Rapport n° 20 (2005-2006) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 octobre 2005

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FN° 20

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 octobre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir le numéro :

Sénat : 508 (2004-2005)

Sociétés.

.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

INTRODUCTION

Le présent projet de loi, qui propose de transposer certaines dispositions de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (OPA), intervient dans un contexte marqué par une reprise du mouvement de fusions et acquisitions à l'échelle internationale . Cette tendance n'épargne pas le marché français, qui est le théâtre d'opérations nationales d'envergure - telles que le rachat d'Aventis par Sanofi en mai 2004 - ou de rachats par des concurrents étrangers, tels que l'OPA d'Alcan sur Péchiney fin 2003, sans parler de rumeurs de marché comme celles de l'été 2005 portant sur l'intérêt de Pepsico pour Danone.

Les OPA participent de la mobilité et de la vitalité du tissu économique . Elles contribuent à l'acquisition d'une taille critique, à l'obtention de synergies industrielles et commerciales, à la conquête plus rapide de parts de marché, voire à la remise en cause d'une mauvaise gestion. Leur simple probabilité constitue un facteur incitatif à la création de valeur et à la préservation des intérêts financiers des actionnaires , susceptible de se traduire par un accroissement du cours de bourse et donc par le renchérissement du prix à payer pour une cible potentielle.

Les OPA, qui s'exercent dans les limites du droit communautaire et national de la concurrence, viennent ainsi rappeler qu'aucune position n'est définitivement acquise et que les « rentes de situation économique » n'ont pas vocation à perdurer.

Néanmoins les OPA, a fortiori lorsqu'elles émanent de sociétés étrangères, sont aussi perçues à l'aune de leur impact à court terme sur l'emploi et l'implantation des sites d'activité sur le territoire national, et ont une portée symbolique lorsque des actifs et un savoir-faire français deviennent la propriété d'acquéreurs étrangers.

Le « patriotisme économique », dont la France n'a pas le monopole, entend ainsi contribuer à la défense de la créativité des entreprises françaises comme des intérêts les plus stratégiques du pays 1 ( * ) , ou participant à l'exercice de l'autorité publique.

Certains évoquent volontiers le coût élevé des opérations et le recours excessif à l'emprunt, la désorganisation des sociétés cibles au détriment de la mission première de leurs dirigeants, les risques d'actes délictueux dans le sillage des offres, ou les pratiques des dirigeants de sociétés dont le capital n'est pas contrôlé (ralentissement des investissements, constitution d'importantes réserves de liquidité, auto-contrôle, parades plus ou moins conformes à l'intérêt social, etc.).

Il reste que les avantages des OPA tendent à l'emporter sur leurs inconvénients. Une offre publique peut en réalité exercer un impact positif selon quatre points de vue :

- pour l'actionnaire de la société cible : plus-value effective ou fidélisation préventive ;

- pour la société cible elle-même : mode de restructuration rapide et transparent, dénouement de conflits entre actionnaires dominants ;

- pour la société initiatrice : croissance externe rapide, « achat » de parts de marché dans des secteurs réglementés ;

- et enfin pour l'économie nationale : animation des marchés financiers du fait des espérances de prime, mobilité du capital et des équipes de direction.

En outre, les menaces d'OPA sont loin d'être à sens unique et au seul « détriment » de notre pays ; il apparaît ainsi que les sociétés françaises, au cours de la période récente, ont été davantage en position d'acquéreur que de cible .

La France figurait ainsi, au 21 septembre 2005, au premier rang des fusions-acquisitions sur des entreprises européennes, ainsi que l'illustre le tableau suivant :

Fusions et acquisitions transfrontalières sur les sociétés européennes du 1 er janvier au 21 septembre 2005

Pays

Nombre d'opérations

Montant (en milliards de dollars)

France

159

60,16

Etats-Unis

456

60

Italie

79

28

Royaume-Uni

318

27,77

Allemagne

186

22

Espagne

63

18,54

Suède

164

16,73

Suisse

88

12,01

Pays-Bas

135

11,45

Australie

59

9,83

Source : Déalogic Analyst / La Tribune

La directive relative aux OPA, en dépit de ses lacunes et de son cheminement chaotique, a le mérite d'exister et de progresser dans la voie de l'harmonisation des droits nationaux des offres publiques, en particulier sur les questions du prix et des modalités d'adoption des mesures de défense, et répond à la plupart des préoccupations que notre collègue Yann Gaillard avaient exprimées dans sa proposition de résolution en date du 5 février 2003 2 ( * ) , adoptée par votre commission des finances le 12 mars 2003.

La directive ne paraît sans doute pas représenter une avancée majeure au regard de notre droit, qui avait déjà anticipé un certain nombre de ses dispositions (telles que les procédures d'offre obligatoire et de retrait ou de rachat obligatoire, la suspension de certaines clauses statutaires ou le contenu de l'information sur l'offre), mais n'en constitue pas moins un socle idoine pour améliorer la compétition entre les entreprises européennes et compléter le droit plus parcellaire de certains Etats membres.

Le présent projet de loi en propose une transposition que votre rapporteur général juge équilibrée , en ce qu'elle ne compromet pas la liberté contractuelle ou statutaire des sociétés françaises de se protéger et de faire face, « à armes égales », à un offrant, sans pour autant contrevenir à l'intérêt social ni offrir des capacités de résistance qui entraveraient durablement les forces du marché et le dynamisme des économies.

I. LA DIRECTIVE SUR LES OPA, UNE GENÈSE DIFFICILE POUR UN COMPROMIS « À LA CARTE »

A. LES AVATARS D'UN TEXTE SENSIBLE POUR LES INTÉRÊTS NATIONAUX DES ETATS-MEMBRES

Le projet communautaire de directive portant sur un cadre harmonisé des OPA remonte à juin 1985 , lorsque fut publié le Livre blanc de la Commission européenne sur l'achèvement du marché intérieur. Son adoption était alors prévue pour 1989, mais la première proposition n'a été présentée par la Commission que le 19 janvier 1989. Le texte a ensuite fait l'objet de controverses et subi plusieurs avatars, avant de n'être finalement adopté que le 21 avril 2004, dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers.

Sans revenir sur les détails de cette difficile gestation, il convient d'en rappeler brièvement les principales étapes, susceptibles d'éclairer les intentions et les principes défendus par les instances communautaires.

La proposition de 1989 se voulait volontariste et ambitieuse, mais s'est révélée trop détaillée et unificatrice. Une deuxième proposition fut présentée au Conseil et au Parlement européen le 8 février 1996, et le Conseil en adopta une version modifiée le 19 juin 2000. Au-delà de principes généraux plutôt consensuels, cette proposition imposait aux dirigeants de s'abstenir de toute action susceptible de faire échouer une offre (à l'exception de la recherche d'autres offres) et interdisait l'émission de titres destinée à entraver la prise de contrôle. Après que le Parlement européen l'eût amendée, une procédure de conciliation aboutît le 6 juin 2001, mais la proposition de directive fut rejetée en troisième lecture par le Parlement européen le 4 juillet 2001 , à une voix de majorité, sous la pression en particulier de l'Allemagne, qui avait été « ébranlée » par le choc de l'OPA hostile de Vodafone sur Mannesman et entendait préserver la pratique des titres à droits de vote multiples.

Votre rapporteur général avait manifesté sa vigilance sur le processus d'adoption de la directive, en déposant dès le 8 juin 1999 une proposition de résolution 3 ( * ) , devenue résolution du Sénat le 6 juillet 2000, qui demandait une clarification de certaines dispositions sur la protection des actionnaires minoritaires 4 ( * ) .

Les oppositions au sein des Etats membres se sont essentiellement cristallisées sur le manque d' « égalité des conditions de jeu » level playing field ») avec les Etats-Unis, c'est-à-dire l'inégalité quant aux moyens de défense susceptibles d'être engagés par les sociétés cibles, et sur l'obligation pour les dirigeants d'obtenir l'autorisation de l'assemblée générale pour adopter de telles mesures. Cette irruption du débat sur l'égalité des conditions a largement influencé la conception même d'une réglementation des offres publiques au sein de l'Union européenne.

La Commission européenne a dès lors mandaté un groupe d'experts en droit des sociétés, présidé par M. Jaap Winter, dont le rapport publié en janvier 2002 a, en partie, inspiré la dernière proposition de la Commission, présentée le 2 octobre 2002. Les principales recommandations du groupe sont reprises dans l'encadré ci-après.

Principales observations du groupe d'experts en droit des sociétés sur une législation communautaire relative aux OPA

1 - Sur l'égalité des conditions de jeu en cas d'OPA

« Les sociétés cotées doivent être tenues de publier des informations complètes sur la structure de leur capital et celle de leur contrôle (exception faite de ce qui relève du droit général applicable), par exemple dans leurs rapports annuels, leurs prospectus d'inscription à la cote d'une bourse et leurs prospectus d'émission. Elles doivent être tenues de divulguer à tout moment tout changement important du contenu de ces informations . (...)

« Lorsqu'une OPA a été annoncée, le conseil d'administration de la société visée ne doit pas pouvoir s'y opposer sur la base d'une autorisation accordée antérieurement à l'offre par l'assemblée générale des actionnaires . Ce n'est qu'après l'annonce d'une OPA que les actionnaires, alors en mesure d'évaluer toutes les informations utiles, pourront être légitimement invités à décider si leur conseil d'administration doit ou non s'opposer à l'offrant.

« Quand une OPA est annoncée, toute décision consécutive de l'assemblée générale approuvant des mesures destinées à faire échec à l'offre doit être adoptée par une majorité des voix reconnues, de manière proportionnelle, aux détenteurs du capital supportant le risque ultime de la société. L'auteur de l'OPA doit aussi pouvoir voter lors de cette assemblée, dans la mesure où il détient déjà une partie de ce capital.

« Une règle devrait permettre à l'auteur d'une OPA de « neutraliser » les mécanismes et structures prévus dans les statuts et autres documents constitutifs et qui sont de nature à faire échouer une offre hostile , lorsque le degré de succès de son offre justifie clairement une telle possibilité.

« Le seuil d'application de ce principe ne doit pas être fixé au-delà de 75 % du capital supportant le risque ultime de la société, à la date de l'aboutissement de l'offre. Les États membres doivent être autorisés à ramener ce seuil au pourcentage du capital permettant à une assemblée générale de prendre des décisions exceptionnelles , telles qu'une modification des statuts ou une réorganisation de la société. (...) L'offrant doit pouvoir subordonner son offre sur la totalité du capital de la société à la condition d'atteindre ledit seuil.

« Les dispositions des statuts et des autres documents constitutifs contraires aux principes de décision par l'actionnaire et de proportionnalité entre participation au capital supportant le risque ultime et contrôle doivent être neutralisées . Il s'agit notamment :

« 1) des règles concernant les droits de vote et

« 2) des règles concernant la composition du conseil d'administration et les modifications des statuts et autres documents constitutifs de la société.

« Ces dispositions doivent être neutralisées :

« a) que les titulaires des droits de contrôle spéciaux soient des États, des particuliers ou des sociétés ;

« b) que les dispositions visées aient été mises en place avant ou, à titre défensif, après l'annonce de l'OPA . (...)

« Le principe de neutralisation doit s'appliquer dès que l'auteur d'une OPA générale atteint le seuil de 75 % du capital supportant le risque ultime de la société cible. Dès qu'il a atteint ce seuil, l'offrant doit pouvoir convoquer à bref délai une assemblée générale des actionnaires, où il doit pouvoir exercer un droit de vote proportionnel à sa participation au capital (...)

« En cas d'OPA générale sur le capital supportant le risque ultime d'une société, les restrictions à la cessibilité des actions non cotées représentatives de ce capital ne doivent pas être opposables Les clauses contractuelles générales susceptibles de faire obstacle à une OPA ne doivent pas être affectées par la règle de neutralisation, mais devraient plutôt être abordées dans le cadre du droit général des contrats et du droit des sociétés. Pour ce qui concerne plus précisément les pactes d'actionnaires interdisant aux signataires de céder leurs actions à l'auteur d'une OPA, parfois sous peine de lourdes sanctions financières, le Groupe recommande à la Commission d'étudier la possibilité d'une adoption par tous les États membres d'une règle qui rendrait ces pactes inapplicables en cas d'OPA générale (...) « Les propositions du Groupe ne sont pas de nature à instaurer, en droit européen des sociétés, une réglementation sur les OPA comparable, dans les grandes lignes, à celle en vigueur aux États-Unis. Il estime cependant, pour plusieurs raisons, que le système américain, qui n'est pas sans susciter la controverse, ne doit pas être imité en Europe et que l'Union européenne doit d'abord déterminer quel type de réglementation en matière d'OPA favorisera le plus le développement d'un marché des capitaux intégré et efficient à l'échelle européenne. S'il subsistait néanmoins un doute au niveau politique, on pourrait envisager de n'appliquer les principes de décision par l'actionnaire et de proportionnalité entre capital supportant le risque ultime et contrôle préconisés dans le présent rapport qu'aux seules sociétés européennes cotées qui lancent des OPA sur d'autres sociétés européennes cotées, pour autant que cette solution ne viole pas les conventions internationales en vigueur et qu'elle soit applicable en pratique ».

2 - Sur le prix équitable à payer en cas d'offre obligatoire

« Le prix à acquitter en cas d'offre obligatoire devrait, normalement, être égal au prix le plus élevé payé par l'offrant pour des titres de cette catégorie , sur le marché ou de gré à gré, pendant une certaine période précédant l'acquisition des titres par laquelle il a pris le contrôle de la société visée. Les Etats membres doivent pouvoir fixer librement la longueur de cette période, dans une fourchette de six à douze mois .

« Les Etats membres devraient être habilités à définir à la fois les cas dans lesquels cette règle de base peut ne pas s'appliquer et les critères que pourraient alors retenir les autorités de contrôle dans leur décision d'exiger un prix supérieur ou, au contraire, inférieur au prix le plus élevé déjà payé. (...)

« Pour ce qui est des critères à retenir dans ces circonstances, les États membres devraient être autorisés à appliquer un ou plusieurs des critères suivants :

« 1) la valeur de marché moyenne sur une certaine période précédant l'offre allant de six à douze mois ;

« 2) la valeur de liquidation de la société visée ;

« 3) tout autre critère d'évaluation objectif couramment utilisé en analyse financière . (...)

« Il pourrait enfin être exigé des Etats membres qu'ils mettent en place :

« a) un système selon lequel l'acquisition de titres à des conditions plus favorables pour leurs détenteurs serait totalement interdite pendant l'offre ou une certaine période suivant l'offre ou

« b) un système selon lequel l'acquisition de titres à des conditions plus favorables pour leurs détenteurs pendant l'offre ou une certaine période suivant l'offre obligerait l'offrant à verser la différence entre le second et le premier prix proposés à ceux des détenteurs ayant cédé leurs titres dans le cadre de l'offre obligatoire. Les Etats membres devraient être libres de fixer la longueur de la période considérée, dans une fourchette de six à neuf mois.

3 - Sur le retrait et le rachat obligatoires après une OPA

« Le Groupe estime qu'étant donné les arguments plaidant en faveur de dispositifs de retrait et de rachat obligatoires à la suite d'une OPA, une initiative communautaire s'impose pour garantir leurs généralisation dans tous les Etats membres . (...)

« En ce qui concerne la contrepartie à offrir en cas de retrait obligatoire, le Groupe estime que le prix proposé au moment de l'offre publique devrait être réputé équitable dès lors que cette offre a été acceptée par des actionnaires détenant 90 % ou plus du capital social sur lequel elle portait. En cas d'offre obligatoire, toutefois, le prix proposé à cette occasion devrait être réputé équitable même si la condition précédente n'est pas remplie. En toute autre situation, il conviendrait que la contrepartie à offrir soit déterminée par un ou des experts. Si des espèces ont été proposées, exclusivement ou comme alternative, dans le cadre de l'offre, elles devraient l'être également lors du retrait obligatoire.

« Le Groupe est d'avis que les États membres devraient fixer le seuil déclenchant le rachat obligatoire par référence au capital détenu (dans une fourchette de 90 % à 95 %). Dans la situation où des titres de différentes catégories seraient détenus par des minoritaires après l'offre, il conviendrait que le rachat obligatoire s'applique catégorie par catégorie (...).

Source : rapport du groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés sur des questions liées aux offres publiques d'acquisition, remis le 10 janvier 2002 à la Commission européenne.

L'ultime version de la proposition de la Commission européenne a servi de base à un compromis présenté par la présidence italienne, qui a fait l'objet d'un accord politique du Conseil le 22 décembre 2003 puis d'une adoption définitive en avril 2004.

Cette directive constitue un des pans importants du Plan d'action pour les services financiers , présenté par la Commission le 11 mai 1999, qui entendait accélérer l'édification d'un cadre harmonisé de la réglementation des services financiers et s'est traduit par l'adoption de près de quarante directives, dans des domaines aussi divers que le délit d'initié et l'abus de marché, les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières, le prospectus à publier en cas d'offre au public de titres, ou la nouvelle infrastructure des marchés financiers. Plusieurs de ces directives ont déjà fait l'objet d'une transposition en droit français, en particulier dans la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers 5 ( * ) , et par la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie 6 ( * ) .

B. LES PRINCIPES ET LE COMPROMIS D'UNE DIRECTIVE À GÉOMÉTRIE VARIABLE

La directive repose essentiellement sur les principes de protection accrue des actionnaires minoritaires, de transparence des opérations et du contrôle, de proportionnalité entre la prise de risque et le contrôle exercé après le lancement de l'offre, et de neutralisation de certaines mesures de défense . Certaines importantes dispositions font toutefois l'objet d'une harmonisation « à la carte ». La protection des minoritaires se traduit par l'obligation de déposer une offre publique sur la totalité des titres en cas de dépassement du seuil de contrôle, la notion de « prix équitable » et l'instauration des droits de retrait et de rachat obligatoires. La transparence des opérations repose, quant à elle, sur l'établissement d'un document d'offre, l'information et la consultation des représentants des travailleurs, ou l'information préalable sur certains aspects de la société de nature à entraver la prise de contrôle par un offrant.

L'accord du Conseil et du Parlement européen n'a toutefois pu être obtenu qu'au prix du caractère optionnel et non plus obligatoire de certaines des dispositions les plus importantes de la directive , prévues en ses articles 9 et 11, relatives à l'approbation préalable des mesures de défense par l'assemblée générale et à la neutralisation des restrictions statutaires et conventionnelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote.

Les dispositions originelles ont fait l'objet de critiques, notamment aux motifs qu'elles faisaient de l'actionnaire, détenteur du « capital supportant le risque ultime » 7 ( * ) , le seul juge du bien-fondé de l'offre et de l'intérêt social , et sacrifiaient la force obligatoire des conventions au profit d'une logique favorable à l'offrant. Certains auteurs 8 ( * ) ont ainsi considéré que, s'il est légitime de neutraliser les restrictions lorsqu'il s'agit de prendre acte d'une « percée » (« breakthrough ») réussie, conformément au principe même de l'offre publique, il l'est moins de contribuer à la réussite de l'offre en neutralisant les entraves dès son annonce.

Ces critiques ont été apaisées par les dispositions de l'article 12 de la directive, qui prévoit un système de double option (cf. infra ) exercée par les Etats et les sociétés (qui peuvent volontairement appliquer les dispositions des articles 9 et 11 de la directive si l'Etat membre de leur siège ne les leur impose pas), assortie d'une clause de réciprocité portant sur l'un et/ou l'autre de ces deux articles. Ces dispositions ont certes permis l'adoption de la directive mais sont susceptibles d' atténuer sa portée réelle et ont pu conduire à s'interroger sur ses inconvénients potentiels :

- l'application dudit article 12 serait susceptible de donner lieu à des situations juridiques complexes , notamment en cas de levée de l'option sur l'un des deux articles (ce qui constitue le choix du gouvernement, cf. infra ) ou d'exercice différencié de la réserve de réciprocité face à des offres concurrentes. Certains observateurs 9 ( * ) ont également considéré que le principe de réciprocité était étranger au droit communautaire des sociétés, voire contraire aux principes communautaires de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux, et pouvait manquer de lisibilité pour les investisseurs comme pour les autorités de marché ;

- à l'inverse de l'objectif visé, la directive pourrait inciter les Etats membres et les entreprises, par « contagion défensive », à choisir le système le plus protecteur, et conduire ainsi à une régression dans les Etats membres qui appliquent aujourd'hui les principes des articles 9 et 11 de la directive ;

- ce système s'inscrirait enfin à contre-courant d'une harmonisation minimale des règles applicables en matière d'offres publiques.

C. LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE

L'article premier de la directive précise l'objet et le champ d'application de la directive, qui met en place « des mesures de coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives, des codes de pratiques ou autres dispositions des Etats membres (...) , concernant les offres publiques d'acquisition ». Ces offres sont celles portant sur les titres d'une société relevant du droit d'un Etat membre et cotée (partiellement ou totalement) sur un ou plusieurs marchés réglementés européen.

L'article 2 de la directive définit plusieurs termes, tels que ceux d' « offre publique d'acquisition » 10 ( * ) , de « société visée », d' « offrant » ou de « personnes agissant de concert » 11 ( * ) . L'article 3 suivant prévoit des principes généraux , parmi lesquels le fait que tous les détenteurs de titres de la cible qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d'un traitement équivalent, la nécessité pour les actionnaires de la société cible de disposer de suffisamment de temps et d'informations pour prendre une décision sur l'offre en toute connaissance de cause, et le fait que l'organe de direction de la cible doive agir dans l'intérêt de la société sans refuser aux détenteurs de titres de décider des mérites de l'offre. Cet article précise également que la directive n'est pas d'harmonisation maximale , dans la mesure où les Etats membres peuvent prévoir des dispositions supplémentaires ou plus strictes.

L'article 4 de la directive définit l'autorité de contrôle compétente, le droit applicable et les obligations de coopération entre autorités potentiellement concernées. Il apparaît en particulier que si les titres de la société visée ont été admis à la négociation simultanément sur les marchés réglementés de plusieurs Etats membres, la société visée détermine quelle est l'autorité compétente, parmi celles de ces Etats membres, pour le contrôle de l'offre. Le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers est ainsi défini à l'article premier du présent projet de loi.

Afin de prévenir les pratiques de « ramassage » et de protéger les actionnaires minoritaires, et ainsi que le prévoit déjà la réglementation française, l'article 5 de la directive pose le principe de l'offre publique obligatoire 12 ( * ) sur la totalité des titres en cas de dépassement d'un seuil de contrôle (fonction des droits de vote détenus 13 ( * ) ), défini par l'Etat membre du siège social de la cible. Ces dispositions ne s'appliquent donc pas aux offres volontaires , initiées par les sociétés qui ne détiendraient aucun titre de la cible ou une participation inférieure au seuil de déclenchement de l'offre obligatoire.

L'offre obligatoire doit être réalisée à un prix équitable , notion introduite dans la dernière proposition de la directive, transposée à l'article 2 du présent projet de loi et définie comme « le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant , par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période, déterminée par les Etats membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum ». Les titres antérieurement acquis par l'offrant peuvent avoir été négociés hors marché 14 ( * ) ; néanmoins le cours du marché pourra le plus souvent constituer un critère de référence pour déterminer ce prix équitable.

L'autorité de contrôle peut néanmoins modifier ce prix (à la hausse ou à la baisse) selon des circonstances et des critères clairement déterminés , et l'article fait également référence à « d'autres critères objectifs d'évaluation généralement utilisés en analyse financière » comme éléments de fixation du prix équitable, qui permettent donc de préserver, dans certaines situations seulement 15 ( * ) , la pratique de l'analyse multi-critères.

L'article 6 de la directive fixe les obligations d'information sur l'offre , qui doit être « rendue publique sans délai » et transmise à l'autorité de contrôle, le cas échéant avant même sa publication. Le document public d'offre peut être soumis à l'approbation préalable de l'autorité de contrôle, qui est alors valable dans tout Etat membre sur le marché duquel les titres de la société visée sont cotés. Il est également transmis par les organes d'administration ou de direction de la société visée et de l'offrant aux représentants de leur personnel ou, s'ils n'existent pas, au personnel lui-même.

Ce document d'offre doit comporter un certain nombre d'informations minimales , parmi lesquelles figurent logiquement l'identité de l'offrant, les titres faisant l'objet de l'offre et la contrepartie offerte (ou la méthode employée pour la déterminer), l'indemnisation proposée pour compenser la perte de droits née de l'application des restrictions prévues à l'article 11 (cf. infra ), les conditions auxquelles l'offre est subordonnée, ou le détail des participations que l'offrant ou les personnes agissant de concert avec lui détiennent déjà dans la société visée.

Aux termes de l'article 7 de la directive, la période d'acceptation de l'offre doit en principe être comprise entre deux et dix semaines 16 ( * ) à compter de la publication du document d'offre, sous réserve d'aménagements légaux pour des cas spécifiques ou de dérogations accordées par l'autorité de contrôle. L'article 8 suivant détaille les raisons 17 ( * ) et modalités de la publicité de l'offre , afin que ses destinataires sur les marchés concernés puissent en disposer « facilement et rapidement ».

L'article 9, qui figure avec les articles 5, 11, 12 et 15 parmi les plus importants de la directive, prévoit que, pendant la période d'offre, l'organe d'administration ou de direction de la société cible obtienne l'autorisation préalable de l'assemblée générale avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre (en particulier l'émission d'actions de nature à empêcher durablement toute prise de contrôle par l'offrant), à l'exception de la recherche d'autres offres. Il doit également publier son avis motivé sur l'offre , qui doit porter notamment sur les répercussions de l'offre sur l'emploi et les sites d'activité de la société. L'assemblée générale doit, en outre, confirmer toute décision, prise avant le lancement de l'offre, susceptible de la faire échouer et qui ne s'inscrit pas dans le cours normal de l'activité de la société.

L'article 10, transposé par l'article 6 du présent projet de loi, innove en prévoyant que toutes les sociétés susceptibles de faire l'objet d'une OPA publient des informations détaillées dans le rapport de gestion sur onze caractéristiques de la société de nature à entraver la prise et l'exercice du contrôle par un offrant .

L'article 11 de la directive pose le principe de la neutralisation (inopposabilité ou nullité des effets) des restrictions statutaires et contractuelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote, pendant la période d'acceptation de l'offre et jusqu'à ce que l'offrant parvienne à détenir 75 % du capital assorti des droits de vote à l'issue de l'offre, c'est-à-dire à l'issue d'une offre réussie.

La directive est inspirée par la volonté d'établir une stricte proportionnalité entre participation au contrôle et au capital des sociétés à l'occasion des assemblées générales tenues en cours d'offre publique, et prévoit donc que les titres à droits de vote multiples ne confèrent qu'un droit de vote lors des assemblées .

Les actions à droit de vote double , que prévoient nombre de grandes sociétés françaises et qui permettent de fidéliser et de stabiliser l'actionnariat, ne devraient toutefois pas être affectées par ces dispositions , dans la mesure où elles ne constituent pas, ainsi que le précise le rapport du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, une catégorie séparée et distincte d'actions mais sont attachées au détenteur et non au titre lui-même.

L'article 12 de la directive, relatif aux « arrangements facultatifs », nuance la portée des articles 9 et 11 puisqu'il prévoit une double option exercée par les Etats et éventuellement les sociétés , relative au choix ( réversible s'agissant de ces dernières) d'appliquer ou non les dispositions de ces deux articles. Elles sont assorties d'une exception de réciprocité marquant la volonté d'établir une « égalité des conditions de jeu » entre l'initiateur et la cible de l'offre, permettant aux Etats membres de décider que les sociétés cibles qui appliquent les règles des articles 9 et 11 puissent en être exemptées si l'offrant ne les applique pas.

Le présent projet de loi propose que les sociétés cibles relevant de la réglementation française puissent opposer cette réserve pour les dispositions de l'article 9 relatives à l'approbation de mesures de défense par l'assemblée générale.

Les règles afférentes à l'information et à la consultation des représentants du personnel sont plutôt de pure forme, dans la mesure où l'article 14 rappelle l'application des directives propres aux travailleurs 18 ( * ) .

Les articles 15 et 16 de la directive prévoient respectivement les obligations afférentes au retrait 19 ( * ) squeeze out ») et au rachat obligatoires sell out ») effectués « en séquence », c'est-à-dire consécutifs à une offre publique d'achat obligatoire ou volontaire.

Ces deux procédures sont inverses mais procèdent de la même logique , le rachat obligatoire étant le droit pour un détenteur de titres restants d'exiger de l'offrant qu'il rachète ses titres, tandis que le retrait constitue un droit exercé par l'offrant. L'un et l'autre répondent aux mêmes conditions et interviennent dans deux cas alternatifs :

- lorsque l'offrant détient des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote et 90 % des droits de vote de la société cible. Ce seuil peut être relevé par les Etats membres, sans dépasser 95 % du capital assorti de droits de vote et 95 % des droits de vote, ce qui constitue le seuil fixé par le droit français ;

- ou lorsque l'offrant détient ou s'est contractuellement engagé à acquérir des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote et 90 % des droits de vote de la société visée, constituant le « flottant ».

Le droit de recourir au retrait obligatoire doit être exercé par l'offrant dans un délai de trois mois à compter de la fin de la période d'acceptation de l'offre, telle que définie par l'article 7 de la directive.

Pour le retrait comme pour le rachat, les Etats membres doivent veiller à ce qu'un « juste prix » soit garanti, en titres ou en espèces . La sémantique a son importance et cette notion de « juste prix » (traduction du « fair price » de la version anglaise de la directive) doit être confrontée à celle de « prix équitable » (traduction de l' « equitable price ») prévue par l'article 5 de la directive pour les offres d'achat obligatoires.

L'article 17 de la directive prévoit le principe de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », conformément aux règles communautaires, déterminées par les Etats membres et transmises à la Commission européenne au plus tard le 20 mai 2006, date limite de transposition de la directive.

L'article 19 institue un comité de contact , qui a pour missions de faciliter une application harmonisée et concertée de la directive et de conseiller la Commission sur toute modification qui serait rendue nécessaire. L'article 20 prévoit enfin, à l'instar d'autres importants textes du Plan d'action pour les services financiers, que la Commission procédera en mai 2011, soit cinq ans après la date limite de transposition de la directive, à un examen de l'application pratique de la directive et proposera si nécessaire sa révision.

II. LE CHOIX PRAGMATIQUE DU PRÉSENT PROJET DE LOI : UN MEILLEUR GOUVERNEMENT D'ENTREPRISE ET LA PRÉSERVATION DES MOYENS DE DÉFENSE

A. LA QUESTION DÉTERMINANTE DE LA CONTESTABILITÉ DU CONTRÔLE

Les débats sur la légitimité et les modalités de mise en oeuvre des mesures de défense comme sur l'égalité des conditions de jeu posent la question centrale de la prise de contrôle de sociétés cotées, dont le capital est soumis au libre jeu du marché.

Plusieurs éléments entrent en ligne de compte , tels que le principe de libre jeu des offres et des surenchères, les liens entre l'intérêt social et l'intérêt des actionnaires, l'équilibre des pouvoirs au sein de l'entreprise, la liberté statutaire ou la transparence des opérations financières, destinée notamment à prévenir les délits d'initié et les manipulations de cours.

On peut en tout état de cause considérer que le changement de contrôle et le caractère agressif d'une OPA n'ont pas nécessairement des effets négatifs pour l'actionnaire 20 ( * ) , car ils peuvent remettre en cause une mauvaise gestion de la société, et in fine accroître la valeur de la cible.

Les réglementations américaine et britannique apportent deux réponses différentes alors que la structure du capital y est similaire , c'est-à-dire en général dispersée. Le droit américain octroie ainsi de réelles marges de manoeuvre aux dirigeants pour prendre des mesures anti OPA (cf. encadré ci-dessous), tandis que le droit britannique et la Financial Services Authority se montrent plus stricts. La souveraineté de l'organe de direction aux Etats-Unis est néanmoins contre-balancée par une responsabilité plus élevée des dirigeants, susceptibles d'être mise en cause tant sur le plan pénal (en application notamment des récentes dispositions de la Section 302 21 ( * ) et du titre IX de la loi « Sarbanes-Oxley ») que par une action collective aux conséquences financières potentiellement importantes.

Les défenses anti OPA aux Etats-Unis

La liberté laissée aux Etats-Unis aux organes d'administration et de direction permet à ceux-ci d'organiser des systèmes de défense élaborés et variés. On peut ainsi trouver les mesures suivantes :

- le « chevalier blanc » (« white knight ») : il s'agit du « sauveur » de l'entreprise attaquée, qui contribue à sa défense et au besoin procède à une offre concurrente ;

- la défense « Pacman » : dans un retournement de situation, la cible lance à son tour une OPA sur l'initiateur. Ce mode de défense avait été utilisé sans succès par Elf à l'encontre de TotalFina en 1999 ;

- l'option sur les « joyaux de la couronne » (« crown jewels option ») : la cible cède à un tiers, pendant l'offre, ses actifs stratégiques, afin de rendre l'offre initiale sans intérêt pour l'initiateur ;

- les « conseils d'administration échelonnés » (« staggered board ») : les statuts organisent le rythme du renouvellement du conseil d'administration, par exemple un tiers des membres par an, de façon à retarder la prise de contrôle du conseil par un tiers ;

- le vote à la supermajorité : les statuts de la cible stipulent que certaines opérations, notamment de rapprochement avec un actionnaire important de la société, exigent une majorité qualifiée du conseil d'administration. Les statuts prévoient parfois que seuls les administrateurs anciens, c'est-à-dire nommés avant la montée en puissance de l'actionnaire considéré, peuvent participer à ce vote. Les règles de majorité qualifiée peuvent également s'appliquer à l'assemblée générale des actionnaires ;

- le « droit de vote de seconde classe » (« dual class capitalization ») : certaines sociétés ont prévu que l'exercice des droits de vote attachés aux actions détenues par un actionnaire ayant franchi un seuil déterminé est conditionné par un vote des autres actionnaires. Une variété consiste à prévoir un droit de vote dégressif en fonction de l'importance de la participation détenue (« scale voting provisions ») ;

- les droits de souscription à prix préférentiel rights plans ») : figurant au rang des « pilules empoisonnées » et fréquemment utilisés, ils comportent l'attribution de droits de souscription à tous les actionnaires de la société. Ces droits ont une durée de cinq à dix ans et peuvent être exercés à des conditions prohibitives (par exemple deux fois le cours de bourse), impliquant qu'ils ne soient pas exercés en temps normal. Si un actionnaire franchit, pendant la durée de vie du plan, un seuil de participation déterminé, les droits qu'ils détenaient éventuellement sont annulés, et les droits des autres actionnaires peuvent devenir exerçables à des conditions de prix très avantageuses, différentes de celles initialement prévues. L'attaquant, s'il souhaite éviter le risque d'une dilution considérable de sa participation et donc un renchérissement de l'offre, ne trouve dès lors une issue qu'en tentant de négocier avec le conseil d'administration le désamorçage des plans.

Source : Droit des sociétés - MM. Maurice Cozian, Alain Viandier et Mme Florence Deboissy - Editions Litec août 2003

B. L'AMF, GARDIENNE DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DES OFFRES

Le droit français des offres publiques a été largement constitué à partir de la fin des années 80 22 ( * ) et se révèle plutôt favorable à l'offrant. Il comporte relativement peu de dispositions législatives, qui sont prévues dans le code de commerce 23 ( * ) , le code monétaire et financier 24 ( * ) et le code du travail 25 ( * ) .

L'autorité de marché joue de fait un rôle pivot dans l'établissement du cadre juridique du triple point de vue de la réglementation applicable - prévue par le Titre III 26 ( * ) , relatif aux offres publiques d'acquisition (articles 231-1 à 238-10), du Livre II du règlement général - de la doctrine et des initiatives que l'AMF peut prendre en cours d'offre.

L'AMF promeut ainsi un certain nombre de principes généraux régissant le bon déroulement des offres publiques, mentionnés dans l'article 231-3 de son règlement général, que sont le libre jeu des offres et de leurs surenchères, l'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, la transparence et l'intégrité du marché et la loyauté dans les transactions et compétition.

Au-delà du régime qu'elle contribue à façonner, l'AMF dispose également d'une certaine latitude pour clarifier les modalités d'une offre imminente ou en cours , que ce soit par exemple en vue de demander des précisions à un offrant pressenti par des rumeurs 27 ( * ) ou pour invalider certaines mesures de défense prises par la cible. La position ainsi exprimée le 23 avril 2004 par l'AMF lors de l'émission des bons de souscriptions d'actions dénommés « Plavix » (du nom du médicament générique dont la possible perte du brevet devait constituer un des facteurs déclenchants de l'émission des bons) par la société Aventis, pour contrer l'offre initiée par Sanofi 28 ( * ) , est emblématique du pouvoir dont dispose l'AMF non seulement pour apprécier la recevabilité d'une offre, mais encore celle d'éventuelles mesures de défense décidées en période d'offre.

L'AMF entend donc veiller au respect des droits des actionnaires minoritaires. Elle peut néanmoins également octroyer certaines dérogations au profit d'un émetteur, mais dont la sécurité juridique n'est pas garantie, ainsi qu'en témoigne un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 13 septembre 2005, qui a annulé une décision rendue par l'Autorité pour contraindre une société à procéder à une offre obligatoire sur une autre dont elle détenait la « majorité de fait ».

C. DES MESURES DE DÉFENSE DONT L'EFFICACITÉ ET L'AMPLEUR DOIVENT ÊTRE RELATIVISÉES

Les sociétés qui font l'objet d'une offre ou sont confrontées à cette menace disposent de moyens variés pour construire un système de défense , décidés préventivement ou en cours d'offre. On peut ainsi mentionner les clauses portant sur les cessions de titres présentes dans certains pactes d'actionnaires, le recours à l'autocontrôle dans la limite de 10 % du capital, l'augmentation ou la réduction du capital, le plafonnement des droits de vote, les droits de vote doubles attachés à des titres nominatifs, l'action privilégiée (« golden share ») détenue par l'Etat, ou la forme sociale de société en commandite par actions 29 ( * ) , qui prive les commanditaires détenteurs du capital du contrôle effectif de la société.

