni les prérogatives incombant au parquet, ni les droits de la défense ; que la présence du parquet n'est pas exigée par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale lorsque la personne et son avocat sont entendus par le juge du siège et lorsque celui-ci prend sa décision sur l'homologation ; que sa présence n'est pas davantage requise par l'article 32 du code de procédure pénale, nonobstant l'avis émis le 18 avril 2005 par la Cour de cassation ; qu'en effet, la question de la publicité des audiences n'est pas liée à la présence ou non du parquet ; qu'en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il n'y a pas de débat contradictoire entre l'accusation et la défense ; que la décision rendue par le juge du siège n'est pas un jugement ; que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004, a distingué la phase d'homologation de l'audience correctionnelle ordinaire ; que ces questions sont distinctes de celle de la présence du parquet lors de la lecture de l'ordonnance du magistrat du siège en audience publique, sur laquelle la circulaire du 19 avril 2005 a apporté des précisions complémentaires ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article préliminaire, ses articles 30,32, 495-7 à 495-16 et 706-64 à 706-70 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment ses articles L. 151-1 et L. 151-2 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

- le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE,

- l'Ordre des avocats de Paris,

- le Conseil national des Barreaux,

- la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer

- le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 mai 2005 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu'en se fondant sur ces dispositions, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de la circulaire du 2 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice portant présentation des dispositions législatives relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

Sur l'exception d'incompétence invoquée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que le juge administratif ne peut être saisi d'un pourvoi tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel il se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l'autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l'interprétation qu'elle entend donner des lois et règlements ; qu'il appartient au juge de la légalité des actes administratifs de s'assurer que l'interprétation retenue ne méconnaît pas le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires que le ministre se propose d'expliciter ou ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ;

Considérant toutefois, que l'indépendance de l'autorité judiciaire fait obstacle à ce que la juridiction administrative puisse s'immiscer dans le déroulement d'une procédure judiciaire ;

Considérant que la circulaire dont la suspension est demandée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet, a pour objet essentiel de faire connaître l'interprétation que le ministre de la justice entend donner des dispositions des articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, introduites dans ce code par le I de l'article 137 de la loi du 9 mars 2004 susvisée et qui sont relatives à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le contrôle de légalité sur ce point est par lui-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE excède manifestement la compétence du juge des référés administratifs ;

Sur les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer :

Considérant que l'Ordre des avocats de Paris, le Conseil national des Barreaux et la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer ont intérêt à ce que soit ordonnée la suspension de la circulaire litigieuse ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

En ce qui concerne l'étendue de la contestation pouvant être en l'état utilement soumise au juge des référés :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;

Considérant que pour rechercher si la condition d'urgence est remplie, il appartient au juge des référés de rapprocher, d'une part, les motifs invoqués par le requérant pour soutenir qu'il est satisfait à cette condition et, d'autre part, la diligence avec laquelle il a, par ailleurs, introduit des conclusions d'annulation ; qu'en l'absence de circonstances particulières tenant notamment à l'évolution de la situation de droit ou de fait postérieurement à l'introduction des conclusions d'annulation, ce rapprochement peut conduire à estimer que la demande de suspension ne satisfait pas à la condition d'urgence, faute pour l'exécution de la décision de répondre à l'exigence d'immédiateté du préjudice allégué ;

Considérant que la circulaire du 2 septembre 2004 est relative à une procédure qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2004 ; que le syndicat requérant a formé une requête sommaire tendant à son annulation, le 2 novembre 2004 ; qu'il n'a cependant saisi le juge des référés du Conseil d'Etat de conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de cette circulaire qu'à la date du 21 avril 2005 ; qu'en l'espèce, aucun des arguments invoqués à l'appui de la demande de suspension pour établir l'urgence de celle-ci ne correspond à des données que le syndicat requérant n'aurait pas été à même de connaître ou d'apprécier lors de la présentation de ses conclusions principales ; qu'il n'en va autrement qu'en ce qui concerne la présence du ministère public à l'audience au cours de laquelle le juge du siège décide, s'il y a lieu, d'homologuer une proposition de peine du parquet, pour laquelle il est justifié d'un élément nouveau découlant de l'avis rendu par la Cour de cassation le 18 avril 2005 sur le fondement de la procédure issue des articles 706-64 à 706-70 du code de procédure pénale ;

