Article 21 -
(Articles L. 1323-1 du code de la santé publique, L. 253-1, L. 253-2 à L. 253-4 [nouveaux], L. 253-5, L. 253-6 à L. 253-8 [nouveaux], L. 253-14, L. 253-15, L. 254-1, L. 254-2 et L. 253-17 du code rural) -

Évaluation des risques des produits phytosanitaires et fertilisants

Cet article tend, de façon globale, à compléter le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en transférant du ministère en charge de l'agriculture à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) l'évaluation du risque lié aux intrants en agriculture, ainsi qu'en codifiant dans la partie législative du code rural un certain nombre de dispositions relatives aux produits phytosanitaires figurant actuellement dans sa partie règlementaire.

Le droit en vigueur

Le système français d'homologation des intrants (pesticides, matières fertilisantes et supports de culture) se caractérise par la concentration au sein du ministère en charge de l'agriculture des compétences d'évaluation des produits et d'autorisation de mise sur le marché. Les travaux d'évaluation sont en effet principalement menés par la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés, instance d'experts placée sous la tutelle du ministère en charge de l'agriculture, lequel assure par ailleurs le secrétariat de plusieurs autres instances consultatives 69 ( * ) .

Cette concentration des compétences d'évaluation et d'autorisation entre les mains du ministère n'est pas sans soulever des interrogations sur sa capacité à faire systématiquement preuve d'une parfaite objectivité, comme le reconnaît d'ailleurs très honnêtement le projet de loi dans son exposé des motifs : « il convient de souligner la difficulté croissante pour le ministère chargé de l'agriculture d'exercer ses prérogatives en intégrant l'approche nécessaire bénéfice/risque dans le domaine des intrants sans s'exposer à une suspicion de privilégier les intérêts socioéconomiques au détriment de la santé publique ».

Dans son récent rapport sur l'application de la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme 70 ( * ) , le sénateur Claude Saunier souligne ainsi que, bien que le principe « très important » de séparation de l'évaluation et de la gestion du risque fasse l'objet de recommandations de la part des principales organisations internationales compétentes en matière de sécurité alimentaire, il n'est pas à ce jour respecté en France.

Les dispositions du projet de loi initial

Afin de redonner clarté et légitimité au dispositif national d'homologation des intrants, il est donc proposé de confier à un établissement public de l'Etat, l'AFSSA, la compétence en matière d'évaluation des risques, tout en laissant au ministère en charge de l'agriculture le soin de délivrer les autorisations pour chacun des produits évalués. Cette solution a l'avantage de mettre un terme aux ambiguïtés du dispositif en faisant appel à un organisme déjà existant, dont la qualité de l'expertise est unanimement reconnue et qui possède d'ailleurs déjà des compétences dans le domaine des produits phytosanitaires 71 ( * ) .

Le paragraphe I tend à insérer, après le troisième alinéa de l'article L. 1323-1 du code la santé publique, un nouvel alinéa confiant explicitement à l'AFSSA la mission d'évaluer les produits phytopharmaceutiques, les adjuvants, les matières fertilisantes et les supports de culture pour l'application des dispositions du titre V du livre II du code rural consacré à la protection des végétaux.

Établissement public à caractère administratif placé sous la triple tutelle des ministères de la santé, de l'agriculture et de la consommation, l'AFSSA a actuellement pour objet, outre des missions d'appui scientifique et technique et des responsabilités particulières dans le domaine du médicament vétérinaire, l'évaluation des risques sanitaires et nutritionnels des aliments destinés à l'homme et à l'animal. Avec l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l'Institut de veille sanitaire (IVS), elle constitue l'un des trois établissements publics de l'Etat dont la création résulte de la loi 98-535 du 1er juillet 1998 précitée.

Sur un plan purement matériel, ce transfert de compétence pourrait s'accompagner d'un transfert auprès de l'agence de l'appui scientifique et du secrétariat actuellement exercé par une unité de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour la commission d'étude de la toxicité.

Traitant de la mise sur le marché des produits phytosanitaires, le paragraphe II modifie, dans son premier alinéa, l'intitulé du chapitre III du titre V du livre II du code rural qui devient « Mise sur le marché des produits phytosanitaires » et substitue à ses actuelles sections 1 « Dispositions générales » et 2 « Exercice du contrôle » une seule section intitulée « Dispositions générales » comprenant les articles L. 253-1 à L. 253-8. Provenant de la directive communautaire n° 91/414/(CEE) du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, les dispositions contenues dans ces articles, déjà transposées en droit national sous forme règlementaire, sont intégrées dans la partie législative du code rural afin, selon le Gouvernement, de les sécuriser juridiquement.

L'article L. 253-1 , composé de trois paragraphes, traite de façon générale des autorisations de mise sur le marché.

Issu de l'article 3 de la directive n° 91/414 (CEE) du 15 juillet 1991 précitée, le I de cet article a été codifié à l'article R. 253-7 du code rural. Dans son premier alinéa, il soumet l'utilisation et la détention de produits phytopharmaceutiques par l'agriculteur à une autorisation de mise sur le marché ou à une autorisation de distribution pour expérimentation délivrée dans les conditions prévues au chapitre III du titre V du livre II du code rural.