Il convient néanmoins de relativiser l'efficacité et la fréquence de telles mesures , qui peuvent n'être qu'un moyen de retarder l'échéance. Les défenses statutaires peuvent ainsi être levées dès lors que l'initiateur a atteint le seuil des deux tiers du capital, requis pour modifier les statuts, et il peut se révéler difficile de convaincre les actionnaires de résister à une offre comportant une prime attractive et un réel projet stratégique. La meilleure défense consiste finalement en une augmentation régulière du cours de bourse : elle conduit à un coût d'acquisition élevé pour un offrant potentiel, vient sanctionner une gestion performante, et contribue à la fidélisation de l'actionnariat. Les meilleures défenses se construisent dans la durée , plutôt qu'à la hâte une fois l'offre initiée, et le temps constitue à cet égard le meilleur actif d'une cible potentielle.

D. LES CHOIX LÉGITIMES DU PRÉSENT PROJET DE LOI À AMÉNAGER

Se fondant largement sur les conclusions du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, dont le rapport, remis le 27 juin 2005, propose une application différenciée des options ouvertes par l'article 12 de la directive , le texte intègre certaines conséquences importantes de la nouvelle législation communautaire sur la compétence automatique ou optionnelle de l'AMF, et précise certains points importants comme la notion de prix équitable d'une offre, la définition de l'action de concert, la procédure de retrait obligatoire faisant suite à une OPA, la publication des mesures susceptibles d'exercer une influence sur le déroulement d'une offre, ou l'information des salariés de la société cible comme de celle qui initie l'offre.

1. Un processus de transposition initié de façon précoce

La France devrait figurer parmi les premiers pays de l'Union européenne à transposer la « directive OPA », ce dont on ne peut que se féliciter, compte tenu des retards souvent observés dans le passé. En outre, les options de transposition envisagées dans les autres Etats membres (cf. tableau infra ) tendent à conforter les choix du gouvernement , s'agissant en particulier de l'application non obligatoire des dispositions de l'article 11 de la directive.

Les informations ci-dessous, qui ont été communiquées à votre rapporteur général, doivent toutefois être appréciées avec prudence et ne préjugent pas des options qui seront in fine exercées , compte tenu des réflexions encore en cours dans nombre d'Etats membres.

Choix envisagés de transposition au sein de l'Union à Quinze

Processus de transposition engagé ou prévu

Application de l'article 9

Application de l'article 11

Exercice de la clause de réciprocité

France

Oui

Oui

Non

Oui (article 9)

Allemagne

Oui

N. C.

N. C.

Oui

Autriche

Oui

Oui

Non

Non (1)

Belgique

Non

N. C.

N. C.

N. C.

Danemark

Oui

Non

Non

Oui

Espagne

Non

Oui

N. C.

Oui

Finlande

Oui

Non

Non

N. C.

Grèce

Oui

Oui

Oui

Oui

Irlande

Oui

Oui

Non

N. C.

Italie

Oui

N. C.

N. C.

N. C.

Luxembourg

Oui

N. C.

N. C.

N. C.

Pays-Bas

Oui

Non

Non

Oui

Portugal

Non

N. C.

N. C.

N. C.

Royaume-Uni

Oui

Oui

Non

Non

Suède

Oui

Oui

Non

Non (1)

(1) : Application possible par les entreprises sur une base volontaire

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2. Un « prix équitable » plus conforme à la définition communautaire

La définition du prix équitable, en cas d'offre publique obligatoire, et les pouvoirs dont dispose l'AMF pour en demander la modification, en se fondant en particulier sur l' « analyse multicritères » en cas de dysfonctionnements du marché, requièrent une interprétation précise de la directive.

Votre rapporteur général tend à privilégier une lecture plus proche des dispositions communautaires, qui font du prix équitable le prix le plus élevé payé par l'offrant, et vous propose à cet égard deux amendements à l'article 2 du présent projet de loi, tendant, d'une part, à prévoir que le prix proposé doit être « équivalent » au prix le plus élevé payé par l'offrant , et non un prix minimum « au moins équivalent », et, d'autre part, à insérer dans la loi, plutôt que dans le règlement général de l'AMF, une période de douze mois constituant la référence pour la détermination de ce prix équitable.

3. Un nouveau seuil pour les offres publiques de retrait obligatoire

L'article 5 du présent projet de loi, relatif au régime spécifique de retrait obligatoire faisant suite à une OPA, opte pour le seuil de 95 % du capital ou des droits de vote, qui correspond à la première des deux options ouvertes par le deuxième paragraphe de l'article 15 de la directive, et au seuil actuel 30 ( * ) de la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait. Votre rapporteur général estime que notre pays serait fondé à exercer plutôt la seconde option , qui correspond à un seuil représentant 90 % du capital assorti des droits de vote de la cible et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, qui représentent le « flottant ».

Cette solution, qui se traduirait par un seuil le plus souvent compris entre 90 % et 95 % 31 ( * ) , selon la participation initialement détenue par l'offrant, serait en effet plus pragmatique en ce qu'elle tiendrait compte de la liquidité de la société cible et accorderait une prime à l'offrant qui initierait l'opération « les mains vides », et permettrait de se rapprocher du seuil appliqué par d'autres Etats membres, tels que le Royaume-Uni et la Belgique.

4. Allier le gouvernement d'entreprise et la liberté statutaire

Votre rapporteur général partage enfin l'approche présentée dans le rapport du groupe de travail précité et transcrite aux articles 10 à 19 du présent projet de loi, s'agissant des options ouvertes sur les articles 9 et 11 de la directive. La transposition « défensive » des dispositions de l'article 9, c'est-à-dire le principe de l'approbation ou de la confirmation préalable par l'assemblée générale, en cours d'offre, des mesures de défense envisagées par la société cible, permet en effet de promouvoir le rôle des actionnaires , qui en tant que détenteurs du capital « supportant le risque ultime de la société » 32 ( * ) , doivent pouvoir apprécier l'intérêt d'une opération exerçant des conséquences sur leurs droits patrimoniaux, indépendamment des intérêts des dirigeants. La levée de l'option afférente à la réserve de réciprocité permet néanmoins d'établir une égalité des conditions entre l'offrant et la société cible , de telle sorte que cette dernière n'ait pas, en quelque sorte, à supporter les conséquences éventuellement négatives de sa vertu.

Votre rapporteur général vous propose néanmoins certains amendements rédactionnels, ainsi que la fixation par voie réglementaire, conformément au droit actuel, de délais plus courts pour la convocation de l'assemblée générale , qui en pratique ne peut que rarement être réunie pour se prononcer en période d'offre.

Concernant les dispositions optionnelles de l'article 11 de la directive, relatives à la suspension ou à l'inopposabilité, en période d'offre, des restrictions statutaires ou conventionnelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote, votre rapporteur général adhère au principe de liberté des sociétés promu par le présent projet de loi, et à la consécration législative de certaines suspensions d'ores et déjà appliquées par l'AMF. La liberté statutaire et conventionnelle, principe fondamental de notre droit des sociétés, doit prévaloir, d'autant qu'elle est aujourd'hui assortie d'une transparence en amont des pactes d'actionnaires.

Toutefois, votre rapporteur général considère que les sociétés qui choisiraient à titre individuel l'option d'adhérer totalement aux dispositions de la directive doivent pouvoir se prévaloir du principe de réciprocité , et écarter les contraintes de l'article 11 de la directive si elles sont attaquées par des initiateurs qui n'adhèreraient pas aux mêmes « règles du jeu ».

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE ET AUX POUVOIRS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

ARTICLE PREMIER
Champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article modifie le champ de compétences de l'Autorité des marchés financiers en matière de règles de recevabilité et de déroulement des offres publiques d'acquisition, afin de prendre en compte la mise en place d'un droit européen harmonisé des offres publiques par la directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2004.

I. LE DROIT EXISTANT

L'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a succédé à la Commission des opérations de bourse et au Conseil des marchés financiers, détient un pouvoir réglementaire en matière de recevabilité et de déroulement des offres publiques d'acquisition. Le titre III du livre II du règlement général de l'AMF organise ainsi le régime des offres publiques d'acquisition (OPA).

A. LES OBJECTIFS DE LA RÉGLEMENTATION

Selon l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, la réglementation de l'AMF a pour but « d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés ».

L'égalité des actionnaires signifie l'égalité de traitement de tous les actionnaires, ce qui a pour conséquence qu'une opération, qui ne devrait concerner qu'un nombre limité d'actionnaires, est étendue à l'ensemble des actionnaires à des conditions identiques. Cette égalité de traitement vient particulièrement à s'appliquer dans la garantie de cours et dans les offres publiques obligatoires. Le principe d'égalité inclut également l'égalité des actionnaires devant l'information, dont la méconnaissance est notamment sanctionnée par les manquements d'initié et de diffusion de fausse information.

Le principe de transparence des marchés implique qu'une information suffisante et de bonne qualité soit portée tant à la connaissance des actionnaires et de la société qu'à celle de l'AMF.

Ces deux principes, aussi importants soient-ils, ne constituent pas à eux seuls les fondements de la réglementation de l'AMF . Ainsi l'article 231-3 du règlement général de l'AMF précise « qu'en vue d'un déroulement ordonné des opérations au mieux des intérêts des investisseurs et du marché, toutes les personnes concernées par une offre publique doivent respecter le libre jeu des offres et de leurs surenchères, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres des personnes concernées, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

B. LA COMPÉTENCE ACTUELLE DE L'AMF

La réglementation relative aux OPA concerne en principe les seuls instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé en France, et s'applique donc aux sociétés faisant appel public à l'épargne sur ce type de marché.

Ainsi l'article 231-1 du règlement général de l'AMF dispose que « le présent titre s'applique à toute offre faite publiquement aux détenteurs d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé par une personne agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce en vue d'acquérir tout ou partie desdits instruments financiers ». Par usage, l'expression « marché réglementé » signifie dans le règlement général de l'AMF le marché réglementé français.

Ce même article précise que « l'AMF peut appliquer ces règles, à l'exception de celles qui régissent la garantie de cours, l'offre publique obligatoire et le retrait obligatoire, aux offres publiques visant des instruments financiers de sociétés de droit étranger négociés sur un marché réglementé français ».

Le principe de la compétence limitée au marché réglementé connaît toutefois des limites . En effet, comme le précise l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, le contrôle de l'AMF s'étend également aux offres publiques mentionnées aux articles L. 433-3 et L. 433-4 du même code, à savoir, les projets d'offres publiques obligatoires et les procédures d'offre et de demande de retrait ainsi que le retrait obligatoire. Or les procédures d'offres et de demandes de retrait peuvent concerner des sociétés « dont les titres ont cessé d'être négociés sur un marché réglementé 33 ( * ) ». Par ailleurs, comme le retrait obligatoire est l'accessoire de certaines offres ou demandes de retrait, celui-ci peut également toucher des sociétés dont les instruments financiers ont cessé d'être admis sur un marché réglementé.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article L. 433-1 du code monétaire et financier afin de détailler les nouvelles règles de compétence de l'AMF, suivant les critères énoncés par l'article 4 de la directive européenne 2004/25/CE du 21 avril 2004 relative aux offres publiques d'acquisition.

Ces derniers combinent à la fois le lieu du siège social de l'entreprise cible et son lieu de cotation . Par ailleurs, la compétence de l'autorité de contrôle ne sera pas obligatoirement pleine et entière suivant les aspects des offres publiques concernés.

La transposition de l'article 4 de la directive permettra notamment la mise en place d'un cadre juridique pour les OPA transfrontalières au sein de l'Espace économique européen (EEE).

A. L'INTRODUCTION D'UNE DOUBLE BRANCHE DE CONTRÔLE

Le point e) du deuxième paragraphe de l'article 4 de la directive du 21 avril 2004 crée une double branche de contrôle s'agissant des offres publiques.

Ainsi « les questions touchant à la contrepartie offerte en cas d'offre, en particulier au prix, et les questions ayant trait à la procédure d'offre, notamment sur la décision prise par l'offrant de faire une offre, au contenu du document de l'offre et à la divulgation de l'offre » sont traitées selon la législation de l'autorité compétente désignée pour contrôler l'offre dont fait l'objet la société . La désignation de cette autorité s'effectue selon les règles du marché, c'est-à-dire en fonction de son lieu de cotation, sous réserve des cas de cotations multiples ou simultanées où d'autres critères sont sollicités (cf. infra ).

En revanche, les questions « relatives à l'information qui doit être fournie au personnel de la société visée et les questions relevant du droit des sociétés , notamment le pourcentage de droits de vote qui donne le contrôle et les dérogations à l'obligation de lancer une offre, ainsi que les conditions dans lesquelles l'organe d'administration ou de direction de la société visée peut entreprendre une action susceptible de faire échouer l'offre », relèvent de la législation de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social (règles du pays d'origine) et sont contrôlées par l'autorité de contrôle compétente de cet Etat. Dans le cas d'OPA transnationales, l'autorité de contrôle compétente pour ces questions peut alors être différente de celle qui contrôle les aspects procéduraux ou liés à la fixation du prix.

Cette distinction n'est pas explicitement reprise dans le projet de loi mais quelques modifications la mettent implicitement en oeuvre .

En premier lieu, l'article L. 433-1 du code monétaire et financier ne fait plus référence aux articles L. 433-3 et L. 433-4 du même code , ce qui s'explique par la vocation de cet article à fixer désormais les cas de compétences de l'AMF s'agissant du contrôle du prix des offres publiques ou des questions de procédure (première branche du contrôle).

En second lieu, l'article 2 du projet de loi fixe expressément les cas dans lesquels s'appliquent les procédures d'offres publiques obligatoires et de retrait obligatoire, qui sont des questions de droit des sociétés 34 ( * ) .

Par ailleurs, le règlement général de l'AMF détaillera précisément cette nouvelle distinction.

B. LES CAS DE COMPÉTENCE DE L'AMF DANS LE CADRE DE LA « PREMIÈRE BRANCHE DE CONTRÔLE »

Le texte proposé pour le nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier fixe les nouveaux critères de compétences de l'AMF s'agissant du contrôle des prix des offres et des questions de procédure .

1. La compétence automatique de l'AMF

Le contrôle de l'AMF serait automatique dans les hypothèses suivantes :

- la société faisant l'objet de l'offre a son siège social en France et ses titres sont cotés sur un marché réglementé français (I du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier) ;

- la société faisant l'objet de l'offre a son siège social au sein de l'EEE mais hors de France, et ses titres ont été pour la première fois admis sur un marché réglementé en France (1° et 2° du II du nouvel article L. 433-1).

2. La compétence de l'AMF sur option de la société

La compétence de l'AMF serait optionnelle, c'est-à-dire laissée au choix de la société, en cas de cotations simultanées sur plusieurs marchés réglementés européens.

En effet, conformément à la directive, le texte proposé pour le II du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier dispose que la société cible, qui a son siège social au sein de l'EEE et dont les titres sont admis simultanément sur plusieurs marchés réglementés de l'Union européenne, peut choisir son autorité de contrôle.

Ainsi pour les sociétés qui s'introduiront après le 20 mai 2006 35 ( * ) , date d'entrée en vigueur de la directive, la demande d'admission sur un marché inclura le choix de l'autorité compétente s'agissant du contrôle des offres publiques d'acquisition pouvant éventuellement concerner la société.

Ce choix vaudra pour l'ensemble des opérations financières de la société concernée, qui ne pourra procéder à une sélection opportuniste ou « cherry picking » à l'occasion de chaque opération . Ce choix sera définitif sous réserve d'un changement de circonstances, tel que la modification du lieu de cotation ou de l'implantation du siège social.

Toutefois, avant le 20 mai 2006 , ce ne sont pas les sociétés dont les titres ont fait l'objet d'introductions simultanées qui choisiront leur autorité de contrôle, mais les autorités de contrôle elles-mêmes selon une procédure qui reste encore à ce jour incertaine . Selon les informations fournies à votre rapporteur général, le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CERVM) émettrait prochainement une recommandation afin de trancher cette question de la désignation de l'autorité compétente.

Le texte proposé pour le deuxième alinéa du 2° du II de l'article L. 433-1 prévoit que si cette désignation n'est pas intervenue dans les quatre semaines qui suivent le 20 mai 2006, la société choisira son autorité de contrôle. L'AMF devra alors fixer les règles correspondant au cas où elle aura été déclarée compétente pour le contrôle de l'offre.

3. Le cas des sociétés cotées en France et ayant leur siège social hors de l'EEE

Le texte proposé pour le III du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier dispose que l'AMF peut être compétente pour les sociétés visées par une offre qui ont leur siège statutaire hors de l'EEE et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé français.

Ce dernier point appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, cette configuration n'est pas prévue par la directive . En effet, le présent article reprend dans ce III une compétence de l'AMF déjà existante et formalisée à l'article 231-1 de son règlement général. Cette reprise a pour objectif d'unifier les règles de compétence de l'AMF en matière d'OPA . Mais la directive ne règle pas le problème des OPA qui concerneraient des sociétés dont le siège est hors de l'EEE et qui seraient cotées dans plusieurs pays dont la France.

C. L'EXTENSION POSSIBLE DU CONTRÔLE DE L'AMF AUX MARCHÉS NON RÉGLEMENTÉS

A l'instar des dispositions des articles 33 et 34 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, le présent article propose d'étendre aux marchés non réglementés, et à la condition que leurs gestionnaires en fassent la demande , une réglementation identique à celle applicable aux marchés réglementés. Cette disposition vise en particulier le marché Alternext , créé le 17 mai 2005 par l'entreprise de marché Euronext pour faciliter le financement des petites et moyennes entreprises.

Rappelons que les marchés non réglementés ou encore dits « organisés » constituent un type de marché hybride entre le marché réglementé et le marché libre. Ils permettent aux investisseurs de bénéficier de conditions d'accès au marché simplifiées, mais également de garanties de transparence et de protection compte tenu de la réglementation qui peut y exister.

Ainsi la loi du 26 juillet 2005 précitée permet que soient étendus aux marchés non réglementés, à la demande de leur gestionnaire, la procédure de garantie de cours (article 34 de la loi précitée) et le dispositif afférent aux déclarations de franchissement de seuil (article 33 de la loi précitée).

Le texte proposé par le présent article pour le IV du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier propose ainsi que l'AMF puisse fixer les conditions dans lesquelles les nouvelles règles de compétence s'appliquent aux offres publiques visant des sociétés cotées sur un marché non réglementé.

Tableau récapitulatif des cas de compétence de l'AMF

En application de l'article 4 de la directive européenne

Lieu du siège social

Lieu de cotation

Type de marché

Questions relatives à la procédure et à la contrepartie de l'offre

Questions touchant à l'information des salariés et au droit des sociétés

France

France

Réglementé

Compétence automatique de l'AMF

Compétence automatique de l'AMF

Cotations multiples mais première admission sur un marché européen hors France

Réglementé

Compétence automatique de l'autorité de contrôle du pays où a eu lieu la première admission

Admission simultanée sur plusieurs marchés européens

Réglementé

Compétence optionnelle de l'AMF, sur décision de la société (1)

Au sein de l'EEE mais hors de France

Cotations multiples mais première admission en France

Réglementé

Compétence automatique de l'AMF

Compétence automatique de l'autorité de contrôle du pays où la société a son siège social

Admission simultanée sur plusieurs marchés européens

Réglementé

Compétence optionnelle de l'AMF, sur décision de la société (1)

Hypothèses non prévues par la directive mais inscrites dans le projet de loi

Lieu du siège social

Lieu de cotation

Type de marché

Autorité de contrôle

Hors de l'EEE

France

Réglementé

Compétence possible de l'AMF mais limitée (2)

France

France

Non réglementé

Compétence possible de l'AMF, à la demande du gestionnaire, sur l'ensemble des questions

(1) A compter du 20 mai 2006.

(2) Article 231-1 du règlement général de l'AMF : les règles afférentes à la garantie de cours, à l'offre publique obligatoire et au retrait obligatoire ne peuvent être appliquées aux offres publiques visant une société de droit étranger cotée en France.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à transposer l'article 4 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

Rappelons que cette directive a été adoptée dans le cadre du « Plan d'action pour les services financiers », lancé par la Commission européenne en 1999 et dont l'objectif est de parvenir à une intégration des marchés financiers européens grâce à un haut degré d'harmonisation.

Dans cette perspective, votre rapporteur général approuve la mise en place d'un droit européen relativement harmonisé des offres publiques . Cela permettra aux investisseurs de bénéficier de règles simplifiées et unifiées, ce qui en matière d'OPA transfrontalières représente sans aucun doute une avancée.

S'agissant des critères de compétence des autorités de contrôle, la création d'une double branche de contrôle ainsi que la combinaison des règles de marché (droit de l'Etat membre dans lequel la société est cotée) et des règles dites « du pays d'origine » (droit de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social) présentent des avantages :

- d'une part, elles offrent une certaine souplesse aux sociétés, qui notamment dans le cas de cotations simultanées, peuvent choisir leur autorité de contrôle ;

- d'autre part, elles permettent, dans le cadre des OPA transfrontalières au sein de l'EEE, qu'une autorité de contrôle unique soit compétente sur les questions de procédure et de prix, ce qui représente une simplification ;

- enfin, les questions de droit des sociétés et de droit du travail restent toujours de la compétence de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social, ce qui semble pertinent compte tenu des différences qui perdurent en la matière entre les Etats membres.

La « clause de rendez-vous » prévue à l'article 21 de la directive et fixée au 20 mai 2011 permettra de faire le point sur ce système de compétences.

Votre rapporteur général approuve enfin la possibilité donnée aux marchés non réglementés de bénéficier du contrôle d'un régulateur dans la mesure où cela contribuera à renforcer la crédibilité de ce type de marché auprès des investisseurs .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2
Pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article définit le prix équitable en cas d'offre obligatoire, autorise l'Autorité des marchés financiers à fixer les cas de dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, et élargit le champ de compétence de ladite autorité en matière de contrôle des entreprises relatif au dépôt des offres.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 433-3 du code monétaire et financier encadre les procédures de dépôt d'offre publique obligatoire. Le I de cet article vise l'obligation de déposer un projet d'offre publique suite au franchissement d'un seuil, le II et le III concernent la procédure de garantie de cours, et le IV, nouvellement ajouté par la loi n° 176-2005 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, est afférent au dépôt d'une offre obligatoire sur la société fille d'une société qui fait l'objet d'une offre.

A. LES DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES DE DÉPÔT D'UNE OFFRE PUBLIQUE OBLIGATOIRE

1. Le dépôt d'une offre publique obligatoire

La loi du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier a introduit l'offre publique obligatoire provoquée par le franchissement du seuil d'un tiers du capital ou des droits de vote .

L'offre publique obligatoire est actuellement régie par les articles 234-1 et suivants du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ainsi une offre publique obligatoire est mise en oeuvre :

- lors d'un franchissement du seuil d'un tiers directement par une personne ou par des personnes agissant de concert ;

- dans certaines conditions, sur la société fille dont le contrôle de la société mère vient d'être pris. Ce dernier dispositif permet aux actionnaires minoritaires d'une société cotée sur un marché réglementé dont le contrôle est pris indirectement d'être désintéressés dans les mêmes conditions que dans les hypothèses où le contrôle est pris directement , et de bénéficier notamment du « goodwill », la prime de contrôle, que le nouvel acquéreur accepte de payer ;

- lors d'une augmentation d'au moins 2 % de la participation d'une personne (ou des personnes agissant de concert) détenant entre un tiers et la moitié du capital ou des droits de vote, et ce en moins de 12 mois consécutifs.

2. La garantie de cours

La garantie de cours est une procédure employée automatiquement sur les marchés réglementés après la cession d'un bloc de contrôle . Depuis la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, précitée, cette procédure peut être étendue aux marchés non réglementés à la demande de leur gestionnaire.

Elle permet aux actionnaires minoritaires de vendre leurs titres au même prix que l'actionnaire majoritaire . Techniquement, l'acquéreur du bloc de contrôle s'engage à acheter en bourse, pendant 10 jours de bourse au minimum, tous les volumes de titres qui lui seront présentés, au même prix que celui de la cession du bloc.

La procédure de garantie de cours ayant pour conséquence d'inciter les actionnaires minoritaires à céder leurs titres, l'acquéreur d'un bloc de contrôle risque d'avoir à supporter un investissement particulièrement élevé, lié au rachat à prix fixe de tous les titres qui lui sont présentés au cours de la période.

Selon l'article 235-1 du règlement général de l'AMF , la procédure de garantie de cours est mise en oeuvre dès lors qu'une personne acquiert un bloc de titres lui conférant « compte tenu des titres ou des droits de vote qu'elle détient déjà , la majorité du capital ou des droits de vote d'une société », soit 50 % du capital ou des droits de vote.

B. LE PRIX DES OFFRES PUBLIQUES OBLIGATOIRES

Contrairement à la procédure publique de retrait obligatoire et à la garantie de cours , il n'existe aucun encadrement législatif pour déterminer le prix d'une offre publique d'achat, qu'elle soit volontaire, obligatoire, ou de retrait. Pour autant, le silence de la législation ne signifie pas l'absence de principes.

Rappelons que s'agissant de la garantie de cours, l'article L. 433-3 du code monétaire et financier oblige l'acquéreur d'un bloc de titres lui conférant la majorité du capital ou des droits de vote à « acheter les titres qui leur sont alors présentés au cours ou au prix auquel la cession du bloc est réalisée ». L'article L. 433-4 du code monétaire et financier impose quant à lui l'usage de la procédure multicritères dans la détermination du montant de l'indemnisation perçue par l'actionnaire contraint de vendre ses titres lors d'une procédure publique de retrait obligatoire.

La fixation du prix se réfère en France à la méthode multicritères , initiée par la Cour d'appel de Paris et adoptée ensuite par les textes législatifs et réglementaires, notamment s'agissant du retrait obligatoire. L'article 231-13 du règlement général de l'AMF, qui concerne la procédure de recevabilité d'une offre publique par l'AMF y fait une référence indirecte : il indique ainsi que l'AMF examine « le prix ou la parité d'échange, en fonction des critères d'évaluation objectifs usuellement retenus et des caractéristiques de la société visée ».

Si l'on souhaite approcher de manière plus précise la notion d'approche multicritères, il convient de se référer au II de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier relatif au retrait obligatoire, qui précise que « l'évaluation des titres, [est] effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'ENCADREMENT DU PRIX DE L'OFFRE PUBLIQUE OBLIGATOIRE

Le I du présent article propose de modifier le I l'article L. 433-3 du code monétaire et financier afin de transposer l'article 5, relatif à la définition du prix équitable, de la directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

1. Les dispositions communautaires

Le neuvième considérant de la directive dispose qu'« il convient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour la protection des détenteurs de titres, et en particulier ceux possédant des participations minoritaires, lorsque le contrôle de leurs sociétés a été pris. Il convient que les États membres assurent cette protection en imposant à l'acquéreur qui a pris le contrôle d'une société l'obligation de lancer une offre proposant à tous les détenteurs de titres de cette société d'acquérir la totalité de leurs participations à un prix équitable conformément à une définition commune ».

Plus précisément l'article 5 de la directive définit le prix équitable comme « le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant, ou par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période déterminée par les Etats membre de six mois minimum à douze mois maximum ».

Elle ajoute que dans « certaines circonstances », le prix, tel qu'il résulte de l'application de la définition du prix équitable, peut être modifié à la hausse ou à la baisse. Ces circonstances, dont la directive donne quelques exemples tels que la manipulation des prix ou le sauvetage d'une entreprise en détresse, correspondent à des situations où la valeur du marché n'est pas représentative de la valeur de la société . La directive précise que « dans ces cas », d'autres « critères objectifs d'évaluation généralement utilisés en analyse financière » peuvent être utilisés pour évaluer le prix, c'est-à-dire une approche multicritères .

2. Le texte du projet de loi

Le texte proposé par le I du présent article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier prévoit que le « prix proposé doit être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce, sur une période définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ». Selon les informations fournies à votre rapporteur général, cette période serait fixée par l'AMF après une consultation de place. Toutefois la fixation de cette période ne saurait être tout à fait libre dans la mesure où la directive précise que cette période se situe entre six et douze mois .

Le même alinéa prévoit ensuite que « l'Autorité des marchés financiers peut demander la modification du prix proposé dans les conditions et selon les modalités fixées dans son règlement général ». Selon une lecture littérale de la directive, la modification du prix, à la hausse ou à la baisse, ne pourrait être opérée par l'AMF qu'en cas de dysfonctionnements du marché . Il appartient donc à cette dernière de fixer dans son règlement général les circonstances précises dans lesquelles une telle modification peut être faite.

B. L'AMÉNAGEMENT DE LA COMPÉTENCE DE L'AMF

1. La possibilité pour l'AMF d'accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique

Le I du présent article propose également de modifier le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier en inscrivant dans la loi la compétence reconnue à l'AMF de pouvoir accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique.

Cette compétence est actuellement formalisée dans les articles 234-6 à 234-8 du règlement général de l'AMF. Il est proposé ici de lui donner un fondement législatif approprié, compte tenu de l'importance de ce pouvoir, qui peut être source de contentieux.

Cette compétence est conforme aux dispositions de la directive précitée, qui par l'intermédiaire du point e du deuxième paragraphe de son article 4, précise que les questions touchant au droit des sociétés et notamment « les dérogations à l'obligation de lancer une offre » relèvent de la compétence et du contrôle de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social.

2. La compétence de l'AMF sur les questions de droit des sociétés

Le point e du deuxième paragraphe de l'article 4 de la directive dispose que les questions « relatives à l'information qui doit être fournie au personnel de la société visée et les questions relevant du droit des sociétés, notamment le pourcentage de droits de vote qui donne le contrôle et les dérogations à l'obligation de lancer une offre, ainsi que les conditions dans lesquelles l'organe d'administration ou de direction de la société visée peut entreprendre une action susceptible de faire échouer l'offre, les règles applicables et l'autorité de contrôle compétente sont celles de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social ».

Le II et le III du présent article opèrent une coordination, suite à la transposition de cet article de la directive dans l'article premier du présent projet de loi. Ainsi l'application des articles L. 433-3 et L. 433-4 du code monétaire et financier concernait « une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé », soit une société cotée en France.

Par conséquent, s'agissant du dépôt d'une offre publique obligatoire et de la mise en oeuvre de la garantie de cours, le règlement général de l'AMF fixera dorénavant les règles pour les sociétés dont le siège social est en France (II du présent article) et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé d'un Etat membre ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (III du présent article). En effet, ces deux procédures concernent le droit des sociétés qui, conformément à la directive, relève de la compétence de l'Etat où l'entreprise a son siège social.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article propose, d'une part, de transposer l'article 5 de la directive européenne relatif au prix équitable des offres publiques obligatoires, et d'autre part, de poursuivre la transposition de l'article 4 de la dite directive concernant les nouvelles règles de compétence des autorités de contrôle et la création d'une double branche de contrôle 36 ( * ) .

Votre rapporteur général approuve la mise en place d'un droit harmonisé des offres publiques, qui permet la généralisation au niveau européen d'un certain nombre de concepts que le droit français connaît déjà, telles que les offres publiques obligatoires et le rachat obligatoire 37 ( * ) . Ces notions particulièrement protectrices du droit des actionnaires minoritaires ont toujours mobilisé votre commission des finances.

La principale novation du présent article est de proposer dans le droit fil des travaux préparatoires de la loi de décembre 1993 qui introduisait le « squeeze-out » en droit français, un encadrement législatif du prix de l'offre publique obligatoire. Votre rapporteur général se félicite de cette introduction dans la mesure où elle participe de la clarification du droit des sociétés.

Toutefois s'agissant de la définition du prix équitable, votre rapporteur général souhaite préciser ou modifier trois éléments par voie d'amendements.

Premièrement , il estime que la période de référence qui servira à fixer le prix le plus élevé payé par l'offrant pourrait être fixée par le législateur . Dans cette perspective, il semble qu'une période de douze mois serait favorable aux actionnaires, dans la mesure où, plus la période est longue, plus la probabilité d'avoir un prix élevé est forte. A ce titre, il remarque que ce délai correspond à celui qui a été retenu au Royaume-Uni ainsi qu'en Belgique. Il vous propose donc un amendement tendant à inscrire cette période dans la loi.

Deuxièmement , votre rapporteur général propose, dans un souci de clarté et de meilleure conformité aux dispositions communautaires, que la définition du prix des offres publiques obligatoires, telle qu'elle est proposée par le présent article, soit modifiée . Ainsi au lieu de prévoir que le prix soit « au moins équivalent », il est proposé que le prix soit « équivalent » au prix le plus élevé payé par l'offrant au cours de la période de douze mois évoquée supra . Cette modification permettrait de mieux se conformer à l'esprit et la lettre de l'article 5 de la directive, selon lequel le prix d'une offre publique obligatoire est, par principe, le prix le plus élevé payé par l'offrant au cours d'une période donnée, ce principe pouvant connaître des dérogations en cas de disfonctionnement du marché. Dans cette dernière hypothèse, l'approche multicritères prendrait toute son importance.

Cette approche a le mérite de la simplicité, puisqu'elle réduit le risque de contestation du prix des offres obligatoires, et de la clarté, dans la mesure où elle établit une règle simple pour les investisseurs. Par ailleurs, si elle introduit une certaine rigidité dans la détermination d'une offre publique obligatoire, cette rigidité disparaît dès que le fonctionnement du marché ne permet plus d'assurer la représentation de la valeur de la société, qui est alors déterminée par l'approche multicritères .

Troisièmement, votre rapporteur général souhaite encadrer de manière plus stricte la compétence de l'AMF s'agissant de la modification du prix de l'offre publique obligatoire . Comme cela l'a été expliqué ci-dessus, l'article 5 de la directive OPA prévoit que le prix de l'offre publique obligatoire puisse être modifié uniquement dans certaines circonstances préalablement déterminés. Ces circonstances 38 ( * ) correspondent à des cas de disfonctionnement du marché qui ne permettent pas de garantir la représentativité de la valeur de la société. Il vous propose donc un amendement prévoyant que le règlement général de l'AMF précise « les circonstances » et « les critères » du pouvoir de modification de l'AMF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3
Article de coordination

Commentaire : dans le cadre de la transposition de la directive du 21 avril 2004, le présent article modifie, les conditions dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers (AMF) est compétente pour apposer un visa sur une offre publique.

Le présent article modifie l'article L. 621-8 du code monétaire et financier relatif aux visas apposés par l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de certaines opérations portant sur des instruments du marché financier.

Le présent article 3 est un article de coordination, suite à la modification du champ de compétences de l'AMF opérée par l'article 1 du présent projet de loi 39 ( * ) .

Le IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financiers prévoit actuellement que l'AMF appose « un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition de titres de capital ou titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne en France ». Dès le dépôt d'une offre publique, l'initiateur de l'offre est tenu de déposer une note d'information, qui permettra notamment à la société cible d'apprécier les conditions de l'offre. Cette note est soumise au visa de l'AMF, qui à cette occasion, examine la régularité des opérations justifiant l'information.

Le présent article modifie cet alinéa en insérant une référence au nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier proposé par le premier article du projet de loi et définissant les nouveaux critères de compétence de l'AMF en matière d'offres publiques.

Ainsi l'AMF apposerait « un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition d'instruments financiers dans les conditions prévues par l'article L. 433-1 du code monétaire et financier. »

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4
Définition de l'action de concert

Commentaire : le présent article définit la notion d'action de concert en cas d'offre publique d'acquisition, conformément aux dispositions de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

I. LE DROIT EXISTANT

L'action de concert constitue une notion importante du droit des offres publiques puisqu'on la retrouve en matière de franchissement de seuil 40 ( * ) , d'offre publique obligatoire 41 ( * ) , de garantie de cours 42 ( * ) , d'offres publiques de retrait 43 ( * ) , et dans les dérogations aux offres obligatoires 44 ( * ) .

Créant une solidarité entre toutes les personnes qui participent au concert , cette notion vise à prévenir le contournement des obligations imposées par la réglementation.

Le concept d'action de concert a été introduit dans notre droit par la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier , qui a notamment modifié, s'agissant des franchissements de seuils, la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

La loi du 2 août 1989 précitée transposait les dispositions de la directive 88/627/CEE du Conseil du 12 décembre 1988 relatives aux informations à publier lors de l'acquisition et de la cession d'une participation importante dans une société cotée en bourse. Selon M. Pierre Bérégovoy, alors ministre des finances, il s'agissait de « rétablir pour l'application des obligations déclaratives de franchissement de seuil et de la réglementation des offres publiques la réalité des actions concertées derrière la dissimulation des actions dispersées 45 ( * ) ».

La notion d'action de concert tend ainsi à garantir une plus grande transparence dans la répartition des actions des sociétés cotées . Elle permet de soumettre aux mêmes obligations que celles incombant à une personne détenant directement ou indirectement des droits de vote ou des actions, les personnes qui ont conclu un accord dans un objectif précis.

A. LA QUESTION DE LA FINALITÉ DE L'ACTION DE CONCERT

L'article 7 de la directive du 12 décembre 1988 prévoyait le cas des « droits de vote détenus par un tiers avec qui cette personne a conclu un accord écrit qui les oblige à adopter, par un exercice concerté des droits de vote qu'ils détiennent, une politique commune durable vis-à-vis de la gestion de la société en question ».

Le législateur français a transposé cette directive en supprimant l'exigence d'une forme écrite à l'accord et en ajoutant l'accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote.

Jusqu'à la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, de nombreux débats ont porté sur le fait de savoir si la mise en oeuvre d'une politique commune était une condition de l'action de concert aussi bien pour les accords prévoyant le transfert de droits de vote que pour ceux concernant leur exercice.

La loi précitée a définitivement tranché, grâce à un placement de virgule adéquat, en faveur de l'exigence d'une communauté d'objectifs de la part des personnes réputées agir de concert pour conclure à l'existence d'une action de concert. Ceci correspondait à la jurisprudence du Conseil des marchés financiers 46 ( * ) .

Ainsi, aux termes de l'article L. 233-10 du code de commerce « sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société ».

Selon cette définition, l'action de concert exige un accord, c'est-à-dire une entente concertée et volontaire . Cette entente correspond à la mise en oeuvre d'une politique vis-à-vis de la société, c'est-à-dire d'une stratégie que les « concertistes » déterminent ensemble, dans le but de définir directement ou indirectement les grandes orientations financières, sociales, commerciales ou technologiques de la société. La concertation entre les partenaires autour d'un intérêt commun est la condition sine qua non de l'existence d'un concert, de telle sorte que « la cacophonie est incompatible avec l'action de concert 47 ( * ) ».

Deux modalités d'accord sont ainsi visées : d'une part, les accords concernant le transfert des droits de vote (acquisition, cession...), d'autre part, les accords relatifs à l'exercice de ces droits (centralisation des votes, consensus sur le contrôle, concertation en cas d'opérations sur le capital...).