En ce qui concerne le bien fondé de la contestation :

Quant à l'existence d'un moyen sérieux :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la loi du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale, sous des articles 495-7 à 495-16, une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que le champ d'application de cette procédure est défini par les articles 495-7 et 495-16 ; que l'article 495-8 détermine les conditions dans lesquelles le procureur de la République peut proposer à la personne concernée l'exécution d'une ou plusieurs des peines encourues, leur nature et leur quantum ainsi que les modalités de l'acceptation par l'intéressé de la ou des peines proposées ; que l'article 495-9 énonce dans un premier alinéa que : " lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur d'une requête en homologation " ; qu'aux termes du second alinéa du même article : " le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique " ; que selon le deuxième alinéa de l'article 495-11 du code précité, l'ordonnance d'homologation " a les effets d'un jugement de condamnation " ; qu'elle peut, comme le prévoit le troisième alinéa du même article faire l'objet d'un appel de la part du condamné ; que d'après l'article 495-13, lorsque la victime de l'infraction est connue, elle est informée sans délai par tout moyen de la procédure et est invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits ;

Considérant qu'appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel, par une décision du 2 mars 2004 à laquelle s'attache l'autorité définie par l'article 62 de la Constitution, a censuré une disposition insérée dans le texte de l'article 495-9 du code de procédure pénale tel qu'il avait été adopté par le Parlement qui conférait un caractère non public à l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos ; que la même décision n'a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure que sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé, qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en outre, le président du tribunal de grande instance peut refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ;

Considérant que si la loi du 9 mars 2004 a, par ses articles 63, 64 et 65, qui modifient respectivement les articles 30, 35 et 36 du code de procédure pénale, précisé les attributions du ministre de la justice et du procureur général en matière de procédure pénale, elle a laissé inchangé le texte de l'article 32 de ce code aux termes duquel le ministère public " assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence ;

Considérant que la circulaire du 2 septembre 2004 se borne à rendre facultative la présence du ministère public au cours de l'audience d'homologation de la proposition de peine ainsi que lors du prononcé du jugement d'homologation si celle-ci est décidée ;

Considérant d'une part, que le moyen tiré de ce que la circulaire méconnaît ainsi les dispositions combinées des articles 32 et 495-9 du code de procédure pénale est propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire ;

Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 495-14 du code de procédure pénale, à peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 ; qu'eu égard notamment aux conséquences ainsi attachées par la loi aux formalités qu'exige ou implique l'article 495-9 la condition relative à l'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de l'application des dispositions susmentionnées de la circulaire du 2 septembre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ces conclusions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros réclamée par le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats de Paris, du Conseil national des Barreaux et de la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer sont admises.

Article 2 : Est ordonnée la suspension de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 2 septembre 2004 en tant qu'elle rend facultative la présence du ministère public au cours de l'audience d'homologation de la proposition de peine ainsi que lors du prononcé du jugement d'homologation, si celle-ci est décidée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à l'Ordre des avocats de Paris, au Conseil national des Barreaux, à la Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-mer et au garde des sceaux, ministre de la justice.

ANNEXE 3

ÉLÉMENTS STATISTIQUES RELATIFSÀ LA CRPC
(JUIN 2005)

(source : ministère de la justice)