Dans son second alinéa, il interdit l'utilisation de tels produits dans d'autres conditions que celles prévues dans la décision d'autorisation.

Le II de cet article donne une définition technique des termes employés dans ledit chapitre, reprenant celles prévues par le droit communautaire et actuellement codifiées aux articles R. 253-1 et R. 253-7 du code rural.

D'une part, les produits phytopharmaceutiques sont définis comme les préparations contenant une ou plusieurs substances actives et les produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés présentés sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l'utilisateur final, destinés à :

- protéger les végétaux ou produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action ;

- exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, dans la mesure où il ne s'agit pas de substances nutritives ;

- assurer la conservation des produits végétaux à l'exception des substances et produits faisant l'objet d'une réglementation communautaire particulière relative aux agents conservateurs ;

- détruire les végétaux indésirables ;

- détruire des parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux.

D'autre part, la mise sur le marché est définie comme toute remise à titre onéreux ou gratuit autre qu'une remise pour stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté européenne. Il est précisé que constitue une telle mise sur le marché l'importation d'un produit phytopharmaceutique.

Reprenant le principe communautaire de reconnaissance mutuelle tel que figurant actuellement au paragraphe II de l'article R. 253-7 du code rural, le III de cet article prévoit qu'un produit phytopharmaceutique ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché sur le territoire français peut y être produit, stocké et y circuler dans la mesure où il est déjà autorisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne.

Non issu de dispositions communautaires, inexistantes sur ce point précis, le IV de cet article prévoit enfin que les dispositions du présent chapitre s'appliquent également aux adjuvants vendus seuls ou en mélange et destinés à améliorer les conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Reprenant l'article 8.4 de la directive n° 91/414 (CEE) du 15 juillet 1991 précitée transposé à l'article R. 253-50 du code rural, l'article L. 253-2 permet à l'autorité administrative d'autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique ne satisfaisant pas aux conditions légales de mise sur le marché dès lors qu'un danger imprévisible menaçant les végétaux ne peut être maîtrisé par d'autres moyens et que cette autorisation n'excède pas 120 jours.

Transposant dans la loi l'actuel article R. 253-4 du code rural, l'article L. 253-3 autorise l'autorité administrative à prendre, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention de produits pharmaceutiques.

Élevant au niveau législatif le contenu des articles R. 253-8, R. 253-9, R. 253-10, R. 253-48 et R. 253-49 du code rural, l'article L.253-4 est composé de trois alinéas.

Le premier charge l'autorité administrative, à l'issue d'une évaluation des risques et des bénéfices que présente le produit et sur avis de l'AFSSA, de délivrer une autorisation de mise sur le marché si deux conditions sont remplies :

- les substances actives contenues dans le produit doivent être inscrites sur la liste communautaire des substances actives, à l'exception de celles bénéficiant d'une dérogation prévue par la règlementation communautaire ;

- l'instruction de la demande d'autorisation doit avoir révélé l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement, son efficacité et sa sélectivité à l'égard des végétaux dans les conditions d'emploi prescrites.

Le deuxième prévoit la possibilité d'un retrait de l'autorisation s'il apparaît, après nouvel examen, que le produit ne satisfait pas aux conditions précédemment énumérées.

Le troisième renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions de délivrance, de retrait, de suspension ou de modification, la durée et les modalités de publication des autorisations de mise sur le marché.

L'article L. 253-5 requiert une nouvelle autorisation de mise sur le marché pour tout produit qui, bien que déjà autorisé, est affecté par une modification de sa composition physique, chimique ou biologique.

Transposant dans la loi l'actuel article R. 253-43 du code rural, l'article L. 253-6 prévoit dans son premier alinéa que les emballages ou étiquettes de produits phytopharmaceutiques dont la vente est autorisée portent d'une façon apparente, outre les renseignements que le vendeur doit fournir à l'acheteur en application des articles L. 253-12 et L. 253-13, les conditions d'emploi fixées dans l'autorisation de mise sur le marché.

Dans son deuxième alinéa, il ajoute à la liste des mentions obligatoires les précautions à prendre par les utilisateurs, notamment les contre-indications apparues au cours des essais et énoncées dans l'autorisation de mise sur le marché.

Reprenant au niveau législatif le contenu de l'actuel article R. 253-78 du code rural, l'article L. 253-7 dispose que toute publicité commerciale et toute recommandation pour les produits phytopharmaceutiques ne peuvent avoir pour objet que les produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et les conditions d'emploi fixées dans ces autorisations.

Reprenant dans la loi l'actuel article R. 253-77 du code rural, l'article L. 253-8 oblige le détenteur d'une autorisation de mise sur le marché à communiquer de façon immédiate à l'autorité administrative compétente toute nouvelle information sur les effets potentiellement dangereux pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement du produit autorisé.

Procédant à diverses mesures de coordination et d'amélioration rédactionnelle à l'intérieur du titre V du livre II du code rural, le paragraphe III de l'article 21 du projet de loi est composé des 1° à 6°.