B. LES HYPOTHÈSES DE PRÉSOMPTION D'UNE ACTION DE CONCERT

Si l'action de concert se déduit en général à partir d'un faisceau d'indices, tels que les clauses de préemption, d'inaliénabilité, de sortie conjointe ou de non-dilution, le code de commerce en facilite l'identification, par la reconnaissance d'un certain nombre de présomptions . Ainsi un accord constitutif d'une action de concert est présumé exister :

- entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ;

- entre une société et les sociétés qu'elles contrôlent au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ;

- entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;

- entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Selon la définition posée par l'article 2 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, « les personnes agissant de concert » sont « les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre » .

Afin de transposer cette définition, le présent article ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 233-10 du code de commerce spécifique à la définition de l'action de concert en cas d'offre publique d'acquisition .

1. L'accord tendant à obtenir le contrôle de la société cible

La première hypothèse visée par la directive concerne l'accord conclu entre des personnes et l'auteur de l'offre publique en vue d'obtenir le contrôle de la société visée par l'offre.

2. L'accord tendant à faire échouer l'offre

La seconde hypothèse concerne l'accord conclu entre des personnes et la société cible de l'offre afin de faire échouer cette offre. La détermination de l'issue d'une offre nécessite d'être précisée.

Une offre qui échoue est une offre qui ne comporte pas de suite positive. Toutefois, il convient de préciser que l'offre comportant une suite positive n'est pas nécessairement l'offre ayant abouti à la prise de contrôle de la société cible.

Selon l'article 231-20 du règlement général de l'AMF relatif au contenu des projets de notes d'information, l'initiateur de l'offre peut préciser « le nombre de titres présentés à l'offre en deçà duquel l'offre n'aura pas de suite positive ». Ce seuil représente le nombre minimal de titres devant être présentés à l'offre pour que l'offre soit considérée comme réussie. A défaut d'une telle condition de seuil, il suffit qu'une seule action soit apportée pour que l'offre ait une suite positive. Il convient de préciser qu'un tel seuil ne peut être fixé lors d'une offre publique obligatoire ou d'une offre publique de retrait.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à transposer la définition de l'action de concert donnée par l'article 2 de la directive du 21 avril 2004 relatif aux offres publiques d'acquisition.

Cette définition de l'action de concert s'applique spécifiquement en cas d'OPA et prend aussi bien en compte les motivations de l'offrant, qui par définition cherche à accroître sa participation dans la société, que celles des actionnaires de la société visée, qui souhaiteraient éventuellement la faire échouer.

La modification de l'article L. 233-10 du code de commerce proposée par le présent article conduirait donc à distinguer deux niveaux :

- une définition générale de l'action de concert ;

- une définition spécifique de l'action de concert au cas des offres publiques.

La principale question qui se pose quant à la transposition de cette définition européenne, est de savoir si elle conduit à créer de nouveaux types de concert . En d'autres termes, l'action de concert, qui met en oeuvre une politique commune, serait-elle différente selon qu'il s'agit d'un concert organisé dans le but de contrôler la société, ou d'un concert établi aux fins de faire échouer cette offre ?

La réponse à la première partie de la question est relativement simple car elle a été donnée par la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et par la loi portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financiers du 11 décembre 2001. Ces deux lois ont complété la définition d'une société contrôlée en ajoutant un III à l'article L. 233-3 du code de commerce, ainsi rédigé : « (...) deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ».

Le contrôle d'une société implique une idée de continuité, une communauté d'intérêts sur la gestion de la société contrôlée. Cette idée de communauté d'intérêts est représentée, dans la définition ci-dessus citée, par la référence aux personnes agissant de concert. Or, par définition le concert sous-entend dorénavant la mise en oeuvre d'une politique commune ( cf. supra ). Ainsi le contrôle d'une société ne peut se faire que dans le cadre de la mise en oeuvre d'une politique commune.

Dans cette perspective, le texte proposé par le présent article pour la première phrase du nouvel alinéa de l'article L. 233-10 du code de commerce, et qui concerne, en cas d'OPA, un concert organisé aux fins de contrôle de la société visée par l'offre, s'inscrit dans la droite ligne de la définition générale. Votre rapporteur général estime que c'est davantage pour des raisons de pédagogie et de clarté de la loi que le texte du projet reprend ainsi le texte de la directive européenne, alors même que l'actuel article L. 233-10 du code de commerce répondait à cette première exigence de la directive.

La situation est différente s'agissant du second cas prévu par la directive, à savoir, une action de concert exercée en vue de faire échouer l'offre en cas d'OPA. Selon le présent article, les « concertistes » sont alors « les personnes qui ont conclu un accord avec la société visée par l'offre ».

La question reste la même, c'est-à-dire savoir si cette disposition crée un nouveau cas de concert, i.e. un concert qui ne serait pas la mise en oeuvre d'une politique commune vis-à-vis de la société.

A première vue, il est possible de considérer que le concert en vue de faire échouer une offre représente une certaine nouveauté dans la mesure où l'échec de l'offre est un objectif à court terme . Cet objectif serait ainsi différent de la mise en oeuvre d'une politique commune supposée s'inscrire au moins dans le moyen terme.

Toutefois, le texte précise qu'il s'agit d'une action de concert entre des personnes qui ont conclu un accord avec la société qui fait l'objet de l'offre. Cela signifie que si plusieurs actionnaires d'une société visée par une offre coopèrent afin de faire échouer une offre, cela sous-entend implicitement qu'ils ont une position commune sur la politique et la stratégie que devrait suivre la société, même si cette position revêt dans un premier temps un caractère dépressif, voir négatif.

Comme votre rapporteur général l'a rappelé ci-dessus, « l a cacophonie est incompatible avec l'action de concert ». Par conséquent la seule action de concert envisageable demeure l'action qui reflète une communauté d'intérêts sur la gestion de la société. En outre, il convient de préciser que les personnes réputées agir de concert ne peuvent être que des personnes détenant ou amenées à détenir une participation dans les sociétés concernées par une offre publique. En effet, la principale conséquence de la reconnaissance d'une action de concert est de contraindre les « concertistes » à déposer une offre publique obligatoire si leurs participations réunies sont supérieures à 33,33 %. Dans cette perspective les prestataires de service, tels que les banques ou les avocats conseils, ne sauraient être réputés agir de concert s'ils ne détiennent pas de participations à caractère stratégique.

Si le présent projet de loi introduit dans le code de commerce une définition qui concerne précisément l'action de concert en cas d'offre publique, votre rapporteur général insiste sur la nécessité de rappeler que l'élément déterminant de l'action de concert est la mise en oeuvre d'une politique commune, et qu'à cet égard le présent article ne semble pas déroger pas à ce principe directeur.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5
Aménagement du régime du retrait obligatoire

Commentaire : le présent article vise à transposer et adapter, conformément à la directive européenne du 21 avril 2004, le régime de retrait obligatoire consécutif à une offre publique.

I. LE DROIT EXISTANT

A. INTRODUITE DANS LE DROIT FRANÇAIS EN 1993, LA PROCÉDURE DE RETRAIT OBLIGATOIRE EST L'ACCESSOIRE DE LA PROCÉDURE D'OFFRE PUBLIQUE DE RETRAIT

1. L'introduction de la procédure de retrait obligatoire en droit français en 1993

Ce dispositif permet à l'actionnaire majoritaire d'une société d' exiger des actionnaires minoritaires de cette société qu'ils lui vendent leurs titres. La mise en oeuvre de cette procédure ne peut être réalisée en France que si elle a été précédée d'une offre publique de retrait (OPR). L'ensemble de ce dispositif est codifié à l'article L. 433-4 du code monétaire et financier.

Le premier alinéa de l'article L. 433-4 dispose que le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) fixe les conditions dans lesquelles une offre publique de retrait (OPR) peut être demandée par les actionnaires majoritaires, sous réserve qu'une des deux conditions suivantes soit remplie :

- l'actionnaire majoritaire détient un certain nombre de droits de vote, à savoir au moins 95 % des droits de vote ;

- la société est transformée en société en commandite par actions.

On parle également de demande publique de retrait lorsqu'elle émane des actionnaires minoritaires. Les articles 236-1 à 236-8 du règlement général de l'AMF déterminent précisément les modalités des offres publiques de retrait.

A l'issue d'une offre publique de retrait ouverte dans les cas où l'initiateur de l'offre détient plus de 95 % du capital, ce dernier pourra, par l'intermédiaire d'une offre publique de retrait obligatoire , récupérer les titres non présentés par les actionnaires minoritaires moyennant une indemnisation.

2. La détermination du montant de l'indemnisation du retrait obligatoire

Contrairement aux autres procédures d'offre publique où la fixation du prix ne fait pas l'objet d'un encadrement législatif, l'article L. 433-4 du code monétaire et financier précise que dans le cadre d'une offre publique de retrait obligatoire, « l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité. L'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou la demande de retrait du règlement général de l'AMF ». Par ailleurs l'article 237-1 du règlement général de l'AMF précise que l'évaluation faite par l'initiateur de l'offre est « assortie de l'appréciation d'un expert indépendant dont l'agrément a été préalablement soumis à l'AMF ».

La loi a introduit des garde-fous spécifiques en instituant l'obligation d'une attestation d'équité , qui s'ajoute aux travaux de l'initiateur de l'offre. L'information est donc plus complète que pour les offres publiques de retrait, ce qui s'explique notamment par le fait que cette procédure de retrait obligatoire touche la propriété des valeurs mobilières, consacrée par le code civil.

Le prix est homologué par l'AMF tout comme les conditions de mise en oeuvre de l'OPR. La décision de l'AMF peut être contestée devant la cour d'appel de Paris à qui est dévolu l'ensemble du contentieux.

3. Les principes de la directive

Les articles 15 et 16 de la directive du 21 avril 2004 consacrent au niveau européen les notions de retrait obligatoire et d'achat obligatoire dans le cadre des offres publiques d'acquisition. L'article 15 fixe ainsi des principes généraux concernant le retrait obligatoire lorsqu'il fait suite à une offre publique.

Ces dispositions ont trait aux offres « en séquence » , c'est-à-dire aux OPA suivies d'un retrait ou d'un rachat obligatoire. Le vingt-quatrième considérant de la directive, qui introduit les notions de retrait et de rachat obligatoires, précise ainsi que « les Etats membres devraient prendre les mesures nécessaires pour permettre à un offrant, qui a acquis un certain pourcentage du capital d'une société assorti de droits de vote à la suite d'une offre publique d'acquisition , d'obliger les détenteurs des titres restants à lui vendre leurs titres. (...) Ces procédures de retrait obligatoire et de rachat obligatoire ne devraient s'appliquer que dans des conditions spécifiques liées à des offres publiques d'acquisition. En dehors de ces conditions, les Etats membres peuvent continuer à appliquer les dispositions nationales en ce qui concerne les procédures de retrait obligatoire et de rachat obligatoire ».

Cette approche circonscrite est confirmée par le premier paragraphe de l'article 15, dont les dispositions relatives au retrait obligatoire s'appliquent « lorsqu'une offre a été adressée à tous les détenteurs de titres de la société visée pour la totalité de leurs titres ».

a) Les principes concernant les critères habilitant un actionnaire majoritaire à demander l'application du dispositif du retrait obligatoire

Le droit donné à l'actionnaire majoritaire de demander le retrait obligatoire reste subordonné à la nécessité de satisfaire certains critères. La directive distingue deux cas alternatifs :

- d'une part, un tel retrait peut être demandé par l'actionnaire qui détient au moins 90 % du capital assortis des droits de vote et 90 % des droits de vote de la société visée. La directive précise que les Etats membres peuvent fixer un seuil plus élevé, pour autant qu'il ne dépasse pas 95 %.

Cette option est celle envisagée par le présent article , qui conserve le seuil de 95 % actuellement en vigueur, mais sans que soit requise une offre de retrait préalable au retrait obligatoire , ce qui constitue un facteur de simplification du droit des offres ;

- d'autre part, ce retrait peut être exigé par l'actionnaire majoritaire, « lorsqu'à la suite de l'acceptation de l'offre, il a acquis des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote de la société visée et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre ». Cette hypothèse est plus complexe dans la mesure où elle met en relation deux critères, un critère de détention de capital et un critère lié à la liquidité des titres de la société.

Ainsi ce second système offre une prime aux offrants qui « partent les mains vides » dans la mesure où plus la détention initiale de capital est faible, plus est bas le seuil final requis pour l'offrant et correspondant à l'obtention de 90 % des droits de vote restants, c'est-à-dire du « flottant ».

Exemples

Détention initiale de capital

Nombres total de titres

« Flottant » (1)

(fraction restante des droits de vote)

Hypothèse 1

Seuils de 90 %

et de 95 %

Hypothèse2

Acquisition de 90 % du « flottant » au moins

Détention de capital à l'issue de l'offre (doit être = 90 %)

5 %

100

95 %

90

95

85,5 %

90,5

(5 + 85,5)

10 %

100

90 %

90

95

81 %

91 %

20 %

100

80 %

90

95

72 %

92 %

40 %

100

60 %

90

95

54 %

94 %

60 %

100

40 %

90

95

36 %

96 %

(1) Hypothèse de travail : parité entre le nombre de droits de vote et le nombre de titres de capital

Source : commission des finances du Sénat

Comme le montre le tableau ci-dessus, l'application de la seconde hypothèse conduit à avoir une approche pragmatique , qui prend en compte la situation de l'offrant.

b) Un encadrement temporel de la demande de retrait obligatoire

Le paragraphe 4 de l'article 15 de la directive précise que « si l'offrant souhaite exercer les droits de recourir au retrait obligatoire, il l'exerce dans un délai de trois mois après la fin de la période d'acceptation de l'offre (...) ». Ainsi le régime proposé par la directive concerne spécifiquement l'application du retrait obligatoire à la suite d'une offre publique, c'est-à-dire lorsqu'il y a une succession chronologique.

c) Une définition du « prix juste » demandé aux actionnaires dont le ou les actionnaire (s) majoritaire(s) demandent la sortie du capital de la société.

Il convient tout d'abord de remarquer que la directive emploie, dans le cadre du retrait obligatoire, l'expression de « prix juste » alors qu'elle fait référence, dans le cas des offres publiques obligatoires, à la notion de « prix équitable ». Cette distinction reflète la différence de situation entre, d'une part, les actionnaires visés par une offre publique obligatoire et qui ont la possibilité d'accepter ou de refuser l'offre, et d'autre part, les actionnaires objet d'une offre publique de retrait obligatoire, qui ne laisse aucun choix aux actionnaires ( cf. supra ).

La directive fixe deux présomptions de prix juste :

- d'une part, le prix imposé par l'actionnaire majoritaire dans le cadre d'un retrait obligatoire suivant une offre volontaire serait présumé juste si l'offrant a acquis, par acceptation de ladite offre, « des titres représentant au moins 90 % du capital assorti de droits de vote faisant l'objet de l'offre ». Le caractère juste du prix serait ainsi validé par le marché, qui a estimé l'offre volontaire précédant le retrait obligatoire suffisamment satisfaisante pour permettre à l'offrant d'acquérir 90 % des droits de vote restant ;

- d'autre part, le prix imposé par l'actionnaire majoritaire dans le cadre d'un retrait obligatoire suivant une offre obligatoire serait juste si le prix correspond au prix de cette dernière offre, qui, selon l'article 5 de la directive est égal au prix équitable ( i.e le prix le plus élevé du titre au cours des douze derniers mois).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article L. 433-4 du code monétaire et financier en le complétant par un alinéa transposant spécifiquement le dispositif de retrait obligatoire suite à une offre publique . Dorénavant, coexisteraient deux régimes de retrait obligatoire :

- le retrait obligatoire non consécutif d'une offre publique et précédé d'une offre publique de retrait ;

- le retrait obligatoire consécutif à une offre publique.

A. LE CHOIX DU SEUIL DE 95 %

Ainsi que la directive le permet ( cf. supra ), le présent article opte pour le seuil de 95 %, qui correspond au seuil existant pour la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait (II de l'actuel article L. 433-4 du code monétaire et financier). Ainsi « les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote » pourront faire l'objet d'une procédure de retrait obligatoire.

B. UN ENCADREMENT TEMPOREL CONFORME À LA DIRECTIVE

Ainsi, et ce conformément au paragraphe 4 de l'article 15 de la directive, les dispositions du nouvel alinéa de l'article L. 433-4 ne concerneraient que les retrait obligatoires demandés par les actionnaires majoritaires détenant plus de 95 % du capital dans un délai de trois mois suivant la clôture d'une offre publique

C. UN ENCADREMENT DE L'INDEMNISATION

Selon le texte proposé par le présent article pour le III de l'article L. 433-4 précité, « dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre, ou le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II ».

Tout d'abord, il convient de préciser que l'évaluation à laquelle fait référence l'article L. 433-4 concerne l'évaluation effectuée selon une approche multicritères et dont le II de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier expose les critères ( cf.supra ).

Cette formulation générale permet de combiner à la fois les exigences de la directive concernant le prix juste et l'usage de l'approche multicritères qui est actuellement systématique en matière de retrait obligatoire.

Elle permet en effet de répondre aux prescriptions européennes qui posent deux présomptions de prix juste selon que :

- le retrait obligatoire suive une offre volontaire à la fin de laquelle l'offrant a acquis au moins 90 % du flottant (validation par les marchés) ;

- ou que le retrait obligatoire succède à une offre publique obligatoire, auquel cas le prix juste est égal au prix de l'offre obligatoire, qui en principe doit correspondre au prix équitable 48 ( * ) .

Dans ces deux cas, le prix juste est présumé être celui de la dernière offre comme le prévoit le présent article . La référence ensuite faite à l'évaluation multicritères permet de viser les situations non prévues par ces présomptions, ou les cas de contestation de ces présomptions, qui n'ont pas de caractère irréfragable.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à transposer une procédure de retrait obligatoire spécifique aux offres publiques.

Comme elle avait eu l'occasion de l'expliquer en 1993 lors de l'introduction de la procédure de retrait obligatoire, votre commission était favorable à cette procédure, tout en demeurant vigilante sur la contrepartie offerte aux actionnaires contraints de céder leurs titres à la demande des actionnaires majoritaires.

Dans cette perspective, la combinaison des présomptions de prix juste et de l'application de l'approche multicritères pour définir le montant de l'indemnisation offerte aux actionnaires minoritaires satisfait votre rapporteur général .

Les dispositions du présent article s'exercent également sans préjudice de l'utilisation de l'évaluation multicritères, assortie d'une attestation d'équité par un expert indépendant, dans les cas de retrait obligatoire non consécutifs à une OPA, et en particulier dans les retraits « isolés » et les fusions qui suivent le franchissement du seuil de 95 %.

En outre, votre rapporteur général souligne que le présent dispositif de retrait obligatoire consécutif à une offre publique ne comprend pas la phase d'offre publique de retrait, ce qui est un facteur de simplification administrative et de réduction des coûts pour l'offrant.

Toutefois, votre rapporteur général souhaite modifier deux points du dispositif.

D'une part, il souhaite proposer une modification importante relative au seuil de retrait obligatoire consécutif à une offre publique d'acquisition, qui ne serait plus fixé à 95 % du capital ou des droits de vote . La rédaction du présent projet de loi opte pour le seuil de 95 % du capital ou des droits de vote, qui correspond à la première des deux options ouvertes par le deuxième paragraphe de l'article 15 de la directive, et au seuil actuel de la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait. Notre pays serait fondé à exercer plutôt la seconde option, qui correspond à un seuil représentant 90 % du capital assorti des droits de vote de la cible et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, lesquels représentent le « flottant ».

Cette solution se traduirait par un seuil minimum de 90 %, pouvant aller au delà de 95 %, selon la participation initialement détenue par l'initiateur de l'offre. Elle serait plus pragmatique en ce qu'elle tiendrait compte de la liquidité de la société cible et accorderait une prime à l'offrant qui initierait l'opération « les mains vides » , et permettrait de se rapprocher du seuil appliqué par d'autres Etats membres tels que le Royaume-Uni.

D'autre part, votre rapporteur général souhaite proposer que l'indemnisation des actionnaires, dans le cadre d'une procédure de retrait obligatoire, puisse être réalisée en titres, tout en prévoyant qu'un règlement en numéraire soit systématiquement proposé à titre d'option . Ceci permettrait de faciliter le déroulement des offres « en séquence » (OPA suivie d'une offre de retrait obligatoire) en particulier lorsque l'offre publique initiale consiste en une OPE ou comporte une fraction en titres de l'acquéreur. Cela permettrait également d'encourager les fusions par le marché, plutôt que par des dérogations sollicitées auprès de l'AMF.

Il convient de préciser que les actionnaires minoritaires ne seraient pas lésés, dans la mesure où la contrepartie (intégralement ou partiellement) en titres leur permettrait de bénéficier de la prime sur le cours de bourse généralement proposée par l'offrant. Une contrepartie en titres contribue en outre à limiter les problèmes de valorisation que peuvent poser les indemnisations en numéraire dans les semaines qui suivent une offre réussie.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À L'AMÉLIORATION DE L'INFORMATION DES ACTIONNAIRES ET DES SALARIÉS

ARTICLE 6
Transparence des mesures susceptibles d'avoir une influence sur le cours de l'offre

Commentaire : le présent article a pour objet d'assurer la transparence des mesures pouvant avoir une influence sur le déroulement d'une offre, en prévoyant leur publication dans le rapport de gestion annuel.

L'article 10 de la directive précise les informations que doivent publier les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui peuvent ainsi faire l'objet d'une offre publique d'acquisition (OPA), tels que la structure du capital de la société, les restrictions à l'exercice des droits de vote et au transfert d'actions, les pactes d'actionnaires ou les pouvoirs des membres du conseil d'administration et du directoire s'agissant de l'émission ou du rachat de titres.

Il s'agit d'assurer la transparence des mesures pouvant avoir une influence sur le déroulement d'une offre, en prévoyant leur publication dans le rapport de gestion annuel.

I. LE DROIT EXISTANT

Dans le droit existant, une partie seulement des informations énumérées à l'article 10 précité de la directive font déjà l'objet d'une publication :

- certaines des participations significatives au capital ;

- les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote ;

- les pactes d'actionnaires.

S'agissant de l'information sur les participations significatives au capital , l'article L. 233-13 du code de commerce dispose que le rapport de gestion annuel présenté aux actionnaires « mentionne l'identité des personnes physiques ou morales détenant directement ou indirectement plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers ou des dix-neuf vingtièmes du capital social ou des droits de vote aux assemblées générales. Il fait également apparaître les modifications intervenues au cours de l'exercice. Il indique le nom des sociétés contrôlées et la part du capital de la société qu'elles détiennent. Il en est fait mention, le cas échéant, dans le rapport des commissaires aux comptes ». Ces mentions sont cohérentes avec les obligations afférentes aux franchissements de seuils.

Concernant les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote , le décret n° 84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés prévoit que l'acte de constitution d'une société qui paraît dans un journal d'annonces légales doit prévoir l'indication des conditions d'exercice du droit de vote. Certaines restrictions peuvent alors être prévues par l'entreprise dans un but défensif, telle que la clause de plafonnement correspondant à la limitation des droits de vote quelle que soit la fraction du capital détenue.

Enfin, l'article L. 233-11 du code de commerce prévoit la publicité des pactes d'actionnaires fondés sur « toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé », au-delà d'un certain seuil (« au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions »). Toute clause de ce type « doit être transmise dans un délai de cinq jours de bourse à compter de la signature de la convention ou de l'avenant introduisant la clause concernée, à la société et à l'Autorité des marchés financiers. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont suspendus, et les parties déliées de leurs engagements, en période d'offre publique ». L'article L. 233-11 du code de commerce dispose également que « la société et l'Autorité des marchés financiers doivent également être informées de la date à laquelle la clause prend fin ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'énumérer, dans un nouvel article L. 225-100-3 du code de commerce, l'ensemble des informations que doivent publier les sociétés dans le rapport de gestion annuel (visé à l'article L. 225-100 du code de commerce) dès lors qu'elles sont susceptibles d'avoir une influence sur le cours de l'offre :

- « La structure du capital de la société » ;

- « Les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote et aux transferts d'actions ou les conventions portées à la connaissance de la société en application de l'article L. 233-11 » relatif à la publicité des pactes d'actionnaires 49 ( * ) : ces dispositions reprennent et élargissent celles déjà prévues par le droit existant concernant les mesures, d'origine tant statutaire que conventionnelle, que peut prendre une société cible potentielle, en incluant également les restrictions aux transferts de titres, c'est-à-dire les clauses d'agrément, de préemption ou d'inaliénabilité qui offrent un régime privilégié à certains actionnaires 50 ( * ) ;

- « Les prises de participation directes ou indirectes dans le capital de la société dont elle a connaissance en vertu des articles L. 233-7 et L. 233-12 » du code de commerce : il s'agit de l'information de la société par toute personne physique ou morale qui franchit certains seuils de détention d'une fraction du capital 51 ( * ) (article L. 233-7 du code de commerce) et de l'information que doit notifier toute société contrôlée à chacune des sociétés participant à son contrôle sur « le montant des participations qu'elle détient directement ou indirectement dans leur capital respectif ainsi que les variations de ce montant » (article L. 233-12 du code de commerce) ;

- « 4° La liste des détenteurs de tout titre comportant des droits spéciaux et la description de ceux-ci » : il s'agit des détenteurs d'actions de préférence 52 ( * ) ;

- « 5° Les mécanismes de contrôle prévus dans un éventuel système d'actionnariat du personnel , quand les droits de contrôle ne sont pas exercés par ce dernier » : ces dispositions concernent les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), les salariés pouvant alors être actionnaires mais le fond exerçant les droits de vote ;

- « 6° Les accords entre actionnaires dont la société a connaissance », à savoir les pactes d'actionnaires, comme le prévoit déjà le droit national existant ;

- « 7° Les règles applicables à la nomination et au remplacement des membres du conseil d'administration ou du directoire ainsi qu'à la modification des statuts de la société » 53 ( * ) ;

- « 8° Les pouvoirs des membres du conseil d'administration ou du directoire » : ce sont les pouvoirs de prendre des mesures susceptibles de faire échouer l'offre publique, comme l'augmentation de capital (immédiate ou à terme, réservée ou non), la cession d'actifs stratégiques, la réduction du capital, un programme de rachat d'actions, les acquisitions défensives... ;

- « 9° Les accords conclus par la société qui sont modifiés ou prennent fin en cas de changement de contrôle de la société , sauf si cette divulgation, hors les cas d'obligation légale de divulgation, porterait gravement atteinte à ses intérêts » : ces dispositions renvoient à l'insertion de clauses relatives au changement de contrôle dans les contrats commerciaux et financiers 54 ( * ) , tout en respectant le secret des affaires ;

- « 10° Les accords prévoyant des indemnités pour les membres du conseil d'administration ou du directoire ou les salariés, s'ils démissionnent ou sont licenciés sans raison valable ou si leur emploi prend fin en raison d'une offre publique » : sont notamment visées les indemnités de départ ou golden parachutes .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Alors que le droit existant s'avère parcellaire et partiellement de niveau réglementaire, votre rapporteur général se félicite que le présent article définisse de manière complète , dans la partie législative du code de commerce, la liste des informations devant figurer dans le rapport de gestion annuel et « susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique » .

Si le présent article reproduit fidèlement les dispositions de l'article 10 de la directive, le droit communautaire se révèle toutefois plus précis sur plusieurs points, concernant notamment la structure du capital de la société. Il n'a toutefois pas semblé nécessaire de prévoir un décret d'application ou une référence au règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En effet, le présent article prévoit que le rapport de gestion annuel non seulement énonce, mais également « détaille et explique » les différentes informations qu'il est proposé de porter à la connaissance des actionnaires. La possibilité ainsi offerte de moduler l'information doit s'apprécier au regard des éléments effectivement « susceptibles » d'avoir une incidence en cas d'offre publique d'acquisition.

Cinq amendements sont proposés au présent article.

Votre commission des finances vous propose, d'une part, un amendement de clarification . Le présent article énumère la liste des informations devant figurer dans le rapport de gestion annuel car elles peuvent avoir une incidence sur le déroulement de l'offre.

Le texte du projet de loi déposé par le gouvernement prévoit que le rapport « détaille et explique » un certain nombre d'éléments « lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique ». Cette formule a été retenue pour ne pas recopier mot à mot le texte de l'article 10 de la directive quand certaines rubriques d'information sont suffisamment claires par eux-mêmes (par exemple, « la structure du capital de la société ») et qu'il convient d'apprécier, au cas par cas, si une information plus détaillée s'avère ou non nécessaire, selon que ces précisions portent sur des éléments « susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique ».

Il convient toutefois de veiller à ce que, a contrario , la liste d'informations ne soit pas surabondante : c'est pourquoi cet amendement de clarification vise à ce qu'il ne soit plus fait référence au « détail » des mesures, mais qu'il s'agisse bien d'un exposé explicatif.

Votre commission de finances vous propose, d'autre part, quatre amendements de précision ou rédactionnels afin d'assurer une transposition fidèle de l'article 10 de la directive, dont un amendement visant, parmi la liste des détenteurs des actions de préférence, les seules actions de préférence comportant des droits « de contrôle », ce qui correspond aux hypothèses suivantes : droits de vote particulier, droit de veto ou de nomination de certains administrateurs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7
Information des salariés

Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir l'information des salariés non seulement de l'entreprise cible, mais également des salariés de l'entreprise qui initie l'offre, sur les conséquences de celle-ci.

Le présent article correspond à la transposition de dispositions prévues au paragraphe 5 de l'article 9 de la directive relatives à l'information des représentants du personnel ou, à défaut, « [d]u personnel lui-même » sur les conséquences de l'offre, notamment en termes d'emploi.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 432-1 du code du travail prévoit déjà une information, par le chef d'entreprise, du comité d'entreprise de la société visée .

Le principe d'une consultation du comité d'entreprise (CE) est défini au quatrième alinéa de l'article L. 432-1 précité. L'auteur de l'offre peut être auditionné par le CE à la demande de ce dernier. Il doit également remettre au CE la note d'information visée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur ses orientations en matière d'emploi .

L'article L. 432-1 du code de commerce précise ainsi qu'« en cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre . Ce dernier adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier 55 ( * ) . L'audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants 56 ( * ) ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Outre des aménagements rédactionnels 57 ( * ) , le présent article précise et complète le dispositif prévu à l'article L. 432-1 du code du travail, en prévoyant une nouvelle obligation d'information du comité d'entreprise par le chef de l'entreprise ayant engagé l'offre , et en envisageant le cas où la société est dépourvue de comité d'entreprise .

Le premier alinéa du texte proposé par le présent article énonce une double obligation d'information, non seulement du comité d'entreprise de la société visée, mais aussi du comité d'entreprise de la société initiant l'offre.

Conformément à l'objectif de la directive d'informer le personnel de l'entreprise, que celle-ci soit ou non dotée de représentants du personnel, le second alinéa du texte proposé par le présent article envisage le cas d'une information directe des membres du personnel , dans les mêmes conditions que les représentants du personnel.

Cette information directe du personnel s'effectue « sans préjudice de l'article L. 422-3 », c'est-à-dire des hypothèses où « les délégués du personnel exercent collectivement les attributions économiques des comités d'entreprise ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général juge tout à fait nécessaire de prévoir des dispositifs d'information du personnel dans les entreprises de moins de dix salariés non dotées de comités d'entreprise, puisque certaines sociétés holding ne comptant que quelques salariés peuvent également faire l'objet d'une offre publique d'acquisition.

Les utiles compléments ainsi apportés à l'information du personnel par le présent article, montrent la volonté des pouvoirs publics de protéger également les intérêts des salariés. Toutefois, l'autorité de décision n'est pas liée par la position du personnel ou de leurs représentants.

Votre rapporteur général observe par ailleurs que l'information prévue au présent article, publique , n'est pas destinée aux seuls salariés de l'entreprise . Le paragraphe V de l'article 9 de la directive prévoit en effet que l'organe d'administration de la société visée rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre .

Or, dans le droit existant, cette obligation est déjà prévue par l'article L. 232-21 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers à propos de la note en réponse de la société visée, lequel mentionne notamment « 3° l'avis motivé du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sur l'intérêt de l'offre ou sur les conséquences de celle-ci pour la société visées, ses actionnaires et ses salariés ». Il n'y a donc pas lieu de transposer ces dispositions.

Votre commission des finances vous propose un amendement rédactionnel au présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8
Coordination au sein du code du travail

Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir des mesures de coordination au sein du code du travail.

Le présent article prévoit des mesures de coordination au quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail relatif aux comités de groupe 58 ( * ) :

- d'une part, les mots « offre publique d'achat ou offre publique d'échange » sont remplacés par les mots « offre publique d'acquisition » ;

- d'autre part, l'ensemble des dispositions proposées par l'article 7 du présent projet de loi pour l'information du comité d'entreprise ou des salariés de l'entreprise eux-mêmes 59 ( * ) en cas d'offre publique d'acquisition s'appliquent également aux comités de groupe.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE III : DISPOSITIONS VISANT À ASSURER UN TRAITEMENT ÉGAL AUX ENTREPRISES

ARTICLE 9
Insertion d'une nouvelle section dans le code de commerce

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajouter dans le code de commerce une nouvelle section relative aux offres publiques d'acquisition.

Le cadre juridique des offres publiques d'acquisition (OPA) est essentiellement défini par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers 60 ( * ) , et plus marginalement par certains articles du code monétaire et financier 61 ( * ) . Certaines dispositions du code de commerce interviennent néanmoins indirectement dans le régime des OPA, telles que celles relatives aux franchissements de seuil et aux déclarations d'intention, à l'interdiction des participations croisées, aux délégations consenties par l'assemblée générale ou aux augmentations et réductions de capital. Le code du travail est également concerné, via l'obligation de consultation et d'information du comité d'entreprise en cas de prise de participation externe ou dans le capital de la société (article L. 432-1).

Le code de commerce ne comporte toutefois aucune division spécifiquement dédiée aux offres publiques. Or les principales dispositions de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les OPA, en particulier celles relatives aux pouvoirs de l'assemblée générale et à l'inopposabilité de certaines clauses statutaires ou contractuelles, exercent un impact non négligeable sur notre droit des sociétés.

Le présent article tend donc à ajouter une nouvelle section, intitulée « Section V - Des offres publiques d'acquisition » , au chapitre III (relatif aux filiales, participations et sociétés contrôlées) du titre III (« Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales ») du livre II (relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d'intérêt économique) du code de commerce. Cette section comprend neuf articles , numérotés L. 233-32 à L. 233-40, qui font l'objet des articles 10 à 15 et 17 à 19 du présent projet de loi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10
Approbation préalable ou confirmation des mesures de défense par l'assemblée générale en période d'offre

Commentaire : le présent article a pour objet de transposer l'article 9 de la directive 2004/25/CE relative aux offres publiques d'acquisition, qui impose aux organes de direction ou d'administration de sociétés cotées faisant l'objet d'une offre publique d'obtenir, pendant la période d'offre, l'approbation ou la confirmation préalable de l'assemblée générale pour mettre en oeuvre des mesures susceptibles de faire échouer l'offre.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE NOUVEAU PRINCIPE COMMUNAUTAIRE D'UNE APPROBATION PRÉALABLE DES MESURES DE DÉFENSE PAR L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé général, l'une des principales avancées de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA ») consiste dans la mise en place d'un régime de gouvernance d'entreprise en période d'offre publique , qui se traduit par la primauté de l'assemblée générale des actionnaires de la société qui fait l'objet de l'offre lors de la mise en place d'éventuelles mesures de défense. L'article 9 de la directive, intitulé « Obligations de l'organe d'administration ou de direction de la société visée », prévoit ainsi que toute action engagée par la direction de la société cible en période d'offre publique et qui est susceptible de faire échouer l'opération doit faire l'objet d'une autorisation préalable ou d'une confirmation par l'assemblée générale .

1. Les modalités de consultation de l'assemblée générale

a) L'autorisation des mesures de défense prises en cours d'offre

Le deuxième paragraphe de l'article 9 dispose que durant la période d'offre, « l'organe d'administration ou de direction (conseil d'administration ou conseil de surveillance) de la société visée obtient une autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires à cet effet avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre, à l'exception de la recherche d'autres offres , et en particulier avant d'entreprendre toute émission d'actions de nature à empêcher durablement l'offrant de prendre le contrôle de la société visée ».

Cette autorisation vise ainsi l'ensemble des mesures de défense que la cible est susceptible de prendre, telles qu'un rachat d'actions ou une augmentation de capital censée renchérir le coût de l'acquisition, à l'exception de la quête d'un « chevalier blanc », c'est-à-dire d'un autre offrant potentiel. La recherche d'autres offres, du fait des négociations et de la confidentialité qu'elle suppose, ressortit en effet pleinement aux organes de direction ou d'administration et n'a pas à faire l'objet en amont d'une publicité auprès des actionnaires, ni a fortiori du public.

Aux termes du second alinéa du deuxième paragraphe de l'article 9, cette autorisation de l'assemblée générale est requise au moins dès lors que l'organe d'administration ou de direction de la société cible reçoit les informations sur l'offre mentionnées à l'article 6 de la directive, et aussi longtemps que le résultat de l'offre n'a pas été rendu public ou qu'elle n'est pas devenue caduque. L'article 9 accorde également aux Etats membres la faculté d'exiger que cette autorisation soit obtenue à un stade antérieur, par exemple dès que l'organe d'administration ou de direction de la société a connaissance de l'imminence de l'offre.

Les Etats membres peuvent prévoir des règles permettant la convocation d'une assemblée générale à bref délai , à condition qu'elle ne se tienne pas durant les deux semaines qui suivent sa notification. Votre rapporteur général souhaiterait que la réglementation française prévoie cette faculté.

b) L'approbation ou la confirmation des mesures de défense antérieures

Des mesures de défense peuvent également avoir été décidées et partiellement mises en place, à titre préventif, avant l'occurrence d'une offre. Dans un souci de cohérence, le troisième paragraphe de l'article 9 prévoit alors que l'assemblée générale doit approuver ou confirmer toute décision antérieure à la période d'offre et qui n'est pas encore totalement mise en oeuvre, « qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société » et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre.

c) L'avis motivé de la direction et l'information des salariés

Afin d'éclairer la décision des actionnaires, le cinquième paragraphe prévoit que l'organe d'administration ou de direction de la cible « établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre , notamment son avis quant aux répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société et spécialement l'emploi ainsi que quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité de la société selon la description figurant dans le document d'offre ».