Etat des recensements d'octobre 2004 à mai 2005

T4/2004

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Tribunaux
non répondants

27

24

19

13

24

14

Tribunaux répondants et non utilisateurs

63

65

63

64

63

54

Tribunaux répondants et utilisateurs

91

92

99

104

94

113

Total

181

181

181

181

181

181

Etat sur toute la période

Ensemble de la période

Tribunaux non utilisateurs ou non répondants

34

Tribunaux utilisateurs

147

Total

181

Bilan : Affaires nouvelles

Mois

T4/2004

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Total

Total affaires nouvelles

1 968

1 443

1 288

1 837

1 688

2 480

10 704

AN : convocation

1 872

1 344

1 224

1 720

1 594

2 387

10 141

AN : défèrement

96

99

64

117

94

93

563

Part des affaires nouvelles
sur convocation

95,10%

93,10%

95,00%

93,60%

94,40%

96,3 %

94,7 %

Part des affaires nouvelles
sur défèrement

4,90%

6,90%

5,00%

6,40%

5,60%

3,8 8

5,3 %

Bilan : Affaires terminées

Mois

T4/2004

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Total

Total affaires terminées

1 930

1 421

1 231

1 744

1 588

2 388

10 302

Affaires terminées par non comparution du prévenu

305

189

70

117

134

159

974

Affaires terminées par refus
de la peine par prévenu

36

39

52

49

32

73

281

Affaires terminées par refus
de la peine proposée

78

37

34

59

54

66

328

Affaires terminées par homologation de la peine proposée

1 511

1 156

1 075

1 519

1 368

2 090

8 719

Affaires terminées : taux de succès

78,30%

81,40%

87,30%

87,10%

86,10%

87,5 %

84,6 %

Part des affaires terminées par non comparution du prévenu

15,80%

13,30%

5,70%

6,70%

8,40%

6,7 %

9,5 %

* 1 La détention provisoire est possible à condition que la peine proposée soit égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement ferme et que le procureur de la République a proposé sa mise à exécution immédiate.

* 2 Voir tableaux en annexe.

* 3 Les conduites en état alcoolique avec un taux inférieur sont généralement traitées par la voie des ordonnances pénales ou de la composition pénale.

* 4 Il convient de relever à cet égard que si l'article 495-8 ne prévoit pas expressément que le procureur entend l'avocat, cette pratique semble néanmoins s'être imposée.

* 5 Tel semble être le cas dans les juridictions de taille moyenne comme le tribunal de grande instance de Laval où la mise en place de la CRPC a permis de réduire le nombre des comparutions immédiates.

* 6 Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Sénat (2003-2004), n° 441.

* 7 Cahier du Conseil constitutionnel n° 16.

* 8 Amendement n° 219 rectifié bis. Dans une première version, l'amendement n° 219 rectifié prévoyait que le président du tribunal invitait « les parties à négocier l'accord passé entre elles ». Votre rapporteur avait alors souligné : « la commission est totalement défavorable à l'amendement n° 219 rectifié. Il s'agirait de permettre au tribunal d'inviter les parties à renégocier l'accord. Cette proposition est tout à fait contraire à l'esprit de la nouvelle procédure que nous voulons mettre en place. Il n'y a pas de négociation ! Par conséquent, il ne peut y avoir de renégociation. Il y a une proposition du procureur, qui est ensuite soit acceptée soit refusée. Puis, dans une troisième étape, les peines proposées sont homologuées ou non par le juge (Sénat, séance du 21 janvier 2004, compte rendu intégral, p. 731).

* 9 Dans quelques cas particuliers concernant notamment le contentieux économique selon certains magistrats du siège, la présence du parquet pourrait utilement éclairer le juge sur la proposition du procureur. Rien n'interdit alors, cependant, au juge de demander au procureur d'apporter lors de son déroulement les explications nécessaires.

* 10 Il en est ainsi du tribunal correctionnel (art. 392-1, 398-3, 421, 423, 439, 454, 456 à 458, 460, 469), de la chambre des appels correctionnels (art. 510, 512, 513), de la cour d'assises (art. 241, 297 et 298, 312, 313, 316, 330, 332, 338, 342 à 344, 346, 369, 371, 379, 379-3), du tribunal pour enfants (art. 13 de l'ordonnance du 2 novembre 1945), du tribunal de police (art. 523, 534, 536), de la chambre de l'instruction (art. 199, alinéa 2 et 194, alinéa premier), de la commission d'indemnisation des victimes (art. 706-4) ou lors du débat contradictoire en vue d'un placement ou d'une prolongation de détention provisoire tenu devant le juge des libertés et de la détention (art. 145, alinéa 6).

* 11 Toutefois, une ordonnance d'homologation ou de refus d'homologation ne peut donner lieu qu'à un pourvoi dans l'intérêt de la loi.

* 12 Ordonnance du juge des référés du 11 mai 2005, n° 279833 et 279834.

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