Le procède aux changements de référence rendus nécessaires, dans les articles L. 253-14, L. 253-15 et L. 254-1 du code rural, par l'introduction des articles L. 253-1 à L. 253-8 dans le même code.

Le substitue à l'intitulé actuel du chapitre V « La distribution et l'application des produits antiparasitaires à usage agricole » un nouvel intitulé « La distribution et l'application des produits phytosanitaires » tenant compte de la nouvelle terminologie employée.

Le procède à une modification rédactionnelle à l'article L. 254-2.

Le reformule le 2° du I de l'article L. 253-17 du code rural, qui punit de deux ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende le fait de mentionner dans la publicité des informations autres que les emplois ou catégories d'emploi indiqués par les décisions d'autorisation de mise sur le marché. Il élargit cette disposition aux recommandations sur les produits phytopharmaceutiques en prévoyant qu'elles ne peuvent, au même titre que les publicités sur ce type de produit, faire état de conditions d'emploi autres que celles figurant dans l'autorisation de mise sur le marché du produit.

Le procède à une coordination au sein de l'article L. 253-17 du code rural.

Le tire les conséquences, dans le 4° du I de l'article L. 253-17 du même code, de l'élargissement aux recommandations de l'encadrement de la prescription de conditions d'emploi.

Le paragraphe IV de cet article procède à une renumérotation des sections 3 et 4 du chapitre II du titre V du livre II du code rural, qui deviennent respectivement les sections 2 et 3.

Le paragraphe V de cet article vise à sécuriser juridiquement les autorisations provisoires de vente délivrées en application de l'actuel article 253-7 du code rural pour des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives déjà sur le marché avant le 25 juillet 1993. Il prévoit ainsi explicitement leur maintien en vigueur, sauf décision contraire de l'autorité administrative, jusqu'au réexamen communautaire de leur substance active, conformément aux prévisions de l'article 8.2 de la directive n° 91/414 (CEE) du 15 juillet 1991 précitée, et au plus tard jusqu'au 1 er janvier 2011.

Enfin, le paragraphe VI de cet article prévoit l'entrée en vigueur des dispositions contenues dans ses paragraphes I à IV à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi. Il s'agit, par cette entrée en vigueur différée, de laisser le temps à l'AFFSA de bénéficier des transferts de moyens matériels nécessaires pour assurer convenablement ses nouvelles compétences.

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article quatre amendements présentés par le rapporteur de la commission des affaires économiques et tendant à :

- préciser, dans la rédaction proposée pour l'article L. 253-4 du code rural, que le décret en Conseil d'Etat fixant les conditions de délivrance, de retrait, de suspension ou de modification, la durée et les modalités de publication des autorisations de mise sur le marché, détermine également la durée des différentes phases d'instruction des dossiers et les délais maximums pour chacune de ces phases.

Les délais d'examen des dossiers sont particulièrement longs en France, puisqu'ils s'y élèvent à 156 semaines en moyenne, contre moins de 32 au Royaume-Uni et moins de deux ans dans la plupart des Etats membres. Cette situation pénalise les agriculteurs, contraints d'attendre souvent très longtemps la mise sur le marché des innovations en matière de produits phytopharmaceutiques. Elle n'incite pas, par ailleurs, au développement de la recherche et au développement de nouvelles solutions agronomiques. C'est afin de remédier à ces difficultés que l'Assemblée nationale a souhaité confier au texte règlementaire d'application le soin de fixer des délais pour l'examen des dossiers, à l'instar de ce qui existe déjà au Royaume-Uni ;

- préciser, dans le texte proposé pour l'article L. 253-6 du code rural, que les conditions d'emploi fixées dans l'autorisation de mise sur le marché que doivent porter de façon apparente les emballages ou étiquettes des produits phytopharmaceutiques dont la vente est autorisée doivent être écrits au moins en langue française.

Il s'agit en effet de faire en sorte que les informations et précautions d'emploi obligatoirement mentionnées sur les produits soient compréhensibles par une majorité d'utilisateurs ;

- apporter deux améliorations rédactionnelles.

Les propositions de votre commission

Votre rapporteur se félicite du transfert à l'AFSSA, dont les compétences sont unanimement reconnues, des missions d'évaluation de l'ensemble des intrants en agriculture, tout en soulignant la nécessité d'en réserver l'autorisation de mise sur le marché au ministère en charge de l'agriculture.

Il vous propose d'adopter deux amendements tendant :

- à prévoir un régime d'autorisation simplifié pour les demandes résultant d'une modification mineure de la composition d'un produit ;

- à apporter une précision rédactionnelle.

Votre commission vous demande d'adopter les amendements qu'elle vous présente et l'article ainsi modifié.

* 69 Commission des produits antiparasitaires et assimilés, commission des matières fertilisantes et des supports de culture.

* 70 L'application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, rapport de M. Claude Saunier au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, n° 185, 2004-2005.

* 71 Ainsi, l'article L. 1323-1 du code de la santé publique prévoit que l'agence « évalue les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l'alimentation ou aux animaux, y compris ceux pouvant provenir (...) de l'utilisation (...) de produits phytosanitaires ».

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