Outre les actionnaires, les représentants des salariés de la société visée sont également tenus informés des intentions de la direction . Son avis sur l'offre doit donc être dans le même temps communiqué aux représentants du personnel ou, lorsqu'il n'existe pas de tels représentants, au personnel lui-même. Si l'organe d'administration ou de direction de la société visée reçoit en temps utile un avis distinct des représentants du personnel quant aux répercussions de l'offre sur l'emploi, celui-ci est joint au document. Cette disposition est transposée à l'article 6 du présent projet de loi.

2. Les motivations

Les intérêts des dirigeants et des actionnaires peuvent être divergents , a fortiori lorsque la société considérée fait l'objet d'une offre publique, les premiers pouvant s'estimer remis en cause alors que les actionnaires pourraient être favorables à une opération qu'ils percevraient comme créatrice de valeur. La situation de conflit d'intérêt potentiel des dirigeants , susceptibles d'être évincés ou contestés dans leurs choix de gestion antérieurs en cas de réussite de l'offre, a donc incité les autorités législatives communautaires à prévoir que les mesures de défense ne relèvent pas de la seule compétence de l'organe de direction ou d'administration.

Une offre publique est prioritairement adressée aux propriétaires de la société cible que sont ses actionnaires, qui se voient proposer une contrepartie en numéraire ou un échange de titres. La simple menace de l'occurrence et de la réussite d'une offre peut, en outre, constituer un facteur incitatif pour une meilleure gestion de l'entreprise , de telle sorte que, ainsi que l'indique le rapport du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit 62 ( * ) , « l'efficacité et la compétitivité économiques recommandent de tirer parti de ce mécanisme incitatif en empêchant les dirigeants d'en neutraliser les effets en disposant seuls du pouvoir de faire échec à une offre ».

Le principe défendu par la directive ne repose donc finalement pas tant sur la contestation des mesures de défense - qui demeurent possibles dès lors qu'elles ont été autorisées par l'assemblée générale - que sur la préservation des intérêts patrimoniaux des actionnaires, qui doivent pouvoir se prononcer sur l'issue de l'offre et décider, le cas échéant, de se protéger.

Cette priorité accordée à la libre décision des actionnaires figurait parmi les axes structurants du rapport (remis en janvier 2002) du groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés présidé par M. Jaap Winter, dont les recommandations précisaient :

« En cas d'offre publique d'acquisition, la décision finale doit appartenir aux actionnaires. Ceux-ci doivent toujours être libres de proposer ou non leurs actions à l'offrant, au prix qui leur convient. Il n'appartient pas au conseil d'administration d'une société de décider de l'issue d'une OPA sur les actions de cette société. Cela ne signifie pas pour autant que le conseil n'a aucune responsabilité en cas d'offre publique d'acquisition.

« D'aucuns allèguent que l'opposition du conseil d'administration à une OPA peut être justifiée, si elle favorise la prise en considération des intérêts des actionnaires et des autres parties intéressées, notamment les salariés. Le Groupe rejette cette objection. Les mécanismes défensifs sont souvent coûteux en soi.

« Surtout, les dirigeants d'une société font face à un sérieux conflit d'intérêts en cas d'OPA. Il convient donc que les actionnaires puissent décider par eux-mêmes et que les autres parties intéressées soient protégées par des règles spécifiques (relevant, par exemple, du droit du travail ou du droit de l'environnement) ».

3. Les options prévues par l'article 12

L'article 12 de la directive, intitulé « Arrangements facultatifs », prévoit un système de double option , permettant, d'une part, aux Etats membres de ne pas imposer l'application des articles 9 et/ou 11 aux sociétés résidentes faisant l'objet d'une offre, et d'autre part, à ces sociétés de disposer de la faculté d'appliquer ces mêmes dispositions sur une base volontaire . Une telle décision doit alors être prise par l'assemblée générale, et notifiée à l'autorité de contrôle du siège social de la société ainsi qu'aux autorités des Etats membres dans lesquels la société est cotée sur un marché réglementé ou a fait l'objet d'une demande de cotation.

Le troisième paragraphe de l'article 12 introduit, en outre, une clause de réciprocité par laquelle les sociétés qui appliquent l'article 9 et/ou l'article 11 peuvent être exemptées de leurs dispositions si elles font l'objet d'une offre lancée par une société qui ne les appliquent pas 63 ( * ) .

B. LE DROIT FRANÇAIS CONDUIT À UNE PRATIQUE PLUTÔT CONFORME AVEC LES PRESCRIPTIONS COMMUNAUTAIRES

1. Les limitations aux mesures de défense décidées avant l'offre

Outre le principe de l'autorisation ou de la confirmation préalable des mesures de défense par l'assemblée générale, l'article 9 de la « directive OPA » a pour conséquence d'introduire la suspension , en période d'offre, des délégations accordées par l'assemblée générale à l'organe d'administration ou de direction pour prendre de telles mesures. Or le droit français actuel prévoit déjà des dispositions assez proches.

L'assemblée générale peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire la mise en oeuvre de certaines mesures de défense, en particulier l'augmentation immédiate ou différée du capital 64 ( * ) ou sa réduction 65 ( * ) . Le rachat d'actions de la société fait quant à lui l'objet d'une autorisation de l'assemblée générale, qui en définit également les modalités 66 ( * ) .

La délégation est néanmoins suspendue en période d'offre publique, dans certaines conditions . L'article L. 225-129-3 du code de commerce, inséré par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 relative aux valeurs mobilières, prévoit ainsi que « toute délégation de l'assemblée générale est suspendue en période d'offre publique d'achat ou d'échange sur les titres de la société, sauf si elle s'inscrit dans le cours normal de l'activité de la société et que sa mise en oeuvre n'est pas susceptible de faire échouer l'offre ».

De même, l'article 232-17 du règlement général de l'AMF 67 ( * ) réduit la portée d'une mesure de défense consistant en des rachats d'actions , en prévoyant que la mise en oeuvre d'un tel programme de rachat ne peut être poursuivie en période d'offre qu'à la double condition que l'offre soit intégralement réglée en numéraire et que l'assemblée générale ait expressément prévu son déroulement en période d'offre . Il en résulte que les dirigeants ne peuvent décider seuls la réalisation d'un tel programme en période d'offre.

2. L'encadrement par l'AMF de l'autonomie des dirigeants

Le règlement général de l'AMF encadre également les actions relevant de la compétence propre des dirigeants . Aux termes de son article 231-36 68 ( * ) , les dirigeants qui décident d'accomplir, en période d'offre, des actes autres que de gestion courante et à l'exception de ceux expressément autorisés par l'assemblée générale, doivent en aviser l'Autorité qui fait connaître, s'il y a lieu, son avis. Selon le rapport du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, l'AMF examine chaque situation au regard des principes généraux des OPA que comporte le Titre III du Livre II de son règlement général, en particulier celui de « libre jeu des offres et de leurs surenchères » (article 231-3), a en pratique une approche restrictive à l'égard des dirigeants.

La surveillance ainsi exercée par l'autorité de marché, jointe à la nécessité pour les dirigeants d'agir dans l'intérêt social de l'entreprise et de prévenir toute mise en cause de leur responsabilité, conduisent généralement ces derniers à faire preuve de prudence et à rechercher l'autorisation de leur assemblée générale , ou à engager préventivement un dialogue avec l'AMF sur l'organisation de la défense de la société, afin d'anticiper sa réaction. Il en résulte que la faculté pour les dirigeants de prendre, en cours d'offre, des mesures de défense relevant de leur compétence propre est en réalité plus théorique que réelle.

Le groupe de travail précité a ainsi conclu que les dispositions de l'article 9 de la directive ne contrevenaient pas réellement à la pratique actuelle des sociétés comme aux dispositions légales et réglementaires nationales, qui sont déjà assez largement inspirées par ce principe de gouvernement d'entreprise.

C. LA TRANSPOSITION RECOMMANDÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Se fondant notamment sur le constat juridique précédent, le groupe de travail précité a adhéré aux dispositions de l'article 9 de la directive et recommandé sa transposition, sous réserve de la mise en place d'une égalité des conditions de jeu que permet la clause de réciprocité ouverte par l'article 12.

Bien que la doctrine de l'AMF conduise à limiter la marge de manoeuvre des dirigeants pour prendre des mesures susceptibles de faire échouer une offre, l'étendue des pouvoirs de l'assemblée générale n'offre pas non plus toute la visibilité juridique nécessaire car elle n'est pas explicitement consacrée dans la loi et peut se heurter aux principes généraux des offres publiques édictés par l'AMF. Le groupe de travail a donc préconisé l'insertion législative d'un nouveau principe de compétence de l'assemblée générale, qui permettrait une clarification et viendrait s'ajouter aux principes généraux réglementaires existants.

Cette adoption du régime européen contribuerait également, selon le groupe de travail, à conforter l'image de la France auprès des investisseurs étrangers. Il s'agirait enfin d' « immuniser » les entreprises françaises contre tout risque de se voir opposer la réciprocité par des sociétés cibles étrangères, ce que ne permettrait sans doute pas un statu quo moins explicite sur le plan juridique, bien que d'effets quasiment équivalents à ceux de l'article 9.

Néanmoins, afin que ce risque ne soit pas inversement encouru par des sociétés françaises en situation de cible, le groupe de travail recommande que la transposition de l'article 9 soit assortie de la réserve de réciprocité prévue par l'article 12 de la directive , et qui est transposée à l'article 11 du présent projet de loi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tend à transposer l'article 9 de la « directive OPA » et à introduire un article L. 233-32 dans la nouvelle section V du livre II du titre III du chapitre III du code de commerce, comportant trois principales dispositions : le principe de l'approbation en période d'offre publique, par l'assemblée générale, de toute mesure susceptible de faire échouer l'offre ; l'approbation ou la confirmation de décisions analogues dont la mise en oeuvre est encore partielle ; et la suspension des délégations antérieures permettant à l'organe d'administration ou de direction de prendre de telles mesures.

A. L'APPROBATION PRÉALABLE DES MESURES DE DÉFENSE PAR L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Le texte proposé par le présent article pour le premier alinéa de l'article L. 233-32 du code de commerce prévoit que pendant la période d'offre publique (d'acquisition ou d'échange) visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les organes de direction ou d'administration de la société 69 ( * ) , à l'exception de leur pouvoir de nomination, ou le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués « doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres ».

Votre rapporteur général estime qu'il conviendra de se référer à une interprétation extensive de ces mesures « susceptibles de faire échouer l'offre » (cf. infra ).

Ces dispositions transposent donc le premier alinéa du deuxième paragraphe de l'article 9 de la directive 2004/25/CE. Le champ des sociétés cibles est celui des sociétés dont « des » actions - et non « les actions », qui constituent la formulation usuelle pour les sociétés cotées - sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Cette rédaction apparaît inhabituelle mais se veut cohérente avec le champ d'application défini par l'article premier de la directive, qui concerne les OPA de titres d'une société relevant du droit d'un Etat membre, « lorsque tout ou partie de ces titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé dans un ou plusieurs Etats membres ». De fait, les sociétés cotées ne disposent généralement pas d'un capital intégralement « flottant », c'est-à-dire entièrement négociable en bourse.

Deux exceptions sont prévues au principe de l'approbation préalable des mesures de défense : la recherche d'autres offres , conformément aux dispositions précitées de la directive, mais également le pouvoir de nomination (du président, des directeurs généraux délégués ou du directoire) dont sont investis le conseil d'administration et le conseil de surveillance.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, cette seconde limitation, qui n'était pas explicitement prévue dans les recommandations du groupe de travail, est justifiée par le fait que le pouvoir de nomination dont disposent ces organes 70 ( * ) ne semble pas relever en tant que tel d'une mesure de défense, à la différence du pouvoir de révocation , qui demeure pour sa part soumis à l'approbation préalable de l'assemblée. Il apparaîtrait également que la soumission du pouvoir de nomination à l'approbation des actionnaires pourrait conduire à paralyser la vie de l'entreprise , en particulier si l'une des personnes nommées par ce biais venait à décéder ou à être empêchée, car elles disposent de pouvoirs de convocation et de gestion courante de la société.

L'assemblée générale doit enfin être convoquée et réunie « en période d'offre publique » pour approuver les mesures défensives, soit dès le moment où l'offre a été rendue publique , conformément aux dispositions de l'article 6 de la directive.

Les délais de convocation de l'assemblée seront le cas échéant révisés par une modification des articles 120 et suivants du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales. Votre rapporteur général souhaiterait néanmoins rendre cette révision impérative (cf. infra ).

B. LA CONFIRMATION DES MESURES DE DÉFENSE PARTIELLEMENT MISES EN OEUVRE

Le texte proposé pour le troisième alinéa de l'article L. 233-32 du code de commerce prévoit, conformément au troisième paragraphe de l'article 9 de la « directive OPA », que « toute décision prise avant la période d'offre qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale ».

Cette notion de « confirmation », explicitement prévue par la directive, représente une novation juridique , dans la mesure où la séparation des pouvoirs entre les organes de gestion et de direction tendrait en principe à l'exclure. Elle se justifie toutefois par les principes de bonne gouvernance que promeut le présent article.

Le triple critère cumulatif prévu par cet alinéa est inégalement précis, dans la mesure où la notion de « cours normal des activités de la société » est moins explicite que celle de mesures susceptibles de faire échouer une offre. Les décisions s'inscrivant dans le cours normal des activités peuvent néanmoins être éclairées par la jurisprudence et appréciées en fonction de leur récurrence, de leur lien avec la gestion de l'entreprise, ou de l'absence de motivation par un facteur exogène ou exceptionnel.

C. LA SUSPENSION EN PÉRIODE D'OFFRE DES DÉLÉGATIONS ACCORDÉES PAR L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Le texte proposé pour le deuxième alinéa prévoit que toute délégation d'une mesure susceptible de faire échouer l'OPA, accordée par l'assemblée générale avant la période d'offre, est suspendue durant cette période. Cette neutralisation des délégations antérieures se révèle proche des dispositions actuelles de l'article L. 225-129-3 du code de commerce, précité, mais sa portée est plus grande puisqu'elle ne prévoit plus la double exception portant sur des mesures s'inscrivant dans le cours normal de l'activité de la société et dont la mise en oeuvre n'est pas susceptible de faire échouer l'offre.

Le I de l'article 20 du présent projet de loi prévoit par conséquent l'abrogation de l'article L. 225-129-3 du code de commerce.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE TRANSPOSITION JUSTIFIÉE MAIS QUI N'INTRODUIT PAS DE RÉELS BOULEVERSEMENTS

Votre commission approuve le principe de la transposition de l'article 9 de la directive, qui est de nature à promouvoir un meilleur gouvernement d'entreprise et conforte le rôle des actionnaires dans la maîtrise du destin de la société dont ils sont propriétaires. Cette disposition est également susceptible d'exercer un impact positif sur l'image de la place française . L'introduction de la clause de réciprocité permet cependant aux sociétés françaises qui font l'objet d'une offre de ne pas se trouver démunies ni désavantagées par leur « vertu » lorsque l'offrant bénéficie d'un régime plus favorable à la souveraineté des organes de direction ou d'administration.

La notion de « mesure susceptible de faire échouer l'offre » doit être comprise de manière large et en fonction de sa vocation dissuasive ex ante . Si l'on s'en tenait à une appréciation strictement technique de la réussite d'une offre, en fonction du seuil final de détention des titres de la société cible, une mesure de défense ne pourrait en effet être considérée a priori comme faisant échec à l'offre tant que ce dernier ne serait pas advenu. En outre, une mesure de renchérissement à terme de l'offre doit être considérée comme ayant pour but de faire échouer l'offre, bien qu'elle n'entrave pas nécessairement son déroulement.

Il convient néanmoins de ne pas surestimer la portée de la perte d'autonomie des organes de direction , dans la mesure où la mise en oeuvre de moyens de défense par les dirigeants, en période d'offre, est en réalité assez peu usitée et difficile , que ce soient une augmentation (mesure spécifiquement visée par la directive) ou une réduction de capital, l'émission de bons de souscription d'actions susceptibles d'aboutir à une dilution future de la participation de l'offrant 71 ( * ) , des rachats de titres de la société 72 ( * ) , la cession d'actifs stratégiques destinée à rendre la cible moins attractive, ou inversement une acquisition contribuant à en relever la valeur.

La notion d'intérêt social , absente du droit anglo-saxon (mais qui est compensée par un niveau élevé de responsabilité des dirigeants), se révèle protectrice des actionnaires et constitue un facteur dissuasif pour des mesures de défense qui placeraient de manière trop apparente les dirigeants en situation de conflit d'intérêt, voire d'abus de bien social. En outre, il se révèle pour le moins difficile pour des dirigeants imprévoyants de négocier des mesures de défense à la hâte , et tout autant de promouvoir auprès des actionnaires le refus d'une offre et la promesse de « lendemains meilleurs », a fortiori lorsque lesdits actionnaires sont soumis à une rotation élevée, au profit de fonds spéculatifs par nature désireux de souscrire à l'offre pour en encaisser la prime.

De même, la recherche de meilleures offres, qui constitue la seule mesure de défense autonome autorisée en période d'offre par l'article 9 de la directive, ne peut donner lieu à une quelconque improvisation . La recherche d'un « chevalier blanc » crédible, c'est-à-dire d'un projet alternatif cohérent sur les plans industriel, commercial et stratégique, requiert davantage de temps et d'investissement que les délais courts impartis par la période d'offre.

Il reste que la souveraineté ainsi accordée à l'assemblée générale pour décider, en période d'offre, la mise en place de mesures de défense, doit s'exercer dans le respect des principes généraux des offres publiques dont l'AMF est garante, au premier rang desquels le libre jeu des offres et des surenchères.

Votre rapporteur général relève également que le présent projet de loi ne transpose pas le paragraphe 5 de l'article 9 de la directive 73 ( * ) , relatif à la publication de l'avis motivé de l'organe de direction ou d'administration sur l'offre. L'article 231-21 du règlement général de l'AMF, qui détaille le contenu de la note de la société visée en réponse en réponse à celle de l'initiateur de l'offre, prévoit néanmoins qu'elle doit contenir « l'avis motivé du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (...) sur l'intérêt de l'offre ou sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés . Les conditions de vote dans lesquelles cet avis a été obtenu sont précisées, les membres minoritaires pouvant demander qu'il soit fait état de leur identité et de leur position ». Cette disposition réglementaire est donc proche, dans l'esprit et la lettre, des prescriptions de la directive, et pourrait s'avérer suffisante pour autant qu'elle soit quelque peu précisée sur les répercussions de l'offre sur l'emploi et sur les sites d'activité.

B. PRÉVOIR LA FACULTÉ DE RÉUNIR UNE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DANS DES DÉLAIS BREFS

Le quatrième paragraphe de l'article 9 de la directive permet aux Etats membres de « prévoir des règles permettant la convocation d'une assemblée générale des actionnaires à bref délai, à condition que cette assemblée ne se tienne pas durant les deux semaines qui suivent sa notification ». Dans les faits, les délais de notification, de première ou de seconde convocation et d'envoi des demandes d'inscription de projets de résolution 74 ( * ) , actuellement prévus par le décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, ne permettent généralement pas de réunir l'assemblée à temps , c'est-à-dire avant la fin de la période d'offre, pour autoriser d'éventuelles mesures de défense.

Votre rapporteur général vous propose donc un amendement complétant le premier alinéa du présent article et prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat précise les formes et délais spécifiques de convocation de l'assemblée générale en période d'offre, par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 225-104 du code de commerce, qui précise que « la convocation des assemblées d'actionnaires est faite dans les formes et délais fixés par décret en Conseil d'Etat ».

C. LES AUTRES AMENDEMENTS PROPOSÉS PAR VOTRE COMMISSION

Votre commission vous propose les amendements suivants, essentiellement rédactionnels ou de précision :

- un amendement de cohérence au texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 233-32 du code de commerce, tendant à définir la société cible cotée comme une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions » sont admis à la négociation sur un marché réglementé. Certes la référence à « des actions » reprend la formulation du rapport de M. Jean-François Lepetit et est conforme au champ défini par l'article premier de la « directive OPA » 75 ( * ) , mais le droit financier français comme l'article premier du présent projet de loi, qui définit le champ d'application du règlement général de l'AMF pour les règles régissant les offres publiques, font référence aux instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé français. Il convient en outre de faire référence au critère juridique habituel, en droit communautaire comme en droit national, de l'admission à la négociation sur un marché réglementé, indépendamment de la part du capital cotée (en général pas la totalité), plutôt qu'à la cotation d'une part indéterminée des actions de la société. Enfin l'article 2 de la directive définit la société visée comme celle dont les titres font l'objet d'une offre, sans se référer plus spécifiquement aux actions ;

- une modification, au sein du même alinéa, tendant à substituer un indicatif à valeur impérative, conformément à la syntaxe législative usuelle, à l'expression « doivent obtenir » ;

- une modification de la rédaction du texte proposé pour le deuxième alinéa, afin de préciser que la délégation accordée par l'assemblée générale ne porte pas sur la mesure de défense elle-même, mais est accordée en vue de prendre une telle mesure ;

- enfin, un amendement rédactionnel insérant le terme « est » dans le texte proposé pour le troisième alinéa.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 11
Clause de réciprocité

Commentaire : le présent article a pour objet de transposer la clause de réciprocité prévue par l'article 12 de la directive 2004/25/CE, destinée à assurer l'égalité des conditions de jeu entre l'initiateur et le destinataire d'une offre publique d'achat. Elle permet de dispenser une société cible d'appliquer le principe de l'approbation préalable par l'assemblée générale, en période d'offre, des mesures de défense, lorsqu'elle fait l'objet d'une offre initiée par une société qui ne l'applique pas.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CLAUSE DE RÉCIPROCITÉ PRÉVUE PAR LA « DIRECTIVE OPA »

Ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé des motifs et le commentaire de l'article 10 du présent projet de loi, la directive 2004/25/CE du 21 avril 2005 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA ») prévoit respectivement, en ses articles 9 et 11, d'une part, le principe de l'approbation ou de la confirmation préalable en période d'offre, par l'assemblée générale d'une société visée par une OPA, des mesures prises par l'organe d'administration ou de direction et susceptibles de faire échouer l'offre, et d'autre part, l'inopposabilité à l'offrant, en période d'offre, des clauses statutaires ou conventionnelles dont l'objet est de restreindre le transfert de titres ou de limiter l'exercice des droits de vote.

Ainsi que le souligne le groupe de travail de M. Jean-François Lepetit 76 ( * ) , la suppression de toute capacité autonome des organes d'administration ou de direction de prendre des mesures susceptibles de faire échouer une offre publique fait courir le risque de désavantager les sociétés des Etats membres qui auront adopté le régime communautaire, au profit de celles d'Etats communautaires ou tiers (en particulier les Etats-Unis) où ces organes disposeraient d'une plus grande marge de manoeuvre . Il pourrait dès lors en résulter une inégalité des « conditions de jeu ».

Ce risque a été appréhendé lors des négociations portant sur la directive et est pris en compte dans son vingt-et-unième considérant, qui explicite cette conception de l' « égalité des conditions de jeu » 77 ( * ) et dans son article 12, intitulé « arrangements facultatifs », qui ouvre notamment aux Etats membres la possibilité d'introduire dans leur droit national une « clause de réciprocité », ayant pour objet d'établir des conditions équivalentes entre l'offrant et la cible lorsqu'ils relèvent d'Etats appliquant différemment le régime communautaire ou des dispositions équivalentes.

Cette clause permet donc aux sociétés appliquant le principe de primauté de l'assemblée générale de s'en écarter lorsque l'offrant ou la société qui le contrôle n'est pas soumis au même régime. Cette exception de réciprocité peut également s'appliquer aux dispositions de l'article 11 de la directive (cf. commentaire de l'article 12 du présent projet de loi). L'application des dispositions des articles 9 et 11 fait, en outre, l'objet d'une double option , exercée par les Etats membres et les entreprises.

Le troisième paragraphe de l'article 12 introduit ainsi la clause de réciprocité, qui prévoit que « les Etats membres peuvent, dans les conditions fixées par le droit national, exempter les sociétés qui appliquent l'article 9, paragraphes 2 et 3, et/ou l'article 11 d'appliquer l'article 9, paragraphes 2 et 3, et/ou l'article 11 si elles deviennent l'objet d'une offre lancée par une société qui, quant à elle, n'applique pas ces mêmes articles ou par une société contrôlée directement ou indirectement par une telle société, conformément à l'article 1 er de la directive 83/349/CEE ».

Le quatrième paragraphe du même article prévoit que les dispositions applicables aux différentes sociétés doivent être divulguées sans délai. Le cinquième paragraphe dispose enfin que toute mesure de défense appliquée en vertu de la clause de réciprocité introduite au troisième paragraphe est soumise à l'autorisation de l'assemblée générale de la société visée, ladite autorisation devant avoir été reçue « au plus tôt » dix-huit mois avant que l'offre ait été rendue publique , conformément aux dispositions de l'article 6 relatives à l'information sur l'offre 78 ( * ) .

B. LA LEVÉE DE L'OPTION RECOMMANDÉE PAR LE GROUPE DE TRAVAIL DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Le groupe de travail précité a recommandé d'assortir la transposition de l'article 9 de la directive , prévue par l'article 10 du présent projet de loi, de celle de l'exception de réciprocité . Son rapport avance plusieurs arguments en faveur de cette option, et répond à certaines interrogations sur son fonctionnement et sa portée (cf. infra sur le dispositif proposé).

Le groupe de travail estime que les organes d'administration ou de direction disposent parfois, dans les pays tiers, d'une grande marge de manoeuvre pour prendre des mesures susceptibles de faire échouer une OPA (cf. en particulier la « panoplie » de moyens à la disposition des entreprises américaines, détaillée dans l'exposé général du présent rapport), alors que l'article 9 de la directive supprime leur capacité autonome d'action. Les concentrations transfrontalières pourraient dès lors excessivement favoriser les offrants relevant de pays où la réglementation est plus souple , et la concurrence inégale pourrait le cas échéant provenir d'Etats européens, faute d'harmonisation du droit des sociétés.

Le groupe de travail a dès lors estimé qu'il existait « un risque qu'un tel déséquilibre joue à terme globalement au désavantage du développement de sièges sociaux français au profit de sociétés de pays étrangers dont le droit prévoirait une autonomie plus forte des dirigeants en période d'offre ». Cette préoccupation avait de fait été identifiée dès 2002 par le groupe d'experts en droit des sociétés qui avait contribué à la préparation de la version finale de la directive 79 ( * ) , a fait l'objet de nombreux débats au sein du Conseil et du Parlement européen durant les négociations, et a donné lieu à l'introduction de l'article 12.

Le groupe de travail a dès lors estimé qu' « il n'est envisageable d'adopter le régime européen de gouvernance qu'à la condition qu'une égalité des conditions de jeu soit établie entre sociétés des différents pays » et s'est déclaré favorable à l'introduction en France de la clause de réciprocité.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE NOUVEL ARTICLE L. 233-33 DU CODE DE COMMERCE

Le texte proposé par le présent article introduit un nouvel article L. 233-33 dans le code de commerce, qui transpose deux importantes dispositions de l'article 12 de la « directive OPA » que sont la réserve de réciprocité susceptible d'être exercée par la société visée et, corrélativement, l'autorisation préalable par l'assemblée générale dans un délai fixé.

1. L'exemption d'approbation des mesures de défense par l'assemblée générale en période d'offre

Le texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 233-33 du code de commerce introduit la clause communautaire de réciprocité et prévoit l'inapplicabilité des dispositions prévues à l'article L. 233-32 du même code, introduit par l'article 10 du présent projet de loi, « lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées exclusivement par des entités qui n'appliquent pas ce même article ou des mesures équivalentes ». La réciprocité peut s'appliquer de manière extensive puisque trois cas de figure sont prévus s'agissant du ou des offrants, incluant en particulier les liens tenant au contrôle ou à une action de concert :

- le ou les offrants peuvent présenter des offres concurrentes. Le traitement des offres concurrentes (généralement deux) a constitué une des questions abordées par le groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, au regard des disparités potentielles entre offrants, susceptibles individuellement d'appliquer ou non l'article 9 de la directive. Le texte proposé tend à lever l'incertitude juridique en précisant que la réciprocité est opposable « exclusivement » aux sociétés qui n'appliquent pas cet article.

Cette formulation requiert toutefois des explications. Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, il semblait difficile de prévoir deux régimes distincts pour la même cible, c'est-à-dire que celle-ci applique la réciprocité à l'égard du ou des offrants non « vertueux », et ne l'applique pas pour les autres. Le même régime aurait donc vocation à s'appliquer pour tous les offrants , selon une appréciation globale de la réciprocité et un mode du « tout ou rien ». Le terme « exclusivement » vise à indiquer qu'une société cible ne peut faire jouer la réciprocité, et donc se protéger, que si elle fait l'objet d'offres initiées seulement par des sociétés qui n'appliquent pas le régime de gouvernance de l'article 9 ou des mesures équivalentes. A contrario , il suffit que l'un des initiateurs soit « vertueux » pour que la société cible ne puisse pas faire jouer la réciprocité à l'égard de tous les offrants.

Ce principe relève de ce que le rapport du groupe de travail précité désigne comme « la clause de l'initiateur le plus favorisé » : l'initiateur vertueux ne doit se voir opposer la clause de réciprocité au seul motif d'une offre concomitante d'une société non vertueuse, de telle sorte que cette dernière bénéficie en réalité de la vertu de l'autre offrant , à l'instar de la clause commerciale de la nation la plus favorisée. Dans le cas contraire, l'incitation à la « démocratie actionnariale » tendrait en effet à disparaître. Au surplus, le non emploi du terme « exclusivement » ferait courir le risque qu'une cible attaquée par une société vertueuse sollicite une offre plus ou moins crédible d'une société non vertueuse afin de ne pas faire jouer la clause de réciprocité.

Votre rapporteur général ne partage pas totalement cette appréciation et considère que le principe de réciprocité, qui s'inscrit dans le cadre de « l'égalité des conditions de jeu » promu par la directive, a vocation à éviter les comportements de « passager clandestin » 80 ( * ) ;

- le deuxième cas d'application de la réciprocité réside dans le fait que les offrants peuvent être contrôlés , au sens du II ou du III de l'article L. 233-16 du code de commerce, par des entités qui n'appliquent pas les dispositions de l'article L. 233-32. Le contrôle ainsi visé peut être exclusif 81 ( * ) ou conjoint 82 ( * ) ;

- l'applicabilité de la réciprocité est enfin prévue en cas d'action de concert au sens de l'article L. 233-10 83 ( * ) - qui définit cette action ainsi et en expose les présomptions 84 ( * ) - si l'une des entités impliquées n'applique pas l'article L. 233-32 ou des mesures équivalentes, ou est contrôlée par une entité qui n'applique pas cet article ou des mesures équivalentes. Il en résulte que la non application du régime de l'article 9 de la directive par l'un seulement des participants permet d'opposer la réciprocité à l'ensemble des entités agissant de concert , compte tenu des liens existants entre les « concertistes ». Il s'agit en quelque sorte de l'optique inverse de celle prévalant pour les offres concurrentes.

En visant pour chaque cas la notion d' « entité », l'article L. 233-33 permet également d'opposer la réciprocité à toutes sortes de structures initiatrices d'une offre, disposant ou non de la personnalité morale, que ce soit par exemple une société, un trust ou un fonds d'investissement.

2. Le rôle de l'AMF

L'application de l'article 9 par des sociétés de pays tiers peut être source de contentieux , dont la durée potentiellement longue serait incompatible avec le calendrier d'une OPA. Le groupe de travail précité a estimé que son appréciation pourrait faire l'objet d'une décision de l'AMF , qui serait susceptible de recours devant la Cour d'appel dans des délais courts.

Cette recommandation est prise en compte dans le texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 233-33, dont la dernière phrase précise que « toute contestation sur l'équivalence de ces mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers ». Il apparaît en effet que le champ des mesures considérées comme « équivalentes » aux dispositions de l'article 9 pourrait constituer le principal motif de contentieux. L'AMF jouera donc un rôle déterminant dans l'appréciation de la portée de la réciprocité.

3. La nécessité d'une approbation antérieure par l'assemblée générale dans un délai de 18 mois

Le second alinéa de l'article L. 233-33 apporte un tempérament à l'exception de réciprocité, conformément au paragraphe 5 précité de l'article 12 de la directive, en prévoyant que son application nécessite que toute mesure de défense prise par l'organe de direction ou d'administration (conseil d'administration, conseil de surveillance ou directoire) ou les dirigeants (directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués) de la société visée « doit avoir été expressément autorisée pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour de l'offre ».

Cette autorisation est donc soumise à une double condition d'objet et de délai. La formulation « dans les dix-huit mois » proposée apparaît plus claire que celle de l'article 12 de la directive , dont la rédaction « au plus tôt dix-huit mois avant que l'offre ait été rendue publique » pouvait éventuellement soulever une ambiguïté 85 ( * ) . Il en résulte qu'une mesure de défense pourra être approuvée par l'assemblée générale quelques semaines avant la publication de l'OPA , donc dès lors que la direction aura eu connaissance de l'imminence ou du caractère probable de l'offre, sans que ses modalités n'en soient encore finalisées ni officialisées.

B. LA PORTÉE DE LA RÉCIPROCITÉ

1. Le maintien des mesures de défense autorisées « à froid »

La clause de réciprocité a pour effet d'exonérer la société cible du principe posé par l'article 9 de la directive, transposé dans l'article 10 du présent projet de loi, et donc de permettre à une société de prendre des mesures de défense sans que soit requise une approbation ou une confirmation par l'assemblée générale en cours d'offre , dès lors que le ou les offrants ne seraient pas soumis à ces dispositions.

Une telle autorisation doit cependant avoir été obtenue au plus tôt dix-huit mois avant la période d'offre. De même, les délégations accordées par l'assemblée générale et permettant aux organes d'administration ou de direction de mettre en oeuvre des mesures défensives demeurent actives , sous la même condition de délai de dix-huit mois précédant la publication de l'offre. Si cette condition est satisfaite et que la société fait jouer la réciprocité, les dirigeants pourront dès lors décider, en période d'offre, une augmentation ou une réduction du capital, ou le rachat d'actions de la société, dans la limite du plafond de 10 % du capital prévue par l'article L. 225-209 du code de commerce.

De manière similaire, l'exception de réciprocité permet aux organes de direction ou d'administration de prendre des mesures relevant de la compétence propre des dirigeants , telles que la cession ou l'acquisition d'un actif stratégique, le lancement d'une contre offre ou la modification de contrats contenant des clauses liées à la perspective d'un changement de contrôle de la société, à condition que ces mesures aient été autorisées par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant l'offre.

Ainsi que le relève le rapport du groupe de travail précité, l'application de l'article 9 implique donc que les mesures de défense soient approuvées « à chaud », c'est-à-dire en période d'offre, tandis que la réciprocité permet la mise en oeuvre de ces mesures dès lors qu'elles ont été autorisées « à froid », c'est-à-dire dans le délai de dix-huit mois . La souplesse supplémentaire que permet l'exception de réciprocité n'est pas pour autant réalisée au détriment des actionnaires , puisque ceux-ci sont quoiqu'il arrive amenés à se prononcer sur les mesures de défense, mais selon un calendrier distinct.

2. L'opposabilité aux pays tiers

Le groupe de travail s'est attaché à déterminer si la réciprocité était susceptible d'avoir une portée extracommunautaire , en particulier à l'égard d'Etats tels que la Chine et les Etats-Unis, et si elle était compatible avec les engagements internationaux de la France dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il ne fait guère de doute qu'au moins dans l'esprit, la clause de réciprocité a vocation à prévenir une concurrence déloyale non pas uniquement entre sociétés de l'Espace économique européen, mais également à l'égard d'offrants de pays tiers, et que le droit national pourrait, le cas échéant, souverainement être appliqué pour rendre la réciprocité opposable aux sociétés non européennes.

Le groupe de travail a également considéré que la réciprocité était compatible avec la clause de la nation la plus favorisée , prévue par l'article 2 de l'Accord général sur le commerce des services 86 ( * ) (AGCS), signé en 1994. L'exception de réciprocité est en effet appréciée au regard de la situation individuelle de la société initiatrice, et non de la réglementation applicable dans l'Etat dont cette société relève, de telle sorte que n'est instaurée aucune discrimination en fonction d'un critère de nationalité de la société.

Le groupe de travail a enfin estimé que la clause de réciprocité était opposable aux initiateurs non cotés . Le champ d'application de la directive repose en effet sur une conception extensive de l'offrant et plus large que celle de la société visée (dont tout ou partie des titres doivent être cotés sur un marché réglementé) : aux termes de l'article 2, l'offrant peut être « toute personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, qui fait une offre ». Un initiateur non coté ne pouvant faire l'objet d'une OPA, il n'applique pas les limitations prévues par l'article 9 de la directive, et doit donc pouvoir se voir opposer l'exception de réciprocité par la cible.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission est favorable à la levée par la France de l'option de réciprocité pour l'article 9 de la directive, compte tenu des disparités existant entre les principaux Etats dont peuvent relever des offrants potentiels. Une telle disposition constitue certes un facteur de complexité supplémentaire, mais permet d'accorder une « prime » aux comportements « vertueux » en matière de gouvernement d'entreprise.

La réciprocité, dont le principe doit avoir été validé ex ante et les mesures de défense y afférentes approuvées « à froid » (dans le délai de dix-huit mois précédant le début de la période d'offre) par l'assemblée générale, constitue en quelque sorte la contrepartie nécessaire de la « vertu » demandée aux sociétés françaises , dans un contexte international où les différences de régimes juridiques peuvent être fortes.

Toutefois votre rapporteur général ne partage pas l'approche choisie pour l'exercice de la réciprocité en cas d'offres concurrentes , et considère que celle-ci a vocation à s'appliquer en fonction de la situation réelle de l'offrant. Cette clause ne devrait donc pas pouvoir être neutralisée à l'égard des offrants qui n'appliqueraient pas les dispositions de l'article 9, en tirant profit de cette application par un autre offrant. Le dispositif proposé par le présent article empêcherait, en effet, la mise en oeuvre de la clause de réciprocité en cas d'action concomitante non concertée d'offrants placés des situations différentes au regard de l'article 9. Plus précisément, il permettrait à des offrants potentiels ou « à l'affût », en particulier américains, dont le régime est plus favorable à l'autonomie des organes de direction, de tirer opportunément parti de cette application extensive de la réciprocité pour lancer une offre.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à supprimer le terme « exclusivement » dans le texte proposé pour la première phrase de l'article L. 233-33 du code de commerce, afin de faire prévaloir une conception de la réciprocité analogue à celle proposée pour les offrants agissant de concert.

Votre commission vous propose également un amendement rédactionnel au texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 233-33 du code de commerce, tendant à substituer les termes « action de concert » au terme « concert », et à préciser que l'application, par l'une des entités agissant de concert, de l'article L 233-32 du code de commerce concerne ses « dispositions ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12
Inopposabilité obligatoire des restrictions statutaires au transfert de titres

Commentaire : le présent article introduit un nouvel article L. 233-34 dans le code de commerce, qui a pour objet d'inscrire un principe actuellement fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, prévoyant l'inopposabilité obligatoire à l'initiateur d'une offre publique, en période d'offre, des restrictions statutaires au transfert de titres de la société visée.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE NOUVEAU RÉGIME COMMUNAUTAIRE DE NEUTRALISATION DES RESTRICTIONS AUX TRANSFERTS DE TITRES ET AUX DROITS DE VOTE

1. Le postulat communautaire de proportionnalité entre participation au contrôle et au capital en période d'offre

L'article 11 de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA »), intitulé « Neutralisation des restrictions », a pour objet de rendre inopposables à l'offrant, en période d'offre et à l'issue d'une offre réussie, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles (en particulier celles figurant dans des pactes d'actionnaires) dont l'objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l'exercice des droits de vote qui y sont attachés. Il tend également à suspendre les droits de vote multiples en période d'offre publique.

Ce principe de limitation des mesures de défense sous-tend l'ensemble de la directive et se traduit également dans son article 9 sur les obligations de l'organe de direction ou d'administration de la société visée 87 ( * ) . Le seizième considérant de la directive dispose ainsi qu' « afin d'éviter des opérations susceptibles de faire échouer l'offre, il convient de limiter les pouvoirs de l'organe d'administration ou de direction de la société visée de se lancer dans des opérations de nature exceptionnelle, sans pour autant empêcher indûment ladite société de mener ses activités habituelles ».

Le dix-neuvième considérant affirme surtout que « les Etats membres devraient prendre les mesures nécessaires pour donner à tout offrant la possibilité d'acquérir un intérêt majoritaire dans d'autres sociétés et d'en exercer pleinement le contrôle. A cette fin, les restrictions au transfert de titres et aux droits de vote, les droits spéciaux de nomination et les droits de vote multiple devraient être supprimés ou suspendus pendant la période d'acceptation de l'offre et lorsque l'assemblée générale des actionnaires arrête des mesures de défense, décide de modifier les statuts de la société ou décide de révoquer ou de nommer des membres de l'organe d'administration ou de direction lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l'offre ».

Le groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés présidé par M. Jaap Winter, dont le rapport de janvier 2002 a inspiré la version finale de la directive, a défendu le principe d'une stricte proportionnalité entre la participation au contrôle , via l'exercice des droits de vote, et la détention de titres du capital des sociétés visées par une offre publique, lors de la tenue en cours d'offre des assemblées générales amenées à décider des mesures de défense.

Il s'agissait en effet de privilégier une décision de l'assemblée générale qui soit motivée par des considérations exclusivement économiques et le libre jeu des offres, et d'empêcher qu'un ou des actionnaires n'emportent la décision sans en supporter toutes les conséquences financières et patrimoniales. Dans le résumé de ses observations et recommandations, le groupe considérait ainsi :

« Par proportionnalité entre risque économique ultime et contrôle, le Groupe entend que seules les parts du capital social conférant au détenteur un droit illimité sur les bénéfices de la société ou sur sa valeur nette de liquidation doivent normalement lui conférer un droit de contrôle proportionnel au risque assumé . Les titulaires de ces droits illimités sur les bénéfices et sur l'actif net d'une société sont les mieux placés pour prendre les décisions affectant cette société, puisqu'ils supporteront les conséquences ultimes de leurs décisions.

« Le détenteur de la majorité du capital d'une société doit pouvoir contrôler celle-ci. Les structures du capital et du contrôle d'une société qui accordent des droits disproportionnés à un (certains) actionnaire(s) ne doivent pas permettre de bloquer une OPA , qui aurait sans cela réussi, portant sur le capital supportant le risque ultime cette société (...) . La règle de neutralisation doit avoir pour effet de rendre inopérantes les dispositions des statuts et autres documents constitutifs contraires aux principes de la prise de décision par l'actionnaire et de proportionnalité entre participation au capital supportant le risque ultime et contrôle ».

2. Les dispositions de l'article 11 de la « directive OPA »

Conformément aux recommandations du groupe d'experts de M. Jaap Winter, les dispositions de l'article 11 prévoient la levée des obstacles contractuels et statutaires aux offres publiques , par l'inopposabilité ou la suspension des effets, et concernent deux étapes de l'offre : la période d'acceptation de l'offre publique et la première assemblée générale qui suit une offre réussie.

a) Les neutralisations en période d'acceptation de l'offre

Le paragraphe 2 de l'article 11 de la directive dispose que « toutes les restrictions au transfert de titres prévues dans les statuts de la société visée sont inopposables à l'offrant pendant la période d'acceptation de l'offre », telle qu'elle est définie à l'article 7 de la directive 88 ( * ) . Il en est de même pour toutes les restrictions au transfert de titres prévues dans des accords contractuels entre la société visée et des détenteurs de titres de cette société ou dans des pactes d'actionnaires conclus après l'adoption de la directive.

De façon analogue, le troisième paragraphe prévoit que les restrictions statutaires et contractuelles au droit de vote ne produisent pas d'effets lors de l'assemblée générale qui arrête des mesures de défense, conformément à l'article 9 de la directive (cf. commentaire de l'article 10 du présent projet de loi). Il dispose également que les titres à droit de vote multiple ne donnent droit chacun qu'à une voix à l'assemblée générale des actionnaires qui arrête des mesures de défense.

b) Les neutralisations à l'issue de la réussite de l'offre

L'offre est considérée comme réussie lorsque l'offrant détient au moins 75 % du capital assorti des droits de vote . Le quatrième paragraphe de l'article 11 prévoit, dans ce cas, l'inapplicabilité des restrictions statutaires et contractuelles au transfert de titres de la société cible et aux droits de vote qui y sont attachés, ainsi que des droits statutaires extraordinaires des actionnaires concernant la nomination ou la révocation de membres de l'organe d'administration ou de direction.

Comme en période d'offre, les titres à droit de vote multiple ne donnent droit chacun qu'à une voix lors de la première assemblée générale qui suit la clôture de l'offre, convoquée par l'offrant aux fins de modifier les statuts ou de révoquer ou de nommer des membres de l'organe de direction ou d'administration. Cette assemblée générale peut être convoquée par l'offrant dans des délais brefs, à condition qu'elle ne se tienne pas dans les deux semaines qui suivent sa notification.

Il ressort cependant de l'analyse fournie par le groupe de travail de M. Jean-François Lepetit que les actions à droit de vote double fréquemment utilisées par les sociétés françaises n'entreraient pas dans le champ des titres à droit de vote multiple que vise la directive.

La préservation des droits de vote double du droit français

« Il est important de noter que la suppression des droits de vote « multiple » ne vise que certaines actions définies par la directive comme des « titres inclus dans une catégorie séparée et distincte et conférant chacun plus d'une voix ». Les actions à droit de vote double « à la française » ne constituent pas une telle « catégorie séparée et distincte » : en effet, le droit de vote double récompense, en France, la fidélité de l'actionnaire et toute action ordinaire est susceptible (si les statuts de la société émettrice de l'action le prévoient) de procurer à son détenteur un droit de vote double après au moins deux années de détention ininterrompue. En outre, l'action perd son droit de vote double lorsqu'elle est cédée : ce droit est ainsi une caractéristique attachée au détenteur et non au titre lui-même.

« Le groupe de travail constate que les actions à droit de vote double « à la française » n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 11 dont l'éventuelle transposition serait par conséquent sans incidence sur le mécanisme de fidélisation des actionnaires souhaité par le législateur français ».

Source : rapport du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, remis le 27 juin 2005

L'article 11 prévoit également une indemnisation équitable des détenteurs de droits qui auraient enregistré une perte lors de l'application des neutralisations prévues en période d'offre ou à l'issue de l'offre réussie.

3. Les options ouvertes par l'article 12

Ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé général et dans le commentaire de l'article 10 du présent projet de loi, l'article 12 de la directive, intitulé « Arrangements facultatifs », prévoit un système de double option . Il permet en premier lieu aux Etats membres de ne pas imposer l'application de l'article 11 aux sociétés résidentes faisant l'objet d'une offre. Dans ce cas, l'Etat membre doit néanmoins, de façon obligatoire, permettre à ces sociétés d'appliquer ces mêmes dispositions sur une base volontaire en les insérant dans leurs statuts.

Une telle décision doit alors être prise par l'assemblée générale, et notifiée à l'autorité de contrôle du siège social de la société ainsi qu'aux autorités des Etats membres dans lesquels la société est cotée sur un marché réglementé ou a fait l'objet d'une demande de cotation.

Le troisième paragraphe de l'article 12 introduit, en outre, une clause de réciprocité par laquelle les sociétés qui appliquent l'article 11 peuvent être exemptées de leurs dispositions si elles font l'objet d'une offre lancée par une société qui ne les applique pas.

B. LES DISPOSITIONS DU DROIT FRANÇAIS

1. La suspension de certaines clauses statutaires

Les restrictions statutaires au transfert de titres consistent généralement en des clauses d'agrément ou de préemption . Les clauses d'inaliénabilité des titres sont quant à elles explicitement autorisées pour les sociétés par actions simplifiées 89 ( * ) et les sociétés européennes ne faisant pas appel public à l'épargne 90 ( * ) , pour une durée maximale de dix ans, mais elles ne sont a contrario pas autorisées pour les sociétés anonymes. Les clauses restreignant les droits de vote les plus fréquemment invoquées 91 ( * ) en cas d'OPA sont celles relatives au plafonnement des droits de vote , quel que soit le nombre d'actions détenues.

Rappelons que la clause d'agrément , expressément prévue par l'article L. 228-23 du code de commerce 92 ( * ) , doit être prévue par les statuts 93 ( * ) et implique que l'actionnaire qui souhaite céder ses actions doit demander, sous peine de nullité de la cession, l'agrément de la société émettrice. L'actionnaire doit alors notifier à la société, par lettre recommandée avec avis de réception, l'identité du cessionnaire, le nombre d'actions cédées et le prix offert. L'organe compétent et le champ de l'agrément varient selon la forme de la société (société à responsabilité limitée, société par actions simplifiée, société anonyme).

La stipulation d'une clause de préemption permet quant à elle aux associés d'acquérir, par préférence à toute autre personne, les actions ou les parts sociales dont un associé souhaiterait se défaire. La clause de préemption a ainsi pour objet de permettre au bénéficiaire d'accroître sa participation dans la société en se portant acquéreur d'actions en passe d'être cédées, tandis que la clause d'agrément permet de bloquer l'intrusion d'un tiers dans le cercle des associés, et est activée sur décision de l'organe d'administration ou de direction de la société.

L'article 231-6 94 ( * ) du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) prévoit la suspension, en période d'offre, des clauses statutaires d'agrément , afin de préserver la négociabilité des titres de la société cible. Le règlement général de l'AMF ne fait en revanche pas référence à une inopposabilité des clauses de préemption.

Il importe de relever que cet article 231-6, qui autorise implicitement les clauses d'agrément dans les sociétés cotées, lesquelles constituent le champ de compétence de l'AMF, est en réalité contra legem depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières 95 ( * ) , dont l'article 32 a modifié l'article L. 228-23 du code de commerce, précité, pour prévoir la possibilité d'insérer des clauses d'agrément dans les statuts des seules sociétés dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, et leur application aux seuls titres nominatifs. L'AMF devrait intégrer cette modification lors d'une prochaine révision de son règlement général.

S'agissant des clauses de préemption , le règlement de l'entreprise de marché Euronext stipule également que ces dernières ne peuvent figurer dans les statuts des sociétés qui demandent l'admission sur un marché réglementé d'Euronext. Il est en revanche possible de les introduire par voie conventionnelle, c'est-à-dire dans un pacte d'actionnaires.

2. La transparence des pactes d'actionnaires

Aucune suspension des clauses contractuelles afférentes à des pactes d'actionnaires n'est prévue mais la transparence prévaut, le principe étant que ces clauses conservent tous leurs effets en période d'offre dès lors qu'elles ont été rendues publiques . Outre les obligations afférentes aux franchissements de seuil prévues par l'article L. 233-7 du code de commerce, l'article L. 233-11 96 ( * ) du même code prévoit ainsi la transmission à tout moment (donc indépendamment de toute OPA) à l'émetteur et à l'AMF, qui en assure la publicité, des clauses des conventions comportant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions cotées, telles que les clauses de préférence et de préemption, et portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de l'émetteur. La suspension des effets de ces clauses n'est prévue qu'à titre de sanction du défaut de leur transmission à l'AMF.

Les pactes d'actionnaires font également l'objet d'une obligation d'information à l'occasion d'une OPA . L'article 231-5 97 ( * ) du règlement général de l'AMF prévoit ainsi l'insertion, dans la note d'information, des clauses prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions, ainsi que la publication de toute clause susceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation de l'offre publique ou son issue.

Les clauses statutaires contenues dans les pactes d'actionnaires peuvent dans certains cas permettre de déduire une action de concert . Tel est le cas des clauses de préemption, d'inaliénabilité, de sortie conjointe 98 ( * ) ou de non dilution 99 ( * ) . L'action de concert peut également résulter d'accords qui, sans transférer des droits de vote, organisent une concertation préalable au vote ou une gestion commune des droits de vote par la mise en place d'une structure idoine, telle qu'une société en participation.

C. LA NON TRANSPOSITION PARTIELLE RECOMMANDÉE PAR LE RAPPORT DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Le groupe de travail sur la transposition de la « directive OPA » a recommandé de lever l'option ouverte par l'article 12 de la directive et de ne pas transposer les dispositions de l'article 11 applicables en période d'offre publique , aux motifs qu'elles témoignaient d'une approche trop rigide, comportaient des incertitudes juridiques et contrevenaient à la liberté contractuelle. La transposition de l'article 11 devrait donc être effectuée sur une base volontaire par les entreprises, conformément à la faculté ouverte par l'article 12 de la directive.

Le groupe de travail s'est en revanche déclaré favorable aux dispositions applicables à l'issue d'une offre publique réussie .

Il a souligné les difficultés que posait l'interprétation juridique de l'inopposabilité des clauses contractuelles à l'offrant, dans la mesure où le deuxième paragraphe de l'article 11 fait référence à cette inopposabilité, tandis que le dix-neuvième considérant évoque la « suspension » des accords prévoyant des restrictions au transfert des actions, conformément aux recommandations du groupe d'experts en droit des sociétés présidé par M. Jaap Winter.

Le groupe de travail rappelle que « dans la pratique, l'inopposabilité d'un pacte d'actionnaires à l'offrant laisse entendre que ses effets perdurent entre les parties au pacte durant une offre publique, tandis que la suspension des effets revient en revanche à libérer intégralement les parties de leurs obligations contractuelles en cours d'offre ». La transposition de ces dispositions devrait donc conduire le législateur français à choisir entre l'inopposabilité et la suspension des pactes d'actionnaires en période d'offre publique.

Le groupe de travail a également estimé que la limitation impérative des effets des clauses statutaires et conventionnelles en période d'offre constituait une forte entrave à la liberté contractuelle et à la flexibilité que garantit le droit français . Le caractère contestable de l'article 11 tiendrait cependant davantage à son approche qu'à ses principes. La souplesse contractuelle, qui permet aux actionnaires et aux sociétés d'aménager des structures de contrôle et de capital adaptées à leurs besoins, comprend une contrepartie de transparence à l'égard des acteurs du marché, via la publication des pactes, dont la sanction en cas de non respect garantit l'efficacité.

Le groupe de travail considère que ces structures spécifiques de contrôle, couramment utilisées par les petites et moyennes entreprises pour réunir les conditions favorables à leur entrée en bourse , profitent à la fois aux actionnaires fondateurs (qui peuvent préserver le contrôle de la société durant une période transitoire et n'envisageraient pas une cotation sans ces garanties), aux autres actionnaires (qui ont accès à de nouveaux actifs) et au développement de l'économie. Selon le groupe de travail, cette contractualisation du contrôle profiterait donc au marché dans son ensemble et faciliterait le financement des entreprises. Les investisseurs que le groupe a auditionnés ont également partagé cette analyse.

Le groupe cautionne le principe d'une levée des obstacles, tels que les clauses de plafonnement des droits de vote, qui s'opposent à une prise de contrôle effective à l'issue d'une offre publique réussie . En l'absence de ces dispositions, un actionnaire qui aurait acquis une large majorité (en l'espèce 75 %) du capital de la société cible pourrait en effet se trouver dans l'impossibilité de réunir une majorité suffisante pour, par exemple, modifier les statuts de la cible lors de la première assemblée générale. Le groupe relève que cette limitation est conforme à la doctrine de la Commission des opérations de bourse , devenue l'AMF, et qu'en pratique la plupart des émetteurs français ont en général statutairement prévu la caducité des clauses de plafonnement des droits de vote à l'issue d'une offre réussie.

Il a donc été préconisé de consacrer dans la loi les deux principes appliqués par l'AMF : la suspension des effets des clauses statutaires d'agrément et de préemption en période d'offre publique (qui figure à l'article 231-6 du règlement général de l'Autorité), d'une part, et la caducité des clauses de plafonnement des droits de vote à l'issue d'une offre réussie. La première disposition fait ainsi l'objet du présent article.

Le groupe de travail n'a en revanche pas formulé de recommandations sur l'application de la clause de réciprocité , prévue par l'article 12 de la directive, aux dispositions de son article 11. Cette clause de réciprocité a été retenue pour l'article 9, dont la transposition est proposée dans l'article 10 du présent projet de loi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'inscrire dans la loi le principe de la suspension des restrictions statutaires au transfert de titres en période d'offre, qui relève actuellement du règlement général de l'AMF (cf. supra ). Cet article constitue également le premier d'un dispositif global, incluant les articles 12 à 18 du présent projet de loi, qui permet l'application sur une base volontaire, pour les entreprises qui le souhaitent, des restrictions posées par l'article 11 en période d'offre publique et à l'issue d'une offre ayant réussi.

A. L'APPROCHE GLOBALE ADOPTÉE POUR L'ARTICLE 11 DE LA DIRECTIVE

Le présent projet de loi suit les recommandations formulées par le groupe de travail précité et exerce donc en partie l'option de non transposition de l'article 11 de la « directive OPA », prévue par l'article 12.

Le présent article et l'article 16 transcrivent deux principes figurant dans la réglementation ou la doctrine de l'autorité de marché . Les articles 13 à 15 prévoient l'application volontaire, pour les entreprises qui le souhaitent, de la suspension des restrictions conventionnelles au transfert de titres (article 13) et à l'exercice des droits de vote (article 14) en période d'offre, ainsi que des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote lors de l'assemblée générale qui arrête des mesures de défense (article 15).

Les articles 17 et 18, qui ont trait aux limitations à l'issue d'une offre ayant réussi , prévoient respectivement l'application volontaire de la suspension des restrictions statutaires et conventionnelles à l'exercice des droits de vote, et de la suspension des droits extraordinaires de nomination et de révocation de certains actionnaires.

Ces dispositions peuvent être résumées dans le tableau ci-après :

Dispositions de l'article 11 de la directive

En période d'offre

Postérieurement à une offre réussie

Restrictions statutaires

Restrictions conventionnelles

Si l'offrant obtient plus de 75 % du capital assorti des droits de vote, ne s appliquent pas :

- les restrictions statutaires ou contractuelles au transfert d'actions et au droit de vote ;

- les droits extraordinaires statutaires de nomination des dirigeants.

Lors de la première assemblée générale, les actions à droits de vote multiples comptent pour une voix.

Au transfert d'actions

(article 11.2 alinéa 1)

A l'exercice des droits de vote

(article 11.3 alinéa 1)

Au transfert d'actions

(article 11.2 alinéa 2)

A l'exercice des droits de vote

(article 11.3 alinéa 2)

Dispositions du projet de loi (articles 12 à 18)

Inopposabilité obligatoire à l'offrant, par reprise du règlement général de l'AMF (article 12)

Suspension volontaire des effets des restrictions statutaires

(article 15)

Inopposabilité volontaire selon les statuts de la société (article 13)

Suspension volontaire des effets selon les statuts de la société

(article 14)

- reprise de la « doctrine COB » et suspension obligatoire des plafonnements statutaires des droits de vote lors de la première assemblée générale si l'offrant détient plus d'une certaine quotité (66,66 %) du capital ou des droits de vote (article 16) ;

- suspension volontaire des restrictions contractuelles ou statutaires au droit de vote si l'offrant obtient plus d'une certaine quotité ( a priori 50,01 %) du capital ou des droits de vote (article 17) ;

- suspension volontaire des droits extraordinaires de nomination des dirigeants si l'offrant obtient plus d'une certaine quotité ( a priori 50,01 %) du capital ou des droits de vote (article 18)

B. LA CONSÉCRATION LÉGISLATIVE D'UN PRINCIPE PRÉVU PAR LE RÈGLEMENT GÉNÉRAL DE L'AMF

Conformément aux recommandations du groupe de travail de M. Jean-François Lepetit, le présent article introduit un nouvel article L. 233-34 dans le code de commerce, qui reprend le principe de l'inopposabilité des restrictions statutaires au transfert de titres (telles que les clauses d'agrément et de préemption), posé par l'article précité 231-5 du règlement général de l'AMF, et en adapte la rédaction.

Il dispose donc que les clauses des statuts d'une société cotée sur un marché réglementé, prévoyant des restrictions statutaires au transfert d'actions de la société, sont inopposables à l'offrant pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de son offre. Cette inopposabilité ne joue pas lorsque les restrictions résultent d'une obligation législative.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission approuve le choix du gouvernement de ne pas transposer les limitations prévues à l'article 11 de la directive et de conforter les options de notre droit actuel , d'une part en légalisant les principes posés par l'autorité de marché , tendant à la suspension des restrictions statutaires au transfert de titres en période d'offre et à l'exercice des droits de vote à l'issue d'une offre ayant réussi, et d'autre part, en laissant aux entreprises le libre choix de l'inopposabilité ou de la suspension des clauses restrictives figurant dans leurs statuts ou dans des pactes d'actionnaires.

Il convient néanmoins de se demander pourquoi le gouvernement a fait le choix de ne pas transposer la clause de réciprocité pour les dispositions de l'article 11. Votre rapporteur général a eu connaissance des arguments suivants :

- en premier lieu, l'introduction de la clause de réciprocité n'apparaîtrait pertinente que lorsque l'application d'un article est rendue obligatoire , ce qui est le cas avec l'article 9 de la directive, dont l'article 10 du présent projet de loi prévoit l'application. Elle constitue en quelque sorte la contrepartie du désengagement de l'organe de direction ou d'administration, qui ne doit pas pour autant constituer un désavantage comparatif lorsque la société fait face à un offrant qui n'applique pas le même régime ;

- en outre, la clause de réciprocité s'appliquerait de manière « unitaire » ou « en bloc », et ne pourrait faire l'objet d'un traitement différencié pour les restrictions en période d'offre et à l'issue d'une offre réussie. La mise en oeuvre de cette clause pour l'ensemble des dispositions de l'article 11 appliquées sur une base volontaire aurait donc permis à une entreprise de revenir sur les deux dispositions, issues de la doctrine ou du règlement général de l'AMF, qui sont actuellement d'application obligatoire en droit français et sont légalisées par le présent article et l'article 16 du présent projet de loi. L'exercice de cette clause pourrait dès lors induire un « retour en arrière » par rapport au droit actuel des offres ;

- il apparaîtrait enfin que sans clause de réciprocité, un dirigeant aurait sans doute relativement peu de chances de convaincre les actionnaires de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 11 sur une base volontaire. L'introduction d'une clause de réciprocité, qui semble protéger les sociétés cibles, conduirait vraisemblablement davantage d'entreprises à appliquer volontairement l'article 11, mais en faisant courir le risque d'un « désarmement » progressif et généralisé des entreprises . Des entreprises démunies de toute clause défensive seraient certes pourvues d'une clause de réciprocité, mais ne pourraient l'opposer si elles faisaient l'objet d'une offre par une société désarmée.

Votre rapporteur général considère cependant que le principe d'égalité des conditions de jeu, qui est une des « pierres angulaires » de la directive, implique que la réciprocité puisse également être exercée au profit des sociétés qui auraient opté en faveur des dispositions de l'article 11 . Un amendement vous est à cet égard proposé à l'article 19 du présent projet de loi.

Votre commission vous propose un amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents et suivants du présent projet de loi (cf. commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions » sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 13
Inopposabilité facultative des restrictions contractuelles au transfert de titres

Commentaire : le présent article introduit un nouvel article L. 233-35 dans le code de commerce, prévoyant l'inopposabilité volontaire en période d'offre, selon les statuts de la société visée par une offre publique, des restrictions contractuelles au transfert d'actions de ladite société.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DISPOSITIONS DE LA « DIRECTIVE OPA » DU 21 AVRIL 2004

Ainsi qu'il a été précisé dans le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi, l'article 11 de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA »), intitulé « Neutralisation des restrictions », a pour objet de rendre inopposables à l'offrant, en période d'offre et à l'issue d'une offre ayant réussi, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles (en particulier celles figurant dans des pactes d'actionnaires) dont l'objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l'exercice des droits de vote qui y sont attachés. Il tend également à suspendre les droits de vote multiples en période d'offre publique.

Le paragraphe 2 de l'article 11 prévoit en particulier que « toutes les restrictions au transfert de titres prévues dans des accords contractuels entre la société visée et des détenteurs de titres de cette société ou dans des accords contractuels conclus après l'adoption de la présente directive entre des détenteurs de titres de la société visée sont inopposables à l'offrant pendant la période d'acceptation de l'offre ». Cette période est définie à l'article 7 de la directive 100 ( * ) .

L'article 12 de la directive, intitulé « Arrangements facultatifs », prévoit néanmoins un système de double option qui permet aux Etats membres de ne pas imposer l'application de l'article 11 aux sociétés résidentes faisant l'objet d'une offre. Dans ce cas, l'Etat membre doit permettre à ces sociétés d'appliquer ces mêmes dispositions sur une base volontaire en les insérant dans leurs statuts.

B. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Dans son rapport sur la transposition de la « directive OPA », remis le 27 juin 2005, le groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit a recommandé de ne pas transposer les dispositions de l'article 11 applicables en période d'offre publique , aux motifs qu'elles témoignaient d'une approche trop rigide, comportaient des incertitudes juridiques (s'agissant en particulier de l'inopposabilité 101 ( * ) ou de la suspension 102 ( * ) des conventions comportant des restrictions au transfert de titres) et contrevenaient à la liberté contractuelle (cf. commentaire de l'article 12 du présent projet de loi).

Le droit français actuel conditionne l'effectivité en période d'offre des clauses de pactes d'actionnaires à un principe de transparence , par leur transmission préalable à l'Autorité des marchés financiers (AMF) 103 ( * ) . Le non-respect de cette transmission, aux termes de l'article L. 233-11 du code de commerce, provoque la suspension des effets des clauses et le déliement des parties en période d'offre publique.

Le groupe de travail a défendu cette flexibilité et cette transparence , qui constituent pour les petites et moyennes entreprises des incitations à la cotation en bourse, et préconisé de lever l'option d'exemption prévue par l'article 12 de la directive. L'application des dispositions de l'article 11, et en l'espèce l'inopposabilité des restrictions contractuelles au transfert de titres, devrait donc être effectuée sur une base volontaire par les entreprises.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article introduit un article L. 233-35 dans le code de commerce, qui prévoit l'application volontaire de l'inopposabilité (conformément au paragraphe 2 de l'article 11 de la directive) des restrictions conventionnelles au transfert de titres en période d'offre , que peuvent prévoir les pactes d'actionnaires. Il dispose ainsi que les statuts d'une société cotée sur un marché réglementée peuvent prévoir l'inopposabilité à l'auteur de l'offre publique, en période d'offre, de toute clause conventionnelle comportant des restrictions au transfert d'actions de la société. Cette disposition est nécessairement d'ordre législatif, dans la mesure où elle prévoit que les statuts peuvent déroger aux contrats conclus par la société et/ou ses associés.

Cette faculté peut être exercée par les sociétés pour les conventions conclues après le 21 avril 2004 , date d'adoption de la directive, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 11 de la « directive OPA » (cf. supra ) qui tendent à prévenir les effets d'aubaine.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission est favorable à ces dispositions optionnelles , qui sont cohérentes avec le choix de la non transposition des restrictions de l'article 11 de la directive, respectent la lettre de son article 12 et préservent la souplesse de notre droit comme la liberté des entreprises de maintenir ou suspendre statutairement certaines clauses de ses contrats.

Elle vous propose un amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. supra le commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions » sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14
Suspension facultative des restrictions contractuelles à l'exercice des droits de vote

Commentaire : le présent article introduit un nouvel article L. 233-36 dans le code de commerce, prévoyant la suspension volontaire en période d'offre, selon les statuts de la société visée par une offre publique, des restrictions contractuelles à l'exercice des droits de vote attachés aux actions de la société.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DISPOSITIONS DE LA « DIRECTIVE OPA » DU 21 AVRIL 2004

Ainsi qu'il a été précisé dans le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi, l'article 11 de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA »), intitulé « Neutralisation des restrictions », a pour objet de rendre inopposables à l'offrant, en période d'offre et à l'issue d'une offre ayant réussi, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles (en particulier celles figurant dans des pactes d'actionnaires) dont l'objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l'exercice des droits de vote qui y sont attachés.

Le deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 11 prévoit en particulier que « les restrictions au droit de vote prévues dans des accords contractuels entre la société visée et des détenteurs de titres de cette société ou dans des accords contractuels conclus après l'adoption de la présente directive entre des détenteurs de titres de la société visée ne produisent pas d'effets lors de l'assemblée générale des actionnaires qui arrête des mesures de défense, quelles qu'elles soient, conformément à l'article 9 ».

L'article 12 de la directive, intitulé « Arrangements facultatifs », prévoit néanmoins un système de double option qui permet aux Etats membres de ne pas imposer l'application de l'article 11 aux sociétés résidentes faisant l'objet d'une offre. Dans ce cas, l'Etat membre doit permettre à ces sociétés d'appliquer ces mêmes dispositions sur une base volontaire en les insérant dans leurs statuts.

B. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Ainsi qu'il a été précisé dans les commentaires des articles 12 et 13 du présent projet de loi, le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit sur la transposition de la « directive OPA », remis le 27 juin 2005, a recommandé de ne pas transposer les dispositions de l'article 11 applicables en période d'offre publique , aux motifs qu'elles témoignaient d'une approche trop rigide, comportaient des incertitudes juridiques et contrevenaient à la liberté contractuelle et à la souplesse que privilégie le droit français, garanties par la transparence en amont des pactes d'actionnaires.

L'application des dispositions de l'article 11, et en l'espèce la suspension des restrictions contractuelles au droit de vote, devrait donc être effectuée sur une base volontaire par les entreprises, conformément aux dispositions de l'article 12 de la directive.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article introduit un article L. 233-36 dans le code de commerce, qui prévoit l'application volontaire, en période d'offre, de la suspension des restrictions conventionnelles à l'exercice des droits de vote . Il dispose ainsi que les statuts d'une société cotée sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets de toute clause conventionnelle comportant des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus en période d'offre publique visant ladite société, lors des assemblées réunies aux fins d'adopter toute mesure susceptible de faire échouer une offre.

Une société peut donc prévoir la neutralisation des clauses contractuelles restreignant l'exercice des droits de vote attachés à ses titres, telles que les clauses de plafonnement des droits de vote, qui ne pourront dès lors figurer parmi les mesures de défense que l'assemblée générale, en application de l'article 9 de la directive (transposé dans l'article 10 du présent projet de loi), peut approuver en période d'offre.

Cette faculté peut être exercée par les sociétés pour les conventions conclues après le 21 avril 2004 , date d'adoption de la directive, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 11 de la « directive OPA » (cf. supra ) qui tendent à prévenir les effets d'aubaine.

La suspension erga omnes des effets des clauses a une portée plus large que l'inopposabilité à l'offrant des clauses restreignant les transferts de titres, prévue aux articles 12 (pour les limitations statutaires) et 13 (pour les restrictions contractuelles) du présent projet de loi. L'inopposabilité n'empêche pas les effets des clauses de perdurer entre les parties au pacte, tandis que leur suspension libère intégralement les parties de leurs obligations contractuelles.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission est favorable à ces dispositions optionnelles, qui sont cohérentes avec le choix de la non transposition des restrictions de l'article 11 de la directive, respectent la lettre de son article 12 et préservent la souplesse de notre droit comme la liberté des entreprises de maintenir ou suspendre statutairement certaines clauses de ses contrats.

Elle vous propose un amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. supra le commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions » sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 15
Suspension facultative des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote

Commentaire : le présent article introduit un nouvel article L. 233-37 dans le code de commerce, prévoyant la suspension volontaire en période d'offre des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote attachés aux actions de la société visée.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DISPOSITIONS DE LA « DIRECTIVE OPA » DU 21 AVRIL 2004

Ainsi qu'il a été précisé dans les commentaires des articles 12 à 14 du présent projet de loi, l'article 11 de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (« directive OPA »), intitulé « Neutralisation des restrictions », a pour objet de rendre inopposables à l'offrant, en période d'offre et à l'issue d'une offre ayant réussi, toutes les clauses statutaires ou conventionnelles (en particulier celles figurant dans des pactes d'actionnaires) dont l'objet est de restreindre le transfert des titres de la société visée ou l'exercice des droits de vote qui y sont attachés.

Le premier alinéa du paragraphe 3 de l'article 11 prévoit en particulier que « les restrictions au droit de vote prévues dans les statuts de la société ne produisent pas d'effets lors de l'assemblée générale des actionnaires qui arrête des mesures de défense, quelles qu'elles soient, conformément à l'article 9 ».

L'article 12 de la directive, intitulé « Arrangements facultatifs », prévoit néanmoins un système de double option qui permet aux Etats membres de ne pas imposer l'application de l'article 11 aux sociétés résidentes faisant l'objet d'une offre. Dans ce cas, l'Etat membre doit permettre à ces sociétés d'appliquer ces mêmes dispositions sur une base volontaire en les insérant dans leurs statuts.

B. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DE M. JEAN-FRANÇOIS LEPETIT

Ainsi qu'il a été précisé dans le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi, le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit sur la transposition de la « directive OPA », remis le 27 juin 2005, a recommandé de ne pas transposer les dispositions de l'article 11 applicables en période d'offre publique , aux motifs qu'elles témoignaient d'une approche trop rigide, comportaient des incertitudes juridiques et contrevenaient à la liberté contractuelle et à la souplesse que privilégie le droit français, garanties par la transparence des pactes d'actionnaires.

L'application des dispositions de l'article 11, et en l'espèce la suspension des restrictions statutaires au droit de vote, devrait donc être effectuée sur une base volontaire par les entreprises.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article introduit un article L. 233-37 dans le code de commerce, qui prévoit l'application volontaire, en période d'offre, de la suspension des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote . Il dispose ainsi que les statuts d'une société cotée sur un marché réglementée peuvent prévoir que les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendues en période d'offre publique visant ladite société, lors des assemblées réunies aux fins d'adopter toute mesure susceptible de faire échouer une offre.

Les mesures de défense que l'assemblée générale, en application de l'article 9 de la directive (transposé dans l'article 10 du présent projet de loi), peut approuver en période d'offre, ne pourraient dès lors comporter des clauses statutaires affectant l'exercice des droits de vote.

Cette faculté peut être exercée par les sociétés pour les conventions conclues après le 21 avril 2004 , date d'adoption de la directive, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 11 de la « directive OPA » (cf. supra ) qui tendent à prévenir les effets d'aubaine.

La suspension erga omnes des effets des clauses a une portée plus large que l'inopposabilité à l'offrant des clauses restreignant les transferts de titres, prévue aux articles 12 (pour les limitations statutaires) et 13 (pour les restrictions contractuelles) du présent projet de loi. L'inopposabilité n'empêche pas les effets des clauses de perdurer entre les parties au pacte, tandis que leur suspension libère intégralement les parties de leurs obligations contractuelles. Compte tenu des imprécisions de la directive, il est proposé de reprendre les principes du droit français actuel.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission approuve les dispositions optionnelles du présent article, qui sont cohérentes avec le choix de la non transposition des restrictions de l'article 11 de la directive, respectent la lettre de son article 12 et préservent la souplesse de notre droit comme la liberté des entreprises de maintenir ou suspendre certaines clauses de leurs statuts. Il est toutefois vraisemblable que la plupart des sociétés cotées n'exerceront pas cette faculté de suspension des clauses restreignant l'exercice des droits de vote.

Elle vous propose deux amendements :

- l'un de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. supra le commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions » sont admis à la négociation sur un marché réglementé ;

- le second précise que la suspension concerne les effets des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote, et non les restrictions elles-mêmes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16
Suspension des restrictions statutaires en cas de réussite de l'offre

Commentaire : le présent article vise à inscrire dans la loi une règle issue de la doctrine de l'Autorité des marchés financiers. Dans la société cible, lors de la première assemblée générale qui suit une offre réussie, si l'auteur de cette offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote, les éventuelles restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote sont automatiquement suspendues.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DE LA PROPORTIONNALITÉ DES DROITS DE VOTE À LA PART DE CAPITAL DÉTENUE

En principe, les droits de vote attachés aux actions sont régis par une règle de proportionnalité. En effet, suivant le paragraphe I de l'article L. 225-122 du code de commerce, le nombre de voix dont dispose un actionnaire est fonction de la part de capital que représentent les actions qu'il détient , et chaque action donne droit à une voix au moins.

La même disposition précise que cette règle s'applique aux actions de capital comme aux actions de jouissance 104 ( * ) , et que toute clause contraire est réputée non écrite.

B. LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE LA PROPORTIONNALITÉ DES DROITS DE VOTE À LA PART DE CAPITAL DÉTENUE

Le principe de la proportionnalité des droits de vote à la part de capital détenue supporte trois séries d'exceptions . Celles-ci se trouvent d'ailleurs en partie réservées par l'article L. 225-122 précité (par renvoi exprès aux articles L. 225-10, L. 225-123, L. 225-124, L. 225-125 et L. 225-126 du code de commerce).

1. Les cas de suppression du droit de vote

Une première dérogation à cette règle de proportionnalité recouvre les cas de suppression du droit de vote attaché aux actions 105 ( * ) .

La principale hypothèse, à cet égard, a trait aux actions privilégiées sans droit de vote (notamment les actions à dividende prioritaire sans droit de vote ou, désormais, des actions de préférence créées sur le fondement de l'article L. 228-11 du code de commerce 106 ( * ) ). Ces actions, par définition, n'ouvrent droit à aucune voix pour leur détenteur : elles lui confèrent les avantages prévus par les statuts, mais elles ne lui permettent pas de participer activement aux assemblées générales.

Un autre cas de suppression du droit de vote concerne, lors des délibérations d'assemblée générale sur l'approbation d'un apport en nature ou l'octroi d'un avantage particulier, les actionnaires apporteurs ou bénéficiaires . Suivant l'article L. 225-10 du code de commerce, les actions de ces derniers compte tenu de leur intérêt personnel à voir la résolution adoptée ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité. La même disposition précise que l'apporteur ou le bénéficiaire n'a voix délibérative ni pour lui-même, ni comme mandataire.

2. Les droits de vote double

A l'inverse des cas de suppression, une deuxième série d'exceptions au principe de proportionnalité des droits de vote à la quotité de capital détenue consiste dans les droits de vote double.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 225-123 du code de commerce, les statuts ou une assemblée générale extraordinaire ultérieure peuvent en effet décider le doublement des droits de vote attachés aux actions nominatives.

Deux conditions , cependant, sont posées : d'une part, les actions en cause doivent être entièrement libérées 107 ( * ) ; d'autre part, en principe, ces actions doivent être inscrites au nom d'un même titulaire depuis deux ans au moins. Le deuxième alinéa de l'article L. 225-123 précité, toutefois, en cas d'augmentation du capital par incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d'émission, permet qu'un droit de vote double soit conféré dès leur émission aux actions nominatives attribuées gratuitement, à un actionnaire, à raison d'actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit 108 ( * ) .

Les actions assorties d'un tel droit de vote double permettent aux sociétés de « fidéliser » leurs actionnaires , moins tentés de revendre leurs titres compte tenu du pouvoir renforcé qu'ils détiennent au sein des assemblées.

3. Les restrictions à l'exercice des droits de vote

La troisième hypothèse de non proportionnalité des droits de vote à la fraction de capital détenue, enfin, touche aux restrictions imposées à l'exercice de ces droits, qui peuvent être de nature statutaire ou conventionnelle. On n'examinera ci-après que le cas des restrictions statutaires 109 ( * ) .

En vue d'assurer la protection des petits actionnaires par une diminution de l'influence des gros porteurs au sein des assemblées générales, l'article L. 225-125 du code de commerce, en effet, autorise les statuts à « limiter le nombre de voix dont dispose chaque actionnaire dans les assemblées ». Il s'agit, en d'autres termes, de prévoir des clauses de plafonnement des droits de vote.

En pratique, ni la loi ni les dispositions réglementaires ne fixant aucun seuil, les statuts sont libres d'arrêter le plafond de voix maximal dont pourront jouir les actionnaires, comme les modalités de détermination de ce plafond (limitation à un nombre fixe de voix ou à un pourcentage du nombre total de droits de vote, introduction d'une règle de proportion des droits de vote décroissante avec le nombre d'actions détenues, etc .). De même, l'article L. 225-125, précité, mentionnant simplement « les assemblées », sans qualification particulière, la restriction statutaire peut viser toutes les assemblées d'actionnaires , indifféremment, ou les seules assemblées générales ordinaires, ou au contraire les seules assemblées générales extraordinaires 110 ( * ) , ou encore telle ou telle assemblée ayant à statuer sur un objet particulier.

La restriction des droits de vote se trouve cependant subordonnée à une condition d'égalité entre actionnaires : cette clause n'est valable que si elle est imposée, suivant les termes de l'article L. 225-125, « à toutes les actions sans distinction de catégorie » (réserve faite d'actions privilégiées sans droit de vote qui, par définition, ne sont pas concernées 111 ( * ) ).

En outre, dès 1993, la Commission des opérations de bourse , depuis devenue l'Autorité des marchés financiers (AMF) 112 ( * ) , a relevé que les limitations apportées par les statuts à l'exercice des droits de vote risquaient de contredire la situation normale d'un actionnaire majoritaire et, par conséquent, de vouer à l'échec toute offre publique d'acquisition. Aussi, elle a proposé que les clauses statutaires de restriction des droits de vote soient assorties d'un mécanisme de caducité automatique, dès lors que le contrôle majoritaire de la société en cause se trouverait acquis à la suite d'une offre réussie 113 ( * ) .

Comme le note le rapport du groupe de travail animé par M. Jean-François Lepetit 114 ( * ) , dans la pratique, la grande majorité des émetteurs français ont en conséquence prévu, dans leurs statuts, la caducité des clauses (statutaires) de plafonnement des droits de vote à l'issue d'une offre réussie . D'après les indications fournies à votre rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les entreprises, dans la plupart des cas, pour l'application de cette règle de caducité, ont retenu le seuil de 66,66 % de capital détenus par l'auteur de l'offre. Ce chiffre correspond en effet au nombre de voix nécessaires pour passer outre la minorité dite « de blocage » au sein, notamment, des assemblées générales extraordinaires où la majorité requise pour l'adoption d'une résolution, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce, est, sous réserve des exigences de quorum, des deux tiers des voix 115 ( * ) . Il correspond, par conséquent, en particulier, au seuil permettant la modification des statuts sociaux .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE SUSPENSION AUTOMATIQUE, EN CAS D'OFFRE RÉUSSIE, DES RESTRICTIONS STATUTAIRES AUX DROITS DE VOTE

Le présent article propose d'ajouter un second alinéa à l'article L. 225-125, précité, du code de commerce.

Ce nouveau texte, en synthèse, prévoit que les effets d'une éventuelle limitation statutaire du nombre de voix de chaque actionnaire, dans la société cible, se trouvent suspendus, obligatoirement, lors de la première assemblée générale qui suit la clôture d'une offre publique d'acquisition réussie, lorsque l'auteur de l'offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote .

De la sorte, le présent article tend à conférer une valeur législative à la règle qui , comme on l'a indiqué, existe actuellement au niveau de la doctrine de l'AMF . Ce faisant, il vise également à assurer, en ce qui concerne la loi, la transposition de l'un des objectifs fixés par le paragraphe 4 de l'article 11 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition (bien que la mise en oeuvre de cet objectif, pour les Etats membres de l'Union européenne, soit rendue optionnelle par le paragraphe 1 de l'article 12 de la même directive 116 ( * ) ).

B. CONDITIONS DE LA SUSPENSION DES RESTRICTIONS STATUTAIRES AUX DROITS DE VOTE

La situation déclenchant la suspension des limitations statutaires aux droits de vote est définie, par le nouveau texte, comme la circonstance où « l'initiateur de l'offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Cette définition s'appuie sur trois séries d'éléments 117 ( * ) .

1. Quant aux modalités d'action de l'auteur de l'offre

Il est d'abord précisé que l'auteur de l'offre a pu agir seul ou de concert . Cette mention de l'action de concert est usuelle en droit financier, afin d'éviter que les obligations légales ou réglementaires puissent être facilement contournées ; elle renvoie à la définition donnée par le paragraphe I de l'article L. 233-10 du code de commerce, aux termes duquel « sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société 118 ( * ) ». Il convient au reste de noter que cette définition se trouve complétée par l'article 4 du présent projet de loi.

Par conséquent, pour appliquer le futur second alinéa de l'article L. 225-125, dans l'appréciation de la réussite de l'offre, il n'importera pas que celle-ci ait été le résultat de l'intervention d'un seul actionnaire ou d'une stratégie concertée entre plusieurs.

2. Quant à la mesure qualitative de la part de la société acquise à la suite de l'offre

Le présent article prend soin de mentionner que l'auteur de l'offre peut être parvenu à détenir la fraction requise de la société visée en capital ou en droits de vote .

Ces deux derniers aspects, en effet, peuvent ne pas se recouper, compte tenu des possibles dérogations au principe de proportionnalité des droits de vote à la part de capital détenu 119 ( * ) notamment en raison, d'une part, des cas de vote double prévus par l'article L. 225-123 du code de commerce et, d'autre part, des limitations statutaires autorisées par l'article L. 225-125 du même code dans sa rédaction en vigueur (destinée à devenir le texte du premier alinéa de cet article du fait de la présente disposition). La distinction entre part de capital et pourcentage de droits de vote apparaît d'ailleurs usuellement dans les textes de droit boursier.

Ainsi, en vue de déterminer si les conditions d'application de la nouvelle règle de suspension sont remplies, c'est tant en capital qu'en droits de vote qu'il conviendra de mesurer les résultats de l'offre.

3. Quant à la mesure quantitative de la part de la société acquise à la suite de l'offre

La fraction du capital ou des droits de vote détenue par l'auteur de l'offre doit être supérieure à une quotité que fixera le règlement général de l'Autorité des marchés financiers .

Dans son principe, cette attribution réglementaire donnée par le présent article à l'AMF est conforme au paragraphe II de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, qui assigne à ladite Autorité la mission de déterminer, dans son règlement général, les règles relatives aux offres publiques d'acquisition.

Suivant la procédure fixée par l'article L. 621-6 du même code, la publication au Journal officiel de la quotité ainsi retenue par l'AMF devra être précédée d'une homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie . Cette disposition permet au ministre, au besoin, d'engager un dialogue constructif avec l'AMF, juridiquement indépendante 120 ( * ) .

Sur le fond, en vue de se conformer aux prescriptions (que le gouvernement a fait le choix de mettre en oeuvre) du paragraphe 4, précité, de l'article 11 de la directive 2004/25/CE, la quotité de capital ou de droits de vote, au-delà de laquelle la règle de suspension jouera, devrait être de 75 %. Cependant, compte tenu de la pratique d'ores et déjà couramment observée 121 ( * ) , et dans la mesure où le chiffre de 75 % ne correspond à aucun seuil pertinent en droit français, cette quotité , d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, pourrait être fixée par l'AMF à 66,66 %, voire à 50,01 % .

Le premier de ces deux seuils 66,66 % , comme on l'a signalé déjà, correspond à la majorité des deux tiers requise, notamment, pour l'adoption des résolutions d'assemblée générale extraordinaire. L'un comme l'autre, et singulièrement le seuil de 50,01 %, sont plus contraignants , du point de vue des sociétés cibles d'une offre publique, que l'objectif communautaire. Rien ne l'interdit : ils n'en satisferaient que mieux cet objectif.

C. LIMITES DU CHAMP D'APPLICATION

1. La limitation aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé

Le champ d'application de la présente disposition est expressément limité aux sociétés dont les actions se trouvent admises à la négociation sur un marché réglementé. Cette précision est d'ordre logique, dans la mesure où les offres publiques d'acquisition, au sens du droit en vigueur, concernent les détenteurs de titres négociés sur un marché réglementé. Au reste, le présent article reprend ainsi la règle posée par le paragraphe 1 de l'article 1 er de la directive 2004/25/CE précitée 122 ( * ) .

Il convient de rappeler qu'au plan du droit français, la notion de marché « réglementé » est définie par les articles L. 421-1 et suivants du code monétaire et financier, et désigne des marchés qui garantissent le fonctionnement régulier des négociations par des règles touchant, notamment, aux conditions d'accès au marché, à l'admission de la cotation, à l'organisation des transactions, et à la publicité de celles-ci ; cette qualité est leur est reconnue par arrêté du ministre chargé de l'économie, sur la proposition de l'AMF. En pratique, la notion se confond désormais avec l'Eurolist d'Euronext Paris 123 ( * ) .

2. L'exclusion des restrictions conventionnelles à l'exercice des droits de vote

La règle de suspension automatique des restrictions de vote posée par le présent article, il convient de le souligner, ne concerne que les restrictions statutaires, à l'exclusion d'éventuelles limitations similaires stipulées par convention entre actionnaires 124 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article, en proposant d'inscrire dans la loi l'actuelle doctrine de l'Autorité des marchés financiers quant à la suspension, à l'issue d'une offre publique d'acquisition réussie, d'éventuelles restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote au sein de la société cible, se conforme à une recommandation formulée par le groupe de travail animé par M. Jean-François Lepetit 125 ( * ) .

Comme l'a expressément relevé le rapport de ce groupe, la disposition « relève de la logique : une fois l'offre réussie, un initiateur doit pouvoir disposer du contrôle effectif de la société cible ». Faute de suspension des clauses de plafonnement des droits de vote, en effet, un actionnaire qui aurait acquis une fraction très importante du capital d'une société à l'issue d'une offre publique pourrait se trouver, paradoxalement, dans l'impossibilité de réunir une majorité suffisante, en particulier en vue de modifier les statuts.

Certes, ainsi qu'on l'a relevé plus haut, les entreprises françaises concernées, suivant la doctrine de la Commission des opérations de bourses puis de l'AMF, ont en pratique d'ores et déjà inscrit, dans leurs statuts en retenant, en général, un seuil des deux tiers de capital ou de droits de vote , la caducité des clauses (statutaires) de plafonnement des droits de vote, à l'issue d'une offre réussie dont elles seraient la cible. De fait, le présent article, si l'AMF retenait le seuil de 66,66 %, ne devrait pas conduire à de nombreux changements. Il permettrait toutefois au moins de renforcer, en droit, une disposition dont la nécessité pratique est unanimement reconnue parmi les acteurs financiers .

En tout état de cause, votre rapporteur général souhaite que l'AMF confirme rapidement le choix du seuil réglementaire soit des deux tiers, soit de 50,01 % en ce qui concerne le capital ou les droits de vote .

Par ailleurs, votre commission vous propose un amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions », sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 17
Suspension sur une base volontaire des restrictions statutaires et conventionnelles en cas de réussite de l'offre

Commentaire : le présent article vise à permettre sur une base volontaire, pour les entreprises qui le souhaitent, que, dans la société cible, lors de la première assemblée générale suivant une offre réussie, si l'auteur de cette offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote, les éventuelles restrictions statutaires ou conventionnelles à l'exercice des droits de vote se trouvent automatiquement suspendues.

I. LE DROIT EXISTANT

En principe , suivant le paragraphe I de l'article L. 225-122 du code de commerce, le nombre de voix dont dispose un actionnaire est proportionnel à la fraction de capital que représentent les actions qu'il détient 126 ( * ) . Néanmoins, en vue d'assurer la protection des petits actionnaires par une diminution de l'influence des gros porteurs au sein des assemblées générales, des restrictions à l'exercice des droits de vote peuvent être fixées, soit par les statuts de la société, soit par voie de convention entre les actionnaires .

A. LES RESTRICTIONS STATUTAIRES À L'EXERCICE DES DROITS DE VOTE

Le premier cas, ainsi qu'on l'a déjà présenté dans le cadre du commentaire de l'article 16 du présent projet de loi, est prévu par l'article L. 225-125 du code de commerce. Ce texte autorise les statuts à « limiter le nombre de voix dont dispose chaque actionnaire dans les assemblées ». Il s'agit, en d'autres termes, de prévoir des clauses de plafonnement des droits de vote.

En pratique, ni la loi ni les dispositions réglementaires ne fixant aucun seuil, les statuts sont libres d'arrêter le plafond de voix maximal dont pourront jouir les actionnaires, comme les modalités de détermination de ce plafond (limitation à un nombre fixe de voix ou à un pourcentage du nombre total de droits de vote, introduction d'une règle de proportion des droits de vote décroissante avec le nombre d'actions détenues, etc .).

De même, l'article L. 225-125, précité, mentionnant simplement « les assemblées », sans qualification particulière, la restriction statutaire peut viser toutes les assemblées d'actionnaires , indifféremment, ou les seules assemblées générales ordinaires, ou au contraire les seules assemblées générales extraordinaires 127 ( * ) , ou encore telle ou telle assemblées ayant à statuer sur un objet particulier.

La restriction des droits de vote se trouve cependant subordonnée à une condition d'égalité entre actionnaires : cette clause n'est valable que si elle est imposée, suivant les termes de l'article L. 225-125, « à toutes les actions sans distinction de catégorie » (réserve faite d'actions privilégiées sans droit de vote qui, par définition, ne sont pas concernées 128 ( * ) ).

En outre, dès 1993, la Commission des opérations de bourse , depuis devenue l'Autorité des marchés financiers (AMF), afin d'éviter que d'éventuelles limitations apportées par les statuts à l'exercice des droits de vote ne vouent à l'échec toute offre publique d'acquisition, a proposé que ces clauses soient assorties d'un mécanisme de caducité automatique, dès lors que le contrôle majoritaire de la société en cause se trouverait acquis à la suite d'une offre réussie 129 ( * ) .

Comme le note le rapport du groupe de travail animé par M. Jean François Lepetit 130 ( * ) , dans la pratique, la grande majorité des émetteurs français ont en conséquence prévu, dans leurs statuts, la caducité des clauses de plafonnement des droits de vote à l'issue d'une offre réussie . D'après les indications fournies à votre rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les entreprises, dans la plupart des cas, pour l'application de cette règle de caducité, ont retenu le seuil de 66,66 % de capital détenus par l'auteur de l'offre. Ce chiffre correspond en effet au nombre de voix nécessaires pour passer outre la minorité dite « de blocage » au sein, notamment, des assemblées générales extraordinaires où la majorité requise pour l'adoption d'une résolution, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce, est, sous réserve des exigences de quorum, des deux tiers des voix 131 ( * ) . Il correspond, par conséquent, en particulier, au seuil permettant la modification des statuts sociaux .

B. LES RESTRICTIONS CONVENTIONNELLES À L'EXERCICE DES DROITS DE VOTE

Au contraire des restrictions statutaires, les limitations à l'exercice des droits de vote stipulées par des conventions entre actionnaires ne sont pas prévues en tant que telles par la législation . Celle-ci, en effet, tient seulement compte, d'une manière générale, d'ailleurs indirectement, de l'existence ou de certains effets des conventions de vote qui peuvent être passées entre actionnaires, indépendamment de leur objet précis 132 ( * ) . Rien, néanmoins, n'interdit de telles limitations, dont l'élaboration conventionnelle, en pratique usuelle, participe de la liberté contractuelle.

Les actionnaires ou certains d'entre eux peuvent ainsi s'engager réciproquement, soit à voter dans un sens déterminé, soit à ne pas prendre part au vote. Ces conventions de vote se trouvent d'ordinaire incluses parmi les clauses de « pactes » d'actionnaires , lesquels, de portée plus générale, sont conclus afin de régler, en dehors des statuts et pour une période souvent longue, le contrôle de la conduite des affaires et la composition du capital de la société.

La validité de principe des restrictions conventionnelles de vote est cependant encadrée . D'une part, le 3° de l'article L. 242-9 du code de commerce puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 9.000 euros le délit de trafic de voix, défini comme « le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d'accorder, garantir ou promettre ces avantages ». D'autre part, conformément au droit commun des contrats et suivant une jurisprudence constante, les conventions de vote ne peuvent être conclues pour une durée illimitée , ou équivalente (par exemple, pour tout le temps où les parties détiendront leurs actions). Enfin, de telles conventions, à peine d'illicéité, ne doivent pas conduire à un vote abusif qu'il s'agisse d'un abus de majorité ou de minorité , c'est-à-dire à un vote contraire à l'intérêt social ; ce qu'il reviendrait, le cas échéant, aux tribunaux d'apprécier.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE POSSIBILITÉ DE PRÉVOIR LA SUSPENSION AUTOMATIQUE, EN CAS D'OFFRE RÉUSSIE, DES RESTRICTIONS STATUTAIRES ET CONVENTIONNELLES AUX DROITS DE VOTE

Le présent article propose d'introduire dans le code de commerce un article L. 233-38 133 ( * ) .

1. Un double choix offert aux sociétés

Le nouveau texte proposé, en synthèse, donne la possibilité aux sociétés qui le souhaitent de prévoir, dans leurs statuts, qu'à l'occasion de la première assemblée générale suivant une offre publique d'acquisition dont elles ont été la cible et qui a réussi, si l'auteur de l'offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote, se trouvent automatiquement suspendues , le cas échéant :

- d'une part, les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote ;

- d'autre part, les effets de toute restriction de ce type issue d'une convention entre actionnaires (conclue après le 21 avril 2004 134 ( * ) ).

Il relèvera également du choix des sociétés de prévoir la suspension précitée :

- soit de manière alternative, pour les seules restrictions statutaires ou pour les seules restrictions conventionnelles ;

- soit, au contraire, pour les deux types de restrictions à la fois.

2. Une transposition des prescriptions communautaires

Le présent article vise à assurer, en ce qui concerne la loi, la transposition de l'un des objectifs fixés par le paragraphe 4 de l'article 11 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition, tout en tenant compte du caractère optionnel de la mise en oeuvre de cet objectif 135 ( * ) .

Aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la même directive, en effet, les Etats membres sont libres de ne pas imposer aux sociétés dont le siège social se trouve sur leur territoire l'application, notamment, de l'article 11 précité et, en particulier, l'application de la règle de suspension automatique des restrictions statutaires et conventionnelles de vote, en cas d'offre réussie. Le paragraphe 2 de l'article 12, néanmoins, oblige les Etats qui optent ainsi pour la non mise en oeuvre de l'article 11 à donner aux sociétés le choix (réversible) de se conformer aux dispositions de ce dernier article notamment la règle de suspension des restrictions de vote. Cette décision, le cas échéant, doit être prise par l'assemblée générale des actionnaires, conformément au droit national.

Tel est précisément le dessein du présent article : le gouvernement ayant fait le choix de ne pas imposer aux sociétés françaises la règle communautaire de suspension, il s'agit de prévoir cependant la possibilité, pour les entreprises qui le souhaitent, d'inscrire cette règle dans leurs statuts 136 ( * ) .

B. LIMITES DU CHAMP D'APPLICATION

1. L'exclusion des restrictions à l'exercice des droits de vote issues de conventions conclues avant le 21 avril 2004

La limitation du champ d'application du présent article, s'agissant des restrictions conventionnelles, aux conventions conclues après le 21 avril 2004, découle directement de la directive 2004/25/CE précitée. L'article 11 de cette dernière, en effet, afin de prévenir les effets d'aubaine, ne prend expressément en considération que les accords contractuels conclus après la date de son adoption.

Cette date est impérative . Les entreprises, en conséquence, ne pourront ni fixer une date plus tardive, ni, surtout, prévoir la suspension de restrictions nées de conventions signées antérieurement.

Toutefois, dans l'hypothèse où les actionnaires concernés souhaiteraient rationaliser , complètement, l'organisation de l'exercice des droits de vote en cas d'offre publique d'acquisition réussie, il leur serait loisible, le cas échéant, de renouveler les conventions conclues avant le 21 avril 2004 . Les nouvelles conventions qui en résulteraient se trouveraient, par définition, soumises aux dispositions statutaires de la société, adoptées en application du présent article, quant à la suspension automatique des restrictions conventionnelles au droit de vote 137 ( * ) .

2. La limitation aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé

Le champ d'application de la présente disposition est expressément limité aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé. La précision est à la fois d'ordre logique, du point de vue du droit national, et commandée par le texte de la directive 2004/25/CE précitée 138 ( * ) .

C. CONDITIONS DE LA SUSPENSION DES RESTRICTIONS AUX DROITS DE VOTE

Étant entendu que l'assemblée générale extraordinaire doit préalablement avoir décidé de modifier les statuts de la société en ce sens, la situation qui déclenchera la suspension des limitations statutaires et/ou conventionnelles aux droits de vote est définie, par le texte proposé, comme la circonstance où « l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, détient à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Cette définition s'appuie sur trois séries d'éléments 139 ( * ) :

- l'auteur de l'offre a pu agir seul ou de concert ;

- il peut être parvenu à détenir la fraction requise de la société cible en capital ou en droits de vote ;

- la fraction du capital ou des droits de vote ainsi détenue doit être supérieure à une quotité que fixera le règlement général de l'AMF .

En ce qui concerne ce dernier point, la quotité que retiendra l'AMF , d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, devrait être comprise entre 50,01 % et 66,66 % c'est-à-dire entre la majorité simple et la majorité des deux tiers, cette dernière correspondant, comme on l'a déjà indiqué, à la majorité requise, notamment, pour l'adoption des résolutions d'assemblée générale extraordinaire.

Sur le plan de la procédure décisionnelle, il convient de noter que la publication au Journal officiel de la quotité retenue par l'AMF devra être précédée d'une homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie , conformément à l'article L. 621-6 du code monétaire et financier. Le ministre, au besoin, pourra par conséquent engager un dialogue constructif avec l'Autorité, juridiquement indépendante 140 ( * ) .

Sur le fond, on observera d'abord que le choix d'un seuil inférieur à 66,66 % serait cohérent au regard de la pratique puisque, comme on l'a signalé plus haut, la plupart des entreprises concernées ont déjà mis en place, dans leurs statuts, des clauses de suspension au seuil des deux tiers 141 ( * ) . En tout état de cause, la quotité choisie, pour être véritablement pertinente, devrait être inférieure à celle que l'AMF retiendra dans le cadre de l'article 16 du présent projet de loi ; les développements qui suivent explicitent cet aspect.

D. ARTICULATION DU PRÉSENT ARTICLE AVEC L'ARTICLE 16 DU PRÉSENT PROJET DE LOI

Par souci de clarté, il y a lieu ici de préciser les trois séries de différences du présent article avec l'article 16 du présent projet de loi, et par là même l'articulation de ces dispositions entre elles.

Rappelons à titre liminaire que l'article 16 du présent projet de loi propose d'ajouter, à l'article L. 225-125 du code de commerce, un alinéa prévoyant que, dans la société cible, les effets d'une éventuelle limitation statutaire du nombre de voix de chaque actionnaire se trouvent suspendus, automatiquement, lors de la première assemblée générale qui suit la clôture d'une offre réussie, lorsque l'auteur de cette offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote.

1. Quant à la portée normative de chaque disposition

Le premier point de distinction qu'il convient d'observer entre l'article 16 du projet de loi et le présent article concerne la portée normative de l'un et l'autre. L'article 16 introduit dans le code de commerce une règle impérative de suspension des restrictions apportées à l'exercice des droits de vote, à laquelle les assemblées générales ne pourront pas se soustraire dès lors que les conditions d'application prévues seront remplies. Le présent article se borne à offrir aux actionnaires la possibilité de prévoir, dans les statuts de la société, une suspension semblable .

2. Quant au type de restriction à l'exercice des droits de vote concerné par chaque disposition

La deuxième différence entre les deux dispositions tient au type de restriction à l'exercice des droits de vote concerné dans chaque cas. En effet, le champ d'application de l'article 16 du projet de loi n'inclut que les restrictions aux droits de vote fixées dans les statuts de la société . Le présent article, outre ces restrictions statutaires, intéresse également de façon alternative ou cumulative selon le choix que feront les entreprises les effets des conventions entre actionnaires conclues après le 21 avril 2004.

Au demeurant, il y a lieu de signaler que, pour ce qui concerne les restrictions statutaires, le présent article, en offrant une option aux sociétés, ne fait que leur rappeler non sans quelque superfluité ce qu'elles se trouvent de toute manière déjà en situation légale de pouvoir faire, librement. En revanche , pour ce qui touche aux restrictions conventionnelles, l'habilitation législative était nécessaire . A défaut de celle-ci, en effet, les statuts qui auraient prévu la suspension des conventions de vote en cause auraient méconnu la règle énoncée par l'alinéa 1 er de l'article 1134 du code civil, aux termes duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

3. Quant à la quotité de capital ou de droits de vote détenue à laquelle se réfère chaque disposition

La troisième et dernière différence qu'il convient de relever entre l'article 16 du présent projet de loi et le présent article a trait à la quotité de capital ou de droits de vote, détenue par l'auteur d'une offre réussie sur la société concernée, prise en compte en vue de mettre en oeuvre la règle de suspension des restrictions de vote.

C'est à l'Autorité des marchés financiers, comme on l'a vu, qu'il reviendra de fixer cette quotité. Or la quotité retenue par l'AMF dans le cadre du présent article, logiquement, devrait être inférieure à celle qu'elle fixera dans le cadre de l'article 16 du présent projet de loi . A défaut, en effet, cette quotité n'aurait guère de sens juridique pour ce qui concerne les restrictions statutaires aux droits de vote , objet commun des dispositions du présent article et de l'article 16 (mais le présent article n'autorise pas l'AMF à fixer un seuil différent s'agissant des restrictions statutaires d'une part, des restrictions conventionnelles d'autres part).

En premier lieu, fixer un seuil supérieur, dans le cadre du présent article, au seuil retenu pour l'article 16, reviendrait, d'une manière absurde, à rendre obligatoire une règle plus contraignante (celle de l'article 16) que les dispositions dont on entend précisément que les sociétés puissent les suivre seulement si elles le souhaitent (celles du présent article). En second lieu, si une quotité identique était retenue dans le cadre de l'article 16 et dans celui du présent article, ce dernier donnerait la possibilité à une société d'inscrire dans ses statuts le principe d'une suspension, en cas d'offre réussie, que l'article 16, de toute façon, rendrait alors obligatoire.

Rien, cependant, n'empêche que cette dernière option soit finalement retenue par l'AMF. Le présent article, dès lors, deviendrait simplement redondant avec l'article 16 , en incitant les entreprises à rappeler dans leur statut une règle en tout état de cause impérative.

Pour conclure sur ce point, l'articulation du présent article avec l'article 16 du présent projet de loi, en résumé, est la suivante :

- d'une part, dans le cas où, à l'issue d'une offre, l'auteur de celle-ci parvient à détenir X % du capital ou des droits de vote, toute société, conformément à l'article 16, est tenue de suspendre, lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre, ses restrictions statutaires de vote (et non les éventuelles restrictions conventionnelles) ;

- d'autre part, sauf l'hypothèse où l'AMF retiendrait un seuil identique, dans le cas où, à l'issue d'une offre, l'auteur de celle-ci n'est pas parvenu à détenir X %, mais une fraction moindre, Y %, du capital ou des droits de vote, selon le présent article, seules les sociétés qui en ont décidé ainsi dans leurs statuts sont tenues de suspendre, lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre, les restrictions de vote statutaires ;

- enfin, dans le cas où, à l'issue d'une offre, l'auteur de celle-ci est parvenu à détenir la quotité fixée en capital ou en droits de vote, selon le présent article, seules les sociétés qui en ont décidé ainsi dans leurs statuts suspendent, lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre, les restrictions de vote conventionnelles (issues des conventions conclues après le 21 avril 2004) 142 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article s'inspire des observations formulées par le groupe de travail animé par M. Jean-François Lepetit 143 ( * ) sur la nécessité de rendre effective la prise de contrôle des entreprises par les auteurs d'offres publiques d'acquisition réussies . De fait, en donnant aux entreprises qui le souhaitent la possibilité de suspendre les restrictions, statutaires comme conventionnelles, à l'exercice des droits de vote, dès qu'est atteint, par l'initiateur d'une offre, un seuil de détention du capital ou des droits de vote moins élevé que celui que prévoit l'article 16 du présent projet de loi, le présent article introduit un important élément de souplesse, de nature à éviter que les limitations de droits de vote ne contredisent la situation normale d'un actionnaire majoritaire .

Bien sûr, dans la mesure où, comme on l'a relevé ci-dessus, les entreprises françaises concernées ont en pratique d'ores et déjà inscrit, dans leurs statuts, une caducité des clauses de plafonnement des droits de vote lorsque l'initiateur d'une offre publique parvient à détenir 66,66 % du capital ou des droits de vote, l'impact de la mesure proposée sera d'autant plus grand que le seuil qu'il reviendra à l'Autorité des marchés financiers de retenir sera faible et, en tout cas, qu'il sera inférieur au chiffre de 66,66. Votre rapporteur général considère qu' un seuil approchant, peu ou prou, des 50,01 %, s'agissant d'une disposition optionnelle, serait opportun en vue de contribuer à assurer la meilleure compétitivité des entreprises françaises.

Par ailleurs, votre rapporteur général vous propose un amendement rédactionnel au présent article, en vue de clarifier le sens du futur article L. 233-38 du code de commerce. Il s'agit principalement de lever toute ambiguïté éventuelle sur la nature des « restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société », que l'article mentionne concomitamment aux restrictions issues de conventions de vote conclues après le 21 avril 2004. La première catégorie de restriction ainsi visée doit être bien comprise comme fixée par les statuts de la société. La précision proposée est d'ailleurs conforme à la rédaction des autres articles du présent projet de loi 144 ( * ) .

Le même amendement, par cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. commentaire de l'article 15), précise que ces sont les « effets » des clauses statutaires, non ces clauses elles-mêmes, qui, le cas échéant, se trouvent suspendus.

Votre commission vous propose un autre amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions », sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 18
Suspension sur une base volontaire des droits extraordinaires concernant les dirigeants sociaux en cas de réussite de l'offre

Commentaire : le présent article vise à permettre sur une base volontaire, pour les entreprises qui le souhaitent, que, dans la société cible, lors de la première assemblée générale suivant une offre réussie, si l'auteur de cette offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote, les droits extraordinaires concernant les dirigeants sociaux se trouvent automatiquement suspendus.

I. LE DROIT EXISTANT

Le paragraphe 4 de l'article 11 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition, introduit la notion de « droits extraordinaires des actionnaires concernant la nomination ou la révocation de membres de l'organe d'administration ou de direction ». La même disposition précise que les droits ainsi visés sont « prévus dans les statuts de la société ».

Du point de vue de la législation française, cette notion ne correspond pas à une catégorie juridique spécifique. Elle tend à recouvrir, en pratique, toute hypothèse de droit qui octroie, à l'actionnaire en cause, un pouvoir plus important, quant au choix et/ou à la révocation des dirigeants sociaux, que celui que lui confère par principe, au sein des assemblées de la société, sa participation au capital . Il peut s'agir, par exemple, d'un droit de consultation préalable reconnu à certains actionnaires avant toute nomination ou révocation de telle catégorie de dirigeant.

Au demeurant, il n'est pas avéré, d'après les indications fournies à votre rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que de tels cas, en pratique, se rencontrent de manière très fréquente. Il convient en effet de remarquer que ces droits « extraordinaires » sont fortement encadrés, dans la mesure où ils doivent respecter les grands principes qui régissent l'organisation des entreprises , notamment le droit de tout associé de participer aux décisions collectives, la hiérarchie des organes sociaux, ou la détermination légale des pouvoirs de ces derniers. A ce titre, par exemple, la reconnaissance au profit de certains actionnaires d'un droit de veto sur les décisions de nomination ou de révocation des dirigeants n'est pas envisageable, car elle contreviendrait à la répartition des pouvoirs entre organes sociaux opérée par le législateur 145 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE POSSIBILITÉ DE PRÉVOIR LA SUSPENSION AUTOMATIQUE, EN CAS D'OFFRE RÉUSSIE, DES DROITS EXTRAORDINAIRES CONCERNANT LES DIRIGEANTS SOCIAUX

1. Principe et champ d'application

Le présent article propose d'introduire dans le code de commerce un article L. 233-39 146 ( * ) .

Ce nouveau texte, en synthèse, donne la possibilité aux sociétés qui le souhaitent de prévoir, dans leurs statuts, qu'à l'occasion de la première assemblée générale suivant une offre publique d'acquisition dont elles ont été la cible et qui a réussi, si l'auteur de l'offre vient à détenir plus d'une certaine fraction du capital ou des droits de vote, se trouvent automatiquement suspendus, le cas échéant, les droits extraordinaires, attachés à certains actionnaires, concernant les dirigeants sociaux .

Ces derniers font, dans la rédaction du présent article, l'objet d'une liste conforme à l'acception usuelle de la notion de « dirigeant social ». Ainsi, sont visées les cinq catégories suivantes :

- les administrateurs ;

- les membres du conseil de surveillance ;

- les membres du directoire ;

- les directeurs généraux ;

- les directeurs généraux délégués 147 ( * ) .

Par ailleurs, le champ d'application de la présente disposition est expressément limité aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé. La précision est d'ordre logique, du point de vue du droit national, et commandée par le texte de la directive 2004/25/CE précitée 148 ( * ) .

2. Une transposition des prescriptions communautaires

Le présent article vise à assurer, en ce qui concerne la loi, la transposition de l'un des objectifs fixés par le paragraphe 4 de l'article 11 de la directive 2004/25/CE précitée, tout en tenant compte du caractère optionnel de la mise en oeuvre de cet objectif 149 ( * ) .

Aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive, en effet, les Etats membres sont libres de ne pas imposer aux sociétés dont le siège social se trouve sur leur territoire l'application, notamment, de l'article 11 précité et, en particulier, l'application de la règle de suspension automatique des droits extraordinaires des actionnaires concernant la nomination ou la révocation des dirigeants sociaux, en cas d'offre réussie. Le paragraphe 2 de l'article 12, néanmoins, oblige les Etats qui optent ainsi pour la non mise en oeuvre de l'article 11 à donner aux sociétés le choix (réversible) de se conformer aux dispositions de ce dernier article notamment la règle de suspension des droits extraordinaires concernant les dirigeants sociaux. Cette décision, le cas échéant, doit être prise par l'assemblée générale des actionnaires, conformément au droit national.

Tel est précisément le dessein du présent article : le gouvernement ayant fait le choix de ne pas imposer aux sociétés françaises la règle communautaire de suspension, il s'agit de prévoir cependant la possibilité, pour les entreprises qui le souhaitent, d'inscrire cette règle dans leurs statuts 150 ( * ) . Ce faisant, toutefois, le présent article, en offrant une option aux sociétés, ne fait que leur rappeler non sans quelque superfluité ce qu'elles se trouvent de toute manière déjà en situation légale de pouvoir faire, librement.

B. CONDITIONS DE LA SUSPENSION DES DROITS EXTRAORDINAIRES CONCERNANT LES DIRIGEANTS SOCIAUX

Étant entendu que l'assemblée générale extraordinaire doit préalablement avoir décidé de modifier les statuts de la société en ce sens, la situation qui déclenchera la suspension des droits extraordinaires concernant ces dirigeants sociaux est définie par le texte proposé comme la circonstance où « l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, détient à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Cette définition s'appuie sur trois séries d'éléments 151 ( * ) :

- l'auteur de l'offre a pu agir seul ou de concert ;

- il peut être parvenu à détenir la fraction requise de la société cible en capital ou en droits de vote ;

- la fraction du capital ou des droits de vote ainsi détenue doit être supérieure à une quotité que fixera le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

En ce qui concerne ce dernier point, la quotité que retiendra l'AMF , d'après les informations communiquées à votre rapporteur général, pourrait être comprise entre 50,01 % et 66,66 % c'est-à-dire entre la majorité simple et la majorité des deux tiers. Cette dernière correspond à la majorité requise, notamment, et sous réserve des exigences de quorum, pour l'adoption des résolutions d'assemblée générale extraordinaire, conformément au troisième alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce 152 ( * ) .

Sur le plan de la procédure décisionnelle, il convient de noter que la publication au Journal officiel de la quotité retenue par l'AMF devra être précédée d'une homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie , conformément à l'article L. 621-6 du code monétaire et financier. Le ministre, au besoin, pourra par conséquent engager un dialogue constructif avec l'Autorité, juridiquement indépendante 153 ( * ) .

Il y a lieu de remarquer, d'autre part, que la quotité que l'AMF devra ainsi fixer dans le cadre du présent article ne revêt pas, à l'égard des seuils qu'elle devra fixer en ce qui concerne les articles 16 et 17 du présent projet de loi, le même caractère interdépendant que ces deux derniers seuils entre eux 154 ( * ) . En effet, si l'ensemble de ces trois articles, en organisant le régime des restrictions de vote et des droits extraordinaires concernant les dirigeants en cas d'offre publique réussie, participent d'une économie générale, la présente disposition, en traitant exclusivement des droits extraordinaires, couvre un champ d'application spécifique.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les dispositions du présent article s'inspirent des observations formulées par le groupe de travail animé par M. Jean-François Lepetit sur la nécessité de rendre effective la prise de contrôle des entreprises par les auteurs d'offres publiques d'acquisition réussies 155 ( * ) . De fait, en donnant aux entreprises qui le souhaitent la possibilité de suspendre les droits extraordinaires, fixés par les statuts, concernant la nomination et la révocation des dirigeants sociaux, dès qu'est atteint, par l'initiateur d'une offre, un certain seuil de détention du capital ou des droits de vote ou, plus exactement, en rappelant aux sociétés leur faculté à cet égard 156 ( * ) , le présent article introduit un instrument utile , complémentaire de l'article 17 du présent projet de loi. Il sera de nature à éviter que ces droits extraordinaires ne contredisent la situation normale d'un actionnaire majoritaire en l'empêchant de renouveler la direction de la société .

En ce qui concerne le seuil que devra fixer l'Autorité des marchés financiers , d'ailleurs, comme dans le cadre de l'article 17 du présent projet de loi, votre rapporteur général considère qu' une fraction de capital ou de droits de vote proche de 50,01 %, s'agissant d'une disposition optionnelle, serait opportune en vue de contribuer à assurer la meilleure compétitivité des entreprises françaises.

Votre commission vous propose un amendement de coordination et de cohérence avec certains articles précédents du présent projet de loi (cf. commentaire de l'article 10), tendant à préciser qu'une société cible cotée est une société dont « les instruments financiers », plutôt que « des actions », sont admis à la négociation sur un marché réglementé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 19
Publicité par l'Autorité des marchés financiers des cas de suspension volontaire

Commentaire : le présent article prévoit que, dans le cas où une société a décidé, sur une base volontaire, la mise en place de mécanismes de suspension automatique en période d'offre ou à l'issue d'une offre réussie, elle en informe l'Autorité des marchés financiers, qui rend cette décision publique.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'ORGANISATION D'UN RÉGIME DE PUBLICITÉ OFFICIELLE DES SUSPENSIONS VOLONTAIRES

Le présent article propose d'introduire dans le code de commerce un article L. 233-40 157 ( * ) .

Ce nouveau texte, en synthèse, prévoit que, dans le cas où une société a décidé de mettre en oeuvre l'un des dispositifs ouverts par les articles 13 à 15 et 17 et 18 du présent projet de loi, elle informe de sa décision l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il revient alors à cette Autorité de pourvoir à la publicité de la décision qui lui a été ainsi notifiée.

1. Champ d'application

Le champ d'application du présent article est déterminé par la référence de celui-ci aux articles L. 233-35 à L. 233-39 du code de commerce, que proposent les articles 13 à 15 et 17 et 18 du présent projet de loi. Le régime de publicité ainsi institué, dans le détail, concerne les trois séries d'hypothèses suivantes :

- la mise en place, dans les statuts de la société en cause, d'un principe d' inopposabilité, en période d'offre publique et à l'égard de l'auteur de cette offre, des restrictions conventionnelles au transfert d'actions de cette société 158 ( * ) ;

- la mise en place, dans les statuts de la société en cause, d'une suspension automatique, en période d'offre publique et en ce qui concerne les assemblées réunies aux fins d'adopter toute mesure susceptible de faire échouer cette offre, des restrictions conventionnelles ou statutaires à l'exercice des droits de vote attachés aux actions de cette société 159 ( * ) ;

- la mise en place, dans les statuts de la société en cause, d'une suspension automatique, à l'issue d'une offre publique dont elles ont été la cible et qui a réussi, des restrictions statutaires ou conventionnelles à l'exercice des droits de vote attachés aux actions de cette société 160 ( * ) , ou des droits extraordinaires , attachés à certains actionnaires, concernant la nomination ou la révocation des dirigeants sociaux 161 ( * ) .

Toutes les entreprises qui, l'ayant souhaité, auront procédé à l'inscription, dans leurs statuts, de clauses suspensives de ce type, seront tenues de porter ces clauses à la connaissance de l'AMF.

2. Procédure

La procédure de notification à l'Autorité des marchés financiers, en l'état de la rédaction du présent article, n'est pas précisée. Le texte, en effet, appréhendé littéralement, se borne énoncer que la société concernée « informe » l'AMF .

En revanche, s'agissant des conditions et des modalités selon lesquelles l'AMF pourvoit à la publicité de la décision qui lui a été notifiée par la société, le présent article renvoie expressément au règlement général de l'Autorité elle-même.

Dans son principe, ce renvoi est conforme au paragraphe II de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, qui assigne à l'AMF la mission de déterminer, dans son règlement général, les règles relatives aux offres publiques d'acquisition. Suivant la procédure fixée par l'article L. 621-6 du même code, la publication au Journal officiel des règles ainsi retenues par l'Autorité devra être précédée d'une homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie .

B. UNE TRANSPOSITION DES PRESCRIPTIONS COMMUNAUTAIRES

Le présent article, en instituant une procédure de notification à l'AMF en vue de rendre publique les décisions des sociétés d'instaurer des clauses de suspension, vise à assurer la transposition de l'un des objectifs fixés, à titre subsidiaire, par le paragraphe 2 de l'article 12 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition.

Aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de cette directive, en effet, les Etats membres sont libres de ne pas imposer aux sociétés dont le siège social se trouve sur leur territoire l'application, notamment, de l'article 11 de la même directive, lequel fixe un objectif de neutralisation des restrictions , pendant une offre publique et/ou après la réussite de celle-ci, en ce qui concerne le transfert d'actions, l'exercice des droits de vote et les droits extraordinaires visant les dirigeants. Le paragraphe 2 de l'article 12, néanmoins, oblige les Etats qui optent ainsi pour la non mise en oeuvre de l'article 11 à donner aux sociétés le choix (réversible) de se conformer aux dispositions de ce dernier article, la décision devant en être prise par l'assemblée générale des actionnaires et conformément au droit national. C'est là précisément l'option retenue par le gouvernement (sauf en ce qui concerne l'inopposabilité des restrictions statutaires aux transferts de titres), et transposée par les articles 13 à 15 et 17 et 18 du présent projet de loi, chacun pour son champ d'application propre 162 ( * ) .

Or, dans un tel cas, le paragraphe 2, précité, de l'article 12 de la directive prévoit que la décision est « notifiée à l'autorité de contrôle [en matière d'offres publiques] de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve le siège social de la société ». Dans le cas de la France, cette autorité de contrôle est en pratique, aujourd'hui, l'AMF. Le présent article met donc fidèlement en oeuvre les prescriptions communautaires.

Celles-ci, notamment, tendent à permettre aux sociétés ayant procédé à la notification prévue, dans le cas où elles seraient à l'origine d'une offre publique d'acquisition, d'échapper à la règle de réciprocité fixée par le paragraphe 3 de l'article 12, précité, de la directive, que pourrait leur opposer les sociétés cibles 163 ( * ) . En effet, dès lors qu'une publicité officielle a été donnée aux clauses de suspension mises en place dans les statuts de l'auteur de l'offre, la cible ne peut plus valablement invoquer la réciprocité en vue de lever ses propres règles statutaires équivalentes .

Il convient enfin de noter que le paragraphe 2, précité, de l'article 12 de la directive , outre la procédure dont la transposition est l'objet du présent article, prévoit également une notification des décisions volontaires de suspension « à toutes les autorités de contrôle des États membres dans lesquels ses titres sont admis à la négociation sur des marchés réglementés ou dans lesquels une demande à cet effet a été introduite ». Suivant les informations communiquées à votre rapporteur général, c'est au niveau réglementaire que cet aspect sera transposé en droit interne et, plus précisément, par le règlement général de l'AMF. En pratique, en vue d'épargner aux entreprises un surcroît de charge de gestion administrative, l'AMF devrait assurer elle-même cette notification auprès de ses homologues européens .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans son principe, le régime de publicité officielle des clauses suspensives volontairement introduites dans leurs statuts par les sociétés, que propose le présent article satisfaisant aux prescriptions communautaires, est intrinsèquement de nature à assurer l'information nécessaire au bon fonctionnement des opérations financières .

Sur le plan des modalités, bien que l'on institue, de fait, une formalité nouvelle la notification à l'Autorité des marchés financiers , cette formalité, compte tenu de son caractère de simple déclaration a posteriori , n'entraînera pas, pour les entreprises concernées, d'alourdissement significatif de leurs contraintes d'ordre administratif . Votre rapporteur général se félicite d'ailleurs, à cet égard, des orientations, signalées ci-dessus, concernant la transposition de l'objectif de notification aux autres autorités de contrôle européennes. Au demeurant, il reviendra à l'AMF, sous le regard de l'autorité d'homologation de son règlement général 164 ( * ) , de veiller à instaurer les règles procédurales les plus simples possibles.

Votre rapporteur général vous propose cependant un amendement rédactionnel au présent article, en vue de clarifier le sens du futur article L. 233-40 du code de commerce. Il s'agit d' attribuer clairement à l'AMF la compétence d'organiser, outre la procédure suivant laquelle elle rend publiques les décisions de sociétés de mettre en place des mécanismes de suspension, la procédure suivant laquelle ces décisions lui sont préalablement notifiées par les sociétés en cause . En l'état de la rédaction du texte, en effet, et malgré les intentions gouvernementales à cet égard, telles qu'elles ont été confirmées à votre rapporteur général, seule la détermination des conditions et modalités de la première de ces procédures est sans ambiguïté confiée à l'AMF. Il n'y a cependant pas de raison de mettre à part, en termes de compétence réglementaire d'application, la procédure de notification.

Votre rapporteur général vous propose également un amendement tendant à permettre que les sociétés qui ont fait le choix d'appliquer les dispositions de l'article 11 de la directive puissent se prévaloir de la réciprocité si le ou les offrant(s) n'ont pas prévu de telles suspensions ou inopposabilités des clauses statutaires et conventionnelles. Il considère en effet que le principe de réciprocité revêt un caractère fondamental, en ce qu'il permet d'établir une égalité des conditions, et constitue la contrepartie et une incitation nécessaires à la « vertu » des entreprises, que ce soit au titre des dispositions de l'article 9 de la directive ou de celles de l'article 11.

Cette réciprocité ne devrait toutefois s'exercer que pour les options exercées volontairement par les sociétés, sans préjudice des suspensions d'ordre public issues de la doctrine de l'Autorité des marchés financiers, et dont la consécration législative est prévue par les articles 13 et 16 du présent projet de loi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 20
Dispositions de coordination

Commentaire : le présent article procède à diverses dispositions de coordination.

Les dispositions de coordination, rendues nécessaires par le présent projet de loi, sont organisées en trois paragraphes par le présent article.

Le paragraphe I vise à l' abrogation de l'article L. 225-129-3 du code de commerce . En effet, les dispositions de cet article se trouvent reprises et modifiées par le texte proposé par l'article 10 du présent projet de loi pour l'article L. 233-32 du même code 165 ( * ) .

Le paragraphe II , disposition "balai", prévoit logiquement que, dans tous les textes législatifs et réglementaires, la référence à l'article L. 225-129-3 du code de commerce article abrogé est remplacée par la référence à l'article L. 233-32 du même code.

Le paragraphe III , enfin, procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 433-2 du code monétaire et financier .

Cet article, dans sa rédaction en vigueur, dispose en effet que « la suspension, en période d'offre publique, des délégations consenties par l'assemblée générale au conseil d'administration pour réaliser des augmentations de capital est régie par l'article L. 225-129-3 du code de commerce », et il reproduit ce dernier.

Le paragraphe III du présent article tient compte, d'une part, de l'abrogation précitée de l'article L. 225-129-3 du code de commerce et, d'autre part, des articles L. 233-32 à L. 233-40 introduits dans ce code par les articles 10 à 15 et 17 à 19 du présent projet de loi 166 ( * ) . Il propose ainsi, pour l'article L. 433-2 du code monétaire et financier, cette nouvelle rédaction : « En période d'offre publique, les mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre et les restrictions au transfert d'actions et au droit de vote sont régies par les articles L. 233-32 à L. 233-40 du code de commerce. »

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 21
Entrée en vigueur de la loi et dispositions transitoires

Commentaire : le présent article fixe au 20 mai 2006 l'entrée en vigueur de la loi et prévoit que, jusqu'à cette date, par exception au droit en vigueur, les éventuelles délégations d'assemblée générale en vue d'une augmentation de capital ne sont pas suspendues en cours d'offre publique d'acquisition.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DÉLÉGATIONS DE POUVOIR DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE EN VUE DE L'ÉMISSION DE TITRES

Le premier alinéa de l'article L. 225-129-1 du code de commerce donne une compétence exclusive à l'assemblée générale extraordinaire pour décider, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, une augmentation du capital de la société. La même disposition ouvre cependant à l'assemblée générale extraordinaire, lorsqu'elle décide l'augmentation de capital, la possibilité de déléguer au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de fixer les modalités de l'émission des titres correspondants.

L'article L. 225-129-2 du même code (auquel renvoie expressément le premier alinéa, précité, de l'article L. 225-129-1) encadre cette procédure.

Ainsi, en vertu du premier alinéa de ce texte, l'assemblée générale extraordinaire doit fixer :

- d'une part, la durée pendant la laquelle la délégation peut être utilisée par le conseil d'administration ou le directoire, dans la limite de vingt-six mois au maximum ;

- d'autre part, le plafond global de l'augmentation de capital décidée 167 ( * ) .

Le deuxième alinéa de l'article L. 225-129-2 précise que la délégation de l'assemblée générale extraordinaire au conseil d'administration ou au directoire, en vue de fixer les modalités de l'émission de titres, « prive d'effet toute délégation antérieure ayant le même objet ». Le quatrième alinéa du même article énonce que, « dans la limite de la délégation donnée par l'assemblée générale, le conseil d'administration ou le directoire dispose des pouvoirs nécessaires pour fixer les conditions d'émission, constater la réalisation des augmentations de capital qui en résultent et procéder à la modification corrélative des statuts ».

En outre, l'article L. 225-129-4 du code de commerce, en ce qui concerne les sociétés anonymes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ouvre la possibilité de subdélégations . Le texte distingue, à cet effet, selon que la délégation a été accordée au conseil d'administration ou au directoire. Dans le premier cas, l'article énonce en son deuxième alinéa (a) que « le conseil d'administration peut, dans les limites qu'il aura préalablement fixées, déléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués le pouvoir de décider la réalisation de l'émission, ainsi que celui d'y surseoir ». Dans le second cas, le troisième alinéa du même article (b) prévoit que « le directoire peut déléguer à son président ou, en accord avec celui-ci, à l'un de ses membres le pouvoir de décider la réalisation de l'émission, ainsi que celui d'y surseoir ». En tout état de cause, le quatrième et dernier alinéa de cet article impose que « les personnes désignées rendent compte au conseil d'administration ou au directoire de l'utilisation faite de ce pouvoir dans les conditions prévues par ces derniers ».

B. LA SUSPENSION OBLIGATOIRE EN PÉRIODE D'OFFRE PUBLIQUE D'ACQUISITION DES DÉLÉGATIONS EN VUE DE L'ÉMISSION DE TITRES

L'article L. 225-129-3 du code de commerce dispose qu'en principe « toute délégation de l'assemblée générale est suspendue en période d'offre publique d'achat ou d'échange sur les titres de la société ». L'article réserve cependant le cas où la délégation « s'inscrit dans le cours normal de l'activité de la société et [où] sa mise en oeuvre n'est pas susceptible de faire échouer l'offre ».

Introduite par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, cette règle correspond à l'objectif fixé par le paragraphe 2 de l'article 9 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition 168 ( * ) .

Il convient de remarquer que, dans le cas où une subdélégation aurait été décidée, sur le fondement de l'article L. 225-129-4, précité, du code de commerce, par le conseil d'administration ou par le directoire d'une société anonyme dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, la suspension de la délégation d'assemblée générale, base nécessaire de la subdélégation, implique ipso facto la suspension de cette dernière .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA FIXATION DE LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI AU 20 MAI 2006

La première phrase du présent article prévoit que la loi relative aux offres publiques d'acquisition entrera en vigueur le 20 mai 2006 . Cette date correspond au délai limite de transposition de la directive précitée 2004/25/CE, que fixe le paragraphe 1 de son article 21.

Par conséquent, notamment, à cette date, en application du paragraphe I de l'article 20 du présent projet de loi, l'article L. 225-129-3 , précité, du code de commerce sera abrogé. La substance de cette règle de suspension des délégations d'assemblée générale en période d'offre publique sera alors reprise , conformément à l'article 10 du présent projet de loi, dans le nouvel article L. 233-32 du même code : ce texte impose aux organes de direction ou d'administration des sociétés faisant l'objet d'une offre publique d'obtenir, pendant la période de l'offre, l'approbation ou la confirmation préalable de l'assemblée générale extraordinaire en vue de mettre en oeuvre des mesures susceptibles de faire échouer cette offre 169 ( * ) .

B. L'INSTAURATION D'UNE PÉRIODE TRANSITOIRE DE NEUTRALISATION DE LA RÈGLE DE SUSPENSION EN PÉRIODE D'OFFRE PUBLIQUE D'ACQUISITION DES DÉLÉGATIONS EN VUE DE L'ÉMISSION DE TITRES

La seconde phrase du présent article propose que, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi par exception au principe posé par l'article L. 225-129-3 , précité, encore en vigueur les éventuelles délégations d'assemblée générale en vue d'une augmentation de capital ne soient pas suspendues en cours d'offre publique d'acquisition . En d'autres termes, il s'agit d'organiser une mesure temporaire de « suspension des suspensions » des délégations d'assemblée générale.

De la sorte, le présent article instaure, jusqu'au 20 mai 2006, une période transitoire qui, en pratique , conformément aux règles régissant l'entrée en vigueur des lois 170 ( * ) , commencera le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

Il s'agit de tenir compte que le droit en vigueur l'article L. 225-129-3 du code de commerce ne permet pas aux entreprises de bénéficier de la clause de réciprocité introduite , conformément à l'objectif de l'article 12 de la directive 2004/25/CE précitée, par l'article 11 du présent projet de loi (avec le futur article L. 233-33 du code de commerce). On rappelle que la clause de réciprocité, en effet, dispense une société cible d'appliquer le principe de l'approbation préalable, en période d'offre publique, des mesures de défense par l'assemblée générale extraordinaire, lorsque cette société fait l'objet d'une offre initiée par une société qui n'applique pas ledit principe 171 ( * ) . Dans l'attente de l'entrée en vigueur de ces dispositions en même temps que les dispositions équivalentes à l'actuel article L. 225-129-3 172 ( * ) , les entreprises françaises ne seront pas tenues au respect de ce dernier, c'est-à-dire de suspendre, en période d'offre, les délégations d'assemblée générale aux fins d'augmenter le capital.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve, dans son principe , l'organisation, par le présent article, d'un régime transitoire de neutralisation de la règle de suspension, en période d'offre publique d'acquisition, des délégations d'assemblée générale en vue de l'émission de titres. Il s'agit d' une mesure raisonnable, qui tend à dispenser les entreprises françaises, pour une brève période transitoire, de devoir appliquer un régime moins protecteur, pour elles, que celui que met en place le présent projet de loi en suivant fidèlement les prescriptions communautaires.

Cependant, votre rapporteur général vous propose un amendement visant à avancer la date d'entrée en vigueur de la loi, au 15 mars 2006 . Cette date paraît en effet préférable à celle du 20 mai 2006 proposée par le présent article, en vue de permettre à l'ensemble des entreprises, dont les assemblées générales extraordinaires , annuelles, se tiennent en pratique entre les mois d'avril et de juin, de proposer dès 2006 les résolutions qui résulteront de l'application de la loi . Il convient au reste de noter que la date du 20 mai 2006 qui, comme on l'a signalé, correspond au délai limite fixé par la directive 2004/25/CE pour sa transposition ne revêt aucun caractère impératif ex ante .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 13 octobre 2005, sous la présidence de M. Denis Badré, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur le projet de loi n° 508 (2004-2005) r elatif aux offres publiques d'acquisition .

M. Philippe Marini, rapporteur général , a préalablement rappelé qu'il avait travaillé en concertation avec la commission des lois, qui s'était saisie pour avis de certains articles du projet de loi.

Il a indiqué qu'il s'agissait d'un texte apparemment de simple transposition, mais qui avait pris une tournure plus politique en dépit d'un dispositif très technique et touchant à un domaine particulier du droit boursier.

Il a souligné que le projet de loi, qui proposait de transposer certaines dispositions de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition (OPA), intervenait dans un contexte marqué par une reprise du mouvement de fusions et acquisitions à l'échelle internationale. Il a précisé que cette tendance n'épargnait pas le marché français, qui était le théâtre d'opérations nationales d'envergure - telles que le rachat d'Aventis par Sanofi en mai 2004 - ou de rachats par des concurrents étrangers, tels que l'OPA d'Alcan sur Péchiney fin 2003. Il a ajouté que ce contexte se caractérisait également par une certaine sensibilité de l'opinion, qui avait été récemment alimentée par des rumeurs de marché comme celles de l'été 2005 relatives à l'intérêt de Pepsico pour Danone, et que l'on retrouvait encore aujourd'hui avec le débat autour du thème du « patriotisme économique ».

Abordant les enjeux de compétitivité, il a souligné l'importance de ce texte compte tenu de la globalisation des marchés boursiers, et que les OPA participaient de la mobilité et de la vitalité du tissu économique, en permettant, en particulier, l'obtention de la taille critique ou de synergies industrielles et commerciales, la conquête plus rapide de parts de marché, voire la remise en cause d'une mauvaise gestion et d'une direction.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la simple probabilité de ces opérations constituait un facteur incitatif à la création de valeur et à la préservation des intérêts patrimoniaux des actionnaires.

Il a ajouté que les OPA revêtaient fréquemment une portée symbolique lorsque des actifs et un savoir-faire français devenaient la propriété d'acquéreurs étrangers. Il a souligné que les avantages des OPA tendaient néanmoins à l'emporter sur leurs inconvénients et qu'une offre publique pouvait, en réalité, exercer un impact positif pour l'actionnaire de la société cible, pour la société cible elle-même, pour la société initiatrice et enfin pour l'économie nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué, en outre, que les menaces d'OPA étaient loin d'être « à sens unique » et que les sociétés françaises, au cours de la période récente, avaient été en réalité plus en position d'acquéreur que de cible. Les sociétés initiatrices françaises figuraient ainsi, au 21 septembre 2005, au premier rang des fusions-acquisitions sur des entreprises européennes.

Il a rappelé que la directive relative aux OPA, en dépit de ses lacunes et de son cheminement cahoteux, avait le mérite d'exister et de progresser dans la voie de l'harmonisation des droits nationaux des offres publiques, en particulier sur les questions du prix et des modalités d'adoption des mesures de défense, et répondait à la plupart des préoccupations que son collègue Yann Gaillard avait exprimées dans sa proposition de résolution de février 2003, adoptée par la commission le 12 mars 2003. Il a indiqué qu'il avait d'ailleurs déjà manifesté sa vigilance sur le processus d'adoption de la directive, en déposant une proposition de résolution, devenue résolution du Sénat le 6 juillet 2000, qui demandait une clarification de certaines dispositions sur la protection des actionnaires minoritaires. M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué que le projet de loi proposait une transposition de cette directive, qu'il jugeait équilibrée.

Il a ensuite fait un bref rappel historique en évoquant que le projet communautaire de directive portant sur un cadre harmonisé des OPA remontait à juin 1985, lorsque fut publié le Livre blanc de la Commission européenne sur l'achèvement du marché intérieur. Son adoption était alors prévue pour 1989, mais la première proposition n'avait été présentée par la Commission que le 19 janvier 1989. Le texte avait ensuite fait l'objet de controverses et de versions successives, avant de n'être finalement adopté que le 21 avril 2004, dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers.

Concernant les termes du débat communautaire, il a rappelé que les oppositions au sein des Etats membres s'étaient essentiellement cristallisées sur le manque d'« égalité des conditions de jeu », c'est-à-dire l'inégalité quant aux moyens de défense susceptibles d'être engagés par les sociétés cibles, et sur l'obligation pour les dirigeants d'obtenir l'autorisation de l'assemblée générale pour adopter de telles mesures. Cette irruption du débat sur l'égalité des conditions avait largement influencé la conception même d'une réglementation des offres publiques au sein de l'Union européenne.

Evoquant une directive à « géométrie variable », M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé qu'elle reposait essentiellement sur les principes de protection accrue des actionnaires minoritaires, de transparence des opérations et du contrôle, de proportionnalité entre la prise de risque et le contrôle exercé après le lancement de l'offre, et de neutralisation de certaines mesures de défense.

Il a ajouté que certaines dispositions majeures faisaient toutefois l'objet d'une harmonisation « à la carte » et que l'accord du Parlement européen et du Conseil n'avait pu être obtenu qu'au prix du caractère optionnel et non plus obligatoire de certaines des dispositions les plus importantes de la directive, qu'étaient celles de l'article 9, relatif à l'approbation préalable des mesures de défense par l'assemblée générale et, de l'article 11, relatif à la neutralisation des restrictions statutaires et conventionnelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote.

Il a souligné que certaines critiques des Etats membres avaient été apaisées par les dispositions de l'article 12, qui prévoyaient un système de double option exercée par les Etats et les sociétés, lesquelles pouvaient volontairement appliquer les dispositions des articles 9 et 11, si l'Etat membre de leur siège ne les leur imposait pas, assortie d'une clause de réciprocité portant sur l'un et/ou l'autre de ces deux articles.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les choix de transposition du gouvernement se fondaient largement sur les conclusions du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit, dont le rapport avait été remis le 27 juin 2005, proposant une application différenciée des options ouvertes par l'article 12 de la directive. Le présent texte intégrait, dès lors, certaines conséquences importantes de la nouvelle législation communautaire, tout en préservant certains principes généraux du droit français.

Il a souligné que le projet de loi tendait à renforcer le rôle central de l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui promouvait un certain nombre de principes généraux régissant le bon déroulement des offres publiques, mentionnés dans l'article 231-3 de son règlement général, tels que le libre jeu des offres et de leurs surenchères, l'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, la transparence et l'intégrité du marché et la loyauté dans les transactions et compétition.

Il a précisé qu'au-delà du régime qu'elle contribuait à façonner, l'AMF disposait également d'une certaine latitude pour clarifier les modalités d'une offre imminente ou en cours, que ce soit par exemple en vue de demander des précisions à un offrant pressenti par des rumeurs ou pour invalider certaines mesures de défense prises par la cible.

Il a indiqué qu'une société cotée qui faisait l'objet d'une OPA disposait de plusieurs moyens de défense, décidés préventivement ou en cours d'offre, dont l'efficacité et la fréquence devaient toutefois être relativisées. Il a ainsi mentionné les clauses portant sur les cessions de titres présentes dans certains pactes d'actionnaires, le recours à l'autocontrôle dans la limite de 10 % du capital, l'augmentation ou la réduction du capital, le plafonnement des droits de vote ou la forme sociale de société en commandite par actions.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a néanmoins indiqué que ces mesures ne pouvaient faire l'objet d'une improvisation. Il a estimé que leur crédibilité exigeait qu'elles soient accompagnées d'un véritable projet stratégique, susceptible de représenter une alternative à celui de l'initiateur et d'emporter la conviction des actionnaires. Il a estimé que ces mesures permettaient le plus souvent de « gagner du temps » et que la meilleure défense consistait finalement en une augmentation régulière du cours de bourse, comme en témoignait la fréquence des OPA en période de vulnérabilité boursière des sociétés cibles.

Puis il a procédé à la présentation de ses propositions.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré que celles-ci étaient guidées par des idées directrices simples. Il a précisé qu'il fallait donner à l'assemblée générale, juge en dernier ressort de l'intérêt de l'entreprise, les moyens d'exercer en connaissance de cause les responsabilités que lui conférait la directive, ce qui impliquait que les délais de convocation de l'assemblée générale fussent raccourcis pour être cohérents avec la période d'offre. Il a souligné que le nouveau régime ne devait pas pénaliser les petits actionnaires, et qu'il était dès lors nécessaire de donner toute sa portée au principe de réciprocité, de façon à ne pas rendre irréversible le désarmement volontaire vis-à-vis d'un offrant qui n'appliquerait pas les mêmes règles du jeu.

Il a considéré qu'il importait de prêter une attention particulière à la définition du « prix équitable », prévue par la directive, dans le cadre d'une offre publique obligatoire. Rappelant que l'AMF demeurait en charge de la recevabilité des offres et disposait de la faculté de demander la modification du prix proposé, en se fondant en particulier sur l' « analyse multicritères » en cas de dysfonctionnements du marché rendant le cours de bourse non significatif, il a estimé que la notion de prix équitable requérait une interprétation précise de la directive. Il a déclaré qu'il tendait à privilégier une lecture plus proche des dispositions communautaires, lesquelles définissaient le prix équitable comme le prix le plus élevé payé par l'offrant, et a proposé deux amendements tendant, d'une part, à prévoir que le prix proposé soit « équivalent » au prix le plus élevé payé par l'offrant (et ne consiste donc pas en un prix minimum « au moins équivalent ») et, d'autre part, à insérer dans la loi, plutôt que dans le règlement général de l'AMF, une période de douze mois constituant la référence pour la détermination de ce prix équitable.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a proposé un nouveau seuil spécifique de mise en oeuvre des offres publiques de retrait obligatoire consécutives à une offre publique d'acquisition, et a indiqué que l'article 5 du projet de loi maintenait le seuil de 95 % du capital ou des droits de vote, qui correspondait à la première des deux options ouvertes par l'article 15 de la directive, et au seuil actuel de mise en oeuvre d'une offre publique de retrait obligatoire en complément d'une offre publique de retrait, instauré en 1993. Il a estimé que la France serait toutefois fondée à exercer plutôt la seconde option, qui correspondait à un seuil représentant 90 % du capital assorti des droits de vote de la société cible et 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, lesquels étaient souvent désignés comme le « flottant ».

Il a estimé que cette solution, qui se traduisait par un seuil supérieur ou égal à 90 %, selon la participation initialement détenue par l'initiateur de l'offre, était en effet plus pragmatique en ce qu'elle tenait compte de la liquidité de la société cible et accordait une prime à l'offrant qui initiait l'opération « les mains vides », et permettait de se rapprocher du seuil appliqué par d'autres Etats membres, tels que le Royaume-Uni et la Belgique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a également indiqué qu'il partageait l'approche transcrite aux articles 10 à 19 du projet de loi, s'agissant des options ouvertes sur les articles 9 et 11 de la directive. Il a souligné que la transposition « défensive » des dispositions de l'article 9, c'est-à-dire le principe de l'approbation ou de la confirmation préalable par l'assemblée générale, en cours d'offre, des mesures de défense envisagées par la société cible, permettait en effet de promouvoir le rôle des actionnaires, qui devaient pouvoir apprécier l'intérêt d'une opération exerçant des conséquences sur leurs droits patrimoniaux, indépendamment des intérêts des dirigeants. Il a rappelé que la levée de l'option afférente à la réserve de réciprocité permettait néanmoins d'établir une égalité des conditions entre l'offrant et la société cible.

Concernant les dispositions optionnelles de l'article 11 de la directive, relatives à la suspension ou à l'inopposabilité, en période d'offre, des restrictions statutaires ou conventionnelles au transfert de titres et à l'exercice des droits de vote, M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré qu'il adhérait au principe de liberté des sociétés promu par le projet de loi, et à la consécration législative de certaines suspensions d'ores et déjà appliquées par l'AMF.

Il a toutefois considéré que les sociétés qui choisissaient à titre individuel l'option d'adhérer totalement aux dispositions de l'article 11 de la directive devaient également pouvoir se prévaloir du principe de réciprocité, et donc écarter ces contraintes si elles étaient attaquées par des initiateurs qui n'adhéraient pas aux mêmes « règles du jeu ». Il a ainsi estimé qu'il convenait d'exploiter au mieux toutes les options offertes par la directive.

Un débat s'est alors instauré.

Mme Nicole Bricq a souligné l'opposition qui existait, selon elle, entre les déclarations du Premier ministre sur le patriotisme économique et l'encouragement à l'application de la clause de réciprocité afférente à l'article 9 de la directive, reprise par le projet de loi.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé qu'il n'existait pas d'alternative à la possibilité de s'en remettre à l'assemblée générale des actionnaires, dans la mesure où l'offre devrait in fine convaincre ces derniers.

Mme Nicole Bricq a indiqué qu'elle aurait souhaité un texte plus ambitieux au regard de la protection de l'ordre public économique, dans un contexte où les fusions et les acquisitions avaient pour conséquence des délocalisations et des fermetures de sites.

M. Jean Arthuis a observé qu'il ne convenait pas tant de déterminer la nationalité du capital des entreprises que de considérer la localisation du siège des sociétés.

M. Denis Badré, président, a rappelé les travaux qu'avait conduits en 2001 la mission commune d'information sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, qu'il avait présidée, au sujet de la nationalité des entreprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré partager la volonté de M. Jean Arthuis sur la nécessité de « briser certains tabous », soulignant en particulier qu'il existait, selon lui, « de bonnes OPA ».

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par M. Philippe Marini, rapporteur général .

A l'article 2 (pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers), la commission a adopté deux amendements tendant à préciser ce qu'il fallait entendre par prix équitable en cas d'offre publique obligatoire et un amendement tendant à clarifier les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers en la matière.

A l' article 5 (aménagement du régime du retrait obligatoire), la commission a adopté deux amendements. Le premier amendement propose que soit exercée la seconde option prévue par la directive, consistant à autoriser un retrait obligatoire à l'issue d'une offre publique, dès que l'offrant a acquis au moins 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre d'une part, et détient in fine un minimum de 90 % du capital et des droits de vote. Le second amendement prévoit que l'indemnisation effectuée dans le cadre du retrait obligatoire consécutif à une offre publique puisse être constituée par un règlement en titres à condition qu'un règlement en numéraire soit systématiquement proposé à titre d'option.

A l'article 6 (transparence des mesures susceptibles d'avoir une influence sur le cours de l'offre), après une intervention de Mme Nicole Bricq , la commission a adopté un amendement de clarification, ainsi qu'un amendement rédactionnel et trois amendements de précision.

A l'article 7 (information des salariés), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (approbation préalable ou confirmation des mesures de défense par l'assemblée générale en période d'offre), elle a adopté un amendement apportant deux modifications rédactionnelles, un amendement prévoyant la possibilité de réduire, par voie réglementaire, les délais de convocation de l'assemblée générale en période d'offre, ainsi que deux autres amendements rédactionnels.

A l'article 11 (clause de réciprocité), après une intervention de M. Denis Badré , la commission a adopté deux amendements. Le premier présente un caractère rédactionnel et le second tend à modifier l'application de la clause de réciprocité afférente à l'article 9 de la directive, en cas d'offres publiques concurrentes, afin d'éviter que des offrants potentiels n'appliquant pas le régime de gouvernance de l'article 9 ne puissent bénéficier des mesures de désarmement de la directive qu'une société cible serait obligée de prendre en cas d'offre émanant d'un initiateur vertueux.

A l'article 12 (inopposabilité obligatoire des restrictions statutaires au transfert de titres), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 13 (inopposabilité obligatoire des restrictions statutaires au transfert de titres), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 14 (suspension facultative des restrictions contractuelles à l'exercice des droits de vote), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 15 (suspension facultative des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote), elle a adopté deux amendements, l'un de conséquence et l'autre rédactionnel.

A l'article 16 (suspension des restrictions statutaires en cas de réussite de l'offre), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 17 (suspension sur une base volontaire des restrictions statutaires et conventionnelles en cas de réussite de l'offre), après avoir adopté un amendement de coordination, elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 18 (suspension sur une base volontaire des droits extraordinaires concernant les dirigeants sociaux en cas de réussite de l'offre), elle a adopté un amendement de coordination avec un amendement apporté à l'article 10.

A l'article 19 (publicité par l'Autorité des marchés financiers des cas de suspension volontaire), la commission a adopté deux amendements, l'un rédactionnel et l'autre relatif à l'application de la clause de réciprocité aux dispositions de l'article 11 de la directive OPA.

A l'article 21 (entrée en vigueur de la loi et dispositions transitoires), après une intervention de Mme Nicole Bricq , elle a adopté un amendement tendant à avancer la date d'entrée en vigueur de la loi au 15 mars 2006.

M. Jean Arthuis, président , a remercié M. Philippe Marini, rapporteur général, pour la qualité de son travail et les améliorations significatives qu'il avait proposées dans ses amendements, nonobstant la brièveté des délais qui avaient présidé à la rédaction de son rapport.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR

- Me Jean-Pierre Martel , avocat associé du cabinet Rambaud Martel ;

- M. Hubert de Vauplane , directeur juridique BNP-Paribas (Banque de Financement et d'Investissement - BFI) ;

- M. Gérard Rameix , secrétaire général, et M. Olivier Douvreleur , directeur juridique de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) ;

- M. Jean Michel Naulot , membre du collège de l'AMF ;

- Mme Joëlle Simon , directeur juridique du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

- Mme Agnès Lépinay , directeur des affaires économiques financières et fiscales du MEDEF ;

- Mme Karine Grossetete , responsable des relations avec le Parlement français, au MEDEF ;

- M. Xavier Musca , directeur général du Trésor et de la politique économique (DGTPE) ;

- Mme Delphine D'Amarzit , conseiller technique au cabinet de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- M. Emmanuel Lacresse , chef du bureau « Epargne et marchés financiers » (DGTPE) ;

- Me Jean-Michel Darrois , avocat associé du cabinet Darrois-Villey.

ANNEXE N° 2 :
DIRECTIVE 2004/25/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 21 AVRIL 2004 CONCERNANT LES OFFRES PUBLIQUES D'ACQUISITION

* 1 Défense récemment illustrée par la liste réglementaire des secteurs visés par l'article L. 151-3 du code monétaire et financier , lequel dispose que :

« I. - Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :

« a) Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

« b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives.

« Un décret en Conseil d'Etat définit la nature des activités ci-dessus.

« II. - L'autorisation donnée peut être assortie le cas échéant de conditions visant à assurer que l'investissement projeté ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux visés au I.

Le décret mentionné au I précise la nature des conditions dont peut être assortie l'autorisation.

« III. - Le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance des prescriptions du I ou du II, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

« Cette injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations dans un délai de quinze jours.

« En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre chargé de l'économie peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimum de quinze jours, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier. Le montant de la sanction pécuniaire doit être proportionnel à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.

« Ces décisions sont susceptibles d'un recours de plein contentieux.

« Le décret mentionné au I détermine les modalités d'application du III.

* 2 Proposition de résolution n° 167 (2002-2003) présentée par M. Yann Gaillard, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les offres publiques d'acquisition.

Cette proposition de résolution prévoyait ainsi que le Sénat :

« Approuve, notamment dans la perspective des négociations à l'OMC, les objectifs de cette directive-cadre, qui vise à harmoniser les réglementations en matière d'offres publiques d'acquisition afin d'assurer une transparence des marchés boursiers européens et d'offrir aux actionnaires minoritaires des garanties comparables dans chacun des Etats membres ;

« Appelle à l'adoption rapide de ce texte, qui n'a que trop tardé ;

« Demande toutefois au Gouvernement de s'efforcer, dans la mesure du possible :

« - de promouvoir un seuil maximum de 50 % des droits de vote pour le déclenchement d'une procédure d'offre obligatoire au sens de la présente proposition de directive ;

« - de réclamer un encadrement des dérogations pouvant être apportées par les autorités de contrôle à la définition du « prix équitable » proposé par l'offrant aux actionnaires minoritaires ;

« - de veiller à ce que le respect des pactes d'actionnaires soit garanti jusqu'à la fin de l'offre publique d'acquisition ;

« - de s'opposer à ce que soient le cas échéant remis en cause, au cours de la négociation de la proposition de directive, les titres à droits de votes multiples ».

* 3 Proposition de résolution n° 405 (1998-1999) sur la proposition de treizième directive du Parlement européen et du Conseil en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition (n° E-598).

* 4 La résolution précisait ainsi :

« Considérant la nécessité d'adopter une directive d'harmonisation des réglementations en matière d'offres publiques d'acquisition afin d'assurer une transparence des marchés boursiers européens et d'offrir aux actionnaires minoritaires des garanties comparables dans chacun des Etats-membres ; (...)

« Considérant toutefois que la reconnaissance des « moyens supplémentaires » de protection des actionnaires minoritaires risque d'entraver le libre jeu des offres dans certains Etats-membres ;

« Considérant que la reconnaissance de « moyens réputés équivalents » à une offre obligatoire pour assurer la protection des actionnaires minoritaires ne doit pas conduire à vider de son sens l'application de la directive dans certains pays ; (...)

« Demande au gouvernement :

« - de s'assurer que le texte final de la directive réaffirme le principe de la libre circulation des capitaux afin que la législation des Etats-membres n'entrave pas le libre jeu des offres publiques d'acquisition ;

« - de s'assurer que la reconnaissance de « moyens réputés équivalents » à une offre obligatoire ne pourra pas être utilisée par certains pays dans le seul but de se soustraire aux prescriptions de la présente directive ; (...)

« - de favoriser l'adoption de la directive par le Conseil dans les meilleurs délais ».

* 5 Loi n° 2005-811 du 20 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

* 6 Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.

* 7 Cette expression est issue du rapport précité du groupe d'experts présidé par M. Jaap Winter.

* 8 Cf. « L'adoption de la directive européenne relative aux offres publiques d'acquisition » , Marianne Haschke-Dournaux, in Petites Affiches du 26 avril 2004.

* 9 Cf . « OPA : divine surprise ou faux semblant ? » , Mme Joëlle Simon in Revue européenne de droit bancaire et financier, 3 e trimestre 2003.

* 10 « Une offre publique (à l'exclusion d'une offre faite par la société visée elle-même) faite aux détenteurs des titres d'une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l'offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu'elle suive ou ait pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national » .

* 11 « Les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre ».

* 12 Principe que ne connaissent pas tous les Etats membres.

* 13 De 33,33 % en droit français.

* 14 Par exemple de gré à gré, auprès d'actionnaires familiaux de la société cible.

* 15 Dont l'article 5 de la directive donne une liste indicative : en cas d'accord entre l'acheteur et un vendeur, de manipulation de cours, d'événements exceptionnels affectant la pertinence des prix de marché, ou pour permettre le sauvetage d'une entreprise en détresse.

* 16 La période de dix semaines peut toutefois être prolongée, à condition que l'offrant notifie au moins deux semaines à l'avance son intention de clôturer l'offre.

* 17 Il s'agit d' « assurer la transparence et l'intégrité du marché des titres de la société visée, de l'offrant ou de toute autre société concernée par l'offre, afin d'éviter notamment la publication ou la diffusion d'informations fausses ou trompeuses » , qui constitue un des abus de marché dont la prévention et la répression sont visées par la directive-cadre 2003/6/CE du 28 janvier 2003 concernant les opérations d'initié et les manipulations de marché.

* 18 Directives 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ; directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs,directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs, et directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne..

* 19 Défini comme le droit pour un offrant d' « exiger de tous les détenteurs de titres restants qu'ils lui vendent ces titres pour un juste prix » .

* 20 Cf. Mme Joëlle Simon, op. cit.

* 21 Sur la responsabilité du directeur général et du directeur financier au regard de la certification des états financiers.

* 22 Notamment par la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier , qui a introduit le principe de l'offre publique obligatoire lorsqu'un actionnaire vient à détenir plus du tiers du capital ; la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières , et la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques , qui a renforcé la protection des salariés.

* 23 Essentiellement de manière indirecte, par les dispositions relatives aux franchissements de seuil et aux déclarations d'intention, à l'interdiction des participations croisées, aux délégations consenties par l'assemblée générale ou aux augmentations et réductions de capital.

* 24 Articles L. 433-1 et L. 433-2 relatifs aux offres publiques d'achat ou d'échange, article L. 433-3 relatif à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, article L. 433-4 relatif aux offres publiques de retrait et au retrait obligatoire.

* 25 Article L. 432-1 relatif à l'obligation de consultation et d'information du comité d'entreprise en cas de prise de participation externe ou dans le capital de la société.

* 26 Ce titre comporte ainsi huit chapitres détaillant les règles générales et dispositions communes, la procédure normale d'offre, la procédure simplifiée, le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique, la procédure de garantie de cours, l'offre publique de retrait, le retrait obligatoire et les offres publiques portant sur des titres de créance ne donnant pas accès au capital.

* 27 L'AMF a ainsi publié le 25 juillet 2005 un communiqué de presse intitulé « l'AMF fait le point sur les rumeurs d'OPA concernant Danone » , dans lequel elle précisait :

« Par application de l'article L. 621-18 du code monétaire et financier, qui dispose que l'Autorité des marchés financiers peut porter à la connaissance du public les informations qu'elle estime nécessaires , l'AMF confirme qu'elle a reçu, à sa demande, de PepsiCo, la confirmation que cette entreprise n'était pas, vis-à-vis de Danone, dans la situation visée par l'article 222-7 du règlement général de l'AMF.

« L'AMF a par ailleurs recommandé à PepsiCo de veiller au respect de son règlement général en cas d'évolution de la situation.

« Il est rappelé que l'article 222-7 du règlement général fait obligation à toute personne « qui prépare une opération financière susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier de porter à la connaissance du public les caractéristiques de cette opération » .

* 28 Dans ce cas topique de « pilule empoisonnée », l'AMF avait émis un avis argumenté mais circonstancié, dans lequel elle estimait que le dispositif, qui contribuait à terme à diluer Sanofi de 16 % dans le nouveau groupe, constituait un relèvement unilatéral du prix offert par l'initiateur de l'ordre de 25 %, susceptible de contrevenir au principe de libre jeu des offres et des surenchères. L'offre ayant été déclarée recevable par l'AMF, il n'appartenait pas à Aventis d'en modifier les termes de façon aussi radicale sans l'accord de Sanofi. Les bons de souscription émis ont ainsi été perçus comme un facteur de perturbation plutôt que de correction du marché, indépendamment de certaines controverses portant notamment sur leur caractère stipulé non transférable, alors que ce type de valeur mobilière est supposé être négociable.

* 29 Adoptée par deux sociétés de l'indice CAC 40.

* 30 Prévu par le II de l'actuel article L. 433-4 du code monétaire et financier.

* 31 Un seuil supérieur à 95 % serait requis dès lors que la participation originelle de l'initiateur serait supérieure à 50 % du capital et des droits de vote, hypothèse peu fréquente.

* 32 Selon l'expression utilisée par le groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés, précité.

* 33 I de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier.

* 34 Cf. commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.

* 35 La date du 20 mai 2006 correspond à la date limite à laquelle doit être transposée la directive OPA, selon son article 21.

* 36 Cf. commentaire de l'article premier du présent projet de loi.

* 37 Cf. commentaire de l'article 5 du présent projet de loi.

* 38 L'article 5 de la directive donne quelques exemples de circonstances où le prix de l'offre publique obligatoire peut être déterminé autrement que par le prix équitable : manipulation des cours, survenue d'évènements exceptionnels, sauvetage d'une entreprise en détresse...

* 39 Cf. commentaire de l'article 1 er .

* 40 Article L. 233-7 du code de commerce.

* 41 Article L. 433-3 du code monétaire et financier.

* 42 Article L. 433-3 du code monétaire et financier.

* 43 Article L.433-4 du code monétaire et financier.

* 44 Articles 234-6 et 234-8 du règlement général de l'AMF.

* 45 Discours devant l'Assemblée nationale, 18 avril 1989.

* 46 Cf. notamment, avis du 13 novembre 1998 du Conseil des marchés financiers sur l'action de concert déclarée entre SCDM et Financière du Loch. Il y a effectivement un accord dont l'objet porte sur les transferts de droits de vote mais il n'y avait pas « d'intérêt commun ».

* 47 Alain Viandier , « OPA/OPE et autres offres publiques » , Editions Francis Lefebvre 1999.

* 48 Cf. commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.

* 49 Cf. supra le paragraphe I du commentaire du présent article.

* 50 Cf. infra les commentaires des articles 12 à 17 du présent projet de loi.

* 51 Cf. supra le paragraphe I du commentaire du présent article. Ces seuils sont définis notamment à l'article L. 233-13 du code de commerce.

* 52 Définies par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale, les actions de préférence disposent d'un régime particulier d'origine statutaire ou conventionnelle défini à l'article L. 228-11 du code de commerce : avec ou sans droit de vote (simple ou double), elles offrent des droits particuliers qui peuvent être pécuniaires (par exemple, dividende ou remboursement prioritaires, priorité sur le boni de liquidation, conversion en actions ordinaires) ou extra-pécuniaires (représentation au sein des organes de direction ou de surveillance, droit spécifique d'information...).

* 53 Cf. infra le commentaire de l'article 18 du présent projet de loi.

* 54 Dans les contrats commerciaux, il est ainsi possible de prévoir l'insertion d'une clause permettant au co-contractant de mettre fin au contrat en cas de changement de contrôle de la société. S'agissant des contrats financiers, il s'agit par exemple de clauses prévoyant l'exigibilité anticipée d'un prêt, de telles dispositions augmentant le coût de la prise de contrôle.

* 55 Cette note d'information est en fait celle visée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier, lequel dispose : «Dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, l'Autorité des marchés financiers appose également un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition de titres de capital ou de titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne en France. La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique».

* 56 Ces conditions, délais et sanctions sont définis aux cinquième, sixième et septième alinéas de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier :

« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux huitième et neuvième alinéas de l'article L. 434-6.

« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux précédents alinéas ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce. Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents.

«La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué».

* 57 En particulier, il est fait référence à l'hypothèse d'une « offre publique d'acquisition » et non plus à celle d'une « offre publique d'achat » ou d'une « offre publique d'échange ». Par ailleurs, il est bien visé que la note d'information sur les orientations en matière d'emploi de l'entreprise qui effectue l'offre est définie au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier, et non au troisième alinéa de ce même article.

* 58 Conformément aux dispositions de l'article L 439-1 du code du travail, la notion de groupe est définie en conformité avec la législation sur le comité d'entreprise européen. Le groupe d'entreprises au sein duquel doit être constitué un comité de groupe est composé par une entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle, dont le siége social est basé en France .

Les dispositions relatives au comité de groupe sont applicables aux entreprises auxquelles s'applique la législation relative au comité d'entreprise. Un comité de groupe doit être mis en place dans les entreprises qui répondent à la définition de l'entreprise dominante et des entreprises qui contrôlent une ou plusieurs entreprises selon les articles 354, 355 et 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

* 59 Cf. supra le commentaire de l'article 7 du présent projet de loi.

* 60 Titre III, relatif aux offres publiques d'acquisition (articles 231-1 à 238-10), du Livre II relatif aux émetteurs et à l'information financière.

* 61 Articles L. 433-1 et L. 433-2 relatifs aux offres publiques d'achat ou d'échange, article L. 433-3 relatif à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, article L. 433-4 relatif aux offres publiques de retrait et au retrait obligatoire.

* 62 Rapport du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 27 juin 2005.

* 63 Cf. infra le commentaire de l'article 11 du présent projet de loi.

* 64 Articles L. 225-129 ( « L'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, une augmentation de capital immédiate ou à terme. Elle peut déléguer cette compétence au conseil d'administration ou au directoire (...) » ), L. 225-129-1 et L. 225-129-2 du code de commerce.

* 65 Article L. 225-204 du code de commerce : « la réduction du capital est autorisée ou décidée par l'assemblée générale extraordinaire, qui peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser (...) » .

* 66 Article L. 225-209 du code de commerce : « l'assemblée générale d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre d'actions représentant jusqu'à 10 % du capital de la société . L'assemblée générale définit les finalités et les modalités de l'opération, ainsi que son plafond » .

* 67 « La société visée et les personnes agissant de concert avec elle ne peuvent intervenir directement ou indirectement sur le marché des titres de capital ou donnant accès au capital de la société .

« Lorsque l'offre est réglée intégralement en numéraire, la société visée peut poursuivre l'exécution d'un programme de rachat d'actions dès lors que la résolution de l'assemblée générale qui a autorisé le programme l'a expressément prévu » .

* 68 « S'ils décident d'accomplir des actes autres que de gestion courante, à l'exception de ceux expressément autorisés par l'assemblée générale des actionnaires réunie pendant l'offre, les dirigeants de la société visée en avisent l'AMF afin de lui permettre de veiller à l'information du public et de faire connaître, s'il y a lieu, son appréciation » .

* 69 C'est-à-dire le conseil d'administration, dans le cas des sociétés « monistes », ou le conseil de surveillance ou le directoire.

* 70 En vertu des articles L. 225-47, L. 225-51-1, L. 225-53 ou L. 225-59 du code de commerce.

* 71 Cf. le cas des « bons Plavix » que les dirigeants d'Aventis avaient proposé à titre de mesure de défense, dans le cadre de l'offre de Sanofi en avril 2004.

* 72 Qui ne peuvent être envisagés si l'offre est en titres et non en numéraire, et sont plafonnés à 10 % du capital social de la société.

* 73 Il dispose que l'organe d'administration ou de direction de la cible « établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre, notamment son avis quant aux répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société et spécialement l'emploi ainsi que quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité de la société selon la description figurant dans le document d'offre ».

* 74 L'article 129 du décret du 23 mars 1967 prévoit ainsi que « les demandes d'inscription de projets de résolution à l'ordre du jour doivent être envoyés vingt-cinq jours au moins avant la date de l'assemblée réunie sur première convocation » .

* 75 Qui, rappelons-le, concerne les OPA de titres d'une société relevant du droit d'un Etat membre, « lorsque tout ou partie de ces titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé dans un ou plusieurs Etats membres » .

* 76 Rapport du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 27 juin 2005.

* 77 Il dispose ainsi que « compte tenu des disparités qui existent entre les mécanismes et les structures du droit des sociétés dans les différents Etats membres, ceux-ci devraient être autorisés à ne pas exiger des sociétés établies sur leur territoire qu'elles appliquent les dispositions de la présente directive qui limitent les pouvoirs de l'organe d'administration ou de direction de la société visée au cours de la période d'acceptation de l'offre ainsi que celles qui rendent inopérantes les restrictions prévues dans les statuts de la société ou dans des accords particuliers. En pareil cas, les États membres devraient, au moins, donner aux sociétés établies sur leur territoire le choix d'appliquer ces dispositions, ce choix devant être réversible. Sans préjudice des accords internationaux auxquels la Communauté européenne est partie, les Etats membres devraient être autorisés à ne pas exiger des sociétés qui appliquent ces dispositions conformément aux arrangements facultatifs qu'elles les appliquent lorsqu'elles font l'objet d'offres lancées par des sociétés qui n'appliquent pas lesdites dispositions du fait de l'utilisation de ces arrangements facultatifs » .

* 78 Dont le premier paragraphe dispose : « Les Etats membres veillent à ce que la décision de faire une offre soit rendue publique sans délai et à ce que l'autorité de contrôle soit informée de cette offre. Ils peuvent exiger que l'autorité de contrôle soit informée avant que cette décision soit rendue publique » .

* 79 Cf. « Rapport du groupe de haut niveau d'experts en droit des sociétés sur des questions liées aux offres publiques d'acquisition », remis le 10 janvier 2002.

* 80 Cf. infra , position de votre commission des finances.

* 81 Aux termes du II de l'article L. 233-16, le contrôle exclusif par une société résulte :

« 1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

« 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

« 3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet ».

* 82 Le III de l'article L. 233-16 du code de commerce précise que le contrôle conjoint « est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord ».

* 83 Article L. 233-10 du code de commerce :

« I. - Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société.

« II. - Un tel accord est présumé exister :

« 1° Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ;

« 2° Entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ;

« 3° Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;

« 4° Entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle.

« III. - Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements ».

* 84 Cf. supra le commentaire de l'article 4 du présent projet de loi.

* 85 La formulation communautaire pourrait en effet induire qu'une mesure de défense ne pourrait être autorisée par l'assemblée générale qu'antérieurement à la période de dix-huit mois précédant la publication de l'offre, soit une interprétation inverse de celle figurant dans le présent projet de loi. La version anglaise de la directive, qui dispose « no earlier than 18 months before the bid was made public » vient cependant confirmer cette appréciation d'une période maximale de dix-huit mois.

Le principe de l'approbation dans les dix-huit mois précédant la publication de l'offre permet également de mettre en place un délai « maîtrisé » plutôt qu'un délai dont seul le point d'arrivée serait connu, et qui rendrait valides des autorisations remontant à plusieurs années, alors même que la situation de la société aurait changé.

* 86 « En ce qui concerne toutes les mesures couvertes par le présent accord, chaque Membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays.

« Un Membre pourra maintenir une mesure incompatible avec le paragraphe 1 pour autant que celle-ci figure à l'Annexe sur les exemptions des obligations énoncé es à l'article II et satisfasse aux conditions qui sont indiquées dans ladite annexe.

« Les dispositions du présent accord ne seront pas interprétées comme empêchant un Membre de conférer ou d'accorder des avantages à des pays limitrophes pour faciliter les échanges, limités aux zones frontières contiguës, de services qui sont produits et consommés localement » .

* 87 Cf. supra le commentaire de l'article 10 du présent projet de loi.

* 88 Le premier paragraphe de l'article 7 dispose que « Les Etats membres prévoient que la période d'acceptation de l'offre n e peut être ni inférieure à deux semaines ni supérieure à dix semaines à compter de la date de publication du document d'offre . Sous réserve du respect du principe général prévu à l'article 3, paragraphe 1, point f), les États membres peuvent prévoir que la période de dix semaines pourra être prolongée, à condition que l'offrant notifie au moins deux semaines à l'avance son intention de clôturer l'offre » .

* 89 Article L. 227-13 du code de commerce : « les statuts de la société peuvent prévoir l'inaliénabilité des actions pour une durée n'excédant pas dix ans » .

* 90 Premier alinéa de l'article L. 229-11 du code de commerce :

« Les statuts d'une société européenne ne faisant pas appel public à l'épargne peuvent soumettre tout transfert d'actions à des restrictions à la libre négociabilité sans que ces restrictions ne puissent avoir pour effet de rendre ces actions inaliénables pour une durée excédant dix ans » .

* 91 Utilisées notamment par des sociétés telles que Danone, Alcatel ou Total.

* 92 « Dans une société dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, la cession de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts . Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.

« Une clause d'agrément ne peut être stipulée que si les titres sont nominatifs en vertu de la loi ou des statuts.

« Lorsque les statuts d'une société ne faisant pas publiquement appel à l'épargne réservent des actions aux salariés de la société, il peut être stipulé une clause d'agrément interdite par les dispositions du premier alinéa ci-dessus, dès lors que cette clause a pour objet d'éviter que lesdites actions ne soient dévolues ou cédées à des personnes n'ayant pas la qualité de salarié de la société.

« Toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle » .

* 93 En effet l'existence d'une clause d'agrément tend à dénaturer le caractère de la société anonyme, qui devient une société fermée empreinte d' intuitu personae .

* 94 Article 231-6 : « Sauf quand elle résulte d'une obligation législative, aucune clause d'agrément statutaire d'une société visée ne peut être opposée à l'initiateur d'une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de son offre » .

* 95 Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale.

* 96 « Toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions doit être transmise dans un délai de cinq jours de bourse à compter de la signature de la convention ou de l'avenant introduisant la clause concernée, à la société et à l'Autorité des marchés financiers. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont suspendus , et les parties déliées de leurs engagements, en période d'offre publique.

« La société et l'Autorité des marchés financiers doivent également être informées de la date à laquelle la clause prend fin ».

* 97 « Toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé et qui a été transmise à l'AMF, est présentée dans les notes d'information .

« Dès le dépôt du projet d'offre publique, toute autre clause d'accord conclu par les personnes concernées, ou leurs actionnaires, susceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation de l'offre publique ou son issue , sous réserve de l'appréciation de sa validité par les tribunaux, doit être portée à la connaissance des personnes concernées , de l'AMF et du public. Si, à raison notamment de la date de la conclusion de l'accord, la clause n'a pu être mentionnée dans la ou les notes d'information, les signataires s'assurent dès sa conclusion de la publicité effective de la teneur de ladite clause par voie de communiqué » .

* 98 La clause de sortie conjointe permet aux actionnaires minoritaires de se retirer de la société lorsque l'actionnaire majoritaire cède ses propres actions, les titres des minoritaires pouvant être acquis par l'acquéreur des titres cédés par le majoritaire.

* 99 Un actionnaire s'engage, par cette clause, à faire en sorte qu'un autre actionnaire puisse souscrire, au prorata de sa participation, aux futures augmentations de capital.

* 100 Le premier paragraphe de l'article 7 dispose que « Les États membres prévoient que la période d'acceptation de l'offre n e peut être ni inférieure à deux semaines ni supérieure à dix semaines à compter de la date de publication du document d'offre . Sous réserve du respect du principe général prévu à l'article 3, paragraphe 1, point f), les États membres peuvent prévoir que la période de dix semaines pourra être prolongée, à condition que l'offrant notifie au moins deux semaines à l'avance son intention de clôturer l'offre ».

* 101 Prévue par le paragraphe 2 de l'article 11.

* 102 Prévue par le dix-neuvième considérant de la directive.

* 103 Cf. articles L. 233-11 du code de commerce et 231-5 du règlement général de l'AMF.

* 104 Par actions « de jouissance » sont désignées, selon le deuxième alinéa de l'article L. 225-198 du code de commerce, les actions intégralement amorties (la société ayant remboursé aux actionnaires la totalité du montant nominal des actions en cause, à titre d'avance sur le produit de l'éventuelle liquidation future de la société ; cette opération, en pratique, est très rare).

* 105 Fondamentalement, davantage qu'au principe de proportionnalité énoncé par l'article L. 225-122 du code de commerce, la suppression du droit de vote déroge au principe, posé par l'article 1844 du code civil (et applicable à toute forme de société en vertu de l'article 1834 du même code), selon lequel « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives » .

* 106 Les actions « de préférence » ont été instituées par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, en réponse à une attente de la pratique et, en particulier, des investisseurs en capital-risque. Aux termes de l'article L. 228-11 précité, ces actions peuvent être créées lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent.

Ce nouveau type d'actions remplace les différents régimes de titres privilégiés que les sociétés par actions pouvaient jusque là offrir à leurs actionnaires, notamment le régime des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, créé par la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978. Les anciens titres privilégiés sont de fait appelés à disparaître ; dans cette attente, ils se trouvent actuellement régis par les articles L. 228-29-8 et suivants du code de commerce, issus de l'ordonnance n° 2004-604 précitée. En ce qui concerne plus particulièrement les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, depuis le 27 juin 2004, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-604, et conformément à l'article L. 228-29-8 du code de commerce, il ne peut plus être émis de telles actions, sauf émission en application de décisions d'assemblées générales antérieures.

* 107 Les actions « libérées » sont les actions dont la valeur nominale a été intégralement versée à la société émettrice.

* 108 Le troisième alinéa de cet article L. 225-123 précise en outre que le droit de vote double peut être réservé aux actionnaires de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Le premier alinéa de l'article L. 225-124 du code de commerce, par ailleurs, dispose que toute action convertie au porteur ou transférée en propriété perd le droit de vote double qui a pu lui être attribué en application de l'article L. 225-123 ; il réserve néanmoins les cas de transferts par suite de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, et de donation entre vifs au profit d'un conjoint ou d'un parent au degré successible, qui ne font pas perdre le droit acquis, ni n'interrompent le délai de deux ans d'inscription en principe nécessaire pour le doublement des voix.

* 109 En ce qui concerne les restrictions conventionnelles, cf. infra le commentaire de l'article 17 du présent projet de loi.

* 110 On rappelle qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier les statuts.

* 111 Cf. ci-dessus. L'article L. 225-125 vise expressément, en fait, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, dont on a déjà signalé que la réforme introduite par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 les avait vouées à l'extinction et que, depuis le 27 juin 2004, conformément à l'article L. 228-29-8 du code de commerce, il ne peut plus en être émis, sauf émission en application de décisions d'assemblées générales antérieures.

* 112 Pour mémoire, l'Autorité des marchés financiers, créée par la loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1 er août 20 03, est issue de la fusion de la Commission des opérations de bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline de la gestion financière.

* 113 Cf. rapport annuel de la Commission des opérations de bourse pour l'année 1993, p. 50-51.

* 114 Rapport au Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, 27 juin 2005, p. 11.

* 115 La même règle de majorité qualifiée aux deux tiers des voix s'applique aux assemblées spéciales, par renvoi du dernier alinéa de l'article L. 225-99 du code de commerce au troisième alinéa, précité, de l'article L. 225-96 du même code (les assemblées « spéciales », suivant la définition qu'en donne le premier alinéa de l'article L. 225-99 précité, réunissent les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée). Pour mémoire, les règles de quorum sont fixées, en ce qui concerne les assemblées générales extraordinaires, par le deuxième alinéa de l'article L. 225-96 et, pour les assemblées spéciales, par le deuxième alinéa de l'article L. 225-99.

* 116 Sur ces aspects de la directive 2004/25/CE, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 117 Il convient de noter qu'on retrouve cette définition du fait déclencheur dans les textes proposés par les articles 17 et 18 du présent projet de loi pour, respectivement, les articles L. 233-38 et L. 233-39 du code de commerce.

* 118 Le paragraphe III de cet article L. 233-10 décrit l'effet essentiel d'une action de concert en énonçant que « les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements ».

* 119 Cf. ci-dessus (I).

* 120 On rappelle que l'Autorité des marchés financiers est qualifiée d' « autorité publique indépendante » , et dotée de la personnalité morale, par l'article L. 621-1 du code monétaire et financier.

* 121 Cf. ci-dessus (I, in fine ).

* 122 Cette directive entend expressément la notion de marché « réglementé » au sens de la directive 93/22/CEE du 10 mai 1993 du conseil, relative aux services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières.

* 123 Depuis février 2005, l'Eurolist d'Euronext Paris regroupe toutes les valeurs, françaises et étrangères, jusque là cotées sur le premier marché (qui accueillait les sociétés les plus importantes par leur taille et par la diffusion de leurs titres dans le public), le second marché (qui, créé en 1983, était destiné aux entreprises de dimension plus modeste et leur donnait accès au marché financier) et le nouveau marché (lequel, créé en 1996, concernait de jeunes sociétés à fort potentiel de croissance, qui souhaitaient financer un développement dynamique).

Au sein du marché réglementé unique que constitue de la sorte Eurolist, les sociétés cotées sont classées par ordre alphabétique, mais elles font également l'objet d'une répartition en trois compartiments, distingués suivant un critère de capitalisation : le compartiment A regroupe les grandes valeurs (supérieures à 1 milliard d'euros) ; le compartiment B regroupe les valeurs moyennes (entre 150 millions et 1 milliard d'euros) ; le compartiment C regroupe les petites valeurs ( capitalisation boursière inférieure à 150 millions d'euros).

On notera que le lancement par Euronext, le 17 mai dernier, du marché Alternext, qui vise les petites et moyennes entreprises, a donné lieu à la création d'une nouvelle catégorie de marchés, le « système multilatéral de négociation organisé », qui n'est pas un marché réglementé au sens juridique, mais un marché « régulé » : ses caractéristiques (approbation des règles du système par l'AMF, mécanisme de garantie des cours, applicabilité de la législation relative aux abus de marché) le placent à mi-chemin du marché réglementé et du marché libre.

* 124 Sur ces limitations conventionnelles à l'exercice des droits de vote, cf. ci-dessous le commentaire de l'article 17 du présent projet de loi.

* 125 Cf. rapport précité, p. 11-12.

* 126 Pour une présentation d'ensemble du principe et de ses exceptions, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 16 du présent projet de loi.

* 127 On rappelle qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée à modifier les statuts.

* 128 L'article L. 225-125 vise expressément, en fait, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Ce type d'action, créé par la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978, a été voué à l'extinction par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales. Cette ordonnance, en effet, répondant à une attente de la pratique et, en particulier, des investisseurs en capital-risque, a remplacé par les actions « de préférence » (régies par les articles l'article L. 228-11 et suivants du code de commerce) l'ensemble des titres privilégiés que les sociétés par actions pouvaient jusque là offrir à leurs actionnaires. Aussi, depuis le 27 juin 2004, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, et conformément à l'article L. 228-29-8 du code de commerce, il ne peut plus être émis d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote, sauf émission en application de décisions d'assemblées générales antérieures.

* 129 Cf. rapport annuel de la Commission des opérations de bourse pour l'année 1993, p. 50-51.

* 130 Rapport au Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, 27 juin 2005, p. 11.

* 131 La même règle de majorité qualifiée aux deux tiers des voix s'applique aux assemblées spéciales, par renvoi du dernier alinéa de l'article L. 225-99 du code de commerce au troisième alinéa, précité, de l'article L. 225-96 du même code (les assemblées « spéciales », suivant la définition qu'en donne le premier alinéa de l'article L. 225-99 précité, réunissent les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée). Pour mémoire, les règles de quorum sont fixées, en ce qui concerne les assemblées générales extraordinaires, par le deuxième alinéa de l'article L. 225-96 et, pour les assemblées spéciales, par le deuxième alinéa de l'article L. 225-99.

* 132 Ainsi, l'article L. 233-3 du code de commerce considère qu'une société en contrôle une autre lorsque, notamment, elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires, et non contraire à l'intérêt de ladite société ; de même, l'article L. 233-10 définit l'action de concert comme l'action de personnes ayant conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société.

* 133 Cet article L. 233-38 prend place au sein de la nouvelle section V, « Des offres publiques d'acquisition », ajoutée au chapitre III du titre III du livre II du code de commerce par l'article 9 du présent projet de loi.

* 134 Cf. infra (B, 1).

* 135 Pour une analyse détaillée de ces aspects de la directive 2004/25/CE, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 136 Il convient de noter que, mutatis mutandis , ce schéma est exactement le même que celui que tend à mettre en oeuvre l'article 18 du présent projet de loi.

* 137 Remarquons que cette analyse vaut également, en ce qui les concerne, pour les articles 13 et 14 du présent projet de loi.

* 138 Cf. les observations portées à cet égard à l'occasion du commentaire de l'article 16 du présent projet de loi, dont la rédaction est sur ce point identique (comme elle l'est avec l'article 18).

* 139 Cette définition du fait déclencheur est identique à celle que proposent les articles 16 et 18 du présent projet de loi pour, respectivement, le second alinéa de l'article L. 224-125 du code de commerce et l'article L. 233-39 du même code. Pour une analyse détaillée, voir ci-dessus le commentaire de l'article 16.

* 140 On rappelle que l'Autorité des marchés financiers est qualifiée d' « autorité publique indépendante » , et dotée de la personnalité morale, par l'article L. 621-1 du code monétaire et financier.

* 141 Cf. ci-dessus (I,A).

* 142 Le présent article tend ainsi à permettre, en cas de réussite de l'offre, la mise en place du même type de dispositif que celui prévu, en période d'offre, par les articles 14 et 15 du présent projet de loi.

* 143 Cf. rapport précité, p. 11-12.

* 144 Cf. les articles 12 et 15.

* 145 Pour mémoire :

- hors le cas des administrateurs élus par les salariés (si les statuts le prévoient, suivant l'article L. 225-27 du code de commerce), les administrateurs, comme les membres du conseil de surveillance, sont nommés et révocables par l'assemblée générale constitutive puis, au cours de la vie de la société, par l'assemblée générale ordinaire (en vertu de l'article L. 225-18 du code de commerce en ce qui concerne les administrateurs et de l'article L. 225-75 du même code s'agissant des membres du conseil de surveillance) ;

- les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance (suivant l'article L. 225-59 du code de commerce) et révocables par l'assemblée générale ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance (conformément à l'article L. 225-61 du même code) ;

- enfin, le directeur général, de même que les directeurs généraux délégués sur proposition de ce dernier, sont nommés et révocables par le conseil d'administration (selon l'article L. 225-51-1 du code de commerce en ce qui concerne la nomination du directeur général, l'article L. 225-53 du même code pour la nomination des directeurs généraux délégués, et l'article L. 225-55 s'agissant de la révocation de ces dirigeants).

* 146 Cet article L. 233-39 prend place au sein de la nouvelle section V, « Des offres publiques d'acquisition », ajoutée au chapitre III du titre III du livre II du code de commerce par l'article 9 du présent projet de loi.

* 147 On rappelle que le « directeur général délégué », auxiliaire du directeur général, est une création de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

* 148 Cf. les observations portées à cet égard à l'occasion du commentaire de l'article 16 du présent projet de loi, dont la rédaction est sur ce point identique (comme elle l'est avec l'article 17).

* 149 Pour une analyse détaillée de ces aspects de la directive 2004/25/CE, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 150 Il convient de noter que, mutatis mutandis , ce schéma est exactement le même que celui que tend à mettre en oeuvre l'article 17 du présent projet de loi.

* 151 Cette définition du fait déclencheur est identique à celle que proposent les articles 16 et 17 du présent projet de loi pour, respectivement, le second alinéa de l'article L. 224-125 du code de commerce et l'article L. 233-38 du même code. Pour une analyse détaillée, voir ci-dessus le commentaire de l'article 16.

* 152 Cf. sur ce point les précisions données à l'occasion des commentaires des articles 16 et 17 du présent projet de loi.

* 153 On rappelle que l'Autorité des marchés financiers est qualifiée d'« autorité publique indépendante », et dotée de la personnalité morale, par l'article L. 621-1 du code monétaire et financier.

* 154 Cf. les explications données dans le commentaire de l'article 17 du présent projet de loi (II, D).

* 155 Cf. le rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, 27 juin 2005, p. 11-12.

* 156 Cf. ci-dessus (II, A, 2, in fine ).

* 157 Cet article L. 233-40 prend place au sein de la nouvelle section V, « Des offres publiques d'acquisition » , ajoutée au chapitre III du titre III du livre II du code de commerce par l'article 9 du présent projet de loi.

* 158 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 13 du présent projet de loi (article L. 233-35 du code de commerce).

* 159 Cf. ci-dessus les commentaires respectifs des articles 14 (article L. 233-36 du code de commerce, concernant les restrictions conventionnelles) et 15 (article L. 233-37 du code de commerce, concernant les restrictions statutaires) du présent projet de loi.

* 160 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 17 du présent projet de loi (article L. 233-38 du code de commerce).

* 161 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 18 du présent projet de loi (article L. 233-39 du code de commerce).

* 162 Pour une analyse détaillée de l'ensemble de ces aspects, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi.

* 163 Sur cette règle de réciprocité, cf. ci-dessus le commentaire de l'article 11 du présent projet de loi.

* 164 Cf. ci-dessus (I, A, 2).

* 165 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 10 du présent projet de loi.

* 166 Cf. ci-dessus les commentaires respectifs de ces articles.

* 167 De plus, suivant le troisième alinéa du même article L. 225-129-2, doivent faire l'objet de résolutions particulières les émissions mentionnées aux articles L. 225-135 à L. 225-138-1, L. 225-177 à L. 225-186 et L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce, ainsi que les émissions d'actions de préférence mentionnées aux articles L. 228-11 à L. 228-20. du même code.

* 168 Cf. ci-dessus les observations formulées à cet égard à l'occasion du commentaire de l'article 10 du présent projet de loi.

* 169 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 10.

* 170 Cf. l'article 1 er du code civil (premier alinéa, première phrase) : « Les lois [...] entrent en vigueur à la date qu'[elles] fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication ».

* 171 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 11.

* 172 Cf. ci-dessus le commentaire de l'article 10.

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